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INTRODUCTION
- 1 - Parfois, et en particulier pour les droits sociaux, « la raison a beau crier, elle ne peut
mettre le prix aux choses »1. Cela explique que le temps qui s’écoule soit souvent un allié de
choix comme le faisait remarquer Corneille en affirmant que « le temps de chaque chose
ordonne et fait le prix »2.
- 2 - Les « interactions » entre le droit commun et les droits spéciaux sont une source
inépuisable de réflexion pour la doctrine française. Nombreuses sont ainsi les études qui
ont été menées sur les relations entre le droit des obligations et celui des procédures
collectives3, entre le droit des obligations et celui de la consommation4, entre le droit des
obligations et le droit de la concurrence5, ou encore entre le droit des obligations et le droit du
travail6.
Un autre exemple nous est offert par le droit des sociétés. Le droit des obligations et le droit
des sociétés étaient, sont, et demeurent étroitement liés. Nombreuses sont en effet les
1
B. Pascal, « Les pensées ».
2
P. Corneille, « La mort de Pompée », in Théâtre complet, éd. RVG, p. 342.
3
Voir par exemple : S. Sabathier, « Le droit des obligations à l’épreuve du droit des procédures collectives »,
thèse Toulouse I, 2000 ; Y. Guyon, « Le droit des contrats à l’épreuve du droit des procédures collectives », in
Le contrat au début du XXIème siècle, Etudes offertes à J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 405 ; MH
Monsèrié, « Aperçu sur les apports récents de la confrontation du droit des procédures collectives et du droit des
obligations », in Prospectives du droit économique, Dialogues avec M. Jeantin, Dalloz, 1999, p. 429 ; JS
Montredon, « La théorie générale du contrat à l’épreuve du nouveau droit des procédures collectives », JCP éd.E,
1988, II, 15156, p. 268.
4
Voir par exemple : N. Chardin, « Le contrat de consommation de crédit et l’autonomie de la volonté », LGDJ,
1998 ; G. Alpa, « Les nouvelles frontières du droit des contrats », in Le contrat au début du XXIème siècle,
Etudes offertes à J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.1 ; G. Berlioz, « Droit de la consommation et droit des contrats »,
JCP éd. G, 1979, I, 2954 ; M. Borysewicz, « Les règles protectrices du consommateur et le droit commun des
contrats », in Etudes offertes à P. Kayser, t.1, 1979, PUF, p.91 ; J. Calais-Auloy, « L’influence du droit de la
consommation sur le droit civil des contrats », RTD civ. 1994, p.239 et s. ; JP Pizzio, « La protection des
consommateurs par le droit commun des obligations », RTD com. 1999, p.53.
5
F. Dreifuss-Netter, « Droit de la concurrence et droit commun des obligations », RTD civ. 1990, p.369. ; M.
Malaurie-Vignal, « Droit de la concurrence et droit des contrats », D. 1995, Chron. p.51 ; N. Decoopman, « Droit
du marché et droit des obligations », in Le renouvellement des sources du droit des obligations, t. 1, LGDJ 1996,
p.141 ; Voir aussi les rapports présentés au colloque « Droit du marché et droit commun des obligations », RTD
com. 1998, p.1 et s.
6
G. Lyon-Caen, « Du rôle des principes généraux du droit civil en droit du travail », RTD civ. 1974, p. 229 ; JJ.
Dupeyroux, « Droit civil et droit du travail : l’impasse », Dr. soc. 1988, p. 371 ; J. Pelissier, « Droit civil et
contrat individuel de travail », Dr. soc. 1988, p.387 ; C. Saint-Didier, « Droit du travail et droit des obligations,
étude d’une opposition », thèse, Aix/Marseille III, 1996 ; C. Radé, « Droit du travail et responsabilité civile »,
LGDJ, bibl. de dr. privé, t. 282, 1997.
influences réciproques, les interactions simultanées ou encore les interférences croisées qui
permettent de le démontrer7. Quelques exemples suffisent à confirmer ces propos.
Ainsi, la notion de « société » relève traditionnellement d’une double définition. Elle n’est pas
seulement la personne morale immatriculée au registre du commerce et des sociétés, elle est
également le contrat prévu à l’article 1832 du Code civil8. A ce titre, les règles de validité
propres à tout contrat et posées par le droit commun des obligations trouvent à s’appliquer dès
la création de la société9. Aujourd’hui, certains vont d’ailleurs jusqu’à utiliser la qualification
de contrat spécial10.
De même, le rôle joué par les règles générales de la responsabilité civile en matière de
responsabilité des dirigeants, des salariés, ou encore en matière de responsabilité de la société
du fait de la pollution, conservent une importance incontestable11.
Un autre exemple du rôle du droit des obligations, et plus précisément du droit des contrats,
en droit des sociétés résulte du régime applicable en matière de cessions de droits sociaux.
Celles-ci sont en effet soumises aux règles dégagées pour les ventes d’objets mobiliers
corporels12. Autrement dit, les exigences particulières, mais indispensables, à la validité du
contrat de vente et portant notamment sur le consentement, la chose et le prix13, sont
appliquées dans le cadre des ventes d’actions et de parts sociales. Certaines y trouvent même
un véritable terrain de prédilection comme la possibilité de ne prévoir qu’un prix
déterminable14 qui est très utile à la cession des droits sociaux, ces derniers étant des biens
difficilement évaluables à un instant donné15.
Cela étant, l’exemple le plus significatif concernant les interactions entre le droit des
obligations et le droit des sociétés est sans nul doute le développement des pactes
d’actionnaires.
7
M. Jeantin, « Droit des obligations et droit des sociétés », in Mélanges L. Boyer, Presse univ. des Sc. Soc. de
Toulouse I, 1996, p. 317 ; JP. Bertrel, « Liberté contractuelle et sociétés. Essais d’une théorie du juste milieu en
droit des sociétés. », RTD com. 1996, p. 595. ; Du même auteur, « Le débat sur la nature de la société », in
Etudes A. Sayag, Litec, 1998, p.131.
8
Article 1832 alinéa 1 du Code civil : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent
par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou
de profiter de l’économie qui pourra en résulter ».
9
J. Mestre, « La société est bien encore un contrat », in Mélanges C. Mouly, 1998, t.2, p.3.
10
R. Libchaber, « La société contrat spécial », in Mélanges M. Jeantin, 1999, p.281.
11
Voir Colloque de l’Institut de Droit des Affaires d’Aix en Provence, « Entreprise et responsabilité civile »,
juin 2003, publication à venir dans la revue Dr. et Pat.
12
Voir par exemple Y. Guyon, « Traité des contrats – Les sociétés – Aménagements statutaires et conventions
entre associés », LGDJ, 1993, p.267.
13
P.H Antonmattei et J. Raynard, « Droit civil – Contrats spéciaux », Litec, 1997, n°85.
14
Voir infra n° , portant sur les questions relatives à la validité des conventions d’earn out et à leur intégration en
droit français.
