Personnages en marge, plaisirs du romanesque : exemples pour la
dissertation
Liens entre personnages en marge et romanesque :
Le personnage en marge est souvent un personnage en mouvement car il cherche soit à fuir les contraintes imposées par la société soit à lutter contre les obstacles que constituent ces contraintes, ce qui fait naître les nombreuses péripéties propres au romanesque : le hors-la-loi est souvent un personnage en fuite comme Edmond Dantès le héros du roman d’Alexandre Dumas Le Comte de Monte-Christo qui, injustement emprisonné, doit s’évader de la prison du Château d’If dans des conditions périlleuses et débuter une nouvelle vie sous une fausse identité (le mystère étant également une caractéristique romanesque)pour assouvir sa vengeance. C’est également le cas de Jean Valjean, le héros des Misérables de Victor Hugo : après avoir passé plusieurs années au bagne pour le vol d’un pain (destiné à nourrir les enfants de sa sœur !), celui-ci se heurte au rejet de la population en raison de son statut d’ancien forçat et c’est la rencontre avec un personnage particulièrement bienveillant, l’évêque de Digne , qui va déterminer sa nouvelle vie de bienfaiteur de l’humanité sous une fausse identité pour échapper aux poursuites du policier Javert (on retrouve là aussi le mystère qui entoure le personnage romanesque). Dans le roman d’Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles, il s’agit d’organiser une évasion de l’hôpital psychiatrique où est enfermée la mère du narrateur : toute la famille se déguise et s’enfuit en Espagne sous de fausses identités. Les personnages en marge sont également des personnages passionnés qui n’hésitent pas à s’écarter des normes pour donner libre cours à leurs sentiments, ce qui confirme leur aspect romanesque. C’est le cas dans le roman La Faute de l’Abbé Mouret d’Emile Zola une jeune prêtre (Serge) va connaître un amour interdit avec Albine, loin du regard de la société, alors que, atteint par la typhoïde, il est envoyé pour se soigner au "Paradou" une superbe propriété au jardin magnifique et luxuriant, endroit paradisiaque, sorte de jardin d'Eden inaccessible. Le roman En attendant Bojangles est également celui de l’amour fou entre les parents du narrateur en dépit de la maladie de la mère et de son aggravation progressive, maladie dont le père a conscience dès leur rencontre mais dont il accepte les conséquences parfois désagréables (comme lorsque la mère s’oppose à ce qu’il continue de travailler, oublie de s’habiller pour sortir ou met le feu à l’appartement en décidant de brûler la montagne de courriers qu’ils n’ont jamais ouverts…), au nom de cet amour inconditionnel.
Cependant, les personnages en marge s’écartent du manichéisme (= opposition entre le
bien et le mal) caractéristique du romanesque car ils ont souvent des personnalités complexes : c’est le cas par exemple, des personnages dotés de pouvoirs surnaturels (= caractéristique romanesque) qui peuvent susciter fascination et répulsion : Le personnage de Dracula dans le roman éponyme de Bran Stoker en est un bon exemple car il est à la fois attentionné et cruel avec ses victimes, aussi insaisissable que puissant (il défie la gravité, se transforme en chauve-souris ou en brouillard, il a une force physique surhumaine et possède le don hypnotique). On retrouve cette ambivalence dans La Morte Amoureuse de Théophile Gautier, une nouvelle fantastique qui raconte l’amour fou (= romanesque) entre la courtisane Clarimonde et le jeune prêtre Romuald qui, depuis leur rencontre, mène une double vie ; cependant, le frère Sérapion lui prouvera qu’il s’agit d’un vampire et l’incitera à la faire disparaître, laissant à Romuald d’éternels regrets sur son amour perdu.
Le personnage en marge s’écarte du romanesque aussi lorsqu’il permet une réflexion
sur la nature humaine : le personnage du monstre, qui subit sa marginalité sans l’avoir choisie, permet d’établir un contraste entre la laideur de l’apparence d’une part et les valeurs humaines et morales d’autre part, et ainsi de se poser la question : qui sont les véritables monstres ? c’est le cas de Quasimodo dans le roman Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, être rejeté de tous depuis sa naissance en raison de sa difformité mais qui est capable d’héroïsme pour sauver Esméralda. dans le roman Frankenstein de Mary Shelley c’est le cas de la créature créée puis abandonnée par Victor Frankenstein en raison de son apparence repoussante qui la condamne à l’errance et à la solitude. Alors qu’elle est rejetée de tous, c’est un personnage aveugle qui sera capable de déceler et d’apprécier sa part d’humanité. Cette créature (qui n’a pas de nom) suscite à la fois la pitié du lecteur mais également l’horreur car elle se vengera d’avoir été créée en ôtant la vie des êtres chers à Victor. on peut penser aussi au personnage de la Bête, dans le conte La Belle et la Bête de Mme Leprince de Beaumont, dont l’apparence est effrayante et qui peut tout d’abord paraître cruelle en retenant la Belle prisonnière mais ensuite le lecteur découvre progressivement, en même temps que la Belle sa bonté et son humanité.
Sur la société : le personnage en marge est souvent porteur d’une critique de la
société lorsqu’il choisit de vivre en dehors des normes. Nana, personnage du roman éponyme de Zola est une actrice devenue courtisane qui séduit les hommes les plus puissants de la société, créant des rivalités et semant le chaos autour d'elle. Elle enchaine les relations passionnées, captivant les cœurs des hommes riches et influents. Mais ces relations sont marquées par la trahison, la jalousie et la ruine, ce qui conduit à des conséquences tragiques pour tous les personnages. Nana finit par sombrer dans la déchéance, dépendante des plaisirs et en quête constante de reconnaissance. Zola dénonce ainsi, par l’intermédiaire de son personnage, une société de plaisirs dissimulée derrière un ordre moral. A travers elle, c'est également une revanche sociale du peuple que met en relief Zola car elle arrivera même à conquérir les nobles, comme le comte Muffat, qu'elle prendra plaisir à tourmenter. Nana est par avance condamnée, mais elle pourra toutefois auparavant venger les siens par son sexe, en déshonorant et ruinant ceux-là mêmes qui avaient précipité la mort des gens de sa classe . La Marquise de Merteuil dans Les Liaisons Dangereuses est un personnage fascinant par son intelligence, son esprit froid et calculateur. Son libertinage à elle n'est pas un jeu, c'est une façon de devenir égale aux hommes. Elle déteste l'amour car cela permet aux hommes d'exercer un pouvoir sur les femmes et condamne la passivité de ces dernières. Elle permet à l’auteur de dénoncer l’éducation et la place réservées aux femmes dans la société du 18ème.