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L'accord de Marcoussis, entre droit et politique

Jean du Bois de Gaudusson


Dans Afrique contemporaine 2003/2 (n° 206), pages 41 à 55

Article

A près une semaine marathon de négociations présidées par l’ancien ministre


français Pierre Mazeaud, membre du Conseil constitutionnel, assisté du juge
Keba Mbaye et de l’ancien et futur Premier ministre ivoirien, Seydou Diarra,
1

ainsi que de facilitateurs et observateurs désignés par l’Organisation des Nations


unies (ONU), l’Union africaine (UA), la Communauté économique des Etats
d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Organisation internationale de la francophonie
(OIF), dix partis politiques et mouvements issus de la rébellion procédaient le 23
janvier 2003 à la signature d’un accord consensuel, dit de Linas Marcoussis ou, pour
simplifier "de Marcoussis" (voir texte de l’accord infra). Cette table ronde avait été
réunie pour apporter un règlement à la crise dramatique ouverte le 19 septembre
2002 par le déclenchement d’attaques simultanées perpétuées, dans plusieurs villes
de Côte d’Ivoire, y compris à Abidjan, par des assaillants se réclamant d’une
structure dénommée le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), et
prolongées par l’occupation des parties septentrionale puis occidentale du pays.
Cette table ronde s’inscrivait dans un processus comportant une série d’initiatives
internationales, ponctué d’accords entre les parties (signature en octobre 2002 du
plan de règlement de la crise soumis par la CEDEAO) et entrecoupé de nombreuses
suspensions et ruptures des négociations ; toutes sont marquées à la fois par la
condamnation de tout changement inconstitutionnel de gouvernement (voir
notamment le sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la CEDEAO à Accra du 29
septembre 2002, et la déclaration du Conseil de sécurité du 31 octobre) et la
recherche de solutions pour faire cesser les hostilités, ramener le calme dans les
localités occupées et négocier un cadre général de règlement de la crise.
Accord politique s’il en est, l’accord de Marcoussis s’est trouvé saisi par les juristes. 2
Le droit a été en quelque sorte propulsé sur le devant de la scène politique parce que
précisément il constituait un des enjeux majeurs du con lit. Le droit, comme dans
bien d’autres di férends, a ainsi été placé au cœur du débat politique : il l’alimente et
peut faciliter la réalisation des objectifs recherchés comme il peut la rendre plus
malaisée. Accord politique à contenu juridique portant sur le système constitutionnel, il
pose, et a posé, inévitablement des questions juridiques et provoque des
controverses. A ce titre, il nécessite l’analyse des juristes ; quelles que soient les
limites du genre, celle-ci apparaît d’autant plus justifiée à une époque marquée par
les e forts pour assurer la di fusion de l’idéologie juridique et la promotion de l’Etat
de droit. Mais, dans le même temps, l’accord échappe au droit et à l’analyse juridique
en raison de sa nature d’accord à finalité politique de sortie de crise. Ce recours au droit,
autre forme de retour du droit observé dans nombre de pays d’Afrique, est sans
doute une des caractéristiques d’une part des régimes contemporains et d’autre part
de ces nouveaux processus de sortie de crise, dont la Côte d’Ivoire, aujourd’hui, après
bien d’autres, o fre un exemple. On remarquera que cette sollicitation du droit dans
un tel contexte n’est pas sans entraîner de nouvelles approches du droit et de son
rôle et, pour certains, de nouvelles ré lexions sur la nature même du droit lorsqu’il
entre en politique.

Le contenu juridique et institutionnel de l’accord

L’accord obtenu comporte des dispositions de nature di férente : 3

Il assigne d’abord aux pouvoirs publics ivoiriens de mettre en œuvre dans "les
meilleurs délais" un certain nombre de réformes dont il précise les orientations ;
elles concernent des législations politiquement sensibles, critiquées par
l’opposition et les rebelles, dont on considère qu’elles ont fortement contribué
au déclenchement de la crise, non pas tant, du moins pour certaines d’entre
elles, en raison de leur contenu que de leur méconnaissance et mauvaise
compréhension par les populations ainsi que de la réticence du pouvoir à les
appliquer.

Ainsi, pour les questions relatives à la nationalité, est-il renvoyé au code du 14


décembre 1961, révisé par la loi du 21 décembre 1972 qui, consacre plutôt qu’une
"complémentarité entre le droit du sang et le droit du sol" comme l’indique l’accord,
le jus sanguinis, seul pris en considération pour l’attribution de la nationalité
ivoirienne ; la loi admet simplement d’autres modes d’acquisition de la nationalité,
notamment par décision de l’autorité publique [1]. L’attention des signataires se porte
sur l’application de la loi qui soulève de nombreuses di ficultés et pour lesquelles il
est prévu des recommandations concrètes visant à débloquer les procédures de
naturalisation en cours, à améliorer le processus d’identification et à donner des
garanties aux étrangers. Pour le régime foncier, il est renvoyé à la loi du 23 décembre
1998 relative au domaine foncier rural votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale
et qui, selon l’accord, constitue "un texte de référence dans un domaine
juridiquement délicat et économiquement crucial", à l’exception des dispositions
concernant les héritiers des propriétaires de terre ; pour ceux-ci, il est recommandé
d’améliorer la protection de leurs droits acquis. Il est aussi prescrit que la mise en
œuvre progressive de ce texte s’accompagne d’une campagne d’explications et de
"sécurisation foncière" auprès de populations rurales e fectivement peu au fait des
dispositions d’une loi mal connue et incomprise [2].

