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QUELQUES FIGURES DE STYLE

(La plupart des exemples sont pris dans l’ouvrage de P. Bacry


recommandé dans la bibliographie.)

I. Figures de sonorités
 Les allitérations : répétition des consonnes dans une suite de mots rapprochés, créant une
harmonie imitative ou rapprochant par les sonorités un segment de phrase.
→ Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? (Racine, Andromaque)

 Les assonances : répétition de sons vocaliques, pour le même effet :


→ Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant (Verlaine, « Mon rêve familier »)

 Les homéotéleutes : mots qui ont la même terminaison, correspondant au même suffixe
→ Deux rangs d’hommes quadragénaires, quinquagénaires et sexagénaires, cossus, pansus
et cuissus.  J. Romains

 L’écholalie : répétition en écho de la dernière syllabe d’un mot :


→ Comment vous appelez-vous ? – Vous. (A. Breton)

 La paronomase ; rapprochement de deux mots aux sonorités proches mais au sens différent.
→ Troubler ainsi le service divin !
- Mais..le service du vin, faisons tant qu’il ne soit troublé. (Rabelais)

 La dérivation : emploi dans la même phrase de mots dérivés du même radical.


→ Le village a disparu. Jamais je n’ai vu une telle disparition de villages. (H. Barbusse)

 Le polyptote : emploi dans la même phrase du même mot à des cas différents (pour les
langues à flexions) du même verbe à des modes, temps ou personnes différents.
→ Et l’on sait tout chez moi, hors ce qu’il faut savoir/ Et tous ne font rien moins que ce qu’ils
ont à faire. (Molière)

 L’apocope : chute d’une syllabe ou de plusieurs syllabes à la fin d’un mot


→ciné pour cinéma

 L’aphérèse : chute d’une syllabe à l’initiale du mot :


→ Las pour hélas

 La syncope : chute d’une syllabe ou de lettres à l’intérieur d’un mot ;


→ Bsoir msieurs dames, dit Pierrot. (R. Queneau)

 La tmèse  : séparation d’un mot en deux parties, en intercalant entre ces mots d’autres mots.
Ce procédé, très rare, est imité du grec, qui peut intercaler des mots entre un verbe et son
préverbe.
→ Quelle et si fine et si mortelle / Que soit ta pointe, blonde abeille. (P. Valéry)

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 La contrepèterie : permutation des lettres ou syllabes de deux mots, ce qui aboutit à un autre
énoncé. La visée est souvent humoristique.
→Une femme folle de messes. (Rabelais)

 La diérèse : on prononce une diphtongue en deux articulations. On fera la diérèse en poésie si


le vers l’exige.
→ Vous dont j’ai pu laisser vieillir l’ambition / Dans les honneurs obscurs de quelque légion. 
(Racine, Britannicus) On prononcera AMBITI-ON
L’inverse, la prononciation de la diphtongue en une seule syllabe, s’appelle la synérèse.

II. Figures de répétition

 La répétition
→ Triste, triste était mon âme, / A cause, à cause d’une femme. (P. Verlaine)

 L’accumulation
→Pour Voltaire, Frédéric de Prusse est Marc-Aurèle, Titis, Antonin, César, Julien, Alcibiade, la
Salomon du Nord… Les réponses de Frédéric ne sont pas en reste : sous sa plume, Voltaire
devient tout à tour Cicéron, Démosthène, Socrate, Platon, Virgile, Aristote, Anacréon,
Thucydide, Térence, Quintilien, Salluste, à l’occasion Apollon et Jupiter. (P. Gaxotte)

N.B. : L’accumulation est infinie, à la différence de l’énumération, qui passe en revue tous les
éléments d’un domaine ou d’une série, et prétend à l’exhaustivité. L’énumération dans
l’exemple suivant mentionne tout ce que l’on peut trouver sur un champ de bataille :

 L’énumération
→ Fuyards, blessé, mourants, caissons, brancards, civières. (Hugo)

 L’anaphore : répétition du même mot ou groupe de mots en début de chaque phrase, vers, ou
proposition :
Il y aura des fleurs tant que vous envoudrez/ Il y aura des fleurs couleurs de l’avenir/ Il y aura
des fleurs lorsque vous reviendrez. (Aragon)

 L’épiphore : A l’inverse de l’anaphore, répétition d’un mot à la fin de la phrase ou de la


proposition :
→ Les courtes plaisanteries sont les meilleures, Monsieur. La justice aura le dernier mot,
Monsieur. (Bernanos)

 L’anadiplose : le dernier mot d’une phrase ou d’une proposition est repris au début de la
phrase ou proposition suivante :
→ On a sorti nos revolvers et on a tiré. On a tiré précipitamment. (Michaux)
→Mourir pour des idées, l’idée est excellente. (Brassens)

S’il y a un enchaînement d’anadiploses, on parlera de concaténation :


Le néant a produit le vide, le vide a produit le creux, le creux a produit le souffle. (Claudel)

 L’antépiphore (rare) : répétition d’une même formule ou d’unmême vers au début ou à la fin
d’une même phrase.
Adorable sorcière,aimes-tu les damnés ?

