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LITTÉRATURES ORALES AFRICAINES


PLAN DU COURS
0. INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. Problématique de terminologie
2. Problématique d’ordre terminologique
3. Intérêt pour la littérature orale africaine
4. Champ conceptuel de la tradition orale
5. Importance sociale de la littérature orale
6. Apprentissage de la littérature orale

Chap I. CRITÈRES DE CATÉGORISATION DES GENRES LITTÉRAIRES DE LA

LITTÉRATURE ORALE

1.1Terminologie des usagers


1.2L’attitudes des usagers et les caractéristiques d’exécution
1.3La nature ou la composition du genre
1.4Les modes de transmission et circulation des textes littéraires oraux.
1.5La forme du texte et la technique de création.
1.6Le rôle du texte ou sa fonction sociale.

Chap II. DÉFINITIONS CLASSIQUES DES GENRES LITTÉRAIRES


2.1. La poésie africaine
2.1.1 Les genres mineurs
2.1.2 Les devinettes
2.1.3 Les énigmes, le logogriphe et la charade
2.1.4 Les comptines
2.1.5 Les proverbes
2.1.2 Les genres poétiques majeurs
2.1.2.1 La poésie pastorale
2.1.2.2 Les poèmes récits et les fables chantés
2.1.2.3 La poésie ésotérique
2.1.2.4 Le jeu des questions réponses
2.1.2.5 Le langage télécommuniqué
2.1.2.6 La chorégraphie
2.2 La littérature narrative
2.2.1 Les genres majeurs simples
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2.2.1.1 Les mythes


2.2.1.2 La légende
2.2.1.3 Les récits historiques
2.2.1.4 Les récits étiologiques
2.2.1.5 Les fables
2.2.1.6 Les fabliaux
2.2.1.7 Les contes populaires
2.2.2 Les genres majeurs complexes
2.2.2.1 Les champs
2.2.2.2 Les épopées
2.2.2.3 L’éloquence judiciaire
2.2.2.4 Le théâtre traditionnel

Chap. III. PRINCIPES ET MÉTHODES DE RECHERCHE EN LITTÉRATURE


ORALE
3.1 La collecte des données
3.2 Quelques méthodes ou approches de la littérature orale
3.2.1 L’approche structurale
3.2.2 L’approche thématique
3.2.3 L’approche fonctionnelle
3.2.4 L’approche archétypale
3.2.5 L’approche métafolklorique
3.2.6 L’approche actancielle du conte

Chap. IV. DE LA LITTÉRALITE À LA LITTÉRATURE


4.1 La stylistique de l’impression
4.2 La stylistique de l’expression
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0. INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. PROBLÉMATIQUE DE TERMINOLOGIE

Etymologiquement, littérature signifie ‘’ tout ce qui est écrit’’. Si l’on


reconnait au terme littérature son sens étymologique, l’expression littérature
orale renfermerait une contradiction et serait même une ambiguïté. En effet,
littérature vient du latin ‘’litera’’ c’est-à-dire ce qui est écrit. Le qualificatif oral
renvoie, lui, à ce qui est dit par la parole. Si on s’en tient à ces deux étymons,
tout ce qui est écrit serait appelé littérature.

Mais au cours des siècles, la signification du terme littérature a évolué. Il est


venu à signifier ‘’usage esthétique de la parole et du langage’’. La littérature est
une extériorisation du moi intérieur. Cette extériorisation peut être soit orale soit
écrite. Dans cette acception, l’opposition primaire entre littérature et oralité
s’estompe. On peut d’ailleurs affirmer avec Francis BEBEY : « L’écrit n’existerait
pas si l’homme n’avait pas exprimé d’abord oralement ce qu’il ressentait. L’écrit
n’est rien d’autre que la photographie du verbe, de la parole, pour construire la
pensée. »

L’oralité peut se définir négativement comme une absence de de l’écriture.


Positivement, elle est la maitrise et l’emploi efficace et productif de la parole.
Plusieurs appellations ont, en effet, vu le jour pour désigner la littérature orale.
Parmi elles on peut citer folklore, art verbal, littérature non écrite, littérature du
peuple, littérature primitive, etc. Ce terme ‘’folklore’’ signifie à la fois l’objet et la
science. Comme objet, il signifie ensemble de chansons, danse, contes,
proverbes, c’est-à-dire les éléments de l’oralité sur lesquels vont porter une série
de réflexions. Bref, toutes les manifestations artistiques d’un peuple. Comme
science, c’est-à-dire science des traditions, des mœurs, des civilisations
matérielles et intellectuelles d’un peuple ou des peuples.

BIBLIOGRAPHIE

0.2 PROBLÈMES D’ORDRE BIBLIOGRAPHIQUE

Où trouver les données sur la littérature orale ? Les données ne peuvent être
trouvées que quand on fait une descente sur le terrain. Mais elles peuvent
également être trouvées dans des bibliothèques ou des centres de recherche. On
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peut aussi consulter les vieux ou les griots. Dans les bibliothèques, on
cherchera particulièrement les périodiques ou les annales. Il existe plusieurs
périodiques portant sur la littérature orale et les cultures africaines. On peut
citer par exemple :

 Congo Afrique qui publie depuis 1960 diverses données sur l’Afrique.
En 1972, cette revue a changé de nom pour devenir Zaïre Afrique mais
depuis 1997, elle revenue à l’ancienne dénomination.
 Les Nouvelles Rationalités Africaines(NORAF). C’est une revue qui
publiait des données sur la culture africaine depuis 1935 mais a cessé
de paraître.
 Aequatoria qui était publié à Tervuren entre 1938-1962 et depuis
1982.
 On peut consulter les dictionnaires et les bibliographies portant sur
l’Afrique.

Exemple : BALANDIER G. et MAQUET J., Dictionnaire des civilisations


africaines

 On peut également consulter quelques ouvrages généraux comme celui


de

MAQUET J., Les civilisations noires.

CALAME GRIAULE G., projet de questionnaire pour l’enquête sur le style oral de
conteurs traditionnels, CNRS, Paris, 1974.

DOGBE Y. Contes et légendes du Togo, Paris, 1981.

Coupez A. et KAMANZI T., Littérature de cour au Rwanda, Oxford, London


press,1970

BAUMGARDT Ursula et DERIVE J., Littératures orales africaines, Perspectives théo-

riques et méthodologiques, Paris, Karthala, 2008.

BIGIRIMWAMI A., Proverbes, devinettes, dictons, Nyundo, 2004,2èm édition.

CALVET, J. –L., La tradition orale, Paris, PUF, 1997.

CHEVRIER, J., L’arbre à palabre, Essai sur les contes et récits traditionnels de l’Afri-
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que noire, Paris, Hatier international, 2006.

FINNEGAN, Ruta, Oral literature in Africa, Nairobi, Oxford University press, 1998.

Abbé KAGARAGU, Emigani bali Bantu, Recueil de proverbes en mashi, Bukavu, sd


1976
KISTA, D., Proverbes et maximes des Bahunde, Paris, l’Harmattan, 1998.
NGAL, G., Littératures congolaises de la RDC :1482-2007, Paris, l’Harmattan, 2008.
Notre libraire, Langues, langages, inventions, Nº159, juillet-septembre 2005.
D’une manière générale, lorsqu’on entreprend une démarche en littérature
orale, on se heurte aux problèmes de la bibliographie et dans de nombreux cas, le
chercheur se présente comme un véritable pionnier. Cependant, de plus en plus, les
écrits s’accumulent. On peut citer comme lieu de culture des centres de recherche
tels que CERUKI, CERDAF, CRSN, et des bibliothèques.

0.3 INTÉRÊT POUR LA LITTÉRATURE ORALE AFRICAINE

Depuis la nuit des temps, les peuples africains qui parlent plusieurs langues
véhiculent les différents degrés de réalisations verbales. Ces réalisations constituent
le support des valeurs et des connaissances diverses et elles ont ainsi suscité un
intérêt évident à travers le monde.

Pour nous Africains, cet intérêt est naturel. Quant aux autres nations qui
sont entrés en contact avec les peuples africains, leur intérêt pour la littérature
orale africaine est lié à plusieurs raisons. Les Européens par exemple se sont
intéressés à la littérature et à la culture africaine d’abord pour le besoin de l’action
colonisatrice. Il était nécessaire pour eux de connaitre ces peuples avec lesquels ils
allaient désormais entretenir des relations diverses. Et chaque nation européenne
avait un intérêt particulier correspondant à sa politique coloniale.

2. LES BELGES

Pour les Belges, le premier but qui les pousse à étudier les genres oraux
africains semble être celui d’illustrer l’enseignement religieux des missionnaires,
c’est-à-dire l’évangélisation, l’enseignement tout court et l’administration. C’est
ainsi qu’au Congo Kinshasa, au Rwanda et au Burundi qui étaient des colonies
belges d’Afrique, les langues et les littératures furent très tôt récoltées. Ainsi
furent créés dans la métropole comme dans les colonies plusieurs centres et
revues qui publiaient régulièrement des données des cultures africaines. Parmi
ces initiatives de création, on peut citer :
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a). Dans la métropole

 La revue Congo créée en 1920. Cette revue a publié plusieurs contes,


fables, proverbes, légendes et autres textes oraux. Cette revue a cessé
de paraitre depuis 1940.
 Sous le nom de ‘’bibliothèque Congo’’ fut créée une collection
ethnographique qui publia de 1923 à 1959, 35volumes dans lesquels
parurent des textes littéraires traditionnels.
 Congo overzee, revue créée à Gand en 1934 et qui disparait en 1959. A
cette époque fut créée en Belgique une commission chargée de la
protection des Arts et Métiers Indigènes(COPAMI). Cette commission
fut créée en 1953 et entreprit au Congo une collection systématique
des œuvres orales.

La période d’après la guerre connut une régression d’activités. Mais grâce à


la création de l’Académie Royale des sciences d’Outre-mer et surtout grâce à
l’ouverture en 1951 du Musée Royal de l’Afrique centrale à Tervuren, il y eut encore
un regain d’activités. Dans ce musée existe une section de Département de
Linguistique et d’ethnologie qui publie régulièrement des textes oraux.

b). Dans la colonie

Plusieurs périodiques parurent. Les plus importants furent :

 Aequatoria publié à Mbandaka.


 Les Bulletins de CEPSI (centre d’étude des problèmes sociaux
indigènes). Ce bulletin, fondé à Elisabethville en 1944 devient en 1957
centre d’étude des problèmes des congolais et à partir de 1971 CEPZ,
Zaïrois.
 Au Rwanda il y avait la revue Kinyamateka
 Au Burundi, Temps nouveau.
 Nyonga, revue publiée à Elisabethville. C’était un hebdomadaire
original parce qu’on le publiait en français, en kiswahili et en Ciluba
mais l’hebdomadaire n’a duré qu’une année de 1934-1935.
 Brousse, fondée à Léopoldville en vue de soutenir l’action de la
COPAMI.
 La voix du Congolais. C’était un mensuel créé en 1945. L’accession du
Congo à l’indépendance en 1960 diminua quelque peu cet intérêt de
l’Etat belge aux œuvres de l’oralité. Pendant ce temps, une nouvelle
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génération de chercheurs congolais formés dans les instituts et


universités du pays commença à s’intéresser à la littérature orale.
3. LES FRANÇAIS
Contrairement à la Belgique, la France dont l’objectif était d’assoir la
colonisation, pratiquait une politique éducationnelle visant la formation
d’une élite assimilée. Et de ce fait, elle s’est intéressée aux littératures
traditionnelle que très tardivement et par des motivations d’ordre strictement
scientifique. Les Français, eux, déconsidéraient la culture africaine. Ils
visaient l’assimilation des colonies à leur culture. Toutefois on peut citer
quelques chercheurs isolés qui se sont intéressés à la tradition orale.
 ROBERT CORNEVIN, Littérature d’Afrique noire de langue française.
Dans cet ouvrage consacré à la littérature française en Afrique noire,
l’auteur consacre le 2èm chapitre à la littérature orale africaine.
 BARON ROGER, fables sénégalaises recueillies en Wolof et mises en
vers en français.
 FRANCOIS-Victor EQUILBECQ. Pendant 13ans de séjour en Afrique
française, ce chercheur a réuni une quantité impressionnante des
textes oraux du Sénégal, de la Guinée, du Mali, du Burkina-Faso. Il a
en outre mis au point une méthodologie de collecte des données et a
attiré l’attention du public de mettre par écrit les données de l’oralité.