La disposition programmatique la plus innovante concerne les conditions de 4


l’éligibilité du président de la République : la proposition revient sur la réforme
introduite par le code électoral du 21 décembre 1994 et la révision constitutionnelle
de 1998 et reprise par la Constitution du 23 juillet 2000, aux termes desquelles "nul ne
peut être élu président de la République s’il n’est ivoirien de naissance, né de père et
de mère eux-mêmes ivoiriens de naissance". Libellée dans des termes que l’on
retrouve dans beaucoup d’autres constitutions africaines [3], cette double condition
de nationalité sou frait d’un vice majeur, celui d’être singulièrement dirigée contre la
personne de l’ancien Premier ministre de la Côte d’Ivoire, dissident du parti au
pouvoir, Alassane Dramane Ouattara ; on connaît les conséquences malheureuses de
l’adoption d’une mesure adoptée in extremis, dans sa version la plus discriminatoire.
Outre l’assouplissement de la condition aux termes duquel "le candidat doit être
exclusivement de nationalité ivoirienne né de père ou de mère ivoirienne d’origine",
l’accord ajoute au code de la nationalité qu’une des conditions de perte de la
nationalité ivoirienne est l’exercice "des fonctions électorales ou gouvernementales
dans un pays étranger".

Enfin, d’autres recommandations concernent les médias, l’armée, les droits et 5


libertés de la personne humaine, le regroupement, le désarmement et la
démobilisation, et le redressement économique (voir les annexes de l’accord).

A côté de cet ensemble programmatique, figurent des dispositions


d’application immédiate à destination du gouvernement et du Parlement
ivoirien. Elles modifient la distribution des pouvoirs organisée par la Constitution du
23 juillet 2000. Ce fut un des enjeux majeurs de la négociation politique : à
défaut de pouvoir changer le titulaire de la fonction présidentielle, s’ouvrait la
possibilité de réformer un régime marqué par une forte présidentialisation
aggravée par la révision du 2 juillet 1998.

Trois séries de dispositions restreignent le rôle de chef de l’Etat : il perd d’abord sa


liberté de désigner le Premier ministre et de mettre fin à ses fonctions (voir l’article
3a et c de l’accord) ; il lui est ensuite imposé l’obligation de procéder à une très large
délégation des "prérogatives de l’exécutif" au bénéfice du gouvernement dirigé par le
Premier ministre ; il voit enfin ses attributions militaires amputées au profit du
gouvernement chargé de "refonder et de restructurer les forces de défense et de
sécurité", ce qui implique, dans les faits, la délégation de sa qualité de chef suprême
des armées et du pouvoir de nommer aux emplois militaires qui lui sont reconnus
par les articles 46 et 47 de la Constitution.

Controverses juridiques sur l’accord

Sitôt signé, l’accord de Marcoussis a provoqué de nombreuses réactions dans la 6


classe politique ; de manière spectaculaire, la question ivoirienne a quelque temps
quitté le champ du politique ou celui du théâtre des opérations pour occuper le
terrain juridique, non sans vivacité et tensions, comme en témoigne la prise de
position publique du ministre de l’Intérieur, Paul Yao N’Dre, par ailleurs professeur
de droit public, pour qui l’accord est "nul et non avenu [4]".

Il convient de rendre compte des controverses auxquelles ont donné lieu les 7
conclusions de la table ronde et qui ont pour une large part dominé les négociations
et incidents qui ont suivi la signature de l’accord. Celles-ci n’ont pas véritablement
porté sur le contenu du programme défini à l’intention du futur gouvernement et du
Parlement ; sa mise en œuvre ne manquera pas de rencontrer des di ficultés, mais
elles ne sont pas nouvelles et ont déjà alimenté l’agenda politique de la Côte d’Ivoire
dans le passé et surtout elles ne surgiront que plus tard. Pour l’essentiel, les critiques
se sont focalisées sur la nature de l’accord, sur la constitutionnalité de ses dispositions,
sur les modalités de son application, et en définitive sur sa force obligatoire pour les
parties.

Le débat d’ordre juridique a été essentiellement, pour des raisons évidentes, lancé 8
par le président ivoirien et ses ministres – appuyés par un certain nombre de juristes
ivoiriens et étrangers comme en témoignent par exemple les déclarations d’un
porte-parole des juristes de Côte d’Ivoire publiées dans Fraternité Matin le 7 février
2003 ou le manifeste de quelques juristes français publié dans le même quotidien le
17 février 2003 – assurés de leur bon droit et ne voyant dans les événements qu’une
rébellion organisée contre un gouvernement constitutionnel régulièrement élu.

