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DEDICACE

À notre père : Édouard TOURÉ


À notre mère : Félicité KONÉ

À la famille Coulibaly

i
REMERCIEMENTS
Toutes œuvres humaines bénéficient d’apports extérieurs. C’est pourquoi nous
tenons à traduire nos sincères reconnaissances à tous ceux qui ont contribué, d’une manière
ou d’une autre, à l’élaboration de ce travail de recherche.
Nous remercions tout particulièrement le superviseur de nos recherches scientifiques,
M. KONÉ Diakaridia, Maitre de conférences, pour sa bienveillance ses encouragements.
Dans cette même lancée, notre gratitude va à l’endroit de Docteur KASSI Koffi,
notre encadreur, Jean-Jacques, non seulement pour ses orientations et ses conseils qui nous
ont permis de mener à bien ce modeste travail, mais aussi pour sa rigueur, sa patience, sa
compréhension. Nos remerciements vont à l’endroit du premier responsable du département
de Lettres Modernes ainsi que les enseignants dudit département pour leur qualité des savoirs
qu’ils nous ont transmis.
Enfin, nous remercions toute notre famille, nos amis et connaissances de près ou de
loin, qui n’hésitaient pas de nous venir en aide à chacune de nos sollicitations. Qu’ils sachent
en toute honnêteté que leur soutien a été d’une importance capitale pour nous, dans la
réalisation de ce travail.

II
SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNERALE ........................................................................................ 1


PREMIÈRE PARTIE : L’ÉCRITURE ORALISTE : DÉCRYPTAGE ET
CANONISATION CHEZ JEAN-MARIE ADIAFFI ET MARIAMA BÂ .................... 8
CHAPITRE I : LA DYNAMIQUE NARRATIVE DE L’ÉCRITURE ORALISTE DANS
SILENCE, ON DÉVELOPPE DE JEAN-MARIE ADIAFFI ET UNE SI LONGUE LETTRE
DE MARIAMA BÂ ............................................................................................................ 10
CHAPITRE II : LES DIFFÉRENTES APPROCHES QUI FÉCONDENT LA CULTURE
............................................................................................................................................. 34
DEUXIÈME PARTIE : ONOMASTIQUE ET CULTURE : STRATÉGIES
NARRATIVES ET STYLISTIQUES DANS SILENCE, ON DÉVELOPPE DE JEAN-
MARIE ADIAFFI ET UNE SI LONGUE LETTRE DE MARIAMA BÂ .................... 42
CHAPITRE III : L’ONOMASTIQUE CHEZ LES ÉCRIVAINS OUEST-AFRICAINS 44
CHAPITRE IV : LA DOMINANTE NARRATIVE ET STYLISTIQUE DE LA
CULTURE ........................................................................................................................... 58
TROISIÈME PARTIE : L’ÉCRITURE ORALISTE COMME MÉTAPHORE DE LA
LIBERTÉ DANS SILENCE, ON DÉVELOPPE DE JEAN-MARIE ADIAFFI ET UNE
SI LONGUE LETTRE DE MARIAMA BÂ ................................................................... 69
CHAPITRE V : LA LIBERTÉ EN QUESTION ............................................................... 71
CHAPITRE VI : LA RÉVOLTE CONTRE LA CULTURE, COMME EXPRESSION DE
LA LIBERTÉ ...................................................................................................................... 80
CONCLUSION GÉNÉRALE........................................................................................... 98
INDEX DES AUTEURS ................................................................................................... 102
INDEX DES NOTIONS .................................................................................................... 104
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ 107
TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................. 112

III
INTRODUCTION GÉNERALE
La littérature oralisée convoque des signes et des techniques narratives. Aussi, dans
le contexte du postmodernisme, se signale une nouvelle donne scripturaire faite d’invention,
de créativités et de ruptures de tous ordres. Plusieurs écrivains africains, romanciers
notamment, convoquent des techniques narratives à partir desquelles ils inscrivent leurs
identités culturelles et leurs idéologies fondées sur la quête de la liberté. Pour ces écrivains
que Sewanou DABLA qualifie de « romanciers de la seconde génération »,1 il s’agit de faire
valoir l’écriture de reconversion qui se présente désormais comme un lieu de mobilisation
des genres, de configuration multiculturelle, mais également une manière de mettre fin la
dépendance qui frappe les sociétés africaines. Selon Pierre N’DA, cette pratique textuelle est
Une des caractéristiques les plus remarquable des textes [des romanciers de la
deuxième génération] est sans nul doute cette volonté de faire du neuf,
d’écrire autrement, cet esprit d’innovation et de rupture de l’écriture normée,
cette recherche effrénée de nouvelles voies, de nouvelles expériences et de
nouvelles formes d’écriture: une écriture libérée et libérante, une
écriture différente et novatrice, une écriture inédite et originale2.
Ces auteurs expriment pleinement le souci de s’affranchir de la tutelle occidentale
par la recherche d’une nouvelle écriture fondée sur la rupture de formes et de fond, en
s’inspirant de la littérature orale et des aspects de la culture africaine. Cette stratégie fait de
la prose romanesque négro-africaine un carrefour des genres littéraires et le lieu où se déploie
la transgression des normes canoniques. C’est donc ces faits marquants de l’histoire littéraire
africaine qui ont initié la réflexion suivante : « L’écriture oraliste et la rhétorique de la
liberté dans Silence, on développe de Jean-Marie Adiaffi et Une si longue lettre de
Mariama Bâ ».
Ainsi, les œuvres Silence, on développe de Jean-Marie Adiaffi et Une si longue lettre
de Mariama BÂ s’inscrivent dans l’encrage socio-culturel et dans la quête de la liberté au
sein des différentes sociétés africaines. Ils font transparaitre les ressources du récit oralisé et
la poétique de la liberté, en mettant en scène les questions fondamentales de l’identité
culturelle et de la liberté.

1
Sewanou Jean-Jacques Dabla, Nouvelles écritures africaines: romanciers de la seconde génération, Paris:
L’harmattan, 1986, p.256.
2
Pierre NDA, L’écriture romanesque de Maurice Bandaman ou la quêté d'une esthétique africaine
Moderne. Paris, L'Harmattan, 2003, p.128.

1
Le sujet qui fait l’objet d’investigation scientifique évoque des notions qui méritent
des analyses préliminaires à savoir : ‘’l’écriture oraliste ’’, ‘’ la rhétorique ’’ et ‘’la
liberté’’. D’abord, l’écriture est définie, selon le dictionnaire Larousse, comme : « Système
de signes graphiques servant à noter un message oral afin de pouvoir le conserver et/ou le
transmettre3 ». Dans le domaine littéraire, elle s’appréhende comme la forme scripturaire qui
traduit les émotions, les idéologies chez les écrivains.
Parler de la notion oraliste c’est faire allusion au concept de l’oralité qui relève de
la parole. L’oralité fait référence à tous les aspects de la tradition orale. Selon PEYTARD
Jean, « l’oralité est le caractère des énoncés réalisés par l’articulation vocable et susceptible
d’être entendu4 ». En effet, cette notion prend en compte la parole qui se caractérise à travers
les dictons, la prosodie, l’intonation, les débits, les accents et les pauses. L’écriture oraliste
est donc perçue comme un phénomène de culture et de civilisation de sociologie. C’est
exclusivement un mode de communication, d’échange et de partage quotidiens des données
et des informations, c’est également un mode de vie pour préserver le patrimoine culturel et
civilisation. A en croire Jean DERIVE (2008 :17), elle est
Une énonciation consciemment proférée de manière spécifique […], un mode
culturel spécifique de communication verbale. L’oralité n’est pas le simple fait de
s’exprimer oralement ; elle constitue « une véritable modalité de civilisation par
laquelle certaines société tentent d’assurer la pérennité d’un patrimoine verbal
ressenti comme élément essentiel de ce que fonde leur conscience identitaire et leur
cohésion communautaire.5
Autrement dit, l'oralité se présente comme une marque culturelle, une manifestation
littéraire et esthétique du langage non écrit. Et le groupe humain qui, même s’il connaît
l’écriture, fonde la plus grande partie de ses échanges de messages sur la parole, est appelé
société à tradition orale. C’est le cas des civilisations africaines qui sont des civilisations de
l’oralité, du verbe, de la parole, du rythme et du symbole. Elles véhiculent, à travers le temps,
les créations sociales et culturelles des peuples africains ; elles représentent le témoignage
le plus éloquent de ce que l’Afrique apporte sur son propre passé, sur sa façon de vivre, de
penser et de sentir.

3
Dictionnaire de français Larousse, consulté le 03/01/2023 disponible à
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%25C3%25A9criture/27743, Définitions : écriture -
Dictionnaire de français Larousse,
4
Affin Laditan, « De l’oralité à la littérature : métamorphoses de la parole chez les Yorubas », Semen [En
ligne], 18 | 2004, mis en ligne le 02 février 2007, consulté le 25 avril 2023. URL, p. ….
http://journals.openedition.org/semen/1226; DOI: https://doi.org/10.4000/semen.1226
5
Ursula Baumgardt et Dérive, Littératures orales africaines, Perspectives théoriques et méthodiques, Paris,
Karthala chap. 12, 2008, p. 25

2
Parler d’écriture oraliste, du point de vue littéraire, reviendrait à appréhender ce qui
relève de la parole et de la tradition orale dans les textes littéraires ; Elle prend en compte
tous les aspects de la culture intégrés dans l’écriture romanesque, c’est-à-dire comment le
romancier exprime la culture, la tradition et son identité dans le récit.
Ces écrivains privilégient la manière de raconter, l’acte de narration. C’est exactement
ce qu’exprime TRO DEHO (2010 :433) qui écrit que :
En confiant leur pouvoir narratorial à ces narrateurs « maitre de la parole »
qui investissent leurs textes[…] les romanciers placent des dispositifs
narratifs et énonciatifs sous le sceau de l’oralité, et la figure du narrateur de
type oral les gouverne dans un style propre à lui[…]ils invitent
[ainsi]implicitement le lecteur à signer avec comme fondement de toute
l’humanité ces narrateurs-personnages le pacte de parole et à placer le texte
qu’il est en train de lire sous le signe de l’oraliture6.
Ensuite la rhétorique, c’est la technique de mise en œuvre des moyens
d’expressions du langage ; elle est à la fois science et art de l’action du discours sur les
esprits. Aristote définit la rhétorique comme : « un art ou une faculté qui considère en chaque
sujet ce qui est capable de persuader (…) La rhétorique est à l'éloquence ce que la théorie
est à la pratique, ou comme la poétique est à la poésie. ».7 Elle vise à mettre à la disposition
du locuteur les moyens d’organiser un discours capable de persuader ses auditeurs. Mieux,
du point de vue technique, la rhétorique, c’est-à-dire un art. Au sens classique du mot, c’est
l’art de la persuasion : ensemble de règles, de recettes dont la mise en œuvre permet de
convaincre l'auditeur du discours (et plus tard le lecteur de l'œuvre), même si ce dont il faut
le persuader est « faux ».

En ce qui concerne la notion de la liberté, elle est relative à la possibilité d’action ou


de mouvement sans contrainte. En d’autres termes, c’est l’état d'indépendance et
d'autonomie par rapport aux causes extérieures ; absence, suppression ou affaiblissement
d'une contrainte. Pour l’Homme, c’est le fait d’agir, d’écrire, mieux c’est l’Absence de
contrainte dans la pensée, l'expression, l'allure, le comportement. Confère le Grand Robert.
Bref, la liberté est relative à la destruction des frontières linguistiques, scripturaires.

Au demeurant, ces notions soulèvent la question des techniques narratives affectées


à la forme oralisée et à partir desquelles les romanciers interrogés structurent leurs récits
pour exprimer leur volonté de s’affranchir. Il s’agira alors d’interroger les composants

6
Roger Tro Dého, Poèmes et chansons dans l’écriture des romanciers de l’univers mandingue : entre
esthétique de l’identité et poétique transculturelle. Thèse de Doctorat d’Etat, (dir. Pierre N’da), Université
d’Abidjan-Cocody, Côte d’Ivoire, 2010, p.433.
7
Aristote, la rhétorique

3
romanesques permettant de faire la synergie des différents genres littéraires. La réflexion
inclue aussi l’ouverture du romanesque à d’autres arts littéraires tels que la poésie,
le théâtre, la chanson, l’épopée, et bien d’autres.
Pour mener à bien cette recherche, nous avons fixés trois objectifs. Comme objectif
principal. Nous devons être capables de montrer que l’oralité, en tant que phénomène de la
culture, de la tradition orale et de la civilisation, constitue une esthétique romanesque et
participe à l'autonomie de la littérature africaine francophone. Pour ce qui est des objectifs
secondaires, il s’agira d’abord, de dégager les enjeux, les indices de l'écriture oraliste dans
le roman africain. Ensuite, Montrer comment l’oralité et la rhétorique de la liberté, à l'instar
du postmodernisme, permettent de traduire les formes d’affranchissement et quête
identitaire.
Ces objectifs orientent justement notre investigation et suggèrent des préoccupations
structurent notre analyse. Dans quelles mesures les œuvres littéraires, Silence, on développe
de Jean-Marie Adiaffi et Une si longue lettre de Mariama Bâ, sont-elles lues comme des
textes qui systématisent l’écriture oraliste ? Comment, par le biais des formes narratives
affectées à l’oralité, ces deux récits soulèvent-ils la question de la liberté ? Quelles sont,
enfin, les implications idéologiques qui sous-tendent ces diverses formes de ruptures ?
De ces différentes préoccupations découlent des hypothèses de recherche. D’abord,
l’analyse consiste à mettre en exergue les indices scripturaires de l’écriture oraliste dans les
textes interrogés. Il sera, ensuite, question de décrypter les diverses formes de ruptures
romanesques à partir desquelles les auteurs font le joint entre l’oralité et l’écriture. Enfin,
nous analyserons les convergences et divergences des modes opératoires de l’écriture
oraliste dans la culture sénégalaise et la culture ivoirienne.
Dès lors, le choix de Silence, on développe et Une si longue lettre comme analyse
résulte de plusieurs motivations. D’une part, Jean Marie Adiaffi est un romancier dont le
talent est au service d’un engagement politique, accorde la primauté à la tradition orale et
au mélange des genres littéraires qu’il qualifie lui-même "d’écriture n’zassa". C’est ce qui
nous amène à relever dans le premier chapitre du roman :

DE LA LIBERTÉ RECONQUISE [...]


Cadence ma liberté retrouvée Cadence donc mon poème
Le Poème des Ténèbres
Cadence le Théâtre tragique
De mon Sang d’abîme
Cadence le roman de Sang

4
Le Roman de mon Sang des précipices Cadence l’épopée de la nuit
La geste du Fléau de la Liberté...8
Cet extrait nous montre la présence effective de l’écriture oraliste et la rhétorique de la liberté
dans la mesure où il favorise l’imbrication de la poésie, de la langue maternelle de l’auteur
à travers le substantif « kokwa » et l’évocation récurrente de la notion de liberté dans la
prose.
D’autre part, faisant partie de la littérature féminine, Mariam BÂ est une romancière
des mœurs sociales. Son roman engagé au nom du principe de la responsabilité et du devoir
permet de critiquer la domination masculine comme une prise en otage des traditions
africaines en faisant l’apologie de la liberté de la gent féminine. Ainsi, Son œuvre Une si
longue lettre constitue une création susceptible de mieux exprimer la question de l’écriture
oraliste et de la liberté.

Mawdo, les princes dominent leurs sentiments, pour honorer leurs devoirs. « Les
autres » courbent leur nuque et acceptent en silence un sort qui les brime voilà
schématiquement, le règlement intérieur de notre société avec ses clivages insensés.
Je ne m’y soumettrai point. Au bonheur qui fut nôtre, je ne peux substituer celui que
tu me proposes aujourd’hui.[…] je me dépouille de ton amour, de ton nom. Vêtue
du seul habit valable de la dignité, je poursuis ma route. Adieu Aïssatou9.

Cet indice textuel témoigne effectivement de l’affranchissement de la femme du joug


masculin et met en évidence des noms provenant de la langue de l’écrivaine. L’examen de
ce corpus est très important dans la mesure où il traduit les réalités de certaines traditions
africaines et fait ressortir le visage de la femme dans ladite société. Il importe, à ce stade de
l’analyse, de recenser et de décrire, au préalable, les études et travaux menés sur le
phénomène de l’écriture oraliste.
La critique littéraire marque un point d’honneur ou encore fait l’état des lieux des
travaux ou recherches déjà effectués en lien avec l’une de nos composantes notionnelles du
sujet et en lien avec le sujet lui-même. En effet, certains chercheurs se sont intéressés aux
notions liées à l’étude en question. Ce sont entre autres : Ehora Effoh Clément et TRO Dého
Roger. De prime abord, Ehora Effoh Clément, dans son article intitulé « les nouveaux habits
de l’oralité» chez les romanciers ouest-africains de la seconde génération, pose le postulat
selon lequel l’écriture oraliste ne réside plus seulement dans l’imbrication générique mais
aussi dans le contenu du récit et la violation des normes canoniques héritées de l’Occident.

8
Jean-Marie Adiaffi, Silence, on développe, Vallesse, Abidjan, 1992, p. 29.
9
Mariama Bâ, Une si longue lettre, Neas, Dakar, 1979, pp.64-65.

5
Mieux les écrivains ouest-africains mettent un point d’honneur sur la manière de raconter et
le produit même de cet acte. Aussi, dans son travail, il démontre la forte cohabitation de la
scripturalité et l’oralité qui font du roman, un genre hybride.

Par ailleurs, les travaux scientifiques du professeur TRO Dého Roger sur “La
littérature orale et la rhétorique du mensonge dans « Silence, on développe » de Jean-Marie
Adiaffi mettent en lumière le rapport qu’entretient la littérature, le mensonge et le faux. Il
poursuit, dans son analyse que le recours à la littérature orale et l’oralité dans les textes de
Jean-Marie Adiaffi représente une esthétique et permet de renouveler la structure générique
du roman africain, en s’inspirant de la tradition orale.

Sur cette base, notre réflexion appelle les investigations susceptibles de relever des
réponses aux questions posées. Pour ce faire, il importe de choisir des méthodes adéquates,
de cerné ses contours et de trouver les éléments efficaces capables de guider aux objectifs.
Les modèles théoriques de notre étude sont : la narratologie, la sociologie et la stylistique.

La narratologie est une étude fondée sur des textes narratifs. C’est en 1969 que
Tzvetan TODOROV avait proposé le terme de narratologie. Pour bien cerner l’apport de la
narratologie, il importe de saisir la distinction entre trois entités fondamentales : l’histoire,
le récit et la narration. De ce point de vue, la narratologie est une discipline qui étudie les
mécanismes internes d’un récit, lui-même constitué d’une histoire narrée. Les travaux de
Gérard Genette (1972 et 1983) s’inscrivent dans cette manière d’appréhender les récits
comme objet linguistique indépendant, détaché des contextes de production ou de réception.
Cette méthode est importante parce qu’elle permet de décrypter les techniques narratives
affectées à l’oralité qui traduisent une forme d’affranchissement aussi scripturaire et sociale.

Ensuite, la sociologie, est l’étude des relations, actions et représentations sociales par
laquelle se constitue une société. Elle s’intéresse au rapport humains, culturel et linguistes.
C’est à juste titre que Emile Durkheim définit la sociologie dans son livre les règles de la
méthode sociologique (1889) comme : « une manière d’agir, de penser et de sentir »
extérieur à l’individu et qui s’impose à lui. Ainsi après les guerres mondiales et les
indépendances en Afrique, les africains se retrouvent dans une société de désillusion et ce
chaos inspire les écrivains à relater ces faits sociaux dans leur écrit. Par exemple, chaque 8
mars, les droits de la femme sont célébrés et si la femme est célébrée c’est que ses droits
sont bafoués. Cas de Ramatoulaye dans Une Si Longue Lettre.

6
Enfin, la stylistique est l’étude du style, c’est-à-dire « la manière d’écrire. » .Mieux
c’est une approche qui vise le décryptage du matériau mise en œuvre pour assurer la
littérarité du texte. Elle est importante dans l’étude de ces œuvres parce qu’elle permet de
déceler les moyens scripturaux qui structurent le culturel, et les diverses formes de ruptures
dans l’imaginaire romanesque.

Pour Georges MOLINIE, la stylistique est une discipline majeure dans le cursus de
lettre : elle analyse les divers régimes de fonctionnement du langage et spécialement du
langage littéraire. Ainsi, pour Pierre Guiraud : « La stylistique est l'étude du style, c'est-à-
dire de "la manière d'écrire". Cette définition, claire dans son principe, se révèle ambiguë et
difficile à manipuler dans la pratique en raison de sa complexité. »10

L’itinéraire de ce travail sera tracé en trois phases : d’abord, il sera question


d’examiner la canonisation de l’écriture oraliste dans Silence, on développe et Une si longue
lettre. Cet aperçu est rendu possible par deux chapitres qui traitent respectivement la
dynamique narrative de l’écriture oraliste dans Silence, on développe de Jean-Marie Adiaffi
et Une si longue lettre de Mariama Bâ ; et les différentes approches qui fécondent la culture.
Ensuite, la seconde partie s’intéresse à l’onomastique et culture : stratégies narrative et
stylistique les convergences de la langue chez Jean-Marie Adiaffi et Mariama BÂ. Cette
partie mettra en lumière aussi deux chapitres à savoir : l’onomastique chez les écrivains
ouest-africains et la dominante narrative et stylistique de la culture. Enfin, il va s’agir, dans
la dernière et troisième partie d’analysé l’écriture oraliste comme métaphore de la liberté
dans Silence, on développe de Jean-Marie Adiaffi et Une si longue lettre de Mariama Bâ.

10
Pierre GUIRAUD, Essais de stylistique, problèmes et méthodes, K1incksieck, Paris, 1969, p.23.

7
PREMIÈRE PARTIE :

L’ÉCRITURE ORALISTE : DÉCRYPTAGE ET


CANONISATION CHEZ JEAN-MARIE ADIAFFI ET
MARIAMA BÂ

8
INTRODUCTION DE LA PRÉMIÈRE PARTIE

La première séquence de ce mémoire est intitulée “l’écriture oraliste dans le roman


africain ”cela oriente notre travail à montrer que la réalité littéraire est décelable dans le
corpus de recherche. Ainsi, nous pouvons immédiatement poser ses différentes
préoccupations à savoir : quels sont les composantes de l’écriture oraliste ? Comment se
manifeste-t-elles dans le corpus ? Retenons que de ses origines jusqu’à nos jours, le roman
africain a connu plusieurs concepts qui ont participés à son évolution et son émancipation
scientifique. Ces concepts se déploient à travers des méthodes narratives, des terminologies
dont fait partie l’écriture oraliste et la rhétorique de la liberté. Ce sont ces notions qui
évaluent le texte par le biais de la régularité et des éventuelles. Ainsi, cette première partie
de l’analyse sera le champ d’un décryptage, d’une exploration des éléments de la tradition
orale pour une meilleure appréciation du corpus. Cette étape obéit donc à une double
démarche à savoir : les techniques narratives du récit oralisé chez Adiaffi et Mariama Bâ et
les différentes approches qui fécondent la tradition dans les œuvres convoquées.

9
CHAPITRE I : LA DYNAMIQUE NARRATIVE DE L’ÉCRITURE ORALISTE
DANS SILENCE, ON DÉVELOPPE DE JEAN-MARIE ADIAFFI ET UNE SI
LONGUE LETTRE DE MARIAMA BÂ
L’insertion du récit oralisé est l’un des phénomènes qui désignent la littérature orale.
Cette méthode met en évidence l’adoption des habitudes locales dans le roman africain dans
la mesure où elle présente la civilisation et la culture à travers l’acte de la parole. De ce fait,
s’il est vrai que toute société communique à l'oral, notons que le récit oralisé peut constituer
dans une certaine mesure la particularité, la spécificité de certaine société ; C’est le cas de
l’Afrique. L’objet de ce chapitre est de déceler les empreintes de l’écriture oraliste tout en
mettant l’accent sur les traces de l’oralité, de l’oral. Pour ce faire, il s’agira pour nous de
poser la question suivante : comment les composants de l’écriture oraliste se manifeste-t-il
dans les œuvres convoquées ? La réponse à cette interrogation repose sur une étude des faits
de l’oralité africaine. Ainsi, cette notion se veut de rendre compte des traces et aspirations
de la culture africaine en générale, en particulier celle du Sénégal et de la Côte d’Ivoire tel
que vécues dans l’Afrique profonde.

I. les manifestations linguistiques et littéraires de l’oral dans le roman de Jean-Marie


Adiaffi et Mariama Bâ
Le roman africain francophone, dans son contenu ne s’intéresse pas seulement qu’à
l’oralité textuelle ou diététique mais aussi de l’oral linguistique qui apparaît ainsi chez
Adiaffi et Mariama Bâ. Dans cette partie, il s’agit de décrire les manifestations de l’oral qui
se définissent comme : « la forme écrit du langage prononcé à haute » (Dubois, 2001 : 336).
Ce trait, faisant essentiellement partie des fondements de la société africaine est un élément
qui contribue à la spécificité de la littérature africaine francophone. Les romanciers, à travers
la présence de leurs langues maternelles dans les écrits, et tout ce qui représente le patrimoine
culturel, leur origine ont pu créer une littérature de grand mérite malgré l’humiliation dont
elle a été victime. Les marques de l’oral sont présentes de façon explicite dans les textes de
Jean-Marie Adiaffi et Mariama Bâ ; cet élément est en quelque sorte le mode de vie, de la
civilisation des africains car il forme un processus artistique traditionnel. En Afrique l’oralité
constitue une : « Véritable modalité de civilisation par laquelle certaines sociétés tentent

10
d’assurer la pérennité d’un patrimoine verbal ressenti comme un élément essentiel de ce que
fonde leur conscience identitaire.»11
I.1.La présence des traits intonationnels
Selon Antoine Lipou : « l’ancrage du français vernacularisé dans le discours
interjectif constitue un facteur favorable à l’apparition de multiples phénomènes
intonationnels. Ceux-ci trahissent des attitudes des personnages à l’égard de leurs propres
discours et de leur référence ».12Ainsi, de la genèse jusqu’à la fin du roman de Jean-Marie
Adiaffi, nous constatons un nombre pléthorique d’énoncé présentant quelques-uns de ces
traits intonationnels : chapitre 8 « tomber ououooo » p.109 ; chapitre 50 ; chapitre
45 « indépendance hô hô » p.537. L’intonation porte, comme on peut le remarquer, sur les
mots : « tomber » ; « indépendance » auxquels est affecté les sons respectifs [ououoo], [hô]
qui confèrent ainsi à ces mots une dimension orale et renforce la consignation de l’oral dans
l’écrit. En français parlé ivoirien, cette intonation est montante et on observe un allongement
de ce son. Ce niveau de langue correspond au français basilical 13 qui trouve d’autres
manifestations dans l’oralisation d’un certain nombre de mots.

I.2. Des allongements vocaliques.


L’usage des allongements vocaliques constitue une véritable modalité pour les
écrivains ouest-africains car elle permet d’introduire graphiquement l’oral tout en mettant
l’accent sur le caractère emphatique d’un mot. Ainsi, cette oralisation peut être considérée
comme une autre représentation de la parole dans le lexique du texte littéraire africain à
l’exemple de celui de Jean-Marie Adiaffi. Certains sont en français comme l’illustrent les
exemples suivants : « des hommes qui cuissent Schsssssss…. Schsssssss…. Schsssssss,
comme des agoutis rôtis dans une monstrueuse incendie de forêt ». P.118 du chapitre
9 ; « hiéééé ! hiéééé ! », P.141 du chapitre 10.

11
Ursula Baumgardt et Jean Dérive Littérature orale africaine, perspectives théoriques et méthodologiques,
Paris, Karthala, 2008, chap. 1, p. 17
12
Antoine lipou, « Normes et pratiques scripturales africaines », Diversité culturelle et linguistique : Quelles
normes pour le français ? AUF, 2001, p.115
13
Dans un continuum linguistique, le basilecte désigne une variété de langue qui se situe au bas de l’échelle
et qui est parlée par les locuteurs très peu lettrés. Biloa (2008 : 11) affirme à cet effet que « la variété
basilectale est parlée par des gens peu lettrés ou presqu’analphabètes. Ses locuteurs se recrutent dans la
paysannerie, le prolétariat urbain et rural et le lumpen-prolétariat ». Au-dessus du basilecte se trouvent le
mésolecte et l’accrolecte qui sont respectivement des variétés linguistiques des moyens lettrés et des
locuteurs lettrés. Pour Dubois et al. (2001 : 63), Le basilecte est « la variété autochtone la plus éloignée de
l’acrolecte ». Il faudrait, en français du Cameroun, une étude pour déterminer les distributions des marqueurs
d’intonations, [o] et [a], en fonction d’un certain nombre de variables telles que le niveau scolaire, l’origine
tribo-ethnique, âge, etc. On observe cependant que ces deux sons sont utilisés à l’oral et dans des contextes
informels par des locuteurs très peu scolarisés.

11
Par contre, d’autres sont en langue maternelle ; ils marquent soit l’euphorie soit
l’action. Ce sont : « Apotôôôhôôô, Apotôôôhôôô, » ; « côcôcôcô » p.608 du chapitre
50 ; « tyrorooooo » p.30 ; « Mi Man Miééeeee…la liberté est là ». P .42. Le repérage de ces
allongements vocaliques mis en gras sont constitués dans cette série d’exemples des mots
issus de la langue Agni, une ethnie, situé dans la zone Est de la Côte d'Ivoire (centre-est,
sud-est, nord-est et est). Ces événements narratifs attribuent ainsi, à la syntaxe du français
littéraire la marque de l’oral pour la simple raison qu’ils sont généralement convoqués dans
le dialogue quotidien des africains. Dans une perspective sociologique, ils sont inscrits dans
l’œuvre littéraire par les écrivains africains en vue d’exposer l’esthétique de l’oral au sein
de la société africaine.
Au niveau des syntagmes, nous avons d’autres aspects de l’oral écrit. Il existe diverses
manifestations, mais nous analyserons seulement que les répétitions aspectuelles, le
suremploi des déictiques.

I.3. Les répétitions aspectuelles


Selon Antoine Lipou, les répétitions aspectuelles se définissent comme étant : « un
mode d’expression du répétitif, du duratif, du fréquentatif, de l’intensif ou de l’insistance ».
Elles traduisent principalement le duratif, le répétitif et l’insistance. Les phrases ci-après
14
illustrent ce phénomène : « Longue, profonde, béante fut la Nuit. Cette Nuit. Une longue
nuit. Une profonde nuit, une béante nuit. Une nuit traversée d’éclairs, de foudres et de
gouffres. Secouée d'horreurs. Une nuit noire, épaisse, opaque ». P.29 ; « le blanc, le blanc,
le blanc, » p152 ; « À mort, À mort, À mort ». p.154 ; « Elle respire. Respire respire ». p.31-
32. L’usage de ces indices dans le roman d’Adiaffi permet de traduire principalement le
duratif, le répétitif et l’insistance. En effet, elles permettent aux personnages de marquer la
durée d’un acte ou d’une action, l’insistance parfois pour signifier un désaccord, un
étonnement.

I.4. Le suremploi des déictiques


Les déictiques sont les mots qui explicitent l’acte énonciatif par la référentialité
situationnelle : ils montrent les circonstances de l’activité langagière, le contexte énonciatif.
Ce sont donc des indicateurs qui désignent le locuteur, le sujet de la parole orale ou écrite.
La catégorie la plus visible de ces référents est celle des pronoms personnels qui désignent
ceux qui participent à la communication : je/nous s’adressent à un tu/vous pour parler de

14
Antoine Lipou, Op.cit. , p.115.

12
il/on/ça, pronoms auxquels correspondent les adjectifs et pronoms possessifs, etc. D’autres
référents explicitent la situation temporelle (aujourd’hui, hier, demain) et spatiale (ici/là,
ceci/cela, etc.).
Outre les pronoms personnels et possessifs, des adverbes et adjectifs démonstratifs
surtout et des locutions adverbiales, il y a encore certains temps (le présent notamment) et
modes du verbe ainsi que les procédés qui introduisent la citation d’énoncés d’autrui (styles
direct, indirect et indirect libre à valeur « testimoniale »). Ensemble, ces référents
contribuent à la déictisation du sujet du discours, à l’instauration de la deixis. Ainsi, il existe
une forte présence de déictiques dans notre corpus et nous nous intéressons uniquement aux
déictiques spatio-temporels, Ils servent à désigner les objets, les êtres selon que ceux-ci sont
rapprochés ou éloignés du locuteur. Ils ont à cet effet une valeur monstrative. À titre
illustratif, considérons les énoncés temporels tirés d’une si longue lettre de Mariama BÂ : «
Aujourd’hui, je suis veuve ». p.6; « Je te disais : et maintenant...Mes enfants sur le siège
arrière de la Fiat 125, couleur crème, grâce à toi, mes enfants peuvent toiser l'opulente belle-
mère et la frêle enfant dans les rues de la ville ». P.105 ; « J’ai célébré hier, comme il se
doit, le quatrième jour de la mort de Modou ». p.118.
Quant aux déictiques spatiaux, nous avons, dans Silence, on développe : « Ce ne sont
pas des visions, voyons ! C'est peut-être tout juste de l'intuition féminine, ici » p.74 (chap.
5) ; « Et toujours cette insomnie qui se promenait là-haut sur gants qui jouent avec l’ombre
et la lumière de la lampe à huile. En bas sur le lit, pareil à une navette de tisserand […] »
p.30 (chap. 1) ; « la liberté est là » ; « la vie est là ». p.42 (chap. 1). Les modalités
énonciatives misent en gras ci-dessus sont respectivement relatif à la simultanéité,
l’antériorité et d’ordre adverbial sont donc employés en situation concrète d’énonciation et
impliquent l’oral. Ainsi, l’emploi excessif des déictiques par les écrivains, dans le roman
africain d’expression française traduit l’influence notoire de la parole, de l’oralité sur l’écrit
qui ne saurait se défaire totalement d’elle.
L’inscription des emprunts lexicaux, les traits intonationnels et les allongements
vocaliques dans les champs littéraire africain, en particulier le roman africain montre
l’influence de la parole, des langues africaines sur le français. Ici, Jean-Marie Adiaffi et
Mariama BÂ sont préoccupés par la réalité de la langue dans les écritures de la langue
française. Ils procèdent tout simplement à des transcriptions des manières de parler des
locuteurs africains du français. Ce qui fait penser à une esthétique de l’oral raison pour
laquelle Innocent-Jourdain Noah affirme que la parle : « possède en Afrique une
extraordinaire prééminence sur les instruments du pouvoir politique, religieux, intellectuel

13
et pédagogique. Elle est la clé par excellence de toute autorité, le moyen de domination
d’autrui ». 15 Aussi la présence massive des répétitions aspectuelles et le suremploi des
déictiques ont permis de mettre à nu les conversations orales.

