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Corpus Machiavel

I- « Pour les autres [êtres], leur nature définie est tenue en bride par des lois que nous avons prescrites : toi aucune restriction
ne te bride, c’est ton propre jugement, auquel je t’ai confié, qui te permettra de définir ta nature. Si je t’ai mis dans le monde dans
une position intermédiaire, c’est pour que de là tu examines plus à ton aise tout ce qui se trouve dans le monde alentour. Si nous ne
t’avons fait ni céleste, ni terrestre, ni mortel, ni immortel, c’est afin que, doté pour ainsi dire du pouvoir arbitrait et honorifique de
te modeler et de ta façonner toi-même, tu te donnes la forme qui aurait eu ta préférence. Tu pourras dégénérer en formes inférieures,
qui sont bestiales ; tu pourras, par décision de ton esprit, te régénérer en formes supérieures, qui sont divines »
Pic de la Mirandole, De la dignité de l’homme, 1484

II- « L'honnêteté consiste ou à découvrir la vérité et former de bons conseils ; ou à maintenir la société humaine, en rendant à
chacun ce qui lui appartient, et en gardant avec fidélité sa parole ; ou à déployer la grandeur et l'énergie d'une âme haut placée et
invincible ; ou à mettre dans tout ce que l'on fait et ce que l'on dit cette convenance et cette mesure, qui est le cachet de la modération
et de la tempérance. »
Cicéron, Traité des devoirs, Livre I, V

III- « Si donc un prince doit savoir bien suer de la bête, il doit choisir le renard et le lion ; car le lion ne peut se défendre des
filets, le renard des loups ; il faut donc être renard pour connaître les filets, et lion pour faire peur aux loups. Ce qui veulent seulement
faire les lions n’y entendent rien. Partant, un seigneur avisé ne peut tenir sa parole quand cela se retournerait contre lui et quand les
causes qui l’ont conduit à promettre ont disparu ».
Prince, Chapitre XVIII

IV- « Disons encore que l'injustice se commettant ou par ruse ou par violence, la ruse semble être l'injustice du renard, la
violence celle du lion ; que l'une et l'autre sont tout à fait indignes de la nature de l'homme ; mais que la ruse a quelque chose de
plus odieux. La pire de toutes les injustices est celle de l’homme qui, au moment même où il vous porte le coup le plus perfide, a
l’art de se faire passer pour un homme de bien. »
Cicéron, Traité des devoirs, Livre I, XIII.

V- [La Philosophie parle] : « Enfin, il faut que tu endures d’une âme égale tout ce qui se produit dans le champ de la fortune
quand tu auras une fois pour toute soumis ton cou à son joug. […] Tu t’es donné à la fortune pour qu’elle te dirige : il faut te
conformer au caractère de ta maîtresse. Or toi, tu tentes d’arrêter l’élan de la roue qui tourne ? mais mortels des plus stupides, si elle
vient à s’arrêter, elle cesse d’être la fortune »
Boèce, Consolation de philosophie, Le livre de poche, 2005, p. 84-85.