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Dis, connais-tu l’irrémissible ?
Connais-tu le remords, aux traits empoisonnés ?
A qui notre cœur sert de cible ?
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ? (Baudelaire)

III. Figures de construction ou de syntaxe

 Le parallélisme : juxtaposition ou coordination de phrases ou de membres de phrases, ayant la


même construction et la même longueur.
→La bergère s’en va, délaissant les moutons
Et la fileuse va, délaissant les fuseaux. (Péguy)

 La parataxe : on juxtapose les propositions, sans mot de liaison. On parlera de construction


paratactique.
→Je ne leur fais pas confiance aveuglément. Trop impulsifs. Faut s’en méfier. Joueraient leur
va-tout. Ils sont comme fous parfois. Les conséquences, ils n’y pensent pas. (Michaux)

 L’asyndète : absence de mot de liaison en tête de phrase, qui fait chercher au lecteur le
rapport logique, de cause, de conséquence ou d’opposition.
→Il était six heures : Binet entra. (Flaubert)

 La polysyndète : on multiplie au contraire les mots de liaison.


→J’ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis, et ma gaieté. (Musset)

 L’anacoluthe : rupture de construction


→ Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.(Pascal)
Le premier sujet (« le nez de Cléopâtre) est finalement remplacé par un autre (« toute la face
de la terre ».)

 La prolepse : un mot ou une expression est extrait de la proposition ou il devrait se trouver et


est anticipé par un pronom :
→Et il a ajouté que d’ailleurs il le méritait, qu’il soit fermé, mon établissement. Pourquoi ?
parce qu’il était immoral. Ils ont mis du temps pour s’en apercevoir qu’ il était immoral, mon
établissement. En tout cas il est fermé, mon établissement, et bien fermé !  (R. Queneau)

 L’hyperbate : on ajoute à une phrase qui paraît finie un mot ou groupe de mots, qui se trouvent
ainsi mis en relief :
→Albe le veut, et Rome. (Corneille)

 L’hystérologie, ou l’hysteron-proteron (du grec : le dernier en premier)


→Moriamur et in media armaruamus! Mourons et précipitons-nous au milieu des combats !
(Virgile)

 L’anastrophe : renversement de l’ordre habituel des mots à l’intérieur d’un syntagme :


→Close la bouche et lavé le visage
Purifié le corps, enseveli
Ce destin. (Bonnefoy)

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 L’ellipse : omission d’un ou plusieurs mots
→ Plus de mystère, plus de niaiserie, on a bouffé toute sa poésie puisqu’on a vécu jusque-là.
Des haricots, la vie. (Céline)

 La brachylogie : ellipse de mots qui conduit à une vérité très condensée :


→Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. (Pascal)

 L’explétion : ajout d’un mot superfétatoire


→Mon manège à moi c’est toi ! (Piaf)

 L’aposiopèse : phrase commencée, interrompue, puis qui part sur un autre sujet
→LISETTE : - Ah ! tire-moi d’inquiétude. En un mot, qui êtes-vous ?
ARLEQUIN : - Je suis… N’avez-vous jamais vu de fausse monnaie ? (Marivaux)

 Le zeugma (= attelage en grec) : on associe à un même verbe deux compléments qui


appartiennent à des domaines différents
→Vêtu de probité candide et de lin blanc (Hugo)
→Les hommes mettent dans leur voiture autant d’amour-propre que d’essence. (Daninos)
→Voilà, me dit-elle en souriant et en espagnol. (Dard)

IV. Figures de disposition des mots

 L’hypallage : déplacement de l’épithète vers un élément qu’elle ne caractérise pas.


→L’odeur neuve de ma robe (Larbaud)
→Le vol noir des chapeaux (Mallarmé)

 La gradation : succession de mots de force croissante ou décroissante


→Oui, Price, je languis, je brûle pour Thésée. (Racine) : climax
→Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre (La Fontaine) 

 La syllepse : reprise dans la même phrase de deux mots employés au sens propre et au sens
figuré, ou utilisation du même mot au sens propre et au sens figuré
→Rome n’est plus dans Rome, elle est là où je suis. Rome 1 = la ville Rome 2 : le pouvoir
romain (Corneille)
→Brûlé de plus de feux que je n’en allumais… feux= l’amour (figuré) /l’incendie (propre)
(Racine)

 La réversion : reprise des mots en sens inverse


→L’amour était toujours mêlé aux affaires et les affaires à l’amour (Mme de La Fayette)

 Le chiasme : disposition croisée de quatre termes répartis en deux séquences syntaxiques


(AB-B’A’) qui réunit, au centre d’une part, aux extrémités d’autre part, des éléments de même
nature ou ayant même fonction syntaxique :
→Chiasme syntaxique :  Ces murs maudits (A) par Dieu (B) , par Satan (B’) profanés (A’) 
→Chiasme sémantique : Le roulis (A) aérien (B) des nuages (B’) de mer (A’)  (Vigny)

V. Figures de l’expression

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 L’euphémisme : on présente de façon agréable une réalité qui ne l’est pas.
→Le fils d’une femme de mauvaises mœurs (A. Cohen)

 La litote : expression atténuée d’une idée, souvent pour la faire ressortir


→Va, je ne te hais point. Corneille (Chimène à Rodrigue, pour lui dire qu’elle l’aime.)