II. Pratiques de l’oralité dans Silence, on développe de Jean-Marie et Une si longue


lettre Mariama Bâ
Le phénomène de l’oralité en Afrique, plus précisément dans la littérature en général,
le roman en particulier est une réalité dans la mesure où elle a favorisé l’émancipation de
plusieurs œuvres littéraires qui se caractérise par l’exploration de nouvelles voies. C’est à
juste titre que Nora-Alexandra Kazi –Tani soutient :
On peut repérer dans toute littérature écrite des traces provenant de la sphère
de l’oralité, dans le roman négro-africain elles sont affichées de manière
éclatante : à l’échelle universelle, cela apparait comme une sorte de carte
d’identité, comme un passeport culturel : à l’échelle africain, l’enracinement
des œuvres dans la tradition montre que premier public postulé par les
écrivains est leur peuple.16
Cette thèse montre clairement que les œuvres littéraires africaines s’inspirent
toujours de la tradition orale et la présence des caractéristiques des propos oraux. Ce qui fait
la spécificité fondamentale du roman africain, c’est cette présence de l’oralité car cette
marque, en Afrique, est bien vivante et est un acte de résistance culturelle. C’est ainsi que
de nombreux auteurs africains dont fait partie Jean-Marie Adiaffi et Mariama BÂ s’appuient
sur la littérature orale et inscrivent leurs travaux. Il suffit d’observer dans leur production
des aspects de la culture dans le canon occidental. Dans cette dynamique, il convient
d’exposer ces signes qui ornent notre corpus.

II.1. Les calques et décalques


La volonté manifeste d’offrir au français, langue étrangère, une âme africaine en
général, la langue Agni en particulier, conduit Adiaffi à l’africanisation ou l’akannisation
littéraire du français qui se matérialise par l’introduction volontaire des calques et décalques
de la langue Agni. De ce fait, Ngalasso défini le calque dans les écrits de KOUROUMA
comme étant :
Un mode d’emprunt par traduction de la forme d’une langue étrangère à la langue
dans laquelle se tient le discours (métalangue), ici le français : les mots sont français

15
Innocent-Jourdain Noah, Les Contes du Cameroun. Paris : Hachette, 1982.
16
Nora-Alexandra Kazi –Tani, roman africain de langue française au carrefour de l’ecrit et de l’oral
(Afrique noire et Maghreb), Paris, L’Harmattan, 1995, p. 9.

14
alors que la structure syntagmatique dans laquelle ils s’intègrent n’est pas française,
elle est malinké.17
En ce qui concerne les décalques, il les définit comme des « constructions
énonciatives incompréhensibles du francophone ordinaire parce que calquées du malinké
» 18 . Ils sont considérés comme des expressions idiomatiques. Il s’agit de « toute forme
grammaticale dont le sens ne peut être déduit de sa structure en morphèmes et qui n’entre
pas dans la constitution d’une forme plus large » 19 . Nous distinguons les calques
traductionnels qui sont relatif à la transposition des constructions d’une langue à une autre :
« Le sel bâtisseur de sa colère » p. 49 ; « toute la terre se mit à exécuter une véritable
symphonie d’une orchestration parfaite » p 54 ; « la rosée à ses pieds formaient un tapis
d’argent » p .53.
Chez Adiaffi, la langue française côtoie les langues de l’Afrique occidentale, et plus
particulièrement la langue Agni qui est sa langue maternelle, d’où est tiré ces calques et
décalques : « danse funèbre » p 30 ; « Fleuve de larme m » p.56 ; « couple de vie et couple
de mort » p 56. L’extrait de ces indices dans le roman Silence, on développe sont constitués
des occurrences tel que : « j’ai bu tout l’infini du ciel » p58 ; « ma terre sur ses béquilles »
p.58. Ces décalques confèrent au français du romancier, une marque ouest-africaine Agni. Il
en est de même des calques expressifs qui sont considérés par Edmond Biloa comme « des
calques lexico-sémantiques ou calques sémantiques »20.Il s’agit de constructions courantes
dans les langues africaines qui visent à apporter un peu plus d’expressivité. On se dit qu’ils
sont pour la plupart issus de la langue Agni, langue maternelle de l’auteur ; ils constituent à
cet effet différent visages de l’akannisation de la prose romanesque de Jean-Marie Adiaffi.
On trouve dans son œuvre : « Adoux Abadjinan, I ’adjoint de N'da Sounan, si l'on peut dire.
En tout cas, son « intime » le militant le plus proche de N'da Sounan. Une longue et vieille
histoire d'amitié totale les lie » p.73 ; « Adoux Abadjinan est un ami d'enfance de n'da
sounan. Les parents étant frères, ils étaient fréquemment ensemble : école primaire, collège
et université, tout à la fois cousins et amis, rien ne peut les séparer « parce que c'est adoux
parce que c'est n'da sounan » , après n'da fangan, n'da sounan avait ainsi un deuxième frère
jumeau » p.73.

17
Ngalassao-Mwatha, Musanji, De Les Soleils des indépendances à En attendant le vote des bêtes sauvages.
Quelle évolution de la langue ? In : Littératures francophones. Langue et style. Paris : L’Harmattan, 2001.
18
Idem
19
Jean Daniel Dubois et al ,2001 :239.
20
Edmond Biloa, La langue française au Cameroun. Berne : Peter Lang, 2003.

15
La plupart des calques expressifs renvoient à la familiarité. En plus de ce type de
calques, l’on rencontre dans le corpus littéraire des calques de style qui peuvent également
être classés dans le registre de calques sémantiques, les calques que l’on qualifierait de «
calques symboliques », parce que permettant à l’écrivain de dire in extenso une sémantaxe
qui est spécifique à la culture des locuteurs en s’aidant des mots français. Syntaxiquement,
il s’agit de groupes syntagmatiques « corrects », mais qui sémantiquement et
socioculturellement requièrent une compétence culturelle pour qu’ils soient compris. Ce
type de calques est constitué dans la plupart des cas de locutions verbales. Peuvent être
considérées comme telle que l’occurrence ci-dessous, extraites du roman une Silence, on
développe : « Adoux Abadjinan est un ami d'enfance de n'da sounan. Les parents étant frères,
ils étaient fréquemment ensemble : école primaire, collège et université, tout à la fois
cousins et amis, rien ne peut les séparer « parce que c'est adoux parce que c'est n'da sounan
» ,après n'da fangan, n'da sounan avait ainsi un deuxième frère jumeau » p.73.
Nous avons en outre les calques stylistiques qui sont des expressions imagées et
analogiques chez Adiaffi. Elles sont souvent directement puisées dans les langues locales et
elles sont traduites en langue d’écriture. Ces calques participent eux aussi de la réalisation
d’un projet littéraire qui repose sur l’africanisation du français littéraire. Il est alors aisé de
voir que la plupart des calques stylistiques attestés dans le corpus sont extraits du patrimoine
culturel Agni et ouest-africain. Nous avons relevé un premier ensemble d’exemples dans le
roman Silence, on développe : « Son cauris respirait, s’ouvrait, puis se refermait, excité par
un fouet, un long et colossal serpent dont le Ciel Nanan Niamien Kouamé était ceint. Le
serpent, sensibilise au paroxysme, ondulait d'une manière prodigieuse, en pénétrant le cauris.
Il était paré de deux ailes grandioses qui chatoyaient. » p.55 ; « je veux boire la lune »
p.64 ; « Je veux avaler la terre pour la recracher en un filet immacule de diamant, en un
chemin secret lumineux » p.64.
L’examen des calques et des décalques chez l’écrivain ivoirien permet d’observer
une volonté manifeste de l’écrivain de mettre en valeur la culture ouest-africaine en général,
Agni en particulier. C’est d’ailleurs ce qui semble caractérisé l’écrivain et l’œuvre ouest-
africains qui sont très attachés à leurs aires socio- culturelles, si l’on s’en tient à Semujanga
(1999 : 20) qui affirme que « le roman ouest- africain actuel correspond, dans sa forme et
dans son contenu, aux structures mentales de l’Africain de transition qui affectivement reste
attaché à la culture traditionnelle et dans la pratique tente de créer il y est obligé une nouvelle

16
culture ». L’oralité ouest-africaine ou Akan constitue un des moments de cet attachement
affectif.

II.2. Les emprunts lexicaux et le jeu langagier


Les emprunts lexicaux dans la Littérature africaine peut être défini comme la
rencontre entre deux langues ; mieux, les emprunts sont des expressions étrangères incluent
dans la langue française. Ils se définissent selon le dictionnaire des sciences du langage
comme désignant « un processus selon lequel une langue acquiert une unité lexicale intégrée
au lexique d’une autre langue. L’étendue temporelle de ce processus est très variable et se
trouve déterminée (...) par la codification plus ou moins rapide d’un fait de discours dans la
langue. ». En effet, la narration des écrivains postcoloniaux est saturée d’une convocation
excessive du matériel lexical. Ce mécanisme de transgression et de renouvellement de la
langue coloniale, fortement impacté par les langues indigènes, correspond à ce que Deleuze
et Guattari appellent « un usage mineur de la langue majeure », qui consiste à remettre en
cause la suprématie de cette dernière en y inscrivant l’empreinte identitaire autochtone dans
le langage.
Il faut noter également que ces pratiques transgressives ne sont pas des procédés
d’exotisme ni d’hermétisme pour reprendre les propos de Kourouma, mais constituent plutôt
une manipulation singulière de la langue africaine utilisée dans un souci d’authenticité, afin
de rendre compte de la réalité autochtone. De plus, les traductions et les explications qui
suivent ces pratiques sont à leur tour utilisées dans un souci de lisibilité du texte, afin que le
message véhiculé par le récit ne soit pas altéré, mais qu’au contraire, il transmette de manière
claire et authentique. Sur ce point, Senghor déclare les transgressives ne sont pas des
procédés d’exotisme ni d’hermétisme pour reprendre les propos de Kourouma, mais
constituent plutôt une manipulation singulière de la langue africaine utilisée dans un souci
d’authenticité, afin de rendre compte de la réalité des sociétés africaines. De plus, les
traductions et les explications qui suivent ces pratiques sont à leur tour utilisées dans un
souci de lisibilité du texte, afin que le message véhiculé par le récit ne soit pas altéré, mais
qu’au contraire, il transmette de manière claire et authentique. Sur ce point, Senghor déclare :
Certains lecteurs se sont plaints de trouver dans mes poèmes des mots d’origine
africaine, qu’ils ne « comprennent » pas. Ils me le pardonneront, il s’agit de
comprendre moins le réel que le surréel – le sous-réel. J’ajouterai que j’écris d’abord
pour mon peuple. Et celui-ci sait qu’une kôra n’est pas une harpe pas plus qu’un
balafon un piano. Au reste, c’est en touchant les Africains de langue française que

17
nous toucherons le mieux les Français et, par-delà mers et frontières, les autres
hommes.21
C’est pourquoi dans le roman étudié Une Si Longue Lettre, Mariama BÂ explique à
maintes reprises le but des notes de bas de pages dans lesquelles elle introduit des définitions
issues de différents de langue autochtones notamment :
La route de Rufisque se dédouble de nos jours, au croisement de Diameniadio la
Nationale la droite, mené au-delà de Mbour, au Sine-Saloum, tandis que la Nationale
II, traversant Thiès et Tivaouane, berceau du Tidianismel, s’élance Vers Saint-Louis
naguère capitale du Sénégal. Tante Nabou n'avait pas les voies agréables de
communication. Dans le car et sur la piste cahotante, avec émotion, elle se retranchait
dans ses souvenirs. La vitesse vertigineuse du véhicule, qui l'emportait vers les lieux
de son enfance, ne l'empêchait pas de reconnaitre le paysage familier. Voici Sindia,
puis, à gauche, Popenguine ou les gourmettes festoient à la Pentecôte.22
À cet effet, l’écrivaine fait plier la langue française en l’ajustant au système
symbolique sénégalais, c’est pourquoi nous pouvons qualifier les pratiques relevées dans le
texte sénégalais encore d’africanisation de la langue française et ce, en vue d’être le plus
authentique possible.
La présence des jeux langagiers dans un texte représentent aussi une forme d’oralité.
Sous l’étiquette de « jeux langagiers » nous pouvons classer les distorsions, les onomatopées,
les calembours, la métaphore, les symboles, etc.
Dans l’exploitation de l’espace paginal, les romanciers africains font figurer des
textes et formes littéraires empruntés au champ et qui favorisent la distorsion. D’où la
technique de la représentation textuelle de la voix et du corps du narrateur. Jacques Aniss
(1988, p.30) écrit justement : « il y’a toujours dans l’écriture le croisement de deux exigences
contradictoires : celle de la signification articulée (la lisibilité) et celle du sens plastique
(figuralité) ». Cette citation atteste efficacement la conciliation de ses deux exigences par les
écrivains africains. Dans Silence, on développe, nous constatons une forte présence de
poèmes, de chants et des paroles tambourinées dont l’inscription dans l’espace scripturaire
se manifestent par la rupture de l’homogénéité du tissu textuel. Ces fragments empruntés de
l’oralité sont mis en retrait ou centré et transcrit en italique. Ainsi, cette stratégie dans
l’espace paginal permet au lecteur de savoir qu’il est passé d’un récit à un autre. Les
distorsions renversent les normes de l’écriture du récit et apportent une esthétique au roman
ouest-africain. Quant à l’onomatopée, elle accentue la description par un certain mimétisme
sonore et égaye le texte. Tissière explique son rôle dans le récit :

21
Benoist (de), Joseph-Roger, KANE, Hamidou, 1998, Léopold Sédar Senghor, Paris, Edition Neauchesne,
volume 14 de politique et chrétien, 1998
22
Mariama Bâ, Op.cit., p.37.

18
Étirement de syllabe, modification de la parole, amplification expressive qui rendent
l’événement narré comique. Le balbutiement volontaire simule le trébuchement.
Cette déformation obscurcit le terme pour l’adapter à une situation nouvelle, lui
donnant une énergie. En imitant les bruits de la nature, le martèlement de la pluie sur
une taule, le vent dans les arbres, le sifflement d’un engin, le récit donne une autre
dimension aux faits rapportés et dégage la parole de son emploi ordinaire.23
Ce qui est dit à propos du rôle de l’onomatopée dans le texte écrit s’applique aussi
sur les calembours, puisqu’ils remplissent la même fonction. Ils renversent l’ordre habituel
du récit, invitant ainsi le lecteur à saisir le sens caché dans une atmosphère désordonnée qui
désobéit à la bienséance et les normes. Comme l’emploi de la métaphore et des symboles,
ces procédés servent à transgresser la parole et ouvrent des espaces illimités où l’imaginaire
et l’expérience du lecteur donneront une signification au propos.

II.3. Les normes poétiques et dramaturgiques dans la prose de Jean-Marie Adiaffi


La poésie, dans le champ romanesque négro-africain est en générale une poésie
engagée qui défend les droits importants à savoir la liberté, la justice, l’égalité et la fraternité.
Utilisée par le traditionaliste de l’art oratoire, Jean-Marie Adiaffi semble avoir trouvé comme
élément indispensable à son écriture. Dans la continuité du processus d’endogénéisation du
français de référence, l’auteur convoque l’art poétique versifié dans le discours énonciatif
romanesque. Ainsi, Silence, on développe atteste bien cette stratégie poétique par la présence
des vers, strophe et rime dans les chapitres 40 et 50 :

N'ABANDONNE JAMAIS

Quand les choses vont vraiment mal comme elles savent si

Bien le faire quelquefois,

Quand la route sur laquelle tu chemines péniblement

Semble s'achever au sommet d'une colline,

Quand les fonds sont bas et que les dettes culminent

Tu voudrais sourire et tu dois pousser des soupirs

Quand le souci te pousse dans la déprime, […]

C’est quand tout te semble perdu que tu ne dois pas

Abandonner.

23
Tissière, Hélène, Écritures en transhumance entre Maghreb et Afrique subsaharienne : littérature, oralité,
arts visuels, Paris, l’Harmattan, 2007, p. 97.

19
SILENCE ON DEVELOPPE

Silence on s'enrichit

Silence main basse sur le peuple baudet

Silence on détourne les deniers publics et les mineures […]

Le peuple est heureux

Quand il dort rit

Rions ! Rions ! Dormons

Surtout ne vous réveillez Jamais

Jamais Le soleil

Est au poteau d’exécution.

Les titres « N'ABANDONNE JAMAIS » : « SILENCE ON DEVELOPPE » des


chapitres ci-dessus montrent effectivement que nous sommes dans une poésie lyrique.
L’introduction de la poésie dans le roman africain traditionnel contribue à la déconstruction
et la rénovation du genre ; mieux, elle participe à une transculturalisation du discours
romanesque. Dans cette même lucarne, l’auteur convoque un art oratoire en l’occurrence le
théâtre.
Les écrivains africains, dans le souci de participer à la redynamisation de la langue
française par l’intermédiaire du genre romanesque, ne manquent pas d’ingéniosité, ils
poussent leur liberté créatrice aux mécanismes de mise en scène théâtral du discours
romanesque. En outre, le tissu narratif devient une fusion entre le discours romanesque et la
représentation théâtrale. Jean-Marie Adiaffi n’a pu dérober cette technique d’écriture ; Son
œuvre soumis à notre étude est saturé d’éléments théâtraux. Le chapitre 26 en est une parfaite
illustration. Nous remarquons d’une réplique entre (Adoux+Majesté Orduriale+Kabo+Benié
Pra+Ébaeponon+Allah Kabo+Tahua+ Affoué+Koua+Ama Kokoré+Kasa Bya Kasa+Le
Délégué Des Marécages). Ce dialogue stichomythie est fortement marqué par les indices de
l’énonciation. Dans ces séquences, le lecteur est plongé dans une atmosphère de jeu de rôle
dans la résistance de N’DA SOUNAN FANGAN aménagée pour la circonstance.
Le jeu théâtral auquel est soumis les parties prenantes de la rencontre sont corroborés
d’énonciateur : « Le camarade Président contre toutes ses habitudes refusa de recevoir la
délégation du peuple. Sur l'insistance de Kabo, de Tahua et de l’ex-premier ministre du
gouvernement Adoux Abadjinan, de très mauvaise grâce et de mauvaise foi évidente, il finit

20
par accepter et les reçut dans le salon de la somptueuse Résidence mise à sa disposition par
les Américains en attendant L’édification prochaine du Palais officiel, le Palais de sa
Puissance et de sa Gloire. ». Soulignons la présence effective des didascalies qui sont aussi
une marque de théâtralité. Par exemple à ce même chapitre, nous observons des
didascalies mise en parenthèse : « MAJESTÉ ORDURIALE (II s'est levé et marche de long
en large dans le salon ; il répète.) » ; « Tahua (furieuse) » ; « MAJESTÉ ORDURIALE
(s’arrête arrogant devant Adoux Abadjinan et Allah Kabo ; et prononce avec force) ».
En somme, la présence des éléments théâtraux et de la poésie dans le champ
romanesque constitue une esthétique énonciative. Elle démontre l’attachement de Jean-
Marie Adiaffi à son héritage traditionnel. Cet héritage qui, pour les besoins de la créativité
et de l’innovation romanesque, est intégré dans le moule du tissu énonciatif romanesque.
Selon Josias Semujanga, par cette technique de recréation spontanée et situationnelle propre
au genre oral et sa théâtralisation, le discours romanesque, par la mise en scène des
personnages, apparaît comme un processus transgénérique et transculturel.

II-Les proverbes et les chants dans la prose


Au sein des sociétés africaines traditionnelles, l’homme a toujours eu l’aspiration de
faire comprendre à autrui les réalités socioculturelles. Pour cela, l’homme en général, les
vieillards en particulier utilisent des formules frappantes à caractère implicites, à valeur
éthique et didactique. Ce sont les proverbes. Les proverbes, en Afrique s’apparentent avec
l’adage, la maxime, l’aphorisme, le dicton, qui dans la tradition occidentale possèdent des
critères propres de différenciation. Selon Léopold Sedar Senghor :
Les proverbes africains, plus que tout autre genre de la littérature orale, conservent
la forme qu’ils avaient dans les temps anciens : celle du poème. « Forme », car dans
les temps anciens, même le conte était dit d’une voix monotone, et un ton plus haut,
comme le poème. Quant aux proverbes, ils se présentent encore aujourd’hui, comme
un court poème : un distique en général.24 (Senghor, 1977, 387.)
En Afrique, les proverbes sont des phrases condensées qui expriment la sagesse.
Ainsi, notre corpus est touffu de proverbes et de chants avec une cacophonie de présentation
textuelle, ce sont des expressions qui ont un sens figuré et qui donne des images au récit.
Dans son œuvre une si longue lettre, Mariama BÂ utilise des proverbes comme : « le sang
est retourné dans sa source » p.63 ; « on ne brûle pas un arbre qui porte des fruits »
p.64 ; « une feuille qui voltige mais qu’aucune main n’ose ramasser. » p.103. À travers ces

24
Léopold Sedar Senghor, Liberté 1. Négritude et civilisation de l’Universel, Seuil, Paris 1977, p. 387

21
extraits proverbiaux, l’auteur traduit le contexte sociohistorique et culturel du milieu du
narrateur.
Quant à l’immixtion des chants dans la structure romanesque, Jean-Marie Adiaffi,
étoffe son œuvre de chants qui sont accompagnés d’abord par l’instrument
musical : « kokwa » ; « Kinian-kpli ». Ces chants se manifestent par la structuration des
mots sur l’axe syntaxique. En effet, nous avons l’impression que l’auteur use de façon
désordonné les mots pour en faire des graphiques représentant une sonorité musicale. Et la
transcription de ces chants permet aux romanciers d’enseigner à son lecteur l’importance de
la musicalité et de la bienséance au sein de la tradition, en lui montrant que l’épanouissement
total de l’individu n’est possible que si son comportement s’inscrit dans le cadre de la
collectivité.
L’examen des ressources de l’oralité chez Adiaffi et Mariama Bâ permet de
remarquer leur détermination en vue de prôner en valeur leur culture ouest-africaine. C’est
d’ailleurs ce qui semble caractériser l’auteur et son œuvre qui sont attachés à leurs aires
socioculturelles. Si l’en s’en tient à Semujanga qui affirme que : le roman ouest- africain
actuel correspond, dans sa forme et dans son contenu, aux structures mentales de l’africain
de transition qui affectivement reste attaché à la culture traditionnelle et dans la pratique
tente de créer il y est obligé une nouvelle culture »25. On pourrait noter que l’oralité dans la
prose romanesque révèle l’attachement affectif de l’écrivain.

III. L’oralité dans le scripturaire


L’oralité dans le scripturaire fait référence à l'interaction entre les formes
d'expression orale et écrite dans les différents domaines de la communication humaine. Il
s'agit d'un concept qui explore la façon dont l'oralité et l'écriture se complètent, s'influencent
mutuellement et coexistent dans notre société. L’oralité est la forme de communication la
plus ancienne et naturelle de l'homme. Elle repose sur la transmission des connaissances, des
idées et des histoires de génération en génération par le biais du langage parlé. L'écriture,
quant à elle, est une forme de communication plus récente et complexe, qui permet de
conserver et de transmettre l'information de manière plus durable. Cependant, malgré
l'avènement de l'écriture, l'oralité continue d'être un moyen de communication essentiel dans
de nombreuses cultures à travers le monde. De plus, l'oralité et l'écriture ne sont pas des

25
Semujanga Josias, Dynamique des genres dans le roman africain. Paris : L’Harmattan, 1999.

22
formes de communication totalement distinctes, mais plutôt deux aspects complémentaires
d'un même système de communication.
Dans le domaine de la littérature, par exemple, l'oralité se retrouve dans les récits
oraux, les contes populaires et les légendes qui sont transmis de bouche à oreille. Ces formes
d'expression orale peuvent ensuite être consignées par écrit, ce qui permet de les préserver
et de les diffuser plus largement. Dans le domaine de la communication professionnelle,
l'oralité et l'écriture coexistent également. Les discours, les présentations orales et les
entretiens sont des formes de communication orale qui peuvent être complétées par des
documents écrits tels que des rapports, des graphiques ou des présentations visuelles. Ainsi,
l'oralité dans le scripturaire est un concept qui met en évidence la relation complexe entre
l'oralité et l'écriture dans la communication humaine. Ces deux formes de communication se
complètent et coexistent dans de nombreux domaines de la société, contribuant ainsi à la
transmission et à la préservation de l'information et de la culture.

III.1. Le phénomène de l’oralité en Afrique


Suite à la période indépendantiste, la littérature négro-africaine et précisément le
roman africain a subi une mutation au niveau formel, et s’est démarqué de la négritude. Face
à cette rupture, nous observons l’éclosion de plusieurs œuvres littéraires qui se caractérisent
par l’exploration de nouvelles techniques narratives et scripturaires. C’est en sens que :
L’intérêt pour les romans africains d’expression française, qui n’a cessé de croître
depuis les années cinquante, s’explique par leur nouveauté thématique et formelle,
par le fait qu’ils apparaissent comme des œuvres de la différence. S’ils partagent
avec la littérature française la langue d’expression et le modèle d’écriture, ils s’en
écartent par leur enracinement géographique et culturel26.
Les œuvres littéraires africaines sont toujours marquées par la tradition orale et par
la présence des caractéristiques des propos oraux. Parmi la spécificité fondamentale de la
littérature ouest-africaine en général et de l’Afrique en particulier, c’est la présence de
l’oralité. Car ce maintien, en Afrique d’une oralité vivante est bien un acte de résistance
culturelle. Certains chercheurs de la communication voient que : « l’oralité est le mode
culturel de toute civilisation 27».Ce qui voudrait dire que l’homme a parlé avant d’écrire.
L’écriture est une innovation de l’homme qui marque une ère nouvelle dans son évolution
intellectuelle et civilisationnelle. Elle permet de pérenniser le patrimoine humain. De ce fait,
il faut noter que la présence de l’oralité depuis les périodes antérieures à toujours été un

Nora-Alexandra Kazi –Tani, Op.cit., p. 9.


26
27
Ursula Baumgardt et Dérive. Littératures orales africaines, Perspectives théoriques et méthodiques, Paris,
Karthala chap. 12, 2008, p. 25.

23
élément culturel dans lequel s’inscrivent modes de vies et patrimoine humain. Ainsi, «
L’oralité apparait donc comme une véritable modalité de civilisation par laquelle certaines
sociétés tentent d’assurer la pérennité d’un patrimoine verbale ressenti comme un élément
essentiel de ce que fonde leur conscience identitaire et leur cohésion communautaire»28.
De nombreux écrivains africains s’inspirent beaucoup de la littérature orale et y
inscrivent leurs travaux. L’oralité, cette notion qui signifie l’état d’une civilisation marquée
par la culture orale et non par la culture écrite. « L’oralité est bien un mode de civilisation et
qu’il ne disparait pas nécessairement dès qu’une société connait par ailleurs une certaine
pratique de l’écriture 29 . » La littérature orale est faite et se développe dans une oralité
gouvernante et englobante. Selon Mouhamadou Kane : « l’oralité est représentée comme un
trait culturel », c’est-à-dire comme une caractéristique culturelle30 ».
Il suffirait seulement de découvrir dans une œuvre écrite en langue française quelques
mots en Malinké, en Agni, en Wolf, en Peul ou en n’importe quelle autre langue africaine
pour pouvoir parler de l’influence et du poids de la littérature orale (la littérature orale est
l’ensemble des œuvres orales qui contiennent une dimension esthétique). Nora-Alexandra
Kazi-Tani soutient l’idée :
On peut repérer dans toute littérature écrite des traces provenant de la sphère de
l’oralité, dans le roman négro-africain elles sont affichées de manière éclatante : à
l’échelle universelle, cela apparait comme une sorte de carte d’identité, comme un
passeport culturel : à l’échelle africain, l’enracinement des œuvres dans la tradition
montre que premier public postulé par les écrivains est leur peuple31.
La spécificité de l’écriture de Jean-Marie Adiaffi et Mariama BÂ permet de connaître
le rapport entre leur langue d’écriture, qui est la langue française, et leur culture africaine.
Tout au long de la lecture de leurs œuvres, on ne peut pas s’empêcher de remarquer la
présence des éléments de leurs cultures. La langue française pour eux n’est qu’un véhicule
avec lequel ils transmettent leurs messages.
L’oralité occupe une position particulière en tant qu’: « expression de toute les
dimensions de la vie, de la culture, et de la religion, car elle est un régulateur de tension et
un puissant facteur d’intégration sociale32.» Ce qui nous mène à dire que l’oralité c’est le
plus important moyen de la représentation du mode de vie, de la religion, et de la société.

28
Ursula Baumgardt et Dérive Op.cit.p.215.
29
Ibid, p. 28
30
Mouhamadou Kane in, Que reste-t-il de l’oralité dans la littérature africaine contemporaine ? De RAMCY
KABUYA, Revue d’Études Françaises No18, 2013, p. 13.
31
Nora-alexandra Kazi -Tani, Op.cit., p. 41.
32
Amegbleame, Simon Agbko, Littérature orale comme mode de connaissance et méthode d’investigation,
Présence africaine, pp. 47-48, 1986 [en ligne], www.cairn.info/load_pdf ? ID Article=PRESA_139_0041

24
Le roman africain d’expression française forme une sorte de continuité pour les
traditions littéraires africaines, ce que Alioune Tine appelle : « l’oralité feinte », qui désigne
selon lui : « le processus d’absorption par le roman, de l’ethno-texte33», c'est- à-dire tout ce
qui a un rapport étroit avec le discours de l’oralité tels que : les contes, les chansons, les
devinettes...etc. Donc « l’oralité feinte » est « une espèce de caisse de résonnance, des
différents récits, des différents types de discours et de langage qui circulent dans la société
africaine34 »
L’un des objectifs primordiaux de la présence de cette teinte orale dans les
littératures africaines d’expressions française est : « pour sauvegarder certains rapports qui
lieraient le conteur populaire à son auditoire 35 ». Ce sont des rapports qui interviennent
lorsque le narrateur désire : « imiter ou dissimuler une performance narrative proche de celle
d’un griot, d’un récitant, ou d’un personnage de la tradition orale36 ». C’est à cette réalité, et
à travers elle, qu’apparait la nouveauté des œuvres littéraires africaines d’expression
française.
Pour le lecteur africain ces textes paraissent étrangers car l’oralité qui lui est
familière n’est présente que sous forme de bribe, et elle est emprisonnée dans une
langue et un genre inconnu (...), quant au lecteur francophone l’intrusion des formes
esthétiques de la littérature orale africaine dans un genre classique rend le texte à la
fois insolite et hermétique37.

Cette citation nous explique la manière avec laquelle le lecteur africain reçoit sa
culture orale, qui est transcrite à l’écrit.
Parmi les diverses définitions données au concept de l’oralité, nous garderons celle-
ci : « c’est l’ensemble de tous les types de témoignages transmis verbalement par un peuple
sur son passé38 ». Donc l’oralité c’est le faite de transmettre oralement toute une culture.
L’oralité occupe une position singulière dans le champ littéraire africain. Amadou
Hampâté Bâ déclare que : « le fait de n’avoir pas eu d’écriture, n’a jamais privé l’Afrique
d’avoir un passé, une histoire, et une culture39», c’est-à-dire que l’absence de l’écriture dans
les civilisations africaines, n’a pas empêché les peuples africains d’écrire leurs histoires.
La nouvelle postérité d’écrivains africains s’inspire du passé de leurs ancêtres pour
produire leurs œuvres littéraires, ce qui a contribué à l’émergence de la littérature africaine

33
Alioune Tine, Op.cit., p. 104.
34
Idem, p.106.
35
Nora-Alexandra Kazi -Tani, Op, Cit, p. 62
36
Idem, pp. 99-106.
37
Ibidem, p. 22.
38
Calame- Griaule, La littérature orale in Colloque sur l’Art Négre, Tome I, Paris, Larousse.
39
Hampâté Bâ. A, déc.1994, Griffon.

25
en général, et à la représentation de l’identité et de la culture de ces écrivains en particulier.
Emanuel Mounier lorsqu’il publie sa Lettre à un ami africain déclare : « J’aimerai que
beaucoup d’écrivains africains se retournent vers ces sources profondes et lointains de l’être
africain, non pour se gorger de folklore et pour buter ensuite, mais pour regarder et éprouver
les racines africaines de leur civilisation40 ».
En Afrique, personne ne peut sous-estimer la présence et l’importance de la source
orale, qui est une source avérée de l’histoire des peuples africains, elle est vue comme une
épreuve favorisée de la création littéraire africaine.
Selon l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ : « en Afrique, un vieillard qui meurt
c’est une bibliothèque qui brûle41 ». Les griots et les vieillards sont la mémoire fraiche des
sociétés africaines et notamment noires africaines. Ils sont chargés de transmettre les
témoignages de ces populations via l’oral. L’expression d’Hampâté Bâ, veut dire qu’en
confrontant l’oralité avec l’acte d’écriture, le premier reste fragile par rapport à la deuxième.
Il voit que, certes les vieillards jouent un rôle important dans la transmission de l’histoire,
mais cette histoire peut être vite oubliée. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir un support
écrit pour préserver notre culture et notre histoire et les aider à se perpétuer. Après avoir
terminé l’examen du phénomène de l’oralité en Afrique, nous allons passer à un autre
concept qui a une certaine relation avec le premier et qui est l’écriture.

III.2.la notion de l’écriture selon les théoriciens.


Depuis longtemps, nos ancêtres ont communiqué entre eux dans un system
d’expression oral où parole, gestuelle, musique et danse sont ses éléments constitutifs.
L’invention de l’écriture répond à un besoin naturel de survie et d’éternité, celui de laisser
une empreinte visible et matérielle. L’homme, à travers son histoire, a pu réaliser divers
systèmes de signes qui ont évolué et sont devenu toute une pratique culturelle nommé : «
l’écriture ».
L’écriture c’est donc une façon de communication par le moyen de signes
graphiques, qui forment tout un system borné et complet. Elle est aussi définie selon le
dictionnaire Larousse comme : « Système de signes graphiques servant à noter un message

40
Mounier Emmanuel, in La littérature négre de Jacques Chevrier, Paris, Armand Colin, 2008, p. 126.
41
Cette citation devenue célèbre, est prononcée, selon Hélène Heckmann (l'exécutrice testamentaire littéraire
pour l'ensemble de la production littéraire d’Amadou Hampâté Bâ) en 1960 lors de la première conférence
générale de l’Unesco ouverte aux nouveaux pays africains.

26
oral afin de pouvoir le conserver et/ou le transmettre 42 ». Selon Jack Goody, « Le plus
important progrès après l’apparition du langage lui-même, c’est la réduction de la parole à
des formes graphiques, le développement de l’écriture, cette différence dans les moyens de
la communication a des conséquences sur le développement de la pensée43 ». Cette citation
nous explique le phénomène de la transcription de la parole dans des supports écrits. Ce qui
participe dans l’évolution de la pensée elle-même. Jack Goody soutient l’idée qui dit que : «
l’écriture permet l’archivage de l’information, et l’organisation du savoir en catégories44. ».
En suivant son point de vue, nous pouvons très bien constater que l’écriture fait partie de
notre identité. C’est un moyen avec lequel on peut s’intégrer dans notre société. C'est-à-dire
qu’en utilisant le système de l’écriture, on peut représenter graphiquement une langue. Elle
permet l’échange et le partage des informations et des connaissances sans avoir recours au
support vocal.
L’écriture est régulièrement symbolisée par le code oral de la langue. Ce sont deux
systèmes complètement différents et l’écriture occupe toujours la deuxième position. On
accuse toujours les pays qui ne disposent pas d’écriture d’être des « pays sans Histoire »,
malgré que l’épreuve de l’écriture ne forme pas toute seule l’histoire des peuples.
L’absence de l’écriture dans les sociétés a été remplacée par une tradition orale assez
importante, l’exemple le plus frappant est celui de l’Afrique où l’écriture est une pratique
culturelle récente. Les africains demeurent toujours attachés à leur littérature orale et ce
malgré l’arrivée de l’écriture dans leur société. C’est à juste titre que Ursula et Jean Dérive
affirment :
Quelles qu’en soient les raisons, cet attachement de l’élite lettrée africaine à sa
culture orale est bien la preuve que la permanence de celle-ci n’est pas simplement
le résultat d’une situation imposée (...). Elle est aussi le fait d’un choix d’intellectuels
dans certaines classes.45
Certains voient que c’est à travers l’apparition de l’écriture qu’on peut distinguer
entre deux périodes : la préhistoire et l’histoire. « Il est admis que l’apparition de l’écriture
permet de différencier la préhistoire de l’histoire46 ».

