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(Flammarion, Etonnants classiques)

Questions préparatoires : A cogiter en groupe, je veux que vos cerveaux fument et que vos feuillets
tournent ! 😊

Analyse des termes du sujet


1. Quels sont les synonymes du mot libération, qu'est-ce que ce terme apporte de différent par rapport
aux mots liberté ?
2. Quelles sont les différentes formes de la libération ? Examinez le mot sous son sens littéral et figuré.
3. Quels sont les différents carcans qui pourraient contraindre le jeune Rimbaud et son recueil ?
Identification d’une tension
4. En quoi Rimbaud se démarque-t-il des poètes de sa génération et en quoi les imite-t-il ?
5. Peut-on s'affranchir totalement des normes ?
6. A l'aide de vos réponses aux questions précédentes et après relecture de l'analyse du parcours,
dégagez une problématique à partir du sujet. Demandez-vous quelle est la contradiction au cœur de
l'émancipation créatrice.
Une ode à la liberté
7. Quelles sont les poèmes des Cahiers qui font penser à l'idée de liberté ?
8. cette libération peut se faire dans différents domaines : politique, littéraire, social. Associez un poème
à chacun de ces domaines.
9. Combien de poèmes sont consacrés à la nature, quelle image Rimbaud en donne-t-il ?
10. Concernant les poèmes amoureux, traduisent-ils une vision traditionnelle de l'amour ? Pensez au
Cabaret vert.
11. Combien de poèmes sont consacrés à une dénonciation politique ?En quoi cette dénonciation est-elle
aussi une forme de libération ? Pensez à l'engagement politique des poètes du 19e siècle.
Une tempête au milieu du cadre
12. Combien de poèmes sur les 22 ont une forme de sonnet ? Que pouvez-vous en conclure ?
13. Combien de poèmes abordent des thématiques mythiques ou traditionnelles ? Pourquoi ces
thématiques sont-elles abordées à votre avis ?
14. Pensez à la métrique employée par Rimbaud : s’est-il affranchi de l'alexandrin régulier ?
15. Rimbaud se démarque-t-il des poètes de sa génération ? Ses préoccupations sont-elles les mêmes ?
Un recueil de transitions
16. Reprenez la liste des thématiques abordées par Rimbaud : lesquelles ne font pas partie des
thématiques traditionnelles ? Quels sont les poèmes qui se démarquent par leur originalité
thématique ?
17. Parmi les thèmes traditionnels, quels éléments permettent de suggérer une libération ? Pensez à
Ophélie ou Vénus anadyomène.
18. Quels poèmes représentent un poète qui se cherche ?
19. Quels poèmes représentent le passage à l'adolescence et les désirs de transgression ?
20. Dans quelle mesure peut-on dire que ma bohème peut résumer l'ensemble du recueil ?

Analyse des termes du sujet

1. Le mot « libération » a pour principaux synonymes « émancipation » et « délivrance ». Par rapport


au terme « liberté », « libération » implique un processus dynamique : le fait de tendre vers un état de
liberté, depuis un état de contrainte, de dépendance ou d’assujettissement.

2. La libération peut prendre différentes formes : une libération personnelle (le fait de s’émanciper de
sa famille, par exemple), une libération politique (renverser un régime), mais aussi, bien sûr, le fait de
prendre de la distance avec certaines règles ou certains modèles, notamment en poésie.

3. La mère de Rimbaud fait peser sur lui un état de dépendance concrète. Au-delà de leur relation
directe, elle inscrit son fils dans un ensemble de règles morales dont le jeune homme se sent prisonnier.
Dans un siècle de censure littéraire, avec un régime en place qui ne supporte pas la critique, la structure
politique peut être vécue comme contraignante par un auteur de poèmes licencieux – même s’ils ne
sont pas voués à la publication.

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Par ailleurs, et bien qu’il s’agisse là d’une dépendance consentie, Rimbaud, en écrivant, respecte et
imite les cadres littéraires posés par ses aînés.