Deux séries de critiques furent adressées à l’accord : d’une part, il ne saurait engager 9
l’Etat ivoirien et son gouvernement faute pour ces derniers d’en avoir été signataires
– seuls les partis politiques l’ont été – ; d’autre part, il sou fre d’une faiblesse
rédhibitoire, celle d’être incompatible avec la Constitution et, s’il était appliqué,
d’entraîner des di ficultés insurmontables dans un Etat de droit. En première
analyse, il apparaît en e fet que plusieurs dispositions ne sont pas conformes à la
Constitution, dont il est pourtant rappelé que ses institutions doivent être
respectées : en réduisant les prérogatives présidentielles, elles vident de sa
signification la formule de l’article 41 de la Constitution selon laquelle le président de
la République est "le détenteur exclusif du pouvoir exécutif" ; quant au Parlement,
destinataire d’une véritable "feuille de route", il se trouve en quelque sorte investi
d’un mandant impératif condamné par la Constitution.
Ces arguments ne sont pas sans appeler eux-mêmes une réplique ; on pourrait 10
considérer que, moyennant l’adoption d’une approche compréhensive des textes, les
modifications recommandées par l’accord ne sont pas incompatibles avec la
Constitution, tant en ce qui concerne les délégations consenties que la nomination
du Premier ministre. Les constitutionnalistes reconnaissent l’existence de plusieurs
lectures de la Constitution ou la possibilité de voir s’établir des "conventions de la
Constitution" ; ils savent utiliser le principe d’interprétation de l’e fet utile pour
donner leur sens aux textes, les rendre compatibles et assurer la cohérence dans leur
application. Le texte issu de la table ronde de Marcoussis peut se comprendre
comme une grille d’interprétation des dispositions concernées de la loi
fondamentale de 2000.

Il reste, cependant, que cet exercice de juristes, quels que soient le talent et la
capacité d’imagination de ces derniers, se heurte à des limites qui épuisent les
vertus de sa poursuite sur le plan politique.

Elles tiennent au fait que l’accord de Marcoussis définit en réalité une nouvelle
Constitution et que son objectif est précisément de réviser le dispositif institutionnel
et de contenir des recommandations nouvelles non conformes à celle toujours en
vigueur. Sur le plan strictement juridique, la conciliation des deux textes passe par…
la révision de la Constitution de la Côte d’Ivoire ; cela suppose, outre une volonté
politique, l’obtention de l’accord du Parlement et, pour certaines réformes,
l’organisation d’un référendum, di ficile à envisager dans la situation actuelle d’un
pays en crise. En l’absence de telles modifications de la Constitution et de toute
possibilité de sanctions juridiques organisées, ne subsiste que celle de la Cour
constitutionnelle en place qui, quelles que soient ses possibilités d interprétation, ne
peut statuer qu’au regard du texte fondamental existant. On devine les di ficultés à
venir ; il su fit d’imaginer, par exemple, le cas où le Premier ministre de consensus
déciderait de se porter candidat à la future élection présidentielle, passant outre
l’interdiction qui lui en est faite par l’accord…

On ne saurait aller plus loin dans l’examen des controverses juridiques, en définitive 11
sans issue ; les arguments échangés combinent, selon les protagonistes, la lettre et
l’esprit de la Constitution, la lettre et l’esprit de l’accord, l’analyse formelle et
exégétique et l’analyse compréhensive et téléogénique. En toute hypothèse, aucune
des approches ne permet de résoudre la question essentielle de l’intégration d’un
accord, dont on attend que les dispositions soient respectées, dans un ordre
juridique existant et qui doit être modifié, sans pouvoir suivre les procédures
prévues à cet e fet…

Un accord politique de sortie de crise


Ces considérations juridiques ne prennent tout leur sens que resituées dans leur 12
contexte politique ; les discussions les plus techniques et les plus exégétiques ont
certes un intérêt en elles-mêmes ; elles en ont un aussi parce que, s’intégrant dans un
ensemble de négociations plus large, elles remplissent des fonctions politiques,
souvent tactiques.

Le recours au droit, qui est une des caractéristiques des régimes


contemporains, trouve sa place dans ces nouveaux processus de sortie de crise
enclenchés et mis en œuvre pour résoudre ces tensions, con lits et guerres
échappant aux catégories traditionnelles. La résolution de ces nouvelles crises
suscite, et nécessite, de nouvelles approches et procédures ; elles sont un dosage
subtil, et variable, de légalité et de recours au droit et de négociation politique ; elles
s’accompagnent en règle générale, mais pas nécessairement, de l’intervention
de tiers, personnalités ou institutions, organisations internationales, sous-
régionales (CEDEAO, par exemple) ou spécialisées (OIF), jouant le rôle de
médiateur et de facilitateur. L’histoire récente des con lits en Afrique o fre
plusieurs exemple de ces mécanismes alternatifs de règlements des di férends,
le plus souvent les seuls à pouvoir être utilisés. Pour n’en retenir qu’un, proche
de la Côte d’Ivoire, l’exemple de Madagascar est particulièrement topique. A
deux reprises, en 1991 puis en 2001-2002, les parties en opposition, Didier
Ratsiraka, présent dans les deux cas, et ses adversaires, Albert Zafy et Marc
Ravalomanana, ont soldé leurs a frontements et de longues négociations par
l’adoption d’accords portant sur le fonctionnement des institutions. En 1991, le
juridisme est allé jusqu’à la signature de la "convention du 31 octobre",
étonnante construction juridico-politique redistribuant les compétences entre
les autorités o ficielles et l’opposition sans modifier o ficiellement la
Constitution [5].