15
A l’exception des titres de sociétés cotées en bourse.
16
P. Didier, « La théorie contractualiste de la société », Rev. sociétés, 2000, p.79 ; J. Bertrel, Art. cit. ; J. Prieur,
« Droit des contrats et droit des sociétés », in Etudes A. Sayag, 1998, Litec, p.371. Voir également S. Schiller,
« Les limites à la liberté contractuelle en droit des sociétés », thèse, Paris II, 1999.
17
Y. Guyon, Op. cit, p.8.
18
D. Velardocchio-Florès, « Les accords extra-statutaires entre associés », thèse, Aix/Marseille, 1991.
19
Les clauses d’inaliénabilité sont celles qui interdisent aux actionnaires de céder leurs titres pendant un laps de
temps déterminé. Définition inspirée de JJ. Daigre et M. Sentilles-Dupont, « Pactes d’actionnaires », GLN Joly,
1995, p. 67.
20
Les clauses de préemption sont celles qui « obligent chaque associé, avant tout projet de cession, à notifier aux
autres associés son intention de céder en indiquant le nombre d’actions ou de parts dont la cession est envisagée,
le prix et ses modalités de paiement […] ». Les autres associés disposent alors du droit d’acquérir en priorité les
titres aux conditions et modalités prévues : JJ. Daigre et M. Sentilles-Dupont, « Pactes d’actionnaires », GLN
Joly, 1995, p. 27.
21
Les clauses d’agrément sont celles qui « ont pour objet de filtrer l’arrivée des nouveaux associés en
subordonnant l’accès au statut d’associé à certaines qualités, consacrant ainsi le caractère intuitu personae des
relations entre associés. » : JJ. Daigre et M. Sentilles-Dupont, « Pactes d’actionnaires », GLN Joly, 1995, p. 24.
- 5 - Issues des droits anglo-saxons, et plus précisément de la pratique américaine du droit des
sociétés, les clauses d’earn out et les clauses de ratchet ont toutes deux pour fonction de faire
varier le prix d’acquisition de droits sociaux en fonction du futur.
La clause d’earn out peut être définie comme étant celle par laquelle les parties à une
cession de droits sociaux décident que le prix, ou plus exactement une partie du prix,
sera fonction des résultats futurs de la société24. Autrement dit, le cessionnaire, qui a
pourtant quitter l’entreprise (« out »), continue pendant quelques temps à profiter des
performances (« earn ») de la société.
La clause de ratchet, quant à elle, est la stipulation permettant aux investisseurs de se
ménager la possibilité de réviser à la hausse leurs niveaux de participation lorsqu’il
s’avère que leur investissement initial a été établi sur la base d’une valorisation trop
importante25. On parle également de clause à effet de « cliquet ».
Ces deux catégories de conventions ont donc en commun de permettre, dans le cadre d’une
transmission de droits sociaux, l’ajustement d’un prix dont la fixation initiale s’avère être
erronée. Dans les deux hypothèses, le nouvel associé se ménage la possibilité de rééquilibrer
l’opération de transmission en « modifiant » un prix qui n’était pas, ou qui n’est plus, adapté à
la réalité. Autrement dit, elles résolvent toutes deux, à leur manière, les difficultés rencontrées
en matière d’évaluation du montant des titres sociaux.
22
P. Mousseron, « Les conventions de garantie dans les cessions de droits sociaux », Nouvelles éditions
fiduciaires, 2ème éd., n°23.
23
La force obligatoire des conventions résulte de l’article 1134 alinéa 1 du Code civil qui dispose que « les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
24
Définition inspirée de FD Poitrinal, JC Parot et Ph Reig, « Cessions d’entreprise : les conventions d’earn
out », Dr. sociétés, Actes Pratiques, juin 1998, p. 5.
25
R. Routier, « Les clauses de ratchet en droit des sociétés », Bull. Joly 2002, Chron. p.859.
- 6 - Mais à nos yeux, il s’agit bien là de leur unique similitude. Au risque de dévoiler quelque
peu les développements qui vont suivre, il convient dès à présent de confronter et de comparer
ces deux clauses. Plusieurs critères de distinction peuvent ainsi être avancés.
Il est tout d’abord possible de les opposer en tenant compte de leurs domaines de
prédilection. La clause d’earn out, lorsqu’elle a été prévue par les parties, trouve à
s’appliquer dans le cadre d’une cession de droits sociaux. Elle permet de conclure la vente des
titres existants sans pour autant que le prix soit entièrement déterminé. En revanche, la clause
de ratchet est essentiellement utilisée dans le cadre d’une augmentation de capital, et donc
suite à l’émission de nouveaux titres. Autrement dit, elle organise l’ajustement du prix versé
par un investisseur au moment de son entrée au capital de la société. La clause d’earn out est
donc l’accessoire d’un contrat de cession de droits sociaux appartenant à un associé, alors que
la clause de ratchet est l’accessoire d’un contrat d’investissement sur des titres qui n’ont pas
encore de véritables propriétaires. C’est d’ailleurs pourquoi il paraît plus correct de parler
« d’ajustement dans le cadre d’une cession de droits sociaux » pour la clause d’earn out, et
« d’ajustement suite à une acquisition de droits sociaux » pour la clause de ratchet.
Cela nous amène immédiatement à un autre élément de distinction, à savoir les parties en
présence. Alors que la clause d’earn out est conclue entre le cessionnaire et le cédant, c'est-à-
dire entre le « futur associé » et le « futur ancien associé » ; la clause de ratchet est
généralement une convention conclue entre le nouvel investisseur et la société, ou entre le
nouvel investisseur et plusieurs associés. C’est la raison pour laquelle on peut ajouter que le
nouvel acquéreur s’engage, dans le premier cas, avec un associé qui souhaite généralement
quitter la société ; alors que dans le second cas, l’engagement du nouvel acquéreur n’entraîne
aucun départ.
De plus, là où la clause d’earn out permet d’organiser l’ajustement du prix au profit des deux
cocontractants, la clause de ratchet ne peut, par principe, bénéficier qu’au seul investisseur.
Les bénéficiaires de ces deux stipulations sont donc différents.
Ensuite, précisons, à propos des modalités de ces deux clauses, que l’une est d’application
automatique alors que l’autre est soumise à la réalisation d’une condition. En effet, la clause
d’earn out doit, à terme, obligatoirement intervenir puisqu’une partie du prix n’est pas encore
fixée. En revanche, la clause de ratchet ne peut s’appliquer que si, lors « d’un tour de table »
postérieur, la valorisation de la société est inférieure à celle qui avait servi de base à l’entrée
de l’investisseur. Cela nous permet de dire que la clause de ratchet est une véritable garantie,
ce qui n’est pas le cas de la clause d’earn out qui a néanmoins un rôle de garantie26.