VI- « […] pour que notre libre arbitre ne soit pas éteint, j’estime qu’il peut être vrai que la fortune soit la maîtresse de la moitié
de nos œuvres, mais qu’etiam elle nous en laisse gouverner à peu près l’autre moitié. Je la compare à l’une de ces rivière, coutumière
de déborder, lesquelles se courrouçant noient à l’entour les plaines, détruisent les arbres et maisons, dérobent d’un côté de la terre
pour en donner autre part ; chacun fuit devant elles, tout le monde cède à leur fureur, sans y pouvoir mettre rempart aucun. Et bien
qu’elles soient ainsi furieuses en quelque saison, pourtant les hommes, quand le temps est paisible, ne laissent pas d’avoir la liberté
d’y pouvoir par remparts et par levées, de sorte que, si elles croissent une autre fois, ou elles se dégorgeraient par un canal, ou leur
fureur n’aurait point si grande licence et ne serait pas si ruineuse. Ainsi en est-il de la fortune, laquelle démontre sa puissance aux
endroits où il n’y a point de force dressée pour lui résister, et tourne ses assauts au lieu où elle sait bien qu’il n’y a point remparts
ni levées pour lui tenir tête. Et si vous considérez bien l’Italie, laquelle est le siège de ces révolutions et celle qui leur a donné le
branle, vous la verrez être une vraie campagne sans levée ni remparts aucun ; or si elle était protégée de convenable virtù, comme
est l’Allemagne, la France et l’Espagne, ou cette crue n’aurai pas fait si grandes révolutions, ou bien ne serait pas du tout advenue.
[…].
Concluons donc que lorsque la Fortune change, et que les hommes ne changent pas, ils sont heureux si elle et eux ont des
concordances, malheureux s'ils ne s'accordent point. Je pense, cependant, qu'il vaut mieux être bouillant que circonspect, parce que
la Fortune est femme, et qu'il est nécessaire de la battre et de la maltraiter, pour la tenir sous sa dépendance : elle se laisse plus
facilement vaincre par ceux-là qui la traitent avec froideur. Comme les femmes, elle aime les jeunes gens, parce qu'ils sont moins
respectueux, plus violents, et qu'ils la maîtrisent avec plus d'audace ».
Le Prince, Chapitre 25.

VII- « D’après toutes ces considérations, je conclus que la religion introduite par Numa fut une des principales causes de la
prospérité de Rome. Elle donna naissance à de sages règlements ; ceux-ci déterminent communément la fortune, et la fortune assure
les heureux succès ».
Discours, I, 11

« Aussi les hommes qui vivent habilement dans les grandes prospérités ou les grands malheurs méritent moins qu’on ne pense
la louange ou le blâme. On les verra la plupart du temps précipités dans la ruine ou dans la grandeur par une irrésistible facilité que
leur accorde le ciel, soit qu’il leur ôte, soit qu’il leur offre l’occasion d’employer leur virtù.
Telle est la marche de la fortune : quand elle veut conduire un grand projet à bien, elle choisit un homme d’un esprit et d’une
virtù tels qu’ils lui permettent de reconnaître l’occasion offerte. De même lorsqu’elle prépare le bouleversement d’un empire, elle
place à sa tête des hommes capables d’en hâter la chute. Existe-t-il quelqu’un d’assez fort pour l’arrêter, elle le fait massacrer ou lui
ôte tous les moyens de rien opérer d’utile […].

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Je le répète donc, comme une vérité incontestable et dont les preuves sont partout dans l’histoire, que les hommes peuvent
seconder la fortune et non s’y opposer ; ourdir les fils de sa trame et non les briser. Je ne crois pas pour cela qu’ils doivent
s’abandonner eux-mêmes. Ils ignorent qu’elle est son but ; et comme elle n’agit que par des voies obscures et détournées, il leur
reste toujours l’espérance ; et dans cette espérance, ils doivent puiser la force de ne jamais s’abandonner, et quelque infortune et
misère qu’ils puissent se trouver ».
Discours, II, 29.

VIII- « Un esprit sage ne condamnera jamais quelqu’un pour avoir usé d’un moyen hors des règles ordinaires pour régler une
monarchie ou fonder une république. Ce qui est à désirer, c’est que si le fait l’accuse, le résultat l’excuse ; si le résultat est bon, il
est acquitté ; tel est le cas de Romulus »
Discours, I, IX, p. 405

IX- Quand cette virtù est celle d’Annibal ou de Scipion, elle rachète toutes les fautes auxquelles expose un trop grand désir de
se voir aimé ou craint. Ces deux désirs peuvent produire beaucoup de maux et mener un prince à sa perte. Celui qui porte trop loin
le désir de se faire aimer ne recueille bien vite que le dédain, si peu qu’il passe la juste mesure ; et celui qui la passe pour trop se
faire craindre, ne recueille que la haine. Il n’est point donné à notre nature de pouvoir tenir exactement le juste milieu. Tout excès
d’un côté ou de l’autre doit donc être racheté par une virtù comme celle d’Annibal et de Scipion ; on voit que néanmoins l’un et
l’autre eurent tantôt à pâtir, tantôt à se louer de la manière d’agir »
Discours, III, 21.

