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PROPOSITION DE COMMUNICATION AU COLLOQUE

« Le contrat au 21ème siècle Regards croisés droit privé, droit public, common law »

INFORMATIONS SUR L’AUTEUR

NOMS ET PRENOMS : NGAH NOAH Marcel Urbain


Assistant à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de
Douala
Téléphone : 679627111 et 695719110
Email : noahga@yahoo.fr

INFORMATIONS SUR LA CONTRIBUTION

Titre : « Le contrat entre décadence et renaissance : réflexion sur une institution en
pleine mutation»

Résumé :

Réalité irréductible de la vie sociale, le contrat a subi, pendant le vingt-unième siècle,


d’importantes mutations. Vouloir les saisir peut paraître présomptueux. Nonobstant, l’ampleur
et la complexité de cette tâche, le couple « décadence et renaissance » caresse cette ambition.
La décadence se traduit par le déclin annoncé d’une conception du contrat. La renaissance se
matérialise par l’essor du phénomène de contractualisation.
Mots-clés : Contrat-mutations-décadence-contractualisation-renaissance.

1. L’omniprésence du contrat au fil du temps : l’irréductible contrat. «  Nous


vivons de plus en plus contractuellement ». Cette assertion de Josserand en 1937 demeure

1
d’une inébranlable actualité. En effet, la conclusion des contrats rythme la vie en société.
Qu’on se souvienne qu’au fondement de la vie en sociale se dessine déjà la figure
contractuelle : le contrat social1. Cette omniprésence du contrat en fait un objet d’étude
permanent : une espèce de vieux meuble ornant l’appartement juridique2. 2.
L’existence des questionnements sur le contrat : entre certitudes et incertitudes. Indexé,
comme objet d’une crise3, la mort annoncée du contrat4 n’a pas eu lieu. Le contrat est
aujourd’hui bien vivant voire vivace5. Pourtant, les questionnements sur sa définition, sa
conception, ses mutations voire ses transformations demeurent d’actualité. Ils se font sous
fond de doutes, de remises en question des certitudes, d’incertitudes sur l’avenir ou le devenir
du contrat. Ces questions empruntent une grille épistémologique intégrant une perspective
diachronique questionnant les fondements et l’évolution de la théorie du contrat et une
approche synchronique tentant de photographier le phénomène contractuel tel qu’il ressort du
droit positif et de la réalité pratique d’une part. Une grille interdisciplinaire révélant
l’intrusion en droit contractuel d’autres disciplines sociales et une grille comparative mettant
exergue l’évolution du phénomène contractuel dans les différents systèmes juridiques 6 : des
« fertilisations croisées »7 d’autre part. Une réflexion sur ces différentes problématiques
suppose la réponse à une question préalable : de quel contrat s’agit-il ?
3. Quel contrat pour quelles mutations ? Dérivé du latin contractus, lui-même tiré
du mot contrahere qui signifie rassembler, réunir, conclure, le contrat est défini par l’article

1
J.-J. Rousseau, Du contrat social, 1762, L. 1, Ch. 1, T. III, p. 352 : « L’ordre social est un droit sacré, qui sert
de base à tous les autres. Cependant ce droit ne vient point de la nature ; il est donc fondé sur des conventions »
2
De manière indicative V. G. CORNU, « L’évolution du droit des contrats en France », RIDC, 1979 p. 447 et
s. ; Ph. Le TOURNEAU, « Quelques aspects de l’évolution du contrat », Mél. Raynaud, 1985, pp. 348 et s. ; B.
BERLIOZ-HOUIN et BERLIOZ, « Le droit des contrats face à l’évolution économique (Adaptation et
discordances) », Etudes R. HOUIN, 1985 pp. 3 et s. ; L’évolution contemporaine du droit des contrats
(Journées R. SAVATIER, Poitiers, 1985), 1986 ; L. CADIET et ali., Le droit contemporain des contrats,
Rennes, Economica 1987 ; L. ROZES, « Quelques remarques sur l’évolution du droit des contrats » in
Regards critiques sur quelques (r)évolutions récentes du droit, Tome 1, bilans, pp. 87 et s. ; D. MAZEAUD et
CH. JAMIN (Dir.), La nouvelle crise du contrat, Dalloz, Paris, 2003 ; C. GUELFUCCI -THIBIERGE, « Libres
propos sur la transformation des contrats », RTD. Civ. 1997, pp. 357 et s.
3
La crise du contrat, Archives de philosophie du droit, 1968.
4
V. ALPA, La morte del contralto, in Politica del diritto, 1976, à propos de GIL- MORE, The death of contract,
1974.
5
P. JESTAZ, « Quel contrat pour demain ? », Rapport de synthèse, in D. MAZEAUD, La nouvelle crise du
contrat, Dalloz, Paris, 2003, pp. 243 et s., spéc., p. 259. L’auteur indique que « le contrat est un mort qui se porte
bien ».
6
A. GUIDO, « L'avenir du contrat : aperçu d'une recherche bibliographique », in Revue Internationale de Droit
Comparé. Vol. 37 N°1, Janvier-mars 1985. pp. 7-26, spéc., p. 8 : « Celui qui veut aborder, aujourd'hui, l'étude
du contrat, considéré soit comme instrument des opérations économiques des particuliers et des Administrations
publiques, soit comme l'objet de la construction dogmatique ou du laboratoire doctrinal et jurisprudentiel, ne
peut pas ignorer deux exigences dont il faut absolument tenir compte : la méthode comparative et la méthode
pluridisciplinaire ».
7
M. FONTAINE, « Fertilisations croisées du droit des contrats », in Études offertes à J. GHESTIN, Le contrat
au début du XXIe siècle, Paris, L.G.D.J., 2001, pp. 347-361.