Mais l’intérêt de la France s’est manifesté aussi dans la création des


revues et organismes de recherches en tradition orale. On peut citer :

a). Revues

 Revue de tradition populaire publiée à Paris.


 Revue d’Outre-mer publiée à Paris.
 En 1916, le gouvernement français fonde à Dakar un comité d’étude
historique et scientifique de l’Afrique occidentale française (AOF). Ce comité
est chargé de coordonner les recherches sur les traditions orales et publie les
annuaires et les mémoires. Les annuaires et les mémoires seront remplacés
en 1938 par le Bulletin de l’Institut Français de l’Afrique Noire. Toujours à
Dakar, une revue voit le jour en 1939 sous le nom de notes africaines.

D’autres colonies ne sont restées en retard. C’est ainsi qu’à Brazza ville, on publie le
bulletin de recherches congolaises.

b). Organismes
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 ORSTOM : Office de la Recherche Scientifique et Technique d’Outre-mer.


 LACTO : Laboratoire des langues et Civilisations à Tradition orale.
 CNRS : Centre National de Recherches Scientifiques.
D’autres pays européens s’intéressent aussi à la littérature orale africaine.
On peut citer.
 L’Allemagne qui joue un grand rôle avec la 1 ère anthologie de littérature orale
connue. C’est l’œuvre d’un a Allemand, SEIDEL August, Contes et chants des
Africains (1895). Le 2ème est d’un autre Allemand LEO FROBENIUS publié en
1930.
 Entre 920 et 1930, le même auteur publie 8volumes consacrés à la
littérature orale. Dans ces volumes, on retrouve les mythes, les contes, les
légendes, les traditions…

L’Angleterre, l’Italie, l’Amérique ont manifesté un intérêt évident aux traditions


africaines.

0.4. CHAMPS CONCEPTUELS DE LA TRADITION ORALE

On appelle tradition orale, les souvenirs collectifs d’une société qui n’ont pas
revêtu la forme écrite. L’étendue et la richesse que couvre que couvre la tradition
orale comportent cinq secteurs :

1. Le premier secteur est celui qui concerne la poésie et la littérature narrative.


Il s’agit ici des genres comme les proverbes, les chansons, les contes, les
paraboles, les saynètes, les légendes, bref les histoires du village et de
famille.
2. L’onomastique. Elle comprend l’anthroponymie, la toponymie, la zoonymie, le
dendronymie (arbres), l’hydronymie et l’oronymie.
3. L’art et l’artisanat : Il comporte la sculpture, la scarification, le langage
télécommuniqué, les danses, la chorégraphie, les balafons, les
membranophones, les idiophones, les costumes, la peinture, le théâtre, la
poterie…
4. La pharmacopée, c’est-à-dire la phytothérapie et psychothérapie.
5. Les éléments ésotériques, c’est-à-dire les éléments culturels véhiculés les
récits sacrés et les rituels religieux.

NB : Les trois premiers secteurs constituent les éléments culturels les plus
communs et les deux derniers appartiennent à un niveau culturel sacré
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rarement appréhendé à sa juste valeur. La tradition orale est donc une source
enrichissante des valeurs culturelles en Afrique.

0.5 IMPORTANCE SOCIALE DE LA LITTÉRATURE ORAALE

La littérature orale vise à sauvegarder les valeurs culturelles africaines pour


d’identification de l’homme africain. Elle exprime la vision de la société africaine
par des représentations imagées et vivantes. L’Africain traditionnel raconte mais
en réalité enseigne. La littérature africaine renferme à la fois les lois, les
coutumes, les croyances, et les œuvres littéraires. C’est elle qui exprime la vision
du monde africain (conception de l’univers). Elle fait revivre le passé par ses
récits. Elle présente sur le plan moral une déontologie de la conduite
individuelle. Elle reflète les aspects de la structure sociale à un moment donné
de son existence.

EX. La vie matérielle de la société, le système parental, le fonctionnement de la


vie politique.

Comme l’avait dit Senghor, la littérature la littérature orale est présente car
elle sait s’adapter à la situation sociale présente. Bref, la littérature orale est
l’expression de l’homme en tant que créateur de son destin, sa symbolique
humanisée qui traduit la double dimension de l’homme comme individu et être
social. Sa mission est sagesse et message.

En tant que sagesse, la littérature orale est porteuse d’un ordre socio-
politique, d’une dialectique sur le cosmos, sur l’homme et sur l’au-delà. En tant
que message, elle éducative et politiquement engagée. Il faut avoir été dans la
culture pour l’apprécier.

Par exemple le proverbe est le véhicule privilégié de la sagesse populaire


africaine. Il exprime souvent les aspirations les plus profondes du groupe dont il
assure la cohésion autour du système de valeurs et croyances qui doivent être
consolidées pour l’équilibre et la survie de la société.

La légende est le reflet ou le témoignage de la mémoire historique des


hommes. Elle jouait dans l’Afrique ancienne le rôle de traité historique dans le
monde contemporain. Elle peut également être un récit qui vise à donner une
explication scientifique aux phénomène naturels.

O.6. APPRENTISSAGE DE LA LITTÉRATURE ORALE


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Dans les sociétés africaines traditionnelles, l’art oral constituait une école à
la portée de tous les membres de la communauté. L’objectif de l’enseignement
était double. D’une part former et informer les membres de la communauté en
leur transmettant les valeurs traditionnelles par le truchement du discours
esthétique ; d’autre part, donner la possibilité à ceux qui présentaient des
aptitudes au maniement correct de la parole de s’ériger en modèle car comme
l’affirme le professeur MUFUTA Kabemba « Si tout homme est sensé capable de
la parole, tout celui qui use de la parole n’en a pas nécessairement la maitrise. »

Dans toute société, il n’y a qu’une poignée de gens qui manient excellemment
la parole, qui est le don de la présentation des faits et des idées qui sont
capables d’éveiller l’imagination et l’émotion de leurs auditeurs. Ces hommes
auprès de qui on se délecte intellectuellement étaient dans l’ancienne société
soumis dès leur enfance à un véritable apprentissage de l’art oral.

Chap. I CRITÈRES DE CATÉGORISATION DES GENRES LITTÉRAIRES DE


LA

LITTÉRATURE ORALE AFRICAINE

Toute classification, toute catégorisation suppose un certain type de critères


scientifiques pertinents qui, comme en linguistique, joue le rôle de définir le
champ des traits distinctifs des éléments classables.

I.1. LA TERMINOLOGIE DES USAGERS

Il convient de connaître les dénominations autochtones des genres littéraires


oraux. Les noms de genres, affirme Daniel Ben AMOS, sont révélateurs des
caractères perçus par les peuples de ses formes d’art verbal. A ce propos, le
professeur MAFUTA note :

« Le vocable français proverbe, du latin proverbium, défini comme axiom


exprimée en peu de mots, et dont les synonymes sont  : adage,
aphorisme
et dicton ne rend qu’un pâle reflet de ce phénomène. Il ne rend pas
compte
de la manière combien suggestive dont nos ancêtres appréhendaient ces
faits. »
En effet, le vocable Luba « lusumwinu » pour dire proverbe est doué de ce
pouvoir explicatif car il désigne une sorte de pince, un instrument servant à
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saisir efficacement pour autrui. Il est évident que dans la plupart de cas, les
noms de genres littéraires ne doivent pas être pris au sens littéral. Il est des
termes polysémiques dont l’analyse doit être récoltée minutieusement dans ses
différentes acceptions pour déterminer celle qui correspond à l’usage de ce terme
dans le folklore. Dans certaines sociétés, la terminologie des genres folkloriques
est structurée de telle manière qu’une même forme peut être désignée par deux
ou trois termes non synonymes. Il existe en effet des termes génériques et
spécifiques.

I.2. L’ATTITUDE DES USAGERS ET LES CARACTÉRISTIQUES


D’EXÉCUTION

Le conteur qui dit un récit et l’auditeur auquel il s’adresse adoptent tous


deux une attitude quelconque inspirée de la conception qu’ils se font du récit. La
conception est influencée par leur milieu socioculturel.
EX. Exorcisme : attitude qu’on prend pour faire sortir les mauvais esprits
(pratique religieuse ou magique dirigée contre les démons). L’un ou l’autre
considéreront ce qu’il dit ou entend comme véridique ou fictif, sacré ou profane,
officiel ou privé et de cette considération découle parfois une performance de
certains textes comme le souligne Maurice HOUIS :
« Pour un Noir africain, d’un point de vue pédagogique, la parole est
force.
C’est pourquoi un texte proféré doit l’être sans erreur sinon il y a un
équilibre dans le milieu en terme de signifiant (forme) et signifié (objet),
et le fautif est puni. »

Daniel BEN AMOS a raison en soulignant que les caractéristiques


d’exécution orale des textes folkloriques sont également douées d’un pouvoir de
définition concernant les genres littéraires.
Sur le plan écologique, il y a des conditions de temps et de lieu qui sont
privilégiées. De ce point de vue, on distingue les genres temporels et des genres
atemporel. Les genres temporels sont ceux-là dont l’exécution se fait à des
moments bien déterminés de la journée ou à une certaine période de l’année
telles que les prières exécutées uniquement lors des prémisses ou les contes
dont la narration est interdite pendant la journée (société africaine). Les
conditions d’âge et de sexe interviennent parfois dans l’exécution de certains
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morceaux. Ainsi dira-t-on de certains qu’ils sont réservés aux hommes et aux
femmes, aux enfants ou aux adultes.
Ex. Les berceuses réservées aux femmes, les comptines aux enfants.
Il arrive également que l’exécution d’une forme littéraire soit réservée à un
professionnel ou à une personne ayant un statut bien déterminé. Ex. l’épopée.
Il existe également des prières qui ne peuvent être récitées que par le
représentant d’une communauté des vivants auprès des morts. Pour ces formes,
nous adoptons le trait plus exécutant spécifique.
I.3. LA NATURE OU LA COMPOSITION DU GENRE
Le critère de contenu subdivise généralement l’ensemble de l’art oral en
classes non définies. D’après la nature ou la composition des genres, ces
derniers peuvent se subdiviser en trois grandes catégories :
 Les genres mineurs
 Les genres majeurs simples
 Les genres majeurs complexes.
a). Les genres mineurs
Ils se singularisent par leur brièveté et leur caractère souvent figé, lié ou
stable. Il s’agit des textes appris par cœur, mot à mot, reproduit verbalement.
Ex. le proverbe
b) les genres majeurs simples
Il se singularisent par leur ouverture au cours de leur narration, aux
commentaires et aux adaptations du narrateur. Ils peuvent être narratifs ou
récitatifs. Ex. Les contes
c). Les genres majeurs complexes
Ils sont caractérisés par leur ampleur, par leur capacité de contenir en leur
sein plusieurs genres mineurs ou majeurs simples. Ce sont notamment les épopées
et les pièces de théâtre traditionnel. Ils peuvent être narratifs ou récitatifs. Leur
degré de complexité varie d’un genre à l’autre en fonction du nombre des genres
simples qui concourent à sa création.
1.4. LES MODES DE TRANSMISSION ET CIRCULATION DES TEXTES
LITTÉRAIRES
Par mode de transmission, nous entendons les vecteurs de communication
linguistique utilisés pour exécuter ou actualiser les morceaux d’un genre littéraire.
Ce vecteur peut être vocal ou instrumental. Vocal lorsque le morceau est murmuré,
narré, ou chanté à l’aide de la voix humaine ; instrumental lorsque le message
artistique est transmis à distance.
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Ex. Le langage télécommuniqué au moyen d’un instrument : le balafon(tambour), le