X- « Ce trait est digne des remarques et des réflexions de tout citoyen qui se trouve obligé de donner des conseils à sa patrie.
S’il s’agit de délibérer sur son salut, il ne doit être arrêté par aucune considération de justice ou d’injustice, d’humanité ou de cruauté,
d’ignominie ou de gloire. Le point essentiel qui doit l’emporter sur tous les autres, c’est d’assurer son salut et sa liberté »
Discours, III, 41.

XI- « Il n’a point été donné aux choses humaines de s’arrêter à un point fixe lorsqu’elles sont parvenues à leur plus haute
perfection ; ne pouvant plus s’élever, elles descendent ; et pour la même raison, quand elles ont touché au plus bas du désordre,
faute de pouvoir tomber plus bas, elles remontent, et vont successivement ainsi du bien au mal et du mal au bien. La virtù engendre
le repos, le repos l’oisiveté, l’oisiveté le désordre, et le désordre la ruine des États ; puis bientôt du sein de leur ruine renaît l’ordre,
de l’ordre la virtù, et de la virtù la gloire et la prospérité. Ainsi les hommes éclairés ont-ils observés que les lettres viennent à la
suite des armes, et que les généraux naissent avant les philosophes »
Histoire de Florence, Livre 5, chap. 1

XII - « Heureuse peut-on dire la république qui dès l’abord trouve un législateur assez sage pour lui donner des lois telles que,
sans avoir besoin d’être corrigées, elles puissent y maintenir l’ordre et la paix : Sparte observa les siennes plus de huit cent ans sans
les altérer et sans subir aucune révolution ; malheureuse à un certain point la république qui, n’étant pas tombée d’abord dans les
mains d’un législateur habile et prudent, est obligée de réformer elle-même ses lois ; plus malheureuse encore celle qui, dès le début,
s’est éloignée d’une bonne Constitution ; et celle-là en est plus éloignée, dont les institutions vicieuses contrarient la marche,
l’écartant du droit chemin qui conduit au but, parce qu’il est presque impossible qu’aucun événement l’y fasse rentrer. Les
républiques, au contraire qui, sans avoir une Constitution parfaite, mais dont les principes naturellement bons sont encore capables
de devenir meilleurs, ces républiques, dis-je, peuvent se perfectionner à l’aide des événements.
Il est bien vrai que ces réformes ne s’opèrent jamais sans danger, parce que jamais la multitude ne s’accorde sur l’établissement
d’une loi nouvelle tendant à changer la Constitution de l’État, sans être fortement frappée de la nécessité de ce changement. Or,
cette nécessité ne peut se faire sentir sans être accompagnée de danger. La République peut être aisément détruite avant d’avoir
perfectionné la Constitution. Celle de Florence en est une preuve parfaite. Réorganisée après la révolte d’Arezzo en 1502, elle fut
renversée après la prise de Prato en 1512. […]
Mais, venons à Rome. Celle-ci n’eut pas un législateur, comme Lycurgue, qui la constituât à son origine de manière à conserver
sa liberté. Cependant la désunion qui régnait entre le Sénat et le peuple entraîna tant de vicissitudes, et telles, que le hasard opéra en
sa faveur ce que la loi n’avait point prévu. Si elle n’eut pas la première chance, elle eut au moins la seconde. Ses premières
institutions furent défectueuses sans doute, mais elles n’étaient pas contraires au droit chemin qui pouvait les conduire à la
perfection ».
Discours, I, 2

XIII- « Et en vérité il n’a jamais en effet existé de législateur qui n’ait eu recours à l’entremise d’un dieu pour faire accepter
des lois exceptionnelles, inadmissibles autrement : en effet, nombreux sont les principes utiles dont un sage législateur connaît toute
l’importance et qui ne portent pas avec eux des preuves évidentes qui puissent frapper les autres esprits. L’homme habile qui veut
faire disparaître la difficulté a recours aux dieux […]
Discours, I, XI, p. 412

