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FICHE -BILAN – PONGE(1899-1988) – LE PARTI-PRIS DES CHOSES (1942)

NB : Références du manuel : p 491 ( Le pain), p 573( Le Cageot)

I) AUTEUR- CONTEXTE :

Né à Montpellier dans une famille protestante nîmoise originaire des Cévennes et aisée (le père
dirige l’agence du Comptoir National d’Escompte de Paris) . Enfance à Avignon, instruit par des
précepteurs puis au lycée Frédéric-Mistral ( nom d’un poète provençal) .Habite Caen de 1909 à
1917, étudie l’Allemand ( typiques des élites intellectuelles de l’époque) .A Paris, il suit de la gare
de l’Est à la Concorde un défilé organisé par Barrès ( extrême droite) .1915 : premiers poèmes .
Au baccalauréat, sa dissertation obtient la meilleure note de l’académie. 1916-1917 :
hypokhâgne à Louis-Le-Grand. Mars 1918 : reçu en première année de droit et admissible à la
licence de philosophie ; recalé à l’oral. Avril 1918 : mobilisé à Falaise, dans l’infanterie. 1919 :
admissible à l’entrée à Normale supérieure, abandonne l’oral . Inscription au parti
socialiste.1922 : premiers textes, rencontre de Jacques Rivière ( Nouvelle Revue Française : rôle
majeur dans la vie intellectuelle de l’époque) et de Jean Paulhan. Travaille chez
Gallimard .1923 : Trois satires (N.R.F.). 1926 : Douze petits écrits. 1930  : courte expérience avec
les surréalistes. 1931 : entre aux Messageries Hachette . 4 juillet, épouse Odette Chabanel.
1935 : naissance de sa fille Armande . 1937 : adhère au Parti communiste , 1939 : rejoint le IIIè
C.O.A. ( Commis et Ouvriers d’Administration) à Rouen. Eté 1942 : parution du Parti pris des
choses (N.R.F. Gallimard) . Automne : entrée dans la résistance . 1943 : séjour à Coligny (Ain)
et au Chambon avec Camus . 1944 : travaille au journal communiste Action, qu’il quitte en 1946.
En 1947, il ne renouvelle pas sa carte du Parti. Conférences à Paris et à Bruxelles . 1948 :
Proêmes, Le Peintre à l’étude . Collaboration avec des peintres : Dubuffet ( Matière et
mémoire) , Vulliamy ( La crevette) , Kermadec ( Le Verre d’eau), Braque ( Cinq sapates) . 1950 :
La Seine ( La Guilde du livre, Lausanne) . 1950-1951 : Conférences à Florence , puis Liège .
1952 : La Rage de l’expression .Entrée à l’Alliance Française. 1955 : conférences à Gand sur
Malherbe . 1956 : hommage de la N.R.F. Divers cycles de conférences . 1959 : légion
d’honneur . 1960 : conférence de Philippe Sollers à la Sorbonne sur Ponge . 1961 : Le Grand
Recueil( I Lyres . II Méthodes III Pièces). Conférences en Italie et Yougoslavie (« Pratique de la
poésie »). 1965 : Pour un Malherbe, Tome premier. Conférences aux Etats-Unis. 1966 : Visiting
Professor à Columbia University ( New York) . 1967 : Le Savon , Nouveau Recueil . 1970:
Entretiens avec Sollers . 1971: La Fabrique du Pré( Skira, Genève) . 1976 : Abrégé de l’aventure
organique (Derieux) . 1977 : L’Atelier contemporain , Comment une Figue de paroles et
pourquoi ( Flammarion) . 1983 : Nioque de l’avant-printemps , Petite suite vivaraise ( Fata
Morgana). 1981 : Grand Prix national de Poésie, 1984 : Grand Prix de poésie de l’Académie
française.1984 : Pratiques d’écriture, ou l’Inachèvement perpétuel ( Hermann) . 1986 :
Correspondance avec Jean Paulhan ( 1923-1968) . 1999 à 2OO2 : publication dans la Pléiade.
Mort à Bar-sur-Loup le 6 août 1988.2005 : Pages d’atelier ( 1917-1982), (Cahiers de la N.R.F.)

II) ENJEUX DE L’ŒUVRE :


1) Ponge se défie de l’idéalisme et de la métaphysique( cf la dureté de ses propos sur
Pascal , et la religion de manière plus globale ): il est pétri de culture classique ( cf
ses hommages à La Fontaine dont il admire la pureté d’écriture , à Malherbe dans
ses conférences + bas p 76 dans Notes pour un coquillage , il assimile Malherbe aux
« musiciens mesurés » qu’il admire, et à Boileau) .Ainsi dans Proêmes , Dix petits
chapitres , p 200 il cite en propos liminaire Boileau : «  Nous ferons une œuvre
classique( le choix de parler et d’écrire- et d’écrire selon les genres) mais après avoir
dit pourquoi(Boileau) ». C’est un brillant élève représentant de l’élite intellectuelle