2
1101 du Code civil comme la « convention par laquelle une ou plusieurs personnes
s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose
». Cette définition légale du contrat à forte coloration privatiste, bien que comportant certains
éléments indispensables à la détermination de la notion de contrat 8, n’a pas pu taire les débats
sur sa définition conceptuelle tiraillée entre des conceptions libérale et institutionnelle une
prééminence de cette dernière9. Toujours est-il que le contrat s’entendra ici comme un accord
de volontés reconnu et encadré par le droit positif et ayant vocation à produire des effets de
droit10. Quant aux mutations qui affectent le contrat, elles seront envisagées ici comme des
changements constatés aussi bien en théorie générale des contrats et en droit des contrats
qu’en dehors.
4. Une réalité contractuelle de plus en plus complexe : le contrat entre ordre et
désordre. Loin de l’ordre instauré par le Code civil de 1804 en droit des contrats, la matière
contractuelle est le théâtre d’un désordre du fait de sa complexification croissante. Ce
désordre en brouille la perception. Il est d’abord celui de l’assise théorique du contrat tiraillée
entre la persistance de la conception erronée du contrat fondée sur l’autonomie de la volonté
et l’émergence d’une approche nouvelle dont les contours encore imprécis s’appuie sur les
idées d’utilité et de justice. Le désordre est aussi celui du droit des contrats. D’abord, du droit
commun des contrats dont le contenu subi les soubresauts qui affectent ses fondements.
Ensuite, des droits spéciaux dont le nombre de plus en plus croissant le questionne et
influence le premier. Le désordre est enfin celui des sources du droit des contrats au confluent
de leur constitutionnalisation, de leur supranationalisation et de leur judiciarisation. Cette
effervescence pose la question de la cohérence de toutes ces dynamiques amorcées mais
inachevées. Dans une toute autre perspective, le phénomène contractuel se développe à une
vitesse exponentielle conquérant des espaces qui hier lui échappaient. Cette contractualisation
soulève des questionnements divers qui touchent à l’essence même du contrat, à sa place, à
8
On y retrouve d’une part, le nécessaire accord de volonté, manifestation de la liberté conventionnelle, qui
permet distingue le contrat de l’acte juridique unilatéral, et, d’autre part, la production d’effets juridiques
notamment d’un lien juridique par cet accord qui distancient le contrat des conventions non obligatoires.
L’accord apparait de l’avis de certains comme un élément de définition omniprésent quelque soit le système
juridique envisagé. Cf. J. SCHMIDT-SZALEWSKI, « La période précontractuelle en droit français », in
RIDC Vol. 42 N°2, Avril-juin 1990. pp. 545-566, spéc., p. 545 : « Dans tous les systèmes juridiques, la
caractéristique fondamentale du contrat est l'existence d'un accord ».
9
H. KELSEN, « La théorie juridique de la convention », Arch. de Philo. du Dr. 1940, pp. 47 et s. ; H. M.
MONEBOULOU, « La question de la définition du contrat en droit prive : essai d’une théorie
institutionnelle », Juridical Tribune, Volume 4, Issue 1, June 2014, pp. 88 et s. la question d’une définition du
contrat permettant de rendre compte de l’évolution et de la réalité contractuelle demeure d’actualité, P. JESTAZ,
« op.cit., spéc., p. 258.
10
Peu importe qu’il s’agisse du contrat envisagé comme instrument d’échange économique ou du contrat moyen
d’organisation des aspects de la vie sociale ou économique. J. GHESTIN, « La notion de contrat », Recueil
Dalloz, 1990, p. 147.

3
son importance dans la société et dans le domaine juridique. Ces mutations diffuses ayant
pour objet le contrat sont-elles annonciatrices du déclin du contrat ou au contraire sont-elles
les signes précurseurs de sa renaissance ?
5. Entre passé, présent et avenir : décadence ou renaissance du contrat. Le
diagnostic du contrat à l’aune du droit des contrats révèle le déclin d’une conception
désincarnée perceptible à travers une photographie du contrat en l’état (I). Sur un autre plan,
le développement impressionnant du phénomène contractuel marque de son succès certain
emporte l’idée de renaissance. Le contrat dont la mort a longtemps été annoncée est bel bien
vivant : il est dans tous états (II).

I. LE CONTRAT EN L’ETAT
Circonscrite au droit privé, une photographie du contrat au XIX e siècle révèle deux
images : une fondation contractuelle ébranlée (A) et un édifice contractuel fissuré (B).

A. Une fondation contractuelle doublement ébranlée


Fruit de la conjugaison de plusieurs facteurs, l’ébranlement de la fondation
contractuelle se traduit par un affaissement de l’assise théorique du contrat (1) et à un
élargissement de ses sources juridiques (2).
1. L’affaissement perceptible de l’assise théorique du contrat
Il se matérialise par une dégénérescence des principes fondateurs du contrat (a)
induisant corrélativement l’émergence des principes correcteurs (b)
a) La dégénérescence différenciée des principes fondateurs du contrat
Privilégiant une vision positive du contrat au détriment de sa conception erronée
persistante fondée sur le mythe de l’autonomie de la volonté, les principes fondateurs du droit
des contrats sont : la liberté contractuelle et son corollaire l’égalité et la sécurité. Le premier a
connu une déchéance dont les manifestations sont plurielles. Son corollaire a subi au fil du
temps un démenti cinglant. Quant au second, il ya longtemps que l’intangibilité a perdu son
caractère sacré du fait de nombreuses atteintes légales et jurisprudentielles.
Fondé sur le recul du mythe de l’autonomie de la volonté, le déclin de ces principes se
fait sous fond de chassé croisé : alors qu’on note un flux de la liberté vers la phase
d’exécution, on assiste à un reflux de la sécurité vers l’étape de formation. Toujours est-il que
leurs excès ont entrainé l’émergence des principes correcteurs.
b) L’émergence inachevée des principes correcteurs du contrat
L’incapacité des principes fondateurs classiques du contrat à répondre aux aspirations