XIV- « Ce qui contribua sûrement le plus à mettre la pauvreté en honneur, ce fut de voir qu’elle ne fermait la route à aucune
magistrature, à aucune dignité, et que l’on recherchait le mérite sous quelque toit qu’il habitât ; les richesses alors paraissaient moins
dignes d’envie »
Discours, III, 25

XV- « On doit remarquer ici combien les institutions de Rome étaient propres à la faire si grande, et combien s’abusent les
autres républiques qui s’éloignent de ces principes. Les Romains, quoiqu’ils fussent épris de la gloire, ne rougissaient pas d’obéir à
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ceux-là qu’ils avaient commandés, ni de servir dans une armée qui avait été sous leurs ordres : mœurs bien opposées à l’opinion,
aux institutions, aux usages de notre temps. À Venise, ils font cette erreur de croire qu’un citoyen qui a exercé un emploi supérieur
ne peut, sans se déshonorer, en accepter un moindre. Un tel préjugé, quand il serait honorable pour le particulier, serait sans utilité
pour le public. La République ne doit-elle pas concevoir plus d’espérance, avoir plus de confiance en un citoyen qui descend d’un
rang élevé pour en exercer un moins important, que dans celui qui d’un emploi inférieur s’élève à un rang supérieur. On ne peut
raisonnablement compter sur celui-ci à moins qu’il ne soit entouré d’hommes assez respectables et expérimentés pour pouvoir, par
leur sagesse et leur autorité, diriger son inexpérience ».
Discours, I, 36

XVI- « En entreprenant de défendre une cause contre laquelle tous les historiens se sont déclarés, je me charge peut-être d'une
tâche si difficile ou d'un fardeau si lourd que je serai obligé de l'abandonner par impuissance, ou de courir le risque d'en être accablé.
Mais quoi qu'il en soit, je pense et je penserai toujours que ce ne peut être un tort de défendre ses opinions quand on n'emploie
d'autre autorité, d'autre force que celle de la raison.
Je dis d'abord que cette légèreté, dont les écrivains accusent la multitude, est aussi le défaut des hommes pris individuellement,
et particulièrement celui des princes ; car quiconque n'est pas retenu par le frein des lois commettra les mêmes fautes qu'une
multitude déchaînée ; et cela peut se vérifier aisément. Il y a eu des milliers de princes ; on compte le nombre des bons et des sages.
[…].
On ne peut donc pas plus blâmer le caractère d'un peuple que celui d'un prince, parce que tous sont également sujets à s'égarer
quand ils ne sont retenus par rien. […].
Je conclus donc, contre l'opinion commune qui veut que le peuple, lorsqu'il domine, soit léger, inconstant, mobile, ingrat ; et
je soutiens que ces défauts ne sont pas plus naturels aux peuples qu'aux princes. Les en accuser également est vérité ; en excepter
les princes, c'est erreur ; car un peuple qui commande et qui est réglé par des lois est prudent, constant, reconnaissant autant et
même, à mon avis, plus qu'un prince même réputé sage. D'un autre côté, un prince dégagé du frein des lois sera ingrat, changeant,
imprudent même, plus qu'un peuple placé dans les mêmes circonstances que lui. La différence de nuance qui existe entre eux ne
vient pas de la diversité de leur naturel qui est absolument le même, et qui ne pourrait avoir que des différences à l'avantage du
peuple, mais bien du plus ou moins de respect que le peuple et le prince ont des lois sous lesquelles ils vivent. Or, si vous examinez
le peuple romain, vous le verrez pendant quatre cent ans ennemi de la royauté, passionné pour le bien public et pour la gloire de la
patrie : mille exemples appuient cette vérité́ ».
Discours, I, 53

