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La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique
qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la
Cordillère des Andes.
Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four
stellaire, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses... Et
tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec
application couche ses feux, - sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente.
Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges :
feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois.
Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes
des autres, et la masse en devient friable...
Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de
consommation.
❖ Introduction
Plan : Le titre
Paragraphe 1 : Aspect extérieur du pain : description générale
Paragraphe 2 : Aspect extérieur du pain : description se précisant
Paragraphe 3 : Aspect intérieur du pain
Paragraphe 4 : Chute brutale et conclusion
❖ Explication linéaire
Le titre :
“Le Pain”, il s'agit du titre du poème présentant l'objet comme une entrée du dictionnaire
avec l'article défini “Le”. L'auteur prépare le lecteur à lui faire lire une définition du nom
commun “Le pain”. En effet, Ponge souhaite que son texte puisse se substituer au
dictionnaire, à ce Littré qui le fascinait, enfant, quand il y découvrait un “monde verbal” aussi
réel que le monde des choses.
Chute du poème, dernière phrase complexe du poème créant une véritable rupture
délibérée. Phrase visuellement isolée du reste du poème commençant par la conjonction de
coordination “Mais” à valeur d'opposition. Le texte jusqu'ici descriptif devient injonction
proposant une action comme en témoigne l'emploi de l'impératif présent “brisons-la”. Francis
Ponge rompt l'éloge poétique pour nous inviter à la consommation. La phrase verbale “le
pain doit être dans notre bouche” a un double sens : il doit l'être pour le manger ainsi que
pour en parler. Ce n'est pas un hasard si ce poème s'achève sur le nom commun
“consommation”. L'auteur nous incite à consommer, c'est-à-dire à profiter des choses
simples de la vie. Le pain est un objet banal, un objet de consommation destiné à nourrir les
hommes, c'est la nourriture première de toute civilisation. II s'agit également d'une nourriture
symbolique et religieuse. C'est le corps du Christ dans la religion chrétienne. Mais à trop
vouloir sacraliser les choses, on devient incapable de les considérer pour ce qu'elles sont
réellement. C'est pourquoi, Ponge rappelle la réalité matérielle de l'objet, le rôle essentiel du
pain. Il s'agit d'une simple invitation prosaïque à la consommation, rien de plus. Il faut
savourer le pain comme on savoure les mots, autrement dit : prenons le parti du pain, tout
simplement.
❖ Conclusion
Synthèse : Objet du quotidien, Ponge met en avant toute l’étendue des possibles dans la
création poétique : à l’image du boulanger, le poète effectue un travail d’artisan sur la
langue.
Ouverture :
❖ Vocabulaire
Complaisance : disposition à s'accommoder aux goûts, aux sentiments d'autrui pour lui
plaire.
Voûte céleste : concept astronomique issu de l'Antiquité, qui décrit l'hémisphère situé au-
dessus de l'observateur, lui permettant de positionner les différents astres dans le ciel et de
leur donner des coordonnées précises.
Sacraliser : revêtir quelqu'un, quelque chose d'un caractère sacré, les considérer comme
sacrés.