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LA DÉCLARATION DES

DROITS DE LA FEMME ET
DE LA CITOYENNE
(fiche dissertation)

AVANT DE COMMENCER : LE CONTEXTE SOCIAL ET CULTUREL


(l’essentiel à retenir en jaune)

L’année 1791 marque un tournant dans la Révolution française. La tentative de fuite du roi
Louis XVI et de sa famille, arrêtés à Varenne le 21 juin, exacerbe l’hostilité à l’égard de la
personne royale et provoque le 17 juillet une émeute, violemment réprimée par la Garde
nationale. La crainte d’un complot antirévolutionnaire orchestré depuis les pays voisins
envenime la situation. Les révolutionnaires eux-mêmes commencent à se diviser : les plus
radicaux, appartenant au Club des Jacobins, parmi lesquels Robespierre, réclament la
destitution du roi. Finalement, en septembre 1791, après de nombreux débats et au terme
d’une longue rédaction, l’Assemblée vote la Constitution, qui s’appuie sur la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789 et établit une monarchie constitutionnelle. Le roi
accepte la Constitution et lui jure fidélité. Cet événement est perçu comme un aboutissement
et un signe de paix et de réconciliation au sein de la nation.

PRESENTATION DE L’ŒUVRE ET DE l’AUTEUR


Pendant la Révolution française de 1789, les femmes jouent un rôle politique déterminant, au
même titre que les hommes, sans voir pour autant leur condition s’améliorer. Olympe de
Gouges (1748-1793) née le 7 mai 1748 à Montauban, était une écrivaine féministe et militante
française durant la Révolution française. Elle a milité en faveur des droits des femmes, du
divorce et de l'abolition de l'esclavage. De Gouges appelle donc les femmes à réclamer les
mêmes droits que les hommes et à dénoncer les inégalités dont elles sont victimes. Elle fait
preuve d’audace et de courage car en 1791 la Terreur va commencer et en 1793 elle sera
guillotinée.

LA STRUCTURE DE L’ŒUVRE
Dédicace à la reine (Marie-Antoinette) : c’est une lettre en forme de dédicace mais sans
l’éloge attendu. Modalisateurs « si je juge par ce que je sens » « franchement » et impératifs
: elle adopte la position de conseillère auprès de la reine (elle a été son alliée pendant les
heures sombres) et lui demande son soutien « Soutenez, Madame, une si belle cause ;
défendez ce sexe malheureux. »

Adresse aux hommes (« Homme es-tu capable… ») : Texte de révolte dans lequel elle
interpelle violemment les hommes. Elle leur reproche leur attitude injuste et la domination
illégitime qu’ils exercent sur les femmes car c’est contre-nature, sans continuité avec la
Révolution. L’homme agit en tyran.
Genre : satire, pamphlet, diatribe, tonalité polémique.

Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne :


- Préambule : les femmes sont membres de la nation et elles ont leur place dans les
institutions pour le « bonheur de tous » et un bon gouvernement. Réécriture de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
- 17 articles : Droits et devoirs de l’homme et de la femme d’un point de vue social,
politique et économique. Elle revendique l’égalité des sexes et demande pour les
femmes la liberté d’expression et d’opinion, le droit de vote et d’éligibilité, le partage
équitable des impôts, l’égalité dans les emplois, l’affirmation de la propriété privée.
Réécriture de la Déclarationdes droits de l’homme et du citoyen.
- Postambule : Discours dans lequel elle s’adresse aux femmes pour réveiller les
consciences : elle les incite à se battre pour leurs droits. Elle brosse le portrait
péjoratif des courtisanes qui usent de ruse et de dissimulation tout en brossant un
tableau plus large de la condition féminine soumise aux injustices. Ajout par rapport
à la DDHC.

Forme du contrat social de l’homme et de la femme :


Contrat de mariage : pour améliorer l’institution du mariage elle réclame le partage des
biens, la reconnaissance de la paternité et une protection légale pour les femmes. Elle
revendique le droit à la liberté et à l’égalité pour les esclaves noirs.
Essai : Exprime librement ses pensées avec un récit : l’anecdote avec le cocher et le
commissaire de paix qui permet de critiquer la justice et la police tout en faisant ressortir
l’injustice dont souffrent les femmes.
Post-scriptum : espoir de voir la situation politique du pays s’améliorer.