XVII- Tous les législateurs qui ont donné des constitutions sages à des républiques ont regardé comme une précaution
essentielle d'établir une garde à la liberté ; et suivant que cette garde a été plus ou moins bien placée, la liberté a duré plus ou moins
longtemps. Comme toute république est composée de grands et de peuple, on s’est demandé aux mains de qui il serait plus
convenable de la confier. À Lacédémone et, de notre temps, à Venise, elle a été donnée à la noblesse, mais, chez les Romains, elle
fut confiée au peuple. Examinons donc laquelle de ces républiques avait fait le meilleur choix. Il y a de fortes raisons à donner de
part et d'autre ; mais, à en juger par l'évènement, on pencherait en faveur des nobles, Sparte et Venise ayant duré plus que Rome.
Et pour en venir aux raisons, et parler en faveur de Rome, je dirai qu'il faut toujours confier un dépôt à ceux qui ont le moins
le désir de le violer. Sans doute, à ne considérer que le caractère de ces deux ordres de citoyens, on est obligé de convenir qu'il y a,
dans le premier, un grand désir de dominer, et dans le second, le désir seulement de ne pas l'être ; par conséquent plus de volonté́
de vivre libre. Le peuple préposé à la garde de la liberté, moins en état de l'usurper que les grands, doit en avoir nécessairement plus
de soin, et ne pouvant s'en emparer, doit se borner à empêcher que d'autres ne s'en emparent ».
Discours, I, 5

XVIII- « Mais quant à l’autre de ces vœux [du peuple], conserver sa liberté, un prince, ne pouvant le satisfaire, doit examiner
avec soin les causes qui lui font désirer si ardemment d’être libre. On trouve alors que quelques-uns, mais en petit nombre, le désirent
pour commander ; tandis que tous les autres, qui sont bien plus nombreux, ne désirent être libres que pour vivre en sécurité ».
Discours, I, 16.

XIX- « Ceux qui sont préposés à la garde de la liberté d’un pays ne peuvent être revêtus d’une autorité plus utile, plus nécessaire
même que celle qui leur donne le pouvoir d’accuser les citoyens devant le peuple, devant un conseil, un magistrat, et cela, à
l’occasion de toute atteinte portée à l’État. Cette institution a deux avantages extrêmement précieux : le premier est d’empêcher, par
la crainte de l’accusation, les citoyens de rien tenter contre l’État, ou bien de les faire punir sur-le-champ de l’attentat commis ; le
second, d’offrir une issue normale aux haines qui, pour une raison ou une autre, fermentent dans les cités contre tel ou tel. Si ces
haines, ne trouvent point d’issue normale, elles recourent à la violence, ruine des républiques. Rien au contraire ne rendra une
république ferme et assurée comme de canaliser, pour ainsi dire, par la loi les humeurs qui l’agitent »
Discours, I, 8

XX- « Je soutiens à ceux qui condamnent les querelles du Sénat et du Peuple qu’ils condamnent ce qui fut le principe de la
liberté, et qu’ils sont beaucoup plus frappés des cris et du bruits qu’elles occasionnaient sur la place publique que des bons effets
qu’elles produisaient.
Dans toute république, il y a deux partis : celui des grands et celui du peuple ; et toutes les lois favorables à la liberté ne naissent
que de leur opposition. […]. On ne peut pas qualifier de désordonnée une république où l’on voit briller tant de vertus : c’est la
bonne éducation qui les fait éclore, et celle-ci n’est due qu’à de bonnes lois ; les bonnes lois, à leur tour, sont le fruit de ces agitations
que la plupart condamnent su inconsidérément. Quiconque examinera avec soin l’issue de ces mouvements, ne trouvera pas qu’ils
aient été cause d’aucune violence qui ait tourné au préjudice du bien public ; il se convaincra même qu’ils ont fait naître des
règlements à l’avantage de la liberté.
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[….] Je dis que chaque État libre doit fournir au peuple un débouché normal à son ambition, et surtout les République, qui dans
les occasions importantes, n’ont de force que par ce même peuple. Or tel était le débouché à Rome : quand celui-ci voulait obtenir
une loi, il se portait à quelques-unes de ces extrémités dont nous venons de parler, ou il refusait de s’enrôler pour aller à la guerre ;
en sorte que le Sénat était obligé de le satisfaire.
Les soulèvements d’un peuple libre sont rarement pernicieux à la liberté. Ils lui sont inspirés communément par l’oppression
qu’il subit ou par celle qu’il redoute. Si ces craintes sont peu fondées, on a le recours des assemblées où la seule éloquence d’un
homme de bien lui fait sentir son erreur ».
Discours I, 4.

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