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de l’époque, il a aussi vécu le désastre des deux guerres mondiales , la perte des
valeurs et repères. On peut ici songer au propos de Paul Valéry , constatant que
l’excès de rationalité porté par les élites intellectuelles d’avant-guerre a mené
l’Europe à sa perte : « Nous autres civilisations savons désormais que nous sommes
mortelles »( La Crise de l’esprit) . Il se défie donc de la tentation du lyrisme et de
l’épopée , il se défie aussi des systèmes de pensée ( p 186 «  C’est surtout (peut-
être) contre une tendance à l’idéologie patheuse( NB : < jeu entre « pâteux » et
« pathos ») , que j’ai inventé mon parti pris ) et face à la tentation, inverse, de
trouver le monde « absurde » ( Camus, Sartre , cf p 192 son ironie sur cette
position : «  Bien entendu le monde est absurde  ! Bien entendu , la mon-signification
du monde ! mais qu’y a-t-il là de tragique ? J’ôterais volontiers à l’absurde son
coefficient de tragique. Par l’expression , la création de la Beauté Métaphysique
( c’est-à-dire Métalogique) . le suicide ontologique n’est le fait que de quelques
jeunes bourgeois ( d’ailleurs sympathiques). Y opposer la naissance ( ou
résurrection), la création métalogique (la Poésie) ») il choisit le « parti pris des
choses » qui est aussi celui de l’humilité : l’homme est inclus dans le monde , il doit
y trouver sa juste place ( si Ponge se défie du mysticisme de Pascal, il fait tout de
même implicitement référence au passage des deux infinis dans les Pensées =
l’homme perdu entre l’infiniment grand et l’infiniment petit), réussir à vivre même si
sa situation lui semble dérisoire .Il choisit d’ observer le monde , les choses qui
l’entourent et de les recréer par le langage ( même si le poète est conscient des
limites de ce langage , dans la lignée de cette génération de « l’Ere du soupçon » )car
cela donne une raison de vivre au poète ( cf p 158-159 A chat perché , dans
Proêmes , où il explique que seule « la pose du révolutionnaire ou du poète » lui
permet d’échapper au désespoir « dans ce monde qu’(il) ne comprend pas, dont (il)
ne peu(t) rien admettre, où (il) ne peu(t) rien désirer ( nous sommes trop loin du
compte) »).
Il y trouve aussi une forme de plaisir d’être au monde qui a quelque chose de
contemplatif . Enfin , la démarche de Ponge inclut une distance par l’humour  : il nous
remet, et se remet , souvent en place ; la leçon d’humilité passe en effet d’abord par le
choix des objets , les plus dérisoires , les plus banals , il s’agit même souvent de
végétaux : idée provocante d’un refus de chanter l’homme , et d’un choix de chanter
l’inerte ,d’en redécouvrir les vertus cachés, de voir le monde autrement , ainsi chaque
objet devient un microcosme -cf l’huître , p 43 - intéressant en lui-même, que le poète
réenchante par le langage . Voir à ce sujet la description du « restaurant » Lemeunier p
70 , associé à un tableau ( cf « La boue et l’or » + Proust qui file des métaphores marines
en décrivant les « baignoires » d’un théâtre dans La Recherche) .

2) D’ailleurs, du point de vue du style , l’originalité, outre l’utilisation du poème en


prose (cf le mot -valise « proême » )réside dans des télescopages entre un lexique
descriptif technique, qui peut évoquer le documentaire, des propos pragmatiques
d’une part ,et d’autre part , une réflexion quasi philosophique sur le monde , une
réflexion sur l’acte poétique lui-même( mise en abyme constante et réflexion sur
le métalangage = un discours sur le discours) avec le jeu des métaphores, l’appel
aux sens étymologiques pour retrouver la valeur, et le goût, des mots et des
choses. Présence par ailleurs des procédés habituels à la poésie : allitérations ( p
37, 38,43,56, 41…) , anaphores ( p 61,65).

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_ Enfin , ce qui est récurrent dans cette œuvre est la réflexion sur l’acte d’écrire à
travers les « choses » évoquées : il est ainsi souvent question de traces ( baves des
escargots, « taches informes » de l’eau ( p 63) laissées « sur ce papier »).

NB : Pour l’humour , lire la dernière phrase du Pain , manuel p 491 : « brisons-la » = un
jeu de mots : brisons la croute du pain pour dévorer sa mie , mais aussi dans un sens
métaphorique «  brisons-là l’entretien poétique » et passons aux choses concrètes , c’est-
à-dire à table ( chute prosaïque : « moins objet de respect que de consommation » ; la
vie , avant la poésie ) + p 71 avec un euphémisme très politiquement correct pour
désigner le chômage ( « la fébrilité d’un zèle professionnel aiguillonné par le sentiment
de l’incertitude des situations dans l’état actuel de l’offre et de la demande sur le
marché du travail ») + pour le style en général paratexte manuel p 491. Voir aussi la
présence d’une forme d’auto-dérision quand dans le même temps il célèbre les objets
les plus humbles , fait l’éloge de l’humilité, mais avec un style parfois à la limite d’une
certaine forme de préciosité ( cf p 54 l’évocation de la bave « floculente » des escargots,
p 57 à propos de la mousse : «  Les patrouilles de la végétation s’arrêtèrent jadis sur la
stupéfaction des rocs ») .
On y trouve parfois des vers blancs ( L’Orange , p 41 : « L’orange a meilleur goût, mais
elle est trop passive  »/ « C’est faire à l’oppresseur trop bon compte vraiment : on dirait
du La fontaine).