Identification d’une tension

4. Rimbaud imite à la fois les thèmes et les formes des poètes qui dominent le monde littéraire de son
époque : la nature, l’amour, la mort, l’histoire politique ; le tout en vers réguliers, sonnets ou laisses
d’alexandrins.

On sent néanmoins des gestes transgressifs à certains endroits : la dégradation hideuse de Vénus, ou
l’usage intensif des enjambements qui heurtent la lecture du vers.

5. Comme l’analyse du parcours le montre, il est malaisé de s’affranchir de toute norme ; même si l’on
proposait une création entièrement originale, on pourrait dire que l’on s’est donné à soi-même des
normes nouvelles.

6. Plusieurs problématiques sont pertinentes, tant qu’elles font cas de la tension entre liberté et respect
des normes. Nous proposons la formulation suivante : « En affirmant les désirs de liberté et
d’émancipation du jeune Rimbaud, les Cahiers de Douai ne nous donnent-ils pas à voir tout ce qui le lie
encore à des figures d’autorité ? »

I/ Une ode à la liberté

7. « Le Forgeron », « L’éclatante victoire de Sarrebrück », « À la musique » « Roman » ou encore « Ma


bohème » font penser à l’idée de liberté.

8. « Le Forgeron » est dédié à la liberté politique, « Les effarés »à une émancipation sociale et « Ma
bohème » à une liberté personnelle et poétique. D’autres associations sont possibles.

9. Quatre poèmes sont consacrés à la nature. Nous pouvons relever : « Sensation », « Roman », « Le
dormeur du val » et « Ma bohème ». Cette nature est toujours un cadre chaleureux et accueillant. De
plus, cette nature est source de bonheur et de libération : dans « Sensation », il s’agit d’aller comme un
bohémien ; dans « Roman », les « tilleuls verts de la promenade » sont témoins des premiers émois et
des premières ivresses du poète ; dans « Ma bohème », la nature est source de libération et de création
à la fois. Et dans « Le dormeur du val », bien que la révélation de la mort du soldat colore finalement
ce poème, la nature est décrite comme un cadre accueillant et chaleureux qui le berce et le protège, à
l’image de la nature qui tout à la fois plaint et entoure Ophélie.

Cette nature est en tout cas un endroit où le poète se sent en sécurité, et où il peut fuir, être libre et
créer.

10. Les poèmes amoureux de Rimbaud alternent entre l’amour adolescent, innocent et enthousiaste,
et l’amour plus grivois. On relève une expression lyrique de l’amour adolescent dans « Première soirée
», « Les reparties de Nina » et « Rêvé pour l’hiver », où le poète évoque des moments volés de
découverte amoureuse.

Les autres poèmes, « Au Cabaret-Vert, cinq heures du soir »,« La maline » et « À la musique », relèvent
d’un amour d’adolescent qui découvre la sexualité et qui fait preuve d’autodérision : la tavernière au «
Cabaret-Vert » le regarde avec des yeux vifs et lui révèle sa vaste poitrine ; dans « La maline », la
serveuse lui fait des avances, puis, dans « À la musique », les femmes se moquent de lui. Cette seconde
représentation amoureuse est celle du jeune homme qui se retrouve dans les brasseries et les bars et
qui découvre la sensualité par le biais des femmes qui y servent ou qui s’y trouvent. On est alors assez

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loin de ses représentations d’amoureux adolescent qui reprennent finalement des clichés comme
l’image du « petit wagon rose » dans « Rêvé pour l’hiver ».

11. Quatre poèmes sont consacrés à une dénonciation politique : « Le mal », « Rages de Césars », « Le
Forgeron » et « Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize…». Le poète au XIXe siècle est
un homme engagé : nous n’avons qu’à évoquer des figures comme Hugo (député et ministre) ou
Lamartine (candidat à la présidence de la IIe République), qui précèdent Rimbaud. Dénoncer le
gouvernement en place est une manière de s’inscrire dans les mouvements de contestation qui agitent
la France du XIXe siècle et dans une volonté historique d’émancipation.