42
Dictionnaire de français Larousse, consulté le 27/03/2023 disponible
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%25C3%25A9criture/27743, Définitions : écriture -
Dictionnaire de français Larousse.
43
Jack, Goody, La raison graphique. In Oralité, écriture : Quels enjeux pour quels enseignements ? de
François Thévenet, Rhône-Alpes, Mémoire, promotion 2010 2012, p. 7.
44
Jack Goody, Ibidem.
45
Ursula. B et Jean Dérive Op.cit., p. 33
46
Thévenet. F, Oralité, écriture : Quels enjeux pour quels enseignements ? Mémoire, promotion 2010- 2012,
p. 6.

27
Claude Lévi-Strauss qui est un anthropologue et ethnologue, considère l’écriture
comme l’un des moyens les plus fiable pour la préservation des connaissances ; et il voit que
: « l’écriture est une mémoire artificielle47 ». Il soutient l’idée qui divise les sociétés en deux
catégories selon le critère de la présence de l’écriture, c'est-à-dire : « société avec écriture »,
et « société sans écriture » : « Les peuples avec ou sans écriture sont capables de cumuler
les acquisitions anciennes et progressent de plus en plus vite vers le but qu’ils se sont
assignés48 ». Il veut nous présenter à travers cette citation que même les sociétés qui ne
disposent pas la technique du graphisme. Sont également des sociétés qui maitrisent très bien
la sauvegarde de leur acquisition romanesque.
Il est certain qu’un peuple ne peut profiter des acquisitions antérieures que dans la mesure
où elles se trouvent fixées par l’écriture. Je sais bien que les peuples que nous appelons
primitifs ont souvent des capacités de mémoires tout à fait stupéfiantes (...), mais cela a tout
de même manifestement des limites49 .

Dans le domaine des sciences sociales, on ne peut jamais disjoindre le concept de


l’oralité de celui de l’activité d’écriture. L’absence de l’écriture en Afrique n’a pas fait d’elle
un continent inférieur, car l’oralité est un choix pour ses populations, tout comme l’écriture
est un choix pour d’autres peuples et pour d’autres civilisations. Selon Jack Goody : «
l’écriture a une importance décisive, non seulement parce qu’elle conserve la parole dans le
temps et dans l’espace, mais aussi parce qu’elle transforme le langage parlé50 », c'est-à-dire
que l’écriture (l’écrit n’est pas l’écriture : l’écrit est le résultat de l’écriture qui se trouve être
l’action d’écrire) nous donne l’occasion de réfléchir avant de parler.

« L’écriture introduit la médiatisation, permettant au texte littéraire de se séparer de son


producteur 51 ». Toute communication soit orale ou écrite, se fait par deux constituants
(destinateur / destinataire), qui peuvent s’ignorer. La tendance qu’à la production écrite à se
séparer de son producteur et à se déplacer dans le temps et dans l’espace, fait d’elle un «
porte-parole » et un messager. Par exemple, à travers la lecture de Silence, on développe et
Une si longue lettre (qui font partie des romans africains contemporains), nous sentons que
les romanciers s’expriment à travers un « nous » africain. Certes ils parlent d’une histoire en

47
Claude-Lévi Strauss, Triste Tropiques, Mémoire de Magister, consulté le 27/03/2023 disponible à
http://www.site-magister.com/levistrauss.htm
48
Simon Battestini, 1997, Ecriture et Textes, Contribution africaine, p.81, les presses de l’Université Laval,
Présence africaine, Québec et Ottawa, 2ême trimestre [en ligne]
https://books.google.com/books?isbn=276377508, consulté le 27/03/2023
49
Idem
50
Jack Goody, Op.Cit.p.33.
51
Ursula Baumgardt et Jean Dérive, Op, Cit, chap. 8, p.262

28
utilisant une langue étrangère. Selon Claude Lévi-Strauss : « l’écriture a contribué à la survie
de l’espèce, en ajoutant une dimension à la mémoire, puis de multiples dimensions à la
communication52 ».Suivant le point de vue de Claude Lévi-Strauss, l’écriture selon lui a
collaboré dans rafraichissement de la mémoire, et de la communication. Il veut dire à travers
cet extrait que l’écriture sauve de l’oubli.
Pour conclure, oralité et écriture sont certes deux formes distinctes du point de vue
sémantiques mais aussi se rejoignent, cohabitent et coexistent de manière concurrentielle
pour faire de la structure romanesque, le lieu d’une hybridation du discours. Ainsi, la
convocation de ses deux éléments dans l’univers littéraire africain est témoignée de
l’aspiration des romanciers à une transculturalité. Partant de là, il convient de saisir la portée
de l’écriture oraliste.

IV. Les Enjeux De La Transcription De L’écriture Oraliste


La perception des enjeux de l’écriture oraliste nous invite à jeter un regard la mission
des romanciers postcoloniaux, dans la littérature africaine et dans la société africaine. Dans
cette optique, il s’agira pour nous de répondre à ces interrogations : quel est l’objectif de
l’oralité dans le roman africain ? Autrement dit quel message, les écrivains veulent véhiculer
à travers l’oralité ? L’analyse se portera sur la déconstruction du monolinguisme pour une
écriture heterolinguistique, l’authenticité et l’esthétique du roman, la connaissance et la
promotion de la culture africaine ; l’oralité comme marqueur d’identité et de résistance.

IV.1. L’apport authentique et esthétique de l’oralité dans le roman africain


Les écrivains postcoloniaux, dans le souci d’apporter au roman son authenticité, font
appel aux différents genres de la littérature orale et au néologisme. Adiaffi et Mariama BÀ
s’affranchissent des canons occidentaux et exploitent les voies d’une innovation scripturaire,
différente et originale. Ils mettent un point d’honneur sur l’invention des œuvres plus
conformes à leurs sensibilités leurs inspirations et leurs goûts surtout à la culture africaine et
la tradition orale. L’ensemble de ces éléments sont d’inspiration orale. C’est ainsi que Jean-
Marie Adiaffi passe par la voix du griot dans le chapitre 8 pour raconter l’histoire de
libération du peuple d’Assiéilédougou’’.

52
Yves Lanthier, « des civilisations sans écriture » Claude-Lévi Strauss à la civilisation documentaire,
Termexplore, Ressources langagières livresques et intrinsèques-Langage ressource in books on the web-Yve
Lanthier consulté le 27/03/2023 disponible à https://termexplore.wordpress.com/2009/02/01/des-
civilisations-sans écriture,

29
Je suis un initié, un griot initié. Mon nom est Sinikadjan « demain est loin » [...] Je suis le
griot initié des peuples et non des rois, des souverains [...] Je suis un griot initié des opprimés.
[...] Oui, c’est moi l’incendiaire des paroles sèches incandescentes [...] : je tiens ma science
de mes ancêtres, grands patriotes, [...] grands combattants de la liberté unique, de la justice
unique, la liberté des peuples53.
Ainsi s’exprime le griot gardien et conservateur de la tradition. Ici l’on voit que l’œuvre
d’Adiaffi n’est pas un roman classique qui commence mais une épopée avec la mise en scène
des êtres surnaturels et animaliers conté par le griot du Village, le protecteur de la culture.
En plus, l’aureur s’approprie de la littérature orale pour créer une œuvre romanesque plus
originale et authentique. Cette particularité n’apporte-t-elle pas aussi une touchée esthétique.
La visée esthétique de l’écriture oraliste se situe au niveau de l’imbrication des genres
de la littérature orale, qui enrichi l’œuvre. En effet, les éléments de la littérature orale sont
le plus souvent isolés graphiquement (présence des guillemets, changement de police et des
tirets) de sorte qu’en parcourant Les pages, ces passages frappes immédiatement le lecteur.
Ils sont disposés sur le page comme des poèmes c’est-à-dire en vers, tous se passe comme si
l’auteur joue avec l’emplacement des mots et cela confère au roman une certaine beauté
visuel. Surtout ces composants sont aussi d’une très grande richesse du point de vue
stylistique comme le démontre le chapitre 51 des pages 671-672. C’est passage sont
parsemés de métaphore simple, de métaphore fixée et hyperbolique ; la synecdoque et
beaucoup d’autres figures de style et de rhétoriques abondent dans l’œuvre à travers les
proverbes, les devinettes, les devises. Tout cela en fait une œuvre très riche du point de vue
esthétique. Mais la présence de l’oralité ne permet-elle pas également la connaissance et la
promotion des trésors de la culture africaine.

IV.2. La connaissance et la promotion de la culture


Une nouvelle se dessine dans le champ littéraire africain dès les années 50. Elle est
exprimée par Emmanuel Mounier dans sa lettre à un ami africain, publiée dans la revue
présence africaine : « regarder et éprouver les racines africaines de leur civilisation ». Cette
tendance avait déjà eu pour précurseur Paul Hazoumé qui avait écrit Doguicimi en 1935. Les
romanciers de notre corpus s’inscrivent dans cette lancée car ils font revivre l’Afrique post-
indépendantiste à partir des récits qui consignent l’histoire des peuples africains, telle que
conservée par le savoir traditionnel.

53
Jean-Marie Adiaffi Op, Cit, pp. 103-104.

30
Ainsi, pour Jean-Marie Adiaffi, le plus important, c’est de faire connaitre et
promouvoir les trésors de la culture Akan et africaine en se focalisant sur les ressources de
la tradition orale qui sont idéale pour nous conter l’Afrique. Aussi, il promeut la culture
ivoirienne à partir du « bossonisme »54, qui met au centre une féticheuse ou komian55 qui
est un intercesseur entre le monde spirituel et les humains. Quant à Mariama Bâ, elle fait
ressortir quelques aspects négatifs de la culture sénégalaise qui font que la femme souffre à
cause de la société à caste. Ainsi, le recours à l’oralité a pour objectif de nous restituer le
fidèlement possible toutes les facettes de la culture africaine postcoloniale.

IV.3. L’écriture oraliste : marqueur d’identité et de résistance


L’oralité dans le roman africain est très souvent liée à des questions de revendications
identitaires. Les écrivains l’ont adopté en vue de faire vivre la civilisation africaine dans la
cosmogonie et de manière originale. Nous pouvons citer l’exemple de Maryse, le roman qui
s’adresse aux Québécois et qui contribue selon le point de vue de Tanya Ma Neil de cette
aspiration de transgresser les canons français pour mieux révéler la nature singulière de
l’ancien canada français et s’émanciper des canons identitaires.
L’époque du racisme, l’exclusion et l’apartheid dans les années 70 en Afrique du Sud
a permis la naissance du mouvement littéraire et politique Black Consciousness. En effet, les
auteurs de ce courant, dans le but d’utiliser la force de révolte de la parole noire, jusqu’à, de
manière radicale et explosive, se revendiquer anormaux, ont introduire le mécanisme de la
performance poety dans leurs écrits. Á cela, nous pouvons dire que cette méthode s’allie
avec la négritude. C’est ainsi que les écrivains Ouest-africains d’expression française
s’emparent de l’oralité pour marquer leur identité linguistique et culturelle. Le fait d’écrire
dans un français métissé voire africanisé par la présence des mots Wolof, de la langue Agni
constitue une preuve de revendication identitaire. Cette présence se matérialise par les
emprunts lexicaux, la transcription des mots et l’interférence des syntaxes de la langue
dominée, dont la tournure vient déranger la compréhension du lecteur. Cette manière
d’associer l’oralité à l’écriture et de ne pas céder aux exigences de cette langue n’est-elle pas
une marque de résistance ?
Serge Grah, dans son article : il était une fois Jean-Marie Adiaffi nous montre
comment le bossonisme contribue au processus de construction d’une nouvelle identité

54
Une théorie de la revalorisation de la spiritualité africaine. Est une théologie de libération qui permet
d’achever la décolonisation mentale, pour inventer la modernité religieuse africaine
55
Prêtresse traditionnelle en pays akan et intermédiaire entre les humais, les génies, les défunts,

31
religieuse. Selon le dictionnaire du littéraire, l’oralité : « est un mode de communication
fondé sur la parole humaine et sans autre moyen de conservation que la mémoire
individuelle. Par extension l’oralité désigne ce qui, dans le texte écrit, témoigne de la parole
et de la tradition orale56. » Cette définition nous montre que l’oralité représente, d’une part,
tout ce qui est transmis oralement et ce qui est préservé qu’avec la mémoire du peuple ;
d’autre part, elle désigne les marques et les traces de la parole dans l’écriture. Tout ceci
prouve que l’oral résiste et garde toujours certaines de ses caractéristiques dans la
transcription. C’est-à-dire, même après la fixation du texte, l’oral y reste présent grâce à des
indices qui lui sont propres. Il est ainsi difficile d’effacer définitivement les traces de l’oralité
dans l’écriture, elles sont indélébiles.
Pour comprendre cette résistance, il faut revenir sur la colonisation où les religions
dites révélées ont été facteur d’assujettissement des peuples africains. Partant de ce
phénomène, l’écrivain Jean-Marie Adiaffi semble avoir trouvé le moyen de restituer le
patrimoine théologique des africains dans la mesure où il promeut le bossonisme : une
religion idéale qui permettrait de lutter contre la conception selon laquelle l’Afrique ne
détient d’aucune religion.

IV.4. L’écriture oraliste : une déconstruction monolinguismes pour un discours


hététolinguismes.
Le passage du monolinguisme à l'hétérolinguisme dans le roman africain est un
phénomène qui reflète la complexité linguistique et culturelle de l'Afrique.
Traditionnellement, l'écriture en Afrique était dominée par les langues coloniales comme le
français, l'anglais ou le portugais, qui étaient considérées comme des langues supérieures
aux langues africaines locales. Cela a conduit à une homogénéisation de la littérature
africaine et à la marginalisation des langues africaines. Cependant, avec le temps, les
écrivains africains ont commencé à utiliser les langues africaines locales dans leurs écrits,
créant ainsi une forme d'hétérolinguisme. Cette utilisation des langues africaines a permis
aux écrivains africains de mieux exprimer leur propre culture et leur propre expérience, ainsi
que de donner une voix aux langues africaines qui étaient auparavant marginalisées. Makhily
Gassama affirme à ce propos en parlant de Kourouma qu’il « asservit la langue française (...)
il l’interprète en malinké pour rendre le langage malinké en supprimant toute frontière

56
« Oralité ». PAUL, ARON (et all), Le dictionnaire du littéraire. Paris : PUF, 2ème édition, 2010, p.426.

32
linguistique, à la grande surprise du lecteur »57. Dans Allah n’est pas obligé, Kourouma a
recours à un discours hétérogène qui permet de non seulement briser les normes linguistiques
mais aussi favorisent la cohabitation des idiomes africains et le français dans le roman
africain. C’est à juste titre que Gauvin, lise affirment :
De la transgression pure et simple à l’intégration, dans le cadre de la langue française,
d’un procès de traduction ou d’un substrat venu d’une autre langue ; sans compter
les tentatives de normalisation d’un parler vernaculaire ou encore la mise en place
de systèmes astucieux de cohabitations de langues ou de niveaux de langue, qu’on
désigne souvent sous le nom de plurilinguisme ou d’hétérolinguisme textuel58

Le passage du monolinguisme à l'hétérolinguisme dans le roman africain a ainsi


permis une plus grande diversité linguistique et culturelle dans la littérature africaine, offrant
aux lecteurs un aperçu plus authentique de la vie africaine et de la diversité culturelle du
continent. Aussi, cet éclatement du discours heterolinguisme n’est pas mis en marge dans
l’œuvre d’Adiaffi et Bâ car ils introduisent respectivement des idiomes comme la langue
Agni, le malinké, le nouchi, le Wolof et l’arabe. Toutes ces perspectives nous entrainent dans
la cadre géoculturelle de l’écrivain.

57
KHELALFA Leyla et BOUKHELOU Fatima, « Hybridité langagières : stratégies et enjeux de l’oralité
dans la littérature postcoloniale le cas d’Ahmadou Kourouma », Aleph, 8(4) -1, p.149-163
58
Gauvin, lise, l’écrivain francophone de la croisée des langues, Paris, Khartala, 1997, P.63

33
CHAPITRE II : LES DIFFÉRENTES APPROCHES QUI FÉCONDENT LA
CULTURE
L'approche de la culture africaine est une notion complexe mais essentielle pour
comprendre la richesse et la diversité de la littérature africaine. La culture africaine est très
diversifiée, avec des centaines de groupes ethniques et de langues différents, chacun avec sa
propre histoire, traditions, croyances et pratiques culturelles. En effet, le roman africain est
donc influencé par cette diversité culturelle, et de nombreux écrivains africains ont cherché
à explorer et à représenter la complexité de la culture africaine dans leurs œuvres à travers
des thèmes tels que la tradition orale, les rites de passage, la religion (la spiritualité, la magie
et les rituels), la famille et les relations (les castes ou identité) ainsi que les problèmes sociaux
et politiques (protestation pour la lutte de la liberté ou résilience). De ce fait, notre corpus en
est une parfaite une iconographie de ces éléments de la culture. Ainsi, il s’agira pour nous
dans ce chapitre de mettre à nu la richesse et la diversité des éléments de la tradition, qui
reflètent les racines culturelles de l'Afrique et montrent comment ces racines continuent
d'influencer la littérature africaine moderne.

I. La société sénégalaise dans une si longue lettre de Mariama Bâ


Le récit de Mariama Bâ retrace ainsi tout au long des vingt-huit lettres qui le
composent, les différentes étapes et péripéties de la vie de deux amies d’enfance,
Ramatoulaye Fall et Aïssatou Ba. Veuve et mère de douze enfants, Ramatoulaye entreprend
après la mort de son mari, Monsieur Modou Fall, la rédaction d'une longue lettre qu'elle
adresse à sa meilleure amie Aïssatou Bâ, exilée aux Etats-Unis ou elle exerce le métier
d'interprète. La période de réclusion de quarante jours que lui impose la tradition musulmane,
la plonge dans de profondes réflexions qui lui permettent à leur tour, de procéder a un bilan
de sa vie. Ramatoulaye relate avec tendresse mais aussi avec beaucoup de nostalgie les
différents moments ayant marqué leur amitié et leur enfance commune. Une enfance faite
de joie. Par ailleurs, Ramatoulaye y évoque aussi, à regret, le manque d'ouverture de la
société sénégalaise. En effet, celle-ci dénonce tout au long de ses lettres une société régie
par un système de castes qui se veut discriminant, méprisable et injuste. Aïssatou en a
d'ailleurs fait les frais. Issue d'une famille ouvrière et mariée a Mawdo BA, médecin et
meilleur ami de Modou, celle-ci n'a jamais été acceptée par la noble famille de son époux et
plus particulièrement par Tante Nabou, sa belle- mère.
Confrontée comme son amie à la polygamie, cette dernière, contrairement à de
nombreuses femmes, a eu le courage de quitter son mari en s'exilant avec ses quatre enfants

34
aux Etats-Unis. Acte de bravoure et synonyme de fierté, Aïssatou rompt ainsi avec une
certaine tradition que nul n'a jamais réellement osé remettre en question. Finalement, plus
qu'un simple récit, ce roman est une véritable interpellation et une critique ouverte de
l'organisation rigide des sociétés patriarcales. L’auteur appelle à travers de nombreux
messages, la gent féminine à prendre son destin en main. Convaincue de la complémentarité
de l'homme et de la femme, celle-ci nous invite à prendre conscience que nous avons tous,
quel que soit notre sexe, un rôle à jouer dans la société. Pour cela, il faut bien évidemment
que les mentalités changent. À cet effet, le rôle de la femme est donc de lutter avant tout
pour la reconnaissance de ses droits et contre ces pratiques traditionnelles injustes et abusives
qui sont propres aux sociétés africaines.

I.1. La culture, religion et croyance sénégalaise


Il existe une grande diversité linguistique à travers les langues au Sénégal. La
Constitution de 2001 a reconnu au français le statut de langue officielle et à six langues celui
de langues nationales, le wolof langue parlée par le plus grand nombre de personnes (90 %
des Sénégalais) même appartenant à d'autres ethnies le sérère, le peul, le mandingue, le
soninké et le diola. Cinq autres langues vernaculaires ont été promues peu après : le
hassanya, le balante, le mancagne, le noon et le manjaque ; suivies de trois autres langues :
le ménik, l’oniyan et le saafi- saafi ; d'autres ajouts de langues codifiées sont en cours. Au
total ce sont près d'une vingtaine de langues qui pourraient bénéficier du statut de langue
nationale au Sénégal.
La pratique de l’Islam dans le pays date du XIe siècle (voir l’histoire du Sénégal),
époque à laquelle les Almoravides conquièrent le Nord du Sénégal. La population
sénégalaise est aujourd'hui très majoritairement musulmane (environ 95 %) et pratique un
islam sunnite essentiellement de tradition soufie à travers quatre confréries : la Tijaniyya, le
mouridisme, la Qadiriyya et le layénisme. L'islam au Sénégal est connu pour sa tolérance et
son ouverture à l'altérité. Le Sénégal est un pays membre de l'Organisation de la coopération
islamique.
L’apparition du christianisme est beaucoup plus récente. Aujourd'hui, les chrétiens
(catholiques, évangéliques, protestants) représentent 4 % de la population du Sénégal.
Finalement, l'animisme 1 %, avec ses rites et ses croyances, est toujours présent. Il
est pratiqué principalement dans le Sud-Est du pays, et cohabite souvent avec les autres
religions.

35
Le Sénégal est un modèle en matière de cohabitation pacifique religieuse. Lors des
différentes fêtes religieuses, les Sénégalais ont pour habitude d'offrir des repas à leurs voisins
pratiquant d'autres religions. À Popenguine-Ndayane, les musulmans sont plus nombreux
que les catholiques, mais au pèlerinage de la Basilique Notre-Dame-de-la-Délivrance de
Popenguine (de tout le Sénégal), ils participent et aident à son organisation.

I.2.La conception du mariage et l’islam


Une si longue lettre est l'exemple d'un roman féministe africain qui décrit la
transformation d'une femme. Dans son roman, Bâ critique l'organisation patriarcale dans la
société sénégalaise qui est influencée par l'Islam. Principalement, Mariama Bâ critique la
discrimination des femmes dans la sphère publique, la société, et en particulier dans la
politique (Arndt, 2002 : 117).
Le thème principal du roman est les relations entre les sexes au sein de la famille.
Dans la société sénégalaise, il y a une inégalité entre l'homme et la femme dans un mariage.
La femme occupe une place subordonnée et l'homme domine. Simone de Beauvoir qualifie
une telle situation d'handicapée. Elle écrit : « La femme a toujours été, sinon l'esclave de
l'homme, du moins sa vassale ; les deux sexes ne se sont jamais partagé le monde à égalité ;
et aujourd'hui encore, bien que sa condition soit en train d'évoluer, la femme est lourdement
handicapée » (De Beauvoir, 1949 : 22). De Beauvoir écrit aussi que la femme doit prendre
soin de la maison et s'occuper des enfants et dans le cas de l'homme, il doit travailler pour
gagner de l'argent et protéger la famille. Les femmes doivent faire beaucoup plus d'efforts
que les hommes pour être vues comme des individus équivalents aux hommes. Au début, le
mari de Ramatoulaye, Modou Fall, décide et domine dans la famille et Ramatoulaye nous
montre une femme traditionnelle et passive mais au cours de l'histoire elle devient de plus
en plus moderne et elle prend ses propres décisions.
Dans la lettre, Ramatoulaye se rappelle l'histoire de deux mariages bourgeois qui sont
fondés sur la décision des hommes de prendre une seconde épouse. D'abord, son mariage
avec Modou Fall et celui de son amie d'enfance, Aïssatou, avec Mawdo Bâ. Ramatoulaye a
une cinquantaine d'années et elle a douze enfants avec Modou Fall, mais après vingt-cinq
ans de mariage avec Ramatoulaye, Modou épouse la jeune fille Binetou. Binetou est une
amie de leur fille Daba. Dans le roman, la polygamie est décrite comme humiliante et
blessante pour les femmes qui sont concernées. Le fait que les hommes préfèrent la
polygamie montre leur incapacité à entretenir des relations véritablement égales. Quand
Aïssatou quitte Mawdo, il se rend compte qu'il a fait du mal, mais il ne change pas son

36
comportement. Cependant, Modou ne regrette pas son comportement contre Ramatoulaye.
En fait, il trahit non seulement sa vie, en plus, il ne respecte pas les normes traditionnelles
en négligeant sa première épouse complètement après son mariage avec Binetou. Il ne donne
ni argent ni affection à Ramatoulaye ou à leurs enfants. Modou cherche à trouver une
deuxième épouse parce qu'il veut avoir une jeune femme. Mais selon Ramatoulaye, il faut
respecter le vieillissement et la force de l'amour dans une relation. Pendant un moment,
Ramatoulaye pense le quitter parce qu'elle est contre la polygamie : « J'étais offusquée. Il
me demandait compréhension. Mais comprendre quoi ? La suprématie de l'instinct ? Le droit
à la trahison ? La justification du désir de changement ? Je ne pouvais être l'alliée des
instincts polygamiques. Alors comprendre quoi ? » 59
L’islam joue également un rôle important dans la société sénégalaise. Selon Miriam
Murtuza dans son article « The Marriage and divorce of Polygamy and Nation : Interplay of
Gender, Religion, ad Class in Sembène Ousmane and Mariama Bâ » la plupart des
Sénégalais sont musulmans donc la religion exerce une grande influence comme dans
d'autres pays africains (Azado, 2003 :179). À cause du mariage et de la religion,
Ramatoulaye se sent attachée à son mari et elle ne peut pas s'imaginer une vie sans lui. Elle
ne croit pas qu'on puisse être heureux tout seul. Ramatoulaye est comme une prisonnière de
son amour et de son attachement à Modou : « Je suis de celles qui ne peuvent se réaliser et
s'épanouir que dans le couple. Je n'ai jamais conçu le bonheur hors du couple » (Bâ, 1979 :
106) Quand Modou est mort, Ramatoulaye choisit la résignation donc elle se prépare pour
partager sa maison avec sa coépouse, Binetou. Elle accepte d'avoir une vie polygamique
parce qu'elle se sent forcée à cause des hommes, de la société et des traditions. En effet au
nom de la religion, les hommes utilisent l’islam pour assouvir leur domination sur la femme
; ce phénomène conduit immédiatement à une ségrégation du genre.
C'est un roman très intéressant et engageant qui explore des questions importantes
liées à la culture, à la religion et aux croyances, et il peut être une lecture très enrichissante
pour ceux qui cherchent à comprendre la vie des femmes dans le contexte sénégalais.

I.3. La condition féminine dans une si longue lettre de Mariama Bâ


La condition de la femme est un thème central dans Une si longue lettre, Mariama
Bâ, une auteure et féministe sénégalaise explore les nombreux défis auxquels sont
confrontées les femmes dans La société sénégalaise, y compris le genre d’inégalités sociales

59
Mariama Bâ, Op.cit., pp.68-69.

37
et culturelles, les attentes et les limites imposées par les traditions et les religions qui
relèguent la femme au second plan.
L'histoire tourne autour de deux femmes, Ramatoulaye et Aïssatou, qui sont des amis
pour la vie et qui trouvent peinent eux-mêmes à s'adapter à l'évolution des normes sociales
dans leur pays. Elles sont toutes deux confrontées à des difficultés similaires telles que la
polygamie, la perte de liberté et discrimination, mais elles choisissent différents chemins
pour les surmonter. Ramatoulaye est une veuve forcée à élever seule ses enfants après la
mort du mari. Elle subit constamment la discrimination, pratiques de polygamie, où les
hommes sont autorisés à avoir plusieurs épouses, et les femmes sont censées se soumettre à
leur mari au nom de l’islam et la tradition. Malgré cela, Ramatoulaye demeure inébranlable
dans sa détermination à offrir une vie meilleure à ses enfants. Et elle se lance dans de petites
affaires s'aventure pour subvenir aux besoins de sa famille.
Aïssatou, en revanche, est une femme volontaire et indépendante qui refuse
d'accepter la tradition rôles que la société lui a prescrits. Elle quitte son mari après qu'il ait
pris une deuxième épouse, et choisit de vivre sa vie à ses propres conditions. Bien qu'elle
soit confrontée contrecoup de sa communauté et famille, elle persévère, finalement devenir
un enseignant à succès et élève seule ses enfants. À travers les personnages de Ramatoulaye
et Aïssatou, Bâ souligne les luttes et la résilience des femmes dans Le Sénégal et au-delà. Le
roman sert finalement d'appel puissant à l'égalité des sexes et la justice. Reconnaissance des
contributions apportées par les femmes à la société.

II-La culture chez Jean-Marie Adiaffi


La culture est un concept complexe qui englobe l'ensemble des valeurs, des
croyances, des pratiques, des normes, de l'art et des traditions créées par une société ou une
communauté donnée. Elle inclut également les connaissances, les comportements et les
modes de vie transmis de génération en génération. Dans le roman, elle est souvent décrite
comme riche et diversifiée. Elle se caractérise par une forte tradition orale, qui inclut des
récits mythiques et des contes transmis de génération en génération, ainsi que par une
richesse de pratiques rituelles et de croyances spirituelles. Ici, Jean-Marie Adiaffi valorise la
richesse et la diversité culturelles de l’Afrique tout en offrant une perspective sur les enjeux
sociopolitiques et économiques auxquels elle fait face. Mieux, il met en exergue des
thématiques liées à l'identité culturelle, la religion, les conflits politiques, les crises
économiques dans le but de restituer à l’Afrique son patrimoine culturel. C’est qui ce qui
retiendra notre attention dans cet aspect de note étude.
38
II.1. La conception théologique selon Jean-Marie Adiaffi
Analyser la conception théologique chez Adiaffi revient à répondre à la
préoccupation : comment l’auteur perçoit-il la religion ?
Considéré comme défenseur de culture africaine dont la religion constitue à ses yeux
un élément essentiel et incontournable, Jean-Marie Adiaffi est un ethnologue en religion
traditionnelle, qui a une approche très personnelle de la religion. Il est, en fait connu pour sa
grande ouverture d’esprit et son respect pour toutes les religions.
Dans sa perception de la religion, il milite pour la connaissance, la reconnaissance et
la réhabilitation de la religion africaine, qui avait auparavant été niée et mis en marge par le
système colonial en l’occurrence l’action missionnaire.
Pour comprendre sa thèse, il serait judicieux de revenir sur l’oppression du joug
colonial à travers les missionnaires. En effet, leur arrivée en Afrique, ces derniers, ont posé
le postulat selon lequel le continent africain ne détenait d’aucune religion et qu’il fallait les
coloniser avec les religions dîtes révélées à savoir le christianisme, l’islam…
Face à cette aliénation culturelle et cette hypothèse chimérique, Jean-Marie Adiaffi
se porte acteur garant de la restitution de la religion africaine à travers la mise en place de la
théologie du bossonisme, qui vient moderniser et valoriser l’animisme. Le bossonisme est
une théologie qui vient libérer les peuples oppressés par la colonisation et construire
l’identité religieuse africaine. Pour l’auteur, cette religion a pour objectif de revendiquer
l’absolue africanité de son monothéisme et refuse d’être influencé par le christianisme et
l’islam, qui sont des religions polythéistes. Ainsi, dans son œuvre Silence, on développe, il
met en avant cette religion qui a permis au peuple d’Assiéilédougou de se libérer par le biais
de la grande prêtresse Priko Néhenda.

II.2. La conception du fétichiste et son utilisation dans la culture africaine


Faisant partie intégrante de l'héritage culturel africain et constituant une des
nombreuses expressions religieuses et spirituelles des différents peuples africains, le
fétichisme est une conception théologique qui est souvent associée à la culture africaine.
Selon cette croyance, les êtres humains ont des liens mystiques avec des objets ou des
animaux considérés comme des "fétiches" qui possèdent un esprit ou une âme. Dans le
contexte africain, on peut voir cette croyance dans certaines pratiques religieuses et rituelles
où les fétiches sont vénérés.
Dans son roman Silence on développe, Jean-Marie Adiaffi aborde la question du
fétichisme dans la culture ivoirienne en particulier et africaine en général. Il reconnaît que
39
le fétichisme est une pratique religieuse traditionnelle en Afrique qui est souvent mal
comprise et mal interprétée par les étrangers. Selon lui, le fétichisme est une manifestation
de la spiritualité africaine qui est basée sur la croyance en des forces surnaturelles qui
peuvent être utilisées pour protéger, guérir et aider les gens dans leur vie quotidienne.
Dans la conception fétichiste, chaque objet est unique et possède un pouvoir propre.
Les fétiches peuvent être utilisés pour aider à guérir les maladies, pour protéger contre les
forces du mal ou pour favoriser la réussite dans la vie. C’est ainsi que dans Silence, on
développe, Priko, la féticheuse use des pratiques occultes en vue d’apporter guérison à N’da
Sounan.
Malgré que Le fétichisme soit souvent mal compris et a été critiqué en raison de sa
conception animiste et de son utilisation de pratiques jugées superstitieuses ; il constitue
pour les adeptes, une croyance profondément enracinée dans la culture et la tradition et
permet de se connecter avec le monde surnaturel et de recevoir le soutien des forces
invisibles dans leur vie quotidienne.

II.3. Les pratiques de divination et la communication avec les esprits


Le fétichisme est souvent associé à des pratiques de divination, où des objets sont
utilisés pour communiquer avec les esprits ou les ancêtres. Les pratiques de fétichisme
varient selon les cultures et les traditions, mais elles impliquent généralement la vénération
d'objets (des coquillages, des ossements ou d'êtres vivants considérés comme sacrés. Adiaffi
soutient que ces pratiques sont une forme de médiation qui permet aux Africains de se
connecter avec le monde surnaturel et de recevoir des conseils et des orientations pour leur
vie quotidienne. Cette communication entre les esprits et les humains ne peut avoir lieu sans
la présence des komians : syntagme nominal désignant les prêtresses féticheuses en langue
Agni. Dans Silence, on développe, Jean-Marie Adiaffi, met en scène les pratiques de
divination et la communication avec les esprits jouent également un rôle important. En effet,
plusieurs personnages du livre, notamment les anciens, ont recours à la divination qui leur
permettre de communiquer avec les esprits et de prendre des décisions importantes. Cette
pratique est considérée comme sacrée dans la culture africaine et elle est souvent utilisée
pour résoudre des conflits ou trouver des réponses à des questions importantes.
En résumé, pour Jean-Marie Adiaffi, le bossonisme à travers le fétichisme est un
élément important de la culture africaine qui est souvent mal compris et mal interprété par
les étrangers. Il soutient que le fétichisme est une manifestation de la spiritualité africaine
qui permet aux africains de comprendre et interpréter le monde surnaturel.
40
Dans le second chapitre portant sur les approches qui fécondent la tradition, l’on a
traité cet aspect à la conception théologique, le visage de la femme dans la culture
Sénégalaise et l’importance des pratiques divinatoires. La miss en exergue de la tradition
permet aux auteurs de manifester leur volonté de faire connaître leur culture dans la
construction de l’œuvre Romanesque.