Ces accords, à contenu juridique et institutionnel, sont à la fois le résultat d’un


consensus, plus ou moins parfait – le cas ivoirien se distingue par l’absence du
gouvernement en tant que tel au processus et à la signature –, plus ou moins étendu,
et une étape dans la recherche d’une solution définitive, le document adopté n’ayant
pas force de loi mais étant lui-même sujet à évolution au fil des négociations. C’est
dans ce sens que se comprennent les prises de position, incidents et actes juridiques
qui ont suivi l’accord tant en ce qui concerne la formation du gouvernement, avec
l’intervention des chefs d’Etat de la conférence de Kléber, que l’attribution des
délégations de compétence réalisée par le décret du 10 mars 2003 [6] et la mise en
place du Conseil national de sécurité et de défense par le décret du 13 mars 2003 [7].
Chaque fois, les décisions apparaissent comme de nouveaux compromis, parfois
élaborés avec le concours de la communauté internationale comme ce fut le cas à
Accra en mars 2003 [8], dans le cadre général des dispositions de l’accord.
Pour terminer, on s’interrogera sur les conséquences de ce recours au droit dans un
contexte et avec des intentions qui ne permettent pas de respecter une de ses
caractéristiques fondamentales, sa force obligatoire. D’un côté,
l’instrumentalisation en quelque sorte maximale dont il fait l’objet, puisqu’en
toute hypothèse l’opération se fait en dehors du système juridique, ne risque-t-
elle pas de contribuer à la dévalorisation de son rôle et à la déformation de sa
nature ? N’ouvre-t-on pas la possibilité à " ceux qui ne peuvent user ni du glaive
ni du su frage universel pour accéder au pouvoir, [de s’essayer] à l’usage
immodéré des arcanes de la science juridique pour se soustraire à la légalité [9]".
L’invocation du droit et l’attribution de fonctions autres que celles qui sont
immédiatement et explicitement les siennes ne sont-elles pas, ainsi, un danger
pour la cause du droit ? Dans un autre sens cependant, cet usage du droit et du
discours juridique n’est-il pas aussi l’une des "armes", une des seules,
disponibles pour assurer la réalisation de l’Etat de droit et de la démocratie
inscrite dans les premières pages de l’agenda politique en Afrique et dans le
monde ?

Ces questions méritent au moins d’être posées à une époque d’interrogations sur la
portée des changements constitutionnels opérés depuis le début des années 1990
dans le sens du respect en toute circonstance des règles et des sources du droit. La
présence de "gouvernements constitutionnels" considérés comme illégitimes, soit
"par la naissance", en raison par exemple de manipulations électorales sauvegardant
les apparences, soit en cours d’exercice de leurs mandats, ouvre aujourd’hui un
débat, ancien, qui oppose légalité et légitimité et qui surgit parce que l’on dissocie ou
que se dissocient l’une et l’autre.

Depuis quelques années, on observe une tendance où, pour justifier le non-respect 13
des règles constitutionnelles, fondé sur des motifs jugés légitimes, on en vient à
proposer un nouveau droit constitutionnel, comme cela avait été fait dans le passé à
propos du droit à l’insurrection et à la désobéissance civile. On demande au droit,
quitte à le "revisiter" ou à en modifier la nature et les principes fondamentaux, les
moyens de surmonter la contradiction, nouvelle, consistant à remettre en cause, en
dehors des procédures légales et des règles constitutionnelles d’essence
démocratique, des gouvernants désignés conformément aux dispositions textuelles
dont l’Etat de droit impose le respect, quitte à faire perdurer des régimes éloignés et
s’éloignant des valeurs démocratiques. Ce fut un des arguments souvent employés
lors de la dernière crise malgache. On connaît les impasses de l’alternative ainsi
posée et les dangers de constructions juridiques e fectuées à partir des périodes de
crise ; pour justifier les solutions ivoiriennes n’a-t-on pas invoqué l’existence d’"un
droit public de circonstances" ? Le risque est alors grand de voir se développer, pour
résoudre cette di ficulté, des théories consacrant des conceptions loues et
subjectives de la légalité et amoindrissant le rôle du droit constitutionnel en tant que
norme fondamentale et obligatoire, dans la réalité comme dans l’imaginaire des
populations, des élus et des autres acteurs du jeu politique.
Dans ces conditions, il reste au droit et aux juristes à reconnaître, plutôt que de se 14
livrer à une course poursuite avec les faits, vouée à l’échec, qu’ils rencontrent des
bornes, que tout ne saurait se régler en pure logique du droit et sur son seul terrain,
et qu’il est des épisodes, souvent les plus dramatiques, de la vie politique qui leur
échappent. Si leur objet est juridique, l’accord de Marcoussis comme ses homologues
sont d’abord des accords politiques dont la force ne tient que par la volonté et le
consensus de leurs auteurs et de ceux qui ont facilité sa conclusion Mais c’est en fin
de compte au droit que reviendra le dernier mot lorsque la situation de non-droit et
la crise à la résolution de laquelle il peut contribuer seront surmontées et que sera
venu, revenu, le temps des accords juridiques à contenu politique.

L’accord de Linas-Marcoussis
Nous reproduisons ci-dessous le texte intégral de l’Accord de Marcoussis du 24 janvier 2003 15
entre di férentes parties au con lit intérieur ivoirien et son annexe, tels que publiés par le
ministère français des A faires étrangères (notamment sur le site internet http:// www.
diplomatie. gouv. fr).