xylophone (morceau de bois), idiophone, membranophone (peau d’animaux). Le
langage télécommuniqué porte souvent le nom de l’instrument qui le véhicule.
Ex. Lokolé chez les Mongo, le condo chez les Luba
Faïk NZUJI Madiya estime que l’art africain peut être divisé en quatre
secteurs d’égale importance dont deux s’adressent à la vue et deux autres à l’ouïe.
 L’art plastique ou l’art de la représentation des formes et des volumes.
 L’art kinésique, c’est-à-dire des mouvements et des gestes
 L’art oral, c’est-à-dire l’art de la parole forte
 L’art musical vocal et instrumental.
Elle affirme que dans la société qui les produit et les consomme, ils
représentent de leur essence un tout dont aucun ne peut se passer tout à fait
de l’autre.
1.5. LA FORME DU TEXTE ET LA TECHNIQUE DE CRÉATION
En paraphrasant BOILEAU, nous pouvons affirmer que pour l’oralité, ce qui
s’énonce artistiquement se retient facilement. La texture s’avère d’une grande
importance pour la mémorisation. Jacques CHEVRIER, La littérature nègre,
Armand, 1974 :226 dit :
« Un texte oral doit présenter une trame à laquelle la mémoire doit
s’accorder et qui doit permettre en même temps de soutenir l’attention
du public. Il s’articulera donc sur une structure rythmique et une
prosodie qui en favorisent la mémorisation pour le contenu et la
réception pour l’auditeur. »
Le critère formel fournit cinq traits distinctifs à la trame ; les traits rythmés,
fixes, libres, ouverts et dialogiques. La trame est la concordance logique entre les
éléments. Daniel BEN AMOS affirme que :
« L’existence ou l’absence d’une infrastructure métrique du message est
la qualité qu’on reconnait en premier lieu. Elle représente donc pour la
catégorisation de la tradition orale, le premier trait distinctif et le plus
général. »
Les traits rythmiques différencient l’ensemble des communications verbales
en deux pôles sans admettre les positions intermédiaires : poésie et prose. La poésie
est synonyme de versification, c’est-à-dire l’actualisation des messages les schèmes
sont assujettis aux lois d’une mesure et à rythme plus régulier. À l’inverse, la prose
ne s’occupe pas de la structuration numérique ou métrique des phrases
prononcées. Pour transmettre leur culture, ignorant l’écriture, les civilisations de
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l’oralité se sont servies de la mémoire. Celle-ci procède, nous dit Pierre GUIRAUD
dans langage. Versification d’après l’œuvre de Paul Valéry, 1953 :5 par deux
démarches distinctes.
Tantôt, elle(mémoire) s’appuie sur le contenu du discours sur la valeur des
signes, tantôt sur la forme. De ce fait, les morceaux de l’art oral sont de quatre
types :
 Les morceaux figés ou stables
 Les morceaux libres
 Les morceaux ouverts.
 Le trait formel
A). Les morceaux figés
Ils sont appris et reproduits mot à mot sans possibilité d’ouverture aux
commentaires ni aux ajouts. Ils s’apprennent et se transmettent de génération en
génération dans leur forme originelle. Tout morceau figé est rythmé. Cela est facile à
comprendre lorsqu’on sait qu’un texte versifié se retient plus facilement qu’un texte
en prose mais nous ne prétendons pas l’inverse, c’est-à-dire tout morceau rythmé
ne doit pas être nécessairement figé.
b). Les morceaux libres
Les morceaux libres sont ceux dont on récrée la forme à chaque exécution.
Pour ce morceau, seul le contenu appartient à la tradition(thème) tandis que la
forme est sujette à des variations multiples dues à l’inspiration ou l’attitude de
l’exécuteur. La recréation peut cependant recourir à des schémas traditionnels (les
formules d’introduction ou de clôture figées, des formules stéréotypées). A qu’on
compare par exemple deux narrations d’un même conte faite par un même
narrateur à des moments différents, on constate qu’elles présentent des textures
formellement différentes. Le contenu du conte sera le même puisqu’il s’agira du
même thème, de mêmes épisodes agencés de la même façon. Mais chaque narrateur
emploiera son propre vocabulaire et ses propres tournures de phrases faisant
abstraction des formules stéréotypées qui caractérisent certains récits.
c). Les morceaux ouverts
Ils occupent une position intermédiaire entre les textes figés et les textes
libres. Il s’agit des morceaux rythmés dont la plupart des vers préexistent à
l’exécution, mais l’exécutant a la liberté de les arranger à sa guise et d’insérer de
temps en temps des vers nouveaux.
Ex. Le chant kasala : les vers sont modifiés suivant les circonstances.
d) Le trait formel
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Il est des textes à caractère dialogique, c’est-à-dire dont l’exécution nécessite la


présence des deux performateurs : l’un servant à lancer ou à interroger, l’autre à
compléter ou à répondre. Les textes à structure complétive par excellence sont les
devinettes, les énigmes, certaines chansons, les jeux de questions-réponses et
certaines palabres.
1.6. LE RÔLE DU TEXTE OU LA FONCTION SOCIALE
La littérature orale est avant tout fonctionnelle. Cet aspect doit avant tout
intervenir dans la classification des genres mais une difficulté surgit. Comment
déterminer de façon univoque la fonction principale d’un discours littéraire ? Un
conte par exemple dit par un enfant au milieu d’autres enfants ne vise pas à donner
une leçon morale mais pour amuser seulement les gens. Sa fonction ne sera pas
psychologique mais récréative. Par contre, le même conte ou une parabole donnée
par un adulte ne vise pas à amuser mais à donner une leçon morale ou à lancer
une argumentation puisée dans la tradition.
Parmi la multitude de fonctions qu’on peut discerner, nous n’en retiendrons
que dix (10) les plus récurrentes. Il s’agit des fonctions panégyrique, ludique,
historique, sentencieuse, parabolique, officielle, funéraire, initiatique, lénitive,
soutien-effort.
1. Le trait panégyrique : il caractérise toute production littéraire dont l’intention
première est de louer un héros ou soi-même.
2. Le trait ludique caractérise la production littéraire destinée avant tout à
l’amusement du public ou du producteur et au divertissement.
3. Le trait historique : il caractérise toute production verbale chargée
d’intention historique c’est-à-dire dont le but est d’apprendre à la génération
actuelle ou future le passé du groupe concerné. Le récit historique relate les
faits et gestes des ancêtres ou des hommes illustres du groupe.
EX. La légende
4. La fonction sentencieuse. Elle caractérise les formes littéraires dont la
fonction première est d’exprimer une maxime ou une pensée de portée
générale, un précepte de morale. Ce sont les proverbes qui répondent le
mieux à cette définition.
5. La fonction parabolique : Elle caractérise les productions littéraires
allégoriques, c’est-à-dire qui présente un enseignement d’une façon voilée.
6. La fonction officielle : Elle caractérise tout genre littéraire important.
Généralement, les morceaux littéraires dits officiels s’exécutant en présence
16

des notables à qui ils sont destinés ou qui en garantissent l’exactitude ou la


vérité. Ex. Chant de louange, récit généalogique.
7. La fonction funéraire est réservée aux textes qui ne s’exécutent qu’à
l’occasion d’un deuil. Leur exécution en dehors de cette circonstance est
prohibée. Le transgresseur s’expose à une série de malheurs.
8. La fonction initiatique : El caractérise les morceaux littéraires dont le but est
de permettre l’exécutant et l’auditeur d’accéder à une connaissance, à un
mystère ou à une pratique secrète. Les morceaux sont souvent l’apanage des
membres des sociétés secrètes.
Ex. Société des hommes crocodiles, léopards
Le kimbilikiti, chez les Rega
9. La fonction lénitive : Elle caractérise les morceaux littéraires dont le but est
de calmer et d’adoucir les réalités choquantes. Ex les berceuses
10.La fonction soutien-effort : Elle caractérise les textes qui sont exécutés dans
l’intention de vulgariser les forces nécessaires pour l’accomplissement d’un
travail. Ex. Les chants de travail (les moissonneurs, les pileuses, les
rameurs, les chasseurs, chants guerriers, etc.)
D’autres fonctions sont possibles. Il s’agit par exemple de : la fonction
psychologique, pédagoque, …
Chap. II. DÉFINITIONS CLASSIQUES DES GENRES LITTÉRAIRES
2.1. LA POÉSIE ORALE AFRICAINE
2.1.1. LES GENRES MINEURS
2.1.1.1. Les phrases piégées
Il s’agit des phrases simples à prononcer plusieurs fois sans perdre haleine le
plus vite possible et sans commettre des fautes. Elles sont appelées
virelangues. Les langues africaines comme la langue française connaissent
ces phrases pièges qui lorsqu’on les prononce de plus en plus vite, mène à
l’erreur.
Ex. Acha wale wala wali wale wali wao
Acha wale wana wa walikale wale wali wao.
Le chasseur sachant chasser dans son champ sans son chien de chasse est
un bon chasseur.
Jésus mangea des choux chauds chez Zachée.
Dans ces phrases, les allitérations, les assonances constituent le nœud du
jeu. Les variations et les oppositions des tons auxquels se combinent dans
17

certains exemples les oppositions de la quantité vocalique accroissent les


difficultés de prononciation.
Ex. Ibibiribiri bibiri biri mu busiri
Balamu babiri barhabalamirana
Cette réalité existe dans toutes les littératures du monde. L’intérêt
pratique de ces exercices d’élocution consiste à corriger les défauts de
prononciation chez les enfants en mal prononciation de certains sons afin
d’assouplir leur langage et de les amener ainsi au maniement correct de leur
langue maternelle, base de toute pratique littéraire. La fonction ludique de ce
jeu verbal est indéniable, il offre aux enfants une excellente occasion de se
distraire car les contre sens, les lapsus lingua et quelques grivoiseries
qu’engendrent les prononciations erronées sont d’éléments qui amusent
l’assemblée. L’enfant fournira un effort pour les éviter et partant il s’exercera
à une diction correcte. L’enfant qui commet fréquemment les fautes de
diction est l’objet de raillerie de la part de ses compagnons de jeu. Ainsi
confus, jugera-t-il opportun de se corriger.
2.1.1.2. Les devinettes
Une devinette est un jeu d’esprit dialogique qui consiste à identifier un objet,
un être décrit dans un langage donné fortement imprécis et qui comporte une
certaine analogie, c’est-à-dire un rapport entre la chose à deviner et la description
qui en est faite. Le partenaire (le devineur) doit donc découvrir les traits
caractéristiques saillants de l’objet ou de la situation décrite à partir du rapport
analogique.
STUCTURE D’UNE DEVINETTE
Une devinette comprend les parties suivantes :
 La formule d’introduction. Elle se présente sous une forme figée et est
donnée sous forme d’adresse comme dialogue entre le demandeur (le
questionneur) et le devineur. La fonction de la formule introductive est
d’éveiller l’attention des participants pour créer l’atmosphère du jeu. La
formule introductive est facultative ou obligatoire selon les sociétés. Elle
peut aussi introduire chaque joueur qui pose une question ou elle peut
introduire chaque devinette. Généralement le joueur qui invite au jeu
lance la première partie et attend des autres une approbation.
Ex : kiswahili
Le posant le répondant
Kitendawili- ki-tend-a-wili tega –ø-teg-a
18