CONCLUSION PARTIELLE
La première partie de notre travail a été le cadre du décryptage des canons du récit
oraliste des procédés textuels et des concepts de la tradition qui ont été appliqués au corpus.
En effet, cette partie théorique a comporté deux chapitres. Le premier chapitre a mis en
lumière la dynamique narrative du récit oraliste chez Adiaffi et Mariama Bâ. Le dernier
chapitre a permis de déterminer les différentes approches qui fécondent à culture africaine
dans le corpus. Après la description des procédés de l’écriture oraliste, il incombe de faire
l’examen de la deuxième partie qui s’intitule comme suit : onomastique et culture :
stratégies narratives et stylistiques dans silence, on développe de Jean-Marie Adiaffi et une
si longue lettre de Mariama Bâ.

41
DEUXIÈME PARTIE :

ONOMASTIQUE ET CULTURE : STRATÉGIES


NARRATIVES ET STYLISTIQUES DANS SILENCE, ON
DÉVELOPPE DE JEAN-MARIE ADIAFFI ET UNE SI
LONGUE LETTRE DE MARIAMA BÂ

42
INTRODUCTION DE LA DEUXIÈME PARTIE
En termes de stratégie narrative, l'utilisation judicieuse des noms propres peut aider
à créer des personnages mémorables et à les distinguer les uns des autres. Les auteurs
peuvent choisir des noms qui reflètent les caractéristiques des personnages, leurs traits de
personnalité ou leur rôle dans l'histoire. Par exemple, un personnage fort et déterminé peut
avoir un nom qui sonne puissant et énergique, tandis qu'un personnage timide et réservé peut
avoir un nom plus doux et discret. De plus, les noms propres peuvent être utilisés pour
évoquer une certaine culture ou une époque spécifique. Par exemple, l'utilisation de noms
traditionnels ou historiques peut situer l'action dans un contexte particulier et renforcer
l'immersion du lecteur dans l'univers du récit.
Les noms peuvent également être utilisés pour représenter des groupes ethniques, des
nationalités ou des régions spécifiques, et ainsi enrichir la représentation culturelle dans le
texte. Du point de vue stylistique, les noms propres peuvent contribuer à la musicalité et au
rythme du texte. Certains auteurs choisissent des noms qui sonnent harmonieusement ou qui
ont des sonorités spécifiques pour créer un effet poétique ou esthétique. Cela peut également
aider à créer une atmosphère particulière ou à renforcer l'émotion dans le récit.
En résumé, Onomastique et Culture peuvent être utilisée comme une stratégie
narrative et stylistique efficace pour enrichir un texte. Les noms propres peuvent aider à
créer des personnages mémorables, à évoquer une culture spécifique et à ajouter une
dimension supplémentaire à la narration. Ils contribuent ainsi à l'immersion du lecteur et à
la construction d'un univers cohérent et riche. En clair, Ces éléments, permettant aux
écrivains africains francophones de donner à leurs histoires une saveur locale tout en
exprimant leur identité culturelle, leur point de vue sur le monde et leur volonté. C’est dans
cette veine que l’étude sera consacrée.

43
CHAPITRE III : L’ONOMASTIQUE CHEZ LES ÉCRIVAINS OUEST-
AFRICAINS
L'onomastique, qui est l'étude des noms propres, revêt une grande importance chez
les écrivains ouest-africains. Ces écrivains utilisent avec finesse et ingéniosité les noms
donnés à leurs personnages, lieux et objets pour enrichir leurs récits et explorer les
dimensions culturelles et historiques de la région. En Afrique de l’ouest, où la tradition orale
est profondément enracinée, les noms portent souvent une signification symbolique et sont
chargés d'histoire et de valeurs culturelles. Les écrivains ouest-africains tirent parti de cette
richesse onomastique pour donner vie à leurs personnages et créer des récits authentiques et
évocateurs. Les noms donnés aux personnages permettent souvent de refléter leurs traits de
personnalité, leur origine ethnique ou régionale, et parfois même leur destinée. En
choisissant des noms qui résonnent avec l'histoire et les traditions de la région, les écrivains
ouest-africains parviennent à créer des personnages profondément ancrés dans leur contexte
culturel. En clair, l'onomastique chez les écrivains ouest-africains joue un rôle essentiel dans
la construction de récits authentiques et évocateurs. Les noms propres choisis avec soin
permettent de créer des personnages et des lieux chargés de significations symboliques
culturelles et historiques. Ils contribuent ainsi à la richesse et à la singularité de la littérature
ouest-africaine.

I. Définition de l’onomastique selon le dictionnaire et notion de construction de sens


La perception de la définition de l’onomastique varie d’un dictionnaire à un autre
mais toujours est-il que son objectif principal c’est d’analyser scientifiquement le sens des
noms. Dans notre investigation, nous allons nous focaliser sur deux dictionnaires.

I.1. Selon Le dictionnaire


L’onomastique selon le dictionnaire Universel des littératures, est « un substantif
désignant l’étude des noms propres.»60
En ce qui concerne le Robert, dictionnaire historique de la langue française, situe I
l‘apparition de ce concept au XVI siècle et remonte son étymologie au grec onomaticos
relatif au nom. Au plan linguistique, ce dictionnaire présente l’onomastique comme étant
une étude ou une science des noms propres et spécialement les personnes (anthroponymie)
et des noms de lieux(toponymie).De ce fait, l‘onomastique se présente comme une étude des

60
Le Grand Robert, dictionnaire Universel des littératures, Paris Éditions PUF, 1994, volume 3, p.2586.

44
noms propres selon deux branches à savoir: l'anthroponymie (étude historique des noms
propres de personnes) et la toponymie (étude historique des noms propres de lieux).De son
étymologie, le terme « onomastique » vient du grec onomatikê qui signifie « l’art de
dénommer » lequel dérive du terme onosia « désignation par nom »Tous deux remontent au
grec ancien onoma qui signifie « nom »
Cette science étudie les noms propres sur toutes ces formes, en s'intéressant
l’étymologie de leur formation et de leurs usages. À travers les langues et les sociétés, Elle
se propose de rechercher leur signification et leur impact sur la société. D’une part, François
Rigollot propose une définition de l‘onomastique comme « une branche de la lexicologie qui
traite des noms propres »61.Donc l‘onomastique est une science sociologique, son approche
est pluridisciplinaire. Elle étudie toutes les formes de la nomination. Toutefois, les deux
catégories de noms propres les plus importants sont celles des noms ou des anthroponymes
issus des grecs topos « lieu » et onoma “noms”
À la lumière de ces définitions, l’objet de notre analyse paraît précis, il s'agira
d’étudier les noms relativement à l'espace Géoculturel, car l‘onomastique est le résultat de
l'identification de l'homme. Son étude consiste à reconnaître I ‘homme et ses croyances, son
histoire ou ses évènements.

I.2. La notion de construction de sens


Dans son article intitulé l’onomastique dans la construction de sens, Ferdinand
DION défend l’opinion selon lequel, Parler de construction de sens, c’est en substance
rechercher l’idéologie que le nom propre dégage à l’issue du décryptage du contenu
livresque. Plusieurs sciences et non des moindres s’évertuent à accorder du crédit à la
recherche de la signification des noms. Ainsi, la notion de construction de sens des noms
propres dans cette analyse consiste au décryptage de ces noms selon l’aire culturelle du
porteur. Il s’agira également d’évaluer la similitude des caractéristiques attribuées au
personnage. Un nom propre dans l’univers culturel africain est en général, des noms à sens,
et qui est donné selon certaines situations familiales entourant la naissance du porteur du
nom. À cet effet, Maurice Grevisse affirme :
Les noms de famille trouvent pour un plus grand nombre leur origine dans la désignation
d’un trait physique ou moral : Lebrun, Ledoux, Petit d’une profession : Marchand, Leverrier,
Letourneur, Charpentier – d’un lieu d’habitation ou d’origine : Dumont, Dupont, Lesuisse,
Langlois Beaucoup ne sont que des prénoms : Louis, Vincent, Benoît, Mathieu.62

61
François Rigollot, poétique et onomastique, l’exemple de la renaissance, Genèse libre, Droz, 1977, p. 11.
62
Maurice Grevisse, Le Bon Usage, Paris, Duculot-Hatier, 1969.

45
Dans les œuvres, qu’elles soient romanesques, poétiques ou dramatiques, les auteurs dans la
construction des idéologies défendues, attribuent des noms à des personnages. Ce parcours
théorique favorise la détermination des matrices de la construction du sens des œuvres à
partir du fonctionnement du système des noms propres les plus porteurs.

II. Les différentes approches et spécialités de l’onomastique


Les différentes approches et spécialités de l’onomastique sont diverses et sont très
importante parce qu’elles permettent de donner une valeur esthétique et sémantique aux
différents noms.

II.1. Les différentes approches de l’onomastique


Les noms peuvent être abordés selon différentes approches que voici : on a L'approche
étymologique qui se concentre sur l'origine et l'histoire des noms propres en examinant leur
étymologie. Elle permet de comprendre comment les noms ont évolué au fil du temps et peut
aider à identifier les influences linguistiques et culturelles qui ont façonné les noms. Ensuite,
L’approche sémiologique qui s'intéresse à la signification des noms et à leur rôle dans la
communication. Elle examine comment les noms sont utilisés pour transmettre des
informations et peut aider à comprendre comment les noms sont perçus dans différentes
cultures.
De plus, dans l’approche sociolinguistique, cette approche étudie les noms dans leur
contexte social et culturel. Elle examine comment les noms sont utilisés et perçus dans
différentes régions et groupes linguistiques, en mettant l'accent sur les facteurs sociaux et
culturels qui influencent les choix de noms.
Par ailleurs, L’approche anthroponymique, qui se concentre sur les noms de
personnes et peut aider à comprendre les normes culturelles et les valeurs qui sous-tendent
les choix de noms. Elle peut également aider à identifier les liens entre les noms et l'identité
culturelle.
Enfin L'approche toponymique : Cette approche s'intéresse aux noms de lieux et à
leur signification. Elle peut aider à comprendre l'histoire et la géographie d'une région, ainsi
que les influences linguistiques et culturelles qui ont façonné les noms de lieux. Ces
différentes approches onomastiques peuvent être utilisées pour comprendre les noms propres
dans leur contexte culturel et historique, et peuvent aider à révéler les nuances et les
significations cachées derrière les noms.

46
II.2. Les spécialités de l’onomastique
L'onomastique s’étend sur plusieurs domaines à savoir : l’hydronymie, l’oronymie,
la toponymie, l’odonyme et ethnonymie. Ainsi l'hydronymie concerne L’étude des noms des
cours d’eaux (océan, mer, fleuve, lagune, rivière, mare, marigot.). Quant à l'oronymie, elle
étudie les Noms des montagnes et des élévations de terrain. Le même procède que pour les
Hydronymies, ils sont souvent désignés par un nom générique qui s'est cristallise. Pour ce
qui concerne l’odonyme, elle étudie les noms désignant les voix de communications : rues,
Avenues, boulevards, places. Et enfin l‘ethnonyme est une donnée incontournable de
L’étude de l‘onomastique Ce sont des noms de tribu, de fraction, de grande famille, dont les
membres se disent issus d'un ancêtre commun, honoré d'un culte. Ainsi, notre corpus regorge
une forte occurrence de figure onomastique qui sera objet d’investigation.

III. L’onomastique chez Jean-Marie Adiaffi : comme expression de son africanité


L’africanité est un concept culturel global renfermant toutes les diverses formes de
la culture négro-africaine. En effet. Elle représente l’expression du mode de vie, c’est-à-dire
de l’âme de l’Afrique puisqu’elle fait allusion à la civilisation négro-africaine. Etant donné
que cette civilisation est multiforme, notre travail se fonde uniquement sur l’onomastique
qui est une technique de la langue.
En outre, la présence des formules en langue maternelle africaine écrite en langue
française est édifiante et semble durablement s’installer dans la façon d’écrire des africains.
Ainsi dit, l’onomastique se manifeste dans Silence, on développe, par la façon dont l’auteur
Jean-Marie Adiaffi nomme les personnes, les animaux et les objets, c’est-à-dire les
personnages actants dans l’œuvre, ce que Rangira Béatrice Gallimore appelle le code
onomastique. Pour elle, Dans les textes d’Adiaffi, le nom reçu et la lignée jouent un rôle
important dans la caractérisation du personnage.
En examinant les différents personnages des romans d’Adiaffi, on est surtout frappé
par de nombreux personnages référentiels. »63. Cette citation justifie clairement l’une des
techniques de d’écriture de Jean-Marie Adiaffi. En effet, l’auteur met en relief des
personnages comme concepteur des rôles et un pion essentiel dans la création. D’ailleurs
c’est ce qui justifie les propos de Rangira Béatrice : « De nombreux personnages réels
peuplent l’œuvre d’Adiaffi, mais parfois des personnages mythiques et surréels surgissent

63
Rangira Béatrice Gallimore, l’œuvre romanesque de Jean-Marie ADIAFFI, le mariage du mythe et de
l’histoire, fondement d’un récit pluriel, Paris, L’Harmattan, 1996, p.27.

47
dans le récit réel. C’est par exemple le cas du serpent Ehobilé, détenteur de tous les pouvoirs.
»64. Ici, le romancier met sur scène de nombreux personnages tout en les différenciant.
Ainsi donc la présence et la diversité des personnages dans l’œuvre d’Adiaffi a une
signification car chaque personnage est porteur de message. Et, ce qui mérite d’être surtout
mentionné pour cette étude est que la majorité des personnages : anthropomorphes, animaux
et objets portent des noms issus de la langue maternelle Agni et d’autres langues africaines.
Cette façon de l’écrivain détermine le code onomastique dont la manifestation dans Silence,
on développe pourrait avoir une incidence sur la langue française.

III.1. La connotation idéo-culturelle de l’anthroponyme : expression de la dualité


dans l’onomastique.
Dans le tissu narratif, les personnages se voient affectés des noms par le narrateur.
Selon les propos de Pierre N’DA, nommer une chose, c’est bien la faire naître au monde des
hommes, l’insérer dans l’ordre symbolique sans lequel son existence n’a aucune pertinence,
mais c’était aussi et surtout la rendre animée en la dévoilant. De là, l’attribution d’un nom à
un personnage le rend vivant et actif au sein de la narration. C’est dans cette optique que
l’on se propose d’étudier les noms propres des personnages par l’anthroponymie. Les noms
propres sont couramment chargés de sens. Les personnages sont nommés à dessein.
Si l’on entrevoit le nom comme un signe linguistique, on s’aperçoit qu’il y a un
rapport entre le signifiant du nommé et son signifié. Ce procédé dévoile la valeur idéo-
culturelle et symbolique ainsi que la conduite narrative du personnage. Ainsi, le nom d’un
personnage, par sa définition originelle et sa consonance, nous donne systématiquement son
référent culturel et sa moralité. C’est en ce sens que Pierre N’DA pense que les noms
appropriés, des noms évocateurs, des noms significatifs répondant à la détermination
possible portant le seau des personnages. De ces nombreux noms propres que contient le
corpus, il est question d’étudier les plus significatifs.
Dans silence, on développe, nous avons des personnages anthropomorphes, qui se
caractérisent de l’individuel au collectif. Il s’agit ici de N’da Bettié Sounan et N’da Fangan
Walé. Dans la cosmogonie Akan précisément en Agni, le substantif N’da est attribué aux
jumeaux. Il s’applique tant au genre masculin qu’au féminin. En présentant, ces personnages
sous le signe de la gémellité, l’auteur fait connaître l’identité des acteurs mais aussi dans
l’espace où ils évoluent.

64
Idem.

48
Par ce nom typiquement africain, Adiaffi expose un pan du phénomène
d’attribution. D’ailleurs, on se poserait la question de savoir comment la langue française
restituerait toutes les dimensions sociale, sociétale et même toposémique contenues dans le
nom : N’da. Ce nom est chargé de plusieurs informations au plan culturel, ce qui est
conforme aux ambitions de Jean-Marie Adiaffi dont la vocation est de faire connaître la
culture africaine. Ainsi, dit, l’évocation du nom N’da dans l’œuvre n’est pas une chose
fortuite parce que l’écriture présente la conception du mystère culturel la gémellité en
Afrique. C’est à juste titre que Rangira Béatrice Gallimore cite Jean Perrot en ces termes :
Dans son ouvrage, Mythes et littérature sous le signe des jumeaux, Jean Perrot montre
que le mythe des jumeaux a toujours exercé une fascination sur de nombreux écrivains
et que la plupart des sociétés primitives, le mythe des jumeaux renvoie toujours au passé
nébuleux des origines sur lequel se fonde des cultures et des sociétés actuelles. Si
Silence, on développe peut se lire comme la naissance d’une nation, celle de la
république d’Assiéliédougou, le choix du mythe des jumeaux sur lequel se construit et
s’élabore le récit d’Adiaffi est bien approprié.65
Dans la continuité de la lecture, l’on découvre la dualité scripturale et même
sémantique du nom N’da. D’une part l’un s’appelle N’da Bettié Sounan, d’autres part l’autre
N’da Fangan Walé.
S’agissant du premier Bettié Sounan, est la combinaison du nom du village d’Adiaffi
et Sounan. En effet, Bettié est la ville natale de Jean- Marie-Adiaffi ; Bettié Sounan en langue
Agni signifie littéralement celui qui est au service des autres, celui qui a pour leitmotiv la
défense des autres, celui qui lutte pour les autres. C’est pourquoi Gabriel Tiegnon TOLA,
dans son article intitulé africanité et littérature francophone : enrichissement ou
appauvrissement de la langue française affirme : « N’da Sounan Bettié est une personne
généreuse, pétrie de valeurs et de qualités humaines. C’est pourquoi, il est pleinement engagé
dans la lutte pour l’indépendance de la république d’Assiéilédougou. »66. Le chapitre 3 de la
page 60 justifie également les vertus qu’incarne N’da Sounan Bettié : « Je proclame donc
notre INDÉPENDANCE, sur les flots de sueur, de larmes et de sang… ».67 Ici, ce personnage
représente la démocratie, la renaissance, la bravoure.
En ce qui concerne son frère jumeau qui s’appelle N’da Fangan Walé, on remarque
que les deux dernières lexies (Fangan Walé) ne proviennent de la langue maternelle de
l’auteur mais du malinké. Ceci montre la volonté de l’écrivain une transculturalité. Ainsi, le
premier terme “Fangan ” signifie la force, la violence, la brutalité ou la puissance, quant au

65
Rangira Béatrice Gallimore, Op.cit., p.70.
66
Gabriel Tiegnon TOLA, africanité et littérature francophone : enrichissement ou appauvrissement de la
langue française, p.21.
67
Jean-Marie Adiaffi, Op.cit., p.60.

49
second “Walé”, il veut dire l’argent, la richesse ou le trésor. Gabriel Tiegnon TOLA poursuit
en disant : « N’da Fangan Walé, il est tout le contraire de son frère, car il est le symbole de
la négation, de la nuisance et de la nocivité. Pour de l’argent, il s’est mis du côté des forces
impératrices et du mal pour assujettir Assiéilédougou, dévoilant sa personnalité »68. Cette
idée trouve sa justification dans le chapitre 10, précisément à la page 140 : « ...Mais ma
grande passion, la grande passion de ma vie, c’est l’argent, le pouvoir, la puissance, la gloire
! et pour atteindre cette fin divine, je suis prêt à tout...je rêve...non...je souhaite...non...je
veux...oui...je...veux...dominer...dominer 69
. Cet indice textuel traduit son manque
d’humanisme, son obsession pour le pouvoir.
En plus des jumeaux, on retiendra le nom “Éhiman“ qui signifie littéralement demain.
En effet, le personnage qui porte ce nom est un élève : « Un jeune élève, Éhiman (« Demain
») embrasse à l’étouffer et s’étouffer un guérillero à la barbe de nimbus. »70. Par cet extrait,
Gabriel Tiegnon TOLA, pose le postulat selon lequel :
En nous fondant sur le rôle et la mission de l’institution scolastique dans la société
que le nom Éhiman ne relève pas du hasard. D’abord, l’école a pour mission d’instruire,
d’éduquer et de former la jeunesse à toutes les valeurs, ensuite l’école est aussi là pour
relever le défi, c’est-à-dire que ses produits (la jeunesse qu’elle forme) sont la relève. Donc,
donner Éhiman comme nom à un enfant qui va à l’école, c’est faire reposer sur ses épaules
l’avenir. En fait, Éhiman qui signifie demain en langue locale, voudrait dire que le porteur
d’un tel nom symbolise l’avenir radieux, non seulement pour ses parents mais pour tout le
pays. « On voit là que le nom Éhiman met à nu tout le projet de la communauté et toutes les
bénédictions qui accompagnent le porteur de ce nom. Car, demain, c’est l’avenir chargé de
belles promesses.»71
À travers l’identification de ces noms, l’auteur nous dirige immédiatement dans la
culture Akan. Aussi les personnages animaliers jouent également un rôle dans la narration.

III.2.les personnages zoomorphiques


Dans la narration, Jean-Marie Adiaffi nous présente un personnage du nom de
« Ehobilé Angaman », c’est un serpent.la lexie « Ehobilé » signifie serpent noir ou mort
noire en Agni. Quant au sème « Angaman » relève d’une forte occurrence connotative : nom

68
Gabriel Tiegnon TOLA, Op.cit, p.47.
69
Jean-Marie Adiaffi, Op.cit., p.140.
70
Idem.
71
Gabriel Tiegnon TOLA, Op.cit p 21.
50
patronymique chez les Agni, il signifie ‘’qui ne mort pas’’ ou ‘’qui ne peut mordre que
lorsqu’il est perturbé’’. Par l’appellation du serpent et tous le sens qu’il dégage, l’auteur nous
plonge le réalisme magique culturel de sa société. Dans cette veine, il représente l’invisible
de la culture Agni dont tout le monde ne peut accéder à part les initiés. En effet, dans l’œuvre
d’Adiaffi, le serpent est considéré dans la cosmogonie spirituelle comme un être divin, un
génie permettant d’être consulté et susceptible de faire accomplir la volonté et d’exaucer les
aspirations. C’est un symbole très important chez les Agni.
Avec toutes ces significations que regorge le serpent, on pourrait dire que « Ehobilé
Angaman » n’est pas simplement qu’un reptile mais un dieu protecteur dans la culture de
l’auteur. Mieux, le serpent joue un rôle fondamental tant sur le plan religieux qu’idéologique.
De même, Thomas Mofolo, à travers son œuvre Chaka, une épopée bantoue met en exergue
le lien entre le peuple Zoulou et le Serpent. Il affirme :
Apercevoir un serpent, dans ce pays-là revêt une importance très grande : c’est en
effet, ou le présage d’un évènement heureux, ou bien d’un malheur et de châtiments
imminents que vont infliger les mânes des ancêtres. De fait, on ne tue pas les serpents
en Cafrerie : celui qui le ferait commettrait le plus abominable des forfaits…72
Cet indice textuel témoigne effectivement l’importance de la présence du Serpent
dans le quotidien des africains. Pour revenir à Silence, on développe et au serpent Ehobilé
Angaman, nous pouvons dire que Jean-Marie Adiaffi, en nous plongeant dans sa culture,
nous montre l’une des facettes de l’Afrique. Ainsi, dans son œuvre, l’écrivain n’étudie
seulement pas que les noms des personnes et animaux mais il y a aussi ceux objets ou des
choses qui portent des marques de la culture.
III.3. Les noms des objets ou choses
L’étude onomastique s’opère également au niveau des objets et nous voyons qu’il
existe plusieurs sortes mais dans le cadre de notre analyse, nous nous baserons uniquement
sur « le Kokwa » et « le Kinian-kpli ». L’évocation de ces objets dans le tissu narratif se
retrouvent presque sur toutes les pages de l’œuvre. Ce sont des instruments de réjouissances
musicales dont l’auteur utilise pour introduire le lecteur dans la cosmogonie musicale Agni.
Cependant, « le Kokwa » et « le Kinian-kpli » ne sont pas des instruments ordinaires de
musique ; ils sont sacrés : « N’da Fangan Walé frappa, fit vibrer d’une manière lugubre sept
fois le Kokwa, la cloche sacrée qui réveille les Génies, sept fois selon le rite de consultation
des Génies : les Génies des eaux...sur les dents. » 73 . Cet extrait montre effectivement
l’importance et le rôle du“ Kokwa”, un instrument sacré de la communauté Agni permettant

72
Thomas Mofolo, Chaka, une épopée bantoue, Paris, Gallimard, 1940, p.13.
73
Jean-Marie Adiaffi, Op.cit., p.183.

51
de rentrer en contact avec le monde spirituel en l’occurrence les Génies qui sont considérés
comme des dieux.
En ce qui concerne l’instrument « le Kinian-kpli » tout comme le premier est sacré.
C’est un tam-tam de guerre objectivement mais métaphysiquement c’est un instrument qui
stimule au combat. Le début du chapitre 15 en est une parfaite illustration :
Laissez-lui son Kinian Kpli (tam-tam sacré de guerre), pour encourager la lutte de
son peuple piétiné chaque soir, chaque matin. À I ‘aube laissez-moi assister au lever
radieux, fulgurant de son soleil à I ‘horizon d'or de ses chaines brisées. Laissez-moi
écouter la symphonie de leur doux fracas pareil à des vagues déchaînées. Laissez-
moi écouter en oraison funèbre ce bonheur. Ne touchez pas, de vos mains
profanatrices tachées du sang juste des peuples, le Kinian Kpli de ma voix sorcière
pour crier sur la montagne vierge de mon kaolin. Laissez-moi cette joie posthume en
épitaphe à ma vie.74
Ce relevé laisse entendre que le Kinian-kpli est certes sacré, mais il est consacré à la
guerre. C’est un instrument dont les notes décuplent les forces des combattants, amplifie leur
hargne de combattre. C’est dire que c’est un instrument qui ne se joue pas à n’importe quelle
occasion. Car, dans ses notes, il se dégage des pouvoirs mystiques susceptibles de pousser
des combattants à la victoire.
À côté de ceux que nous avons dressés, Jean-Marie Adiaffi a surfé sur d’autres
éléments pour exprimer son africanité. Il y a dans l’œuvre plusieurs expressions dont : « I bé
kouman » p.160 (en langue Malinké) qui signifie Prends la parole, et « Oni kobi » p.284 qui
est une expression de colère, en langue Agni signifiant fils de chien. La liste des expressions
n’est pas exhaustive, mais nous pensons que tous les éléments présentés dans le cadre de
l’expression de l’onomastique sont assez représentatifs de la volonté de l’écrivain de dire
avec exactitude et détermination ce qu’il veut montrer. En outre, écrire, c’est porter à la
connaissance du public toute information à la société sur laquelle porte l’ouvrage. Ainsi,
Jean- Marie Adiaffi choisi de faire connaître la culture africaine, en général et la culture Agni
en particulier. Tout comme Adiaffi, Mariama Bâ use du code onomastique pour faire
connaître sa culture.

IV. Étude onomastique dans Une si longue lettre de Mariama Bâ


Mariama Bâ utilise l’onomastique dans Une si longue lettre pour renforcer la
dimension symbolique du récit et souligner l'importance de l'identité culturelle des
personnages. Les noms propres, tels que les prénoms des personnages, les noms de lieux ou
de choses permettent de représenter des éléments significatifs de l'intrigue et donne une

74
Jean-Marie Adiaffi, idem. p149.

52
dimension plus profonde aux personnages. Ils ont une signification particulière dans la
culture sénégalaise et reflètent souvent les valeurs de la tradition. De plus, permettant de
donner une dimension réaliste et concrète aux noms, l’onomastique permet à l’auteur
d'exprimer de manière subtile les différences de classe sociale. Ainsi, dans cette
analyse’onomastique s’appuiera sur l’anthroponymie, la toponymie, les choses et objets.

IV.1. Les personnages anthroponymes


En utilisant les noms, Mariama Bâ nous plonge dans l’univers culturel sénégalais et
donne une signification socioculturelle et religieuse des prénoms. Notre étude portera sur les
personnages principaux à savoir : Ramatoulaye, Aïssatou, Modou, Mawdo.
En premier lieu, le nom Ramatoulaye regorge plusieurs sens dans la société
sénégalaise, ce nom peut s’interpréter de diverses manières. En fait ce nom est d’origine
arabe et signifie “celle qui à la bénédiction de Dieu ” ; “la beauté de Dieu ». Il reflète le
caractère fort, sa dévotion religieuse et sa foi inébranlable tout en soulignant son statut social
élevé dans sa communauté. De même, ce nom pourrait également signifier “celle qui donne
beaucoup ” ; “celle qui est revenue ”mettant ainsi son rôle de femme, d’épouse, de mère et
père qu’elle occupe tout au long du livre. Aussi, son retour à la maison après la mort de son
époux.
En deuxième lieu, nous avons le nom d’Aïssatou qui est également un nom arabe et
qui signifie “la femme retenue” ; “ celle qui est appuyée sur la terre”. Cette interprétation
reflète le caractère indépendant, résiliant qui rompt avec les attentes traditionnelles pour
poursuivre son propre chemin. Ce nom évoque sa force face aux défis rencontrés. Mieux ce
personnage est symbolisé l’émancipation dans son milieu social.
En troisième lieu, le nom Modou Fall, d’origine arabe signifie “ celui qui vient
souvent ”. En effet Modou est une personne insaisissable ou peu fiable qui revient plusieurs
fois dans la vie de Ramatoulaye et qui finit par la trahi. Dans la société sénégalaise, c’est un
homme respecté et responsable à cause de son statut d’avocat et fonctionnaire du
gouvernement. Aussi, Modou Fall, peut être interprété comme symbolique de son évolution
sociale et économique. Modou signifie "grand" en wolof, une langue parlée au Sénégal, et
Fall est un nom de famille courant dans la région. Ensemble, ces deux noms suggèrent que
Modou est un personnage important et puissant à l'intérieur de la société sénégalaise, ce qui
correspond à son statut social élevé en tant que mari de Ramatoulaye.
En dernier lieu, nous avons comme nom propre Mawdo ex époux d’Aïssatou qui est
descendant d’une famille royale. Ce nom peut être une forme abrégée de Mamadou ou
53
Mohammed, deux noms très courants dans les cultures musulmanes comme celle décrite
dans le roman. Cela peut indiquer que Mawdo représente une figure typique de la masculinité
musulmane traditionnelle.
Les noms des familles qui sont réellement existantes dans l’œuvre sont : FALL,
DIACK, BÂ ; les familles et les castes hiérarchisés réel que sont : Seynabou Diouf du sang
royal du village de Diakho, les toucouleurs, les bijoutières, les Dioufènes, les Guélewar de
Sine. Les noms et les lieux réels (Ouakam, Thiaroye, la route de Rufisque, le croisement de
Diamniadio, les départements de Mbour, Thiadiaye, Talaguine, Diouroupe, Ndioudiouf,
Fatick, Diakhao, Pikine en banlieue de Dakar, la corniche dakaroise, la plage des Almadies,
l’aérogare de Yoff, le Sine, le fleuve souterrain, la forêt de Ndiassane, etc…).
En examinant les significations derrière les noms des personnages dans Une si longue
lettre, on peut mieux comprendre leur rôle dans le texte ainsi que les idées culturelles qu'ils
représentent. Non seulement l’auteur permet d’approfondir la compréhension du roman mais
traduit la société sénégalaise. L’analyse onomastique ne résume pas uniquement que sur les
anthroponymes, elle s’appuie également sur les toponymes.

IV.2. Les toponymes dans l’œuvre de Mariama Bâ


Les toponymes sont relatifs à l’étude scientifique de noms des lieux. Ainsi. Dans Une
si longue lettre Mariama Bâ donne une dimension symbolique aux lieux évoqués dans son
roman. Les toponymes sont utilisés pour situer l'intrigue dans un contexte géographique et
culturel qui est propre au Sénégal et qui contribue à la construction de l'identité de ses
personnages.
En utilisant les noms de lieux, elle ancre son récit dans la réalité historique et
culturelle du pays et permet ainsi au lecteur de mieux saisir les enjeux politiques et sociaux
évoqués dans le roman. Par exemple, le quartier populaire de Dakar, où vit l'héroïne
Ramatoulaye, est appelé "la Médina", qui signifie "la ville" en arabe. Ce choix de nom
rappelle l'importance de la religion musulmane dans la société sénégalaise et souligne la lutte
de Ramatoulaye pour sa propre identité et liberté dans un monde dominé par les hommes et
les traditions religieuses. L’analyse toponymique s’articule autour des lieux tels que : Dakar,
Niodior, Saint-Louis, Rufisque, Touba et Le fleuve Sénégal.
Le choix d'utiliser Dakar comme ville principale de l'intrigue souligne l'importance
du rôle joué par cette ville dans la naissance de mouvements nationalistes au Sénégal. Cette
ville est la capitale du Sénégal et peut être considéré comme un symbole de modernité et
d'ouverture au monde en opposition à la ville de Niodior plus traditionnelle.
54
Ensuite, nous avons Niodior : c'est le village natal de Ramatoulaye et Aïssatou. Ce
nom pourrait être interprété comme un hommage aux traditions sénégalaises et à la vie
rurale. On peut noter également que ce nom évoque la nostalgie chez Ramatoulaye qui se
sent éloignée de son village natal.
De plus, on a Rufisque : c'est la ville où habite Aïssatou avant son départ pour les
États-Unis. Rufisque est une ville portuaire située à proximité de Dakar, elle a été fondée par
les colons français au XIX ème siècle comme point d'entrée des marchandises commerciales.
Puis Saint-Louis qui est une ville située sur la côte nord du Sénégal où Aïssatou termine ses
études secondaires dans un internat catholique. Saint-Louis était autrefois la capitale du
Sénégal sous le régime colonial français.
Par ailleurs Touba : c'est une ville sainte située dans l'intérieur du pays, elle est le
siège de la confrérie religieuse musulmane mouride. Touba est considérée comme l'un des
centres spirituels les plus importants du Sénégal.
Enfin, Le fleuve Sénégal : c'est le principal fleuve qui traverse le pays. Le long du
fleuve vivent des populations de pêcheurs et d'agriculteurs. En dehors de ces endroits nous
avons d’autres lieux à savoir Ouakam, Thiaroye, le croisement de Diamniadio, les
départements de Mbour, Thiadiaye, Talaguine, Diouroupe, Ndioudiouf, Fatick, Diakhao,
Pikine en banlieue de Dakar, la corniche dakaroise, la plage des Almadies, l’aérogare de
Yoff, le Sine, le fleuve souterrain, le foret de Ndiassane, etc…
L'utilisation de toponymes, ou noms de lieux, dans Une si longue lettre de Mariama
Bâ est très importante car elle évoque des souvenirs et des sentiments chez les lecteurs qui
sont familiers avec les lieux mentionnés. L’auteure donne une sensibilité locale à l’histoire
et met en lumière des problèmes sociaux et politiques spécifiques à la région qu'elle décrit.
Mieux les toponymes permettent de renforcer l'histoire et la géographie de la région en
question, aidant ainsi les lecteurs à mieux comprendre l'environnement dans lequel se
déroule l'histoire. Les toponymes peuvent également révéler des imageries culturelles,
historiques et géopolitiques associées à un endroit ou une région spécifique, qui sont
importantes pour comprendre les événements du récit. En fin de compte, l'utilisation de
toponymes dans ce roman épistolaire nous a aidés à rapprocher les lecteurs de l’histoire tout
en offrant une perspective unique sur la culture et les traditions sénégalaises. Cependant,
qu’en est-il l’étude des noms des objets ou choses ?