En ce qui concerne les mécanismes utilisés pour l’ajustement du prix, il faut noter que
l’un seulement agit de manière directe. En matière d’earn out, le prix de la cession est ajusté
directement puisqu’une somme d’argent est à nouveau versée. Le complément de prix permet
la régulation puisqu’il varie en fonction de l’avenir. Pour le ratchet, le procédé est très
différent car l’ajustement résulte d’une nouvelle transmission de titres (qui est en principe à
titre gratuit). Aucune somme d’argent n’est donc versée à l’investisseur. Il bénéficie
simplement d’un « supplément » de droits sociaux, l’argent investi correspondant en réalité à
plus de titres qu’il n’en a obtenu.
- 7 - Toutes ces remarques permettent d’affirmer que la distinction est essentielle et que les
divergences sont profondes. Elles le sont d’ailleurs d’autant plus que l’esprit qui anime ces
deux conventions est également très différent. Certes l’objectif d’ajustement du prix existe
bel et bien dans les deux hypothèses, mais là où l’une tente de faciliter la recherche d’un
accord sur le prix d’actions ou de parts sociales ; l’autre essaie de provoquer l’arrivée d’un
nouvel investisseur qui, sans cet avantage, refuserait sans doute de souscrire à l’augmentation
de capital. De la recherche d’un accord entre deux parties, on passe donc à la recherche d’une
garantie pour un investisseur.
Pour toutes ces raisons, nous avons décidé, plutôt que de les regrouper, de distinguer les
clauses d’earn out des clauses de ratchet. Cette organisation, certes un peu simpliste, va
néanmoins permettre de mettre en exergue les problèmes engendrés par l’utilisation de ces
conventions. Et ils sont nombreux.
- 8 - Les clauses d’earn out sont désormais bien implantées dans la pratique sociétaire
française. Cela explique que la doctrine et la jurisprudence aient déjà eu l’occasion de se
pencher sur les différentes difficultés susceptibles d’être rencontrées. L’étude de ces
conventions n’en sera pas pour autant aisée car en cette matière, la pratique est rarement
conforme à la théorie. Ainsi, il conviendra de s’interroger sur la définition exacte de la clause
d’earn out, sur ses éléments constitutifs ou encore sur les multiples modalités dont elle peut
faire l’objet. Les réponses à ces questions devraient nous permettre de dresser un tableau
représentatif de cette convention d’origine américaine. Mais c’est ensuite que les véritables
26
Voir infra n°43 et s.
difficultés apparaîtront, car si la validité des clauses d’earn out ne fait aucun doute dans les
pays de Common Law, elle est en revanche l’objet de nombreuses contestations lorsque ces
clauses sont utilisées sur le territoire français.
- 9 - L’étude des clauses de ratchet sera également des plus délicates mais pour des
motifs assez différents. Contrairement à la clause d’earn out, la clause de ratchet demeure
très méconnue en France. C’est la raison pour laquelle peu de textes de doctrine traitent de ce
mécanisme27. De même, la jurisprudence n’a pas encore eu, à notre connaissance, à se
pencher sur les différentes questions posées par l’utilisation de ce type de convention. Les
difficultés apparaîtront donc dès la présentation générale pour ensuite se multiplier avec
l’approfondissement des techniques employées. Mais finalement, nous verrons que la clause
de ratchet pose sans doute moins de difficulté quant à sa réception par le droit français que la
clause d’earn out, et ce notamment parce que quelques clauses voisines sont déjà considérées
comme valable.
- 10 - En résumé, l’objet principal de cette étude portera sur le fait de savoir si ces pratiques,
issues d’un droit dans lequel la liberté contractuelle a force d’institution, peuvent être utilisées
en toute quiétude par les praticiens français. Mais pour toutes les raisons que nous avons déjà
exposées, les analyses respectives des clauses d’earn out et des clauses de ratchet seront
séparées. C’est pourquoi, il va tout d’abord être question d’ajustement du prix lors d’une
cession de droits sociaux (Partie 1), puis, il s’agira ensuite de s’intéresser à l’ajustement de la
participation suite à une acquisition de droits sociaux (Partie 2). Autrement dit, après
l’examen juridique et technique de la clause d’earn out, nous étudierons les caractéristiques de
la clause de ratchet.
27
Voir néanmoins récemment : R. Routier, « Les clauses de ratchet en droit des sociétés », Bull. Joly 2002,
Chron. p.859. ; Y. Martin-Lavigne, « Clause de ratchet : de la pratique anglo-saxonne en droit français », D.
2002, p.1540. ; F. Monod, « L’ajustement du prix de souscription à une augmentation de capital par utilisation
des bons de souscription d’actions dite clause de ratchet », Dr. sociétés, Actes Pratiques, 2002/62, p.3.
- 12 - Les « droits sociaux »28 sont des titres qui représentent une partie du capital social et
qui constatent les droits des associés ou des actionnaires dans la société29. Mais en réalité les
termes varient selon le type de société envisagé. Il est ainsi question de « parts sociales » dans
les SARL et dans les sociétés de personnes, et « d’actions » dans les sociétés anonymes, les
sociétés en commandite par actions, et les sociétés par action simplifiée. Cela étant, les
différences ne sont pas simplement terminologiques. L’opposition marquée entre les formes
sociétaires et la liberté caractéristique des sociétés par actions entraînent des différences de
nature et de régime qui justifient cette distinction au sein de la catégorie des droits sociaux.
Dès lors, ces notions doivent être précisées. On peut définir les « actions » comme
étant des « biens, plus précisément des droits incorporels, de nature mobilière »30 et dont la
caractéristique essentielle est la libre « cessibilité » voire la libre « négociabilité »31. En
revanche, les parts sociales sont des droits reçus en contrepartie de l’apport de l’associé mais
qui ne sont pas des valeurs mobilières et qui ne sont pas librement négociables32. Cette
différence de nature a pour conséquence de créer des différences de régime, en particulier en
ce qui concerne les formalités de cessions. Cela étant, le principe reste le même.
28
On parle aussi de « titres sociaux ».
29
R. Guillien et J. Vincent, « Lexique des termes juridiques », Dalloz, 12ème éd.
30
M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, « Droit des sociétés », Litec, 12ème éd., n°880.
31
J. Mestre et ME Tian-Pancrazi, « Droit commercial », LGDJ, 25ème éd.
32
M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, Op. Cit.
- 14 - Etant soumis au droit commun de la vente, les règles régissant le contrat de vente
trouvent à s’appliquer en matière de cession d’actions ou de parts sociales.
Conformément aux règles du Code civil, il faut donc un consentement valable et la capacité
requise pour s’engager35. Mais il faut surtout que le prix soit déterminé comme l’impose
l’article 1591 du Code civil qui prévoit que « le prix de la vente doit être déterminé et désigné
par les parties ». Or, c’est essentiellement sur l’application de ce principe qu’intervient la
pratique américaine des clauses d’earn out.