 L’hyperbole : exagération
→Et des fleuves français les eaux ensanglantées
Ne portaient que des morts aux mers épouvantées. (Voltaire)

 L’adynaton : hyperbole outrée, qui conduit à décrire une impossibilité


→C’est un roc ! C’est un pic ! C’est un cap ! Que dis-je c’est un cap ! C’est une péninsule !
(Rostand)

 La périphrase : expression développée qui désigne quelque chose ou quelqu’un par une de
ses caractéristiques, sans le nommer directement :
→Cestui-là qui conquit la toison (Du Bellay) = Jason

 La redondance : redoublement de l’idée dans deux segments de phrases proches


→Ce qu’il faut à tout prix qui règne et qui demeure,
Ce n’est pas la méchanceté, c’est la bonté. (Verlaine)

 Le pléonasme : ajout d’un détail évident


Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre,
Voir ces maisons en cendres et tes lauriers en poudre ! (Corneille)

 La tautologie : définition répétitive, fondée sur le principe de l’identité.


→Une femme est une femme. (Godard)

 Le truisme : maxime qui dit une évidence


→S’il n’y avait pas de Pologne, il n’y aurait pas de Polonais. (Jarry)

 L’antithèse : opposition forte entre deux expressions, qui fait ressortir le contraste
→Et monté sur le faîte, il aspire à descendre (Corneille)

 L’oxymore : alliance d’un nom et d’un adjectif de sens opposé


→Cette obscure clarté qui tombe des étoiles (Corneille)

 La synecdoque : on désigne quelque chose par un élément qui lui est associé mais qui est
inclus dans l’objet désigné.
→Je ne regarderai ni l’or du soir
Ni les voiles descendant vers Harfleur. (Hugo) : voiles : un élément inclus dans le bateau

 La métonymie : on désigne quelque chose par un élément qui lui est associé
→Grâce à vous, une robe a passé dans ma vie. (V. Larbaud) une robe = une femme

 L’antonomase : métonymie spécialisée dans la désignation d’une personne.


→« le Russe » pour « le joueur russe », « l’homme du 18 juin » pour de Gaulle. L’ensemble
des désignations successives de la personne forme une chaîne coréférentielle.

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 L’énallage : emploi d’une personne pour une autre, d’un mode ou d’un temps qui ne sont pas
attendus, d’un adverbe pour un adjectif
→Narcisse c’en est fait : Néron est amoureux (Racine) Néron au lieu de « je »
→C’est dire que je me méfie atroce. (Céline) atroce = atrocement
→Et grenouille de sauter dans la mare. (La Fontaine) sauter = se met à sauter

VI. Figures d’analogie

 L’image : on met en relation, par l’imagination, un compré (= ce qui est comparé) et un


comparant (= ce à quoi on compare.) Si l’image est introduite par un mot grammatical, c’est
une comparaison ; dans le cas contraire, c’est une métaphore.
→Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux. (Baudelaire) COMPARAISON

N.B. : la métaphore filée : elle poursuit l’image amorcée par un vocabulaire du même champ
lexical.
→Adolphe essaie de cacher l’ennui que lui donne ce torrent de paroles, qui commence à
moitié chemin de son domicile et qui ne trouve pas de mer où se jeter. (Balzac)

 La personnification : attribution à une chose ou à un animal de caractéristiques humaines.


 L’animalisation : un humain est décrit avec des caractéristiques animales
 La réification consiste à caractériser un être vivant comme une chose

VII. Procédés globaux


Les figures suivantes sont globales, c’est-à-dire qu’elles se déploient sur une certaine étendue.
 L’allégorie : image résultant de la représentation d’un concept (la Loi, la France…) par un
être imaginaire, le plus souvent animé, composé de traits concrets. L’allégorie a son origine
dans la statuaire (comme l’allégorie de la Justice, représentée comme une femme aux yeux
bandés, tenant un glaive et une balance.)
→M’apparut tristement l’idole de la France
Comme une pauvre femme atteinte de la mort.
Son sceptre lui pendait, et sa robe semée
De fleurs de lys était en cent lieux entamée. (Ronsard) (allégorie de la France des guerres
de religion comme une femme blessée.)

 La prosopopée : faire parler un mort ou une entité abstraite.


→Un soir l’âme du vin chantait dans les bouteilles :
« Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité. » (Baudelaire)

 L’hypotypose : celui qui parle demande à son interlocuteur de se représenter la scène et


compose un tableau.
→Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants,
Entrant à la lueur de nos palais brûlants,

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Sur tous mes frères morts se faisant un passage,
Et de sang tout couvert, échauffant le carnage.
Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants.
Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue.  (Racine)

 La prétérition : feinte qui consiste à dire qu’on ne va pas dire, puis à le dire finalement.
→Je ne vous peindrai point le tumulte et les cris,
Le sang de tous côtés ruisselant dans Paris. (Voltaire)

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