1) A l'invitation du Président de la République française, une Table Ronde des forces 16


politiques ivoiriennes s'est réunie à Linas-Marcoussis du 15 au 23 janvier 2003. Elle a
rassemblé les parties suivantes FPI, MFA, MJP, MPCI, MPIGO, PDCI-RDA, PIT, RDR,
UDCY, UDPCI. Les travaux ont été présidés par M. Pierre MAZEAUD, assisté du juge
Keba Mbaye et de l'ancien Premier ministre Seydou Diarra et de facilitateurs
désignés par l'ONU, l'Union Africaine et la CEDEAO.

Chaque délégation a analysé la situation de la Côte d'Ivoire et fait des propositions 17


de nature à rétablir la confiance et à sortir de la crise. Les délégations ont fait preuve
de hauteur de vue pour permettre à la Table Ronde de rapprocher les positions et
d'aboutir au consensus suivant dont tous les éléments -principes et annexes- ont
valeur égale :

2) La Table Ronde se félicite de la cessation des hostilités rendue possible et garantie 18


par le deploiement des forces de la CEDEAO, soutenu par les forces françaises et elle
en exige le strict respect. Elle appelle toutes les parties à faire immédiatement cesser
toute exaction et consacrer la paix. Elle demande la libération immédiate de tous les
prisonniers politiques.

3) La Table Ronde réa firme la nécessité de préserver l'intégrité territoriale de la Côte 19


d'Ivoire, le respect de ses institutions et de restaurer l'autorité de l'Etat. Elle rappelle
son attachement au principe de l'accession au pouvoir et de son exercice de façon
démocratique. Elle convient à cet e fet des dispositions suivantes :

a- Un gouvernement de réconciliation nationale sera mis en place dès après la 20


clôture de la Conférence de Paris pour assurer le retour à la paix et à la stabilité. Il
sera chargé du renforcement de l'indépendance de la justice, de la restauration de
l'administration et des services publics, et du redressement du pays. Il appliquera le
programme de la Table Ronde qui figure en annexe et qui comporte notamment des
dispositions dans les domaines constitutionnel, législatif et réglementaire.

b- Il préparera les échéances électorales aux fins d'avoir des élections crédibles et 21
transparentes et en fixera les dates.

c- Le gouvernement de réconciliation nationale sera dirigé par un Premier ministre 22


de consensus qui restera en place jusqu'à la prochaine élection présidentielle à
laquelle il ne pourra se présenter.

d- Ce gouvernement sera composé de représentants désignés par chacune des 23


délégations ivoiriennes ayant participé à la Table Ronde. L'attribution des ministères
sera faite de manière équilibrée entre les parties pendant toute la durée du
gouvernement.

e- Il disposera, pour l'accomplissement de sa mission, des prérogatives de l'exécutif 24


en application des délégations prévues par la Constitution. Les partis politiques
représentés à l'Assemblée Nationale et qui ont participé à la Table Ronde s'engagent
à garantir le soutien de leurs députés à la mise en œuvre du programme
gouvernemental.

f- Le gouvernement de réconciliation nationale s'attachera dès sa prise de fonctions 25


à refonder une armée attachée aux valeurs d'intégrité et de moralité républicaine. Il
procédera à la restructuration des forces de défense et de sécurité et pourra
bénéficier, à cet e fet, de l'avis de conseillers extérieurs et en particulier de
l'assistance o ferte par la France.

g- Afin de contribuer à rétablir la sécurité des personnes et des biens sur l'ensemble 26
du territoire national, le gouvernement de réconciliation nationale organisera le
regroupement des forces en présence puis leur désarmement. Il s'assurera qu'aucun
mercenaire ne séjourne plus sur le territoire national.

h- Le gouvernement de réconciliation nationale recherchera le concours de la 27


CEDEAO, de la France et des Nations unies pour convenir de la garantie de ces
opérations par leurs propres forces.

i- Le gouvernement de réconciliation nationale prendra les mesures nécessaires pour 28


la libération et l'amnistie de tous les militaires détenus pour atteinte à la sûreté de
l'Etat et fera bénéficier de la même mesure les soldats exilés.

4) La Table Ronde décide de la mise en place d'un comité de suivi de l'application des 29
accords de Paris sur la Côte d'Ivoire chargé d'assurer le respect des engagements
pris. Ce comité saisira les instances nationales, régionales et internationales de tous
les cas d'obstruction ou de défaillance dans la mise en œuvre des accords afin que les
mesures de redressement appropriées soient prises.
La Table Ronde recommande à la Conférence de Chefs d'Etat que le comité de suivi 30
soit établi à Abidjan et composé des représentants des pays et des organisations
appelés à garantir l'exécution des accords de Paris, notamment

le représentant de l'Union européenne, 31

le représentant de la Commission de l'Union africaine 32

le représentant du secrétariat exécutif de la CEDEAO, 33

le représentant spécial du Secrétaire Général qui coordonnera les organes de la 34


famille des Nations unies,

le représentant de l'Organisation internationale de la Francophonie, 35

les représentants du FMI et de la Banque mondiale 36

un représentant des pays du G8 37

le représentant de la France 38

5) La Table Ronde invite le gouvernement français, la CEDEAO et la communauté 39


internationale à veiller à la sécurité des personnalités ayant participé à ses travaux et
si nécessaire à celle des membres du gouvernement de réconciliation nationale tant
que ce dernier ne sera pas à même d'assurer pleinement cette mission.