‘’ce qui est fait par deux personne ø : morphème de l’impératif
Tends le piège ou tendez
Mashi : sakwe-ø-sak-u-e lya- ø-li-a
Kinyarwanda :
Sakwe soma « bois, buvez »
Kitembo :
Nga « prends » ndalya « je ne mange pas »
Rega :
Ishinde « vas-tu me vaincre » ishwe « viens »
Dans ces deux derniers cas, les joueurs se présentent comme des adversaires.
Le « je ne mange pas » traduit une formule ironique du répondant. Cette formule
sous-entend « je ne mange pas, je refuse de mange, c’est un cadeau empoisonné
que tu me tends, c’est l’offre qui vient de l’ennemi »
 La question
C’est la partie qui décrit la chose à deviner. La question peut prendre l’une des
formes suivantes.
a). Une question explicite
Cette question est énoncée en donnant un certain nombre de renseignements qui
peuvent permettre aux joueurs de découvrir la réponse.
Ex. Quelle est cette maison qui n’a ni porte ni fenêtre ? R) tombe, œuf
b). Une simple constatation affirmative ou négative ou même une longue
description.
Ex. Qui ne dort pas ? R) une rivière
- Un compagnon de route qui ne te quitte pas : l’ombre
c) un simple mot ou une onomatopée
Ex. Kaparapapa
- Ayii
 La réponse
Elle peut être constituée d’un seul mot ou d’une phrase explicative.
Ex. Celui qui est parti nu chez ses oncles paternels en revient vêtu. R) le maïs ou le
haricot
Ex2 Un homme qui plante le piment n’en mange pas. R) si vous avez une fille, allez-
vous l’épouser ?
FONCTION SOCIO-CULTURELLE DES DEVINETTES
D’une manière générale, les devinettes constituent un genre littéraire
compétitif et récréatif. Sa fonction essentielle est le divertissement. Ce sont surtout
19

les jeunes qui s’adonnent aux jeux de devinettes. Cependant on trouve souvent des
adultes qui participent aux jeux de devinettes soit pour instruire, soit pour
encourager les jeunes.
Dans certaines familles, les devinettes se font entre parents et enfants. Dans
certains villages, les gens préfèrent concourir par groupe d’âges et par sexe.
Si la réponse de la devinette n’est pas trouvée, le posant la donne en
pénalisant l’auditoire selon les règles de jeu de la société.
Outre la fonction ludique et divertissante, les devinettes remplissent d’autres
fonctions dont les plus importantes sont la fonction didactique et la fonction
cognitive. Sous les formes d’amusement, les jeux de devinettes offrent aux joueurs
une excellente occasion d’apprendre, de réfléchir et d’observer les us et coutumes. A
côté des devinettes, nous avons des pièges.
Les pièges
Les pièges sont des formules littéraires dialogiques qui se présentent comme
de petits récits dont le dénouement exige une réponse de la part de l’auditoire.
Selon la catégorie concernée, la réponse attendue impliquera un choix, un
raisonnement ou toute autre solution devant proposer une issue au piège tendu.
Les pièges se caractérisent par :
1. Leur liberté d’expression
Les pièges ne comportent aucune contrainte formelle. Chaque locuteur pose
son piège, on y répond selon la façon personnelle de s’exprimer. Les pièges
sont donc, en plus d’être un art de raisonner et de trouver une solution, un
art de parole.
2. La clarté de leur contenu
Les pièges ne comportent pas d’images. Ils ne sont pas métaphoriques.
3. Quant au contexte de leur énonciation, ils appartiennent au genre ludique.
CATÉGORIES DE PIÈGES
Il existe plusieurs catégories de pièges parmi lesquels nous pouvons citer :
a). Piège à choix embarrassant
L’un des interlocuteurs raconte (à la manière du narrateur) un récit qui
renferme une situation piégée, les autres ont pour rôle de dénouer cette situation.
Ce rôle implique de leur part un entre plusieurs possibilités mais ce choix les met
dans l’embarras à cause de la nature des liens qui existent entre les différents
actants et du caractère urgent de l’action à accomplir.
Du point de vue social, le narrateur-questionneur est tendeur du piège ; il est
celui qui crée une cette situation périlleuse et détermine la nature du danger. Il
20

doit, avec l’art placer un autre ennemi dans cette situation en lui demandant d’en
sortir seul. Il sait que le choix que fera l’autre fera découvrir sa personnalité.
Ex. Tu pars en voyage avec ton épouse, ta mère et ton enfant. Vous traversez
une rivière et voici au milieu de celle-ci votre pirogue se renverse. Mais ton épouse,
ta mère et ton enfant ne savent pas nager et les moyens ne te permettent que de
sauver un seul. Lequel parmi les trois peux-tu sauver ?
a) Le dilemme
Ex. Un chasseur ayant tendu ses pièges en brousse y retourne pour voir si le
gibier s’est laissé prendre au piège. Au premier piège, il trouve un pangolin
et au deuxième, il trouve un singe encore vivant mais au moment où le
chasseur s’apprête à le tuer, celui-ci lui dit : « si tu me tues, tu trouveras ton
père mort au village ; si tu me laisses en vie, tu trouveras ta mère morte. »
Que doit faire le chasseur ? Tuer le singe et perdre son père ou ne pas le tuer
et perdre sa mère.
Description du dilemme
D’emblée, on peut remarquer une certaine ressemblance avec le choix
embarrassant mais les traits qui les différencient semblent essentiels. En effet, dans
le choix embarrassant, le procès en déroulement laisse entrevoir la possibilité d’un
danger et même sa nature. Lorsqu’on est dans une pirogue sur une rivière, le
naufrage peut se produire mais pour le dilemme, la difficulté intervient au moment
où le singe se permet à parler et à partir de ce moment, une fatalité se déclenche.
Il n’est plus possible d’y échapper quelle que soit l’attitude qu’adopte le
chasseur. Elle se produira même si, par désespoir, le chasseur se suicide en
laissant en vie le singe ou en mourant avec lui. Il condamne par le fait même l’un de
ses parents. On ne peut pas échapper au choix qui, inévitablement, entrainera des
inconvénients graves.
D’autre part, l’acteur principal qui doit opérer le choix dans le dilemme est
doublement responsable. Premièrement, il est celui qui déclenche la situation
piégée même involontairement. Deuxièmement, il est celui qui provoque la mort de
l’un de ses parents.
Dans le choix embarrassant par contre, tous les acteurs sont victimes d’un
accident. L’acteur principal apparait comme le sauveur, celui qui le mieux possible
quel que soit son choix. Bien qu’ayant un caractère ludique marqué, les dilemmes
sont parfois posés dans des circonstances sérieuses comme preuves spirituelles. Ils
interviennent dans généralement au cours des cérémonies de rites d’initiation pour
tester le degré d’intégration du néophyte dans l’esprit du groupe ou du rang social
auquel il accède. Dans un article intitulé Le fondement syncrétique du kitawala,
Gérard signale que l’on demandait au candidat qui doit mourir quel que soit son
21

choix du type de mort qu’il préfère. (Le kitawala est issu de la fusion de différents
cultes religieux ou doctrines) « Pris entre le feu de brousse et une eau infectée par les
crocodiles, quelle mort choir ? »
Il semble que l’interrogé doit choisir de mourir par eau, qui dans l’esprit de la
secte symbolise la purification et la rédemption. Le choix embarrassant comme le
dilemme pose un problème de choix entre deux personnages dont le lien de parenté
avec l’interrogé est très fort (père, fils, mère), soit un choix entre l’interrogé lui-
même et la personne qui lui est chère. L’interrogé sait que le questionneur
représente dans ce cas la société. Il attend de lui une réponse conforme non à ses
propres sentiments mais aux règles sociales établies qui prévoient un
comportement idéal dicté par la structure du système de parenté.
C). Le problème
Ex. Un jeune doit se rendre dans sa future belle-famille qui habite sur l’autre rive
de la rivière. Il emporte pour la dot un sac de manioc, une chèvre et un léopard.
Arrivé au bord du cours d’eau, il constate que sa pirogue ne peut contenir qu’une
chose à la fois pour la traversée. Comment ce voyageur devra-t-il s’y prendre pour
faire traverser ses biens dotaux de sorte que chacun arrive intact à la destination.
Solution : Tout d’abord, le jeune homme fera traverser la chèvre laissant le sac de
manioc et le léopard sur la rive. Ensuite, il reviendra chercher le léopard mais une
fois arrivé sur l’autre rive, il laissera le léopard et reprendre la chèvre en retournant
avec elle sur la rive de départ où il laissera la chèvre. Après il emportera cette fois-ci
le sac de manioc. Enfin, il reviendra chercher la chèvre et continuera son voyage
tranquillement.
Contrairement au choix embarrassant et au dilemme, le problème apparait
bien avoir une réponse satisfaisante. L’auditoire doit chercher cette réponse. Ce qui
suppose de sa part un raisonnement. Ce raisonnement s’opère en deux étapes :
 D’abord il faut connaitre la nature des acteurs en situation. Il faut savoir
que parmi eux il toujours un qui occupe la place intermédiaire c’est-à-
dire celui qui est susceptible à la fois de manger un d’entre eux et d’être
mangé à son tour. Le piège dans lequel il ne faut se garder de ne pas
tomber consiste à ne pas laisser ensemble un mangeur et son
mangeable.
 Ensuite il faut dresser les possibilités de sortir du piège et de retenir
parmi elles la seule possibilité qui permet de sortir de la situation sans
se laisser prendre au piège.
22

Ex. Au bord d’une rivière arrive un homme et ses deux fils. Ils trouvent une barque
qui leur permettre de traverser cette rivière. Cependant la barque ne peut supporter
le poids de trois personnes à la fois ni même celui du père et l’un de ses deux fils.
Que feront-ils pour traverser ?
Réponse :
Les deux fils prennent la barque et traversent, l’un d’eux la ramène du côté
où est resté le père. Il laisse le père s’embarquer et traverser seul. Le deuxième fils
ramène la barque du côté de son frère et les deux traversent de nouveau rejoignant
le père.
Ex3. Deux hommes et trois femmes veulent traverser le fleuve Congo pour se rendre
en RDC. Ils ont à leur disposition une barque. Celle-ci ne peut transporter que deux
passagers à la fois. Il faut éviter qu’un homme soit avec une femme. Quelle soit la
rive où ils se trouvent, il s’en fuirait avec elle sans plus attendre. Comment faut-il
s’y prendre ?
Réponse : Deux femmes commencent par traverser laissant à la rive de départ deux
hommes et une femme. Une des deux femmes qui ont traversé ramène la barque au
point de départ et laisse traverser les deux hommes. Arrivée à l’autre côté, la femme
qui y était s’embarque immédiatement et rentre à la rive de départ où se trouvent
les autres femmes. Elle prend l’une de ces deux femmes et toutes les deux
rejoignent la rive où se trouvent les deux hommes. L’une d’elle rentre pour prendre
la troisième femme.
Plusieurs versions de ces problèmes circulent un peu partout en Afrique
noire. Les problèmes peuvent être énoncés sous d’autres formes quant à la
présentation et au contenu mais le piège garde ses éléments caractéristiques.
Ex4. Un homme part à la chasse. Il attend vainement le gibier, il a faim et se dirige
vers la rivière pour y boire de l’eau. Au milieu de la rivière, il voit un grand arbre
portant des fruits savoureux. Il a faim mais la rivière est infectée des crocodiles.
Aussi n’ose-t-il pas la franchir. Au sommet de l’arbre, il aperçoit un homme et le
chasseur de lui faire signe l’implorant de lui lancer quelques fruits mais l’homme
refuse. Voilà notre chasseur bien ennuyé. Que sera-t-il pour pour qu’il ait de ces
fruits ?
Réponse : Le chasseur se mettra à lancer des pierres à l’homme réfugié au sommet
de l’arbre. Cet homme, pour se défendre, ripostera en lançant des fruits. Le
chasseur ramassera ces projectiles (fruits) et se régalera.
Le piégeur piégé
23

Problème : Ayant l’intention de se marier, un jeune homme se rend chercher une


fiancée au village voisin. Après avoir trouvé une jeune fille qui lui plait, il se
présente devant le père de celle-ci pour arranger le problème lié à la dot. Le père de
la fille lui dit « Je veux bien que tu épouses ma fille mais comme condition, j’exige
que tu m’apportes un cochon qui ne soit ni male ni femelle » Que fera le jeune
homme ?
Réponse :
Le piège retrouvé, le jeune homme s’en va chez lui. Toute la nuit, il ne dort
pas car il aime bien sa fiancée et il a peur de la perdre. Très tôt le matin, il fait venir
un message qu’il envoie chez les parents de la jeune fille avec ce message : « Père,
j’ai effectivement retrouvé le mouton que vous m’exigez. Il n’est ni male ni femelle
mais mon bon-père devra venir le chercher quand il ne fera ni le jour ni la nuit.  »
Après avoir écouté ce message, le père de la jeune fille jugea son futur beau-fils
intelligent et sage, il lui donna sa fille en mariage.
ASPECT SOCIO-CULTUREL DES PIÈGES .
Dans la pratique, les pièges ne se distinguent pas des devinettes. Souvent ils
portent le même nom dans beaucoup de langues africaines. Tout comme les
devinettes, les pièges sont une manière amusante d’apprendre la langue, le système
de raisonnement et la culture. Comme nous l’avons vu, certains pièges conduisent
à des solutions satisfaisantes, le plus grand nombre d’entre eux laissent le piège
posé. Un des buts de ce genre n’est pas comme l’apparence pourrait le faire croire,
de trouver absolument une solution mais de susciter une discussion et d’échanger
à propos des problèmes posés.
2.1.1.3. Les énigmes, le logogriphe et la charade
On a coutume de confondre non sans raison peut-être énigme-devinette et
charade. Dans les trois cas, la demande intellectuelle est la même. Il s’agit de
deviner :
a). L’énigme ou devinette à référence est un jeu d’esprit qui consiste à trouver un
objet peint dans un langage imprécis mais de façon qu’il y ait un rapport de
contenu entre la description et l’objet à nommer. L’amusement consiste dans la
surprise agréable causée par la découverte d’une similarité inattendue. On trouve
dans la question des éléments qui peuvent aider à trouver la réponse. Outre la
fonction ludique, ce genre renferme aussi la fonction didactique car les énigmes
traitent du monde végétal, animal et humain de l’univers, bref tout ce qui constitue
le milieu ambiant.
Ex. a) Quel est cet homme qui en naissant vient avec le poing fermé ? R) la fougère.
24

