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Léonard MAUVERNAY 1ère6

Dossier sur Francis Ponge,


« Le Parti pris des choses » (1942)

2021-2022 Mme COURTOT-CLAOUE


I/ Pourquoi ai-je choisi cette œuvre ? (21 lignes)

J’ai choisi « Le Parti pris des choses » car je vois en ce recueil, une sorte de dictionnaire peu commun
et intriguant, permettant au lecteur d’éprouver et percevoir de manière alternative ou simultanée, la
profondeur et l’épaisseur des mots comme des choses. De plus, cette dimension est complétée par
l’intéressante possibilité pour le lecteur de lire selon deux niveaux distincts (littéral et allégoriques) la
plupart des descriptions. De surcroît, il dépeint méticuleusement ces « microcosmes » (les choses
décrites sont très précises et forment rarement une idée générale) en les abordant comme des
« macrocosmes » offrant ainsi une véritable fresque détaillée pour chaque chose. Ces attraits du
recueil m’ont rendu la lecture plus amusante et agréable.

Selon moi, l’’œuvre de Ponge édifie un « nouvel » art poétique en prose (que je n’ai pas rencontré
auparavant) qui, s’appuyant sur de nombreux jeux linguistiques (polysémie, étymologie, métaphore…),
permet à l’auteur d’inscrire une poétique du langage transformant les réalités naturelles et physiques
en « phénomènes » linguistiques.

Par ailleurs, c’est l’intéressant aller-retour entre la réalité « sensible » des choses, leur représentation
et les signes graphiques comme linguistiques (permettant à Ponge de construire son œuvre) qui m’a
conforté dans mon choix. D’autant plus que cela offre à l’auteur un panel d’angles et moyens pour
décrire et dépeindre ces choses aussi différentes et précises. Cet attrait se retrouve notamment, dans
les éléments déclenchant l’écriture qui sont tantôt la définition du mot, ses consonnances, son
étymologie, sa graphie ; tantôt les sensations suscitées par la chose chez l’auteur.

Enfin, si j’ai choisi cette œuvre c’est que j’ai vu dans plusieurs descriptions et définitions, un lien
flagrant avec le parcours associé : « l’alchimie poétique, la boue et l’or ». On peut citer entre autres, la
création de mot-valise pour décrire au mieux (ex : amphibiguité = amphibie + ambiguïté) qui rentre
ainsi en concordance avec l’idée d’« alchimie poétique » porteuse du concept de créations et
expériences. Mais encore les termes « la boue et l’or » qui se retrouvent dans une description poétique
parsemée d’allusions tantôt mélioratives tantôt péjoratives souvent complémentaires et associées.

II/ L’œuvre a-t-elle été à la hauteur de mes attentes ? (17 lignes)

Je ne suis pas un lecteur friand de recueils poétiques puisque je trouve cela, sur un temps long, quelque
peu assommant et moins entraînant que d’autres genres littéraires. Cependant je me suis essayé à ce
recueil car le titre peu commun dont il est doté a suscité mon intérêt et piqué ma curiosité. Ma lecture
fut d’autant plus agréable par la découverte de cette vision poétique peu commune exposée par
Ponge. En effet, en tant que poète, il entend se faire le porte-parole de ce « monde muet » sur lequel
l’homme n’a cessé d’étendre sa domination. Et c’est tout particulièrement la banalité des choses
décrites tout en exposant la beauté de cette singularité qui m’a intéressé. En effet, les mollusques, le
cageot ou encore la cigarette sont des éléments du quotidiens auxquels personnes ne prête attention.
Il suggère ainsi subtilement au lecteur de renouveler son regard sur les objets et choses l’entourant.
Un autre point ayant facilité mon entrée dans la poésie pongienne, c’est que l’auteur s’en remet en
quelque sorte à la spécificité et aux attraits des choses pour définir la forme que chacune d’elle exige.
Ainsi cette conception permet au poète de ne pas élaborer un système de règles qui limitent et
encadrent l’expression poétique, mais plutôt d’acquérir la liberté de changer pour chaque poème.
Cette diversité offerte permet au lecteur de goûter à une écriture renouvelée et originale laissant
parfois place au mutisme ou au rire. Dernièrement, j’ai relevé avec amusements les maintes
interrogations et allusions que fait Ponge sur son statut d’écrivain, la pérennité de son œuvre ou
encore la définition de l’écriture (comme dans l’Escargot par exemple).
III/Lettre adressée à l’écrivain (21 lignes):