4
d’utilité et de justice contractuelles a permise l’érection de nouveaux principes tendant à
corriger leurs insuffisances. Il s’agit essentiellement des principes d’égalité, d’équilibre et de
solidarité contractuelle. Ils sont mobilisés soit par le juge soit par le législateur pour atteindre
les idéaux d’utilité et de justice contractuelles. Dans la même perspective, des notions telles
que les abus et la proportionnalité sont promis à un bel avenir en droit des contrats.
De manière beaucoup plus éclectique, les principes d’efficacité et d’efficience, issus
du droit anglo-saxon et portés par l’analyse économique du droit, ont fait une entrée timide
mais remarquée dans la matière contractuelle. Leur ampleur, leur portée et leur devenir restent
à déterminer.
Cette restructuration amorcée mais inachevée de l’assise théorique du contrat coïncide
avec une reconfiguration de ses sources juridiques.

2. L’élargissement visible des sources juridiques du contrat


L’élargissement des sources du droit des contrats est le fait d’une part, des textes
contraignants ou non (a) et de la jurisprudence (b).
a) Une expansion intensive des sources textuelles du contrat
Elle est loin l’époque où le droit des contrats se lisait dans et par le Code civil. On note
aujourd’hui une explosion des sources textuelles du droit des contrats. Elle est la fait de leur
constitutionnalisation, leur supranationalisation et de leur flexibilisation.
Conséquence du règne de la constitution sur la pyramide normative, la
constitutionnalisation du droit des contrats est essentiellement le fait du juge constitutionnel.
Construite de manière progressive, elle apparait comme un processus inachevé dont la portée
reste à déterminer.
Résultat du rôle économique du contrat, la supranationalisation du droit des contrats
est un mouvement présent sur les continents. La fondamentalisation mitigée du droit des
contrats fait écho à leur communautarisation et leur régionalisation accrue. Elles complètent le
mouvement plus ancien d’internationalisation du droit des contrats.
Une autre dynamique moins visible de prime abord contribue à élargir les sources du
droit des contrats : c’est leur flexibilisation. Fondée sur le développement d’un droit souple
voire mou, elle met les projecteurs sur les règles non contraignantes qui régissent le contrat.
Issu de la pratique, ces règles répondent mieux aux aspirations de leurs destinataires.
Entre droit dur et droit mou, le droit textuel des contrats s’étend complexifiant son
accessibilité et son identification tout comme le droit élaboré par le juge.
b) Une consolidation progressive des sources jurisprudentielles

5
Le droit des contrats français est aujourd’hui essentiellement jurisprudentiel. Le juge
loin d’être uniquement la bouche de la loi en est devenu la tête pensante. La contribution de la
jurisprudence à l’édification du droit des contrats emprunte les voies de l’adaptation et de la
création.
Dans le premier cas, la jurisprudence s’est attelée à adapter le droit textuel à
l’évolution de la société. Cette création du droit des contrats par et dans la loi fait écho à une
création en marge des textes. Dans la seconde hypothèse, la jurisprudence dans le silence des
textes a tout simplement créé le droit des contrats. L’affirmation de ce rôle créateur du juge
pose la question du sort réservé aux règles crées. La plupart des solutions élaborées par la
jurisprudence sont aujourd’hui reprises par le droit textuel positif et prospectif. Ce pied de nez
à MONTESQUIEU correspond à l’évolution actuelle des sources du droit où le rôle créateur
du juge n’est plus discuté.
Ebranlée la fondation contractuelle du XXIe siècle est à reconstruire. Loin de tout
reconstruire les matériaux de la nouvelle fondation sont là. La doctrine en sa qualité
d’architecte doit la penser : en conciliant les principes fondateurs et correcteurs d’une part, et
en articulant les sources anciennes et celles nouvelles d’autre part. Alors le législateur et le
juge respectivement pourront la maitre d’ouvrage et ouvrier la reconstruisent. Le ciment
pouvant permettre d’y arriver se trouve peut être dans les idées d’utilité et de justice
contractuelles qui ont déjà servir à colmater un édifice contractuel fissuré.

B. Un édifice contractuel logiquement fissuré


L’ébranlement par des forces subversives de la fondation du contrat a fissuré l’édifice
contractuelle rendant nécessaire une rénovation plus ou moins marquée des différents
niveaux : la formation (1) et l’exécution du contrat (2).
1. La rénovation amorcée de la phase de formation du contrat
La rénovation du rez-de-chaussée de l’édifice contractuel s’est faite par une
réglementation systématique de la période précontractuelle (a) et par des aménagements
significatifs dans la phase de la conclusion contractuelle (b).
a) La réglementation systématique de la période précontractuelle
Ignorée par le Code civil, la période précontractuelle fait aujourd’hui l’objet d’une
attention accrue.
Négligée par le législateur et soumise à la créativité illimitée de la pratique, la période
précontractuelle a été maternée par la jurisprudence. Canalisant les excès de la liberté et les
innovations de la pratique, la jurisprudence a posé les principes, les règles régissant les avant-

