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I
Les strophes et les vers
La poésie est traditionnellement versi ée, c'est-à-dire composée en vers, eux-mêmes généralement
organisés en strophes.
A Le vers
Il existe différents types de vers (ou mètres), dé nis par le nombre de syllabes qu'ils comportent. Pour
compter les syllabes dans un vers, on utilise la règle de prononciation du « e » muet. Certains vers
comportent une coupe au milieu du vers, la césure.
DÉFINITION Vers
Le vers est une unité poétique qui correspond à une ligne. Il commence par une majuscule et s'achève
généralement par une rime.
Il existe différents types de vers (ou mètres), dé nis par le nombre de syllabes qu'ils comportent. Dans la
poésie traditionnelle, les mètres sont généralement pairs.
Hexasyllabe 6 syllabes
Octosyllabe 8 syllabes
Décasyllabe 10 syllabes
Alexandrin 12 syllabes
EXEMPLE
Par /les /soirs /bleus /d'é/té,/ j'i/rai/ dans/ les/ sen/tiers,
Arthur Rimbaud, « Sensation », Poésies, 1870−1871
12 syllabes par vers = alexandrin
EXEMPLE
Pourtant, j'étais fort mauvais poète.
Je ne savais pas aller jusqu'au bout.
J'avais faim
Et tous les jours et toutes les femmes dans les cafés et tous les verres
J'aurais voulu les boire et les casser
Et toutes les vitrines et toutes les rues
Et toutes les maisons et toutes les vies
Blaise Cendrars, La Prose du transsibérien et de la petite Jeanne de France, 1913
Pour compter les syllabes dans un vers, il faut prendre en compte la règle de prononciation du « e » muet :
devant une consonne, on prononce le « e » muet ;
devant une voyelle et à la rime, on ne prononce pas le « e » muet.
EXEMPLE
Les nuages courai(ent) sur la lun(e) en ammée
Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée
Alfred de Vigny, « La Mort du loup », Les Destinées, 1864
La prononciation des diphtongues doit être prise en compte : c'est l'association de deux voyelles qui peut être
prononcée en une ou deux syllabes.
DÉFINITION Diérèse
Une diérèse est une prononciation de la diphtongue en deux syllabes.
EXEMPLE
Le temple est en rui/ne au haut du promontoire.
José-Maria de Heredia, « L'Oubli », Les Trophées, 1893
La diphtongue se prononce en deux syllabes pour que le vers soit un alexandrin.
DÉFINITION Synérèse
Une synérèse est une prononciation de la diphtongue en une seule syllabe.
EXEMPLE
Nous semblions entre les maisons […]
Lui les Hébreux moi Pharaon
Guillaume Apollinaire, « La Chanson du mal-aimé », Alcools, 1913
La diphtongue se prononce en une syllabe (et non deux) pour que le vers soit un octosyllabe.
DÉFINITION Césure
Les octosyllabes, décasyllabes et alexandrins comportent une coupe au milieu du vers : la césure. Elle sépare
le vers en deux hémistiches. Le mot situé juste avant la césure est mis en valeur par cette place.
EXEMPLE
Je suis belle, ô mortels ! /comme un rêve de pierre
Charles Baudelaire, « La Beauté », Les Fleurs du Mal, 1857
Interprétation
Il s'agit d'un alexandrin, chaque hémistiche est donc constitué de 6 syllabes.
Dans la poésie traditionnelle, il est admis que la césure ne doit pas se trouver au milieu d'un mot. Cependant,
cette règle tend à être moins respectée à partir de la n du XIXe siècle.
B La strophe
Les vers sont regroupés en strophes, il en existe plusieurs types.
DÉFINITION Strophe
La strophe est un ensemble de vers isolé par des blancs.
Il existe différents types de strophes, dé nies par le nombre de vers qu'elles comportent.
Distique 2 vers
Tercet 3 vers
Quatrain 4 vers
Quintil 5 vers
Sizain 6 vers
Dizain 10 vers
EXEMPLE
Sus, debout, la merveille des belles.
Allons voir sur les herbes nouvelles
Luire un émail dont la vive peinture
Défend à l'art d'imiter la nature.