6) La Table Ronde rend hommage à la médiation exercée par la CEDEAO et aux 40


e forts de l'Union Africaine et de l'ONU, et remercie la France pour son rôle dans
l'organisation de cette réunion et l'aboutissement du présent consensus.

A Linas-Marcoussis, le 24 janvier 2003 41

POUR LE FPI : Pascal AFFI N'GUESSAN 42

POUR LE MFA : Innocent KOBENA ANAKY 43

POUR LE MJP : Gaspard DELI 44

POUR LE MPCI : Guillaume SORO 45

POUR LE MPIGO : Félix DOH 46

POUR LE PCI-RDA : Henri KONAN BEDIE 47

POUR LE PIT : Francis WODIE 48

POUR LE RDR : Alassane Dramane OUATTARA 49

POUR L'UDCY: Théodore MEL EG 50

POUR L'UDPCI: Paul AKO 51

LE PRESIDENT: Pierre MAZEAUD 52


ANNEXE

PROGRAMME DU GOUVERNEMENT DE RECONCILIATION

I- Nationalité, identité, condition des étrangers 53

1) La Table Ronde estime que la loi 61-415 du 14 décembre 1961 portant code de la 54
nationalité ivoirienne modifiée par la loi 72-852 du 21 décembre 1972, fondée sur une
complémentarité entre le droit du sang et le droit du sol, et qui comporte des
dispositions ouvertes en matière de naturalisation par un acte des pouvoirs publics,
constitue un texte libéral et bien rédigé.

La Table Ronde considère en revanche que l'application de la loi soulève de 55


nombreuses di ficultés, soit du fait de l'ignorance des populations, soit du fait de
pratiques administratives et des forces de l'ordre et de sécurité contraires au droit et
au respect des personnes.

La Table Ronde a constaté une di ficulté juridique certaine à appliquer les articles 6 56
et 7 du code de la nationalité. Cette di ficulté est aggravée par le fait que, dans la
pratique, le certificat de nationalité n'est valable que pendant 3 mois et que,
l'impétrant doit chaque fois faire la preuve de sa nationalité en produisant certaines
pièces. Toutefois, le code a été appliqué jusqu'à maintenant.

En conséquence, le gouvernement de réconciliation nationale : 57

a. relancera immédiatement les procédures de naturalisation existantes en 58


recourant à une meilleure information et le cas échéant à des projets de coopération
mis en œuvre avec le soutien des partenaires de développement internationaux;

b. déposera, à titre exceptionnel, dans le délai de six mois un projet de loi de 59


naturalisation visant à régler de façon simple et accessible des situations aujourd'hui
bloquées et renvoyées au droit commun (notamment cas des anciens bénéficiaires
des articles 17 à 23 de la loi 61-415 abrogés par la loi 72-852, et des personnes résidant
en Côte d'Ivoire avant le 7 août 1960 et n'ayant pas exercé leur droit d'option dans les
délais prescrits), et à compléter le texte existant par l'intégration à l'article 12
nouveau des hommes étrangers mariés à des Ivoiriennes.

2) Pour faire face à l'incertitude et à la lenteur des processus d'identification ainsi 60


qu'aux dérives auxquelles les contrôles de sécurité peuvent donner lieu, le
gouvernement de réconciliation nationale développera de nouvelles actions en
matière d'état civil et d'identification, notamment :

a. La suspension du processus d'identification en cours en attendant la prise des 61


décrets d'application de la loi et la mise en place, dans les meilleurs délais, d'une
commission nationale d'identification dirigée par un magistrat et composée des
représentants des partis politiques chargés de superviser et de contrôler l'O fice
national d'identification.

b. La stricte conformité de la loi sur l'identification au code de la nationalité en ce qui 62


concerne la preuve de la nationalité.

3) La Table Ronde, en constatant que le grand nombre d'étrangers présents en Côte 63


d'ivoire a largement contribué à la richesse nationale et aidé à conférer à la Côte
d'ivoire une place et une responsabilité particulières dans la sous-région, ce qui a
bénéficié également aux pays dont sont ces étrangers originaires, considère que les
tracasseries administratives et des forces de l'ordre et de sécurité souvent contraires
au droit et au respect des personnes dont les étrangers sont notamment victimes
peuvent provenir du dévoiement des dispositions d'identification.

a. Le gouvernement de réconciliation nationale devra donc supprimer 64


immédiatement les cartes de séjour prévues à l'article 8 alinéa 2 de la loi 2002-03 du 3
janvier 2002 pour les étrangers originaires de la CEDEAO et.fondera le nécessaire
contrôle de l'immigration sur des moyens d'identification non susceptibles de
détournement.

b. De plus, le gouvernement de réconciliation nationale étudiera toute disposition 65


législative et réglementaire tendant à améliorer la condition des étrangers et la
protection de leurs biens et de leurs personnes.

c. La Table Ronde demande par ailleurs à tous les Etats membres de la CEDEAO de 66
ratifier dans les meilleurs délais les protocoles existant relatifs à la libre circulation
des personnes et des biens, de pratiquer une coopération renforcée dans la maîtrise
des lux migratoires, de respecter les droits fondamentaux des immigrants et de
diversifier les pôles de développement. Ces actions pourront être mises en œuvre
avec le soutien des partenaires de développement internationaux.