b) Quand j’ai deux s on peut me manger, quand on en retire un, on ne peut


plus. R) un poisson.
c) Je parle toutes les langues et j’ai tout le temps la tête à l’envers. Qui suis-je ?
R) un stylo
b) la charade : c’est une énigme où l’on doit deviner un mot de plusieurs syllabes
décomposé en parties dont chacune forme un mot défini. Un mot de la charade
s’appelle un tout en entier.
Ex. Mon premier est un déterminant possessif, mon second est une préposition.
Qui suis-je ? R) monde
Mon premier est un animal, mon deuxième se boit. Mon troisième garde les
moutons.
Jules César aime bien mon tout. Qui suis-je ? R) clé-eau-pâtre : Cléopâtre
d) Le logogriphe : jeu dans lequel on forme plusieurs mots à partir d’un seul
mot.
Ex. Poivre : ivre, poire, pore, or, voir, roi, voie, etc.
Orange : or, rage, ogre, ange, orage, nager, orge, etc.
2.1.1.4. Les comptines
Les comptines sont des courts récits chantés ou simplement récits qui
consistent à énumérer à un rythme régulier sans se tromper ou hésiter soit les
noms des objets divers, soit les petites phrases en gardant le même débit. Parmi
ces objets divers, il y a les doigts, les cours d’eau, les animaux domestiques et
sauvage, les poissons.
La fonction pédagogique des comptines est certaine. En effet, les comptines
visent la connaissance des nombres, des milieux physiques, biologiques et
culturels.
2.1.1.5. Les proverbes
Les proverbes pourraient se définir comme des sentences populaires, des vérités
imagées, concises, parfois rimées et rythmées et qui présentent des analogies de
situations et suggèrent des normes. Les proverbes sont aussi employés comme des
énoncés citationnels codés, récités, bien concis.
A. Origine des proverbes
Les proverbes sont créés à partir :
 De l’expérience quotidienne. C’est pourquoi on constate que les proverbes
attestent des ressemblances dans différentes parties de notre continent.
 Des faits historiques réels.
 Des contes populaires dont ils résument et/ou illustrent la morale.
25

b. Rôle et traits caractéristiques des proverbes


Les proverbes apparaissent dans les sociétés africaines comme des paroles
fortes renfermant une grande variété de constatations relatives à tous les aspects de
la vie de l’homme. Ils présentent de façon générale des caractéristiques communes
qui peuvent servir à leur identification. La structure d’un proverbe est donc
identifiable :
 Le proverbe est l’expression de la sagesse populaire. Il est le reflet de fidèle
de l’esprit populaire qui impose sa forme grâce au succès qu’il a obtenu.
 L’enseignement que renferme le proverbe est souvent non organisé et
sommaire, il n’est facile de le comprendre.
Textes figés, les proverbes sont comme la plupart des textes oraux, des
œuvres anonymes. Leurs auteurs sont des anciens. C’est pourquoi on les
introduit par des citations comme « les anciens ont dit… » Certains contes
ont donné lieu à des proverbes. Les proverbes occupent une place de choix
dans la conversation courante et dans la tradition littéraire orale. En
littérature, ils forment le rôle de condensé qui résume la pensée. C’est
pourquoi on les rencontre en intitulé ou en conclusion d’un conte ; dans la
conversation, ils prolongent leur rôle de cheville de la pensée.
 La compréhension des proverbes suppose la connaissance des mœurs et
coutumes, des circonstances de la vie qui leur ont donné naissance. Bien
que les proverbes soient dans chaque société, nous trouverons dans les
proverbes nombre d’idées universelles exprimées sous des images
particulières. Les universaux culturels sont l’ensemble des situations
identiques à toutes les sociétés du monde entier.
2.1.1.6. La poésie laudative
La poésie laudative est une poésie louangeuse. Elle consiste à voir le
narrateur louer les hauts faits de sa personnalité ou celle de son groupe social.
Les textes qui relèvent de ce groupe sont des textes amplifiés. Les plus
importants sont les titres et les devises.
 Les devises donnent l’identité d’un groupe de population bien déterminé qu’il
s’agisse d’une famille, d’un clan, d’une région ou d’un pays.
 Les titres sont des formules qui désignent le statut social d’une personne et
conservent le souvenir d’un fait passé. La différence résident dans le fait que
la devise donne l’identité tandis que le titre le statut social.
2.1.2. LES GENRES MAJEURS
2.1.2.1. La poésie pastorale
26

C’est la poésie relative à l’activité des bergers. Le chant pastoral est


nécessairement lié à un fait économico-social. Il a pris naissance dans la société des
éleveurs, des pasteurs et des paysans. Ce qui est intéressant, c’est le symbolisme
qui existe d’une part entre le roi, le grand chef, les petits chefs, les individus et
d’autre part tous les troupeaux de vache, les grands troupeaux, les petits et une ou
quelques vaches. L’on verra que la vache est l’instrument du pouvoir et la mesure
du prestige social.
2.1.2.2. Les poèmes récits et les fables chantés
Les poèmes récits sont des courts poèmes à récitation rapide que les enfants
apprennent par cœur et qu’ils reproduisent lors d’une soirée récréative. Les fables
chantées exigent d’un narrateur une bonne maitrise de la langue, une diction
rapide et correcte ainsi qu’une bonne mémoire. L’essentiel dans cette sorte de texte
n’est pas seulement la connaissance du texte mais surtout savoir réciter en
respectant les mélodies et cadence. Ils revêtent plusieurs formes dont la plus
remarquable est l’enchaînement des lignes.
Les chansons et les chants
Jacques Chevrier dans Essai sur les contes et récits traditionnels d’Afrique
noire (1991), écrit que la chanson africaine contemporaine ne marque pas une
rupture totale avec la chanson traditionnelle dont elle apparait comme héritière et
continuatrice. Les folkloristes ont depuis de longues dates stigmatisé l’importance
de la littérature orale et surtout dans la poésie. Les chansons appartiennent à ce
domaine poétique. Les chants appartiennent au domaine prosodique, un chant
devient chanson quand il est chanté. On sait en effet, qu’à l’origine musique et
poésie entretenaient un lien intime. Le chant tout en étant activité parmi tant
d’autres se définit comme l’expression par excellence de la vie. Il est un délassement
aux heures claires comme aux heures sombres, le travail et le repos, la joie et la
douleur, la détente et l’effort. Il y a dans les chansons une puissance de
communion, de communication et de vie à l’emprise desquelles personne n’échappe.
C’est dire que le chant s’ingère et s’insère dans la vie, dans chaque activité, bref il
exprime chaque état d’âme, chaque émotion. Il s’agit des chants collectifs et qui
appartiennent au passé. On peut citer :
 Les chansons de naissance : les berceuses.
 Les chansons relatives à la première dentition de l’enfant
 Les chansons initiatiques
 Les chansons de mariage et d’amour
 Les chansons de sociétés secrètes et religieuses
27

 Les chansons de deuil


Cette sériation n’est pas exhaustive. Elle valable pour les danses. Suivant les
activités ou occupations, on distingue :
 Les berceuses, chansons exécutées par les mamans ou gens qui gardent les
enfants.
 Les chansons exécutées par les paysans dans leurs occupations majeures.
 Les chansons champêtres.
 Les pileuses, les chansons de bucherons, pêcheurs, forgerons, etc.
Quant à la typologie des chants et chansons, elle est malaisée à établir. En
général, on peut ranger les morceaux chantés en deux grandes catégories : les
chants simples(chanson) et les chants complexes(chants). Dans la catégorie de
chansons nous citons les chansons ludiques, de travail, de danses populaires,
berceuses, etc. Dans la catégorie de chants complexes on peut citer tous les
morceaux chantés qui se présentent sous forme de long poème tels que les
chants guerriers, les chants pastoraux, les chants de louange. Du point de vue
structurel, les morceaux chantés se divisent en deux catégories : ceux qui
admettent la division bipartite en couplet-refrain et ceux qui s’exécutent d’un
trait, c’est-à-dire en sols.
2.1.2.3. LA POÉSIE ÉSOTÉRIQUE
Dans le monde africain de l’oralité, il existe énormément des textes auxquels on
ne peut accéder que dans le cadre d’une initiation. Ces textes concernent la magie,
la divination, la sorcellerie, bref le pouvoir surnaturel. Tout noir africain ayant vécu
dans le cadre culturel traditionnel a une connaissance de ce pouvoir surnaturel qui
se présente sous forme de phénomène mystérieux qui semble défier l’explication
scientifique. Les textes sacrés sont des textes relatifs aux relations entre humains et
l’au-delà. Ces textes ne sont pas individuels mais collectifs. Ils font partie de
tradition orale, ils constituent une expression des sentiments et émotions fortes.
A. Les prières
Il y a un certain nombre de faits qui font rattacher la prière à la poésie
traditionnelle. La prière, selon L. Stappers, est un appel figé adressé à Dieu ou à un
être qui surpasse l’homme et cela pour implorer son aide en reconnaissant sa
dépendance vis-à-vis de l’être à qui on adresse ses appels. La structure linéaire est
la façon dont se comporte une œuvre dans son historicité c’est-à-dire partir de son
point d’initial, le premier mot, jusqu’au point final.
 Dans toute prière, il y a toujours le nom de Dieu ou l’être suprême qui
surpasse l’homme que l’on cite en premier lieu.
28

 Vient ensuite une série d’épithètes honorifiques dont la fonction consiste à


flatter.
 La partie dans laquelle celui qui prie expose ses plaintes.
 Une autre partie dans laquelle celui qui prie reconnaît sa dépendance
absolue envers l’être à qui elle adresse sa prière.
 La partie finale dans laquelle la personne qui prie implore l’aide de Dieu, de
l’être suprême contre tout malheur.
La sémanalyse d’une prière est une démarche vers la signification d’une
prière dans un sens plus large.
Quand prie-t-on ?
Les énoncés de prière se situent dans un cadre plus varié ceci dépend de la cause,
de l’objectif de la personne qui prie.
Qui prie ?
Ceci dépend de l’organisation d’une société. Mais dans l’ensemble, selon qu’on se
trouve dans le lignage, c’est le patriarche qui invoquera. Le prêtre totémique du clan
doit parfois entrer en transe (état particulier d’hypnose où les médiums prétendent
se trouver au moment où l’esprit se manifesterait en eux) et parler au nom de
l’esprit qui le pénètre et dont il devient momentanément le support.
Les prières appartiennent à la poésie. Pourquoi ?
- Parce que les prières servent à exprimer les émotions les plus fortes.
- Parce qu’elles contiennent souvent des contraintes formelles.
Certaines prières sont caractérisées par un rythme régulier, rimes tonales, faits
stylistiques tels que les inversions.
Sur le plan sémantique, beaucoup de prières sont peuplées d’énoncés fortement
imagés par l’usage des figures de discours. On y trouve également un nombre assez
important d’archaïsmes lexico-syntaxiques.
B. Les textes initiatiques
Ce sont des récits se rapportent à l’initiation, celle-ci étant l’admission au
mystère et par extension admission à une religion traditionnelle, à un culte dans
une société secrète, à un état social particulier. Les récits initiatiques servent à
l’introduction à la connaissance des choses secrètes, cachées et difficiles.
C. Les discours incantatoires
Ce sont des récits relatifs à l’incantation et celle-ci est l’emploi des paroles
magiques en vue d’opérer un charme. C’est donc l’action d’enchanter, d’agir avec
force sur quelqu’un en provoquant une ou des réactions par l’émotion. Ces textes
sont prononcés au moment de la production des fétiches.
29