III) Le Parti pris expliqué par Ponge :


-« Ce qui m’importe, c’est de saisir presque chaque soir un nouvel objet , d’en tirer à la
fois une jouissance et une leçon ; je m’y instruis et m’en amuse, enfin : à ma façon »( on
songe ici au croquis pris sur le vif d’un dessinateur, et à La Fontaine : « instruire en
amusant »).P 111( Proêmes, Préface aux sapates).
-« Il faut d’abord que j’avoue une tentation absolument charmante, longue,
caractéristique, irrésistible pour mon esprit. C’est de donner au monde , à l’ensemble
des choses que je vois ou que je conçois pour la vue, non pas comme le font la plupart
des philosophes et comme il est sans doute raisonnable, la forme d’une grande sphère,
d’une grande perle, molle et nébuleuse, comme brumeuse , ou au contraire cristalline
et limpide, dont comme l’a dit l’un d’entre eux le centre serait partout et la
circonférence nulle part, ni non plus d’une « géométrie dans l’espace », d’un
incommensurable damier, ou d’une ruche aux innombrables alvéoles tour à tour
vivantes et habitées, ou mortes et désaffectées, comme certaines églises sont
devenues des granges et des remises, comme certaines coquilles autrefois attenues à
un corps mouvant et volontaire de mollusque, flottent vidées par la mort, et
n’hébergent plus que de l’eau et un peu de fin gravier jusqu’au moment où un bernard-
l’hermite les choisira pour habitacle et s’y collera par la queue, ni même d’un immense
corps de la même nature que le corps humain, ainsi qu’on pourrait encore l’imaginer
en considérant dans les systèmes planétaires l’équivalent des systèmes moléculaires et
en rapprochant le télescopique du microscopique. Mais plutôt , d’une façon tout
arbitraire et tour à tour, la forme des choses les plus particulières, les plus
asymétriques et de réputation contingentes ( et non pas seulement la forme mais
toutes les caractéristiques, les particularités de couleurs, de parfums), comme par
exemple une branche de lilas , une crevette dans l’aquarium naturel des roches au bout
du môle du Grau-du-Roi, une serviette-éponge dans ma salle de bains, un trou de
serrure avec une clef dedans. Et à bon droit sans doute peut-on s’en moquer ou m’en

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demander compte aux asiles, mais j’y trouve tout mon bonheur  » (La Forme du monde ,
1928, in Proêmes , p 115,116).Noter ici la référence dans la prétérition aux deux infinis de
Pascal, et les motifs que l’on retrouvera dans les titres du recueil :l’huître, le mollusque ,
la crevette etc. // p 165 ( Ressources naïves, 1927)  : «  L’esprit, dont on peut dire qu’il
s’abîme d’abord aux choses(qui ne sont que riens) dans leur contemplation, renaît, par
la nomination de leurs qualités, telles que lorsqu’au lieu de lui ce sont elles qui les
proposent » ( l’esprit de l’homme doit s’effacer derrière les choses pour les comprendre)
// p 171 (ad litem) , 1931 : «  Et puis donc, aussi bien, qu’il est de nature de l’homme
d’élever la voix au milieu de la foule des choses silencieuses, qu’il le fasse du moins
parfois à leur propos »
-Toujours dans Proêmes , p 117-118 il revendique dans un texte de 1927 d’une part sa
méfiance vis-à-vis des sentiments , de l’idéalisme, sa crainte de l’embourgeoisement
( comme perte de candeur, d’énergie, de volonté de changer le monde, de singularité) et
d’autre part sa volonté de combattre par le langage, il prend le parti du langage : «  Mais
enfin, si e mettre ainsi à la disposition de son esprit, à la merci de ses impulsions morales,
si rester capable de tout cela est assurément le plus difficile , demande le plus de
courage,-peut-être n’est-ce pas une raison suffisante pour en faire le devoir  .A bas le
mérite intellectuel ! Voilà encore un cri de révolte acceptable. Je ne voudrais pas en
rester là ,- et je préconiserai plutôt l’abrutissement dans un abus de technique,
n’importe laquelle ; bien entendu de préférence celle du langage, ou RHETORIQUE.
(…) « Qu’est-ce que la langue, lit-on dans Alcuin ? C’est le fouet de l’air. » On peut être
sûr qu’elle rendra un son si elle est conçue comme une arme. Il s’agit d’en faire
l’instrument d’une volonté sans compromission,-sans hésitation ni murmure. Traitée
d’une certaine manière la parole est assurément une façon de sévir ».
-P 120( Les Façons du regard) : un art poétique : savoir regarder le monde pour savoir
le dire, pour lui donner la parole : « Il est une occupation à chaque instant en réserve à
l’homme : c’est le regard -de-telle-sorte-qu’on-le-parle, la remarque de ce qui l’entoure
et de son propre état au milieu de ce qui l’entoure  .Il reconnaîtra aussitôt l’importance
de chaque chose, et la muette supplication, les muettes instances qu’elles font qu’on
les parle , à leur valeur, et pour elles-mêmes,-en dehors de leur valeur habituelle de
signification,-sans choix et pourtant avec mesure  : la leur propre »(idée d’un regard à
l’échelle de l’objet, pas à la nôtre).
- cf aussi p 173 Introduction au galet  : « Comme après tout si je consens à l’existence
c’est à condition de l’accepter pleinement, en tant qu’elle remet tout en question ; quels
d’ailleurs et si faibles que soient mes moyens (P. = un contemporain de la crise du
langage et de l’Ere du soupçon) comme ils sont évidemment plutôt d’ordre littéraire et
rhétorique ; je ne vois pas pourquoi je ne commencerais pas , arbitrairement, par
montrer qu’à propos des choses les plus simples il est possible de faire des discours
infinis entièrement composés de déclarations inédites, enfin qu’à propos de n’importe
quoi non seulement tout n’est pas dit, mais à peu près tout reste à dire  ».