6
contrats et le régime de responsabilité de la période contractuelle.
Jadis laissée à la seule surveillance du juge qui s’est vu confié la mission d’encadrer la
liberté précontractuelle, la période précédant la conclusion du contrat fait l’objet d’une
réglementation textuelle tant positive que prospective.
Oubliée par le Code civil, la période précontractuelle après un encadrement
jurisprudentiel séculaire retient aujourd’hui l’attention des législateurs qui dispose sur ce plan
d’options multiples.
b) Les modifications significatives de la conclusion contractuelle
Qualifiée de statique, la phase de conclusion du contrat est en mouvement sous une
lettre figée. Ce mouvement est le fait soit du législateur à travers la décodification soit du
juge. Quelques modifications significatives ressortent de cette action conjuguée.
A coté de l’élargissement jurisprudentiel des vices de consentement et de la
conception de la cause, on note une tendance à un renoncement généralisé à la cause et à
l’objet dans le contrat. Déjà ancré dans certaines législations, elle tend à s’étendre au droit
français dernier bastion de la cause suscitant de ce fait des controverses.
Sur un tout autre plan, le développement des contrats conclus par voie électronique
soulève des questions quant à la preuve électronique et à la qualité du consentement. Plusieurs
législations ont consacré le principe de l’équivalence fonctionnelle permettant d’assimiler la
preuve électronique à la preuve matérielle. D’autres ont élaboré des règles spécifiques visant à
sécuriser le consentement dans ces contrats.
Entre préoccupations matérielles et évolution numérique, la formation du contrat tend
bien que mal s’adapte tout comme l’exécution de ce dernier.
2. La transfiguration annoncée de la phase d’exécution du contrat
Les mutations de la phase d’exécution du contrat visent aussi bien les principes qui la
structurent (a) que l’inexécution du contrat (b)
a) L’ébranlement des principes structurant l’exécution du contrat
De manière classique, deux principes innervent l’exécution du contrat : le principe de
la force obligatoire du contrat et le principe de l’effet relatif.
Sous l’effet conjugué du législateur et du juge, l’intangibilité du contrat 11 n’est plus ce
qu’elle était il y a quelques siècles victime du « forçage du contrat »12. La force obligatoire du
contrat malgré ses attaques n’a pas pourtant disparu. A sa conception fondée sur le mythe de

11
L’intangibilité englobe ici l’immutabilité et l’irrévocabilité.

12
L. JOSSERAND, « Le contrat dirigé », D. 1933, chron. pp. 89 et s., spéc. p. 91. Création des obligations
impératives (sécurité, information, conseil).

7
l’autonomie se substitue progressivement une approche tenant compte des impératifs de
justice et d’utilité contractuelle. Une illustration est donnée par l’évolution de la question de
l’imprévision à propos de laquelle on est passé d’un rejet de la révision du contrat à une
admission d’une renégociation conventionnelle impulsée par le juge 13 et à défaut à une
renégociation judiciaire.
Pour ce qui est du principe de l’effet relatif du contrat, il a depuis longtemps perdu de
sa vigueur d’antan. Le renouvèlement des notions de partie et de tiers au contrat combiné à
son analyse à l’aune des groupes de contrats a abouti à sa conception renouvelée 14. Il est
maintenant admis que des tiers invoquent le contrat (Cass. ass. plén., 6 octobre 2006, LPA 22
janvier 2007, p. 16, note C. Lacroix).
Revisités à l’aune des impératifs de justice, d’utilité et de pérennité contractuelle, les
principes de la force obligatoire et de l’effet relatif des contrats n’ont pas disparus. Ils ont
simplement vus leur conception classique abandonnée au profit d’une conception renouvelée
cadrant mieux avec l’évolution de la réalité contractuelle.
b) Le renouvèlement règles régissant l’inexécution du contrat
Les transformation de l’inexécution du contrat tout aussi bien au sens de l’inexécution
qu’à ses conséquences.
Sous l’influence d’une américanisation voire d’une « anglosaxonisation »du droit
portée par l’analyse économique et véhiculée par le biais du droit commercial international, la
notion d’inexécution contractuelle, longtemps appréhendée en termes d’inexécution totale ou
partielle, s’est enrichie en consacrant d’une part, l’inexécution essentielle, et, d’autre part,
l’inexécution anticipée (anticipatory breach). Il s’agit là des mutations qui répondent aux
impératifs de pérennité contractuelle (favor contractus) et d’efficience économique
(efficience breach of contract).
Quant aux conséquences de l’inexécution à savoir les sanctions, elles subissent des
mutations tant quantitatives que qualitatives. On assiste ainsi au nom de la favor contractus à
une multiplication des sanctions alternatives à la résolution contractuelle et à une restriction
de la résolution du contrat à travers l’exigence d’une inexécution essentielle. Sur un tout autre
plan, on assiste à une généralisation de la résolution unilatérale du contrat 15. Dans la même
13
Cf. les arrêts Huard (Com. 3 nov. 1992, Bull. civ., IV, no 338 ; RTD civ., 1993, p. 124, obs. J. Mestre) et
Chevassus-Marche (Com. 24 nov. 1998, Bull. civ., IV, no 277 ; RTD civ., 1999, p. 98, obs. J. Mestre).
14
M. BACACHE-GIBEILI, La relativité des conventions et les groupes de contrats, LGDJ, 1996, C.
GUELFUCCI-THIBIERGE, « De l’élargissement de la notion de partie au contrat…à l’élargissement de la
portée du principe de l’effet relatif », RTD civ., 1994, p. 275.