D. Les textes relatifs à la bénédiction


La bénédiction est d’abord une grâce et/ou une faveur accordée par Dieu via
l’intermédiaire d’un prêtre qui bénit les fidèles et par extension c’est l’action qui
consacre des objets ou des hommes pendant un culte.
La bénédiction est une formule qui exprime l
La bénédiction est une formule qui exprime l’adhésion du cœur et par
laquelle on souhaite le bonheur, la prospérité et la protection divine à quelqu’un.
C’est donc l’expression et le sentiment de satisfaction et de gratitude.
E. La malédiction
Elle est constituée de paroles par lesquelles on souhaite ardemment du mal à
quelqu’un en appelant la colère de Dieu ou soit d’un ancêtre ou encore d’une
quelconque mânes. La malédiction sera donc la condamnation aux malheurs
prononcés par Dieu, un dieu, un ancêtre via l’intermédiaire d’une personne (le
plus souvent un prêtre)
F. Les textes relatifs à l’exorcisme
Nous entendons par exorcisme la pratique religieuse dirigée contre le démon.
Par extension c’est ce qui sous forme d’une conjuration contre le démon chasse
un tourment, une angoisse, de mauvais esprit.
2.1.2.4. Le jeu des questions-réponses
C’est un jeux dialogué et rythmé. Il se déroule sous forme des questions-
réponses. La question reprend généralement la dernière partie de la réponse de telle
manière que le texte entier a l’allure d’un poème chaine.
2.1.2.5. LE LANGAGE TÉLÉCOMMUNIQUÉ
Par langage télécommuniqué nous sous-entendons la transmission des nouvelles à
distance au moyen d’un instrument de musique qui peut être un membranophone,
-- un idiophone, un xylophone, un aérophone, etc.
- Un idiophone : instrument qui donne des sons avec percussion. C’est un tambour
uniquement en bois et creux. Il est utilisé pour un message à distance.
- Un membranophone : tambour qui a une membrane d’une bête.
- Un xylophone : petit bois pourvu d’une calebasse. C’est le voisin du lamellophone.
- aérophone : instrument qui produit un son au moyen de la vibration de l’air :
flûte, sifflet, trompette, etc.
Ce langage est très important parce qu’il est poétique et comporte des
symboles et des formules stéréotypées. Il constitue un code spécial compréhensible
par les gens d’une même communauté culturelle.
2.1.2.6 LA CORÉGRAPHIE
30

Elle comprend l’art plastique ainsi que l’art structural. Un artiste laisse
derrière son œuvre quelque chose qui est caché. Il faut donc savoir voir pour
découvrir ce qui est caché.
Ex.

Le dessin d’un couris présenté horizontalement chez les Lega représente l’œil
d’un sage. Au lieu d’écrire des pages entières, on fait un dessin qui est un discours
compact. Disposé horizontalement, il symbolise l’organe génital féminin.
Il convient donc de partir du matériel commun, voire le sens de la littérature
et comprendre le message caché. Un tambour à deux faces opposées représente les
jumeaux.
2.2. LA LITTÉRATURE NARRATIVE
La littérature narrative ou la prose comprend les textes explicatifs, les récits
historiques, les contes populaires et les récits assez variés.
2.2.1. Les genres majeurs simples
2.2.1.1. Les mythes
Ce sont des récits qui tentent d’expliquer le monde, la culture, la société par
référence à une origine. Dans le mythe, il y a une référence à l’être qui surpasse
l’homme au monde merveilleux. Il y a lieu de distinguer plusieurs éléments dans le
mythe.
- Le caractère didactique : sous forme concrète ou symbolique, le mythe
s’efforce d’expliquer comment les choses sont devenues telles qu’elles sont.
- Les mythes sont en rapport avec l’origine, le commencement matériel ou
culturel.
- Il y a toujours une référence religieuse qui se rapporte au surnaturel.
Quelques thèmes traités dans les mythes africains : l’origine du milieu, des
hommes, de premiers hommes, de la mort, de la découverte du feu, de
l’apprentissage du métier, du mariage, de mœurs et coutumes religieuses.
Ex. Auparavant Dieu vivait avec les hommes sur terre. Les hommes
péchèrent. Dieu se fâcha et monta au ciel.
2.2.1.2. La légende
Étymologiquement le terme légende dérive du latin « legenda » qui signifie « ce
qui devrait être lu ». Jadis, la légende était l’histoire de vie d’un saint dans laquelle
on relatait beaucoup d’événements miraculeux et invraisemblables. Ce récit devrait
être lu dans le réfectoire du monastère.
31

En ce qui concerne les récits oraux, la légende ne traite pas de l’origine du


monde par intention. C’est un récit qui traite d’événements et d’individus qui ont eu
quelques racines dans la réalité historique mais ce récit il y a un mélange des faits
historiques authentiques et des produits de fantaisie, de l’imagination du contenu
qu’il est difficile de distinguer les deux sources.
2.2.1.3. Les récits historiques
Alors que les légendes ne nous donnent que quelques bribes d’histoire
mélangées avec l’apport des fantaisies(imagination), les récits historiques détenus
par des spécialistes nous relatent des événements qui se rapportent à l’histoire
politique, militaire, économique des institutions et du droit. Selon Yan VANSINA, les
récits historiques sont des sources officielles chargées d’une intention historique. Ils
sont produits par des spécialistes à des occasions publiques et sont transmis à
l’intérieur d’un groupe social déterminé.
Dans les récits historiques comme la légende, on raconte des faits qui se sont
réellement déroulés, des faits historiques. La légende peut être racontée par
n’importe qui alors qu’un récit historique est raconté par un spécialiste. Dans la
légende il y a de l’imagination alors que dans les récits historiques, il n’y en a pas.
2.2.1.4. Les récits étiologiques
Ce sont des récits qui donnent l’interprétation de l’origine de tous les éléments et
de toutes les situations propres à une société, à la culture et à la nature sans faire
appel à des facteurs religieux. Les mythes comme récits étiologiques tentent
d’expliquer l’origine de quelque chose.
Ex. D’où vient l’homme ? Pourquoi l’homme porte-t-il la barbe ? Ils tentent de
répondre à la question pourquoi. Dans les récits mythiques, on tente d’expliquer
l’origine en faisant appel au monde surnaturel alors que dans les récits étiologiques
ce n’est pas le cas.
2.2.1.5. Les fables
Une fable est un récit qui sert à présenter au public un morceau de sagesse
pour en tirer une leçon morale. Elle est donc didactique, elle utilise toutes sortes de
figure (l’homme, bêtes, choses, partie du corps…) pour atteindre son but visé. Pour
mettre en relief la leçon morale, le narrateur utilise plusieurs procédés. Il peut
souligner explicitement la leçon au début du récit ou à la fin sous forme de
conclusion. Il faut aussi ne pas expliquer en supposant que l’auditoire a compris ce
que l’on veut lui enseigner.
2.2.1.6. Les fabliaux
32

Les fabliaux sont des récits qui nous présentent toujours la victoire de la
ruse, le triomphe de la ruse et de la vivacité de petites figures sur la force sournoise
et brutale de grandes figures. En effet, la figure centrale est souvent une petite bête
faible mais rusée et qui attrape toujours, par ses mauvais tours, des bêtes
puissantes et qui parvient toujours à échapper à leur vengeance.
Dans les fabliaux, les personnages sont des bêtes et l’accent est mis sur la
ruse, mais on peut aussi y trouver une leçon morale adressée aux chefs. Les
fabliaux ont des récits purement récréatifs même s’ils peuvent de façon implicite
transmettre une leçon.
2.2.1.7. Les contes populaires
Ils sont connus par toutes les sociétés de tous les temps. Ce sont des récits
populaires par excellence. Leur but est de pouvoir récréer les membres d’une
société avec certains genres et le souci d’éduquer agréablement. On distingue les
contes de fée, d’ogre, de fous, les contes judiciaires.
A. Les contes de fée
Ce sont des contes magiques des merveilleux sans aucune prétention
historique où le merveilleux joue un rôle très important. Ils ont une ressemblance
avec les mythes. Par merveilleux, il faut entendre les objets magiques comme une
bague, une baguette, etc.
B. Les contes d’ogre
Ce sont des récits dans lesquels les êtres effroyables et indéfinissables
s’efforcent de se procurer la chaire comme nourriture de prédilection. Appelés aussi
contes d’épouvante, ils ont comme fonction de recréer, d’amuser mais aussi
d’éduquer. Dans ces contes, il est surtout question d’engloutissement par des êtres
monstrueux colossaux, des villages entiers dans leurs ventres. Les plus effroyables
vont jusqu’à avoir 15 à 20 têtes. Les ogres sont de la matière sans esprit, sans
intelligence. La plupart des contes d’ogre sont destinés aux femmes ; ils contiennent
une morale qui prêche la non surestimation de soi-même.
C. Les contes de fous
Ce sont des contes caractérisés par leur personnage principal qui pose un
problème sérieux (on ne sait pas s’il est fou ou normal). Le personnage principal est
un fou, un maladroit, un irréfléchi qui par ses bévues se met dans des situations
compliquées mais finit toujours par s’en tirer par l’intermédiaire d’une tierce
personne. Les aventures font rire les gens et le ridicule personnage emporte leur
sympathie et, dans sa maladresse, il est plein de bonne volonté.
D. Les contes judiciaires
33

Ils sont utilisés dans les palabres pour illustrer les pensées comme
argumentation. Tous les contes peuvent être ainsi utilisés. Cela dépend des
circonstances et des palabres. Ce sont des récits destinés à initier les gens à la
dialectique judiciaire. Ces contes sont souvent des cas concrets, des illustrations
sur lesquelles l’auditoire doit appliquer les principes du droit coutumier. C’est
surtout la discussion de la cause qui donne une formation à l’éloquence judiciaire.
E. Les contes formules
Ce sont ceux qui distinguent par des formules figées ou stéréotypées. C’est la
manière stéréotypée de s’exprimer qui est d’une importance primordiale. La
situation centrale est simple mais l’agencement du contenu, la manipulation de la
formule des phrases stéréotypées exigent une adresse spéciale. Les personnages
dans ces contes sont indifféremment des animaux, des arbres ou des êtres
humains.
 Les contes sans fin
Ce sont des contes dans lesquels une tache particulière doit être exécutée en
un
nombre infini de fois. Ces contes sont sans limites et fatiguent l’auditoire
mais il y a évolution dans la narration.
Ex. Une pomme ramassée par une maman ; celle-ci la donne à son mari, son mari
la donne à son tour à son fils.
 Les contes inachevés
Ce sont des contes dont le narrateur raconte une histoire mais au moment où
l’histoire charme l’auditoire, il cesse ou coupe parce qu’il voudrait être supplié à
tout moment. Le conte commence par un récit mais dès que l’auditoire commence à
suivre avec attention, le conteur commence à taquiner et termine par une phrase
stéréotypée et en laissant aux auditoires d’en tirer une conclusion à leur goût.
 Les contes cumulatifs
Ils comprennent les poèmes cumulatifs, c’est-à-dire une partie chantée dans
le conte à laquelle s’ajoutent d’autres éléments et le dernier devient premier et ainsi
de suite dans l’agencement.
Ex. – Vous coupeur de sorgho, donnez-moi le sorgho que je m’en aille.
- Vous coupeur de sorgho, vous me prenez mon sorgho que m que m’ont
donné les forgerons, donnez-moi mon sorgho que je m’en aille.
- Vous coupeur de sorgho, vous me prenez mon sorgho que m’ont donné les
forgerons, les forgerons ayant pris ma machette, donnez-moi mon sorgho que
je m’en aille.
34

