Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
DROITS DE LA FEMME ET
DE LA CITOYENNE
(fiche dissertation)
L’année 1791 marque un tournant dans la Révolution française. La tentative de fuite du roi
Louis XVI et de sa famille, arrêtés à Varenne le 21 juin, exacerbe l’hostilité à l’égard de la
personne royale et provoque le 17 juillet une émeute, violemment réprimée par la Garde
nationale. La crainte d’un complot antirévolutionnaire orchestré depuis les pays voisins
envenime la situation. Les révolutionnaires eux-mêmes commencent à se diviser : les plus
radicaux, appartenant au Club des Jacobins, parmi lesquels Robespierre, réclament la
destitution du roi. Finalement, en septembre 1791, après de nombreux débats et au terme
d’une longue rédaction, l’Assemblée vote la Constitution, qui s’appuie sur la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789 et établit une monarchie constitutionnelle. Le roi
accepte la Constitution et lui jure fidélité. Cet événement est perçu comme un aboutissement
et un signe de paix et de réconciliation au sein de la nation.
LA STRUCTURE DE L’ŒUVRE
Dédicace à la reine (Marie-Antoinette) : c’est une lettre en forme de dédicace mais sans
l’éloge attendu. Modalisateurs « si je juge par ce que je sens » « franchement » et impératifs
: elle adopte la position de conseillère auprès de la reine (elle a été son alliée pendant les
heures sombres) et lui demande son soutien « Soutenez, Madame, une si belle cause ;
défendez ce sexe malheureux. »
Adresse aux hommes (« Homme es-tu capable… ») : Texte de révolte dans lequel elle
interpelle violemment les hommes. Elle leur reproche leur attitude injuste et la domination
illégitime qu’ils exercent sur les femmes car c’est contre-nature, sans continuité avec la
Révolution. L’homme agit en tyran.
Genre : satire, pamphlet, diatribe, tonalité polémique.
Olympe de Gouges écrit un texte engagé car elle s’adresse à l’ensemble de la société (la
reine, les membres de l’assemblée, le clergé, les hommes et les femmes). Elle leur demande
de prendre leurs responsabilités et d’assumer leurs droits et leurs devoirs. Il s’agit de
provoquer un débat pour éclairer les lecteurs sur les réalités de la société en dénonçant
les problèmes sociaux et pour remédier concrètement aux injustices en agissant sur le
monde notamment par sa réécriture de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
car c’est un texte juridique ; elle veut qu’il soit voté. C’est également un texte de
circonstance lié aux bouleversements entraînés par la Révolution de 1789.
Par ailleurs, OG ne limite pas son combat à la sphère de la littérature : elle combat à la fois
par ses écrits mais aussi par ses actions.
LA STRATÉGIE ARGUMENTATIVE
Afin de combattre pour l’égalité l’autrice utilise une stratégie argumentative efficace :
c’est à la fois un PLAIDOYER car elle veut que les femmes jouissent des mêmes droits
que les hommes et un RÉQUISITOIRE contre les inégalités et leurs responsables. Elle crée
un genre littéraire hybride et s’appuie sur les trois piliers de la rhétorique selon
Aristote (le logos, le pathos et l’ethos).
De multiples destinataires : la reine, les hommes, les membres de l’assemblée nationale car
ils incarnent le pouvoir et une position privilégiée par rapport aux femmes ordinaires (la reine
est souveraine de la nation, les hommes sont favorisés par la société, les membres de
l’assemblée nationale incarnent le pouvoir législatif). Elle veut obtenir leur soutien et aussi
elle veut que son texte soit décrété : adopté officiellement. Puis elle s’adressera aux femmes.
De nombreux genres littéraires : dédicace dans une lettre, texte polémique et satirique,
préambule et articles de loi sous forme de réécriture, postambule : discours, contrat et essai
avec un récit anecdotique, un post-scriptum.
C’est le premier document juridique qui se veut officiel en faveur des femmes. Elle veut
conférerde manière légale des droits aux femmes à égalité avec ceux des hommes.
Elle innove en se réappropriant le discours juridique : elle en fait une réécriture avec le
préambule et les articles ainsi qu’un contrat. Le registre solennel domine dans les articles
avec le vocabulaire juridique (« droits naturels, inaliénables et sacrés » « institution
politique » « représentantes de la nation »). Elle garantit des droits fondamentaux dans
l’énumération : « la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l’oppression. »
(article 2).