-Un texte clef = p 176 /177 , où il évoque une « table rase » dans son projet de dire les
choses : «  Je propose à chacun l’ouverture de trappes intérieures, un voyage dans
l’épaisseur des choses , une invasion de qualités, une révolution ou une subversion
comparable à celle qu’opère la charrue ou la pelle, lorsque, tout à coup et pour la
première fois, sont mises au jour des millions de parcelles, de paillettes, de racines, de
vers et de petites bêtes jusqu’alors enfouies. O ressources infinies de l’épaisseur des
choses, rendues par les ressources infinies de l’épaisseur sémantique des mots  !(…)La

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contemplation d’objets précis est aussi un repos, mais c’est un repos privilégié, comme
ce repos perpétuel des plantes adultes, qui porte des fruits (…)  Ainsi donc, si
ridiculement prétentieux qu’il puisse paraître, voici quel est à peu près mon dessein  : je
voudrais écrire une sorte de De natura rerum .On voit bien la différence avec les poètes
contemporains : ce ne sont pas des poèmes que je veux composer, mais une seule
cosmogonie. Mais comment rendre ce dessein possible ? ( il constate alors que
« plusieurs vies ne suffiraient pas » à tout lire sur chaque chose)Le meilleur parti à
prendre est donc de considérer toutes choses comme inconnues, et de se promener ou
de d’étendre sous bois ou sur l’herbe , et de reprendre tout au début  ». // p 199 , où il
revient sur la référence à Lucrèce : « (L’objet) ne figure pas seulement certains
sentiments ou certaines attitudes. Il les figure toutes : un nombre immensément varié ,
une variété infinie de qualités et de sentiments possibles ( « De varietate rerum » : G.
me disait que j’aurais pu ainsi intituler mon livre mieux que De Natura seulement »). La
« beauté » de la nature est dans son imagination, cette façon de pouvoir sortir
l’homme de lui-même ( NB : cf la théorie pascalienne du divertissement) , du manège
étroit, etc. Dans son absurdité même…. Le Freudisme, l’Ecriture automatique, le
Sadisme, etc. ont permis des découvertes. Scruter les objets en permet bien d’autres.
« Nostalgie de l’Unité », dites-vous…. – Non : de la variété ».

-P . 189( texte de 1944) , en présentant son ouvrage L’homme , il revient sur le projet du
parti pris , en expliquant que s’il parle des choses ce n’est pas pour occulter l’homme ,
mais au contraire par humanisme et c’est une première étape dans un projet plus vaste
: « Certainement, en un sens, le Parti Pris, Les Sapates, la Rage ne sont que des exercices.
Exercices de rééducation verbale.(…)Après une certaine crise que j’ai traversée, il me
fallait ( parce que je ne suis pas homme à me laisser abattre) retrouver la parole , fonder
mon dictionnaire. J’ai choisi alors le parti pris des choses. Mais je ne vais pas en rester
là . Il y a autre chose, bien sûr, plus important à dire : je suis bien d’accord avec mes
amis . J’ai commencé déjà, à travers le Parti Pris lui-même, puis par la Lessiveuse, le
Savon , enfin l’homme. La lessiveuse, le savon, à vrai dire, ne sont encore que de la haute
école : c’est l’Homme qui est le but (Homme enfin devenu centaure , à force de se
chevaucher lui-même…). 1°)Il faut parler ; 2°)il faut inciter les meilleurs à parler ; 3°) il
faut susciter l’homme, l’inciter à être ; 4°)il faut inciter la société humaine à être de
telle sorte que chaque homme soit. (NB = qu’elle permette l’épanouissement de chaque
singularité).Suscitation ou surrection ? Résurrection . Insurrection. Il faut que l’homme,
tout comme d’abord le poète, trouve sa loi, sa clef, son dieu en lui-même. Qu’il veuille
l’exprimer mort et fort, envers et contre tout . C’est-à-dire s’exprimer ( NB : comme on
exprime le jus d’une orange). L’homme social …(…) Il faut d’abord parler, et à ce
moment peu importe, dire n’importe quoi. Comme un départ au pied dans le jeu de
rugby : foncer à travers les paroles, malgré les paroles, les entraîner avec soi, les
bousculant, les défigurant. Puis, ne plus dire n’importe quoi. Mais dire ( et plutôt
indirectement dire) : « homme, il faut être. Société, il faut être ( et d’abord « France, il
faut être »). Et cependant faire attention que les paroles ne vous repoissent pas , qui
vous attendent à chaque tournant. Il faut faire attention à elles. Pas trop d’illusion
qu’on les domine. Un jeu d’abus réciproque, voilà pourquoi indirectement dire .  »// p.
194 : « Il semblerait ( …) que je dusse préférer encore ( à La Fontaine, Rameau,
Chardin ,etc.) un caillou, un brin d’herbe, etc. eh bien ! oui et non ! Et plutôt non !
Pourquoi ? Par fierté humaine, prométhéenne. J’aime mieux un objet, fait de l’homme
( le poème, la création métalogique) qu’un objet sans mérite de la Nature. Mais il faut

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qu’il soit seulement descriptif ( je veux dire sans intrusion de la terminologie
scientifique ou philosophique) . Et descriptif si bien qu’il me reproduise l’objet par le
compos des qualités extraites, etc. » (1943). // p 211 ( L’homme, 1943,1944) « Il faut
remettre l’homme à sa place dans la nature : elle est assez honorable. Il faut replacer
l’homme à son rang dans la nature : il est assez haut . »

 POUR UNE SYNTHESE : P 195 : «  Oui, le parti Pris naît à l’extrémité d’une philosophie
de la non-signification du monde( et de l’infidélité des moyens d’expression) . Mais en
même temps il résout le tragique de cette situation. Il dénoue cette situation. Ce qu’on
ne peut dire de Lautréamont, ni de Rimbaud, ni du Mallarmé d’Igitur, ni de Valéry .
Il y a dans Le Parti Pris une déprise, une désaffection à l’égard du casse-tête
métaphysique….Par création HEUREUSE du métalogique. »

IV) Le parti pris à travers quelques poèmes :


