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Dès le premier vers, le poète s’adresse directement à sa douleur (il l’interpelle et la personnifie :
apostrophe et majuscule : « ô ma Douleur »)
La douleur est d’abord représentée comme une enfant capricieuse et impatiente : « Sois sage, ô ma
Douleur, et tiens-toi plus tranquille », « Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici », « Ma Douleur,
donne-moi la main ; viens par ici » (les impératifs renforcent l’image d’une douleur qui serait comme un
enfant turbulent à éduquer)
Emploi de la 2ème personne du singulier qui indique un rapport familier entre Baudelaire et sa douleur
Adjectifs possessifs : « Ma Douleur » (v. 1 et 8), « ma chère » (v. 14)
L’adjectif « chère » renforce l’image de la proximité et d’attachement entre le poète et sa douleur) : la
douleur semble être une amie intime, voire la compagne du poète
Passage de l’exacerbation à l’accalmie perceptible dans le rythme des vers : dans les quatrains, la
douleur est virulente : rythme rapide et saccadé, créé par une coupe irrégulière des alexandrins : « Sois
sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille » : 2/4//3/3 ; « Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici
» : 6//3/3 ; « Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici » : 3/5//4 (v. 8)
Les enjambements des vers 2 à 4 et 5 à 8 renforcent également l’accélération du rythme
En revanche, dans le premier tercet, les points-virgules marquent des pauses dans le rythme et rompent
la linéarité (v. 11-12) : « Sur les balcons du ciel, en robes surannées ; / Surgir du fond des eaux le Regret
souriant ; » : dans les tercets, le rythme s’allonge, devient plus lent, ce qui est accentué par les diérèses
sur les « i » de « sour/i/ant » (v. 11) et « Or/i/ent » (v. 13)
De même, des sonorités dures et angoissées comme les allitérations en « r », « t » ou « d » se mêlent à
des sonorités plus douces comme l‘allitération en « s » et l’assonance en « ou », soulignant
l’ambivalence de cette douleur
A. Le retour du passé
Le passé est évoqué directement au premier tercet : il renaît à travers la personnification des « défuntes
Années » (v. 9) et du « Regret souriant » (v. 11)
L‘image des Années vêtues de « robes surannées » souligne leur appartenance à une autre époque
De plus, la posture penchée des Années (« […] Vois se pencher les défuntes Années, / Sur les balcons
du ciel », v. 9-10) semble connoter la vieillesse, le passé resurgissant comme pour rappeler au poète sa
propre mort, tel un memento mori (le sourire du Regret semble ainsi narguer le poète nostalgique),
conférant ainsi une dimension élégiaque au sonnet
B. Le rejet des plaisirs
« Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci » (v. 6) : le poète semble rejeter les plaisirs, qui ne lui
apportent plus aucune consolation
Le Plaisir, la ville et la foule sont décrits en des termes péjoratifs (v. 5 à 7). Le jeu de mot homophonique
entre « ville » (v. 3) et « vile » (v. 5) associe indirectement la « ville » au qualificatif péjoratif « vile »
Rejet du vers 9 : « Ma Douleur, donne-moi la main, viens par ici, / Loin d’eux. […] » (v. 8-9) : ce
procédé métrique met en évidence l’isolation du poète, qui fuit la foule pour aller se recueillir en
compagnie de sa douleur
Majuscule : « Tu réclamais le Soir » (v. 2), « entends la douce Nuit qui marche » (v. 14)
Le Soir, qui précède et annonce la Nuit, est ambivalent : « Une atmosphère obscure enveloppe la ville /
Aux uns portant la paix, aux autres le souci » (v. 3-4) : l’emploi du verbe « enveloppe » prête au soir un
aspect maternel, protecteur, tandis que l’adjectif qualificatif « obscure » connote l’angoisse, l’inquiétude
La Nuit est, quant à elle, caractérisée par la grâce et la douceur : « Et, comme un long linceul traînant à
l’Orient », « la douce Nuit qui marche » (v. 13-14)
La progression verticale du poème jusqu’au dernier vers semble reproduire la descente progressive du
soleil couchant jusqu’à l’obscurité de la nuit : gradation paradoxalement ascendante (v. 2) : « Tu
réclamais le Soir ; il descend ; le voici »
Impression d’écoulement par les enjambements, la longueur des phrases, les diérèses (« sour/i/ant », «
Or/i/ent »), le participe présent « traînant » (v. 13) etc.
Mais ce coucher de soleil apparaît aussi comme une métaphore de la mort : l’adjectif « moribond » et la
locution « long linceul » (v. 13) associent la nuit à la mort champ lexical de la mort : « obscure », «
mortels », « défuntes », « moribond », « linceul » + bref champ lexical de la vieillesse : « se pencher », «
robes surannées » (v. 9-10)
Descente du soir vers la nuit : métaphore de la progression de la vieillesse vers la mort : en associant la
mort à la nuit et au sommeil (« s’endormir »), Baudelaire atténue la douloureuse réalité de la mort et la
présente comme une libération