LA DÉCLARATION : UN TEXTE ENGAGÉ ET UN TEXTE DE CIRCONSTANCE


Écrivain engagé : C’est au XXe siècle dans son ouvrage Qu’est-ce que la littérature ? que
Sartre crée le concept de littérature engagée : l’écrivain intervient dans les débats de son
temps et influe sur eux par ses œuvres. La littérature d’idées se heurte souvent à la censure
(Ex. Le Mariage de Figaro de Beaumarchais) et les écrivains peuvent connaitre l’exil,
l’emprisonnement ou la mort : Les Lettres philosophiques de Voltaire sont brûlées et Candide
est condamné par l’Église.

Olympe de Gouges écrit un texte engagé car elle s’adresse à l’ensemble de la société (la
reine, les membres de l’assemblée, le clergé, les hommes et les femmes). Elle leur demande
de prendre leurs responsabilités et d’assumer leurs droits et leurs devoirs. Il s’agit de
provoquer un débat pour éclairer les lecteurs sur les réalités de la société en dénonçant
les problèmes sociaux et pour remédier concrètement aux injustices en agissant sur le
monde notamment par sa réécriture de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
car c’est un texte juridique ; elle veut qu’il soit voté. C’est également un texte de
circonstance lié aux bouleversements entraînés par la Révolution de 1789.

L’efficacité concrète de ce texte : Olympe de Gouges a rencontré des difficultés à être


entendue, elle n’a pas eu de succès lors de sa publication : tiré à cinq exemplaires en 1791,
la DDFC n’obtiendra aucune valeur juridique et n’entrera jamais en vigueur. Longtemps
oublié, le texte n’a été redécouvert et réédité qu’en 1986 par la philosophe Benoîte Groult.
Frappant par sa modernité, il a finalement été reconnu comme discours féministe majeur.
Il continue aujourd’hui à inspirer les défenseurs des droits des femmes.

L’idée de « féminisme » (anachronique cependant) : né au XIXe en Angleterre et aux


Etats-Unis, c’est un courant de pensée qui a pour but d’émanciper les femmes en leur
accordant les mêmes droits et le même statut que les hommes dans la société.

Place des femmes au niveau légal :


- 1804 : le code Napoléon inscrit l’inégalité des sexes dans la loi et infériorise la
femme.
- 1944 : droit de vote et d’éligibilité.
- 1965 : les femmes peuvent travailler et ouvrir un compte bancaire sans le
consentement de leurs maris.
- 1968 : Mouvement de libération des femmes.
- 2000 : principe de parité politique.
- XXIe : les propositions des 17 articles ont été rendues officielles en France.

Par ailleurs, OG ne limite pas son combat à la sphère de la littérature : elle combat à la fois
par ses écrits mais aussi par ses actions.

LA STRATÉGIE ARGUMENTATIVE
Afin de combattre pour l’égalité l’autrice utilise une stratégie argumentative efficace :
c’est à la fois un PLAIDOYER car elle veut que les femmes jouissent des mêmes droits
que les hommes et un RÉQUISITOIRE contre les inégalités et leurs responsables. Elle crée
un genre littéraire hybride et s’appuie sur les trois piliers de la rhétorique selon
Aristote (le logos, le pathos et l’ethos).

1) Un genre littéraire hybride pour gagner en efficacité avec :

De multiples destinataires : la reine, les hommes, les membres de l’assemblée nationale car
ils incarnent le pouvoir et une position privilégiée par rapport aux femmes ordinaires (la reine
est souveraine de la nation, les hommes sont favorisés par la société, les membres de
l’assemblée nationale incarnent le pouvoir législatif). Elle veut obtenir leur soutien et aussi
elle veut que son texte soit décrété : adopté officiellement. Puis elle s’adressera aux femmes.

De nombreux genres littéraires : dédicace dans une lettre, texte polémique et satirique,
préambule et articles de loi sous forme de réécriture, postambule : discours, contrat et essai
avec un récit anecdotique, un post-scriptum.

2) Elle utilise les trois piliers de la rhétorique basée sur :


Le logos : raisonnements construits avec arguments et exemples.
(convaincre) Le pathos : émotion, attention et intérêt du lecteur.
(persuader)
L’ethos : quelle image de lui-même donne l’auteur du texte ?

LE LOGOS ou CONVAINCRE par des arguments rationnels :

C’est le premier document juridique qui se veut officiel en faveur des femmes. Elle veut
conférerde manière légale des droits aux femmes à égalité avec ceux des hommes.

Elle innove en se réappropriant le discours juridique : elle en fait une réécriture avec le
préambule et les articles ainsi qu’un contrat. Le registre solennel domine dans les articles
avec le vocabulaire juridique (« droits naturels, inaliénables et sacrés » « institution
politique » « représentantes de la nation »). Elle garantit des droits fondamentaux dans
l’énumération : « la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l’oppression. »
(article 2).