55
IV.3. Étude des mots et expressions
Les mots et les expressions maintenus dans le roman de Bâ sont d’origine Wolof ou
arabe. Ceux-ci résistent à la culture occidentale dans une perspective linguistique. En effet,
l’auteure transcrit volontairement étant donné que le français n'exprime pas la culture
principale de son pays ni sa religion, elle refuse alors de traduire en français, dans la plupart
des cas, les mots et les expressions relevant de la culture africaine ou de la religion
musulmane sont exposés pour pouvoir mieux montrer à son lecteur français les différences
sur le plan culturel ou religieux. Pour sa part, elle introduit des expressions provenant de sa
culture (le Wolof et l’arabe) dans la narration qui est écrite en français et aide son lecteur à
les comprendre par le biais des explications dans le corps du récit ou dans une note
infrapaginale. Par exemple, le mot « Zem-Zem »75qui est une eau miraculeuse venue des
lieux saints de l’Islam, pieusement conservée dans chaque famille. Cette eau joue un rôle
dans la religion musulmane et la tradition parce qu’elle sanctifie le corps, l’âme, participe
fortement aux différents vœux. C’est à juste titre que L’imam Ibn Qayyim Al-Jawziya :
L’eau de zam-zam est la meilleure, la plus honorable, la plus éminente et la plus précieuse
de toutes les autres eaux. Elle est l’eau la plus précieuse et la plus considérée aux yeux des
gens. Elle vient d’un puits creusé par l’ange Gabriel et est l’eau avec laquelle Allah a abreuvé
Ismaël76.
Cette affirmation atteste les vertus de cette eau et son importance dans la religion musulmane
en générale, la culture sénégalaise en particulier. En outre, l’expression Wolof « une famille
Ndool » signifie “une famille démunie et pauvre ”. Ce mot inclus dans la narration montre
que dans la société sénégalaise, il existe réellement une classe sociale qui est n’est rien
d’autre que le prolétariat.
Dans les deux premiers exemples où le commentaire explicatif suit immédiatement
le mot qui est écrit en langue, le narrateur tente d’anticiper sur l’éventuelle incompréhension
du narrataire pour solutionner à cette non-coïncidence entre le mot et son sens.
À côté des explications, l’analyse onomastique prend en compte les expressions à
caractères italiques. En effet, lorsqu’il est question des informations d’ordre culturelles et
religieuses, l’écrivaine utilise des noms wolof ou arabe et en les traduisant à travers des notes
infrapaginale et en précisant l’origine. Pour ce faire, nous analyserons les expressions
comme : « Laax » ; « le Miraas » et « Bissimilaï- Bissimilaï ».

75
Mariama Bâ, Op.cit., p.77.
76
L’imam Ibn Qayyim Al-Jawziya, les prouesses : « les vertus de l’eau de Zam-Zam »

56
S’agissant du « Laax » (p.13), c’est « un plat en pays sénégalais fait à base de farine
de mil malaxé en flocons et agrémenté de lait ou de mixture de fruit de baobab enrichi
d’arachide sucre77». Non seulement ces mets doivent être consommés obligatoirement le
matin de l’aïd fitr c’est-à-dire la fête de Ramadan mais aussi cette nourriture est récurrente
dans les temps funèbres en pays wolof.
En ce qui concerne le mot « Miraas » (p.21), c’est un mot wolofisé qui est relatif à «
une mise à jour des biens et des dettes laissés par le défunt et leur distribution et paiement à
ses héritiers selon le cadre social ou religieux en vigueur78». Autrement dit cette pratique
recommandée par l’Islam permet de divulguer l’intimité du défunt.
L’expression « Bissimilaï- Bissimilaï » (p.134) quant à elle est un mot arabe qui représente
« qu’une partie du début du sourate du Coran du passé dans les expressions usuelles du wolof
pour marquer l’étonnement, la surprise79.
Selon le dictionnaire autodidacte ce mot « est une interjection qui signifie au nom
d’Allah, au nom de Dieu80 ». Dans l’islam ce mot s’emploie de manière rituelle juste avant
de faire une action, pour attirer la bénédiction de Dieu sur cette action : le plus souvent avant
de manger, mais aussi avant de se lever, avant de s’habiller, avant de sortir de chez soi,
etc. S’emploie aussi parfois juste après avoir terminé une action. Le mot Bissimilaï est
majoritairement utilisé en français par les personnes musulmanes, qu’elles parlent arabe ou
non. Il fait partie d’un groupe d’interjections d’origine arabe qui sont employées en français,
comme inchallah, mashallah, hamdoullah, qui font toute référence à Dieu.
Le décryptage de ces exemples par le biais des explications en bas de page montre
comment l’auteur nous conduit dans culture sénégalaise et sa religion qui est l’Islam.
In fine, la stratégie narrative et stylistique de l’affranchissement de l’écrivain a
permis d’établir une étude onomastique et de culture à l’aune des expressions (noms)
analysées. Ainsi cette étude sur l’onomastique dans les œuvres respectives de Jean-Marie
Adiaffi et Mariama Bâ permet de rendre compte du degré réel de l’influence des cultures
africaines en générale, Akan et wolof en particulier sur celle de l’Occident. Cette technique
de la langue représente pour les deux auteurs le souci de non seulement valoriser la culture
africaine mais aussi de la promouvoir. La suite de notre travail portera sur la dominante
narrative et stylistique de la culture.

77
Mariama Bâ, Op, Cit, p.13.
78
Idem, p.21.
79
Ibidem, p.134.
80
Dictionnaire autodidacte, consulté le 13/05/2023 à 12 :50

57
CHAPITRE IV : LA DOMINANTE NARRATIVE ET STYLISTIQUE DE LA
CULTURE
La dominante est un élément focal qui attire en son sein la répétitivité des
déterminations ou faits verbaux. Elle s’accomplit par la convergence de configurations
textuelles qui symbolisent la représentativité du fait culturel. Cette perspective lie la
dominante au concept de l’écriture oraliste. La dominante n’est pas, un acquis c’est-à-dire
un postulat déterminé au préalable. En effet, la dominante part en quête des configurations
textuelles pour spécifier une œuvre. De surcroît, c’est un reflet de la riche diversité culturelle
et linguistique de l’Afrique et de la créativité de ses écrivains. Elle s’intéresse aussi au style
d’écriture des romanciers qui mettent à jour des images poétiques, des expressions
métaphoriques et bien d’autres pour transmettre des messages culturels complexes. De là, la
dominante servira de prétexte à l’analyse de la langue qui investit Silence, on développe et
Une si longue lettre comme œuvres narratives. Dans cette dynamique, l’enjeu de la
dominante se manifestera par l’étude des différentes postures du narrateur, le système figuré
: une méthode poétique de la langue, l’exploration de la focalisation sans omettre et la
rénovation de la mise en intrigue.

I. Les différentes postures du narrateur


La dominante, qui installe l’oralité narrative dans notre étude, repose sur la
perception de la position du narrateur relativement à la narration. Les différentes postures du
narrateur contribuent à la manifestation de la spécificité du texte. C’est dans cette optique
que l’étude s’articule autour du narrateur homodiégétique et du narrateur hétérodiégétique.

I.1.La forte occurrence du narrateur homodiégétique


Considérons les entreprises narratologiques, qui fonde son étude sur la narrativité
perçue comme une propriété. Cette propriété caractérise un certain type de discours. Ce
processus de caractérisation repose sur diverses perspectives d’analyse au nombre desquels
figurent les instances narratives. Les instances narratives dévoilent le type de narrateur
présent dans la narration. De là, les types de narrateur s’érigent en choix techniques. Ces
choix structurent la mise en scène de la fiction. La fiction est assimilée à la diégèse qui
détermine l’univers dans lequel l’histoire se déroule. Elle désigne l’aspect narratif du
discours.

58
L’œuvre de Mariama Bâ est qualifiée de roman épistolaire dans la mesure où
l’auteure choisie la lettre comme moyen de communication. Elle s’adresse à la destinatrice
(Aïssatou) par l’entremise des pronoms (je, tu et nous), qui montrent l’insistance de
l’écrivaine sur l’interpénétration de la vie des deux amies. Cela déduit la présence du
narrateur homodiégétique. En effet, le narrateur homodiégétique est un narrateur virtuel qui
raconte au lecteur une histoire dans laquelle il est présent. Les traces de sa présence se
singularisent dans la narration par des indices textuels de la première personne. Il s’agit du
déictique « je » et toutes ses variantes dont les adjectifs possessifs. En référence au corpus,
Ramatoulaye est sujet et se fait objet de la narration en relatant son vécu et ses impressions
à son amie (Aïssatou) et le lecteur. Cette assertion est exemplifiée par les relevés suivants :
« Aïssatou, j’ai reçu ton mot. En guise de réponse j’ouvre ce cahier (…) Amie, amie, amie !
Je t’appelle trois fois. Hier tu as divorcé. Aujourd’hui, je suis veuve. »81. Cet extrait marque
l’état d’âme de Ramatoulaye, le testimonial et la subjectivité du discours empreint des
marques de la première personne du narrateur homodiégétique. Le texte ne manque pas
d’être marqué par les interférences narratives hétérodiégétiques.

I.2.Le narrateur hétérodiégétique dans Une si longue lettre de Mariama Bâ


Contrairement au narrateur homodiégétique, le narrateur hétérodiégétique fait partie
de la diégèse mais ne s’érige pas en personnage. Il n’accomplie pas d’action. Il prend un
recul et raconte le récit des personnages. Le discours narratif signale la présence du narrateur
par la présence du pronom « il » est ses assimilés. Ce type de narrateur peut être caractérisé
comme dieu, dans sa création car il détient un pouvoir. Dans une si longue lettre, la narratrice
a accès à toutes les connaissances. Alioune Diane affirme : « Le voyage de Tante Nabou est
décrit dans les moindres détails avec une précision hallucinante (déplacement, réflexions
intimes) alors que la présentation de Jacqueline est complète ».82Pour illustrer cette assertion,
nous prenons les extraits suivants :
Dans le car et sur la piste cahotante, avec émotion, elle se retranchait dans ses
souvenirs. La vitesse vertigineuse du véhicule, qui l'emportait vers les lieux de son
enfance, ne l’empêchait pas de reconnaître le paysage familier (…) Demain, elle irait
faire dans l'eau ses offrandes pour se préserver du mauvais ciel, tout en s'attirant la
sympathie des tuur83.

81
Mariama Bâ, Op. Cit, pp.5-6
82
Alioune Diane, « Société, polygamie et fabrication du littéraire dans Une si longue lettre de Mariama Bâ »
dans Interfrancophonies, n° 11, Tome 2, Survivances, Modernité et Écriture dans la littérature francophone,
Alioune Dieng et Anna Paola Soncini Fratta, éd., 2020, p. 35-56, www.interfrancophonies.org.
83
Mariama Bâ, Op. Cit, pp.58-59.

59
« Je pense à Jacqueline, qui en dit atteinte, Jacqueline cette Ivoirienne qui avait désobéi à
ses parents protestants pour épouser Samba Diack (…) elle connaissait le noyau de son mal
et combattait. Elle se moralisait. Elle revenait de loin, Jacqueline ».84
Ces énoncés assertifs comportent des noms de personnages et leur reprise
pronominale. Ils singularisent l’occurrence du narrateur hétérodiégétique. Ils concourent
ainsi à la caractérisation du discours narratif.
En somme, les différents aspects du narrateur tels qu’étudiés, participent à la
détermination du caractère narratif du corpus. Cela établie la représentativité des types de
narrateur relativement à la construction de la dominante narrative. Dans cette veine notre
étude prend en compte la focalisation et l’intrigue.

II. Exploration de la focalisation et l’intrigue


La focalisation est une technique d'écriture qui consiste à concentrer l'attention du
lecteur sur un élément précis d'une scène, d'un personnage ou d'une idée en utilisant
différents moyens tels que la description, la caractérisation ou encore l'utilisation de points
de vue spécifiques. Elle permet de donner de l'intensité et de la profondeur à un récit en
mettant en valeur certains aspects importants de l'histoire. Ainsi, la focalisation et l’intrigue
constituent des balises pour l’étude de la dominante. Narrative de la langue. C’est à cet effet
que, l’analyse va mettre en lumière les effets significatifs de ces techniques pour spécifier la
dominante narrative.

II.1. La focalisation interne dans la lettre de Mariama Bâ


La notion de focalisation est employée pour spécifier le lieu, la posture d’où le
narrateur relate les faits dans une œuvre romanesque. En effet, la focalisation dévoile la
position du narrateur et ses divers déplacements visuels au fil de la diégèse. De ce fait, par
les propos du narrateur, il arrive qu’il n’en sache pas plus, ni moins que le personnage. Selon
Tzvetan TODOROV, le narrateur « possède autant de connaissances que les personnages
»85.Dans cette perspective, il s’agit de la focalisation interne qui « n’est pleinement réalisée
que dans le récit en monologue intérieur selon l’expression de Gérard Genette. Cela se
manifeste par l’entremise des extraits suivant : « Jacqueline pensait aux fous qu’on y

84
Mariama Bâ, Op. Cit, pp.82-89.
85
Tzvetan TODOROV, L’analyse structurale du récit, « les catégories du récit », in communications 8,
p.147.

60
internait »86 et « Jacqueline pensait à la mort. Elle l'attendait, craintive et tourmentée, la main
sur la poitrine, là où la boule invisible, tenace, déjouait tous les pièges, se moquait avec
malice de tous les tranquillisants87. »
Dans cet extrait le narrateur pénètre uniquement dans les pensées de Jacqueline. Cette
perspective narrative se réalise par le biais du champ lexical de la pensée à l’aune d’une
description faite de la nature. Ce champ lexical contient les lexies : « souvenirs ; « ma tête »
; « mon esprit » ; « imagination ». L’examen lexical de ces relevés actualise le cadre narratif,
le positionnement du narrateur et son degré d’investissement dans la narration. De là, la
focalisation interne est effective dans le corpus. Cependant, la narration présente aussi la
focalisation zéro.

II.2. La focalisation zéro


Il peut arriver que dans une œuvre, le narrateur soit à la fois dans le fond intérieur
des personnages et prenne également du recul. Ce postulat décline un récit objectif où il est
en position de témoin. Le narrateur raconte les évènements passés, présents et futurs. Il sait
« davantage que ses personnages (...), ces derniers n‘ont pas de secret pour lui ». 88 En ce
sens, c’est grâce au foyer de perception de l’instance vocale omnisciente qu’il apparait aisé
de pénétrer dans l’univers du personnage. Cela se manifeste dans le texte en étude par le
biais de la modélisation assertive, l’effet sémantique de la dénotation et la valeur temporelle
illustrée dans l’extrait suivant :
Elle revenait de son travail harassé, pestant contre le manque de lits qui renvoyait,
trop tôt à son gré, les accouchées à leur domicile butée contre le manque de
personnel, d’instruments adéquats, de médicaments. Elle s’émouvait : « Le bébé
fragile est lâché trop tôt dans un milieu social ou l'hygiène manque. « Elle pensait à
la grande mortalité infantile que des nuits de veille et de dévouement ne font point
régresser. Elle songeait : « Passionnante aventure que de faire d'un bébé un homme
sain Mais combien de mères la réussissent ?89
Cet extrait est marqué par des phrases assertives. Elles confèrent une valeur de
notoriété aux propos du narrateur sur le personnage. Aussi, les syntagmes verbaux mis en
gras revêtent la désinence verbale de l’imparfait. Ces lexies définissent la connaissance du
narrateur quant aux pensées et aux intentions du personnage. Ce narrateur omniscient relate
même les évènements. En conséquence, le narrateur nous donne à voir sa dimension de
demiurge qui témoigne de son omniprésence Qu’en est-il de la focalisation externe ?

86
Mariama Bâ, Op. Cit, p.85.
87
Idem, p.86.
88
Tzvetan TODOROV, op.cit., p.147.
89
Mariama Bâ, Op. Cit, p.93.

61
II.3. La présence de la focalisation externe
La focalisation externe est un point de vue narratif qui se concentre sur les actions,
les comportements et les apparences des personnages plutôt que sur leurs pensées et leurs
émotions. Contrairement à la focalisation interne, qui se concentre sur les pensées et les
émotions d'un personnage spécifique, la focalisation externe se concentre sur les événements
qui se déroulent autour des personnages, ainsi que sur les interactions entre les personnages.
En d'autres termes, la focalisation externe permet au lecteur de voir le monde du roman à
travers les yeux d'un observateur externe plutôt que de voir le monde du roman à travers les
yeux d'un personnage spécifique. Cela peut aider à créer une distance entre le lecteur et les
personnages, ce qui permet au lecteur de mieux comprendre les événements et les enjeux du
roman. Considérons les indices d’analyse suivant :
N’da sounan était parvenu au bord de la Comoé, qui dans l'aventure avait grisonné
ses eaux, lesquelles maintenant avaient la blancheur du kaolin, son kaolin, son aurore
: il plongea pour un bain matinal.il alla jusqu'au fond sableux du lit fluvial pour s’y
reposer. À travers un long baiser enfantin à la belle onde florale, il dormit dans un
berceau tressé d'algues et de corail. Le courant tiède à cette heure lui servait de
berceuse : tangage magique, hose une troupe de vierges poissons féconds et lascifs
vint danser et chanter jusqu’à une heure voluptueuse avancée.90
Cet indice textuel permet de montrer la prédominance du personnage sur le lecteur.
Il joue le rôle du témoin dans la mesure où, il assiste à la scène à distance. Ses perceptions
sont exclusivement auditives ou visuelles. Cette focalisation externe s’aperçoit dans Une si
longue lettre de Mariama Bâ lorsque Ramatoulaye Fait écho du déroulement des obsèques
de Modou, son époux sans même donner accès aux pensées et émotions. Cette technique
permet à l’auteure de créer une image réaliste de la société Sénégalaise, ses traditions et ses
coutumes.
Les perspectives narratives à savoir la focalisation zéro et la focalisation interne et la
focalisation externe se sont manifestés par des déterminations verbales qui concourent à
l’établissement. En tout état de cause, la dominante ne se distingue pas seulement par la
focalisation significative dans cette étude, mais aussi la rénovation de la mise en intrigue.

II.4. La rénovation de la mise en intrigue


L’intrigue désigne, au préalable, l’enchainement des épisodes distingués par une
structure narrative. Selon Paul RICŒUR, la mise en intrigue fait référence à l’agencement
des faits dans le tissu narratif. Ces faits coordonnés constituent un système dynamique dans
l’organisation narrative. Cela génère une concordance dans la compréhension des faits qui

90
Jean-Marie Adiaffi, Op.cit., p.57.

62
meublent la narration. Or le corpus en étude, présente une succession d’évènements
parsemés de configurations textuelles qui remet en cause la linéarité et l’unicité. Mieux qui
crée un effet de discordance.
Cette discontinuité est manifestée dans l’œuvre par l’entremise de petites histoires
qui s’entremêlent pour enrichir le récit principal. Pour illustrer nos propos, nous prenons le
cas d’Une si longue lettre. L’auteure met à profit les 40 jours que lui impose la tradition
après le décès de son époux et revient sur les différents événements qui ont marqués toute
son existence ainsi celle d’Aïssatou. Revenant aussi sur les déboires conjugaux, le
comportement de la belle-famille, elle introduit dans sa lettre d’autres histoires comme celle
du personnage Jacqueline. Cet éclatement de l’intrigue s’aperçoit également dans Silence,
on développe par les parties qui diffèrent les unes aux autres. Par exemple les parties II ; III
et VI s’intitulent respectivement : “les soleils de la révolte” ; “le double vol du serpent ” et
“un drôle de coup d’état ”. De même, dans le fils de-la-femme-mâle de Maurice Bandaman
est un conte-romanesque mettant en scène trois héros (Awlimba I (p.9-59), Awlimba II
(p.61-150), Awlimba III (p.151-169). Le récit d’Awlimba II est composé de sept micro-récits
plus ou moins autonome. Pour le professeur EHORA Effoh Clément ces trois micro-récits
sont mis bout à bout, le second, celui d’Awlimba II comportant sept micro-récits constituant
des détails du récit principal. Bien entendu, tous ces récits et micro-récits convergent tous
vers le récit central qui est donné dans un ordre et une cohérence qui ne trahissent, en aucun
moment, la multiplicité des histoires qui forment le roman.
On comprend donc que dans les romans cités ci-dessus, la narration laisse
temporairement le récit pour faire place à un autre type de discours, qui, quoiqu’hétérogène,
fluidifie la narration en cours. Or suivre une histoire selon Paul RICŒUR, c’est avancer au
milieu des contingences et des péripéties sous la conduite d’une attente qui trouve son
accomplissement dans la conclusion. En effet, ces propos du narrateur sont en réalité, des
réactions discursives face aux péripéties à un stade donné de la narration. Dès lors, ce
discours hétérogène dynamise les configurations narratives. La rénovation de la mise en
intrigue s’implique donc dans la dominante narrative de la langue. Toutefois la dominante
narrative de la langue se manifeste également des figures significatives.

III. Le système figuré : une méthode poétique et rhétorique de la culture


Le système figuré est un poste d’analyse dynamique qui permet d’entrevoir les
figures de styles issus des écarts entre le contenu informatif et l’expression. Il est composé
de deux pôles que sont les figures microstructurales et les figures macrostructurales, qui

63
servent à faire ressortir non seulement la poétique de la langue mais aussi le caractère le
littéraire du texte. Ainsi, dans le roman africain, le système figuré permet d’apporter une
certaine valeur à la culture par l’entremise des expressions métaphoriques, proverbiales et
idiomatiques qui sont propres à la culture africaine et représentent les traditions et les
croyances africaines ainsi que les conflits et les contradictions qui se produisent lorsque la
culture africaine entre en contact avec le colonialisme occidental. Cette représentation
symbolique permet de créer des images et évoque des émotions chez le lecteur. C’est dans
cette optique que l’analyse porte sur la personnification, l’apostrophe, l’allégorie
l’assonance.

III.1. L’utilisation de la personnification dans le récit des écrivains


La personnification est une figure qui apparait à la réception du texte. Elle convoque
les morts ou groupes de mots dont l’expression surpasse le degré zéro de l’information. À
priori, la personnification désigne le procédé par lequel l’on attribue des caractères humains
à une chose ou un être non- humain, animé ou non animé.
À cet effet, la personnification permet de caractériser un certain type de discours dont
le genre poétique. Ce postulat se manifeste dans l’œuvre par l’identification des marques de
la personnification, identifiant le discours comme poétique de l’écriture oraliste. Il s’agir en
l’occurrence des verbes dévolus à l’être humain présent dans l’extrait de la page 61 de
Silence, on développe. Cette perspective est corroborée par la description personnifiée de
‘‘Terre’’. Cela se manifeste par l’entremise des relevés suivants : « lève-toi », « marche ».
Ces verbes impliquent le fait que Terre ait des articulations humaines telles que les bras et
les pieds. L’expression diffère ainsi de l’information et actualise le statut poétique de
l’extrait de la page 61. En plus, la personnification de “Terre” est également générée par la
perception du champ lexical du corps humain : « corps », « tes mains », « tes seins ».
Ce lexique ne désigne pas un être humain mais “Terre” personnifiée par des transferts
des propriétés de l’homme au continent. De là, la personnification traduit ici un
affranchissement du degré zéro d’expression.
La personnification peut être perceptible dans cette œuvre à travers les caractères
humains attribués aux personnages animaliers à savoir “ Ehobilé Angaman ”, un serpent qui
parle et qui « juge les humains, précisément N’da Fangan, en s’adressant, de manière

64
naturelle, ‘’normale’’, à Priko-Néhenda, une féticheuse (prêtresse animiste) » 91 . L’extrait
suivant témoigne en est une parfaite illustration :
Aha ! aha ! aha ! Quelle belle rigolade ! Priko-Néhenda, ma fille, ah ces hommes
ambitieux, de véritables gosses, quand seront-ils adultes ? Et dire que N’da Fangan,
si intelligent, n’a pas compris cette farce tragédie ! Ignore-t-il que les génies ne
donnent jamais le pouvoir à un homme pour faire du mal comme les Bahifoués ?
Ce relevé ne désigne pas un être humain mais l’animal personnifié par l’une des
caractéristiques propres à l’homme qui est la parole, le langage. De là, la personnification
traduit ici un affranchissement du degré zéro d’expression. Par ailleurs le langage figuré du
discours poétique est perçu également par le truchement d’une autre figure macrostructurale
dont la l’apostrophe.

III.2. L’apostrophe
Le récit oralisé et poétique manifeste couramment une situation énonciative en
monologue discursif. Il n’y a qu’un seul producteur du message. Le destinataire est donc
réduit au silence dans la situation énonciative. Dans cette optique, le texte poétique se
singularise, bien souvent, par une interpellation de l’allocutaire en position de récepteur.
Cette interpellation se matérialise par la figure de l’apostrophe. De ce fait, l’apostrophe,
«parfois aussi appelée interpellation, est un procédé grammatical et une figure employée en
rhétorique, qui consiste à interpeller afficher l'infobulle vivement une personne
92
(généralement absente), une chose personnifiée, un objet réel ou imaginaire ».
L’apostrophe se manifeste dans l’écriture oraliste par la mention des substantifs : « Afrique
» (p.741), « Aurore » (p33). En effet, le substantif « Afrique » est perçue dans une situation
dialogale où le poète s’adresse à l’Afrique. Cette figure rend concret la présence de l’Afrique
dans le texte en position d’auditoire.
C’est dans cette veine que l’occurrence du mode impératif est significative. Elle se décline
par le biais des syntagmes verbal suivant : « Afrique debout ». Dans ce relevé, la modalité
injonctive symbolise le discours du poète à l’Afrique à travers des conseils.
En sus, « On utilise notamment l’apostrophe dans le but de révéler une émotion
profonde, de créer un effet de surprise ou d’interpeller le lecteur ou la lectrice 93
». En
témoigne les indices textuels suivants : « Ô temps » (p, 57), « Ô magie » (p.57), « divin »

91
Jean-Jacques Koffi KASSI, la sorcellerie dans mémoires de porc-épic d’Alain mabanckou et silence on
développe de Jean-Marie Adiaffi : jeux et enjeux de la peinture d’un aspect de la spiritualité africaine
92
Le grand dictionnaire terminologique

93
The artist academy
65
(p.57), « Ô grandiose » (p.57) et « Ô pieuvre » (p.57). Ces caractéristiques de la poésie
relèvent bien de l’oral et montre l’hommage que l’écrivain rend aux choses abstraites.
Partant de là, ces faits langagiers analysés créent un effet de style adéquat à la perception du
discours poétique par l’apostrophe. En outre, la poétique du système figuré de la langue
s’inscrit dans la répétition.

III.3. La répétition
La répétition est la reprise d’un morphème, un phonème, mots ou groupes de mots
contenus dans une phrase ou un fragment textuel plus dynamique. Selon la plateforme
d’apprentissage dénommée the artist academy, la répétition dans le roman :
Est un dispositif littéraire qui consiste à utiliser le même mot ou la même phrase
encore et encore dans un discours ou un texte. Pour que la répétition soit perceptible,
les mots ou les phrases doivent être répétés à proximité les uns des autres. Répéter
les mêmes mots ou phrases dans une œuvre littéraire de poésie ou de prose peut
apporter de la clarté à une idée et la rendre mémorable pour le lecteur. Les écrivains
utilisent la répétition, mais elle est particulièrement populaire dans l’oraison et la
parole, où l’attention de l’auditeur peut être plus limitée. Dans de telles
circonstances, il peut ajouter de l’emphase et de l’accroche. En fait, la répétition peut
être considérée comme une faute de style, mais elle peut également véhiculer
et mettre en valeur une idée. Elle crée un rythme, et renforce l’idée, l’émotion, la
sensation94.

Elle crée un effet de redondance sonore sémantique ou syntaxique. Elle est dans cette
veine que la répétition sémantique est une marque qui participe à la poéticité de la langue à
travers ces effets de style. À cet effet, le roman de Jean-Marie Adiaffi annoncé comme
poétique par le narrateur comporte plusieurs faits langagiers marquant la répétition. La
répétition, figure microstructurale, repose dans cet extrait sur ses sous catégories tels
l’anaphore rhétorique et l’assonance.
D’une part, l’anaphore est une forme d’itération, simple qui consiste à reprendre une
structure lexicale sonore au début de deux ou plusieurs vers. Selon Dictionnaires et
Encyclopédies Academic, l’anaphore :
Est une figure de style qui consiste à commencer des vers, phrases ou ensembles de
phrases ou de vers, par les mêmes mots ou les mêmes syntagmes. Elle rythme la
phrase, souligne un mot, une obsession, provoque un effet musical, communique
plus d'énergie au discours ou renforce une affirmation, un plaidoyer, suggère une
incantation, une urgence. Syntaxiquement, elle permet de créer un effet de
symétrie95.

94
Idem

95
Dictionnaires et Encyclopédies Academic
66
Ce fait de style s’illustre dans le texte par l’itération du substantif « Le maître » (p.187)
à plusieurs vers. Le syntagme nominal « le maître » relève des lexies : « seigneur », «
possesseur », « tyran », « dictateur », « souverain », « gouvernant ». Ce syntagme produit
un effet d’itération graphique et sonore. Il ne s’agit pas de plusieurs « Maître » mais un seul
maître dont la représentation sonore est très significative relativement à la visée
herméneutique. L’écrivain, dévoile ici la volonté de la suprématie du personnage sur le
peuple d’Assiéilédougou.
D’autre part, nous avons une forte occurrence de l’assonance. En effet cette figure
de style, selon le grand dictionnaire terminologique est l’emploi répété d’une même voyelle
ou semi-voyelle (son vocalique) dans un ensemble de mots rapprochés. Cette figure de style
peut créer différents effets, par exemple imiter ou évoquer un bruit caractéristique ou viser
une certaine musicalité.
Elle est perceptible au début, au milieu ou à la fin d’un mot. Elle «se distingue de la
rime, qui résulte de la répétition de sons en finale de mots. Alors que dans l’assonance, on
ne s’intéresse qu’à la répétition des voyelles, dans la rime, on répète aussi les consonnes qui
précèdent et suivent ces voyelles. »96. La première page du chapitre I dans l’œuvre d’Adiaffi
présente une forte assonance : « Longue, profonde, béante fut la Nuit. Cette Nuit. Une longue
nuit. Une béante nuit. Une nuit traversée d’éclairs, de foudres et de gouffres. Secouée
d’horreurs. Une nuit noire, épaisse, opaque : une nuit à couper au couteau ardent. »97 Ces
formes de répétition simple produit un effet rythmique et musical en s’appuyant sur le
caractère emphatique des mots. Partant de là, la répétition constitue un élément
incontournable dans la poéticité de la langue.
En somme, le système figuré a été révélé par le canal de l’apostrophe, la
personnification et la répétition. Ces figures macrostructurales et microstructurales ne sont
pas exclusivement réservées à la poétique de la langue. Nonobstant, elles donnent aux
langues africaines leurs singularités dans les textes écrits en français.
Au terme de ce chapitre, les procédés de la langue ont été perçus par l’effet de la
dominante du point de vue narratologique et stylistique. La dominante de la langue a
construit ses axes définis par les différentes postures du narrateur, l’étude du système figuré
comme méthode poétique de la langue, l’exploration de la focalisation et la rénovation de la

97
Idem, p.31.

67
mise en intrigue. Ces différentes perspectives que l’écriture oraliste d’Adiaffi et Bâ concours
à une diversité des techniques narratives, stylistique et linguistique.

CONCLUSION PARTIELLE
Dans la deuxième partie qui porte sur onomastique et culture : stratégies narratives
et stylistique d’affranchissement dans silence, on développe de Jean-Marie Adiaffi et une si
longue lettre de Mariama Bâ. L’on a traité cet aspect grâce à l’onomastique qui a permis de
découvrir non seulement les cadres géoculturels où évoluent les personnages mais aussi la
connaissance des langues maternelles des dits romanciers de notre corpus. Ce fait nous
permet également de connaître leur volonté à s’ouvrir aux cultures tout en valorisant
l’identité linguistique et culturelle locale. Quant à la dominante narrative et stylistique de la
langue, l’on a pu comprendre comment les procédés de la langue contribuent efficacement,
de manière rhétorique à la poéticité de la culture africaine introduite dans les œuvres
francophones contemporaines.
Pour conclure, retenons que les éléments analysés ont généré une richesse des
langues africaines dans le discours narratif. Toutefois, la forme et le fond utilisés par Adiaffi,
Mariama Bâ dans leurs œuvres n’est-elle pas une expression de la rhétorique de la liberté ?

68
TROISIÈME PARTIE :

L’ÉCRITURE ORALISTE COMME MÉTAPHORE DE LA


LIBERTÉ DANS SILENCE, ON DÉVELOPPE DE JEAN-
MARIE ADIAFFI ET UNE SI LONGUE LETTRE DE ,

MARIAMA BÂ

69
INTRODUCTION DE LA TROIXIÈME PARTIE
La notion de “la rhétorique de la liberté ”est un thème très vaste et important dans la
littérature africaine en générale, le roman africain francophone en particulier, car elle est
souvent liée à la lutte des communautés africaines contre l’oppression, la domination
coloniale, la dictature et l’esclavage. De nombreux écrivains africains ont souvent utilisés ce
thème dans leurs travaux pour explorer les expériences des figures emblématiques qui
cherchent à se libérer des systèmes politiques, économiques et sociales, ainsi que les préjugés
et les stéréotypes culturels. Aussi, cette liberté se manifeste tout naturellement dans leurs
stratégies scripturaires. À ce sujet, Pierre N’DA affirme : « l’écrivain garde son entière
liberté d’expression et milite pour l’émancipation de la langue ainsi que pour une écriture
libérée et libérante, comme toute l’esthétique transgénérique. »98.
La technique scripturaire d’Adiaffi et Bâ se veut une écriture résolument de rupture,
de transgression et de subversion, qui part en quête d’une émancipation et de libération, de
rénovation et renouvellement. Ainsi, dans cette troisième partie de notre, il incombe de
répondre aux préoccupations à savoir : comment l’écriture oraliste est un fait qui promeut la
liberté ? Autrement dit comment les deux auteurs de notre corpus transcrivent la rhétorique
de la liberté ? Mieux quelles sont les convergences et divergences de la perception de la
liberté dans ces deux œuvres ? Cette partie du travail va nous renseigner largement sur ces
aspects figurants dans la production romanesque.

98
Pierre N’DA, Le baroque et l’esthétique postmoderne dans le roman négro-africain : le cas de Maurice
Bandaman In : Nouvelles écritures francophones : Vers un nouveau baroque ? [En ligne]. Montréal : Presses
de l’Université de Montréal, 2001 (généré le 03 juin 2023). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pum/9578>. ISBN : 9791036502118. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.pum.9578.

70
CHAPITRE V : LA LIBERTÉ EN QUESTION
La liberté est une notion qui a traversé les âges et les cultures. Elle est souvent
considérée comme une valeur fondamentale de notre société, un droit inaliénable que chaque
individu devrait pouvoir exercer pleinement. Mais qu'est-ce que la liberté exactement ? Et
comment pouvons-nous l'appréhender ? En fait, la liberté porte l'intérêt de tout le monde. Il
s'agit d'une notion, d'une conception, voire d'un sentiment qui est relatif à chaque individu
et à chaque société. C’est pourquoi, nous voulons rendre compte de ce concept en tant que
terme scientifique tout d'abord, puis comme un droit proclamé par tous les peuples et
notamment sa présence dans les écrits d’un grand nombre d'écrivains.