F. Les contes paraboliques


Une parabole est un récit inventé, improvisé qui sert à symboliser une idée,
une leçon que par bienséance, on ne voudrait pas exprimer directement. Elle sert à
juger le degré de maturité de l’interlocuteur. Le personnage principal du récit
symbolise le destinateur ou le destinataire. Les récits paraboliques sont parfois
considérés comme de longs proverbes, c’est-à-dire des proverbes narrés.
Ex. La parabole de l’enfant prodigue, la parabole de semence.
2.2.2. LES GENRES MAGEURS COMPLEXES
Ce sont des genres dont la transmission dure longtemps.
2.2.2.1. Les chants
Par chant, il faut entendre des morceaux littéraires déclarés ou narrés,
murmurés ou partiellement chantés par un spécialiste de l’art oral avec ou sans
instrument. Sa fonction est souvent panégyrique. Le chant célèbre les exploits de
l’un ou de plusieurs héros. Selon la matière qu’ils traitent, et le style qui les
caractérise, on distingue les chants guerriers, pastoraux, dynastiques, les chants
classiques et lyriques. Ils se présentent sous forme des poèmes.
2.2.2.2. Les chansons
Les chansons sont des marceaux chantés et dansés. Il y a dans les chansons une
puissance de communion, de communication et de vie à l’emprise desquelles
personne n’échappe. Suivant le cycle de la vie, on distingue :
- Des chansons de naissance
- Des chansons relatives à la première dentition de l’enfant
- Des chansons initiatiques
- Des chansons de mariage et d’amour. (Celles-ci sont dites des épithalames)
- Des chansons de sociétés secrètes et religieuses
- Des chansons de deuil, de pêcheurs, bucherons, des forgerons, des chansons
champêtres, etc.
Cette sériation n’est pas exhaustive. Bref, la typologie des champs et chansons
est malaisée à établir. En général on peut ranger les morceaux chantés en deux
catégories : les champs simples (chansons) et les chants composés (chants).
Du point de vue structural, les morceaux chantés se divisent en deux catégories
principales. Ceux qui admettent qui admettent la division bipartite en couplet-
refrain et ceux qui s’exécutent d’un trait, c’est-à-dire en sol.
2.2.2.3. Les épopées
Une épopée est un poème héroïque ou un long récit en prose qui raconte les
exploits d’un héros souvent légendaire en donnant un caractère merveilleux à ses
35

exploits. Selon Lefèvre, l’épopée est un récit poétique d’une entreprise héroïque et
merveilleux intéressant une vaste communauté religieuse ou nationale.
Le schéma d’une épopée se présente comme suit :
- La naissance du héros s’écarte de la voie normale.
- La jeunesse du héros est toujours menacée.
- La croissance rapide du héros.
- Le héros se montre maintes fois invulnérable.
- La lutte du héros contre ses antagonistes.
- Le héros est forcé de quitter son village et son pays.
- La mort du héros encore jeune s’auréole du merveilleux.
- Le héros est honoré après sa mort.
En RDC, nous avons
- L’épopée Lyanja chez les Mongo
- L’épopée mwindo chez les Nyanga
- L’épopée Lofokefoke chez les Mbole
- L’épopée Kigume et Ndinde chez le Lega
- L’épopée Nkundiye chez les Bahavu
- L’épopée Lirhangwe chez les Bashi
Ainsi donc, plusieurs ethnies connaissent ces genres de récit mais de nos jours
beaucoup d’épopées restent inconnues faute d’une collecte de données et d’une
étude systématique. Les mieux connues sont les épopées Mwindo et Lyanja.
2.2.2.3. L’éloquence judiciaire
C’est un genre oratoire complexe dont le but est de plaider en faveur d’un
plaignant ou d’un accusé en recourant à la puissance de la parole pour persuader
la partie adverse. Pour atteindre ce but, l’orateur se réfère aux proverbes, fables et
même aux chansons qui soulignent la force et la justesse de son action et
constituent l’ensemble des droits coutumiers pour les textes légaux. Savoir parler
revêt une importance capitale dans une société où la parole constitue une des
armes les plus redoutables dont l’homme puisse disposer. Un proverbe Yoka dit
« un homme dont la bouche est morte est mort d’office. » La plus grande pauvreté
est d’être privé de la parole.
L’art oratoire connu depuis l’antiquité grecque et développé par la rhétorique
comprend théoriquement quatre parties :
- L’invention ou recherche des arguments et des preuves à développer.
- La disposition ou recherche de l’ordre dans lequel ces arguments doivent être
disposés.
36

- L’élocution ou la manière d’exposer de façon la plus claire et la plus


captivante. Ces arguments ou ces preuves doivent être conçues isolément,
donc pas de méli-mélo.
- L’action qui raite de la pragmatique. Par exemple l’intonation, les jeux de
visage, la physionomie, les gestes, tout cela intervient dans l’art oratoire ou
les palabres.
Bref, les palabres indiquent une instruction sociojuridique qui constitue la
circonstance au cours de laquelle s’exerce le talent. C’est un art comme partout
dans les sociétés noires africaines.
2.2.2.4. Le théâtre traditionnel
Il s’agit d’un genre qui est connu sous forme d’improvisation. Seule l’intrigue est
connue et fait partie de la tradition. Cette intrigue peut être une histoire qu’on va
monter sur scène.

Font partie intégrante de ce genre les saynètes, les sketches. Le théâtre est une
représentation en acte d’un thème donné devant un public quelconque. La
représentation théâtrale qui appartient aux genres complexes utilise un dialogue
des acteurs entremêlés des chants qui accompagnent les gestes de visage, des
mains, bref tout le corps. Seul le schéma théâtral est indiqué. Le décor est
totalement absent. La mise en place des participants est également assez simple.
Ils sont donc libres d’improviser et d’insérer des allusions et sous-entendus, ce qui
donne la chaleur aux mots et la vie aux jeux

Les textes du théâtre traditionnel ne sont pas fixés comme les autres genres, ils
ne sont pas ordonnés ni appris de mémoire ; seul le schéma de la pièce est indiqué.
C’est aux acteurs eux-mêmes d’exprimer le thème par des phrases et des mots.
Comme autres caractéristiques, le manque de décor spécial et la simplicité dans les
costumes des acteurs. Les saynètes se déroulent en plein air et les acteurs sont
habillés comme d’ordinaire sauf dans le cas où les représentations sont
accompagnées des danses.

C’est dans le théâtre traditionnel que les acteurs jouissent d’une grande liberté
de langage. Ils peuvent proférer les insanités, caricaturer les mœurs, le pouvoir, la
société, le comportement des femmes, etc.

Chap. III. PRINCIPES ET MÉTHODES DE RECHERCHE EN LITTÉRATURE ORALE

3.1. LA COLLECTE DES DONNEES


37

Tout travail de littérature orale recourt à la collecte de différents genres qui


devront être analyser suivant une méthode appropriée. Pour une meilleure
compréhension, la littérature est l’image du milieu et de l’époque qui l’ont produite.
On ne saurait convenablement mener des enquêtes sans évoquer les traits qui
caractérisent une population : milieu physique, culturel, social afin de situer le
genre pour mieux l’interpréter.

- Cadre physique : il s’agit du relief, hydrographie, climat, la faune, la flore car


ces éléments exercent une influence sur la littérature. Le travail consiste à
découvrir les textes littéraires. Or les plateaux, les montagnes, les reliefs sont
des éléments qui nourrissent la littérature.
- Cadre culturel : il s’agit du partage des frontières culturelles. Les éléments
qui sont connus sont le cadre artistique, les croyances et les éléments
psychologiques. Les frontières arbitraires de la colonisation ne concordent
pas avec les frontières culturelles. Il y a influence mutuelle entre différents
milieux culturels suite au contact.
- Cadre linguistique : les divisions existantes sur les langues sont artificielles.
Nous nous référons aux écrits des étrangers qui nous divisent en population
bantu et non bantu. Il importe de consulter les classifications existantes
comme celle de Greenberg et Guthrie qui divisent les langues en branches
linguistiques. Pour faire la littérature orale, il faut connaitre la langue, se
trouver dans le milieu.

Comme dans toute étude des lettres, nous avons deux grandes optiques où
s’inscrivent les différentes méthodes applicables à la littérature : l’optique
synchronique et l’optique diachronique. L’optique diachronique nous semblerait
pour le moment une utopie dans la littérature africaine du groupe oral pour la
simple raison que cette littérature étant justement orale, le chercheur ne dispose
que de textes qui lui sont contemporains. La seule optique qui pour le moment est
possible reste l’optique synchronique.

3.2. QUELQUES MÉTHODES OU APPROCHES DE LA LITTÉRATURE


ORALE

Un travail de littérature orale peut être abordé suivant plusieurs approches.

3.2.1. L’approche structurale

Selon Barthes, toute analyse du récit comprend trois niveaux de description


à savoir, le niveau de fonction, celui de la narration et celui de l’action. Dans
38

l’analyse structurale, on appelle fonction dans un récit l’action d’un personnage


définie du point de vue de sa signification dans le déroulement de l’intrigue.
Parmi les fonctions, il y a par exemple ce que Propp appelle situation initiale :
partie introductive du conte dans laquelle on présente le héros en le situant
dans le temps et dans l’espace. D’après lui, une fonction est une action définie
par son sens dans le récit. Il a donc utilisé une approche initiée par SAUSSURE.

La fonction constitue un système, une organisation et une progression de la


narration. C’est ainsi qu’il a reconstruit des modèles de morphologie de conte
mettant en évidence l’existence des personnages universels comme le héros,
l’anti-héros, l’adjuvant et des processus narratifs constants comme le manque à
combler, le combat, la punition, la victoire. De ces analyses, il a dégagé
31éléments stables, c’est-à-dire 31fonctions. Il appelle ces éléments actions ou
mieux fonctions d’où le nom de sa théorie littéraire : le fonctionnalisme de
Propp. La fonction est ici la passion la passion d’un personnage dans la mesure
où il contribue au déroulement du récit. Ces fonctions sont :

- L’éloignement : fonction dans laquelle un héros quitte chez lui et laisse sa


famille dans une situation d’insécurité.
- La prohibition : fonction dans laquelle on interdit au héros implicitement ou
explicitement.
- La transgression : loi à laquelle le héros va obéir ou refuser d’obtempérer.
- L’interrogation : fonction dans laquelle l’agresseur essaie d’obtenir des
renseignements.
- L’information : l’agresseur reçoit le message.
- La tromperie : l’agresseur essaie de décevoir ou est déçu par la victime.
- La complicité : la victime est déçue et aidée par son ennemi.
- Le méfait :
Quelques reproches formulés à l’endroit de cette approche :
- Son incapacité à donner au genre littéraire une typologie univoque.
- Cette méthode ne s’intéresse pas qu’aux thèmes narratifs.
- Les analyses de cette approche ne nous fournissent que des squelettes en
sacrifiant les éléments verbaux et des faits littéraires qui font d’eux des
œuvres littéraires.

L’approche structurale s’est assignée comme tâche celle de donner aux genres
littéraires une description scientifique. Le but de cette méthode est de découvrir la
structure qui peut échapper à la connaissance consciente du narrateur. La
39

structure peut être perçue au niveau du langage. Niveau phonétique, syntaxique et


sémantique.

3.2.2. L’approche thématique

Elle s’est assigné pour tâche l’étude de la diffusion de thèmes dans des
traditions différentes. Elle prétend que toute similitude des thèmes entraine
l’identité des genres. C’est une théorie qui cherche à reconstruire à partir des motifs
identiques repérés dans des points géographiques très éloignés l’histoire d’un récit.
Il ne fait aucun doute que l’approche thématique a le mérite d’avoir construit la
forme normale pouvant permettre des études.

Ex. de thèmes prudence, intelligence, hospitalité, abnégation.

Ben Amos formule quelques griefs à l’encontre de cette approche. Il dit que
l’approche thématique a la prétention de dépister la diffusion orale de forme, elle a
négligé l’influence des versions littéraires rendant impossible un tel dépistage. Dans
son livre la morphologie du conte, Propp montre que montre que la division objective
des sujets (thèmes) et la sélection des variantes ne sont pas choses faciles et sont
vouées à la subjectivité. Là où un chercheur voit un nouveau sujet, un autre y voit
une variante ou une version contraire. Cette divergence nuit incontestablement à la
rigueur de la méthode thématique. On peut aussi reprocher à cette méthode de
négliger le style, le procédé de création, l’influence des cultures nationales du genre
individuel de la création des formes littéraires.