Après avoir défini cette notion et les caractéristiques de ce mécanisme d’origine
américaine ( Titre 1 ), nous reviendrons donc sur les difficultés engendrées par l’apparition de
cette clause en droit français ( Titre 2 ) ce qui nous permettra de mettre en avant certaines des
interactions existant entre le droit des contrats et le droit des sociétés.
33
« N’étant pas des valeurs mobilières, les parts sociales ne sont pas négociables selon les modes simplifiés du
virement de compte à compte comme les actions » : M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, Op. Cit.
34
A titre d’exemple, notons que la cession des parts sociales d’une SARL nécessite que le tiers acquéreur ait
reçu l’agrément de la société. Cet agrément est directement prévu par la loi.
35
G. Ripert et R. Roblot, « Traité de droit commercial », t.1, LGDJ, 17èmè éd., n°1088.
- 15 - La clause d’earn out, qui trouve son origine dans les droits anglo-saxons, est celle
qui a pour objet de déterminer les modalités de calcul du prix de cession des parts
sociales d’une société, voire d’une entreprise, selon les performances de celle-ci pendant
une période déterminée. L’expression « earn out » signifie que le vendeur, ayant abandonné
le contrôle (ou simplement sa participation) de la société (« out »), continue cependant à
profiter (« earn ») des performances de celle-ci36. Bien que certains soutiennent encore qu’il
existe des divergences entre elles, on utilise également la formule de « clause
d’intéressement »37.
- 16 - Cette clause répond aux exigences et aux difficultés de la vie des affaires. Les intérêts
en présence, c'est-à-dire ceux de l’acheteur et du vendeur, sont souvent opposés, en particulier
sur la question du prix. De plus, la valeur des droits sociaux est très fluctuante si bien que les
prix envisagés ne reflètent que rarement le montant réel des biens vendus. Le législateur
français a parfois tenté d’apporter des solutions mais en les réservant à des cas particuliers38.
C’est la raison pour laquelle les praticiens cherchent eux-mêmes des solutions notamment en
se référant à des pratiques utilisées à l’étranger. C’est le cas de la convention d’earn out dont
les terrains de prédilection sont certes les cessions d’entreprise et de contrôle, mais qui peut
également porter sur une partie limitée des droits sociaux. Grâce à elle les parties peuvent
contracter, mais en reportant à une date ultérieure la détermination d’une partie du prix.
36
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, « Cessions d’entreprise : les conventions d’earn out », Dr. Sociétés, Actes
Pratiques, juin 1998, p.5.
37
S. Kandé de Beaupuy, « Les clauses d’earn out », Dr. et Pat, janvier 1994, p.26.
38
« La loi n°66-538 du 24 juillet 1966 a modifié l’article 1868 du Code civil, pour organiser une procédure
d’évaluation des droits sociaux de l’associé décédé, par expert ; la procédure d’évaluation de l’article 1868 a été
transposée dans l’article 1843-4 par la loi du 4 janvier 1978, et plusieurs dispositions de la loi n°66-537 sur les
sociétés commerciales renvoient à ce texte lorsqu’il est nécessaire de déterminer la valeur des droits sociaux
d’un associé », G. Ripert et R. Roblot, Op. cit., n°1083.
39
S. Kandé de Beaupuy, Art. cit.
simple en apparence, est néanmoins un outil assez technique qui nécessite que l’on en étudie
les éléments et les formes (Chapitre 1). Cette analyse devrait ensuite nous permettre de
comprendre le rôle et l’intérêt des clauses d’earn out, notamment en la comparant avec
d’autres mécanismes utilisés par les praticiens (Chapitre 2).
- 18 - Comme nous l’avons dit, les clauses d’earn out sont celles qui font varier le prix de
cession des droits sociaux par rapport aux performances futures de l’entreprise. Le premier
élément essentiel des conventions d’earn out est donc sans nul doute le prix, ou plus
exactement le mode de calcul de la partie variable du prix (Section 1). Mais il n’est pas le
seul. La clause, lorsqu’il s’agit d’une cession de contrôle, doit également organiser la gestion
de la « période intermédiaire » c'est-à-dire de celle pendant laquelle les résultats de
l’entreprise vont faire varier le prix (Section 2). On parle également pour cette période de
« période d’earn out » ou de « période de référence »40. Notons tout de même que rien
n’empêche les rédacteurs de prévoir d’autres éléments, cette clause étant uniquement issue de
la pratique. Il est par exemple courant de prévoir une articulation entre la clause d’earn out et
une éventuelle clause de garantie de passif.
- 19 - Deux éléments vont ici nous intéresser. Il va tout d’abord s’agir de savoir quels sont
les mécanismes qui permettent à une partie du prix d’être modifiée. Autrement dit il faut
s’interroger sur les moyens utilisés pour mettre en œuvre l’ajustement (§1). Ce n’est qu’après
cette étude que nous pourrons déterminer quelles sont les modalités techniques et les éléments
à prendre en compte pour le calcul du prix (§2).
40
Cette période varie en général entre deux et cinq ans.
- 21 - Le second type d’earn out est celui dans lequel la convention organise en réalité
deux cessions distinctes. Un premier lot d’actions (ou de parts sociales) est cédé pour un prix
définitif et payé comptant (ce premier lot conférant généralement la majorité à l’acquéreur
tout au moins dans l’hypothèse d’une cession de contrôle), et un solde est temporairement
conservé par le cédant avant d’être vendu pour un prix lié aux performances réalisées entre-
temps par la société43. Juridiquement, on a donc deux opérations différentes mais liées par la
convention d’earn out. Le premier « lot » de droits sociaux fait l’objet d’une cession pure et
simple ayant lieu immédiatement, c'est-à-dire dès la conclusion de la convention. Quant au
second « lot » d’actions, il fait l’objet d’une seconde opération au terme de la période de
référence. Deux formes sont alors possibles : soit une vente à terme, les parties étant, d’ores et
déjà, définitivement engagées par les liens d’un contrat de vente ; soit la mise en place de
promesses unilatérales croisées de vente et d’achat, chacune des parties disposant alors d’une
option lui permettant, dans un certain laps de temps, de provoquer la formation de la vente44.
41
Une autre distinction est également possible en se fondant sur les modalités de gestion de l’entreprise pendant
la période intermédiaire. Mais nous les envisagerons dans les développements consacrés à la gestion de
l’entreprise pendant cette période. Voir infra.
42
H. Bonte, « La prévention des risques dans les clauses d’earn out », Thèse Mastère ESCP, 1997.
43
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. cit.
44
Id.
- 22 - Notons tout de même qu’en pratique, ces deux formules aboutissent généralement à
des dénouements identiques à savoir la réalisation de la totalité de la cession. En effet, les
intérêts de l’acquéreur et du vendeur étant par définition opposés, il est évident que l’un des
deux aura, au terme de la période d’earn out, un avantage dans la réalisation totale de
l’opération et donc dans la levée de son option. Reste cependant deux hypothèses : celle dans
laquelle l’une des deux parties se serait engagée de manière « légère », il serait alors possible
que l’une ne puisse plus poursuivre l’opération et que l’autre ne désire plus le faire45 ; ou
encore celle dans laquelle les intérêts des deux parties convergeraient46. C’est seulement dans
ce(s) cas de figure que les promesses unilatérales croisées de vente et d’achat peuvent
apparaître comme étant une meilleur solution pour les deux parties que la vente à terme.