15
Civ. 1ère, 13 oct. 1998, Defrénois. 1999.374, obs. D. MAZEAUD ; Civ. 1ère, 14 janv. 2003 : Contrats, conc.,
consomm. 2003.comm.n° 87. Ch. JAMIN, « Les sanctions unilatérales de l’inexécution du contrat : trois

8
lancée, la responsabilité contractuelle est questionnée à l’aune de la minimisation du
dommage par la victime (mitigation of damage)16. Fondées sur les impératifs d’analyse
économique du contrat, ces évolutions suscitent des débats.
Tiraillé entre une conception libérale dépassée et une conception renouvelée
inachevée, le contrat au XXIe siècle est une institution à reconstruire. Entre forces
conservatrices et dynamiques réformatrices, cette reconstruction pourrait empruntée les voies
de l’utile et du juste, de la conciliation des impératifs économiques avec les aspirations
morales avec une prééminence de ces dernières. Toujours est-il qu’à l’orée de la décadence de
la conception libérale excessive et erronée du contrat se dessine déjà une conception nouvelle
porteuse de l’idée de renaissance du contrat et dont la contractualisation est la manifestation la
plus parlante.

II. LE CONTRAT DANS TOUS SES ETATS17


Du contrat social on est passé à la contractualisation de la société 18. Qualifiée de
« reféodalisation »19et annonciatrice de l’avènement d’un ordre juridique conventionnel 20, elle
entraîne une contractualisation croissante du droit21 (A) et en droit (B).
A. Une contractualisation croissante du droit
La contractualisation du droit renvoie ici à l’envahissement de l’ordre juridique par les
principes et aménagements contractuels22, à une substitution du modèle de réglementation
légal par un modèle contractuel23, à un passage du droit imposé au droit négocié. Elle repose
idéologies en concurrence », in Ch. JAMIN et D. MAZEAUD (Dir.), L’unilatéralisme et le droit des
obligations, Paris, Economica, 1999, p. 7 ; Article 9:301 des Principes européens du droit du contrat dispose
qu’« Une partie peut résoudre le contrat s’il y a inexécution essentielle de la part d’un contractant ».
16
A. AKAM AKAM, « Le comportement de la victime et la responsabilité civile », Cahiers juridiques et
politiques, Revue de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, n°1, Université de Ngaoundéré, 2008, pp. 1
à 30
17
D. ALLAND, « Le contrat dans tous ses états », Droits 1990, n° 12, pp. 1 et s.
18
Ph. BISSARA, « De la société contractante à la contractualisation de la société », in, S. CHASSAGNARD-
PINET et D. HIEZ (Dir.), Approche renouvelée de la contractualisation, PUAM, 2007, pp. 53 et s
19
Alain SUPIOT, « La contractualisation de la société », Courrier de l'environnement de l'INRA n°43, mai
2001, pp. 51-58, spéc., p. 57 ; A. SUPIOT, « Les deux visages de la contractualisation : déconstruction du Droit
et renaissance féodale », in S.CHASSAGNARD-PINET et D. HIEZ Approche critique de la contractualisation,
Paris, LGDJ, 2007, pp. 19-44.
20
A. HOLLEAUX, «Vers un ordre juridique conventionnel», Bulletin de l'Institut international
d'administration publique 1974, p. 667.
21
Sur le thème de la contractualisation Voir La contractualisation : vers un négocié, colloque international, 24
avril 2015, El-Jadida (Maroc) ; S. CHASSAGNARD-PINET et D. HIEZ (Dir.), Approche renouvelée de la
contractualisation, PUAM, 2007 ; S.CHASSAGNARD-PINET et D. HIEZ (Dir.), Approche critique de la
contractualisation, Paris, LGDJ, 2007 ; La contractualisation de la production normative, Actes du colloque, 11,
12, 13 octobre 2007, S.CHASSAGNARD-PINET et D. HIEZ (Dir.).
22
X. Lagarde, « La procéduralisation du droit (privé) », in Les évolutions du droit, Contractualisation et
procéduralisation, PUR, 2004, p. 141
23
S.CHASSAGNARD-PINET et D. HIEZ, « Le système juridique à l’ère de la contractualisation », synthèse,
Centre René DEMOGUE Université de Lille 2008, p. 2.

9
sur des raisons qu’on peut découvrir (1) et présente des visages multiples (2).
1. La justification possible de la contractualisation du droit
Les raisons sous tendant la contractualisation du droit sont aussi bien externes à la
règle de droit (a) qu’inhérente à celle-ci (b).
a) les raisons externes à la règle de droit
Elles sont conjoncturelles et structurelles. Les premières sont relatives au contexte
actuel marqué d’une part, par une montée en puissance de l’individualisme et du libéralisme,
et, d’autre part, par la consolidation du processus de mondialisation. Les autres sont
inhérentes au déclin de la conception classique du système juridique fondée le paradigme de
la pyramide et se matérialisant par l’omniprésence de l’Etat et sur une sacralisation de la loi
au sens large. Cette représentation monolithique du droit et du pouvoir est aujourd’hui battue
en brèche par l’émergence d’un paradigme nouveau : celui du réseau moins rigide plus ouvert
et libéral.
b) Les raisons inhérentes à la qualité de la règle de droit
La contractualisation du droit trouve un fondement dans l’érection des préoccupations
liées à la qualité du droit. Il existe une présomption assez forte que la participation des
destinataires du droit à son élaboration est un facteur de renforcement de sa légitimité
(« obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté »), d’amélioration de son efficacité, de
contribution à son effectivité. Sur un tout autre plan, la quête de flexibilité et d’adaptabilité
pourrait aussi explique le phénomène de la contractualisation.
2. La matérialisation plurielle de la contractualisation du droit
la contractualisation du droit peut s’appréhendée à travers plusieurs grilles d’analyse.
Elle touche aussi bien le processus d’élaboration du droit (a) que son contentant (b).
a) La contractualisation du processus d’élaboration du droit
Le processus classique d’élaboration du droit est marqué par deux idées
complémentaires : l’omniscience (la rationalité) et l’omnipotence (la souveraineté) du
législateur. Cette conception de l’élaboration du droit est aujourd’hui battue en brèche. D’une
présomption irréfragable de rationalité on est passé à une rationalité prouvée : le travail du
législateur est aujourd’hui évalué. La souveraineté du législateur s’est rétrécie comme une
peau de chagrin du fait de l’émergence d’autres pôles de production du droit et des exigences
de plus en plus marquées des destinataires de la règle de droit. Fort de toutes ces mutations,
on est passé d’un processus autoritaire d’élaboration du droit à un processus négocié. Les
manifestations de cette évolution sont l’introduction de la négociation, la participation, la