François de Malherbe, « Sus, debout… », 1614
4 vers = 1 quatrain
II
Les rimes
La rime est la répétition d'un ou plusieurs sons. On étudie la qualité de la rime, pauvre, su sante ou riche.
On étudie également la disposition des rimes : suivies ou plates, croisées et embrassées. En n, on étudie le
genre des rimes.
B La qualité de la rime
1. La rime pauvre
DÉFINITION Rimes pauvres
Les rimes pauvres comportent un seul son commun.
EXEMPLE
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Paul Éluard, Capitale de la douleur, 1926
2. La rime su sante
DÉFINITION Rimes su santes
Les rimes su santes comportent deux sons communs.
EXEMPLE
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
3. La rime riche
DÉFINITION Rimes riches
Les rimes riches comportent trois sons communs ou plus.
EXEMPLE
Vertige ! voici que friss/o/nne
L'espace comme un grand bai/s/er
Qui, fou de naître pour pers/o/nne,
Ne peut jaillir ni s'apai/s/er.
Stéphane Mallarmé, « Autre éventail », Poésies, 1899
EXEMPLE
Dans Venise la rouge, A
Pas un bateau qui bouge, A
Pas un pêcheur dans l'eau, B
Pas un falot. B
Alfred de Musset, Contes d'Espagne et d'Italie, 1829
EXEMPLE
Elle était déchaussée, elle était décoiffée, A
Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ; B
Moi, qui passais par là, je crus voir une fée, A
Et je lui dis : Veux-tu t'en venir dans les champs ? B
Victor Hugo, « Elle était déchaussée, elle était décoiffée… », Les Contemplations, 1856
EXEMPLE
Dans ma cervelle se promène, A
Ainsi qu'en son appartement, B
Un beau chat, fort, doux et charmant. B
Quand il miaule, on l'entend à peine A
Charles Baudelaire, « Le Chat (2) », Les Fleurs du Mal, 1857
EXEMPLE
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature !
Stéphane Mallarmé, « Brise marine », Poésies, 1899
EXEMPLE
Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Paul Verlaine, « Colloque sentimental », Fêtes galantes, 1869
Dans la poésie traditionnelle, un principe d'alternance des rimes masculines et féminines est respecté. Si la
rime A est féminine, la rime B est masculine, la rime C est féminine, etc.
EXEMPLE
Comme je descendais des euves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
rime féminine
rime masculine
Arthur Rimbaud, « Le Bateau ivre », Poésies, 1870−1871
III
Les sonorités
Au sein même du vers, le poète peut créer des effets de musicalité par des répétitions de sonorités :
l'assonance et l'allitération.
A L'assonance
DÉFINITION Assonance
Une assonance est la répétition d'un son vocalique (voyelle).
EXEMPLE
Je n'ai plus que les os, un squelette je semble,
Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé
Pierre de Ronsard, Derniers vers, 1586
B L'allitération
DÉFINITION Allitération
Une allitération est la répétition d'un son consonantique (consonne).
EXEMPLE
« Pour qui sont ces serpents qui si ent sur vos têtes ? »
Racine, Andromaque, Acte V, scène 5, 1668
IV
Les discordances
L'enjambement, le rejet et le contre-rejet sont des discordances poétiques courantes.
B L'enjambement
DÉFINITION Enjambement
Dans le cas de l'enjambement, la phrase se prolonge d'un vers à l'autre de manière continue et uide.
EXEMPLE
Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
Monotone.
Paul Verlaine, « Chanson d'automne », Poèmes saturniens, 1866
C Le rejet
DÉFINITION Rejet
Dans le cas du rejet, un mot ou groupe de mots bref est placé au début d'un vers alors qu'il dépend
grammaticalement du vers précédent.
EXEMPLE
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne ère,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val », Poésies, 1870−1871
D Le contre-rejet
DÉFINITION Contre-rejet
Dans le cas du contre-rejet, un mot ou groupe de mots bref est placé à la n d'un vers, alors qu'il dépend
grammaticalement du vers suivant.
EXEMPLE
Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Dé lent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Charles Baudelaire, « Spleen », Les Fleurs du Mal, 1857
Le rejet et le contre-rejet sont généralement marqués par un signe de ponctuation qui les isole
au début ou à la n du vers.
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