- 1) Il peut s’agir d’animaux , généralement petits ( ce bestiaire est toujours en lien
avec la notion d’humilité et nous renvoie comme chez La Fontaine à notre
condition d’homme) et /ou à coquilles ( métaphore du poète qui construit un
monument qui lui survit)  : P. 13  : évocation métaphorique de la tortue = un vieux
sage enfermé dans sa maison ; P 54, L’escargot , assimilé avec humour à la figure
de l’artiste, ambivalent (il produit une « bave d’orgueil » et leur coquille leur survit
, + usage de l’expression familière « après moi le déluge » + expression « ton sur
ton » qui évoque avec humour leur osmose avec la terre  ; mais « ils font œuvre
d’art de leur vie » et leur coquille est un « monument » + référence à la
« promenade professionnelle » du poète en quête de visions) ; l’huître , p 43 = un
microcosme , mais aussi une figure du poète ( cf la « formule » qui « perle à leur
gosier de nacre » = noter la préciosité de l’expression, en accord avec le propos , +
le télescopage avec l’expression familière- et polysémique- « à boire et à
manger »).Le Mollusque, p 50 ( « ce n’est donc pas un simple crachat , mais une
réalité des plus précieuses »-on peut ici songer à Lautréamont et à son Pou- , le
poète fait l’éloge de sa ténacité, et nous compare à lui : «  La moindre cellule du
corps de l’homme tient ainsi et avec cette force, à la parole ,-et
réciproquement »).Notes pour un coquillage , p 74= « une petite chose »
( toujours l’humilité) mais aussi « un énorme monument » à l’échelle des grains de
sable ( toujours la question de l’échelle et l’évocation du pouvoir du poète : « un
coquillage est une petite chose , mais je peux la démesurer en la replaçant où je la
trouve, posée sur l’étendue du sable » ) .La Crevette , p 87 à 89, être « pudique »
qui se soustrait à notre vue et est dupliqué à l’infini ( une image de l’homme ?)
- P. 56 , Le Papillon est associé à une « allumette volante » à un « pétale
superfétatoire » qui est « maltraité par le vent » et « venge sa longue humiliation
de chenille au pied des tiges » ( // orgueil humain. Notes pour un coquillage ( p
77) se termine sur l’idée de la vanité de toute existence : «  Et puis, après la fin de
tout le règne animal, l’air et le sable en petits grains lentement y pénètrent,
cependant que sur le sol il luit encore et s’érode, et va brillamment se désagréger,
ô stérile, immatérielle poussière, ô brillant résidu, quoique sans fin brassé et
trituré entre les laminoirs aériens et marins, ENFIN ! L’on n’est plus là et ne peut
rien reformer du sable, même pas du verre, et C’EST FINI ! » ( + mise en abyme : fin
du poème aussi , où l’écrivain a donné forme au monde).

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- 2) D’éléments  : P. 32 ( début du Parti pris)  : la Pluie est associée à un mécanisme,
par le biais d’un vocabulaire à la fois technique et métaphorique :
« ressort », « rouages », « machinerie »//comparaison des gouttes d’eau à des
« grains de blé ». Le poète s’appuie sur le bruit pour développer l’image de la
machinerie (« Chacune de ses formes a une allure particulière ;il y répond un bruit
particulier » dont les allitérations se font l’écho (« le glou-glou des gouttières, les
minuscules coups de gong se multiplient »). Enfin comme souvent dans les
poèmes de Ponge, la dernière phrase synthétise ( un sens évident de la formule
chez Ponge )la vision poétique, créée par le langage, tout en signalant sa fragilité
( ici, la vision disparaît, l’enchantement meurt : « Alors si le soleil reparaît tout
s’efface bientôt, le brillant appareil s’évapore : il a plu » Le passage souligné fait
référence à la fois à la machinerie décrite, et à la machine poétique , qui ne peut
transfigurer le monde que brièvement), cf aussi L’eau , p 61, qui , puissante,
échappe au poète qui veut la saisir (volonté dans le recueil de saisir l’informe , de
le structurer par la poésie) . Le même motif réapparaît de façon filée p 90 , 91 dans
Végétation , où on a l’image de la pluie (« traits d’union entre le sol et les cieux »)
associée à une machinerie par le biais des plantes qui la recueillent : «  cornues,
filtres, siphons, alambics » .Autre élément, Le Feu , p 47 , associé à des animaux .
- P. 33 La fin de l’automne est associée à « une tisane froide », à une
« grenouillerie »(néologisme expressif et familier à la fois) . On y trouve de
l’humour quand sont évoqués le passage à l’hiver ( « Voilà ce qui s’appelle un beau
nettoyage, et qui ne respecte pas les conventions ! ») , puis au printemps , avec
une référence à l’écriture : le poète nous signale qu’il n’évoquera pas ici tout le
cycle des saisons , le poète est joueur : « Mais là commence une autre histoire, qui
dépend peut-être mais n’a pas l’odeur de la règle noire qui va me servir à tirer mon
trait sous celle-ci » .
- De nombreux textes font par ailleurs référence au règne minéral : Bords de mer p
58 évoque la puissance des forces cosmiques et le mystère du monde (et par
opposition la faiblesse de l’homme), mais c’est aussi une réflexion sur la forme
poétique, la difficulté de dire ce qui est simple (« Les choses les plus simples dans
la nature ne s’abordent pas sans y mettre beaucoup de formes »+ passage final qui
associe l’océan à « un livre » qui « au fond n’a pas été lu »). Le galet , p 92 , qui
forme un diptyque à distance avec L’huître , puisqu’on y trouve le cosmos dans sa
totalité et à son origine. Noter l’humour au début et à la fin de cette méditation
sur l’univers : « Qu’on ne me reproche pas en cette matière de remonter plus loin
même que le déluge »(92) , « Trop heureux d’avoir pour ces débuts su choisir le
galet : car un homme d’esprit ne pourra que sourire, mais sans doute il sera touché
, quand mes critiques diront : « Ayant entrepris d’écrire une description de la
pierre, il s’empêtra » »(= sens étymologique).P 101= dernière phrase du recueil.