Cher Francis Ponge,

Je vous écris cette lettre, moi, simple lecteur de votre recueil, Le Parti pris des choses, dont vous êtes
l’auteur afin que vous éclairiez quelques interrogations m‘ayant traversées l’esprit. Premièrement, ces
« choses » qui constituent le cœur du recueil sont silencieuses et inanimées. Alors je vous pose la
question suivante, pourquoi et comment expliquez-vous cette fascination pour le silence ou le muet,
qui se retranscrit dans vos poèmes ? De plus, dans la même optique cet ensemble de choses décrites
dans vos 32 poèmes possèdent un point en commun, leur banalité. Cependant, aux vues du nombre
de choses au caractère banal nous entourant au quotidien, pourquoi avoir choisi précisément celles-
ci ? Détiennent-elles une place importante dans votre vie ?

Outre le fait que vous soyez décédé, si vous viviez à mon époque auriez-vous complété ou modifié ce
recueil pour parachever cette « objectif » de faire jaillir la beauté au cœur du quotidien ? Ou
considérez-vous votre œuvre comme aboutie ?

Etant féru d’histoire et de géopolitique, j’aime replacer une œuvre dans un contexte pour mieux en
saisir certains enjeux ou en tirer des explications. Je me demandais donc s’il était judicieux
d’interpréter, expliquer et lier ce besoin de donner la parole au monde muet (des choses) par le
contexte dans lequel vous avez écrit ces poèmes : celui d’après-guerre mondiale (la première) et d‘un
monde détruit ?

Enfin, cela est surement très anecdotique, mais chaque poème m’a semblé se rapprocher selon ses
thèmes des quatre éléments fondateurs (le feu, l’air, la terre et l’eau), est-ce voulu ?

En tous cas, je tenais à vous préciser par le biais de cette même lettre, que la lecture de votre œuvre
me fut très agréable.

Cordialement,

Léonard Mauvernay, 1ère6

IV/ Evolution des personnages, (en contrepartie, étude de la structure, du mouvement et de


quelques caractéristiques de l’œuvre…) (16 lignes):

Dans ce recueil composé de 32 poèmes en prose à longueur variable, il n’y a pas de


personnages. On peut du moins en commenter la structure, qui s’apparenterai à la coquille spiralée
d’un escargot, gagnant en longueur au fil des objets et choses décrits. En effet, le premier poème porte
sur la pluie et détient une longueur de deux pages environ tandis que le dernier poème, celui du Galet
est long de 12 pages ! Quant au mouvement auquel appartient ce recueil, il est difficilement cernable.
Cependant, ce travail de recherche sur la langue qu’il s’impose pour chaque objet renvoie à l’Art
poétique défendu auparavant par deux poètes qu’ils apprécient : l’Art Poétique d’Horace et L’Art
poétique de Boileau. Chez Ponge, on perçoit un retour à une forme de poésie didactique qui vise, bien
plus qu’à « charmer » son lecteur, à le convaincre. Ainsi, Le partis pris des choses se présente, sur
plusieurs plans, comme une rupture avec la poésie lyrique, le romantisme ou encore le symbolisme.
Enfin, il est intéressant de voir, la place de l’homme dans ce recueil, qui n’est pas sans dévoiler la satire
de celui-ci, que fait Ponge de manière subtile. L’Homme y est envisagé dans sa dimension sociale et se
trouve alors réduit à une mécanique artificielle et perçu dans sa dimension biologique. Il y condamne,
par ailleurs, la démesure humaine (qu’il a notamment pu observer durant la guerre) Cependant la
description renouvelée, poétique et unique en son genre de ces choses, orchestrée par Ponge a pour
but, selon lui, d’offrir l’occasion à l’Homme d’éprouver des sentiments nouveaux.