3.2.3. L’approche fonctionnelle

Cette méthode a été introduit par W. BASCOM. Elle met l’accent sur le rôle de
l’art verbal. William BASCOM s’est appuyé sur les recherches anthropologiques de
MALINOWSKI qui pense que dans l’étude du folklore, ce qui importe ce n’est pas de
savoir ce qui est folklore ni son lieu d’origine ni comment il se transmet mais plutôt
ce que le folklore présente pour ses producteurs. Ainsi par exemple les usagers qui
exécutent une chanson donnée s’intéressent très peu aux origines de celle-ci. Par
contre, ils se préoccupent plus de la fonction de cette dernière dans la société.
L’approche fonctionnelle s’est spécialement occupée des relations qui existent entre
les formes de l’art verbal et les besoins culturels, psychologiques et sociaux de la
société qui la produit.
40

La fonction ne correspond pas au contenu. Ainsi une fonction didactique est


présente dans tous les genres traditionnels comme les fables, les mythes. Souvent,
il est difficile de déterminer la fonction d’un genre d’une façon univoque car dans
un genre il peut y avoir plusieurs fonctions différentes à savoir la fonction ludique,
la fonction éducative, la fonction sociale, etc.

3.2.4. L’approche archétypale

L’approche archétypale consiste à comparer plusieurs types de textes afin de


poser des archétypes, c’est-à-dire des types originaux d’où sont sensés issus les
différents types actuels. Il s’agit de déterminer la forme hypothétique de base d’un
genre littéraire, son lieu d’origine, la voie empruntée dans la diffusion. Le postulat
de base est le suivant : tout conte ou récit type est né en un temps et lieu déterminé
et il ne serait diffusé de ce lieu à travers le monde par voie de commerce, de voyage
ou de guerre ou secondairement par manuscrit ou les textes imprimés. La méthode
utilisée pour déterminer la forme hypothétique est le recueil des textes dans les
variantes orales et écrites, l’étiquetage par sigles indiquant la date de la collecte, le
lieu de provenance. La deuxième démarche consiste dans l’analyse des textes en
traits essentiels c’est-à-dire personnages, actions, objets utilisés. La troisième
démarche est l’élaboration des contes de distribution géographique des traits. La
dernière démarche est la fixation à partir des traits les plus anciens c’est-à-dire les
plus nombreux et de leur répartition géographique de la forme hypothétique
originelle, du lieu d’origine et de voie de dispersion.

3.2.5. L’approche métafolklorique

La meilleure voie qui s’offre à l’analyse du genre littéraire d’une culture donnée
est celle qui lui permet de percevoir la logique interne qui préside à la structuration
de ses formes. Cette approche tient compte non seulement de la fonction mais aussi
de tous les traits susceptibles de déterminer l’existence d’un texte ou d’un ensemble
de textes d’un genre donné. Si dans la tentative de donner aux genres littéraires
folkloriques une description scientifique, les approches précitées ont été en grande
partie vouées à l’échec, c’est justement parce qu’elles sont placées respectivement
dans un seul point de vue.

L’approche métafolklorique peut se comprendre comme une tentative de


catégorisation des genres littéraires d’une culture en prenant pour critère la
manière dont les usagers eux-mêmes structurent leur folklore, la conception
41

implicite et explicite qu’ils se font de chacune de ses formes et leur contexte


d’utilisation.

3.2.6. La méthode actantielle

La méthode actantielle se situe au niveau narratif, c’est-à-dire qu’en dessous des


personnages et des acteurs présentés avec tous leurs détails au plan de la
manifestation, on essaie de découvrir quels liens profonds existent entre eux. Ils ne
sont plus alors considérés comme des personnages concrets, mais comme des
figures abstraits (actants) : personnages ou valeurs qui s’opposent.

Le but de la méthode actantielle est de déterminer la position de chaque actant


par rapport au projet central du récit. Un même personnage peut cumuler plusieurs
rôles actantiels au sein du récit. On peut étudier un conte du point de vue de sujets
différents : en effet, le héros, l’anti-héros et même d’autres personnages peuvent
être considérés comme des sujets différents et traversent le récit selon un itinéraire
des relations intéressantes à étudier.

Chap. IV. DE LA LITTÉRALITÉ A LA LITTÉRARITÉ

La stylistique de l’oralité contient plusieurs aspects esthétiques et utilise


plusieurs procédés linguistiques pour créer des images expressives qui ne sont pas
des ornements inutiles du style. C’est grâce à ces éléments que le griot captive son
public et suscite l’admiration de tous les membres de son entourage. Il arrive des
résultats admirables en combinant la stylistique de l’expression avec celle de
l’impression.

4.1. LA STYLISTIQUE DE L’IMPRESSION

C’est celle qui met l’accent sur l’aspect sémantique, c’est-à-dire ce qui est dit de ce
qu’on dit : c’est la littérarité. Elle comporte trois groupes principaux d’images
expressives correspondant à trois lois naturelles à savoir :

- La loi de ressemblance
- La loi des dissemblances, des contrastes, d’opposition
- La loi de contiguïté
4.1.1. La loi de ressemblance

Elle nous donne des images expressives par rapprochement d’idées


semblables. C’est une image qui rapproche simultanément deux objets ou deux
idées pour faire apparaître une ressemblance entre eux. Elle comprend toujours
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deux termes unis par une copule ou un morphème comparatif qui indique la
comparaison.

 La comparaison : figure de rhétorique qui permet de souligner les


similitudes entre les êtres et les choses. Ex. Ce garçon est rusé tel un
renard.
 La métaphore : c’est l’emploi d’un mot concret pour exprimer une
notion abstraite, en l’absence de tout élément introduisant
formellement une comparaison. Il en existe deux :

La métaphore in praesentia caractérisée par la présence de deux éléments de


comparaison. Ce garçon est un vrai renard. La métaphore in absentia qui se
caractérise par l’absence de l’un des éléments de comparaison. Ex. Un vrai renard
nous a pris notre argent, le soir de la vie, le berceau de l’humanité.

Quand elle introduit plusieurs rapprochements successifs, la métaphore est


filée ou suivie.

Ex. Cette femme tend les filets de ses chaumes pour chasser le gibier des naïfs.

 La catachrèse : c’est l’emploi des mots métaphoriques pour désigner un


objet pour lequel la langue n’offre pas un nom spécial.

Ex. Le pied de la montagne, les pieds d’une table, les ailes d’un moulin.

 La prosopopée : procédé de style qui consiste à évoquer un être absent ou


mort, un animal, une abstraction en lui donnant la parole.

Ex. Ebloui de l’éclat de la splendeur mondaine

Je me flattai toujours d’une espérance vive …

Je vécus dans la peine, attendant le bonheur,

Et mourus sur un coffre en attendant mon maître.

Tristan l’humanité

4.1.2. La loi de contraste ou d’opposition

Elle nous permet de parler des images par rapprochement d’idées opposées.

 L’oxymore appelé aussi oxymoron ou antilogie, cette figure de style permet de


rapprocher des réalités supposées incompatibles, des termes opposés.
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Ex. Un mort vivant, Hosties noires, une nuit blanche ; Hâtons-nous


lentement
 L’antithèse : elle permet d’opposer deux termes ou deux expressions dans
une même phrase ou paragraphe. Elle joue sur les contrastes qu’elle exprime
dans des tournures souvent symétriques.
Ex. Le superflu des riches est le nécessaire des pauvres.
Quelle mal chance malgré la beauté du corps ?
 Le chiasme : C’est une figure de rhétorique composée de deux ensembles
dans lesquels les mots sont inversés.
Ex. – Blanc bonnet et bonnet blanc
Je l’évite partout et partout il me suit
Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger (Molière)
 L’antiphrase : C’est le résultat de l’expression du positif par le négatif ou
inversement. Une antiphrase est une forme de l’ironie.
Ex. Pour dire que quelque chose est mauvais (laid, négatif) à la question
« comment trouvez-vous cette production » ?
Par antiphrase, on répondra : Hélas, elle est jolie, superbe !
 L’euphémisme : Elle consiste à atténuer ce qui est déplaisant ou considéré
comme tel, à émousser la formulation désagréable d’un jugement.
Ex. Une longue maladie (SIDA)
Il se repose, il n’est plus (il est mort)
 L’ironie : Elle consiste à dire quelque chose avec l’intention de faire entendre
le contraire.
Ex. Dire à propos d’un escroc : Admirez ce génie de la finance.
 La prétérition : Figure par laquelle on attire l’attention sur une chose en
déclarent ne pas en parler.
Ex. Je me tais pour ne pas trahir cet ami que vous cherchez, monsieur le
chef.
Je ne voudrais pas dire que c’est Jean qui a pris votre stylo.

4.1.3. La loi de contiguïté

 La métonymie : Elle consiste à employer le nom d’un objet pour en désigner


un autre avec lequel il est en rapport étroit. Les deux signifiés (le terme
exprimé et le terme traduit) sont généralement liés dans un rapport de
transfert. La métonymie s’emploie pour désigner :
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Concret par l’abstrait, le contenu par le contenant, la cause par l’effet, le


sentiment par une partie du corps, le signifiant par le signifié, l’œuvre par le
nom de son auteur.

 La synecdoque : Elle n’est qu’une variété de métonymie. D’ailleurs, la


distinction entre ces deux procédés n’a jamais été clarifiée par les
stylisticiens. Toutefois, l’une ou l’autre s’emploie pour désigner un certain
aspect particulier de la vie. Ainsi donc, la synecdoque s’emploie pour
désigner :

Le plus pour le moins, la matière pour l’objet, l’espèce pour le genre, la partie
pour le tout, le singulier pour le pluriel.

 L’hypallage : Elle consiste à rattacher à un certain mot des attributs qui


concernent d’ordinaire d’autres mots sans que l’on puisse se méprendre sur
le sens global de la phrase.
Ex. L’odeur neuve de ma robe.
 La périphrase : C’est une figure qui consiste à exprimer une notion qu’un
seul mot pourrait désigner par un groupe de plusieurs mots.
Ex. Celui qui garde le Saint-Siège

4.2. LA STYLISTIQUE DE L’EXPRESSION

C’est celle qui met l’accent sur les aspects verbo-syntaxiques des genres littéraires.
Il s’agit donc des moyens d’expression : c’est la littéralité. Il s’agit des images qui
affectent une idée dans son expression.

 L’exclamation : Elle fait éclater au moyen de l’interjection, les sentiments les


plus vifs de l’âme : la surprise, la joie, la crainte, la douleur, etc.
 L’imprécation : exclamation qui exprime un malheur
 L’optation : exclamation qui exprime un souhait
 L’apostrophe : une manière d’interrompre la parole
 L’hyperbole : C’est une exagération ou une mise en évidence de la pensée.
Ex. Je suis mort de honte. Il a versé des torrents de larmes.
 La litote : Figure qui consiste à atténuer l’expression de sa pensée pour faire
entendre plus en disant le moins. Ex. Va, je ne te hais point. Votre devoir
n’est pas mauvais.
 Le zeugme ou zeugma : Alliance des mots où l’on associe des réalités
abstraites et concrètes dans une même structure syntaxique. Ex. Il posa son
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chapeau et une question. Il est venu avec son porte-document et sa femme.


Enfermée dans sa chambre et sa surdité.
 L’ellipse : Elle consiste à ne pas utiliser dans une phrase des éléments qui
devraient s’y trouver. Ex. Chacun son tour. Combien ce livre ? Silence !
 L’asyndète : Figure de style où l’on omet surtout les conjonctions de
coordination, de concession, d’opposition telles que et, or, mais, tandis que,
etc. Ex. Hommes, femmes, enfants tous voulaient me voir.
 Le polysyndète : Ex. J’ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté (Musset)
 L’anaphore : Procédé qui consiste à commencer plusieurs vers ou phrases
successives par un même mot ou groupe de mots.
Ex. Ceux qui écaillent le poisson
Ceux qui mangent la mauvaise viande
Ceux qui fabriquent les épingles à cheveux
Ceux qui soufflent vides les bouteilles que d’autres boites pleines
Ceux qui coupent le pain avec leur couteau
Ceux qui passent leurs vacances dans les usines (J. PREVERS, paroles)
 Le pléonasme : Répétition dans un énoncé des mots ayant le même sens en
vue de marquer une insistance. Ex. Je l’ai vu de mes yeux. Je l’ai entendu de
mes oreilles. Certains pléonasmes sont des incorrections. Ex. Descendre en
bas.
 La gradation : C’est une énumération organisée qui peut être ascendante ou
descendante. Ex. Va, cours, vole et nous venge.
 La réticence (aposiopèse) : Figure de style par laquelle on interrompt le
discours au milieu d’une phrase. Ce procédé peut se justifier par l’émotion
du sujet parlant (il n’arrive à trouver ses mots) ou par la volonté de ne pas
choquer son interlocuteur (recours à la censure).

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