I. Définition de la liberté
La liberté peut être définie comme la capacité pour un individu de faire ses propres
choix, de prendre ses propres décisions, sans être contraint par des forces extérieures ou des
influences coercitives. Elle peut être considérée comme une forme d'autonomie et
d'indépendance, permettant à chaque personne de vivre sa vie selon ses propres termes, sans
avoir à se soumettre à des règles ou des normes imposées par autrui.
Cependant, la liberté peut également être perçue de manière plus complexe. Elle peut
être liée à des concepts tels que le pouvoir, le contrôle, la responsabilité et la justice. Par
exemple, une personne peut être considérée comme libre dans la mesure où elle peut exercer
un certain pouvoir sur les autres, ou dans la mesure où elle est responsable de ses actes et est
punie en cas de violation des lois.
De plus, la liberté peut être limitée dans certains contextes. Par exemple, la liberté
d'expression peut être restreinte dans certaines situations, comme lorsqu'il s'agit de propos
haineux ou diffamatoires. De même, la liberté d'aller et venir peut-être limitée dans certaines
circonstances, comme lorsqu'une personne est en détention ou sous surveillance.
Dans le dictionnaire Larousse, la liberté se définit en plusieurs définitions de liberté, nous
en prenons quelques exemples : 1. État de quelqu’un qui n’est pas soumis à un maître : mettre
en liberté ; rendre la liberté à un peuple ; à un esclave.2. Condition d’un peuple qui se
gouverne en toute souveraineté : liberté d’expression, d’opinion.3. Ensemble de droits
reconnus aux personnes et aux groupes par la loi.4. Situation de quelqu’un qui se détermine
en dehors toute pression extérieure ou de tout préjugé : avoir sa liberté de penser. 5
.Possibilité d’agir selon ses propres choix, sans avoir référé à une autorité quelconque.99

99
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais-monolingue

71
En fin de compte, la liberté est un concept complexe qui peut être interprété de
différentes manières selon les individus et les contextes. Cependant, elle reste une valeur
fondamentale de notre société, qui est souvent mise en balance avec d'autres valeurs, comme
la sécurité, la justice ou l'égalité.

I.1.La liberté chez les écrivains


Le thème de "Liberté" a en fait couler beaucoup d'encre par les écrivains, en
particulier dans le domaine littéraire. Victor Hugo le père de la littérature française a abordé
ce thème dans plusieurs écrits (romans/ théâtres/ poèmes), exemple de : les misérables
(1862) avec Jean Val Jean qui a été condamné en tout à 19 ans de bagne. Et avec
l’existentialisme, la liberté est devenue l’un des thèmes principaux de ce mouvement
littéraire. Albert Camus et avec son théâtre Caligula montre que la liberté n’est pas absolue
pour tout le monde ; d’après lui la liberté totale est juste pour le dieu, si on parle de la liberté
c’est de l’absurde et d’une philosophie compliquée. Aussi Malika Oufkir dans la prisonnière
son roman autobiographique dans lequel, elle raconte sa souffrance d’une période dans la
prison du roi Maroc avec sa famille à cause de l’accusation de son père. Dans ce roman elle
était en quête de la liberté et à la fin elle fuit et elle attrape sa liberté.
De plus, Jean-Marie Adiaffi et Mariama Bâ et d’autres écrivains de l’Ouest d’Afrique
évoquent ce thème durant et après la colonisation de leurs pays. Avec la modernité et le
développent du monde et pour le besoin des lecteurs, quelques écrivains parlent de la liberté
de sexualité, c'est le cas par exemple des écrivains : Sony Labou TANSI dans L’État
honteux100 et Les naufragés de l’intelligence101 de Jean-Marie Adiaffi. En effet, le thème de
la liberté peut être l'un des thèmes les plus abordés dans les écrits littéraires.

I.2. Le thème de la liberté dans la littérature ouest-africaine d’expression française.


La littérature ouest-africaine se veut une littérature, tel que nous l'avons signalé
auparavant, qui aborde nombreux thèmes relevant de la vie réelle des sociétés africaines. Le
thème de la liberté a eu un intérêt important dans les écrits Ouest-africain d’expression
française, puisque cette littérature est née au besoin d’affirmation existentialisme, et de plus
parce que l’homme noire était condamné à être esclave. Avant que cette littérature soit écrite,
les africains cherchaient leur liberté dans ses légendes et dans d’autres moyens d’expression

100
Sony Labou TANSI, L’État honteux, Paris, Seuil, 1981.
101
Jean-Marie ADIAFFI, Les naufragés de l’intelligence, Abidjan, CEDA, 2000.

72
orale. Puis, dès que cette littérature devient écrite et juste avec les premiers travaux écrits,
les africains déclaraient leurs existences, ils parlaient des souffrances, de l'esclavage, du
colonialisme... Et ils prouvaient leurs existences par la parution de la revue "l’Enfant noir"
puis par la création de la négritude. La négritude est une période marquée par la prise de
conscience de l’homme noir, ce mouvement a eu un rôle social et politique, puisque les
intellectuels s’en sont servies comme une arme contre le colonisateur. Ces auteurs ont eu un
rôle d’éclaireur, ils ont l’objectif d’écrire pour libérer l’Afrique de la colonisation.
Un devoir de combat pour la liberté qui favorisa la renaissance de la création
romanesque au détriment de la poésie. Ce mouvement était fondé par un groupe
d’intellectuels africains en France, exemple d'Aimé Césaire est un homme de politique
martiniquais, grand poète et le fondateur du mouvement littéraire de la négritude, par sa
pensé influence les intellectuels africains et afro- américains dans leurs combats contre le
colonialisme. Aimé Césaire a abordé le thème de la liberté dans son œuvre Cahier d’un retour
au pays natal publié en France (1939), l’œuvre de Césaire est écrite en prose où il raconte un
retour imaginaire à la Martinique (son pays Natale). Il y aborde aussi les thèmes de la
souffrance, la douleur à cause du racisme, la prise de conscience et la montré de la révolte
(violence, sacrifices, et liberté) 17. En ajoutant Léopold Sédar Senghor a écrit Les Lettres
d’hivernage (1973) et les Elégies majeurs (1979),
Sont venues compléter l’œuvre poétique du président-poète tandis que se poursuivait la
réflexion théorique à travers les quatrième et cinquième volumes de Liberté102.
De plus et après quelques années Ahmadou Kourouma a évoqué le thème de la liberté
dans plusieurs romans comme Les soleils des Indépendances, aussi Ousmane Sembène avec
Le dramaturge Sony Labou Tansi dans son théâtre les parenthèses du sang aborde le thème
de la liberté par la satire, chez Jean-Marie Adiaffi, dans Silence, on développe, nous avons
une liberté démocratique. D’autre coté, les femmes cherchaient leurs libertés dans leurs
productions. « ...décidée à partir en guerre contre les hommes et contre la société... »103 Les
femmes considèrent l’homme et la société comme des ennemis, elles considèrent l’homme
africain comme un agent aliénateur dans ses œuvres et la société comme un obstacle dans
leurs vies. C'est l'exemple de Mariama Bâ dans Une si longue lettre. Aussi, il y’a Calixthe
Beyella avec Seul le diable qui le savait (1990). Nous citons aussi Fatou Diome qui parle de
la liberté dans Le ventre de l’Atlantique.

102
Jacques Chevrier, Littératures D’Afrique Noire en Langue Française. Paris : Nathan Université,
1999.p.31.
103
Mariama Bâ, Op. Cit, p.33.

73
En conséquence, La liberté a eu une place importante dans les écrits Ouest-africain
d'expression française, plusieurs écrivains ont abordé ce thème à travers maints romans afin
d'exprimer leur désir de se libérer de toute sorte de condamnation.
Ainsi, les auteurs nègres l'ont exploité et développé d'une manière intellectuelle, car
ils voulaient dévoiler leur liberté à travers ces écrits ; et puisque la liberté était et reste
toujours leur désir comme des hommes noirs qui ont beaucoup souffert de l'esclavage. Cela
a influencé sur les écrits littéraires des écrivains. Mais comment cette liberté s’observe-t-elle
dans le renouveau formel de notre corpus ?

II. La rhétorique de la liberté dans l’acte scripturaire chez Mariama Bâ et Adiaffi


La liberté dans l'acte scripturaire chez les romanciers africains de la deuxième
génération est un sujet de recherche important qui suscite l'intérêt de tous. En effet, dans leur
souci de s’affranchir, Jean-Marie Adiaffi et Mariama Bâ créent une écriture libre de toutes
contraintes tout en transgressant les normes classiques de l’écriture imposées par la
colonisation. Cette écriture de liberté s’attache à ouvrir des voies nouvelles en détruisant les
frontières et en ouvrant de nouvelles pistes de réflexion. Aussi, elle participe tout
naturellement à cette quête de liberté, à cette entreprise d’émancipation et de libération, de
rénovation et de renouvellement de l’écriture romanesque. Ce renouveau formel s’observe à
la fois dans la structure de l’œuvre et son système narratif. Ainsi, dans le travail qui va suivre,
il s’agira pour nous de montrer cette liberté d’écrire par l’entremise de l’intergénéricité, la
diglossie et la transgression du code langagier.

II. 1. L’intergénéricité : un carrefour des genres littéraires

L’un des traits les plus remarquables des romans africains, c’est son imbrication
générique. Ce mélange des genres favorise l’éclatement des frontières dans la structure
romanesque. Chez Jean-Marie Adiaffi, on note, en effet, une écriture singulière, qui fait fi
de l’ordre générique conventionnel, qui ne respecte plus la notion de roman dans laquelle il
intègre, sans gêne, tous les autres genres. Chez lui, il n’y a plus de limite, de cloison entre
les genres à l’exemple du récit traditionnel oral. En fait, au cours de sa narration, il fait appel,
sans se poser de question, aux autres formes littéraires, mélange les genres, passant de l’un
à l’autre, insérant dans le récit principal d’autres récits, des proverbes, des légendes, des
mythes, des faits historiques. En témoigne Professeur Roger Tro Dého dans son analyse sur

74
la structure générique de Silence, On développe. Il traite ce long conte d’écriture n’zassa.
Dans sa démonstration, il conclut que :
Dans Silence, on développe, on retrouve des genres aussi nombreux que variés.
Hormis le « genre romanesque8 » qui fait office de réceptacle, toutes les autres
formes littéraires sont issues de l’oralité littéraire africaine : conte (p. 30-31, 92, 275,
411, 474), légende (p. 75), mythe (p. 24, 38-40, 73, 410, 486), épopée (169-172),
théâtre (p. 104-113, 324-335, 513-531), poème (p. 21, 42-45, 313, 526-531), chant
(p. 437- 513), cri de guerre (p. 81, 154), parole tambourinée (p. 70, 81), proverbe (p.
74, 91, 129, 506)104

À travers cette affirmation on peut comprendre que cette œuvre ne mérite pas d’être
appelée un roman à cause de son désordre générique, d’où sa forme baroque105 qui se définit
selon N’da Pierre comme étant par opposition à l’idéal ou à la tradition classique. Aux règles
et aux canons, à l’équilibre méthodique de la Renaissance, à la sobriété classique, l’écriture
baroque va préférer le mouvement, le désordre, l’exubérance, la nouveauté, la fantaisie, la
diversité, bref une plus grande liberté dans la création et dans l’expression.
Ainsi, à la lecture de ce roman, on remarque que L’écriture romanesque de Jean-
Marie Adiaffi est fortement influencée par la littérature orale, mais, incontestablement, elle
est aussi marquée par les nouvelles stratégies romanesques. Le romancier allie de façon
harmonieuse, et selon l’expression de Jacques Chevrier, « la pratique du discours oral
africain et l’efficacité de la technique narrative occidentale » (Chevrier 1984 : 129). L’intérêt
de son écriture réside précisément dans l’adoption hardie et l’intégration des nouveaux
procédés romanesques qui caractérisent le Nouveau Roman (Ricardou 1973) et le
postmodernisme (Hutcheson 1988). Or ces nouvelles écritures se remarquent par le parti pris
de la rupture, de la transgression et de la subversion des codes littéraires canoniques ainsi
que par des expériences de création et d’écriture inédites.
Ces nouvelles formes romanesques remettent en question, les notions logocentriques
d’autorité, de vérité, d’ordre, d’harmonie, d’unité, d’identité, de canon générique ; elles
instaurent au contraire l’ordre de la liberté de création et d’expression, l’ordre de la diversité,
de l’originalité, de l’ouverture, bref de l’hétérogène. Écritures plurielles, polymorphes, ces
nouvelles écritures dont s’inspire Mimouni lui permettent de subvertir l’impérialisme
générique et de créer en toute liber- té tout en cherchant à rénover.
À l’instar des écrivains du Nouveau Roman et du postmodernisme, il fait éclater la
notion même de roman qui devient un genre hybride, protéiforme, pouvant accueillir et
absorber d’autres genres littéraires, suivant la conception de Bakhtine qui écrit :

104
Roger Tro Dého, Op.cit. p.8.
105
Pierre N’DA, Op.cit.p.47-63.

75
Le roman permet d’introduire dans son entité toutes espèces de genres, tant littéraires
(nouvelles, poésies, poèmes, saynètes) qu’extra-littéraires (études de mœurs, textes
rhétoriques, scientifiques, religieux, etc.). En principe, n’importe quel genre peut
s’introduire dans la structure du roman, et il n’est guère facile de découvrir un seul
genre qui n’ait pas été, un jour ou l’autre, incorporé par un auteur ou un autre106.
Ce postulat révèle la grande liberté que prennent les écrivains en l’occurrence Jean-
Marie Adiaffi à l’égard du genre romanesque. On se trouve donc chez Adiaffi et Mariama
Bâ en face d’une écriture baroque avec des textes hybrides.

II.2. Le recours à la diglossie textuelle


Le recours à la diglossie textuelle est une forme de liberté scripturaire dans le roman
de Jean-Marie Adiaffi et Mariama Bâ. Ces écrivains francophones ouest-africain, dans
l’optique de se libérer de toute contrainte linguistique imposée par la colonisation fait une
réappropriation de la langue française en faisant librement appel aux langues locales dans
leurs écrits. Pour Claude Caitucoli : « dire d’un écrivain qu’il est francophone, c’est dire
qu’il rédige son œuvre ou une partie de son œuvre en français alors que cela ne va pas de soi
». Ce qui veut dire que les romanciers de notre corpus ne sont pas des écrivains occidentaux
mais des écrivains francophones c’est-à-dire des auteurs dont la langue française constitue
la deuxième langue héritée de l’Occident. Auparavant, ils détiennent une première langue,
qui représente la langue autochtone ou la langue locale, à laquelle ils l’associent à la langue
d’écriture. Cette stratégie de cohabitation des langues locales et le français n’est rien d’autre
qu’une doublure linguistique selon Roger Tro Dého ou la diglossie. En effet, il faut entendre
par diglossie, l’insertion, la coexistence ou la fusion des locales avec la langue française dans
le texte littéraire. Cette méthode à une de liberté d’écriture mais aussi une liberté d’affirmer
son identité. En témoigne Professeur Tro Dého lorsqu’il écrit :
Affirmer, en effet, que cette stratégie de la « doublure linguistique » par laquelle
Adiaffi associe à sa langue d’écriture, « officiellement » française, son « double »
agni ou ivoirien répond au seul besoin de renvoyer à ses congénères leur propre
identité, serait faire preuve d’une lecture partielle et partiale. La langue d’écriture
d’Adiaffi se caractérise, en réalité, par ce double jeu auquel il s’adonne entre le
Même (ses congénères, bilingues comme lui qui prennent plaisir à redécouvrir leur
identité) et l’Autre (le lecteur français ou même Africain unilingue pour qui l’identité
exprimée devient altérité à partir de la lecture exotique qu’il en fait).107
Ainsi, dans cette œuvre, ce procédé consiste à introduire les mots du terroir akan
(Agni) dans la langue française soit pour désigner des réalités locales qu’on ne traduit en
français soit pour afficher lesdites réalités. Pour traduire la signification de ces réalités

106
Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Paris : Gallimard, 1978.
107
Roger Tro Dého, Op.cit. , p.296.

76
inconnues par le lecteur étranger ,Adiaffi, utilise les parenthèses par exemple dans l’étude
du professeur Tro Dého: Ehomins (revenants) ; bossons (génies) ; N’da Fangan Walé (force
et argent) ; « Bahifoués » (« êtres malfaisants nocturnes » : mot de la religion animiste à ne
pas réduire non plus à la notion chrétienne de diable ou Satan) ; « C’est donc eux le meilleur
Saraka, le sacrifice rare, [...] le Saraka introuvable pour adorer les Dieux et les Génies. » Il
en est de même chez Maurice Bandaman dans Le fils de-la-femme-mâle où on peut lire des
mots tels que : Bohoussou (Génie de la brousse) ; Umien (âme).
Chez Mariama Bâ, cette traduction se fait par les notes basses de page. Nous avons :
Djin qui signifie, esprit invisible qui peut être néfaste ; le wollore : amitié ancienne ; Samba
lingeer qui signifie Homme d’honneur. Ces mots traduisent les réalités locales de l’aire
géolinguistique sénégalaise dont provient l’écrivaine.
Pour finir, retenons que le recours aux langues locales constitue pour les romanciers
ouest-africain une forme de liberté identitaire et scripturaire. Cette liberté de cohabitation
des langues locales et le français dans le tissu narratif symbolise l’authenticité et l’originalité
du roman négro-africain.
Si Adiaffi et Bâ excellent dans la diglossie textuelle, ils leurs arrivent aussi, ainsi que
le font certains congénères de transgresser le code langagier en adoptant une langue parfois
grossière, choquante et érotique.

II.3. La transgression du code langagier


L’une des particularités de la liberté d’écriture chez Jean-Marie Adiaffi, c’est son
attachement aux paroles de la sexualité. Dans son article, Pierre N’da souligne à cet effet :
Libéré des tabous de l’ordre social, moral et religieux, et livré à l’hyperréalisme de
l’imagination débridée de certains écrivains de la nouvelle génération, le sexe est
aujourd’hui partout : il est mis à nu, dévoilé, exhibé : il est mis en scène sur la scène
des textes romanesques qu’il articule et dynamise.108
Cette affirmation stipule que les romanciers comme Jean-Marie Adiaffi ne se soucie
guère des règles, tout se faire dans la liberté et tout ce qui doit être implicite devient explicite
aux yeux du public. Selon le constat d’Adama Coulibaly : « le sexe quitte alors les espaces
douillets de l’intimité familiale pour être un discours de l’extériorité, un discours de la place
publique. Une telle représentation affirme comme un appel à l’orgiaque. »109. En effet, cette
stratégie de liberté scripturaire adoptée par Adiaffi dans le but de non seulement d’opérer

108
Pierre N’da, « Le sexe romanesque comme moteur et enjeu de l’écriture postmoderne », le
postmodernisme dans le Roman africain. Formes, enjeu et perspectives, Paris, L’harmattan, 2011, pp.73-89.
109
Adama Coulibaly, « discours du sexe et du postmodernisme littéraire africain », Présence francophone,
Revue internationale de langue et de littérature n•65, Sherbrook, Québec, 2005, p.218.

77
une rupture, de mettre en mal l’éthique mais aussi de choquer le lecteur. Dans Silence, on
développe, cette stratégie est perspectible à travers la déclaration de N’da bettié à Aurore :

Aurore j'ai un désir, un désir furieux de te parler, désir fou de partager, désir béant
de communiquer, avec toi, désir profond de t'embrasser désir pantelant de faire
l'amour avec toi. Oui, I ’amour avec toi. II se pencha alors sur elle, comme au bord
d'un miroir de pétales, dans le reflet naissant du soleil. Il caressa son visage
longuement. Longuement il caressa ses seins, caressa ses cuisses, caressa sa bouche,
caressa ses mains, caressa sa gorge. Longuement […] le Kodjo pourpre de soie. Avec
douceur, comme dans son rêve, Aurore écarta ses cuisses livrant passage à la tiédeur
parfumée d'une autre soie rebelle Qui se moutonnante dans la chaleur veloutée de sa
coquille.110
Plus loin, nous remarquons l’usage du vocabulaire licencieux ou vulgaire dans son
œuvre intitulé les naufragés de l’intelligence où Bosson Aman demande avec insistance à
son gangster d’amant de lui faire l’amour : « Je veux que ton sperme brûlant inonde mon
vagin, tel la sauce chaude et pimentée (…) Je veux une queue de cheval, un marteau pilon
pour me pulvériser de jouissance (…) Baise-moi (…) baise moi ! Défonce-moi, enfonce moi
toute la beauté rude de ton épée rustique. » 111 . Cette liberté de langage cru est perçue
également chez Maurice Bandaman dans le fils de-la-femme-mâle, lorsqu’un colonel de
l’armée obsédé par la témérité de Bla yassoua, lui l’âne sans pudeur : « une femme qui parle
à un homme sur ce ton N'est-ce pas un homme comme moi qui te baise ? Et sa pine est-elle
en or ou c'est ton con qui est doré ? (…) Si tu me parles encore sur ce ton, je te déchire vagin.
» 112 .Ainsi, ce langage dévergondé représente non seulement pour ces écrivains surtout
Adiaffi une forme de révolte contre les règles classiques de l’écriture, la civilisation
coloniale mais aussi une liberté. À ce propos Roger TRO Dého affirme :
La langue charnelle et vulgaire remplit d'abord une fonction cathartique puisqu'elle
permet aux écrivains de s'affranchir, le moment de l’écriture, des contraintes et
tabous paralysants pour révéler, à elle-même, une société humaine moralement
dégradée. Elle sert ensuite à dire toutes ces indécences que I ‘hypocrisie sociale
cache habituellement par fausse pudeur. De ce point de vue, I ’usage du langage
populaire ou licencieux apparaît comme une nécessité pour exprimer la débauche
sociale.113
Pour finir, ces auteurs, à travers l’usage du langage de la sexualité expriment leur
liberté d’expression, d’écriture. Cette forme de révolution peut être considérée un
mécontentement de l’influence de la culture occidentale.
En somme, ce chapitre intitulé “la liberté en question ”permet de prendre
connaissance des contours et entours de la notion de liberté dans la littérature africaine. Cette

110
Idem, pp.32-33.
111
Jean-Marie Adiaffi, Les Naufragés de l’intelligence, Abidjan, CEDA, 2000, p.259-260.
112
Maurice Bandaman, Le-Fils-de-la-femme-mâle, Paris, L’Harmattan, 1993, p.144.
113
Roger Tro Dého, Création romanesque négro-africaine et ressources de la littérature orales,
Paris,L’harmattan, 2005.

78
liberté se déploie sur la manière d’écrire des romanciers Ouest-africain en leur conférant un
style novateur dont l’aspiration est non seulement de se démarquer, de révolutionner
l’écriture mais aussi une manière pour eux d’affirmer leur identité, leur indépendance contre
l’injustice sociale. En outre que de quel manière les personnages des œuvres de notre corpus
soulèvent la question de la liberté ?

79
CHAPITRE VI : LA RÉVOLTE CONTRE LA CULTURE, COMME EXPRESSION
DE LA LIBERTÉ
L'accession à la liberté est un thème central dans la littérature africaine, en particulier
dans le roman. Les écrivains africains ont souvent exploré les thèmes de la colonisation, de
l'oppression et de la lutte pour l'indépendance, tous centrés sur l'aspiration à la liberté. Ces
thèmes ont été abordés dans des contextes politiques, sociaux et culturels différents, mais ils
ont tous en commun la quête de la liberté. Les écrivains dépeignent la vie des africains sous
la domination coloniale comme une existence marquée par l'oppression, la marginalisation
et la privation de liberté. Les personnages sont souvent confrontés à des obstacles énormes
dans leur quête de liberté, notamment la discrimination raciale, la violence et l'exploitation
économique. Cependant, Silence, on développe et Une si longue lettre mettent en évidence
la résilience et la détermination des personnages à surmonter ces défis et à lutter pour leur
liberté. Ces œuvres nous présentent des mouvements comme des moments de prise de
conscience collective, individuel et de solidarité, où les gens résistent à l'oppression et
revendiquent leur droit à la liberté. C’est en ce sens qu’à la suite de l’analyse menée dans le
chapitre précédent, l’on se propose de montrer par quel moyen les figures emblématiques
des deux récits acquièrent “la liberté”.

I. Les points de divergence du processus de libération


Le processus de libération est un mouvement social qui vise à lutter contre les
injustices, les discriminations et les oppressions. Il s'agit d'un mouvement qui a émergé dans
de nombreux pays à travers l'histoire et qui continue de se manifester aujourd'hui. Le
processus de libération peut prendre différentes formes, selon le contexte dans lequel il se
produit, mais il est généralement caractérisé par une lutte pour la liberté, l'égalité, la justice
et la dignité humaine. Il peut être politique, économique, social, culturel ou personnel. Il peut
impliquer une lutte contre le colonialisme, le racisme, le sexisme, l'homophobie, la pauvreté
ou encore la violence. Les mouvements de libération peuvent ainsi revendiquer des droits
politiques, économiques, sociaux ou culturels pour des groupes spécifiques ou pour
l'ensemble de la population.
Aussi, ce processus de libération peut également prendre différentes formes de
résistance, allant de la non-violence à la violence. Les mouvements de libération peuvent
utiliser des méthodes pacifiques telles que les manifestations, les grèves ou la désobéissance
civile. Ils peuvent également utiliser des méthodes violentes telles que les attentats, la
guérilla ou le terrorisme. Les méthodes utilisées peuvent varier en fonction de la situation et
80
du contexte dans lequel se trouve le mouvement. Les acteurs impliqués dans le processus de
libération peuvent également varier. Les mouvements de libération peuvent être portés par
des groupes sociaux différents tels que la classe ouvrière, les minorités ethniques ou
religieuses, les femmes. De plus, ces mouvements peuvent impliquer des acteurs politiques,
sociaux ou culturels variés tels que les partis politiques, les syndicats, les associations, les
artistes ou les intellectuels. Il convient donc d’analyser les différentes stratégies et
revendications mises en place pour atteindre la libération.

I.1. La révolte des opprimés chez Mariama Bâ


Dans cette partie nous examinerons les vies « doubles » de Ramatoulaye et
d’Aïssatou, pendant l’enfance, l’éducation, et puis le mariage. Ces deux femmes faisaient
face continuellement au conflit entre la tradition (même si elles étaient manipulées par les
autres) et la modernité. En essayant de choisir la modernité, elles se marient avec des
hommes qu’elles trouvent progressifs. Pourtant, elles se trouvent en face de la polygamie.
Leurs réactions à l’introduction de la nouvelle jeune femme sont un sujet controverse. C’est
Aïssatou qui choisit de quitter son mari, et Ramatoulaye qui choisit de rester. En examinant
les décisions de ces deux femmes, on se pose la question, « Qui trouve la liberté ? » En
regardant les circonstances et les décisions différentes de Ramatoulaye et d’Aïssatou, nous
pouvons tirer la conclusion qu’elles trouvent la liberté de différentes façons.
Aïssatou, en rompant avec Mawdo, choisit la révolte, et change complètement sa vie
: « Tu choisis la rupture... » 114. En décrivant le nouveau travail d’Aïssatou, Ramatoulaye
écrit, « L’école interprétariat d’où tu sortis, permit ta nomination à l’ambassade du Sénégal
aux Etats-Unis. Tu gagnes largement ta vie »115 . Comme fille de bijoutière tenue par les
traditions de sa culture, Aïssatou se rebelle contre le système des castes et trouve une
nouvelle identité aux Etats-Unis. Dans une lettre qu’elle laisse pour Mawdo, elle explique
qu’elle ne peut pas supporter la polygamie : « Je ne m’y soumettrai point. Au bonheur qui
fût nôtre, je ne peux substituer celui que tu me proposes aujourd’hui »116 . Cette liberté est
une illustration de la liberté décrite par de Beauvoir, qui insiste sur la révolte contre le passé,
dès que la femme devient consciente de sa condition : « De toutes façons un retour au passé
n’est pas plus possible qu’il n’est souhaitable »117.

114
Mariama Bâ, Op.cit., p.64.
115
Mariama Bâ, Idem., p.66.
116
Mariama Bâ, Ibídem., p.65.
117
Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe. Mayenne, L’imprimerie Floch, 1952, p.395.

81
En ce qui concerne la décision de Ramatoulaye de rester, il y a plusieurs critiques qui
constatent qu’elle ne trouve pas la liberté comme sa copine, mais qu’elle reste silencieuse
sous la domination de la société et des hommes. Le récit de Ramatoulaye de la rupture
d’Aïssatou montre beaucoup d’admiration pour cette révolte, mais ne pense pas qu’elle à la
même capacité : « Comme j’enviais ta tranquillité lors de ton dernier séjour ! Tu étais là,
débarrassée du masque de la souffrance. Tes fils poussaient bien, contrairement aux
prédictions. Tu ne t’inquiétais pas de Mawdo »118 . Ramatoulaye se voit être une femme pour
qui il est « trop tard, » en se rendant compte de sa jeunesse perdue :
Au lieu de suivre le raisonnement de ma voisine, une griotte qui rêve à de solides
pourboires d’entremetteuse, je me mirais. L’éloquence du miroir s’adressait à mes
yeux. Ma minceur avait disparu ainsi que l’aisance et la rapidité de mes mouvements.
Mon ventre saillait sous le pagne qui dissimulait des mollets développés par
l’impressionnant kilométrage des marches qu’ils avaient effectuées, depuis le temps
que j’existe. L’allaitement avait ôté à mes seins leur rondeur et leur fermeté. La
jeunesse désertait mon corps, aucune illusion possible ! 119
Ramatoulaye exprime le souhait de retrouver l’amour à travers sa beauté, mais ne
croit pas qu’elle en soit capable. Une réflexion des regrets de Ramatoulaye, de Beauvoir
décrit la jeunesse de la femme qui est désirée par l’homme, en insistant sur la force et aussi
la beauté et sur la jeunesse du corps : « La beauté virile, c’est l’adaptation du corps à des
fonctions actives, c’est la force, l’agilité, la souplesse, c’est la manifestation d’une
transcendance animant une chair qui ne doit jamais retomber sur elle-même »120. Cette «
agilité » est celle que Ramatoulaye ne possède plus.
Il est évident que Ramatoulaye prend une décision au contraire de celle d’Aïssatou,
qui rebelle complètement, en partant. Pourtant, malgré la tristesse et la faiblesse que montre
Ramatoulaye, elle, à travers le pouvoir du mot écrit, comme outil d’introspection, de la
communication, et puis comme outil de révolte, trouve son identité entre le progrès et la
tradition. Ramatoulaye vit une évolution, en commençant comme une femme silencieuse et
passive, se trouvant en face de la tristesse de son expérience avec la polygamie et la misère
de la rupture, et finalement, trouve sa voix et révolte. Mariama Bâ, à travers la vie de ce
personnage, souligne la liberté de choix pour la femme Sénégalaise. Bien que nous puissions
tirer la conclusion qu’Aïssatou démontre ce que Ramatoulaye aurait dû faire, il est aussi
possible de regarder l’action définitive comme une inspiration pour Ramatoulaye.
Ramatoulaye montre la faiblesse et l’immobilité dans la solitude. Pourtant, à travers
cette période de solitude et de faiblesse, elle évolue et devient une femme libérée à travers

118
Mariama Bâ, Op.cit., p.89.
119
Mariama Bâ, Idem, p.80.
120
Simone de Beauvoir, Op. Cit, pp.256-257.

82
l’évolution de sa lettre. Avec les choix différents de Ramatoulaye et d’Aïssatou, Mariama
Bâ considère les circonstances et les perspectives variantes de la femme sénégalaise et
montre les femmes qui se libèrent de différentes façons. D’abord, il faut se souvenir du fait
que Ramatoulaye est la mère de douze enfants. Pratiquement, Aïssatou est plus mobile que
Ramatoulaye, qui doit aussi considérer les besoins d’une si grande famille.
Encore, Ramatoulaye fait face à la question entre ses idées progressistes, et ses
obligations aussi : « Partir ? Recommencer à zéro, après avoir vécu vingt-cinq ans avec un
homme, après avoir mis au monde douze enfants ? Avais-je assez de force pour supporter
seule le poids de cette responsabilité à la fois morale et matérielle ? »121 Malgré cette période
difficile de sa vie, Ramatoulaye continue à illustrer la libération et la progression qu’elle a
apprise à l’école, bien qu’elle ait des difficultés avec son isolement. Son éducation est
démontrée même par l’acte d’avoir écrit la lettre. Sa façon de manipuler la tradition de la
Mirasse pour souligner les défauts de son mari exprime son intelligence, et aussi son désir
de se libérer en trouvant sa propre voix. La démonstration de sa liberté devient de plus en
plus forte avec la continuation de la lettre. Ce qui commence avec une admiration des actions
d’Aïssatou, évolue à travers des difficultés de la rupture et de l’isolement, pour devenir
l’action de rébellion. En explorant la recherche de la liberté de Ramatoulaye, Cixous
encourage les femmes à se révolter, et à ne plus supporter leur position silencieuse. Selon
elle, pour se mettre dans le texte, une femme doit d’abord décider de ne plus avoir honte de
sa beauté et de sa capacité à créer : « La beauté ne sera plus interdite. Alors je souhaitais
qu’elle écrive et proclame cet empire... »122 .
Dans ce chapitre qui est une lettre adressée à Modou Fall, c’est l’admiration que
Ramatoulaye attribue à Modou Fall (une admiration qu’il ne mérite pas) qui la prévient de
sa libération. Ramatoulaye, contrairement à Aïssatou, est plus fidèle à la tradition, bien
qu’elle soit contre l’idée de la polygamie. Dans cette évolution de libération qui la mène vers
la révolte, Ramatoulaye cherche un équilibre entre le progrès occidental qu’elle valorise et
la tradition sénégalaise qu’elle respecte. En face de la douleur de l’abondamment de la part
de Modou, Ramatoulaye commence à trouver sa propre voix et sa propre identité comme
femme sénégalaise libérée. Grâce à l’acte d’écrire, Ramatoulaye à l’occasion de démontrer
la liberté. Ramatoulaye prend la parole en écrivant sa lettre, bien que cette lettre soit écrite
en réfléchissant au passé. Dans cette lettre, elle, en pensant à son passé, a l’occasion de

121
Mariama Bâ, Op.cit., p.78.
122
Hélène Cixous, « Le rire de la méduse. » La Grief des femmes : Vol. 2 : Anthologie de textes
Féministes du second empire à nos jours, 1978 pp. 307-313.

