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FICHE BAC 

:
Gargantua, Rabelais

Extrait 1 : Prologue de l’auteur


(Du début jusqu’à « … bataillent tellement »)

Introduction :

« Mieux vaut de rire que de larmes écrire, Parce que rire est le propre de l’homme. », Rabelais
cherche à transmettre au lecteur la bonne éducation humaniste de Gargantua à travers le rire.
Cet auteur du XVIème siècle fait également la synthèse de l’héritage gréco-romain et chrétien
en insistant sur les capacités intellectuelles humaines.
Gargantua, qu’il publie en 1534, deux ans après Pantagruel, est considéré comme une œuvre
majeure de la Renaissance regroupant les thèmes qui caractérisent la période, comme l’idée
que l’homme est fondamentalement bon.
Ainsi, le roman relate l’histoire du père de Pantagruel, en décrivant la naissance extraordinaire
du géant, sorti par l’oreille gauche de sa mère après onze mois de grossesse. Rabelais tourne
en dérision ses héros en les mettant dans des situations risibles et burlesques par leur caractère
comique.
Cet extrait compose le prologue du roman à travers lequel l’auteur nous livre une clé de
lecture afin de comprendre véritablement les sens de l’œuvre au-delà de son aspect comique.
L’humaniste cherche avant tout à instruire son public par le rire.

Problématique :
Nous pouvons donc constater que le prologue mêle légèreté du comique et
références philosophiques antiques.
Comment permet-il à Rabelais de présenter son œuvre comme une énigme
à résoudre : une œuvre aux allures grotesque dans laquelle le lecteur doit
déchiffrer et trouver le profond et le sérieux ?

Plan :
Nous analyserons différents mouvements
- Une entrée en matière étrange (ligne 1 à 3)
- Une description des silènes (lignes 3 à 10)
- Le retour à Socrate (10 à la fin)

I) Une entrée en matière étrange (ligne 1à 3)

A) Une apostrophe déconcertante, un lien proche avec le lecteur

- Le prologue de l’auteur débute avec une apostrophe double aux lecteurs. Rabelais s’adresse
aux personnes qui lisent son livre, ce qui attendu et normal. Car en effet, une des
caractéristiques principales d’un prologue est de renseigner les lecteurs sur l’œuvre.
- Dans cette apostrophe est présente une double antithèse « Buveurs très illustres » et « vérolés
très précieux » (ligne 1) qui renvoie au corps peut-être sous forme dégradée ou bien sous une
forme décomplexée et épanouie à travers les substantifs « vérolés » et « buveurs ». Cela
marque une opposition avec les adjectifs épithètes « illustres » et « précieux » qui sont
présents sous une forme insistante, notamment avec la présence de l’adverbe d’intensité
« très ».
- Rabelais suggère que ses lecteurs possèdent une qualité rare et exemplaire.
- Cette apostrophe est donc familière et déconcertante.
- L’auteur avec les mots « et vous » semble vouloir établir une relation de complicité et de
partage avec le lecteur, que l’on pourrait presque qualifier d’amicale.
- La parenthèse « (car c’est à vous, et à nul autre, que sont dédiés mes écrits) », est une forme
d’insistance qui fait du lecteur une personne privilégiée.