3) Beaucoup de poèmes évoquent, souvent par opposition au règne minéral,


l’univers végétal ( règne supposé de l’inerte, donc du dévalorisé, par opposition à
l’homme) : p 36 , Rhum des fougères ( transformation des fougères en paysage
exotique + personnification –« Des vierges prodiges sans tuteurs »- , +jeu sur les
clichés : femmes exotiques, végétation luxuriante, étymologie du mot Brésil – bois
exotique- , rhum) ; p 37 Les Mûres ( référence à l’écriture : jus des mûres = « goutte
d’encre » + dernière phrase « elles sont mûres- comme aussi ce poème est fait ») ; p
48 Le Cycle des saisons (les arbres à l’image des hommes , en particulier les

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écrivains , contents de produire toujours plus de feuilles , avant de prendre
conscience de leur vanité : « laissons tout ça jaunir , et tomber ») ; Les arbres se
défont à l’intérieur d’une sphère de brouillard , p 45 (image du cycle vital comme
dans la Fin de l’automne et Le cycle des saisons, idée finale d’humilité, par opposition
à l’homme : « La résignation de leurs qualités vives et de parties de leurs corps est
devenue pour les arbres un exercice familier » ).De la même manière dans Faune et
Flore , p 83 , le cycle vital est évoqué : « le temps des végétaux se résout à leur
espace, à l’espace qu’ils occupent peu à peu, remplissant un canevas sans doute à
jamais déterminé . Lorsque c’est fini, alors la lassitude les prend, et c’est le drame
d’une certaine saison. » ;La Mousse, p 57 est associée à une armée qui prend
possession des rocs et enferme tout un peuple( encore le microcosme , + quelque
chose proche de l’ heroïc fantasy » -Tolkien et les Hobbit – ou des Lilliputiens de
Swift) dont le système pileux se développe ( motif repris avec humour dans Le galet ,
p 95 : «  Envahis et fracturés par la germination, comme un homme qui ne se rase
plus, creusés et comblés par la terre meuble, aucun d’eux devenus incapables
d’aucune réaction ne pipe plus mot »). Là encore le végétal triomphe du minéral et
de l’humain.
- P 80 la « flore » est opposée à « la faune » , au bénéfice de la première , moins
tapageuse, plus humble , peut être plus évoluée, finalement : « Chez eux , pas
de soucis alimentaires ou domiciliaires, pas d’entre-dévoration : pas de terreurs,
de courses folles, de cruautés, de plaintes, de cris, de paroles. Ils ne sont pas les
corps seconds de l’agitation, de la fièvre et du meurtre ». Le poète associe même
les végétaux aux écrivains : ils « s’expriment » ( bas p 81= croître, mais aussi
communiquer) ; « ils ne s’occupent qu’à accomplir leur expression :ils se
préparent, ils s’ornent, ils attendent qu’on vienne les lire » , le mot « feuille » peut
d’ailleurs évoquer celle de l’écrivain (« Cette modification de la sempiternelle
feuille signifie certainement quelque chose », p 82. NB : on n’est proche de
l’oxymore avec une opposition entre l’immobilité apparente de la feuille , et son
processus de développement , invisible à l’œil nu et cependant réel , cf un haïku :
«  j’ai longtemps fixé la fleur du cerisier, je n’ai pas perçu le moment où elle a
commencé à se faner »).Enfin, il y associe les végétaux à l’acte d’écrire :
« L’expression des animaux est orale, ou mimée par gestes qui s’effacent les uns
les autres. L’expression des végétaux est écrite, une fois pour toutes . Pas moyen
d’y revenir, repentirs impossibles : pour se corriger, il faut ajouter ».Cf aussi le
poème de 1926 Mon arbre (p 153) où il compare son œuvre à venir à un arbre qui
« grandira lentement, se pourvoira de feuilles » . + P 221 le poème L’Arbre,
comme métaphore du poète .
-
- 4) Beaucoup d’autres sont des objets banals, voire dénigrés  : Le Cageot , p 38
(personnification , + toujours l’humour de la phrase finale : «  sur le sort duquel il
convient toutefois de ne pas s’appesantir longuement) ; L’orange , p 41 ( associée
à une éponge , avec une chute sur le pépin : toujours l’idée que le plus insignifiant
est l’essentiel : « somme toute petite quoique avec certitude la raison d’être du
fruit », + comme dans l’huître idée de microcosme= le pépin= un citron en
réduction , + jeux de mots : « expression »/ « oppression » - référence au travail
poétique ) ; La Bougie p 39 (associée à un végétal) ; La porte, p 44
( personnification : le bouton de porcelaine= son nombril).

