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LLn°12 : Les lettres elliptiques, Juste à la fin du monde, Jean

Luc Lagarce

Intro :

-Auteur : Voir LL n°11

-Extrait : Écrit en 90 par JLL, Juste à la fin du monde est un huit clos
familial reposant sur l’annonce par Louis à sa famille de la maladie qui le
condamne. L’œuvre ne sera cependant jouée qu’après le décès du
dramaturge. Le texte que nous allons étudier se situe au début de la
pièce, et laisse la parole à Suzanne qui va reprocher à son grand frère
Louis son manque de communication.

️Lecture de l’extrait

Pb : Comment la tirade se Suzanne révèle-t-elle les difficultés de


communication au sein de la famille ?

Mouvements :

1ermvt (l.1-7) : Les lettres elliptiques


2emvt (l.8-22) : Le don d’écrire…
3emvt (l.23-fin) : …réservé aux autres

Développement :
1ermvt (l.1-7) : Les lettres elliptiques

L1 : « Parfois », adv de temps, souligne le caractère irrégulier des envois


de lettre, comme un reproche
L1-2 : « envoyais », « envoie », polyptote (= même vb employé à des
temps différents), imparfait = actions achevées, => L . n’envoie plus de
lettres mais S. répète se phrase en se corrigeant
=>confusion temporelle : Suzanne n’arrive pas à situer dans le temps du
moins elle ne parvient à situer la présence de son frère, conséquence
d’une trop longue absence de ce dernier

Epanorthose, difficulté à s’exprimer, à trouver le mot juste

L3 : « Ce ne sont pas des lettres, qu’est-ce que c’est ? », phrase


interrogative et négative, difficulté à s’exprimer confirmée : Suzanne nie
ce qu’elle vient de dire, elle s’interroge sur ses propos
=> le discours de S. peine à progresser

« De petits mots, juste des petits mots, une ou deux phrases, rien,
comment est-ce qu'on dit ? elliptiques. », énumération dans une phrase
longue, hachée par de nombreuses virgules, S. tente de répondre elle-
même à sa question. Aucune aide extérieure n’intervient. Enumération
laborieuse et répétitive qui tente de s’approcher de la bonne définition.

* « petits mots », expression désignant des mots affectueux. Complétée


par l’adv »juste », modifie le sens=> mots courts, simples ou insignifiants

*si la qualité n’est pas présente, la quantité non plus comme le souligne
les déterminant numéraux « une ou deux phrases »

*adv « rien » montre que S. parle moins des lettres de L. que de la façon
dont elle les reçoit. Pour elle, ces mots sont vides, insuffisants.
*phrase interrogative : S. se questionne à nouveau, elle n’a pas réussi à
s’exprimer correctement. Le chemin vers la communication peine à
aboutir.
L6 : « « Parfois, tu nous envoyais des lettres elliptiques » ». Conclusion de
la quête du mot juste par répétition de la première phrase, mais complété
par l’utilisation de l’adj « elliptique »

Guillemets, donne à la phrase des airs de citation, comme s’il fallait


oublier ce qui la précède.

=>S. est certes maladroite dans on discours, mais elle affiche une volonté
de précision, de justesse dans le choix des mots.

2emvt (l.8-22) : Le don d’écrire…

« Je pensais, lorsque tu es parti (ce que j'ai pensé lorsque tu es parti),


lorsque j'étais enfant et lorsque tu nous as faussé compagnie (là que ça
commence), »,

*3 PSCC de temps, (lorsque…), expriment de plusieurs façons le départ de


L. : d’abord de manière objective puis envisagée selon l’exp perso. de S.,
enfin sur le ton du reproche. Il y a donc une gradation dans l’implicite de
chaque subordonnée, de plus en plus lourdes de sens.
Passages en parenthèses,
*commentaire que S. apporte à son discours., comme des apartés
qu’elle formule pour elle – même. => preuve d’un défaut de
communication car S. se parle plus à elle qu’a son frère

*Rectification progressive de la parole, moins dev et assumées que dans


le 1er mouvement. S. évite ainsi de se perdre à la recherche du mot juste.
« pensais », « ai pensé », polyptote, S. ne parvient pas à déterminer si son
action est terminée ou non. Elle se perd dans ses propres pensées
L9 : « (là que ça commence), », départ de L. = moment de rupture.
Pronom « ça » = impact néfaste qu’a eu le départ de L.