83
décrire d’abord sa douleur, les contraintes de sa vie polygamique et de sa vie comme mère
toute seule, et son amour pour l’homme qui l’avait maltraitée, et puis de montrer son
évolution vers la révolte et la libération. Cixous décrit le mot écrit comme une façon de
révolte :
C’est en écrivant, depuis et vers la femme, et en relevant le défi du discours
gouverné par le phallus, que la femme affirmera la femme autrement qu’à la
place à elle réservée dans et par le symbole c’est- à-dire le silence. Qu’elle
sorte du silence piégé. Qu’elle ne se laisse pas refiler pour domaine la marge
ou le harem123.
Bien qu’elle n’écrive pas directement contre un discours masculin, le style épistolaire
de ce roman montre la façon dont les femmes peuvent se déclarer libérées à travers le mot
écrit. La description que Ramatoulaye écrit de ses expériences montre une évolution avec
d’abord une liberté de l’esprit, qui la transforme de se libérer physiquement, bien que ce ne
soit pas la même liberté que trouve Aïssatou. Dans sa lettre, Ramatoulaye décrit beaucoup
la douleur qu’elle vit. La libération de Ramatoulaye commence même avec ces descriptions,
quand Ramatoulaye écrit à propos de ses émotions comme une femme oubliée qui continue
avec sa vie et s’occupe de sa famille.
Le chapitre 13 est un chapitre où Ramatoulaye exprime son évolution de la faiblesse
de sa tristesse, jusqu’à une liberté intérieure, jusqu’à une liberté physique. Ramatoulaye
commence ce chapitre avec une phrase qu’elle va beaucoup répéter : « Je survivais. » Avec
la répétition de cette phrase, on peut voir la résolution à laquelle elle arrive. Au début,
Ramatoulaye écrit, « Je survivais. En plus de mes anciennes charges, j’assumais celles de
Modou »124. À la prochaine page, elle proclame encore, « Je survivais. Je me débarrassais
de ma timidité pour affronter seule les salles de cinéma ; je m’asseyais à ma place, avec de
moins en moins de gêne, au fil des mois ». L’évolution commence. Malgré ses difficultés,
Ramatoulaye trouve la capacité de faire face aux défis qui étaient autrefois ceux de Modou.
Elle commence à sortir de la maison, en public, seule. Puis, Ramatoulaye commence à faire
face au fait qu’elle est abandonnée par son mari : « Je survivais. Plus je réfléchissais, plus je
savais gré à Modou d’avoir coupé tout contact »125 . Ramatoulaye continue avec sa vie, en
vivant avec sa solitude et sa tristesse : « Je faisais face vaillamment. J’accomplissais mes

123
Hélène Cixous, Op.cit., p.110.
124
Mariama Bâ, Op.cit., p.98.
125
Mariama Bâ, op.cit., p.99.

84
tâches ; elles meublaient le temps et canalisaient mes pensées. Mais le soir, ma solitude
émergeait, pesante »126 . Son écriture la sert comme outil d’introspection, et sa résolution
intérieure continue pour devenir plus tard une résolution extérieure. Puis, Ramatoulaye
continue à évoluer en prenant plus de risque en sortant : « Je survivais. Je connus la rareté
des moyens de transport en commun »127 . Entre ces déclarations de victoires, Ramatoulaye
montre sa lutte personnelle en se posant des questions à propos de sa vie avec Modou : «
Modou mesurait-il à son exorbitante proportion le vide de sa place, dans cette maison ?
Modou me donnait-il des forces supérieures aux miennes pour épauler mes enfants ? ».128
Finalement, grâce au cadeau d’Aïssatou, Ramatoulaye trouve la liberté de
mouvement en apprenant à conduire : « Et j’appris à conduire, domptant ma peur. Cette
place étroite entre le volant et le siège fut mienne »129 .
Vers la fin du chapitre 16, Ramatoulaye s’est avancé vers la liberté en prenant la
parole dans sa lettre, en « survivant » quotidiennement, et en sortant de la maison. Elle est
prête pour sa révolte.
C’est non seulement dans la longue lettre que Ramatoulaye écrit à Aïssatou où elle
montre sa liberté, mais aussi dans le discours à l’oral. Ramatoulaye illustre la liberté décrite
par Cixous, qui encourage les femmes à trouver leur propre voix pour se libérer. Quand
Tamsir, le frère de Modou, propose, « Tu me conviens comme femme et puis, tu continueras
à habiter ici, comme si Modou n’était pas mort. En général, c’est le petit frère qui hérite de
l’épouse délaissée par son aîné. Ici c’est le contraire. Tu es ma chance »130 Ramatoulaye
trouve sa voix, et rebelle contre cette supposition de Tamsir que Ramatoulaye resterait
silencieuse : « Ma voix connaît trente années de silence, trente années de brimades. Elle
éclate, violente, tantôt sarcastique, tantôt méprisante »131 Ramatoulaye déclare : « Tu oublies
que j’ai un cœur, une raison, que je ne suis pas un objet que l’on se passe de main en main.
Tu ignores ce que se marier signifie pour moi : c’est un acte de foi et d’amour, un don total
de soi à l’être que l’on a choisi et qui vous a choisi. (J’insistais sur le mot choisi.) »132
Puis, après s ́être libérée oralement, Ramatoulaye se révolte à l’écrit, en réponse à la
proposition de se marier avec Daouda Dieng : « Tu crois simple le problème polygamique.

126
Mariama Bâ, Idem., p.100.
127
Mariama Bâ, Ibidem, p.102.
128
Mariama Bâ, Ibidem, p.101.
129
Mariama Bâ, Ibidem, p.103.
130
Mariama Bâ, Ibidem, pp.108-109.
131
Mariama Bâ, Ibidem, p.109.
132
Mariama Bâ, Ibidem, p.110.

85
Ceux qui s’y meuvent connaissent des contraintes, des mensonges, des injustices qui
alourdissent leur conscience pour la joie éphémère d’un changement »133. Avec sa prise de
parole à l’oral et à l’écrit, Ramatoulaye se libère en trouvant l’équilibre qu’elle cherche entre
la tradition et le progrès. Ses paroles à Tamsir montrent sa colère contre cet homme qui
voudrait se servir d’elle comme Modou. Elle se déclare définitivement contre la polygamie.
Avec Daouda Dieng, Ramatoulaye exprime encore cette opinion, mais avec plus de
tendresse : « Je suis sûre que l’amour est ton mobile, un amour qui exista bien avant ton
mariage et que le destin n’a pas comblé. C’est avec une tristesse infinie et des larmes aux
yeux que je t’offre mon amitié »134 . Pourtant, elle reste fermement avec ses convictions, en
s’identifiant comme femme qui ne soutient pas la tradition de la polygamie.
En illustrant les décisions variantes d’Aïssatou et de Ramatoulaye, Mariama Bâ
montre le droit de choisir. La décision de partir, bien que ce soit la solution d’Aïssatou, n’est
pas la seule chose que nous pouvons faire pour se libérer. Ramatoulaye ne quitte pas son
mari. Pourtant, grâce à la liberté qu’elle trouve avec le pouvoir du mot écrit, elle est inspirée
par le pouvoir d’Aïssatou, elle exprime sa tristesse et sa solitude, elle survit en faisant face
à cette expérience, et puis elle se révolte à l’oral, et à l’écrit. Cependant, comment se
manifeste la stratégie d’acquisition de la liberté dans Silence, on développe de Jean-Marie
Adiaffi ?

I.2. La révolution chez Jean-Marie : une arme de résistance et de dénonciation de


l’asservissement
En Afrique, la tyrannie, la dictature et la bouffonnerie des dirigeants politiques finit
par rencontrer une résistance et une engendre une révolution des peuples opprimés. Cette
révolution est toujours portée par un individu ou un collectif. Contrairement à Une si longue
lettre dont la lutte est menée de façon individuelle, Silence, on développe de Jean-Marie
Adiaffi met l’accent sur la masse, la collectivité, qui est dirigée par quatre figures
d’oppositions à savoir le personnage Ehua, Tahua, Affoua et la jeune Indépendance tous
soutenue invisiblement par la grande prêtresse des montagnes, la komian Priko Néhenda.
Ces quatre femmes vont jouer de manière individuelle dans le processus de révolution et de
résistance.

133
Mariama Bâ, op.cit., p.128
134
Idem

86
Tout débute dans la grande salle de réunion de l’étoile du Sud où le peuple s’est réuni,
avec l’union des mouvements de révolution, des militants (L’ANL, L’UNEL, LA HACHE
NOIRE, LE PRL) dans l’optique de préparer un assaut contre le régime du président
dictateur, l’usurpateur N’da Fangan. Cette rencontre fut présidée par Ehua et Tahua, toute
deux représentaient le modèle de révolution. S’agissant de Tahua, elle était une forte
personnalité d’où son surnom « N’ZARAMA » qui veut dire “Vestale ” en français. En effet,
cette dernière représentait l’étoile qui guidait le peuple comme l’étoile qui a guidé les trois
Rois marges jusqu’à la demeure où était l’enfant Jésus. Quant à Ehua, de par son courage et
ses dons surnaturel, elle avait vaincu son beau-frère, le frère jumeau N’da fangan en prenant
l’initiative de détruire son pouvoir mystique. En témoigne la page 660 : Ehua, « la voyante
», la komian, la fille « à mille yeux » a brûlé la cotte de maille magique qui rendait N’da
FANGAN invulnérable. N’da FANGAN a perdu son invulnérabilité. Son pouvoir surnaturel,
c’est Ehua qui le détient maintenant. »135.Ainsi, Vu toute cette détermination, ce courage des
deux femmes, elles furent accueillies de façon triomphale à la réunion et incarnaient le
charisme de révolution dans la mesure où ; « elles récoltent le fruit somptueux de leur combat
de leur lutte, de leur détermination auprès de leur peuple. »136.
À la suite, nous constatons que les militants ont mise en place des informations
permettant au peuple de se mobiliser et de prendre part au rassemblement. À cette occasion,
Eba Eponon (Ministre de la libération féminine) a été choisi pour stimuler le peuple à la
résistance. Ce choisi lui permet de montrer son expérience de l’art oratoire, ses paroles
persuasives ont sûr inciter le peuple et cela s’illustre par l’extrait suivant :
Assieliedougoviennes, mes sœurs, vaillantes militantes de la liberté des peuples.
Pendant la lutte de libération, nous avions marché sur la prison d’Ouyakoro, la prison
coloniale dOuyakoro, pour arracher nos maris, nos frères, nos cousins, nos oncles
des griffes des vautours blancs qui les étouffaient injustement, les torturaient
dernière les murs, les infâmes murs […] voilà le secret de notre victoire. Ainsi, il
pourra être le prophète des cercueils et des cimetières. Nous ne serons pas seules :
voyez à nos côtés les courageux militants de l'ANL qui distribuent le pilon ressuscité,
le pilon pour le nouveau mil.137
Dans ce discours du Ministre de la libération féminine, nous remarquons qu’elle
dévoile la manifestation de la révolution et de par son exhortation, elle motive l’assemblée,
ce qui suscite leur détermination. En effet, cette révolution a pour objectif principal de libérer
leur concitoyen incarcéré dans la prison de talouakro.

135
Jean-Marie Adiaffi, Op. Cit, p.660.
136
Jean-Marie Adiaffi, Idem, p.657.
137
Jean-Marie Adiaffi, Ibidem, p. 661-664.

87
Par ailleurs, après la réunion, la révolution rentre en vigueur lorsque Tahua fut arrêté
par la police. Ce malheur fut répandu sur toute la terre d’Assiéilédougou « grâce au
téléphone oral » et même le soleil fut témoin de cette tragédie et manifestait son
mécontentement à travers « l’éclipse ». Cette dernière, par son impact incite les militants à
résister à cette injustice en invoquant des réprobations sur les manigances du président
dictateur.
En riposte, le peuple manifeste sa colère par l’instauration d’une grève totale, d’un
arrêt total de toutes activités et montre sur le champ de bataille avec des armes blanches. À
la suite de cette protestation, cette marche dans les rues d’Assiéilédougou, les mouvements
de la révolution mettent en application l’assaut final établi par Tahua, Ehima, et wawoué en
collaboration avec Ehua et Faondi avant leur arrestation. En effet cet assaut représentait le
talon d’Achille du régime de fangan et pour atteindre cet objectif, les différents militants se
sont constitués en trois équipes. D’abord, la première équipe s’est déguisée en touriste sous
le commandement d’Ehua, aidé par l’escadron de la beauté et la forte assistance des militants
de L’ANL. Ainsi, grâce à cette dissimulation cette équipe a réussi à franchir la prison de
Talouakro. Ensuite, la seconde équipe pose une bombe dans la villa d’horreur d’Assanou.
Enfin, la troisième équipe prend en otage le palais par l’entremise de Faondi et
d’indépendance.
Tous ces événements de lutte du peuple d’Assiéilédougou pour la libération de leur
concitoyen reflètent la marche des femmes sur la prison de Grand-Bassam : une période qui
reste encrée dans l’histoire de la Côte d’Ivoire. Présentons quelques images de cette action :

88
La première image, située à la place de la paix de Grand Bassam représente le
monument de la marche de ces braves femmes sur la prison et la deuxième image est relatif
à l’hommage à la marche des femmes avec à sa tête Marie Koré. Pour comprendre l’histoire
de cette lutte, nous nous intéressons à l’article de Bianca Pessoa dans Édition et révision :
Helena Zelic, elle écrit: En décembre 1949, un moment important de la résistance des
femmes a lieu en Côte d’Ivoire : la marche des femmes vers Grand-Bassam en Côte d’Ivoire.
La longue marche est partie d’Abidjan jusqu’à la ville de Grand-Bassam, ancienne capitale
de la Côte d’Ivoire durant l’époque coloniale entre 1893 et 1900, où se trouvaient les
principaux tribunaux du pays ainsi que l’une de ses prisons les plus connues. L’action voulait
dénoncer l’arrestation sans procès des dirigeants politiques du Rassemblement
Démocratique Africain RDA, fédération des partis politiques africains anticoloniaux.
Le 22 décembre, les femmes quittent Abidjan à pied, pour un trajet de 40 km vers
Grand-Bassan, organisées en petits groupes pour échapper à la surveillance de
l’administration coloniale française. Le 24 décembre, alors qu’elles étaient déjà proches de
leur destination finale, les femmes ont été stoppées, attaquées au gaz lacrymogène et battues
par des soldats français.
« Mes sœurs bété, Baoulé, dioula, et partout, n’ayez pas peur ! Ce n’est pas parce
qu’on nous envoie un jet d’eau avec du sable que nous devons nous décourager car une
personne qui veut aller au secours de son époux, de son frère, de son fils ne doit pas reculer
devant si peu de chose. », avait dit Marie Koré, selon une enquête de Henriette Diabaté,
actrice de La marche des femmes sur Grand-Bassam.
Bien que la première manifestation se soit terminée avec de nombreuses personnes
blessées par la violence des forces répressives, la mobilisation d’environ 500 femmes
(militantes ou proches parentes des prisonniers) a connu des victoires : les militants
emprisonnés ont été jugés, libérés ou ont vu leurs peines réduites. Le combat de Koré et
d’autres femmes comme Anne-Marie Raggi, Odette Ekra, Lorougnon Zikaï est
emblématique de l’indépendance de la Côte d’Ivoire et, encore de nos jours, est une référence
politique.
Dans un entretien accordé à Capire, Solange Koné, de la Marche Mondiale des
Femmes en Côte d’Ivoire, se souvient que lorsque Marie Koré « a lancé cet appel au
rassemblement, des femmes sont apparues de partout. Elles ont marché avec une
détermination que les forces militaires ne pouvaient pas empêcher. C’est ainsi qu’elles ont
pu libérer leurs maris. Marie Koré est un symbole pour la Côte d’Ivoire », explique Solange.

89
Marie Koré pourrait représenter dans notre corpus le personnage d’Ehua ou Tahua ou encore
Priko Nehanda parce que chez Jean-Marie Adiaffi, il s’agit d’une femme qui est au-devant
de la lutte pour la libération. Alors nous avons pris ces images qui nous rappellent l’histoire
de côte d’ivoire où à un moment donné ce sont les femmes qui ont marché sur la prison de
Grand Bassam pour revendiquer la libération de leurs maris. En revendiquant la liberté de
leur mari, elles créent ainsi, la liberté. Voilà pourquoi nous avons pris ces images réelles.
La première image montre des femmes habillées en blanc comme des komians et
nous savons que dans l’œuvre de Jean-Marie, il a mis à la tête de son combat Priko Nehanda,
qui en réalité est une féticheuse. En plus nous remarquons dans cette image, la femme tend
la main ; elle demande quelque part aux autres d’aller récupérer quelque chose. Donc Jean-
Marie Adiaffi met en avant la femme et crée une rupture avec la société ancienne, qui pense
que la femme ne peut pas être au-devant des choses. Ces braves figures d’oppositions dans
l’œuvre de Jean-Marie Adiaffi peuvent être également considérées comme des amazones du
Dahomey, qui ont dit non à la colonisation française. En voici quelques images de ces
guerrières du l’actuel Benin:

Ces amazones ont jouées un rôle important dans la résistance contre la présence
métropolitaine. Selon l’article de Valérie KUBIAK, L’image est restée à jamais gravée dans
la mémoire des 3 000 soldats français qui, basés à Cotonou sur la côte de l’actuel Bénin,
s’étaient engagés dans une mission à l’intérieur du territoire en 1892. L’objectif de cette

90
opération militaire était de déloger le roi Béhanzin qui s’accrochait à l’indépendance de son
fief, le Dahomey, et contrariait les ambitions des autorités coloniales depuis deux ans. Au
mois de mai de cette année-là, le colonel Alfred Dodds, chef de l’expédition, et ses troupes
se mettent en marche en direction d’Abomey, capitale du royaume. Ce qui devait être une
campagne facile se transforme très vite en calvaire. La progression est lente. Les troupes
sont quotidiennement harcelées par des attaques de guérilla. Mais ce 26 octobre 1892 – «la
journée la plus meurtrière de cette guerre», selon les mots de Dodds lui- même – alors que
les soldats sont à une cinquantaine de kilomètres d’Abomey, leur route est soudain bloquée
par une immense armée équipée de carabines Winchester et d’armes blanches, et au grand
effarement des Français, elle est composée de femmes.
Ces stupéfiantes guerrières sont les « minos » (« nos mères » en langue fon, parlée
alors au Dahomey et toujours en usage au Bénin, au Togo et dans une partie du Nigeria),
l’avant-garde et l’élite de l’armée de Béhanzin. Frappés par leur allure et leur combativité,
les militaires les nommeront «amazones», en référence aux guerrières antiques. Si le fait est
étonnant pour les Français, la tradition des femmes combattantes est ancienne au Dahomey.
L’origine de ces bataillons pourrait remonter au tout début du XVIIIe siècle. La tradition
orale raconte que le roi Agadja (1673-1740), qui menait des guerres de conquête sur
plusieurs fronts, avait recruté des femmes dans son armée pour pallier le manque d’effectifs
masculins. Mais c’est surtout à partir de 1818 que le corps des amazones du Dahomey fut
développé et structuré. À cette époque, le roi Ghézo, qui venait de monter sur le trône,
constitua en effet une troupe d’élite entièrement dévouée à sa sécurité. Il recruta les membres
de ces futurs bataillons parmi les esclaves. Les femmes valant moins cher sur le marché de
la traite, il choisit les plus vigoureuses d’entre elles pour les transformer en guerrières
aguerries. Dans les années suivantes, les femmes du royaume vinrent elles-mêmes s’engager,
et la légende prétend que certains maris malmenés par leurs «mégères» les obligeaient à
s’enrôler afin de s’en débarrasser.
Dès leur plus jeune âge, les amazones suivaient un entraînement intense au combat et
au maniement des armes. Elles étaient conditionnées psychologiquement pour résister à la
douleur et ignorer la pitié. Craintes et respectées par la population, elles avaient un statut
presque sacré. Chaque fois qu’elles sortaient du palais, des groupes de fillettes agitant
clochettes les précédaient afin que la foule s’écartât respectueusement de leur chemin. Ces
femmes, propriété du roi, devaient rester vierges et quiconque devenait leur amant était
aussitôt exécuté. L’historienne Sylvia Serbin rapporte à ce propos (dans Reines d’Afrique,

91
éd. Sepia) une plaisanterie qui circulait parmi les anciens et selon laquelle «moins d’hommes
seraient morts au combat qu’en essayant de franchir le mur du camp des amazones».
À la fin du XIXe siècle, au moment où elles rencontrent les Français, les bataillons de
minos, exclusivement commandés par des femmes, sont constitués de 4 000 à 5 000 recrues,
soit le tiers de l’armée du Dahomey. Le bataillon des « Aligossi » est chargé de la défense
du palais, et celui des « Djadokpo » constitue l’avant-garde de l’armée régulière. Elles sont
vêtues de longues tuniques bleues ceinturées à la taille, sur un pantalon bouffant. Leur crâne
est rasé et surmonté d’un petit bonnet blanc brodé d’un caïman. Leur équipement varie selon
leur spécialité. Les guerrières maniant le fusil forment le gros des troupes : avec cette arme,
elles portent une cartouchière, mais aussi un sabre court et un poignard. Viennent ensuite les
archères, redoutées pour leur habileté et leur précision, puis les terribles faucheuses. Celles-
ci sont équipées de longues machettes tranchantes formées d’une lame de 45 centimètres
montée sur un manche de 60 centimètres qu’elles manient à deux mains, les ouvrant et les
refermant comme des gigantesques canifs. «Un seul coup de ce rasoir peut trancher un
homme par le milieu !», s’exclame dans ses souvenirs de missions le père François Xavier
Borghéro venu évangéliser le pays dans les années 1860.
Généralement, au cours de la bataille, elles décapitent leurs ennemis et s’empressent
de brandir les têtes tranchées afin de semer la panique dans les rangs ennemis. Mais le groupe
le plus redouté, véritable commando d’élite, est celui des chasseresses, des tueuses
sélectionnées parmi les plus fortes et les plus corpulentes. Ce sont ces milliers de guerrières
conditionnées à «vaincre ou mourir» et, selon les dires des légionnaires, enivrées au gin, que
les hommes de Dodds voient surgir face à eux ce jour-là. Au mépris de la supériorité du feu
français, elles se ruent à l’assaut. Certaines passent les lignes en rampant par terre sous les
tirs pour chercher le corps-à-corps dans lequel elles excellent. «Ces amazones sont des
prodiges de valeur, elles viennent se faire tuer à 30 mètres de nos carrés», écrira le capitaine
Jouvelet dans ses mémoires. Avec lui, tous les hommes qui les ont combattues,
impressionnés, saluent «l’extrême vaillance», «l’indomptable audace» de ces guerrières. Le
courage ne peut pourtant suffire à lutter contre les fusils Lebel et les pièces de canon de
l’armée coloniale. L’arrivée des Français sonne le glas de ces combattantes de légende.
Après les derniers combats menés par les hommes de Dodds dans Abomey en novembre
1892, il ne reste plus des minos que le souvenir de leurs exploits que l’on se transmettra de
génération en génération sur les ruines de l’ancien royaume.
Remarquons nous, que la manifestation de la révolution dans Silence, on développe
de Jean-Marie Adiaffi est placée sous le sceau de la gente féminine. Dans chaque action, elle

92
intervient pleinement avec sa ruse. Ainsi, grâce à son pouvoir (intuition et voyance), elle a
réussi à assumer effectivement son rôle de libératrice, de guide dans l’accession à
l’indépendance de la terre d’assiéliédougou.

II. L’image de la femme libre


Officialisé par l’Organisation des Nations Unies (ONU), le 08 Mars 1977 est une
date très importante, dont l’objectif est de célébrer les droits de la gent féminine. Cette
déclaration a permis également à la femme africaine de d’affirmer pleinement, de pouvoir
prendre des décisions et de vivre sa vie selon ses propres termes. En effet, Au fil des années,
l'image de la femme libre a évolué, reflétant les changements dans la société et l'évolution
des droits des femmes. Dans la littérature, les écrivains mettent en lumière des personnages
forts et courageux, qui défient les conventions sociales et les attentes de genre pour atteindre
leurs objectifs. Ainsi, dans notre corpus, nous avons des femmes émancipées qui sont pour
le modernisme et des femmes modérées, partisanes d’une synthèse des éléments positifs de
la tradition et de la modernité.

II.1. Les femmes émancipées


Cette génération est représentée par Daba et ses jeunes sœurs. C’est un groupe de
jeunes citadines qui se révoltent contre les traditions et remettent en cause toutes les
coutumes en question. Dans ce groupe, certaines jeunes filles ont bien assimilé la notion de
modernisme : elles sont dynamiques, instruites et veulent sortir de l’enlisement des traditions
et des superstitions qu’elles considèrent comme étant des fardeaux écrasants. Daba serait
selon la narratrice, un exemple parfait de la femme émancipée. Elle refuse tout compromis
qui détruit l’entente entre les couples. Déconcertée par le second mariage de son père, elle
pousse sa mère à divorcer. Elle lui dit : « Chasse cet homme. Il ne nous a pas respectés, ni
toi, ni moi. »138. Comme nous l’avons présentée plus haut, elle est ouverte au progrès et
refuse non seulement d’être sous l’emprise des tabous de la tradition, mais aussi de l’homme.
Elle aimerait participer à la vie politique de son pays, mais vu les rivalités au sein des partis
politiques, elle préfère les associations féminines. Elle représente la nouvelle génération de
la femme africaine. À propos d’elle, Ramatoulaye dit : « Elle raisonnait cette enfant...Elle
avait des points de vue sur tout. »139

138
Mariama Bâ, op.cit., p.60.
139
Mariama Bâ, Idem., p.108.

93
Aïssatou, bien que considérée comme « trop indépendante »140 peut être aussi un
exemple de la femme émancipée. Elle choisit de défier la tradition en divorçant de son mari
quand ce dernier prend une seconde épouse.
D’une part, la notion de l’émancipation de la femme est mal interprétée par certaines
d’entre elles. Tel est le cas des petites sœurs de Daba notamment Arame, Yacine et Dieynaba.
Elles se sont octroyé la licence de fumer, de boire, et d’entretenir des relations sexuelles trop
jeunes. Et, Ramatoulaye s’interroge : « J’eus tout d’un coup peur des affluents du progrès
(...) le modernisme ne peut donc être sans s’accompagner de la dégradation des mœurs ? »141
Seydou Badian considère cette catégorie de jeunes comme une « légion de termites à l’assaut
de l’arbre sacré. ».142En effet, la civilisation européenne a eu un grand impact sur cette jeune
génération. Les valeurs qui auraient pu faire d’elles les continuatrices de leurs mamans et les
pionnières d’une Afrique qui, sans se renier, assimilerait l’enseignement européen ont été
brisées. En général, l’école occidentale, oriente cette jeune génération vers un monde
européen et le résultat est qu’elle veut transplanter l’Europe en milieu urbain.
D’autre part, cette génération se caractérise aussi par son goût poussé pour le
matérialisme. Leur vie semble se résoudre au matériel et à la réussite sociale. L’égoïsme et
le culte du corps font perdre la place que l’homme occupe au cœur de la société
traditionnelle. Les personnes n’existent que quand elles sont utiles et riches, la vie en
communauté est dépréciée au profit de l’individualisme. Les jeunes filles ayant grandies
dans ces milieux et ayant un goût très poussé pour l’argent n’hésitent pas à détrôner une
femme dans son foyer pour prendre sa place. Tel en est le cas de Binetou que nous avons
analysé plus haut.
Par ailleurs, chez Jean-Marie Adiaffi, dans Silence, on développe quel que soit avant
ou après le déclin du régime du président dictateur, la femme a pu trouver une place
prépondérante au sein de la société d’Assiéilédougou au regard de tous ce qu’elle a
accomplie dans l’acquisition de l’indépendance. En effet, elle prône une société plus
égalitaire où la gente féminine n’est plus brimé et à accès à tout.
Pour Jean-Marie Adiaffi, il, il faut que les préjugés qui attestent que la vocation
première de la femme, C’est d’être au service des hommes, de donner la vie et de faire
uniquement que le ménage soient exclus des sociétés africaines. En plus, la femme s’affirme
pleinement et à droit à la parole dans les lieux publics. Ceci est remarquable tout au long du

140
Mariama Bâ, Op.cit, p.112.
141
Mariama Bâ, Op.cit, p.102.
142
Seydou Badian : Sous l’orage. Paris, Présence Africaine, 1972, p, 160.

94
récit. Cette prise de parole est perçue chez Affoua lorsque cette dernière rétablie la place de
la femme dans la société Assieliedougoviennes. Pour elle, dans une société où les droits sont
équitables, la femme doit nécessairement avoir une place dans le système éducatif. En
témoigne la page 726 :
Au niveau de la réforme de l'enseignement, il nous faut d'abord définir avec le type
de société que nous voulons avant de savoir le type d'homme qui doit être forme pour
cette société. Il n'est pas possible de faire une réforme de l'enseignement dans une
société sans projet de société. […].Il faut que cesse l'esclavage de la femme en
général, l'esclavage au foyer, l'esclavage aux champs, mais surtout cet autre
esclavage qui ne dit pas son nom, cet esclavage honteux, honteusement appelé le
plus vieux métier du monde, la prostitution. Prostituées de lutte d’hier, il faut donc
que cesse la prostitution mais que continue la lutte.143
Plus loin, on constate que la femme a réussi dans sa quête d’émancipation et la
véritable figure emblématique qui symbolise cette liberté n’est rien d’autre que la détentrice
du savoir du nom d’Ehua. Grâce à son rôle éminent dans le processus de libération. La page
734 en est une parfaite illustration :
Ainsi, à la demande renouvelée du peuple, malgré les lourdes charges que
continueraient à faire peser sur elle les exigences du fonctionnement complexe de
son école « BOSSON WAWOUE SOUKOUROU » Ehua accepta de venir assister
le Président Adoux dans ses fonctions en tant que Sage de la République, encouragée
par Priko Nehanda dont la science fut officiellement reconnue comme partie
intégrante du patrimoine national, son rôle d'initiatrice adopte et adapte.144
À travers cette illustration, nous constatons que le peuple à instaurer la démocratie
c’est-à-dire une liberté socio-politique où les décisions sont prises par le peuple.
Tout compte fait, la modernité dont ces femmes sont en quête se résume à
l’instruction et à l’égalité des sexes. Ayant toujours été en marge dans leur village ou dans
leur pays, elles cherchent absolument à abolir toutes les mœurs qui freinent leur
émancipation.

II.2. Les femmes modérées


Ce groupe incarne la femme africaine à la croisée de deux civilisations. À travers
l’éducation occidentale, elles sont sorties de l’enlisement des traditions, des superstitions et
de certaines mœurs. Elles ont appris à apprécier les autres civilisations sans toutefois renier
la leur. La narratrice Ramatoulaye représente l’exemple parfait de femme modérée. Ainsi,
s’adressant à Aïssatou, elle dit : « Habituée à vivre loin d’ici, tu voudras...table, assiette,
chaise, fourchette...Mais moi, je ne te suivrai pas. J’étalerai une natte. Dessus, le grand bol
fumant où tu supporteras que d’autres mains puisent. »145.

143
Jean-Marie Adiaffi, Op, Cit, p.726.
144
Jean-Marie Adiaffi, Idem, p.734.
145
Mariama Bâ, op.cit., p.130.

95
Néanmoins, tout en respectant l’aspect positif des traditions africaines, Ramatoulaye
dénonce ses aspects négatifs qui étouffent la femme en particulier et empêchent son
épanouissement. Pierrette Herzberger-Fofana pense à ce sujet que cette génération est
partisane de l’assimilation culturelle modernisée, qu’elle croit aux vertus de l’instruction qui
ouvrent les voies à un autre mode de pensée lui permettant de participer à l’édification de la
nation et partant à la formation des générations futures146.
En effet, du point de vue de cette génération, l’humanité serait plus pauvre si les
Africains devaient tous se transformer en Européens. Il est donc souhaitable que chacun
apporte quelque chose qui représente sa culture pour qu’on parle de « civilisation de
l’universel ». Dans un dialogue avec François Mauriac en 1960, Léopold Sédar Senghor
insistait sur la complémentarité des civilisations, sur la nécessité du métissage culturel :
Les grandes civilisations sont métisses. Il n’est pas question de détruire les
civilisations l’une par l’autre : il est question, en effet, d’intégration, d’assimilation
active et réciproque, de symbiose. Il ne s’agit de corrompre ni la civilisation
européenne ni les civilisations exotiques, de les faire dévier de leur ligne de force,
mais de faire une greffe, pour obtenir des fruits succulents parce que métis : d’aboutir
à un "accord conciliant" entre l’homme et la nature, et entre tous les hommes, entre
le sujet et l’objet, le mythe et le réel, l’acte et la pensée, la vie et la morale.147
Ceci
dit, face aux jeunes qui suivent aveuglement la modernité, Ramatoulaye les invite à ne pas
fuir complètement leur tradition. Elle conseille de chercher plutôt à agir sur elle tout en
sauvegardant ce qui est à sauver et en apportant quelque chose aux autres. Il ne s’agit donc
pas de tout accepter, mais de faire un choix car les coutumes sont faites pour servir les
hommes et les femmes et non pour les asservir.
Pour conclure la narratrice ne lutte pas contre toutes les coutumes africaines, elle
montre la nécessité pour la femme africaine de lutter contre les pratiques injustes typiques
de ces sociétés, celles qui freinent son épanouissement total. En effet, la lutte de Mariama
Bâ n’est pas dirigée contre l’homme, mais simplement se porte sur l’épanouissement de la
femme qui a trop longtemps souffert et qui souffre encore de l’amputation de ses libertés.
Elle se bat pour une complémentarité entre l’homme et la femme. Cette complémentarité
s’accorde avec le « féminisme africain » qui selon Bernard Founou-Tchuigoua est une
critique du fonctionnement de la société et revendique le recours au volontarisme politique

Herzberger-Fofana, P. Littérature Féminine Francophone d’Afrique Noire, Paris, L’Harmattan, 2000, p.27
146

Jean Rous : Léopold Sédar Senghor, la vie d’un président de l’Afrique nouvelle. Paris, Les éditions John
147

Didier, 1967, p. 96.

96
pour construire une société qui offre les mêmes opportunités d’épanouissement aux hommes
et aux femmes148.
La révolte contre la culture, comme expression de la liberté a été perçu par l
‘entremise des points de divergences du processus de libération à savoir la révolte des
opprimés chez Mariama Bâ et la révolution une arme de résistance et de dénonciation de
l'asservissement chez Jean-Marie Adiaffi. Cette révolte contre la culture a renforcé les
littérarités du corpus. Il en est de même pour l'image de la femme libre, qui a été mis en
exergue par son émancipation et sa modernisation. Ainsi, Une si longue lettre et Silence, on
développe restent deux romans majeurs, incontournables, sur le statut, le rôle important de
la femme dans l'acquisition de la liberté au sein des sociétés africaines. Il apparait que pour
Mariama Bâ et Jean-Marie Adiaffi que, c'est la femme qui est la racine fondamentale dans
la construction et le développement de toute société.

CONCLUSION PARTIELLE
Cette troisième partie de notre travail a consisté à analyser l’écriture oraliste comme
métaphore de la liberté dans Silence, on développe de Jean-Marie Adiaffi et Une si longue
lettre de Mariama Bâ. En référence aux éléments du texte et au savoir générique qui ont
déterminé l'horizon d'attente du lecteur, la réception de ces œuvres a mis en lumière la
manifestation de l'expression de la liberté dans la forme comme dans le fond. Cette
métaphore de la rhétorique de la liberté de l’écriture oraliste s'est réalisée d'une part à travers
La notion de la liberté en question. Cette liberté en question s'est établie par l'entremise de
l'approche définitionnelle de ladite notion et sa présence dans l'acte scripturaire chez
Mariama Bâ et Adiaffi. D'autres parts, les points de divergences du processus de la quête de
la liberté et l'image de la femme libre ont institué la révolte contre la culture, comme
expression de la liberté.
En somme la métaphore de cette liberté se déploie non seulement dans la manière
d'écrire qui constitue l‘aspect formel mais aussi dans le fond où ces deux auteurs prônent la
liberté, la démocratie et la liberté de la femme puisque, c'est elle qui est au-devant de la
Scène.