II- Régime électoral 67

1) La Table Ronde estime que la loi 2000-514 du 1er août 2000 portant Code électoral 68
ne soulève pas de di ficultés et s'inscrit dans le cadre d'un processus d'amélioration
des textes et que la loi 2001-634 du 9 janvier 2001 portant création de la Commission
Electorale Indépendante constitue un progrès significatif pour l'organisation
d'élections transparentes.

2) Le gouvernement de réconciliation nationale : 69

a. assurera l'impartialité des mesures d'identification et d'établissement des fichiers 70


électoraux ;

b. proposera plusieurs amendements à la loi 2001-634 dans le sens d'une meilleure 71


représentation des parties prenantes à la Table Ronde au sein de la commission
centrale de la Commission Electorale Indépendante, y compris au sein du bureau ;
c. déposera dans un délai de 6 mois un projet de loi relatif au statut de l'opposition et 72
au financement public des partis politiques et des campagnes électorales ;

d. déposera dans le délai d'un an un projet de loi en matière d'enrichissement illicite 73


et organisera de manière e fective le contrôle des déclarations de patrimoine des
personnalités élues ;

e. prendra toute mesure permettant d'assurer l'indépendance de la justice et 74


l'impartialité des médias, tant en matière de contentieux électoral que de
propagande électorale.

III- Eligibilité à la Présidence de la République 75

1) La Table Ronde considère que l'article 35 de la Constitution relatif à l'élection du 76


Président de la République doit éviter de se référer à des concepts dépourvus de
valeur juridique ou relevant de textes législatifs. Le gouvernement de réconciliation
nationale proposera donc que les conditions d'éligibilité du Président de la
République soient ainsi fixées.

Le Président de la République est élu pour cinq ans au su frage universel direct. Il n 77
'est rééligible qu’une fois.

Le candidat doit jouir de ses droits civils et politiques et être âgé de trente-cinq ans 78
au moins. Il doit être exclusivement de nationalité ivoirienne né de père ou de mère
Ivoirien d'origine.

2) Le Code de la nationalité sera amendé par l'adjonction aux conditions de perte de 79


la nationalité ivoirienne édictées par son article 53, des mots suivants : exerçant des
fonctions électives ou gouvernementales dans un pays étranger.

3) Le Président de la République rendra public chaque année son bulletin de santé. 80

IV- Régime foncier 81

1) La Table Ronde estime que la loi 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine 82
foncier rural votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale constitue un texte de
référence dans un domaine juridiquement délicat et économiquement crucial.

2) Cependant, le gouvernement de réconciliation nationale : 83

a. accompagnera la mise en œuvre progressive de ce texte d'une campagne 84


d'explication auprès des populations rurales de manière à aller e fectivement dans le
sens d'une véritable sécurisation foncière.

b. proposera un amendement dans le sens d'une meilleure protection des droits 85


acquis les dispositions de l'article 26 de la loi relative aux héritiers des propriétaires
de terre détenteurs de droits antérieurs à la promulgation de la loi mais ne
remplissant pas les conditions d'accès à la propriété fixées par son article 1.
V- Médias 86

1) La Table Ronde condamne les incitations à la haine et à la xénophobie qui ont été 87
propagées par certains médias.

2) Le gouvernement de réconciliation nationale reprendra dans le délai d'un an 88


l'économie générale du régime de la presse de manière à renforcer le rôle des
autorités de régulation, à garantir la neutralité et l'impartialité du service public et à
favoriser l'indépendance financière des médias. Ces mesures pourront bénéficier du
soutien des partenaires de développement internationaux.

3) Le gouvernement de réconciliation nationale rétablira immédiatement la libre 89


émission des médias radiophoniques et télévisés internationaux.

VI- Droits et libertés de la Personne humaine 90

1) Le gouvernement de réconciliation nationale créera immédiatement une 91


Commission nationale des droits de l'homme qui veillera à la protection des droits et
libertés en Côte d'Ivoire. La Commission sera composée des délégués de toutes les
parties et présidée par une personnalité acceptée par tous.

2) Le gouvernement de réconciliation nationale demandera la création d'une 92


commission internationale qui diligentera des enquêtes et établira les faits sur toute
l'étendue du territoire national afin de recenser les cas de violation graves des droits
de l'homme et du droit international humanitaire depuis le 19 septembre 2002.

3) Sur le rapport de la Commission internationale d'enquête, le gouvernement de 93


réconciliation nationale déterminera ce qui doit être porté devant la justice pour
faire cesser l'impunité. Condamnant particulièrement les actions des escadrons de la
mort et de leurs commanditaires ainsi que les auteurs d'exécutions sommaires sur
l'ensemble du territoire, la Table Ronde estime que les auteurs et complices de ces
activités devront être traduits devant la justice pénale internationale.

4) Le gouvernement de réconciliation nationale s'engagera à faciliter les opérations 94


humanitaires en faveur des toutes les victimes du con lit sur l'ensemble du territoire
national. Sur la base du rapport de la Commission nationale des droits de l'homme, il
prendra des mesures d'indemnisation et de réhabilitation des victimes.

VII - Regroupement, Désarmement, Démobilisation 95

1) Dès sa prise de fonctions, le gouvernement de réconciliation nationale 96


entreprendra le processus de regroupement concomitant des forces en présence
sous le contrôle des forces de la CEDEAO et des forces françaises.