10
consultation et la concertation dans le processus d’élaboration du droit.
Toujours est-il que la contractualisation du processus d’élaboration du droit repose sur
deux idées essentielles : la volonté contractuelle ou conventionnelle et la procédure
contractuelle. Elle est envisagée comme mode alternatif ou complémentaire de l’élaboration
de la règle. Elle présente deux bienfaits d’une par l’adéquation entre la création de la règle
(par les contractants) et l’application de celle-ci (aux contractants) et d’autre part, elle permet
une meilleure adéquation de la règle aux besoins (contextualisation). C’est le passage d’un
droit d’en-bas, négocié au sein de la société civile, à un droit d’en-haut, édicté par l’Etat.
b) La contractualisation du contentant du droit
La contractualisation du droit est un phénomène diffus. En prendre la mesure est un
travail fastidieux auquel on ne se livrera pas ici. Quelques illustrations suffiront pour en
rendre compte. Leur présentation empruntera la summa divisio droit international-droit
interne.
En droit international, la contractualisation du contenant de la règle de droit est
perceptible dans une perspective publiciste ou privatiste. En droit public, fondée sur la volonté
de pacification des relations internationales et d’expansion des relations économiques, elle se
résume au phénomène de conventionnalisation des sources du droit international. Il s’est
accentué d’une part, par la fragmentation et de spécialisation du droit international, et, d’autre
part, par le mouvement de communautarisation et de régionalisation du droit. La liberté des
Etats prend ici la forme d’accords contraignants ou non (Déclaration Universelle des droits de
l’Homme de 1948).
En droit privé, le droit du commerce international est dominé par le principe de
l’autonomie de la volonté qui en irradie tous les aspects. Le contrat de droit international
apparait comme une source essentielle des relations commerciales internationales entre
particuliers. Il a même soutenu l’idée controversée d’un contrat sans loi.
En droit interne, la contractualisation du contenant du droit se concrétise dans
plusieurs branches du droit. On note à cet effet, le développement de la notion de contrat-loi
et le renforcement de la place des conventions collectives et des accords collectifs en droit du
travail. En droit administratif, on assiste à une contractualisation de l’activité normative de
l’administration portée par le recours croissant aux contrats administratifs notamment en
matière de marchés publics.
Ces quelques illustrations traduisent la vitalité de la contractualisation du contenant du
droit en droit interne et international. Il n’épargne pas la sanction de l’inobservation de la
règle de droit.

11
c) La contractualisation de la sanction du droit
« les noces du contrat et du procès »24, l’idée traduit indiscutablement la
contractualisation de la justice, des modes de règlement des différends. Manifestation de la
société contractuelle, elle érige le contrat en technique de gestion de la procédure et en mode
solution du litige.
En tant qu’instrument de gestion de la procédure, on assiste un accroissement des
conventions portant sur l’action en justice et à l’instance. Pour la première catégorie, on
distingue les conventions relatives à l’exercice de l’action en justice 25 de celles ayant pour
objet son financement. Les premières peuvent être conclues avant26 ou après que le litige soit
né27. Les secondes bénéficiant des insuffisances du dispositif d’aide juridique ou de
l’assistance judiciaire ont vu se développer une mutualisation conventionnelle du risque
judiciaire28. Dans le seconde catégorie, on retrouve lors que des parties au contrat font face à
un litige avec un tiers les clauses de révélation d’instance, les clauses de concours d’instance
les clauses de direction du procès. Participe de la même veine le développement des contrats
de procédure tendant soit à organiser l’instance (calendrier procédural concerté de l’affaire)
soit à la règlementer (Convention collective négociée entre une juridiction et ses partenaires)
ou encore pour y mettre un terme (demande conjointe de radiation).
L’admission du contrat comme technique de règlement des litiges est classique 29. Le
passage du contrat à la contractualisation est le fait de l’essor des modes alternatifs de
règlement des conflits (MARC)30. Il se traduit par leur diversification. Elle s’est fait en
excluant le juge31 parfois en l’incluant32.
Présente en droit interne qu’en droit international, cette généralisation de la justice par