En outre, elle présente un raisonnement construit : sa pensée est démonstrative et logique


: les articles établissent un fait, puis ses conséquences logiques (ex : article 10 « La femme a
le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune ». Le
constat de départ : possibilité d’être guillotinée, la conséquence : possibilité de pouvoir
débattre publiquement de ses opinions). Elle s’appuie sur des exemples précis ou des images
parlantes ainsi que sur l’ironie pour démontrer l’absurdité de certains arguments des
adversaires. Elle incite le lecteur à la réflexion : il est appelé à raisonner. Elle utilise des
figures de style comme la métaphore (« tocsin de la raison ») et des questions rhétoriques («
femmes, quand cesserez- vous d’être aveugles ? »). Elle fait appel à la culture du lecteur et
retourne la leçon de morale biblique dans une parabole inversée avec l’allusion aux
législateurs français assimilés au Christ pour exprimer l’infériorité de la femme (Postambule).

Elle utilise des arguments basés sur des valeurs dans la lignée des philosophes des
Lumières :

- La nature : le droit naturel plus important que la réalité sociale. Universalité.


Adresse aux hommes : pas de supériorité du mâle dans la nature. La nature est un
repère et une référence pour OG : donc l’homme n’est pas légitime.
- La vérité : dans le postambule « flambeau de la vérité » métaphore qui fait écho aux
Lumières
- La raison : la femme est un être de raison elle a des « facultés intellectuelles » (cf.
Adresse aux hommes)
- Le progrès et le bonheur : vers l’amélioration des conditions de vie et vers le
bonheur ; gouvernement heureux » (Forme du contrat social) et « bonheur de tous
», l’amélioration des
« mœurs » : arguments d’ordre moral et politique (préambule).
- « les étendards de la philosophie » (le postambule)

💡 Les Lumières sont un mouvement créé en vue de lutter contre l’obscurantisme, les
préjugés, le fanatisme, la superstition, les mensonges…avec des valeurs comme la liberté, les
droits, la raison etc…

Pour l’autrice, l’égalité doit être une valeur fédératrice : elle lutte pour l’égalité homme
femme, pour celle des hommes noirs et pour les pauvres.

LE PATHOS ou PERSUADER par des arguments émotionnels :

Dès la dédicace à la reine, OG utilise un argument d’ordre affectif en faisant appel à sa


conscience féminine : « Soutenez, Madame, une si belle cause ».

Puis elle donne à voir des personnages misérables ou des situations marquantes pour
frapper l’imagination du lecteur et l’impliquer émotionnellement : il s’agit de l’amener à
s’identifier aux personnages et à compatir. Ainsi elle dresse dans le postambule des
tableaux satiriques des femmes courtisanes et intrigantes ainsi que des tableaux
pathétiques des femmes victimes → ex : « Une jeune personne sans expérience, séduite
par un homme qu’elle aime, abandonnera ses parents pour le suivre ; l’ingrat la
laissera après quelques années » (Postambule).

De même dans l’épisode final elle raconte une anecdote pittoresque avec une caricature
car le commissaire est décrit comme un « forcené » et le magistrat est comparé à « Bride-
Oison », le juge sot de la pièce Le Mariage de Figaro de Beaumarchais. La scène joue donc
sur le registre comique mais aussi sur le registre pathétique pour persuader le lecteur de
prendre son parti : ce récit n’est pas détaché mais il sert l’argumentation de l’autrice
puisqu’il rend plus vivantes et visibles les injustices subies et dénoncées (comme dans les
argumentations indirectes). Elle dénonce les discriminations dans un sourire mais désigne
aussi subtilement les députés comme les véritables destinataires de son œuvre puisque le
magistrat demande si cette affaire ira « à l’Assemblée nationale ».

UN ETHOS AMBIVALENT :

Une image positive : En écrivant avec audace et en s’impliquant personnellement (elle dit
« je »), l’autrice donne d’elle-même une image positive, de femme forte, active et engagée
(« virago »). Dans la dédicace à la Reine, elle se montre enthousiaste et patriote en servant
les intérêts de la France. De même dans Le Post-scriptum, elle est ravie et soulagée que le roi
ait accepté la Constitution car son cœur éclate de « pure joie », « j’adore » : à travers cette
rhétorique émotionnelle, elle apparait comme sincère, empathique et enjouée. Elle est
favorable à l’unité du pays (veut le retour des fugitifs).