B) Un début d’exposition du point de vue de Rabelais

- Rabelais utilise cette première partie du prologue afin de commencer à énoncer ses différents
points de vue.
- La parenthèse en plus d’établir un lien avec le public, est une façon d’exclure de la lecture les
personnes qui ne sauraient pas s’amuser ou rire. Cela illustre le fait que Rabelais demande à
ses lecteurs de savoir rire et de ne pas prendre au sérieux tout ce qui peut être dit.
- Sans transition logique, une référence au monde antique suit l’apostrophe : il est question du
Banquet de Platon et de deux de ses « personnages » : Alcibiade et Socrate (Platon est un
philosophe grec antique et Le Banquet est un dialogue philosophique entre plusieurs
personnages dont Alcibiade, portant sur la nature de l’Amour).
- Cette référence indique l’érudition de l’auteur et semble supposer que la suite du prologue
sera plus sérieuse que son entrée en matière. Elle suppose aussi l’érudition du lecteur qui doit
être capable de la comprendre.
- Cette remarque doit néanmoins être nuancée : Alcibiade est bien un personnage du Banquet
(et à ce titre, une référence sérieuse), mais il est un personnage qui fait irruption, ivre, dans le
banquet en question pour déclarer son amour à Socrate.
- Alcibiade réalise donc un mélange de comique et de sérieux que l’on retrouve dans
Gargantua. Il s’agit ici d’un comique plus fin, plus érudit, que celui des premiers termes.
- Le philosophe Socrate est traité avec révérence : il est « le prince des Philosophes ». Par cette
périphrase, Rabelais dit l’admiration qu’il a pour lui, ce d’autant plus que la phrase est
modalisée par « sans discussion » (ligne 3).
- Le roman est donc, dans ses premières lignes, un roman qui affiche un. Intérêt (courant à
l’époque de la Renaissance) pour l’Antiquité.
- Rejetée en fin de phrase, la dernière proposition (« qu’il est semblable aux silènes ») provoque
la surprise du lecteur : Silène est en effet le nom d’un satyre dans la mythologie grecque,
généralement représenté sous la forme d’un homme ivre et laid et, par extension, le nom
donné aux satyres qui accompagnent le dieu Dionysos, le dieu du vin et de la vigne.
- Ainsi la dernière partie de cette entrée en matière relance l’intérêt du lecteur, d’une part, parce
que cette comparaison est peu flatteuse et entre en tension avec l’éloge de Socrate qui précède.
Enfin parce que l’imager de l’homme ivre tranche avec l’idée reçue l’mage généralement
admise du philosophe.

Transition : Le prologue, discours de l’auteur à ses lecteurs, est donc placé à la fois sous le signe du
comique léger, de la surprise, et de l’érudition

II) Présentation des silènes (lignes 4 à 10)

Le deuxième mouvement s’emploie à présenter les « silènes » mentionnées plus haut.


Rabelais suscite de nouveau la curiosité du lecteur en appliquant le nom du satyre Silène à un
objet disparu (« une boîte ») : l’adverbe « jadis » indique un temps ancien. L’auteur se fait
maître et le prologue se fait « leçon de choses ». Afin de permettre au lecteur d’imaginer
l’objet, l’auteur emploie une comparaison (introduite par « comme » et mettant en scène des
objets usuels, connus). Le ton est didactique et tout comique disparait de la première partie de
la phrase. La référence aux « apothicaires » (qui sont des vendeurs de plantes médicinales,
ancêtres des pharmaciens) introduit une métaphore médicale qui se poursuit plus loin dans le
prologue et qui laisse entendre que l’objet en question joue un rôle dans le soin que l’ont peur
apporter à un homme malade.
La fin de phrase (à partir de « peintes au-dessus ») est descriptive. Rabelais peint l’aspect
extérieur des boites. Les illustrations qui les ornent sont tout d’abord caractérisées de façon
peu précises, uniquement par leur caractère grotesque : ce sont des « figures comiques et
frivoles ». Le ton est toujours didactique et le rire est ici présent en tant qu’objet du discours,
objet dont on parle. Il y a donc un glissement par rapport aux premières lignes : l’auteur, après
avoir employé le comique, s’intéresse au comique en tant qu’objet d’étude

Conclusion
Dans cette préface, Rabelais s’adresse directement à ses lecteurs, un peu comme s’il était avec
eux dans une taverne. Sur le ton de l’humour, il utilise des images étonnantes et grotesques,
les boites des apothicaires, l’os à moelle. Il met en scène ces images, il nous fait imaginer les
situations. 
Toutes ces images sont liées, elles construisent le même jeu d’opposition : d’une part,
l’apparence extérieure est joyeuse, drôle ou grotesque, et d’autre part, l’intérieur est profond,
difficile à atteindre, mais d’une grande valeur. Ces métaphores représentent précisément le
discours de Rabelais et son but dans l’écriture de ses livres : amener ses lecteurs à devenir des
abstracteurs de quintessence. Humaniste, il souhaite amener les êtres humains à devenir plus
savants, il pense que l’instruction et la connaissance sont la clé d’une société plus
harmonieuse.

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