24
L. CADIET, « Les jeux du contrat et du procès : exquisse», Mélanges offerts à Gérard FARJAT, ED. Frison-
Roche, 1999, pp. 23 et s., spéc., p. 23.
25
On pense ici à la représentation ad agendum qui été complétée par l’admission des actions en représentation
conjointe (désormais reconnue aux consommateurs, aux associations de protection de l’environnement
26
On pense ici aux clauses de prescription tendant à raccourcir les délais de prescription ; aux clauses attributives
de compétence et compromissoires
27
L. CADIET, « Les clauses contractuelles relatives à l’action en justice », in J. MESTRE (Dir.), Les
principales clauses des contrats entre professionnels, PUAM, 1990, pp. 193-223. Pour les clauses visant le litige
déjà née, on peut citer le compromis d’arbitrage, la requête conjointe (articles 57 et 59 du C. Proc. Civ.
Français).
28
Elle est assurée par les clauses-défense-recours, les assurances de protection juridique, les clauses de
remboursement des frais du procès.
29
Les exemples du compromis (résolution du litige par un tiers, la solution s’imposant aux parties comme un
jugement) ; transaction (parties règlent le litige elles-mêmes
30
Ch. JARASSON, « Les modes alternatifs de règlement des conflits : présentation générale », RIDC 1997, pp.
325-345.
31
En dehors du juge étatique (arbitrage, sentence arbitrale d’accord-aprties) en dehors du juge du court
(transaction, mini trial).
32
Devant le juge (conciliation judiciaire, conciliation par un conciliateur en justice, médiation judiciaire,

12
le contrat n’est qu’un aspect de la contractualisation juridique que se prolonge par une percée
du contrat en droit.
B. Une contractualisation grandissante en droit
Face à la rigidité et l’inadaptabilité du modèle normatif imposé, on assiste en droit à
un recours croissant au contrat : c’est la contractualisation en droit. Le contrat s’insinue
progressivement dans des espaces qui hier lui étaient interdits. La matérialisation éclatée de
cette contractualisation en droit (1) révèle son instrumentalisation voilée (2).
1. La matérialisation éclatée de la contractualisation en droit
La contractualisation en droit est perceptible tant au niveau du droit matériel (a) que
du droit processuel (b).
a) Une contractualisation perceptible en droit matériel
La contractualisation en droit prend au moins deux visages : la généralisation du
recours au contrat et l’extension du domaine contractuel à la conquête par le contrat des
espaces qui hier lui échappaient. Elle est perceptible aussi bien en droit interne
qu’international. Il serait prétentieux ici de rendre compte de ce phénomène dans toutes les
branches du droit quelques illustrations suffiront à en rendre compte.
La généralisation du recours au contrat. En droit international, la contractualisation
des droits de l’homme sera retenue. Elle se matérialise par l’insertion progressive des clauses
visant les droits de l’Homme par les multinationales dans les contrats33.
En droit interne, le droit de la famille fournit un exemple édifiant de ce phénomène 34.
En droit français, depuis 1965 le recours au contrat n’a cessé de grandir. La modification
conventionnelle du régime matrimonial sous contrôle judiciaire ou sans du régime
matrimonial35, les pactes parentaux, la dissolution conventionnelle du mariage 36, l’enfant
conventionnel, le Pacte civil de solidarité (PACS)37, les conventions relatives à l’exercice de
l’autorité parentale et l’obligation d’entretien des enfants mineurs38, contractualisation de la
transmission successorale. Cet engouement pour le négocié contractuel traduit-elle un recul de
33
L. HENNEBEL et G. LEWKOWICZ, «La contractualisation des droits de l'homme », in Penser le droit, pp.
22 et s.  
34
F. DE K EUWER-DE F OSSEZ, « La contractualisation de la famille, entre leurre et instrumentalisation », in
S. CHASSAGNARD-PINET et D. HIEZ (Dir.), Approche critique de la contractualisation, t. 16, coll. « Droit et
société. Recherches et travaux », Paris, L.G.D.J., 2007, p. 167 et s. ; FENOUIUET, D., (DE)
VAREILLE.RS·SOMMIERF.S, P., La contractualisation de la famille, Paris. Economica, coll « Etudes
juridiques.,2001; CHASSAGNARD- PINET, S., HIEZ, D., La contractualisation de la production normative, ,
coll...Thèmt:s et commentaires)I, Dalloz, Paris, 2008
35
La loi du 23 juin 2006 (article 1397 C.civ.)
36
C. NEIRINCK, « Le couple et la contractualisation de la rupture », Les Cahiers de droit , vol. 49, n° 4, 2008,
p. 571-588.
37
Institué par la loi du 15 novembre 1999.
38
Loi du 4 mars 2002 permet aux parents de conclure à tout moment (article 373-2-7 C.civ).