Notons pour conclure sur ce point que l’on parle, pour ce second type de convention, « d’earn
out portant sur un solde d’action », éventuellement « après cession de contrôle ».
Les formules utilisées par les praticiens pour déterminer le montant du complément de
prix sont souvent des formules mathématiques très complexes. Néanmoins, la question
centrale porte ici sur un thème qui nous concerne au plus haut point : quel est l’élément qui va
être retenu en tant « qu’agrégat de base »47 ? Autrement dit, il va falloir déterminer
précisément le critère qui va servir de fondement à la formule de calcul du prix (A). Cela étant
d’autres modalités sont souvent précisées (B).
45
Cette idée correspond en réalité à plusieurs hypothèses. Prenons quelques exemples pour illustrer ce propos.
Ex 1 : L’acquéreur ne dispose plus de liquidités suffisantes pour acheter le second lot de droits sociaux. Quant au
vendeur, il ne désire plus vendre compte tenu des piètres résultats de l’entreprise et de la perte que lui causerait
la poursuite de l’opération. Il préfère donc attendre « un retour à meilleur fortune ».
Ex 2 : L’acquéreur ne dispose plus de liquidités suffisantes pour acheter le second lot de droits sociaux. Quant au
vendeur, il ne désire plus vendre compte tenu des excellents résultats de l’entreprise et des bonnes perspectives
d’avenir. Il peut alors espérer faire une meilleur affaire en patientant encore quelques temps.
Ex 3 : L’acquéreur, compte tenu des mauvais ou des excellents (le prix étant alors très élevé) résultats de
l’entreprise, ne désire plus poursuivre son investissement dans la société. Quant au vendeur, il est possible qu’en
violation de la convention, il ne soit plus en possession des droits sociaux faisant l’objet de la cession.
46
Notons que cette hypothèse reste très exceptionnelle, les intérêts des deux parties étant souvent opposés. On
peut cependant, et à titre d’exemple, imaginer que, suite à de très mauvais résultats, l’acquéreur ne souhaite plus
acheter afin d’éviter toute prise de risques, et que le vendeur ne souhaite plus vendre afin d’éviter de trop lourdes
pertes et de tenter un « retour à meilleur fortune ».
47
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. cit.
A ) « L’agrégat de base »
- 25 - Deux remarques supplémentaires nous semblent nécessaires. D’une part il faut noter
que les parties disposent sur ce point d’une marge de manœuvre quasi-totale. Elles sont ainsi
libres d’affiner elles-mêmes les agrégats qui leurs conviennent et de déterminer les postes
comptables à prendre en compte50. D’autre part, il est important de rappeler que ces
discussions sur l’agrégat de base n’ont un intérêt que limité lorsque le cédant n’est pas
dirigeant, celui-ci ayant alors une influence encadrée sur ces différents éléments.
48
H. Bonte, thèse, préc.
49
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. cit.
50
« […] afin de constituer des agrégats sur mesure », id.
- 26 - La partie variable du prix n’est certes pas déterminée, mais pour éviter certains
blocages et des dépenses ou des pertes trop coûteuses, il est souvent prévu un encadrement du
prix. En effet, les parties préfèrent généralement stipuler des prix plancher et/ou des prix
plafond51. Mais nous reviendrons sur cette question lors des développements consacrés à la
prohibition des pactes léonins52.
- 27 - En ce qui concerne les délais, ou plus exactement la « période d’earn out », elle varie
souvent de deux à cinq ans. Cette période est nécessairement modérée car, en dehors de son
rôle de transition, elle est uniquement là pour affiner la recherche du prix le plus juste. De
plus, même si la clause d’earn out a pour principal objectif la prise en compte des résultats
futurs de la société, il ne s’agit néanmoins que de résultats « déjà en germes au moment de la
cession »53.
- 28 - Enfin, afin de faciliter le règlement rapide d’éventuels conflits, il est possible, pour ne
pas dire recommandé54, de prévoir la nomination d’un expert. Ce recours au chiffrage du
prix à dire de tiers est réglementé par l’article 1592 du Code civil. A ce titre, il est également
utile de stipuler que le tiers devra se conformer aux critères et aux méthodes retenues par les
parties.
Pour conclure sur ce thème, on peut ajouter que les conventions d’earn out prévoient
parfois la réalisation d’objectif. Autrement dit, la clause est alors une clause conditionnelle
qui ne pourra s’appliquer que si les objectifs sont atteints55. A défaut, le complément du prix
ne sera pas du.
Bien qu’étant l’élément essentiel, les conventions d’earn out se limitent rarement à
l’établissement d’un mode de calcul, elles organisent également, lorsqu’il s’agit d’une cession
de contrôle, la gestion de l’entreprise pendant la phase intermédiaire.
51
Par exemple, on pourrait envisagé la clause suivante : « Le prix d’acquisition, qui ne pourra être inférieur à la
somme de (…) euros, sera augmenté d’un complément de prix égal à : (Résultat avant impôt sur les bénéfices de
2003 + Résultat avant impôt sur les bénéfices de 2004) x (coefficient) » ; Inspiré de FD Poitrinal, JC Parot, Ph.
Reig, Art. cit.
52
Voir infra n°78 et s.
53
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. cit.
54
H. Bonte, thèse préc. ; FD Poitrinal, « Du bon emploi des clauses d’earn out – Dix conseils pratiques »,
Fusions et acquisitions, sept. 1992, p.25.
55
Il peut s’agir d’un simple accroissement des performances, mais il peut également s’agir de la conclusion d’un
contrat précis, de l’obtention d’un marché…
- 29 - Comme pour n’importe quelle autre vente, la cession de droits sociaux réunie deux
personnes dont on pourrait penser que les intérêts convergent : l’une cherchant à vendre et
l’autre cherchant à acheter. Mais une fois cette vision simpliste dépassée, il apparaît
clairement que des divergences existent. L’exemple le plus significatif concerne la question
du prix, le vendeur surestimant son bien et l’acheteur tentant d’en relativiser l’importance.
Cette opposition est d’autant plus marquée en matière de droits sociaux que la valeur de ces
derniers est, exception faîte des actions de société cotées, difficilement déterminable. Mais
l’opposition atteint son paroxysme lorsque le prix est amené à varier en fonction d’éléments
plus ou moins modulables. Il est donc essentiel d’envisager dès l’échange des consentements
la manière dont va être gérée l’entreprise. C’est pourquoi, avant d’envisager les difficultés
liées à un départ anticipé du dirigeant (§2), nous allons voir quelles sont les possibilités
d’organisation ouvertes aux parties (§1).