II/ Une tempête au milieu du cadre

12. Onze poèmes sur vingt-deux ont la forme du sonnet. Cela fait la moitié du recueil : on pourrait dire
alors que le poète a d’une part la volonté de respecter cette forme poétique stricte et d’autre part
l’intention de s’en libérer en faisant des poèmes dont la forme est plus libre.

13. Cinq poèmes abordent des thématiques mythiques ou traditionnelles : d’une part, des thématiques
littéraires (« Ophélie »,« Bal des pendus », « Le châtiment de Tartufe »), d’autre part des thématiques
mythiques (« Soleil et chair », « Vénus anadyomène »). En tant que poète, il est assez traditionnel de
faire allusion à d’autres œuvres et d’autres références du panthéon littéraire. Les allusions
mythologiques en font partie, d’autant plus que le XIXe siècle redécouvre certains motifs
mythologiques antiques et se les approprie.

14. Non, Rimbaud ne s’est pas affranchi de l’alexandrin, mais il pratique certaines entorses à la règle en
effectuant des rejets (voir « Le dormeur du val »).

15. Rimbaud est un cas particulier car son succès est pour beaucoup dû à Verlaine et a surtout été
posthume. Verlaine a fait de Rimbaud un mythe en le mettant dans la catégorie des« Poètes maudits »
et en faisant éditer les Illuminations, recueil ayant provoqué beaucoup de scandale en raison de sa
forme atypique.

Il se démarque ainsi du reste de sa génération, mais les thématiques des Cahiers inscrivent Rimbaud
dans une lignée de poètes du XIXe siècle qui évoquent la nature, l’amour et la politique.

III/ Un recueil de transitions

16. Certains poèmes comme « Le châtiment de Tartufe » ou« Le buffet » sont originaux et ne se
rattachent pas directement à une veine littéraire traditionnelle. Plus largement, certains thèmes
comme le vagabondage (« Ma bohème »), l’adolescence(« Roman ») ou la peinture de la petite
bourgeoisie (« À la musique ») sont des thèmes mineurs qui, s’ils ont des précurseurs, n’appartiennent
pas à la grande tradition littéraire.

17. Bien que s’inscrivant, pour certains de ses poèmes, dans la tradition littéraire, Rimbaud introduit
des contrepoints qui, d’une certaine manière, le libèrent de cette filiation : ainsi, « Vénus anadyomène
» est un pied-de-nez au genre du blason. Dans « Ophélie », le poète se met en scène dans la partie III
et introduit ainsi une distance dans la convocation de cette figure tragique.

18. « Ma bohème » met directement en scène un poète qui marche sans connaître sa destination, et
qui considère explicitement cette errance comme partie prenante de son acte poétique :ainsi, Rimbaud
se représente lui-même en train de se chercher. On peut penser, plus indirectement, au « Buffet » :
quel peut être le sens de ce poème, sinon un exercice de style – une façon d’essayer sa plume ?

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19. « Roman » ou « À la musique » représentent explicitement l’ivresse et les pulsions d’un adolescent,
et ses désirs de transgression de l’ordre établi. C’est particulièrement vrai dans ce second poème, qui
dresse un portrait de la société sérieuse et étriquée du Second Empire, avec lequel le recentrement
final sur le poète avide de baisers tranche radicalement.

20. D’une certaine manière, en concentrant le goût pour la nature, une soif d’absolu, la volonté de
sortir des sentiers battus, une forme de jeunesse assumée (qui se traduit par exemple parle « Oh ! là
là ! », v. 4) et, malgré tout cela, un effort de rigueur littéraire (en adoptant la forme de l’alexandrin), on
peut dire que, d’une certaine manière, « Ma bohème » concentre en lui l’essentiel des lignes de force
des Cahiers de Douai. Il manquerait, pour être exhaustif, une charge politique plus explicite (mais le
parti pris de se livrer à la vie de bohème peut être compris comme une déclaration politique en soi) et
une part érotique : ici, c’est une jeunesse pure et seulement gonflée d’idéal que Rimbaud nous donne
à voir.

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