Une femme victime des injustices et des inégalités :


Dans la Forme du contrat social de l’homme et de la femme, avec l’anecdote du cocher et du
magistrat, elle fait la preuve de l’injustice à l’égard des femmes à travers son cas personnel.
L’injustice qu’elle subit est celle de toutes les femmes.

En outre elle a connu le mariage forcé, les maternités, la pauvreté et la bâtardise, ce qui
lui confère de la légitimité pour défendre les femmes. Mise au service de sa cause, son
expérience la sert.

LES DIFFERENTS THÈMES ABORDÉS :


Égalité et légalité :
Elle fait allusion à l’état politique du pays (le roi vient d’accepter la Constitution). Elle veut
conférer de manière légale des droits aux femmes à égalité avec ceux des hommes tout en
rappelant leurs devoirs. Vocabulaire du droit et références à la loi « en droits », les articles et
le contrat. Elle garantit des droits fondamentaux : « la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout
la résistance à l’oppression. » (article 2).

Des hommes tyranniques envers les femmes, les hommes de couleur et les pauvres :
Dans la Forme du contrat social, elle énumère les victimes des hommes : « veuves et
demoiselles trompées », « hommes de couleur » ou l’autrice à la fin.
La condition des femmes :
C’est un plaidoyer féministe. En lien avec les auteurs Mme de Rolland ou Mary
Wollstonecraft ou des auteurs des Lumières comme Marivaux, Voltaire, Beaumarchais…
Elle affirme l’égalité homme femme avec le partage équitable des fonctions dans la vie
politique et sociale. Revendications sur l’éducation, le divorce, la légitimation des enfants
naturels, le partage des richesses entre époux, la prostitution, les violences faites aux
femmes, le pouvoir excessif des hommes, le droit de voter et d’être élue, de s’exprimer
librement en public, de postuler à tous les emplois, de gérer son patrimoine, d’exercer son
autorité sur ses enfants. Elle propose le divorce, la reconnaissance de la paternité pour tous
les enfants y compris ceux nés hors mariage (naturels sans mariage ou adultérins) afin qu’ils
bénéficient du droit à l’héritage. Elle milite pour une union conjugale libre, veut améliorer le
statut des prostituées, autoriser le mariage des prêtres.

Une lutte pour l’égalité au sens large :


Elle lutte contre l’esclavage (cf. sa pièce Zamore et Mirza ou l’heureux naufrage). Elle fait
un rapprochement grâce à une comparaison entre la femme et l’esclave car ils sont soumis au
pouvoir arbitraire, à l’injustice, à la violence des hommes blancs, en ne possédant pas les
mêmes droits qu’eux : « à la femme que l’homme achète, comme l’esclave sur les côtes
d’Afrique. » Les colons veulent dominer et « régner en despotes sur des hommes dont ils
sont les pères et les frères ».

La restauration des mœurs :


OG est avant tout patriote (peut-être même avant d’être féministe). D’après elle, la
principale raison de la discorde sociale et politique réside dans l’absence des femmes au sein
du gouvernement. La révolution est inaboutie. Négliger les droits des femmes et l’égalité
politique et économique revient à la « corruption des gouvernement » (préambule des
articles). Elle donne les conditions d’un bon gouvernement dans le prolongement des
philosophes des Lumières et elle établit des contrats : explique de manière philosophique le
fondement de la société et du pouvoir politique (cf. Rousseau).

LES CITATIONS UTILES A RETENIR :


Dédicace à la reine :

« Soutenez, Madame, une si belle cause ».

« Homme es-tu capable… » :

« Homme es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui
ôteras pas du moins ce droit. »

Le préambule et les articles :

« le sexe supérieur, en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles »


(Préambule)

« La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. » article premier

« La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à
la tribune. » article 10
« elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de
même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de
l’industrie. » article 13

Le postambule :

« Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ;


reconnais tes droits. »

« Ô femmes ! femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages
que vous avez recueillis dans la Révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus
signalé. »
« Ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé. »

« Le mariage est le tombeau de la confiance et de l’amour. »

« Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne ».

« la femme que l’homme achète, comme l’esclave sur les côtes d’Afrique. »

« Une jeune personne sans expérience, séduite par un homme qu’elle aime,
abandonnera ses parents pour le suivre ; l’ingrat la laissera après quelques années »
La femme a « du mérite et des vertus »

Forme du contrat social de l’homme et de la femme :

Les colons veulent dominer et « régner en despotes sur des hommes dont ils sont les pères et
les frères ».

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