Elle utilise des arguments basés sur des valeurs dans la lignée des philosophes des
Lumières :
💡 Les Lumières sont un mouvement créé en vue de lutter contre l’obscurantisme, les
préjugés, le fanatisme, la superstition, les mensonges…avec des valeurs comme la liberté, les
droits, la raison etc…
Pour l’autrice, l’égalité doit être une valeur fédératrice : elle lutte pour l’égalité homme
femme, pour celle des hommes noirs et pour les pauvres.
Puis elle donne à voir des personnages misérables ou des situations marquantes pour
frapper l’imagination du lecteur et l’impliquer émotionnellement : il s’agit de l’amener à
s’identifier aux personnages et à compatir. Ainsi elle dresse dans le postambule des
tableaux satiriques des femmes courtisanes et intrigantes ainsi que des tableaux
pathétiques des femmes victimes → ex : « Une jeune personne sans expérience, séduite
par un homme qu’elle aime, abandonnera ses parents pour le suivre ; l’ingrat la
laissera après quelques années » (Postambule).
De même dans l’épisode final elle raconte une anecdote pittoresque avec une caricature
car le commissaire est décrit comme un « forcené » et le magistrat est comparé à « Bride-
Oison », le juge sot de la pièce Le Mariage de Figaro de Beaumarchais. La scène joue donc
sur le registre comique mais aussi sur le registre pathétique pour persuader le lecteur de
prendre son parti : ce récit n’est pas détaché mais il sert l’argumentation de l’autrice
puisqu’il rend plus vivantes et visibles les injustices subies et dénoncées (comme dans les
argumentations indirectes). Elle dénonce les discriminations dans un sourire mais désigne
aussi subtilement les députés comme les véritables destinataires de son œuvre puisque le
magistrat demande si cette affaire ira « à l’Assemblée nationale ».
UN ETHOS AMBIVALENT :
Une image positive : En écrivant avec audace et en s’impliquant personnellement (elle dit
« je »), l’autrice donne d’elle-même une image positive, de femme forte, active et engagée
(« virago »). Dans la dédicace à la Reine, elle se montre enthousiaste et patriote en servant
les intérêts de la France. De même dans Le Post-scriptum, elle est ravie et soulagée que le roi
ait accepté la Constitution car son cœur éclate de « pure joie », « j’adore » : à travers cette
rhétorique émotionnelle, elle apparait comme sincère, empathique et enjouée. Elle est
favorable à l’unité du pays (veut le retour des fugitifs).
En outre elle a connu le mariage forcé, les maternités, la pauvreté et la bâtardise, ce qui
lui confère de la légitimité pour défendre les femmes. Mise au service de sa cause, son
expérience la sert.
Des hommes tyranniques envers les femmes, les hommes de couleur et les pauvres :
Dans la Forme du contrat social, elle énumère les victimes des hommes : « veuves et
demoiselles trompées », « hommes de couleur » ou l’autrice à la fin.
La condition des femmes :
C’est un plaidoyer féministe. En lien avec les auteurs Mme de Rolland ou Mary
Wollstonecraft ou des auteurs des Lumières comme Marivaux, Voltaire, Beaumarchais…
Elle affirme l’égalité homme femme avec le partage équitable des fonctions dans la vie
politique et sociale. Revendications sur l’éducation, le divorce, la légitimation des enfants
naturels, le partage des richesses entre époux, la prostitution, les violences faites aux
femmes, le pouvoir excessif des hommes, le droit de voter et d’être élue, de s’exprimer
librement en public, de postuler à tous les emplois, de gérer son patrimoine, d’exercer son
autorité sur ses enfants. Elle propose le divorce, la reconnaissance de la paternité pour tous
les enfants y compris ceux nés hors mariage (naturels sans mariage ou adultérins) afin qu’ils
bénéficient du droit à l’héritage. Elle milite pour une union conjugale libre, veut améliorer le
statut des prostituées, autoriser le mariage des prêtres.
« Homme es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui
ôteras pas du moins ce droit. »
« La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à
la tribune. » article 10
« elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de
même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de
l’industrie. » article 13
Le postambule :
« Ô femmes ! femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages
que vous avez recueillis dans la Révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus
signalé. »
« Ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé. »
« la femme que l’homme achète, comme l’esclave sur les côtes d’Afrique. »
« Une jeune personne sans expérience, séduite par un homme qu’elle aime,
abandonnera ses parents pour le suivre ; l’ingrat la laissera après quelques années »
La femme a « du mérite et des vertus »
Les colons veulent dominer et « régner en despotes sur des hommes dont ils sont les pères et
les frères ».