(Suite de l’intro)
Introduction
Le père est le chapitre intermédiaire entre la mère (« Sido ») et la fratrie (« les sauvages »)
Hommage rendu père mutilé de guerre : à la fois héroïsme du vétéran & la faiblesse de
l’amputé (handicap) => défi d’écriture
Mon brillant, mon allègre père : adjectifs Spectre de la mort dans les redondances sonores :
mélioratifs « il meurt – il mûrit » effet de paronymie pour
gradation : 2 puis 3 syllabes (bril-lant, al-lè-gre) montrer que la mort est rentrée (par la blessure)
dans la vie du père et dans le texte
Gradation (dilatation) des groupes nominaux Mise en valeur du membre manquant qui est la
successifs : l’homme qui datait d’avant elle / le cause du traumatisme : la jambe arrive en fin de
Saint-Cyrien beau danseur/ le lieutenant solide phrase (effet de chute) : « … qu’il lui manquât,
comme un bois-debout coupée en haut de la
nombreuses périphrases = il suscite de cuisse, une jambe. »
nombreuses qualifications
Nombreuses références au domaine militaire : Tout l’héroïsme est rejeté dans l’antériorité du
Saint-Cyrien, grand chancelier de la Légion passé (tellement loin que ça en devient irréel) :
d’honneur, rosette, ruban sauver, chevaux = « avait connu », « avait pu courir » : plus-que-
Colette lui rend, en l’évoquant, sa carrière parfait
militaire.
Malgré l’accumulation des indices physiques Le jeu des paragraphes peine à installer
(« jambe », « cuisse », « amputé », « buste », « ce durablement la figure paternelle (le père est censé
mutilé ») => fil conducteur discret, de part et pourtant être l’objet de ce chapitre et servir de
d’autre, qui est spirituel et qui dure : « rêvait » base au portrait) ; cela prouve que Sido (qui ouvre
(imparfait duratif) des paragraphes « elle », ou les conclut) prend
beaucoup de place mais aussi que ce père a du mal
à exister dans sa vie comme dans le texte.
L’identité du père reste instable :
- « mon père »
- « mon brillant, mon allègre père »
- « le saint-Cyrien beau danseur, le
lieutenant solide … »
- « l’homme qui datait d’avant elle »
- « mon père »
- « homme », « humain »
Evocation pathétique
• Amèrement adverbe forme longue (4 syllabes) = aspect laborieux de son existence.
L’adverbe revient (3 occurrences) = rumination du père qui ressasse son destin raté.
• Spectre de la mort dans les redondances sonores : « il meurt – il mûrit » effet de
paronymie pour montrer que la mort est rentrée (par la blessure) dans la vie du père et
dans le texte
• Une demi-douzaine de points de suspension et de phrases laissées en suspens « Enfin... »
« rêvait amèrement... » = aposiopèse = malaise
• « mon allègre père nourrissait la tristesse profonde [...] » dissonance des contraires dans
la même phrase (antithèse) pour traduire la difficulté à exister du Capitaine.
• Mise en valeur du membre manquant qui est la cause du traumatisme : la jambe arrive en
fin de phrase (effet de chute) : « … qu’il lui manquât, coupée en haut de la cuisse, une
jambe. »
Père vu dans les yeux de l’épouse aimante (qui fut la grande amoureuse du père) : regard aimant
et valorisant.
Le portrait du père est aussi un biais, pour Colette, pour revenir sur ce couple fascinant et attester
de l’amour que se sont portés les deux.
Les trois phases du texte réhabilitent le père dans toutes ses dimensions, avec un élan graduel
qui lui rend peu à peu ce à quoi il tenait le plus (sa gloire militaire) = texte en forme d’hommage.
Conclusion
Bilan
Portrait doux-amer, nostalgique et aimant
A l’image de ce père, tout à la fois diminué (car amputé, dans la vraie vie) et grandi (par l’écriture)
Ouverture
Evocation du père (partagée en pathos et héroïsation, déjà) par un des modèles de COLETTE,
F.-René de CHATEAUBRIAND, Dans son autobiographie-somme, Les mémoires d’outre-tombe,
vol.1 :
Alors mon père donna la première marque du caractère décidé que je lui ai connu. Il
avait environ quinze ans : s'étant aperçu des inquiétudes de sa mère, il approcha du lit
où elle était couchée et lui dit : « Je ne veux plus être un fardeau pour vous. » Sur ce,
ma grand−mère se prit à pleurer (j'ai vingt fois entendu mon père raconter cette scène).
« René, » répondit-elle, « que veux−tu faire ? Laboure ton champ. − Il ne peut pas nous
nourrir ; laissez−moi partir. − Eh bien, » dit la mère, « va donc où Dieu veut que tu
ailles. » Elle embrassa l'enfant en sanglotant. Le soir même mon père quitta la ferme
maternelle, arriva à Dinan, où une de nos parentes lui donna une lettre de
recommandation pour un habitant de Saint−Malo. L'aventurier orphelin fut embarqué,
comme volontaire, sur une goélette armée, qui mit à la voile quelques jours après.
La petite république malouine soutenait seule alors sur la mer l'honneur du pavillon
français. La goélette rejoignit la flotte que le cardinal de Fleury envoyait au secours de
Stanislas, assiégé dans Dantzick par les Russes. Mon père mit pied à terre et se trouva
au mémorable combat que quinze cents Français, commandés par le brave Breton, de
Bréhan comte de Plélo, livrèrent le 29 mai 1734, à quarante mille Moscovites,
commandés par Munich. De Bréhan, diplomate, guerrier et poète, fut tué et mon père
blessé deux fois. Il revint en France et se rembarqua. Naufragé sur les côtes de l'Espagne
des voleurs l'attaquèrent et le dépouillèrent dans les Galices ; il prit passage à Bayonne
sur un vaisseau et surgit encore au toit paternel. Son courage et son esprit d'ordre
l'avaient fait connaître. Il passa aux Iles ; il s'enrichit dans la colonie et jeta les
fondements de la nouvelle fortune de sa famille.