§ 1 ) La gestion de l’entreprise
56
Voir infra n°32, 34, 36 et s.
57
Voir infra n°74 et s.
Les deux possibilités d’organisation de la gestion sont en réalité très simple : pendant
la période intermédiaire, la direction de l’entreprise peut être confiée soit au cédant,
ancien propriétaire ; soit au cessionnaire, nouveau propriétaire. Mais quels sont les
intérêts de ces formules ?
58
Ph. Bourmaleau, « Les clauses d’earn out », Lamy droit du financement, Formulaire.
59
Voir infra n°74 et s., développements sur la prohibition des conditions potestatives.
- 34 - Nous venons en effet d’envisager les situations que nous pourrions qualifier
« d’idéales », voire « d’utopiques ». La réalité est tout autre. Il est vrai qu’en apparence les
deux parties ont un intérêt dans la réalisation de résultats bénéficiaires. Mais là où le cédant
mise sur la réalisation de profits immédiats ou à court terme, le cessionnaire quant à lui
cherche une sécurité financière à long terme. Autant dire que l’un « désirera limiter le plus
possible les dépenses non susceptibles d’avoir un effet positif sur les performances de la
société cédée pendant la période « d’earn out » », alors que l’autre « souhaitera naturellement
investir pour le développement futur de la société ou du groupe »60. C’est pourquoi, que le
cédant ou le cessionnaire dirige l’entreprise pendant la période intermédiaire, les décisions
prises seront rarement bénéfiques pour les deux parties. A titre d’exemple, prenons le cas de
l’investissement. Celui-ci présente un intérêt évident pour l’avenir et donc pour le
cessionnaire, alors que le cédant y est quant à lui souvent opposé puisqu’il réduit l’importance
des résultats sur le court terme.
60
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. cit.
61
Id.
62
Id.
63
On peut ainsi prévoir la neutralisation des décisions suivantes : les amortissements relatifs à des
investissements ; les charges relatives au lancement de nouveaux projets ; les dépenses liées à des
restructurations, à des opérations de fusion ou d’apport d’activité ; les flux intragroupes tels que les
« management fees » ; les dépenses liées à l’établissement d’un budget annuel…
Toujours est-il que d’une manière générale, et c’est d’ailleurs l’un des avantages de la
convention d’earn out, le cédant reste à la tête de l’entreprise pendant quelques temps afin
d’assurer la transition. C’est la raison pour laquelle il peut être judicieux d’envisager les
éventuelles conséquences d’un départ anticipé du cédant-dirigeant.
- 36 - Les différents éléments de la convention d’earn out (durée de la période « d’earn out »,
délais de paiements, formule de prix…) sont habituellement déterminés en considération du
fait que le cédant-dirigeant64 poursuit sa gestion de l’entreprise pendant la période
intermédiaire. C’est pourquoi la convention envisage généralement l’hypothèse d’un départ
anticipé du cédant-dirigeant en distinguant notamment selon que ce départ lui est ou non
imputable. Les conséquences sur la convention sont alors différentes.
64
Les difficultés sur un départ anticipé du dirigeant ne concernent bien entendu que l’hypothèse dans laquelle le
cédant est resté à la tête de l’entreprise pendant la période intermédiaire.
65
H. Bonte, thèse, préc.
66
Eventuellement au moyen d’une formule de calcul modifiée.
67
Cette indemnité constitue alors une clause pénale. Elle est donc susceptible d’être modifiée par le juge sur le
fondement de l’article 1152 du Code civil.
transfert anticipé des titres restant. Selon la forme adoptée, il s’agit donc soit de la déchéance
du terme68 de la vente future, soit d’une anticipation sur le terme du délai de levée d’option
d’achat69. Mais quelle que soit la forme adoptée, on parle alors, pour cette seconde catégorie
de convention d’earn out, de « clause de kick out »70.
- 38 - La cessation des fonctions n’est pas imputable au cédant lorsqu’elle résulte de son
décès ; de circonstances indépendantes de sa volonté ; et bien sûr d’une révocation, d’un
défaut de renouvellement ou d’un licenciement71 sans faute. Les solutions prévues par les
conventions d’earn out sont alors sensiblement les mêmes que lorsque le départ est imputable
au cédant, mais cette fois à son profit. Il peut s’agir, selon les cas, d’un droit au paiement
immédiat du solde du prix ou du transfert immédiat du solde d’actions contre paiement du
prix. Là encore, il est habituellement prévu une autre formule de calcul dans laquelle la
période intermédiaire est réduite. Notons que pour les hypothèses de révocation sans faute, il
est parfois stipulé un supplément de prix. Pourtant, cette hypothèse de révocation n’est pas
aussi simple qu’il y paraît. Plusieurs questions se posent lorsque la société cédée est une
société anonyme à conseil d’administration et que la règle de la révocabilité ad nutum
s’applique. Cela étant, la loi NRE du 15 mai 200172 est sans doute venue, tout au moins
partiellement, régler ces difficultés. Mais nous analyserons ces questions lorsque nous
confronterons les clauses d’earn out aux principes du droit français des sociétés73.
68
Dans l’hypothèse d’une vente à terme.
69
Lorsqu’il s’agit de promesses unilatérales croisées.
70
Pour un exemple de clause de kick out, voir FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. cit.
71
Lorsque le cédant bénéficiait d’un contrat de travail.
72
Loi n° 2001-420 sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001.
73
Voir infra n°78 et s.
- 39 - Les éléments constitutifs ayant été étudiés et le mécanisme ayant été compris, il
convient maintenant de s’attarder sur le rôle des conventions d’earn out. Le terme de « rôle »
doit cependant être ici entendu au sens large. Ainsi, il va s’agir non seulement d’étudier la
fonction de ces conventions, mais également les différents intérêts que peut présenter, pour
les parties, la stipulation de telles clauses. Il est donc question de leur rôle intrinsèque (Section
2), mais aussi du rôle, ou de l’intérêt, qu’elles ont pour chacune des deux parties (Section 1).
Il est vrai que cette question des « intérêts en cause » a déjà été abordée ponctuellement et à
plusieurs reprises, mais un petit rappel nous a semblé intéressant.
§ 1 ) L’objectif commun
- 41 - Le principal objectif de chacune des parties est, tout au moins en principe, que
l’entreprise se porte le mieux possible. Les motifs sont cependant différents entre le cédant
et le cessionnaire.
Le vendeur, dont le complément de prix dépend des résultats futurs, est le premier intéressé
par les performances de la société. En ce qui le concerne, plus les bénéfices de l’entreprise
vont être élevés, plus la somme perçue sera importante. Lorsque la société présente des
résultats positifs, les droits sociaux la représentant prennent de la valeur ce qui justifie un
complément de prix élevé (ou une deuxième cession à des prix supérieurs). Il a donc tout
intérêt à ce que son ancienne société se porte le mieux possible. C’est la raison pour laquelle,
même lorsque le cessionnaire ne demande pas d’assistance, le cédant propose souvent sa
collaboration74. Il conserve alors des fonctions dans la société, fonctions qui peuvent aller de
la direction pure et simple à la collaboration limitée.