148
Bernard Founou-Tchuigoua : « féminisme arabe et africain », 2008 www.forumtiersmonde.net/.../index.
PHP ?239%3Afeminisme.

97
CONCLUSION GÉNÉRALE

La réflexion menée autour de la question de « l’écriture oraliste et la rhétorique de


la liberté dans Silence, on développe de Jean-Marie Adiaffi et Une si longue lettre de
Mariama Bâ » a pris en compte la narratologie, la stylistique et la sociologie. Ces théories
littéraires ont permis de mettre en scène les modes narratifs, les codes langagiers et les
configurations culturelles affectées par deux auteurs africains, Ivoirien et Sénégalais. Ainsi,
les ruptures de genres, de formes, de langue d’expression et d’idéologie concourent à
transcrire la liberté, mais également à structurer une forme de multiculturalisme dans
l’écriture romanesque.
Elle a d’abord, consisté à décrypter les canons de l’écriture oraliste. En effet,
l’analyse a mis en lumière les manifestations linguistiques et littéraires de l’oralité et formulé
les enjeux de cette écriture oraliste. Cette première approche a permis de montrer que
l’univers romanesque africain est bâti sur un modèle de narration littéraire marqué par le
genre oral et les pratiques oraliste. Le recours constant de ces deux auteurs aux éléments de
l’écriture oraliste nous permet de voir comment ils conservent la parole originelle en la fixant
par écrit.
Par ailleurs, l’analyse de la société textuelle a levé le voile sur des aspects de la
culture et du fonctionnement de la société sénégalaise avec Mariama Bâ ainsi que la
conception religieuse de la culture ivoirienne dans le récit de Jean-Marie Adiaffi.
L’investigation a montré comment la femme est perçue dans la société sénégalaise du point
de vue religieux et matrimoniale et mis en relief un aspect important de la culture africaine
à savoir : le fétichisme, les pratiques occultes ou ésotériques. Partant de ce prédicat, il est à
noter que Jean-Marie Adiaffi et Mariama Bâ ont mis en lumière les valeurs africaines sous
leurs aspects sombres comme lumineuses.
Il ressort donc de cette première approche de l’écriture oraliste que sous le couvert
de la démocratisation des règles de l’écriture romanesque, Jean-Marie Adiaffi et Mariama
Bâ organisent une idéologie sociale fondée sur la liberté, qu’elle soit matrimoniale ou
religieuse. C’est la culture africaine qui s’infiltre dans l’œuvre romanesque et est scrutée
dans ses rapports avec l’occident.
Ensuite, a fallu analyser l’onomastique et la culture comme des stratégies narratives et
stylistiques de l’affranchissement de l’écrivain. Ainsi l’onomastique chez ces auteurs a
fonction culturelle. Ces marques dénominatives font donc une liaison avec les cultures
sénégalaise (Wolof ) et la culture Akan (Agni). Cet examen a contribué à enrichir la

98
dimension culturelle des œuvres. Ainsi, ces auteurs utilisent cette stratégie narrative dans
l’optique de rechercher leur identité, non seulement pour affirmer leur particularité
anthropologique, socioculturelle, économique et politique dans le concert des nations, mais
aussi pour consolider leur conscience identitaire et faire face à leur propre histoire et à leur
destin. En effet, avoir une identité c'est d'une part, être établi comme une entité, un sujet non
interchangeable capable de répondre de lui-même, à autrui et à I'histoire,et d'autre part,
s’assumer comme tel. Dans ce cadre, les noms en langue constitue I ‘un des éléments
déterminants de la conscience, du processus de consolidation, d'affirmation identitaire.
Par la suite, le deuxième chapitre a été mis en exergue par la dominante narrative et
stylistique. Cela a été possible grâce aux marques textuelles. S’agissant de la dominante
narrative, elle s’est réalisé par les différentes postures du narrateur qui sont la forte
occurrence du narrateur homodiégétique, le narrateur hétérodiégétique, l’exploration de la
focalisation et l’intrigue, qui s’est articulée autour la focalisation interne, la focalisation
externe et la focalisation zéro ainsi que la rénovation de la mise en intrigue. En ce qui
concerne l’approche du système figuré, elle s’est réalisée grâce à la personnification,
l’apostrophe et la répétition. Ces procédés narratifs ont donnés non seulement une dimension
personnelle à l’histoire, transmis la vision unique du monde des écrivains mais aussi ces
éléments textuels ont contribué à la richesse et la diversité de la narration dans la mesure où
ils ont permis aux écrivains de transmettre des perspectives multiples, d’utiliser un langage
expressif et d’exprimer leurs opinions et leurs critiques sur les questions importante de la
société africaine.
Enfin, la troisième partie à traiter l’écriture oraliste comme métaphore de la liberté
dans Silence, on développe de Jean-Marie Adiaffi et Une si longue lettre de Mariama Bâ.
Cette partie du mémoire a également comporté deux chapitres comme les parties
précédentes. Le premier chapitre analysé dans cette partie s’ouvre sur la notion de la liberté
en question, qui constitue un atout favorable à la production romanesque africaine, tout en
étant au cœur de la narration et de l’écriture. Cette étude a été abordée par l’approche
définitionnelle de la liberté et la rhétorique de la liberté dans l’acte scripturaire chez Mariama
Bâ et Jean-Marie Adiaffi. Par la suite, le deuxième chapitre a été orienté sur les diverses
formes de révolte contre la culture et l’apport primordial de la femme dans l’acquisition de
la liberté. Aussi cette série d’éléments textuels nous ont permis de savoir que ces deux
œuvres prônent des libertés différentes. Chez Jean-Marie Adiaffi, on a une liberté politique,
une liberté socio-politique, une liberté qui vient de la démocratie, une liberté qui est contre
une liberté dictatoriale parce que N’da Fangan est l’expression de la dictature alors que N’da

99
Sounan représente l’image de la démocratie. Aussi, il tente d’imposer la vision religieuse.
En effet pour lui, la religion n’est pas seulement une religion gréco-catholique ou islamique,
il met en avant la culture africaine et cette culture africaine, qui est dirigée par une Prêtresse,
une féticheuse qui va instaurer la démocratie dans le pays appelé Assiéilédougou. Mieux, il
utilise le fétichisme , qui est un élément fondateur de la tradition africaine, de l’oraliste
africaine pour montrer que cet élément peut faire régenter la paix .À contrario chez Mariama
Bâ, il s’agit d’une liberté de la gente féminine. Son roman est assît sur la proclamation de la
liberté de la femme. Elle exige la mise en place des droits de la femme. Pour elle, il faut que
la femme rentre dans tous ses droits parce que très souvent, elle est brimée par des éléments
culturels qui permettent aux hommes de freiner son épanouissement. Mais toujours est-il que
dans Silence, on développe et Une si longue lettre, il s’agit d’une liberté sociale où la femme
joue un rôle crucial.
Eu égard de ce qui précède, nous pouvons retenir que dans ces œuvres : Silence, on
développe et Une si longue lettre, Jean-Marie Adiaffi et Mariama Bâ nous met devant une
situation dans laquelle, ils rendent hommage à la littérature africaine et à leurs cultures orales
en utilisant différents procédés littéraires comme les gestes graphiques qui sont utilisés pour
attirer l’attention du lecteur. Ainsi que la manière avec laquelle ils transcrivent l’oralité dans
le roman nous permet de voir comment ces derniers ont pu acquérir une certaine originalité
de leur écriture en langue française. C’est à juste titre que Nora- Alexandra Kazi Tani précise
dans cet extrait tiré de son œuvre intitulé Roman africain de lagune française au carrefour
de l’écrit et de l’oral :
Dans la manière dont cette frontière entre l’oral et l’écrit est transgressée que réside
l’originalité du roman africaine ce sens que l’’écriture africaine réalise la double performance
de donner l’illusion de la chaleur de la voix humaine et celle d’impliquer le lecteur entre le
ICI et le MAINTENANT des communications directes.149
Nous pouvons donc dire que, ce n’est pas par incapacité de produire des chefs d’œuvres que
les africains étaient attachés à leurs culture orale. Mais plutôt parce qu’ils ont vu que la
littérature orale est le lieu dans lequel ils peuvent briller.
Le but de notre recherche consistait avant tous à la littérarité qui se produit lors de
l’insertion de l’écriture oraliste dans l’œuvre de Jean-Marie Adiaffi et Mariama Bâ. Ainsi
nous avons voulu présenter la manière que les écrivains africains usent pour la revendication
de leurs spécificités culturelles. Ce travail nous a beaucoup aidés à bien saisir le sens exact
du concept de l’écriture oraliste. C’est un concept qui englobe et la parole et le geste.

149
Nora-Alexandra Kazi -Tani, Op. Cit, p.14.

100
Au sortir de ce travail, notons que les hypothèses présentées dès le départ ont été
effectivement vérifié. En effet, les procédés que nous avons examinées dans les œuvres
Silence, on développe de Jean-Marie Adiaffi ainsi qu’Une si longue lettre de Mariama Bâ
sont compatibles et répondent favorablement aux problèmes et aux hypothèses construit.
En conclusion, à partir de tout ce qui précédent, retenons que Jean-Marie Adiaffi et
Mariama BÂ ont pour message essentiel de nous exhorter à pérenniser et protéger notre
patrimoine culturel à travers l’écriture romanesque car c’est par le respect de notre culture
que nous pouvons nous libérer. Pour ces écrivains, il faudrait que la culture africaine se
décale de la culture occidentale qui en train de prendre le pas sur la nôtre.

101
INDEX DES AUTEURS

A I

ADAMA Coulibaly, 86
ADIAFFI Jean-Marie, 112 Innocent-Jourdain NOAH, 19
AHMADOU Kourouma, 40, 81, 113
J
ALIOUNE Diane, 67, 112
ALIOUNE Dieng, 67, 112, 115 JACK Goody, 33, 35
ANTOINE Lipou, 16, 17 JACQUES Chevrier, 32, 81, 83, 115
JEAN Dérive, 16, 34, 35, 113
B Jean-Marie ADIAFFI, 5, 9, 10, 11, 15,
BERNARD Founou-Tchuigoua, 106 16, 19, 21, 25, 26, 27, 28, 30, 36, 37,
BIANCA Pessoa, 98 38, 39, 46, 47, 48, 54, 56, 57, 58, 59,
BOUKHELOU Fatima,, 40, 113 65, 70, 73, 74, 80, 81, 82, 83, 84, 85,
86, 94, 95, 97, 99, 101, 103, 104, 106,
C
108, 109, 110, 111, 112, 113, 116, 121,
Calixte Beyella, 82 122, 123
JOSEPH-Roger, 23, 114
E

EHORA Effoh Clément, 71, 113 K


Emmanuel MOUNIER, 37 KASSI Koffi Jean-Jacques, 3, 112
KHELALFA Leyla, 40, 113

F M
Fatou DIOME, 82 MARIAMA Bâ, 4, 13, 15, 77, 121, 122,
123
Maurice BANDAMAN, 5, 71, 78, 83, 85,
G
86, 87, 113, 115
Gabriel Tiegnon TOLA, 56, 57 Miriam MURTUZA, 44
Georges MOLINIE, 11 Mouhamadou Kane, 30
Gérard GENETTE., 68
N

N’DA, Pierre, 83

102
Ngalassao-Mwatha, Musanji, 20 Seydou BADIAN, 103
NORA- Alexandra Kazi Tani, 110 Simone de Beauvoir, 43, 90
Sony Labou TANSI, 80
P

Paul RICŒUR, 70, 71 T

Pierre GUIRAUD, 11 Thomas Mofolo,, 58


TRO Dého, 7, 83, 84, 85, 87
R
TZVETAN Todorov, 114
Rangira BÉATRICE, 54, 55, 56, 112
U
S
Ursula BAUMGARDT, 16, 29, 35, 113
Semujanga, 22, 27, 28

103
INDEX DES NOTIONS

Culturelle 5, 6, 16, 19, 21, 29, 30, 33, 34,


A
38, 39, 40, 41, 46, 50, 52, 53, 55, 60,
Africain 22, 28, 85, 98 61, 66, 76, 96, 105, 109, 113, 122
Africaine 5, 8, 15, 16, 17, 20, 22, 23, 28,
29, 30, 31, 32, 34, 36, 37, 38, 39, 40, D

41, 46, 47, 48, 51, 54, 56, 59, 63, 65, Démocratie 56, 104, 107, 110
72, 73, 76, 78, 80, 83, 87, 88, 102, 105, Dictature 78, 94, 110
106, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, Dominante Narrative 65, 71, 76, 109
115, 116, 121, 122 Domination 9, 19, 45, 78, 88, 90, 96
Africains 5, 6, 7, 10, 12, 15, 17, 19, 22, Droit 44, 79, 88, 94, 95
24, 26, 27, 29, 30, 32, 34, 35, 37, 38,
E
39, 41, 44, 47, 48, 50, 51, 54, 58, 78,
81, 82, 88, 98, 109, 111, 113 Écriture 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 21,
Afrique 6, 11, 15, 19, 20, 24, 27, 29, 30, 24, 25, 26, 28, 29, 30, 32, 33, 34, 35,
31, 32, 34, 35, 37, 38, 39, 41, 46, 47, 36, 37, 38, 39, 48, 54, 56, 66, 68, 72,
51, 54, 56, 58, 66, 73, 80, 81, 94, 100, 73, 75, 78, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 93,
103, 105, 113, 114, 121 106, 108, 109, 110, 111, 113, 114, 115,
Agni 17, 20, 21, 22, 30, 38, 40, 48, 55, 56, 116, 121
58, 59, 85, 96, 109 Ecriture Oraliste 4, 13, 15, 77, 120, 121
Akan 22, 38, 55, 57, 65, 109 Esthétique 5, 6, 7, 8, 10, 17, 19, 24, 27,
Authentiques 51 30, 36, 37, 50, 53, 78, 83, 113, 115,
116, 121
C
F
Civilisation 5, 6, 8, 15, 27, 29, 30, 32, 35,
37, 38, 54, 87, 103, 105, 114 Femmes 42, 43, 44, 45, 81, 89, 91, 92, 93,
Culture 5, 6, 7, 8, 12, 15, 19, 21, 22, 28, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102,
29, 30, 31, 32, 34, 36, 37, 38, 39, 41, 104, 105, 106, 113, 123
42, 45, 46, 47, 48, 50, 54, 56, 57, 58, Fétichisme 47, 48, 108, 110
59, 60, 63, 64, 71, 72, 76, 87, 89, 105, Francophones 20, 50, 76, 78, 83, 84, 113,
106, 107, 108, 110, 111, 121 115

104
I Orale 5, 6, 7, 8, 10, 14, 15, 16, 18, 19, 27,
28, 29, 30, 31, 32, 34, 35, 36, 37, 38,
Identité 5, 7, 8, 19, 30, 32, 33, 36, 38, 39,
39, 41, 46, 51, 81, 83, 85, 100, 111,
41, 46, 50, 53, 56, 60, 61, 62, 76, 84,
113, 114, 116
85, 87, 89, 90, 92, 109, 116, 121
Orales 6, 19, 29, 30, 87, 110
Indépendance7, 16, 56, 79, 87, 88, 97, 99,
Oralité 6, 7, 8, 10, 11, 15, 18, 19, 22, 24,
100, 102, 103
28, 29, 30, 31, 32, 35, 36, 37, 38, 39,
Islam 42, 43, 63, 64
40, 66, 83, 108, 110, 113, 114, 115,
Ivoirienne 38, 47
121
L Originalité 84, 85, 108, 110

Langue 9, 12, 16, 17, 19, 20, 21, 22, 23, Ouest-Africains 10, 51, 109

26, 29, 30, 31, 33, 35, 38, 40, 42, 48,
P
51, 54, 56, 57, 59, 61, 63, 65, 66, 68,
Poétique 5, 7, 25, 50, 52, 66, 71, 72, 73,
71, 72, 74, 75, 76, 78, 84, 85, 86, 87,
74, 75, 81, 114, 116, 122
100, 109, 110, 113, 114, 115, 122
Politique 8, 19, 23, 38, 43, 81, 88, 96, 99,
Libération 36, 38, 78, 82, 88, 91, 92, 95,
102, 104, 106, 109, 110
97, 104, 106, 123
Postmoderne 78, 83, 86, 114, 115
Liberté 5, 6, 7, 8, 9, 12, 14, 17, 18, 25, 26,
37, 41, 45, 62, 76, 78, 79, 80, 81, 82,
R
83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92,
Religion 31, 39, 41, 42, 44, 45, 46, 61, 63,
93, 94, 95, 104, 106, 107, 108, 109,
64, 85, 108, 110, 121
122
Révolte 38, 71, 81, 87, 89, 90, 91, 93, 94,
Lutte 41, 56, 59, 61, 78, 88, 93, 94, 95,
106, 107, 110, 123
97, 98, 104, 106
Révolution 87, 94, 95, 97, 101, 106, 123
N Rhétorique De La Liberté 8, 78, 106, 110
Romanciers 5, 7, 8, 10, 15, 24, 28, 35, 36,
Narrative 10, 11, 31, 48, 50, 55, 64, 68,
37, 66, 76, 82, 84, 85, 86, 87, 108, 109,
69, 70, 71, 76, 83, 108, 109
113, 116
O
S
Occidentale 5, 20, 27, 63, 83, 87, 103,
Scripturaire 6, 11, 24, 28, 29, 36, 78, 82,
105, 108, 111
84, 85, 86, 106, 108, 110, 122
Onomastique 11, 50, 51, 52, 53, 54, 55,
Senegalaise 38
58, 59, 60, 61, 64, 76, 108, 114, 122

105
Société 6, 9, 11, 15, 17, 28, 29, 30, 31, 33, T
34, 36, 38, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 52, Tradition 6, 7, 8, 10, 14, 19, 27, 28, 29,
57, 58, 59, 60, 61, 63, 70, 79, 80, 81, 30, 31, 34, 36, 37, 38, 39, 41, 42, 45,
87, 90, 102, 103, 104, 106, 108, 109, 46, 47, 48, 51, 60, 63, 71, 83, 89, 90,
121 91, 94, 100, 102, 103, 105, 110
Stylistique 10, 11, 12, 37, 50, 64, 75, 76,
108, 109, 114 W

Wolof 38, 40, 63, 109

106
BIBLIOGRAPHIE

I. CORPUS
 ADIAFFI ADÉ Jean-Marie (1992), Silence, on développe, Abidjan, Vallesse,
 BÂ Mariama, Une si longue lettre, Dakar, NEA, 1979.

II. AUTRES ROMAN DES AUTEURS ETUDIÉS


 ADIAFFI Jean-Marie, Les naufragés de l’intelligence, Abidjan, CEDA, 2000.
 , La carte d’identité, Abidjan, CEDA, 1980.
 BÂ Mariama, Un chant écarlarte, DAKAR, Les Nouvelles Editions Africaines du
Sénégal, 2005.

III. AUTRES ROMANS CITÉS


 BADIAN Seydou, Sous l’orage, Paris, présence africaine,1957.
 BANDAMAN Maurice, Le-Fils-de-la-femme- mâle, Paris, L’Harmattan, 1993.
 BEYALA Calixthe, Assèze l'africaine, Paris, Éditions Albin Michel, 1994.
 KOUROUMA Ahmadou, En attendant le vote des bêtes sauvages, Paris, Seuil, 1998.
 KOUROUMA Ahmadou, Les Soleils des indépendances, Paris, Seuil, 1968.
 SENGHOR Léopold Sédar, Lettres D'hivernage, Paris, éditions du Seuil,
1973.
 TANSI Sony Labou, La Parenthèse de sang, Paris, Hatier, coll. « Monde noir
poche », 1981.
 TANSI Sony Labou, L’État honteux, Paris, Seuil, 1981.

VI. OUVRAGES ET ÉTUDES CRITIQUES SUR LES AUTEURS ET LEURS


ŒUVRES.
 Alioune Diane, « Société, polygamie et fabrication du littéraire dans Une si longue
lettre de Mariama Bâ », Interfrancophonies, n° 11, Tome 2, Survivances, Modernité
et Écriture dans la littérature francophone, 2020, pp. 35-56. .
 GALLIMORE Rangira Béatrice, l’œuvre romanesque de Jean-Marie ADIAFFI, le
mariage du mythe et de l’histoire, fondement d’un récit pluriel, Paris, L’Harmattan,
1996.

107
 MUSANJI Ngalassao-Mwatha, « De Les Soleils des indépendances à En attendant
le vote des bêtes sauvages. Quelle évolution de la langue ? », Littératures
francophones. Langue et style. Paris : L’Harmattan, 2001, p.37.
 Pierre NDA, L’écriture romanesque de Maurice Bandaman ou la quêté d'une
esthétique africaine moderne, Paris, L'Harmattan, 2003.
 TRO Dého Roger, « La littérature orale et la rhétorique du mensonge dans Silence,
on développe de Jean-Marie Adiaffi »,, in Trans-n7 de l'université de Paris 3, Paris,
Hivers 2009, pp.

V. OUVRAGES ET ÉTUDES SUR LE SUJET TRAITÉ


 EHORA Effoh Clément, « Les « “nouveaux habits” de l’oralité chez les romanciers
ouest-africains de la seconde génération », in Ursula Baumgardt et Jean Dérive (dir),
littérature africaine et oralité, Karthala, 2013.
 KHELALFA Leyla et BOUKHELOU Fatima, « Hybridité langagières : stratégies et
enjeux de l’oralité dans la littérature postcoloniale le cas d’Ahmadou Kourouma »,
Aleph, 2021, pp.149-163.
 TRO Dého Roger, Création romanesque négro-africaine et ressources de la
littérature orale, Paris , L'Harmattan, 2005.

VI. OUVRAGES ET ÉTUDES SUR LE DOMAINE OU LE GENRE CONCERNÉ


 CIXOUS Hélène, « Le rire de la méduse. » La Grief des femmes : Vol. 2 : Anthologie
de textes Féministes du second empire à nos jours, 1978, pp.307-313.
 COULIBALY Adama, « discours du sexe et du postmodernisme littéraire africain »,
Présence francophone, Revue internationale de langue et de littérature n•65,
Sherbrook, Québec, 2005, p.218.
 DABLA Sewanou Jean-Jacques, Nouvelles écritures africaines: romanciers de la
seconde génération, Paris: L’harmattan, 1986.
 HERZBERGER-Fofana, Pierrette, Littérature Féminine Francophone d’Afrique
Noire, Paris, L’Harmattan, 2000.
 KAZI –TANI Nora-Alexandra, roman africain de langue française au carrefour de
l’ecrit et de l’oral (Afrique noire et Maghreb), Paris, L’Harmattan, 1995.
 LIPOU Antoine, « Normes et pratiques scripturales africaines », Diversité culturelle
et linguistique : Quelles normes pour le français ? AUF, 2001.

108
 N’DA Pierre « Le sexe romanesque comme moteur et enjeu de l’écriture
postmoderne », le postmodernisme dans le Roman africain. Formes, enjeu et
perspectives, Paris, L’harmattan, 2011, p.73-89.
 ROUS Jean, Léopold Sédar Senghor, la vie d’un président de l’Afrique nouvelle.
Paris, Les éditions John Didier, 1967.
 SEMUJANGA Josias, Dynamique des genres dans le roman africain. Paris :
L’Harmattan, 1999.
 SENGHOR Léopold Sédar, Liberté 1. Négritude et civilisation de l’Universel, Seuil,
Paris 1977.
 TISSIÈRE Hélène, Écritures en transhumance entre Maghreb et Afrique
subsaharienne : littérature, oralité, arts visuels, Paris, l’Harmattan, 2007.

VII. OUVRAGES DE MÉTHODOLOGIE DE THÉORIE ET DE CRITIQUES


LITTÉRAIRES
 BAKHTINE Mikhaïl, Esthétique et théorie du roman, Paris : Gallimard, 1978.
 GENETTE Gérard, Figures III, Paris, seuil, 1972.
 GENETTE Gérard, Nouveau discours du récit, Paris, seuil, 1983.
 GUIRAUD Pierre, Essais de stylistique, problèmes et méthodes, K1incksieck, Paris,
1969.
 MOLINIÉ Georges, Éléments de stylistique française, PUF, Paris., 1986.
 TZVETAN Todorov, « les catégories du récit littéraire », in communications 8,
Recherches sémiologiques : L’analyse structurale du récit, 1966.
 TZVETAN Todorov, Grammaire du Décaméron. The Hague, Paris : Mouton, 1969.

VIII. OUVRAGES GÉNÉRAUX


 BAUMGARDT Ursula et DÉRIVE Jean, Littérature orale africaine, perspectives
théoriques et méthodologiques, Paris, Karthala, 2008,
 Benoist, (de), Joseph-Roger et KANE Hamidou. 1998. Léopold Sédar Senghor.
Paris. Editions Beauchesne. Volume 14 de Politiques & chrétiens. 1998.
 BILOA Edmond, La langue française au Cameroun, Berne : Peter Lang, 2003.
 DE BEAUVOIR Simone, Le deuxième sexe. Mayenne, L’imprimerie Floch, 1952.
 François Rigollot, poétique et onomastique, l’exemple de la renaissance, Genèse
libre, Droz, 1977.
 Gauvin Lise, L’écrivain francophone à la croisée des langues. Paris. Khartala. 1997.

109
 GOODY Jack, La raison graphique. In Oralité, écriture : Quels enjeux pour quels
enseignements ? de François Thévenet, Rhône-Alpes, Mémoire, promotion 2010
2012.
 KANE Mouhamadou in, Que reste-t-il de l’oralité dans la littérature africaine
contemporaine ? De RAMCY KABUYA, Revue d’Études Françaises No18, 2013
 Maurice Grevisse, Le Bon Usage, Paris, Duculot-Hatier, 1969.
 MOUNIER Emmanuel, La littérature négre de Jacques Chevrier, Paris, Armand
Colin, 2008.
 TOLA Gabriel Tiegnon, africanité et littérature francophone : enrichissement ou
appauvrissement de la langue française, Abidjan, École Normale Supérieure, 2020.

IX.THÈSES ET MÉMOIRES
 CHORFI Samira, Oralité et littérature africaine, cas de La Folie et la Mort de Ken
Bugul, Mémoire de master (sous la direction de professeur Attef BOUZIDI), Algérie,
Université Larbi Ben M'hidi - Oum El Bouaghi, 2015.
 TRO Dého Roger, Poèmes et chansons dans l’écriture des romanciers de l’univers
mandingue : entre esthétique de l’identité et poétique transculturelle. Thèse de
Doctorat d’Etat, (dir. Pierre N’da), Université d’Abidjan-Cocody, Côte d’Ivoire,
2010.

X. LES SITES ET RESSOURCES INTERNET


 BATTESTINI Simon, « Ecriture et Textes, Contribution africaine », les presses de
l’Université Laval, Présence africaine, Québec et Ottawa, 2ême trimestre [en ligne]
https://books.google.com/books?isbn=276377508, consulté le 27/03/2023
 Claude-Lévi Strauss, Triste Tropiques, Mémoire de Magister, consulté le 27/03/2023
disponible à http://www.site-magister.com/levistrauss.htm
 DIANE Alioune, « Société, polygamie et fabrication du littéraire dans Une si longue
lettre de Mariama Bâ » dans Interfrancophonies, n° 11, Tome 2, Survivances,
Modernité et Écriture dans la littérature francophone, Alioune Dieng et Anna Paola
Soncini Fratta, éd., 2020, p. 35-56, www.interfrancophonies.org.
 FOUNOU-TCHUIGOUA Bernard : « féminisme arabe et africain », 2008
www.forumtiersmonde.net/.../index. PHP ?239%3Afeminisme.
 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais-monolingue

110
 N’DA Pierre. Le baroque et l’esthétique postmoderne dans le roman négro-africain
: le cas de Maurice Bandaman In : Nouvelles écritures francophones : Vers un
nouveau baroque ? [en ligne]. Montréal : Presses de l’Université de Montréal, 2001
(le 03 juin 2023). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pum/9578>. ISBN : 9791036502118. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.pum.9578.
 OMOLEGBE Affin Laditan, « De l’oralité à la littérature : métamorphoses de la
parole chez les Yorubas », Semen [En ligne], 18 | 2004, mis en ligne le 02 février
2007, consulté le 25 avril 2023. URL:
 TRO Dého Roger, “ La littérature orale et la rhétorique du mensonge dans «
Silence, on développe » de Jean-Marie Adiaffi”, TRANS- [Online], 7 | 2009,
Online since 06 February 2009, connexion on 18 August 2022. URL:
http://journals.openedition.org/trans/296 ; DOI https://doi.org/10.4000/trans.29

XI.DICTIONNAIRES SPÉCIALISÉS
 Dictionnaire autodidacte
 Dictionnaire de français Larousse
 Dictionnaires Encyclopédies Academic
 Grand Robert, dictionnaire universel des littératures, Paris, Éditions PUF, 1994,
volume 3.
 Le dictionnaire du littéraire.
 Le Grand Robert

111
TABLE DES MATIÈRES
DEDICACE ............................................................................................................................ I

REMERCIEMENTS ............................................................................................................ II

SOMMAIRE ........................................................................................................................ III

INTRODUCTION GÉNERALE ........................................................................................ 1

PREMIÈRE PARTIE : L’ÉCRITURE ORALISTE : DÉCRYPTAGE ET


CANONISATION CHEZ JEAN-MARIE ADIAFFI ET MARIAMA BÂ .................... 8

CHAPITRE I : LA DYNAMIQUE NARRATIVE DE L’ÉCRITURE ORALISTE DANS


SILENCE, ON DÉVELOPPE DE JEAN-MARIE ADIAFFI ET UNE SI LONGUE LETTRE
DE MARIAMA BÂ ............................................................................................................ 10

I. les manifestations linguistiques et littéraires de l’oral dans le roman de Jean-Marie


Adiaffi et Mariama Bâ ..................................................................................................... 10

I.1.La présence des traits intonationnels .......................................................................... 11

I.2. Des allongements vocaliques. ................................................................................... 11

I.3. Les répétitions aspectuelles ....................................................................................... 12

I.4. Le suremploi des déictiques ...................................................................................... 12

II. Pratiques de l’oralité dans Silence, on développe de Jean-Marie et Une si longue lettre
Mariama Bâ...................................................................................................................... 14

II.2. Les emprunts lexicaux et le jeu langagier ................................................................ 17

II.3. Les normes poétiques et dramaturgiques dans la prose de Jean-Marie Adiaffi ....... 19

II-Les proverbes et les chants dans la prose..................................................................... 21

III. L’oralité dans le scripturaire ...................................................................................... 22

III.1. Le phénomène de l’oralité en Afrique .................................................................... 23

III.2.la notion de l’écriture selon les théoriciens.............................................................. 26

IV. Les Enjeux De La Transcription De L’écriture Oraliste ........................................... 29

IV.1. L’apport authentique et esthétique de l’oralité dans le roman africain .................. 29

IV.2. La connaissance et la promotion de la culture ........................................................ 30

IV.3. L’écriture oraliste : marqueur d’identité et de résistance ....................................... 31

112
IV.4. L’écriture oraliste : une déconstruction monolinguismes pour un discours
hététolinguismes. ............................................................................................................. 32

CHAPITRE II : LES DIFFÉRENTES APPROCHES QUI FÉCONDENT LA CULTURE


............................................................................................................................................. 34

I. La société sénégalaise dans une si longue lettre de Mariama Bâ ................................. 34

I.1. La culture, religion et croyance sénégalaise .............................................................. 35

I.2.La conception du mariage et l’islam........................................................................... 36

I.3. La condition féminine dans une si longue lettre de Mariama Bâ .............................. 37

II-La culture chez Jean-Marie Adiaffi ............................................................................. 38

II.1. La conception théologique selon Jean-Marie Adiaffi .............................................. 39

II.2. La conception du fétichiste et son utilisation dans la culture africaine .................... 39

II.3. Les pratiques de divination et la communication avec les esprits............................ 40

DEUXIÈME PARTIE : ONOMASTIQUE ET CULTURE : STRATÉGIES


NARRATIVES ET STYLISTIQUES DANS SILENCE, ON DÉVELOPPE DE JEAN-
MARIE ADIAFFI ET UNE SI LONGUE LETTRE DE MARIAMA BÂ .................... 42

CHAPITRE III : L’ONOMASTIQUE CHEZ LES ÉCRIVAINS OUEST-AFRICAINS 44

III. L’onomastique chez Jean-Marie Adiaffi : comme expression de son africanité ...... 47

III.1. La connotation idéo-culturelle de l’anthroponyme : expression de la dualité dans


l’onomastique................................................................................................................... 48

III.2.les personnages zoomorphiques............................................................................... 50

III.3. Les noms des objets ou choses ............................................................................... 51

IV. Étude onomastique dans Une si longue lettre de Mariama Bâ .................................. 52

IV.1. Les personnages anthroponymes ............................................................................ 53

IV.2. Les toponymes dans l’œuvre de Mariama Bâ......................................................... 54

IV.3. Étude des mots et expressions ................................................................................ 56

CHAPITRE IV : LA DOMINANTE NARRATIVE ET STYLISTIQUE DE LA


CULTURE ........................................................................................................................... 58

I. Les différentes postures du narrateur ........................................................................... 58

113
I.1.La forte occurrence du narrateur homodiégétique ...................................................... 58

I.2.Le narrateur hétérodiégétique dans Une si longue lettre de Mariama Bâ .................. 59

II. Exploration de la focalisation et l’intrigue .................................................................. 60

II.1. La focalisation interne dans la lettre de Mariama Bâ ............................................... 60

II.2. La focalisation zéro .................................................................................................. 61

II.4. La rénovation de la mise en intrigue ........................................................................ 62

III. Le système figuré : une méthode poétique et rhétorique de la culture ...................... 63

III.1. L’utilisation de la personnification dans le récit des écrivains ............................... 64

III.2. L’apostrophe ........................................................................................................... 65

III.3. La répétition ............................................................................................................ 66

TROISIÈME PARTIE : L’ÉCRITURE ORALISTE COMME MÉTAPHORE DE LA


LIBERTÉ DANS SILENCE, ON DÉVELOPPE DE JEAN-MARIE ADIAFFI ET UNE
SI LONGUE LETTRE DE MARIAMA BÂ ................................................................... 69

CHAPITRE V : LA LIBERTÉ EN QUESTION ............................................................... 71

I. Définition de la liberté .................................................................................................. 71

I.1.La liberté chez les écrivains ....................................................................................... 72

I.2. Le thème de la liberté dans la littérature ouest-africaine d’expression française. ..... 72

II. La rhétorique de la liberté dans l’acte scripturaire chez Mariama Bâ et Adiaffi ........ 74

II. 1. L’intergénéricité : un carrefour des genres littéraires ............................................. 74

II.2. Le recours à la diglossie textuelle ............................................................................ 76

II.3. La transgression du code langagier .......................................................................... 77

CHAPITRE VI : LA RÉVOLTE CONTRE LA CULTURE, COMME EXPRESSION DE


LA LIBERTÉ ...................................................................................................................... 80

I. Les points de divergence du processus de libération .................................................... 80

I.1. La révolte des opprimés chez Mariama Bâ ............................................................... 81

I.2. La révolution chez Jean-Marie : une arme de résistance et de dénonciation de


l’asservissement ............................................................................................................... 86

II. L’image de la femme libre .......................................................................................... 93

114
II.2. Les femmes modérées .............................................................................................. 95

CONCLUSION GÉNÉRALE........................................................................................... 98

INDEX DES AUTEURS ................................................................................................... 102

INDEX DES NOTIONS .................................................................................................... 104

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ 107

TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................. 112

115

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