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-
V) Ponge fabuliste ? Ponge moraliste ? Ponge philosophe ?
- 1)Comme nous l’avons vu en II) , Ponge rend à plusieurs reprises dans son œuvre
hommage aux écrivains classiques ( p 147 : «  Je ne considère pas que Malherbe,
Boileau ( NB : cf aussi p 200 ou il se réfère à lui quand il présente son projet , son
« art poétique ») ou Mallarmé me précèdent ,avec leur leçon. Mais plutôt je leur
reconnais à l’intérieur de moi une place » , Le Parnasse, p 192 «  je ne pense pas
qu’il faille chercher sa pensée, plus que forcer son talent (…) rien n’est bon que ce
qui vient tout seul. Il ne faut écrire qu’en dessous de sa puissance » ) à La
Fontaine ( il personnifie d’ailleurs souvent les objets, présence
d’anthropomorphisme dans l’évocation des animaux, + p 193 , éloge de l’écrivain :
« Si je préfère La fontaine- la moindre fable- à Schopenhauer ou Hegel, je sais bien
pourquoi . Ca me paraît : 1°)moins fatigant, plus plaisant ; 2°) plus propre, moins
dégoûtant ; 3°) pas inférieur intellectuellement et supérieur esthétiquement » + p
204 : « je préfère, et de beaucoup, une fable de La Fontaine à n’importe quelle
épopée).
- Dans la lignée de ces auteurs, il nous incite à l’humilité : cf p 76 : « Je souhaiterais
que l’homme, au lieu de ces énormes monuments qui ne témoignent que de la
disproportion grotesque de son imagination et de son corps (…) sculpte des
espèces de niches, de coquilles à sa taille ». P  94 , dans Le Galet , il évoque
l’insignifiance des hommes à l’échelle des choses ( ici la pierre) et venus après
elles : «Telle  est aujourd’hui l’apparence du globe. Le cadavre en tronçons de
l’être de la grandeur du monde ne fait plus que servir de décor à la vie de millions
d’êtres infiniment plus petits et plus éphémères que lui. Leur foule est par endroits
si dense qu’elle dissimule entièrement l’ossature sacrée qui leur servit naguère
d’unique support. Et ce n’est qu’une infinité de leurs cadavres qui réussissant
depuis lors à imiter la consistance de la pierre , par ce qu’on appelle la terre
végétale , leur permet depuis quelques jours de se reproduire sans rien devoir au
roc ». Cf aussi p 162, 163 , un propos qui n’est pas sans évoquer celui de
Lautréamont dans Le Pou  : « O hommes ! Informes mollusques, foule qui sort dans
les rues, millions de fourmis que les pieds du Temps écrasent ! vous n’avez pour
demeure que la vapeur commune de votre véritable sang : les paroles. Votre
rumination vous écoeure, votre respiration vous étouffe. Votre personnalité et vos
expressions se mangent entre elles . telles paroles, telles mœurs, ô société  ! Tout
n’est que paroles.
- On trouve en outre à plusieurs reprises dans son œuvre les motifs traditionnels
du memento mori et du carpe diem ( cf p 12 dans douze petits écrits le poème sur
César qui se termine par la vision de l’empereur qui « roule mort, gorgé/D’empire
et de nuées »). cf aussi le motif du cycle des saisons : poème du même nom p 48
+ La Fin de l’automne +De L’eau p 62 ( le titre évoque le « de… » des essais
antiques) et son « cyclisme perpétuel »( = polysémie de ce mot ).
- Les formes littéraires choisies évoquent par ailleurs l’argumentation . Ainsi Dans
les douze petits écrits, on trouve quatre « satires »( p 17/18 le Monologue de
l’employé , aliéné par une vie de routine matérialiste , peut faire songer au
Discours de la servitude volontaire de La Boétie et rend compte également des

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convictions politiques de l’auteur à cette époque , tout comme le Compliment-
ironique- à l’industriel p 19 ) , et « trois apologues »( dont un à Chaplin) .

- 2) De nombreux poèmes renferment une réflexion sur l’art, la nature humaine , la


destinée de l’homme : cf L’escargot , p 54-55, la fin est une moralité : « Saints, ils
font œuvre d’art de leur vie (…) Ainsi tracent -ils aux hommes leur devoir. Les
grandes pensées viennent du cœur. Perfectionne-toi moralement et tu feras de
beaux vers . La morale et la rhétorique se rejoignent dans l’ambition et le désir du
sage. Mais saints en quoi : en obéissant précisément à leur nature . Connais-toi
donc d’abord toi-même. Et accepte-toi tel que tu es. En accord avec tes vices . En
proportion avec ta mesure. Mais quelle est la notion propre de l’homme : la
parole et la morale. L’humanisme . »
- P 65 , avec Le Gymnaste , il ridiculise la prétention humaine ( il est « moins adroit
qu’un singe », comparé à un « ver », avant d’être assimilé au « parangon de la
bêtise humaine qui vous salue » , celle du poète lui-même aussi sans doute ,
virtuose des mots.
- P 78 avec Les trois boutiques ( « bijouterie, Bois et Charbons, Boucherie », et c’est
bien évidemment les deux dernières qui , dans leur simplicité, attirent son
attention) c’est une méditation sur notre orgueil ( les métaux «  sont seulement la
suite d’une action violente ou divisante de l’homme sur des boues ou certains
agglomérés qui par eux-mêmes n’eurent jamais de pareilles intentions » ; le texte
se clôt sur un « sujet de méditations » à propos de ce que dit le bois de notre
condition humaine : « 1°) le temps occupé en vecteurs se venge toujours, par la
mort.- 2°) Brun, parce que le brun est entre le vert et le noir sur le chemin de la
carbonisation, le destin du bois comporte encore- quoiqu’au minimum- une geste,
c’est-à-dire l’erreur, le faux pas, et tous les malentendus possibles. »
- La réflexion de l’auteur prend souvent une forme brève , du type aphorisme , ou
« pensée » , que ce soit à la fin du texte ou sous forme de fragments isolés: cf p
85 à propos des végétaux : «  La variété infinie des sentiments que fait naître le
désir dans l’immobilité a donné lieu à l’infinie diversité de leurs formes » . « Les
végétaux la nuit . L’exhalaison de l’acide carbonique par la fonction
chlorophyllienne , comme un soupir de satisfaction qui durerait des heures,
comme lorsque la plus basse corde des instruments à cordes, le plus relâchée
possible, vibre à la limite de la musique, du son pur , et du silence ».Pour le lien
avec le haïku, voir cet extrait de Proêmes , p 121 : «  Flot, requiers pour ta marche
un galet au sol terne/Qu’à vernir en ta source au premier pas tu perdes » ( = deux
alexandrins sur une page).Cf aussi p 193 : « Le chic serait donc de ne faire que de
« petits écrits » ou « Sapates », mais tels qu’ils tiennent , satisfassent et en même
temps reposent , lavent après lecture des grrrands métaphysicoliciens. »( à propos
de sa préférence pour La Fontaine) .
- P 214 , il affirme vouloir faire « un sobre ( NB : toujours l’idéal classique) portrait
de l’homme) .
-
- 3)Présence de nombreuses références au « bas » corporel ou à l’organique
(humilité du poète qui inclut sa dimension organique + référence à l’humanisme  :
homme = esprit + corps) : P 37 dans Les Mûres, l’insignifiance du fruit est indiquée
par ce qu’il en reste après digestion par les oiseaux ( « si peu de chose au fond leur
reste quand du bec à l’anus ils en sont traversés ») ; p 51 , les excréments des