2) Dans une seconde phase il déterminera les mesures de désarmement et de 97


démobilisation, qui seront également menées sous le contrôle des forces de la
CEDEAO et des forces françaises.
3) L'ensemble des recrues enrôlées depuis le 19 septembre seront immédiatement 98
démobilisées.

4) Le gouvernement de réconciliation nationale assurera la réinsertion sociale des 99


militaires de toutes origines avec l'appui de programmes de type Désarmement
Démobilisation Rapatriement Réinstallation Réinsertion (DDRRR) susceptibles
d'être mis en œuvre avec l'appui des partenaires de développement internationaux.

5) Le gouvernement de réconciliation nationale prendra les mesures nécessaires 100


pour la libération et l'amnistie de tous les militaires détenus pour atteinte à la sûreté
de l'Etat et fera bénéficier de la même mesure les soldats exilés. La loi d'amnistie
n'exonérera en aucun cas les auteurs d'infractions économiques graves et de
violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire.

6) Le gouvernement de réconciliation nationale procèdera à un audit de ses forces 101


armées et devra déterminer dans un contexte économique di ficile le niveau des
sacrifices qu'il pourra consentir pour assurer ses obligations en matière de défense
nationale. Il réalisera sur ces bases la restructuration des forces armées et
demandera à cette fin des aides extérieures.

VIII- Redressement économique et nécessité de la cohésion sociale 102

1) Le gouvernement de réconciliation nationale rétablira la libre circulation des 103


personnes et des biens sur tout le territoire national et facilitera la reprise des
activités scolaires, administratives, économiques et sociales.

2) Il préparera dans un bref délai un plan de reconstruction et de développement des 104


infrastructures et de relance de l'économie nationale, et de renforcement de la
cohésion sociale.

3) La Table Ronde recommande aux institutions internationales et aux partenaires 105


de développement internationaux d'apporter leur concours au processus de
redressement de la Côte d'Ivoire.

IX- Mise en œuvre 106

Le gouvernement de réconciliation nationale veillera à ce que les réformes 107


constitutionnelles, législatives et réglementaires que nécessitent les décisions qu'il
sera appelé à prendre interviennent dans les meilleurs délais.

Notes

[1] Voir R. Decottignies, "Les nouvelles nationalités africaines", Penant, Revue de droit
des pays d’Afrique, 1964, p. 10 ; Ouraga Obou, Requiem pour un code électoral, Temps
nouveau, Abidjan, Presses de l’université de la Côte d’Ivoire (PUCI), 2000 ;
"Manifeste des intellectuels ivoiriens", présenté à la rencontre des intellectuels
africains pour la paix, Cotonou, 20-23 décembre 2002.
[2] Jean-Pierre Chauveau, "La question foncière en Côte d’Ivoire et le coup d’Etat",
Politique africaine, n° 7, 2000.

[3] Fanny Pigeaud, "Qui peut être candidat à la présidence de la République ?", L’Autre
Afrique, n° 6, 2001.

[4] Interview à la télévision Première Chaîne publié dans La Voie du 30 janvier 2003.

[5] Texte reproduit dans Afrique contemporaine, n° 163, 1992, p. 55.

[6] Aux termes de ce décret, le président de la République a délégué de larges pouvoirs


dans seize domaines pour une durée de six mois renouvelable. Il s’agit notamment
du désarmement des forces rebelles, du rétablissement de l’intégrité de l’autorité
de l’Etat sur l’ensemble du territoire, de la refondation et restructuration des forces
de défense et de sécurité, de l’élaboration d’un projet de loi spéciale de
naturalisation, de la préparation des échéances électorales, de l’élaboration des
propositions de réforme électorale, du projet d’amendement de la loi sur le foncier
rural, le renforcement du contrôle sur la neutralité et l’indépendance des médias. Il
reviendra au Premier ministre de "rendre compte régulièrement" au président de
la République des avancements réalisés dans l’exercice de sa mission.

[7] Le contenu de ce décret pris par le président de la République est contesté en ce


qu’il semble transformer une des pièces essentielles des accords d’Accra de mars
2003 en organe consultatif se réunissant tous les trois mois à l’initiative du chef de
l’Etat. Voir Le Patriote, 8 avril 2003.

[8] Accord du 8 mars 2003 présenté dans Marchés tropicaux, 14 mars 2003.

[9] Ouraga Obou, Requiem pour un code électoral, op. cit. [1], p.29.

Résumé

FrançaisL’accord de Marcoussis a immédiatement suscité des controverses


juridiques concernant notamment sa constitutionnalité et sa force obligatoire.
Accord politique à contenu juridique, il sanctionne un moment des négociations
destinées à résoudre la crise ivoirienne sans en être le point final. Il s’inscrit dans un
de ces processus de sortie de crise qui tendent à se multiplier en Afrique et qui
appellent une ré lexion sur la nature et le rôle du droit en politique.

EnglishEnglish abstract on Cairn International Edition


Plan
Le contenu juridique et institutionnel de l’accord

Controverses juridiques sur l’accord

Un accord politique de sortie de crise


L’accord de Linas-Marcoussis

Auteur
Jean du Bois de Gaudusson

Université Montesquieu Bordeaux IV - Centre de recherches sur les droits africains


et sur le développement institutionnel des pays en développement (CERDRADI).

Mis en ligne sur Cairn.info le 01/09/2005


https://doi.org/10.3917/afco.206.0041

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