L10 : Reprise de « je pensais », tentative de compléter la phrase


précédente mais en vain, S. se perd en épanorthose et en répétition
donnant l’impression que le discours n’avance pas (ex : vb « faire », « dans
la vie », « être »)

L12 : métier de L. = écrivain. Cpdt on ne sait pas si c’est son métier réel ou
désiré. Le brouillage temporel crée par l’emploi de plusieurs temps
(imparfait, futur, conditionnel) prouvent que S. ignore la profession de son
frère.

L14 : nouvelle disgression : « nous », 1ere personne du pluriel., S. tente de


se faire porte-parole de la famille

« Une certaine forme d’admiration », compliment, se mêlant au reproche


« tu ne peux pas ne pas le savoir », « à cause de ça » « ça » = pronom
péjoratif. Distance entre L. et sa famille : alors que les membres de cette
dernière se sentent comme inferieurs à lui, L. ignore leurs émotions. On
sent une forme de rancune.

Répétition de « Une certaine forme d’admiration » S. à su trouver le


« terme exact » et le réutilise sans modification pour la première fois dans
le texte.

L16 à 19 : 3 PSCC de condition introduite par « si », digression qui vient


retarder la fin de la phrase. S. exprime sa vision du rôle de l’écriture : un
outil nécessaire pour « avancer » dans la vie. On comprend alors une
forme de jalousie ; le talent de L. apparait vecteur de sa réussite. N’ayant
pas ce talent pour trouver le mot juste, elle est pour sa part condamnée à
subir sa situation.

3emvt (l.23-fin) : …réservé aux autres

L22 : « mais » conjonction de coordination, rupture avec les idées


précédentes

Répétition de l’adv « jamais », phrase négative, par la négation forte de


cette phrase, S. reproche à L. son refus de partager son talent, d’en faire
profiter la famille.
« Nous », pronom désignant la famille, s’oppose à « tu », L. Le lien que
l’écriture pourrait créer entre eux n’existe pas.

L23 :« (on dit comme ça, c’est une sorte de don, je crois, tu ris) »,
parenthèses, telles une didascalie, nous indiquent la réaction de L. Il rit
car il est flatté ou bien est de la condescendance vis-à-vis de S., qui
l’admire avec naïveté.

L24 : « jamais, nous concernant, tu ne te sers de cette


qualité », épanorthose, S. doute à nouveau du choix de ses mots.
Tentative de correction en répétant la même phrase mais en remplaçant
le nom « don », qui désigné le talent de L., par un synonyme.

L25 : « - c'est le mot et un drôle de mot puisqu'il s'agit de toi – », ironie de


S. dans cette « parenthèse », S. commente son propre choix de mot car
elle ne le trouve pas adapté à son frère. Un mot si mélioratif semble
détonner pour parler de L. Aucun mot ne parvient à mettre les 2
personnages d’accord.
L26 : « jamais tu ne te sers de cette qualité que tu possèdes, avec nous,
pour nous. », épanorthose, les mêmes mots sont repris, seules deux
prépositions « avec » et « pour » nuancent les propos, elles viennent
confirmer le sentiment de rupture entre L. et sa famille.

De plus, on remarque que le discours de S. progresse encore une fois très


lentement.

L27 : « Tu ne nous en donnes pas la preuve, tu ne nous en juges pas


dignes. », 2 négations totales qui marquent le ressenti de S., elle pense
que L. la dénigre elle et sa famille, qu’il est juges incapables de
comprendre ce qu’il pourrait leur écrire.
Opposition entre le pronom « tu » et le pronom « nous », traduit un
sentiment d’infériorité mais également une rupture nette entre L. et sa
famille.

« C'est pour les autres. », phrase brève, retranscrit l’amertume de S. qui


parvient enfin à employer un ton beaucoup plus assertif.

Conclusion :
C’est donc tout au long d’une tirade ambiguë et laborieuse, que S. tente
de s’exprimer, de trouver les mots justes pour se faire comprendre et pour
partager sa peine et sa frustration. Et si l’on perçoit aisément ses
difficultés à construire un discours clair, on comprend aussi que ce n’est
pas la cause d’une communication rompue car L. qui, au contraire,
maîtrise l’art des mots, semble lui aussi échouer. Ce texte nous propose
donc une réflexion sur le poids des mots et le poids de leur absence.

Ouverture :
Plus loin dans l’œuvre, on retrouve une autre tirade, si ce n’est soliloque,
plus complexe et plus crue. Celui qui en ai l’auteur est Antoine, le frère de
L.

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