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escargots sont évoqués , dans leur rapport fusionnel à la terre (« Ils en emportent,
ils en mangent, ils en excrémentent » =néologisme) ; P 57 à propos des mousses :
« les poils ont poussé » ;P 64 Le Morceau de viande .P . 66, portrait d’une jeune
accouchée , p 68 la porte des bureaux est comparée à un « sphincter » .
P. 103 il associe , dans une métaphore filée » ses « proêmes » à des « menstrues » ,
des « hémorragies périodiques » qui prouvent sa fertilité.
-
VI) Notes sur les pages 105 à 220 de l’édition NRF ( Proêmes).
-P. 109 , difficulté à écrire
-P 114 ( Témoignage)  : l’homme = corps + esprit ( humanisme de Ponge) : « A
l’épaisseur des choses ne s’oppose qu’une exigence d’esprit, qui chaque jour rend les
paroles plus coûteuses et plus urgent leur besoin ./ N’importe. L’activité qui en résulte
est la seule où soient mises en jeu toutes les qualités de cette construction prodigieuse,
la personne, à partir de quoi tout a été remis en question et qui semble avoir tant de mal
à accepter franchement son existence ».
-Sur l’amour , p 119 .
-P 122 , De la modification des choses par la parole.
-P 136 , hommage à Mallarmé.
- P 151 , il ironise sur les surréalistes .
-P 152 humour noir.
-P 155,156 : le poète est limité car il doit utiliser la langue commune ( les Ecuries
d’Augias).
- P 157 ( Rhétorique)  : il revendique « l’art de résister aux paroles » , « l’art de ne dire
que ce que l’on veut dire » ( rejet du culte du beau style, classicisme en somme) , « l’art
de les violenter et de les soumettre » ; il veut « apprendre à chacun l’art de fonder sa
propre rhétorique ». « Cela sauve les seules, les rares personnes qu’il importe de
sauver : celles qui ont la conscience et le souci et le dégoût des autres en eux-mêmes.
Celles qui peuvent faire avancer l’esprit, et à proprement parler changer la face des
choses ».
-P 181 : liens avec Camus , pour P. l’absurde réside surtout dans «  l’infidélité des
moyens d’expression », il y confirme sa défiance / langage  et analyse avec lucidité le
projet du Parti pris : « 1°) J’ai reconnu l’impossibilité de m’exprimer ; 2°)Je me suis
rabattu sur la tentative de description des choses(mais aussitôt j’ai voulu les
transcender ( = la tentation de l’idéalisme) 3°)J’ai reconnu (récemment) l’impossibilité
non seulement d’exprimer mais de décrire les choses. Ma démarche en est à ce point.
Je puis donc soit décider de me taire, mais cela ne me convient pas  ; l’on ne se résout
pas à l’abrutissement. Soit décider de publier des descriptions ou relations d’échecs de
description ». «  Il faut remettre les choses à leur place. Le langage en particulier à la
sienne-(obtention de certains résultats pratiques : passez-moi du sel ,etc.).
-p 187,188 : rejet de la religion et du communisme ( défiance / systèmes de pensée).+ p
213 : « (l’homme) a sorti de lui-même l’idée de Dieu. Il faut qu’il la réintègre en lui-
même »
- P. 190 , sur Valéry et Baudelaire .
- P 197 à 199 : Critique de l’Absurde.
- Bas p 205 , rejet du romantisme et de l’idéalisme  : « Ah ! vous êtes lion, superbe et
généreux ! eh bien !mon ami, je vais vous montrer tout ce qu’on peut être d’autre, aussi
légitimement… ».

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-Bas p 215 : volonté de relire Pascal « pour le démolir » ( rejet de la religion, de la
transcendance , cf p 216 : «  il faut réintégrer l’idée de Dieu à l’idée de l’homme. Et
simplement vivre. ») mais en même temps référence p 217 aux deux infinis : « Puisque
c’est un sujet si difficile, nous n’en dirons qu’une chose  : cette faculté d’équilibre, ce
pouvoir vivre entre deux infinis, et ce qui résulte moralement de la prise de conscience,
du dégagement de cette qualité ».

VII) Idée d’écrit d’appropriation :

- P. 67 : reformuler la description du bureau en la situant dans un cadre


contemporain.

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