L’acquéreur, quant à lui, a tout intérêt à ce que la société qu’il acquiert (ou les titres sociaux)
soit la plus rentable possible. Les bons résultats sont souvent le gage d’une gestion saine et de
perspectives encourageantes. Cependant, il va alors être amené à devoir un complément de
prix plus important, peut être, que ce qu’il avait envisagé au départ. Et c’est pourquoi cette
recherche d’un objectif commun n’est en réalité qu’une façade bien loin des réalités
économiques et des véritables intérêts des parties.
74
Pour le cessionnaire, l’intérêt d’obtenir la collaboration du cédant concerne la mise en place d’une période de
transition. Pendant cette période, le cédant, qui connaît la société, est le plus à même de poursuivre la gestion et
de transmettre à son cocontractant les rouages et les connaissances nécessaires à la reprise de l’entreprise. Sa
présence permet notamment de fidéliser la clientèle, d’obtenir les connaissances relatives à la production ou au
secteur d’activité…
- 42 - Il est vrai que les deux parties misent sur la réussite de la société. Mais leurs visions
sont nécessairement différentes quant à l’avenir de la société. Alors que le cédant oriente sa
réflexion sur le court terme et sur les bénéfices immédiats, le cessionnaire espère la réalisation
d’objectifs à long terme. Les politiques de gestion sont donc diamétralement opposées.
Le cessionnaire va préférer l’investissement au profit immédiat, d’une part parce que
le complément du prix qu’il doit au cédant va alors diminuer, l’investissement venant diluer
les bénéfices, d’autre part parce que son but est d’exploiter au maximum la société dont il est
le nouveau propriétaire. En revanche, le cédant va vouloir éviter à tout prix de nouveaux
investissements coûteux risquant de diminuer sa rémunération supplémentaire. C’est pour
cela que le choix de « l’agrégat de base », ou la stipulation d’une clause de neutralisation, est
généralement primordial au bon déroulement de la période d’earn out.
Malgré cette possibilité de « prévision » conventionnelle des litiges, il n’en demeure
pas moins que cédant et cessionnaire agissent dans des optiques différentes.
- 43 - La clause d’earn out a comme rôle essentiel de servir de garantie aux deux parties. Au
moment de céder ses droits sociaux, il peut arriver que les derniers résultats ne reflètent pas,
tout au moins aux yeux du cédant, la valeur réelle de ceux-ci75. Le cédant peut avoir de
bonnes raisons de penser que les résultats futurs seront bien meilleurs que les derniers.
Inversement, il se peut que le cessionnaire se méfie du niveau élevé des dernières
performances de la société. La stipulation d’une convention telle que la clause d’earn out
permet ainsi d’assurer aux deux parties un certain niveau de sécurité. C’est pourquoi, après
avoir étudié la notion de convention de garantie (§1), nous nous attarderons sur le mécanisme
de garantie des conventions d’earn out en le comparant avec celui, fréquemment utilisé, de la
clause de garantie de passif (§2).
75
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. cit.
A ) Définition
76
P. Mousseron, « Les conventions de garantie dans les cessions de droits sociaux », Nouvelles éditions
fiduciaires, 2ème éd., n°192.
77
P. Mousseron, Op. cit., n°194. Mais pour des développements contradictoires et pour des précisions
supplémentaires, Voir infra
78
Pour plus d’information sur le mécanisme général de révision du prix, V. par exemple : P. Mousseron, Op. cit.
n° 210 et s.
79
Dans la pratique, les clauses d’earn out ne bénéficient pas forcément aux deux parties. Par exemple, lorsqu’un
prix plancher est prévu, il est très possible que la variation du prix n’existe qu’en faveur du cédant. En effet, si ce
prix plancher correspond (par exemple) au prix de la première cession, alors l’ajustement du prix ne pourra
jamais avoir lieu en faveur du cessionnaire.
B ) Typologie
80
Tout au moins pour l’instant… V. infra
81
Id, n°196.
82
Comme par exemple les garanties de bilan ou de consistance.
83
Ce qui est le cas des conventions d’earn out.
moment donné, les secondes « prolonge l’engagement du débiteur »84 au-delà de la cession
et protège « le revendeur contre les effets de la dépréciation réelle de l’objet vendu »85.
Il est également possible de distinguer les conventions de garantie en fonction de
leur objet. Ainsi, et en se limitant aux conventions garantissant les données financières de
l’opération, on peut alternativement ou cumulativement rencontrer des conventions de
garantie de passif86, des conventions de garantie d’actif87, des conventions de garantie d’actif
et de passif, ou encore des conventions de garantie de situation nette88…
Une troisième possibilité consisterait à distinguer les conventions de garantie
grâce au mécanisme juridique qu’elles utilisent. Mais en réalité, il s’agit alors de distinguer
les conventions utilisant le mécanisme de la garantie au sens propre du terme de celles
utilisant le mécanisme de la révision du prix. Il y aura garantie et non pas révision du prix,
lorsque l’un au moins des trois éléments suivants sera présent : caractère définitif du prix,
engagement au bénéfice de la société, indemnisation sans plafonnement89.
Enfin, il apparaît bien sûr possible de proposer une distinction fondée sur
l’objectif recherché. Il peut tout d’abord s’agir de garantir la valeur des droits sociaux cédés,
sachant que cet objectif peut notamment être atteint grâce au versement d’une indemnité
complémentaire. Mais il peut également s’agir de garantir la reconstitution du patrimoine
social de la société cédée, l’engagement du cédant n’étant pas alors plafonné par le prix de
cession.
- 47 - Notons par ailleurs que l’établissement d’une liste exhaustive des différentes
conventions de garantie semble difficilement réalisable, leur nombre étant très élevé, et
l’imagination des praticiens très développée... Mais la question du rôle de garantie en matière
d’earn out peut être prolongée l’approfondissement de la notion de garantie de passif.
84
P. Mousseron, Op. cit., n°198.
85
J. Ghestin, « L’indétermination du prix de vente et la condition potestative », D. 1973, chron. p. 293.
86
Les conventions de garantie d’actif sont celles qui mettent à la charge d’une personne les diminutions de
valeur des éléments de l’actif, diminutions dont l’origine est antérieure à la cession.
87
Les conventions de garantie de passif sont celles par lesquelles le cédant s’engage à garantir le cessionnaire
contre l’apparition de nouveaux éléments du passif dont l’origine serait antérieure à la cession.
88
Les conventions de garantie de situation nette sont celles qui permettent d’imputer sur le montant des
éventuels défauts d’actifs ou nouveaux passifs constatés après la cession, le montant des éventuels suppléments
d’actif ou des disparitions de passifs.
