Séquence le roman: COLETTE Parcours : la célébration du monde BALZAC • Dramaturge (le faiseur), romancier • L’homme des records • Dépensier, endetté • Roturier, pseudo noble (Honoré Balzac) • Journaliste mais aussi études de droit & clerc de notaire => “faire concurrence à l’Etat-civil” • Comédie humaine: 2000 personnages, plus de 90 romans • Saga Romanesque • Tours, Saché • Époque : il est contemporain de Hugo, Musset, Dumas (père) • Le lys dans la vallée roman auquel Balzac tient beaucoup, paraît en feuilleton dans La revue de Paris • Entre La peau de chagrin et Les illusions perdues Le lys dans la vallée (1836) • Parmi les Etudes de mœurs puis incorporé aux Scènes de la vie de campagne • Jeune homme Félix de Vandenesse, sorte de double de Balzac, parti étudier à Paris loin de sa famille peu aimante, écrit à sa fiancée Nathalie. Dans sa lettre, il relate son retour en province (Touraine), et là où vit sa famille mais aussi une certaine Henriette de Castries, femme mariée, mère de famille, d’âge mur dont il est tombé amoureux et qui est son idéal féminin. • Début du roman, relation du retour au pays avec l’évocation du souvenir exalté de cette femme qu’il surnomme « le lys dans la vallée » • NOTA BENE le lys, référence florale des poètes de la Renaissance, fleur symbole de royauté et de noblesse. L’extrait 3 mouvements • Lignes 1-6 amorce nostalgique: trompeuse? • Lignes 6-16 (jusqu’au tiret) l‘illusion (par l’abus de la toponymie) d’un paysage géographique • Lignes 16-30 espace mental qui est celui du fantasme amoureux
TEMPS => PAYSAGE => ESPACE
On note que les trois mouvements vont en s’amplifiant , ce qui contredit la reduction du champ de Paris > Chinon > Frapesle. A l’atrophie du monde réel s’oppose donc l’expansion du monde rêvé et sensible. 1er mouvement: une nostalgie trompeuse? • Discours sur le temps « mon enfance » groupe liminaire + « souvenirs » + « gâter », « me restait » ou « se familiariser » qui renvoient au devenir et aux habitudes. • Temps ancien du plus-que-parfait (« avaient conduit », « avaient gaté »), + temps long l’imparfait de durée : « je m’étais », « j’étais ». Le texte indique déjà que le passé ne se rattrape pas en le cantonnant au passé dans le passé ou au passé figé voire sclérosé. • Dans ce passé, nul héroïsme: les sujets des verbes principaux ne sont pas le héros narrateur: les « promenades » sont sujet du verbe conduire, les courses de gâter, le sujet du verbe restait est impersonnel (« il me restait ») et même le sujet de « respirer » est une abstraction « le sentiment du beau qui respirait ». • Début peu engageant, sous le signe de la négation syntaxique « ne m’avaient pas conduit », « ne m’avaient gâté » ou grammaticale «néanmoins », « quoique » en début de phrases chaque fois. Même si le narrateur veut croire à un retour aux origines rassurant, le texte indique déjà que le refuge dans le passé ne donnera rien de bon. 2e mouvement : l’illusion d’un tableau paysager • Abondance écrasante de mention topographiques « Frapesle », « Champy », « Chinon », « Saché », « Artanne », « Montbazon », « Ballan». • La plupart de ces mentions dont on pourrait croire qu’elles créent l’illusion du vrai vérifiable, sont de nature à nous perdre plus qu’à nous renseigner: « la route de Chinon, bien au-delà de Ballan » ne peut parler à personne sauf aux tourangeaux, et encore. => si les marqueurs de lieu servent à indiquer, en surabondance, n’ont-ils pas plutôt vocation à perdre les lecteurs? = ce qu’annonçait déjà la succession de sentiment du beau / poésie/ idéal au mouvement précédent. • Le lieu est moins réaliste que scénarisé et dramatisé. Il est rendu pittoresque par la nostalgie du personnage-narrateur. (2e mouvement, suite) • Puissance de l’imaginaire médiéval: « gens à pied ou à cheval », « Charlemagne » • Connivence « landes dites de Charlemagne » • Le narrateur entraîne l’adhésion forcée de sa destinataire par l’énonciation offensive « qui vous entraîne » et par les reprises via les démonstratifs « ces landes », « ce chemin » • Plaisir de raconter et de préciser qui valorisent le locuteur plus qu’ils