13
l’institutionnel au profit du contractuel ?
L’extension du champ d’application du contrat. La percée du contrat en matière de
commerce du corps humain est édifiante. De l’indisponibilité du corps humain on est passé à
sa non-patrimonialité puis à sa patrimonialisation progressive39.
b) Une contractualisation visible en droit processuel
L’institutionnalisation des modes contractuelles de règlement des litiges. Le
développement de la justice arbitrale40 et plus de manière plus éclectique de la justice
transactionnelle41est édifiante.
L’excroissance du domaine de la justice contractuelle. Elle peut s’illustrer d’une
part, par l’élargissement du champ personnel et matériel de l’arbitrage, et, d’autre part,
l’intrusion du droit dans des matières ayant une haute teneur en droit public comme le droit
pénal.
2. L’instrumentalisation voilée de la contractualisation en droit
La diffusion et l’institutionnalisation du contrat en droit n’est pas gratuite, elle apparait
non seulement comme un moyen au service du droit objectif (a) que comme un instrument
des droits subjectifs (b).
a) La contractualisation au service du droit objectif
Le contrat comme complément du droit objectif. Le contrat prend ici le visage d’un
relais individualisé du droit objectif. Le contrat sert ici à susciter l’adhésion à des obligations
légales. La norme contrat est mise au service de la norme institutionnelle (le contrat d’accueil
et d’intégration par lequel l’étranger s’engage à suivre une formation civique et linguistique
propre à garantir son intégration ; contrat de responsabilité parentale ; convention collective et
accords collectifs).
Le contrat comme alternative au droit objectif. Le contrat apparait ici comme une
autre option par rapport au droit institutionnel. Le sujet de droit a donc le choix entre le
contractuel et l’institutionnel. (Contrat de mariage ou régimes matrimoniaux légaux ; divorce
par accord mutuel ou divorce judiciaire).
Le contrat comme instrument d’amélioration de la qualité du droit objectif. La
légitimation du droit, la contribution à l’effectivité et à l’efficacité du droit par le contrat.
39
J.-P. BAUD, L’affaire de la main volée. Une histoire juridique du corps, Paris, Seuil, 1993 ; B. EDELMAN,
La personne en danger, PUF, 1999 ; du même auteur « L’homme dépossédé. Entre la science et le profit », in M.
FABRE-MAGNAN ET PH. MOULLIER, La génétique, science humaine, Paris, Belin, 2004, p. 215 et s. Affaire
de l’homme aux « cellules d’or », B. EDELMAN, La personne en danger, ibid. p. 289 et s.
40
Le cas de l’OHADA en est une illustration édifiante (Conventionnalisation de l’arbitrage, un acte uniforme sur
l’arbitrage, l’institution d’un centre d’arbitrage).
41
Accords collectifs par exemple accidents de circulation, contaminations transfusionnelles ; accords de fin de
conflit.

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b) La contractualisation au service des droits subjectifs
Le contrat moyen de diffusion des droits subjectifs. Parce que reposant sur la liberté
individuelle, le droit est un puissant instrument de propagation des droits subjectifs. Il apparait
comme un des piliers de la subjectivisation du droit.
Le contrat instrument de protection des droits subjectifs. Cette idée se matérialise
d’une part, par l’imposition du respect des droits fondamentaux par le contrat et par la
contractualisation du contentieux des droits de l’homme en est la manifestation la plus
frappante. Elle se fait avec ou en dehors de toute homologation judiciaire42.
Mobilisé au service des droits subjectifs le contrat exprime une montée en puissance
du subjectivisme dont les droits fondamentaux sont l’étendard le plus visible. On assiste à une
subjectivisation croissante du droit sur l’impulsion de la dynamique de contractualisation.

Conclusion Loin des discours funestes annonçant sa mort, son déclin, le contrat est
vivant. Certes en crise, il est à la croisée des chemins. Malmené par des dynamiques et des
forces tantôt destructrices tantôt créatrices, le visage du contrat au XIX e siècle est celui d’un
puzzle dont les différentes parties doivent être agencées de manière harmonieuse.
Empruntant une démarche dialectique l’évolution du contrat aujourd’hui se résume à deux
idées : la décadence et la renaissance. Primo, Circonscrite à une perspective privatiste, la
décadence est celle d’une conception du contrat. Elle se résume dans les pays romanistes à
une sacralisation utopique de la liberté et à une vénération exagérée de la loi. Aujourd’hui,
elle est battue en brèche d’une part, par une conception économique et sociale du contrat
porté par le libéralisme et la mondialisation, et d’autre part, un renouvèlement tant
quantitatif que qualitatif des sources du droit des contrats. La remise en question de cette
manière de concevoir le contrat questionne sa formation, son exécution et son extinction.
Tendue entre les impératifs économiques et les attentes morales, la nouvelle conception du
contrat devra nécessairement les concilier. Secundo, la renaissance du contrat se cristallise
dans le phénomène de contractualisation de la société et du droit. Fruit de l’avènement d’une
société postmoderne dont la mondialisation, le libéralisme et le subjectivisme sont les traits
marquants, la contractualisation du droit marque l’envahissement de la matière juridique par
les principes et les procédés contractuels. Elle se matérialise par l’intrusion et la diffusion du
contrat dans les différentes branches du droit. Elle traduit le passage d’un ordre juridique

42
L. HENNEBEL et G. LEWKOWICZ, op.cit.

15
imposé à un ordre juridique négocié préfigurant l’avènement d’un ordre juridique
conventionnel et d’une société contractuelle. Cette diffusion du phénomène contractuel
questionne tout l’édifice contractuel. Si elle met en avant la vitalité et l’utilité du contrat, elle
soulève des préoccupations morales de justice et d’équité. S’il est demeure vrai qu’ « on lie
les bœufs par les cornes et les hommes par la parole » 43, il est de moins en moins avéré que
« Qui dit contractuel dit juste »44.  Dès lors, il importe d’appeler à plus de justice et d’équité.
En effet, « Les juristes veulent pouvoir dire : “cela est juste parce que cela a été voulu”. Il
faut désormais que l’on dise « cela doit être voulu, parce que cela est juste” » 45. Quel
contrat pour demain ?46 un contrat nécessairement utile à condition qu’il soit d’abord juste.

43
Cet adage retraduit du droit romain au XVIIe siècle par LOYSEL. Cf. LOYSEL, Institutes coutumières, 1607,
liv. III, I, 2.
44
A. FOUILLEE, La science sociale contemporaine, Paris, Hachette, 1880, p. 410 
45
R. SALEILLLES, De la déclaration de volonté, Paris, Pichon, 1901, p. 351.
46
P. JESTAZ, « Quel contrat pour demain ? », op. cit. ; A. GUIDO, « L'avenir du contrat : aperçu d'une
recherche bibliographique », op.cit.

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