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Les exemples et les références extra-philosophiques (littérature, art, écrits

religieux … Pour les références théoriques extra-philosophiques, cf. fiche à venir sur
les références).

Remarques générales

Insérer des exemples dans la dissertation est nécessaire dès lors que votre propos
cherche une inscription concrète dans le champ des phénomènes et à éviter l’abstraction
spécieuse. Mais les exemples ne sont pas utiles qu’en ce qu’ils ancrent le propos dans le
« concret ». Ils ont une valeur propre : analytique, argumentative et stylistique. Travailler
ses exemples (en constituant des fiches, en soignant leur introduction dans le cours du
développement…) est ainsi une nécessité méthodologique.

Les références littéraires, extra philosophiques donnent au propos du corps : elles


mettent la réflexion philosophique en rapport au champ plus général de la production
intellectuelle et le font sortir de l’autarcie. Cependant, ces références devront toujours être
rattachées à un développement conceptuel et ne pas être prises comme des arguments à part
entière. Elles auront donc une fonction d’illustration et d’enrichissement du propos. N’hésitez
pas, si le sujet s’y prête à citer des auteurs que vous aimez et connaissez en profondeur,
surtout à l’oral : cette familiarité donnera du souffle à votre propos. Évitez les ponçifs. Le
statut des références théoriques (cf. fiche à venir) permet de leur donner une valeur
argumentative plus évidente.

Rapport 2021 : Il faut ici, pour finir, rappeler aux candidates et candidats l’importance de
prendre des exemples pertinents, concrets, bien documentés, et de s’appuyer aussi sur des
références extra-philosophiques qui doivent être finement sélectionnées et qui requièrent aussi
un travail de présentation, d’explication et d’interprétation, car il n’est pas de bonne
philosophie qui ne prenne appui sur des « matières étrangères » à la philosophie, selon
l’expression de Georges Canguilhem.

Que fait l’exemple ?

Si les exemples sont nécessaires à une bonne dissertation, leur utilisation trouve
cependant une limite : trop d’exemples pourra donner au correcteur l’impression d’une
dissertation empirique, qui ne tire pas parti des cas concrets convoqués.
Première fonction de l’exemple : son rôle dans l’analyse du sujet et la mise en
perspective qu’il permet d’opérer. Rendre un exemple permet souvent de mettre au jour un
pan important du sujet, voire un axe de la problématique. Cette fonction est importante aussi
bien pour votre travail d’analyse au brouillon qu’au cours de la dissertation. Dans des
moments de tension, lorsque le raisonnement rencontre une aporie, l’exemple peut servir à
relancer le propos en proposant une vue nouvelle sur le problème.
L’exemple est une étape de votre développement : il n’a de valeur qu’en rapport à
votre argumentation, par rapport à laquelle il peut avoir trois fonctions :

1) illustrer
2) confirmer

3) infirmer

Reprise des observations très éclairantes d’O. Tinland sur ce point (Ellipses)
Soit l’exemple (E) : « un bâton droit en partie plongé dans l'eau sera perçu comme tant
brisé. » Un tel exemple peut remplir trois fonctions, selon qu'il constitue le corrélat de trois
thèses différentes.
- (T l) « La sensation brute ne constitue pas un critère autosuffisant de vérité, mais doit
être subordonnée à un jugement de l'entendement pour acquérir une valeur de vérité»
(argument de type cartésien).
- (T2) « La sensation, perpétuellement variable, n'est en aucune façon un critère de
vérité, et le sensible doit être soumis à.la suspension de l'assentiment» (argument de type
pyrrhonien).
- (T3) « La sensation est un critère infaillible de vérité » (argument de type
(grossièrement) sensualiste).
- (E) illustre l'argument (Tl)
- (E) confirme l'argument (T2)
- (E) infirme l’argument (T3)

Attention : (E) ne confirme pas (T1). Le fait que la perception du bâton soit déformée
par la réflexion de la lumière sur l'eau n'implique en effet aucunement que le jugement de
l’entendement soit le niveau où se présente une quelconque valeur de vérité. Pour cela, il
faudrait un exemple plus complet (cf. l'exemple du morceau de cire dans les Méditations
Métaphysiques).
Au contraire, (E) fait plus qu'illustrer (T2), dans la mesure où il constitue un exemple
suffisamment complet pour renforcer la valeur argumentative de (T2) ; pour le dire plus
clairement : (A) exemplifie l'ensemble de la thèse (T2), mais n'exemplifie qu'une partie
(l'insuffisance du critère sensoriel en matière de vérité) de (T1).

Si l’exemple peut confirmer ou infirmer une thèse, il ne la vérifie pas. Cependant,


confirmation et infirmation n’ont de sens que dans une démarche argumentative
précise. Ainsi l’exemple € peut confirmer et infirmer de multiples thèses ; d’où la nécessité
d’être toujours précis non seulement sur l’exemple mais aussi sur la position à laquelle
l’exemple s’applique.
D’où la limite des exemples : trop imprécis, ils sont inutiles en ce qu’ils n’apportent
rien à l’argumentation conceptuelle, ou (pire) tranchent de manière partiale dans des
problèmes toujours complexes.

Conseils

1. Le choix des exemples n’étant nullement simple, il est conseillé de constituer des fiches
d’exemples pour chaque domaine de la réflexion philosophique (les bibliographies
disponibles sur l’interface vous aideront pour l’arpentage).

2. Cinq domaines demandent toute votre attention, les exemples y étant indispensables :

- l’épistémologie : les exemples doivent être précis et clairs. Reportez-vous aux magasines
de vulgarisation et aux outils de la bibliographie. Les ouvrages suivants proposent de
nombreux exemples détaillés :

Chalmers A.F. Qu’est-ce que la science ?, Livre de Poche.


Hempel, Eléments d’épistémologie, Armand Colin,
Barberousse A., Kistler M., Ludwig P. La philosophie des sciences au XXe siècle, Flammarion,
« Champs ».
Hors-série Sciences et Avenir : « La science en 10 questions ».

- l’esthétique : ne vous contentez pas des œuvres picturales. Voyez loin en terme d’époques
et pensez à tous les domaines artistiques (architecture, danses, musique…)
- La philosophie politique, notamment la philosophie du droit: une connaissance générale
du système juridique français, des principaux articles de la constitution, de la déclaration
des droits de l’homme…
- la philosophie de l’histoire : les exemples historiques étant utilisables pour tout sujet …
Reprendre ses cours d’histoire (classes préparatoires - le cas échéant, les collections PUF
premier cycle et les points seuils sont également synthétiques et faciles à travailler. Des
manuels de lycée peuvent, pour les grandes lignes, combler certaines lacunes.)
- l’éthique : attention à ces exemples, qui doivent renvoyer à des expériences suggestives
tout en évitant la trivialité.

3. Reprenez les exemples traités par les philosophes : de tels exemples possèdent le niveau
de précision et une orientation argumentative explicite. Lorsque vous rencontrez un exemple
au cours de vos lectures de philosophie, prenez-en note de manière détaillée.

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