V/ Première de couverture

1)J’ai choisi comme proposition de première de couverture pour ce


recueil, La victoire, René Magritte (1939). Cette œuvre de Magritte
illustre à merveille, cette dimension poétique hors-norme attribuée
à un objet aussi banal qu’une porte, que l’on retrouve dans le recueil
Le partis pris des choses. Ainsi, comme pour Ponge, ce tableau
expose le regard nouveau, rêveur et artistique porté par le peintre
sur une « choses » du quotidien. De plus, seule cette porte est
représentée. Cela la place ainsi au cœur du tableau, tout comme les
nombreuses choses représentées qui constituent l’essence même
du recueil de Ponge.

2)A titre de complément ou seconde proposition, il me semble que


le « ready made », Roue à bicyclette, de Marcel Duchamp (1913)
pourrait être la première de
couverture d’une autre édition de
ce livre. Cette œuvre constitue, le
premier détournement d’objets
manufacturés pour en faire une œuvre d'art. Ainsi, par le simple
assemblage artistique d’un tabouret et d’une roue de vélo, il réalise
une œuvre d’art aujourd’hui exposé au centre Pompidou, un des
musées parisiens les plus importants et les plus visités. N’a-t-il pas,
comme Ponge, transformé et donné à ces objets noyés dans leur
banalité, un renouveau via l’expression artistique (chez Ponge
poétiquement et chez Duchamp matériellement) ? Par cet
assemblage, il conduit les visiteurs à changer notre vision vis-à-vis de
ces « choses » (ce qui constitue l’un des buts premiers de Francis
Ponge dans son recueil).
VI/Œuvre liée et complémentaire (18 lignes) :

J’ai la chance d’aller fréquemment à la comédie française depuis petit, et j’ai vu dans Le Parti pris des
choses, un écho avec une pièce de Christine Montalbetti à laquelle j’ai assisté il y a 3 ans : « La
Conférence des objets ». Cette œuvre me semble compléter et prolonger la lecture de ce recueil
puisque, dans le cadre de cette pièce, en plus de donner la parole à ce monde muet à la manière de
Ponge, les objets se voient conférer par Montalbetti, une liberté dans l’espace scénique et sont ainsi
théâtralisés. Seulement cinq choses sont mises en scène dans cette pièce : une lampe, une boîte à
couture, un pèle-pommes, un parapluie et un œil-de-tigre. Elles sont ainsi toutes originales mais
banales à la fois, rappelant ainsi l’attrait majeur des choses décrites poétiquement par Ponge. Dans
cette pièce, elle en exprime à travers des êtres inanimés des émotions fortes et des sentiments graves.
Elle croise son imaginaire avec celui des interprètes dans l’optique d’atteindre une évidence de
l’incarnation.

Cela prolonge selon moi l’œuvre de Ponge aussi car si les objets sont décrits et définis de manière
poétique comme dans Le parti pris des choses, ce travail se poursuit par un effort de mise en scène
conservant la « profondeur des mots » et la représentation libre, originale de ceux-ci dans l’espace et
par des acteurs ! Selon moi, c’est en quelque sorte la matérialisation de ce recueil à une autre époque,
plus moderne, le XXIème siècle et dans un autre genre : le théâtre. Francis Ponge fait donc jaillir du
quotidien la beauté et la quintessence des choses les plus banales par la poésie, là ou Montalbetti le
fait de manière théâtrale. Ces deux méthodes, au grand plaisir des spectateurs et lecteurs, peuvent
conduire tantôt au rire tantôt à l’étonnement.

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