ne renseignent la destinataire de cette description: « landes dites de Charlemagne » avec les appositions de + en + longues « terres en friches », « situées au plateau du bassin du Cher de celui de l’Indre, « et où mène un chemin traverse que l’on prend à Champy » (un groupe nominal puis un groupe participial puis deux systèmes relatifs coordonnés entre eux); la gradation traduit le plaisir de détailler. • Animation du paysage: dialectique séparation/réunion (symbolique du couple) « sépare/joignent » et tournures pronominales qui font du paysage personnifié un automate « se découvre », « se roule ». Lexique du mouvement : « onduler », « bondir », « mouvements ». • Termes mélioratifs « magnifique », « remarquables », réf. aux pierres précieuses « émeraude » • Symbolique du serpent : sinuosité, adhérence au sol (lien à la terre) mais aussi le symbole sexuel et la réf. biblique à la tentation: puissance suggestive de l’extrait qui prépare au mouvement suivant. • Intensité de l’image rendue par le passé simple: fulgurance de l’action brève et ponctuelle « je fus saisi », « je m’appuyai ». 3e mouvement : la célébration de la femme aimée qui surgit sur fond de décor naturel = surgissement lyrique • Tiret pour marquer la rupture de ton, le ravivement de la narration • Reprises sous la forme d’apposition « cette femme, la fleur de son sexe » ou de reprises anaphoriques « ce lieu, le voici? » pour marquer l’hébétement • Légitimité de cette femme installée dans le présent d’habitude qu’elle provoque : « je me repose », « je reviens » • Imparfait de durée inachevée pour traduire le plaisir qu’il y a à l’imaginer : « elle demeurait » , et de description « le soleil faisait pétiller » • Tableau lumineux: champ lexical de la vue « voir », « soleil », « midi », « pétiller », « vitre, « fenêtre », « entrevoir », «blanc » « remarquer », « entrevoir »= passage du jaune vif éclatant au lys immaculé et délicat 3e mouvement (suite) célébration de l’amour • Nature généreuse: « noyer », « vignes », « hallebergier », « lys », « peupliers », « chênes », « vignobles » = association de grands arbres productifs (« noyers », « chênes », « hallebergiers ») qui produisent du bois noble et robuste, et aussi des productions fruitières (« vignes », « hallebergiers », « vignobles ») = nature triomphante et féconde • Ponctuation expressive (« […] le point blanc que je remarquai dans ses vignes! » et typographie « LE LYS DE CETTE VALLEE » mise en valeur de la périphrase florale • Verticalisation « soleil », « croissait », « ciel », « peupliers » = apothéose du paysage d’autant plus que le héros insiste sur sa vision fascinée en contre- plongée par quatre emplois de la même préposition (« noyer sous lequel », « sous mon noyer », « sous un hallebergier ») • Emballement du narrateur dans la phrase finale l.25-30 « L’amour infini […] je le trouvais … » mise en relief du groupe « l’amour infini », repris dans le pronom anaphorique « le » et par l’énumération de quatre groupes compléments d’agents « par ce long ruban… par ces lignes … par les bois de chênes … par ces horizons…. ») Conclusion • Bilan Passage du temps => lieu => sentiment (et à son écriture) La célébration de l’enfance est un prétexte à la célébration des origines qui est un prétexte à la célébration de l’amour et des mots pour le dire. • Ouverture Cf. CHATEAUBRIAND, les émois du narrateur à Combourg (Mémoires d’Outre- Tombe, I, 3) La nuit descendait ; les roseaux agitaient leurs champs de quenouilles et de glaives, parmi lesquels la caravane emplumée, poules d’eaux, sarcelles, martins-pêcheurs, bécassines, se taisait ; le lac battait ses bords ; les grandes voix de l’automne sortaient des marais et des bois : j’échouais mon bateau au rivage et retournais au château. Dix heures sonnaient. À peine retiré dans ma chambre, ouvrant mes fenêtres, fixant mes regards au ciel, je commençais une incantation. Je montais avec ma magicienne sur les nuages : roulé dans ses cheveux et dans ses voiles, j’allais, au gré des tempêtes, agiter la cime des forêts, ébranler le sommet des montagnes, ou tourbillonner sur les mers.