89
P. Mousseron, Op. cit., n°209.
- 48 - Les clauses de garantie de passif peuvent être définies comme étant celles par
lesquelles le cédant s’engage à prendre à sa charge « tout passif social non déclaré mais
existant à la date de cession ou tout passif ayant une cause antérieure à cette date et qui se
révélerait ultérieurement »90. Par cette clause, également appelée clause de garantie
comptable, le cédant garantie l’exactitude du bilan à partir duquel le prix a été déterminé.
C’est la raison pour laquelle il prend l’engagement d’assumer les dettes ne figurant pas dans
ce bilan, mais dont l’origine est antérieure à la cession91. Il s’agit bien là d’une convention de
garantie au sens stricte : il existe un risque lié à l’apparition de nouvelles dettes inconnues au
moment de la cession, donc le cédant s’engage à les prendre à sa charge92. Ces clauses de
garantie de passif posent de nombreux problèmes notamment en matière d’interprétation de la
clause ou de moyen de règlement de la dette93, mais nous nous limiterons à la question de la
comparaison avec les clauses d’earn out.
- 49 - La première divergence concerne la période prise en compte. Alors que les clauses
de garantie de passif s’attachent à éviter un déséquilibre causé par des événements antérieurs,
mais apparus postérieurement à la cession, les clauses d’earn out quant à elles sont orientées
90
JL Pean, « Clauses de garantie dans les cessions de droits sociaux », J-Cl Sociétés, Fasc. 2510, n°9.
91
M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, « Droit des sociétés », Litec, 12ème éd.
92
A. Galia-Beauchesne, « Les clauses de garantie du passif dans les cessions d’actions et de parts sociales »,
Rev. des sociétés, 1980, p.27.
93
Pour plus d’informations sur ces questions : V. J. Mestre, D. Velardocchio, C. Blanchard-Sebastien : « Lamy,
Sociétés commerciales », Lamy, 2002, p.444 et s.
sur la période qui suit l’opération de cession. Dans ces dernières, la garantie, si tant est qu’elle
en soit vraiment une, porte sur les résultats futurs, c'est-à-dire ceux postérieurs à la cession.
Autrement dit, avec les clauses d’earn out, le cédant peut être amené, indirectement, à
participer, vis-à-vis du cessionnaire, au comblement de dettes apparues après la cession.
- 50 - Une deuxième divergence est constituée par le mécanisme de garantie utilisé pour
ces deux types de conventions. Pour les clauses de garantie de passif, on trouve
principalement deux techniques : d’une part celle de la révision du prix, d’autre part celle de
l’indemnité. Autrement dit, le prix est fixé dès la cession, mais soit ce prix va faire l’objet
d’une modification, soit une indemnité va être versée pour compenser le préjudice lié à
l’apparition de nouveaux éléments94. En revanche, en matière de clauses d’earn out (et il
s’agit sans doute là du principal motif de rejet de la qualification de convention de garantie) le
prix n’est pas modifié, il n’est juste pas encore, tout au moins en partie, déterminé. Le prix ne
fait donc pas l’objet d’une révision mais d’un ajustement. On ne recherche pas une
forme de compensation ou de réparation, mais simplement le prix le plus adapté à
l’opération.
- 51 - Enfin, un troisième élément peut être mis en avant. Il s’agit des objets respectifs de
ces conventions. Alors que la clause de garantie de passif, tente de protéger le cessionnaire
contre l’apparition de dettes inconnues au moment du transfert des droits sociaux, la clause
d’earn out tente d’assurer aux deux parties la rentabilité de l’opération. Le but de cette
dernière n’est pas de garantir mais bien de rentabiliser. Ces remarques en amènent par ailleurs
une autre, à savoir que la clause de garantie de passif est stipulée au profit du cessionnaire95,
ce qui n’est pas, par définition, le cas des conventions d’earn out.
- 52 - Précisons par ailleurs que l’articulation entre une clause d’earn out et une clause de
garantie de passif peut parfois être source de difficultés. Le risque est bien sûr, en cas de
coexistence de ces deux conventions, que le cédant soit amené à payer deux fois pour le
même événement : une fois de manière directe et une autre fois de manière indirecte. A priori,
ce risque est limité puisque la clause d’earn out applique des critères de « flux » relevant du
94
S. Plantin, « Garanties de passif : quelques pièges à éviter », JCP éd. E, 1998, p.1722.
95
Dans le cas contraire, il s’agirait plutôt d’une clause de « non garantie de passif ».
compte de résultat alors que la garantie de passif couvre des éléments patrimoniaux relevant
du bilan96. Mais il est malgré tout probable que certains suppléments de passif aient un impact
sur les performances. La plus grande prudence est donc de mise en matière de rédaction et
d’articulation entre ces deux clauses pourtant bien différentes. Notons également que la
convention d’earn out peut s’avérer utile pour garantir l’exécution d’une garantie de passif.
En effet le cessionnaire peut éventuellement être amené à compenser sa créance de garantie
avec sa dette de prix ou de complément de prix.
- 53 - Une fois n’est pas coutume, il apparaît que quelques lignes de conclusion sur ce
chapitre et cette question de la garantie s’imposent. Au regard des développements
précédents, peut-on ou non conclure à la qualification de conventions de garantie pour les
clauses d’earn out ? Il semble que ces dernières aient effectivement un rôle de garantie,
mais qu’elles ne soient pas réellement une convention de garantie.
Les conventions d’earn out ont bel et bien un rôle de garantie, mais de garantie de
la rentabilité de l’investissement. Elles permettent en effet à un investisseur de limiter le
risque lié à l’acquisition des droits sociaux d’une entreprise dont il ne peut connaître tous les
tenants et les aboutissants.
En revanche, il semble que la qualification de « convention de garantie » doive être
écartée. La clause d’earn out n’a pas pour effet de limiter les risques liés à la survenance d’un
événement inattendu, elle sert simplement à compléter un prix qui ne peut être totalement
déterminé. Autant dire que, contrairement aux conventions de garantie, elles devront, quoi
qu’il arrive, être appliquées et la formule de prix utilisée. L’application des clauses d’earn out
n’est pas conditionnelle, elle n’est soumise à la survenance d’aucun événement. C’est
d’ailleurs ce que rappelle M. Pean lorsqu’il écrit que « il convient en fait de distinguer les
clauses de fixation du prix qui ont pour seul objet de fixer les modalités de calcul du prix
définitif et qui de ce fait interviennent au stade de la formation du contrat, des véritables
clauses de garantie qui ne doivent intervenir qu’au stade de l’exécution du contrat c’est-à-dire
après que le prix aura été définitivement fixé »97.
C’est pourquoi, malgré les nombreuses similitudes et malgré le rôle de garantie
que peuvent avoir les conventions d’earn out, la qualification de « convention de
garantie » ne peut être retenue.
96
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. Cit., n° 67.
97
JL Pean, « Clauses de garantie dans les cessions de droits sociaux », J-Cl Sociétés, Fasc. 2510, n°4.
- 54 - Les clauses d’earn out trouvent leur origine dans la pratique américaine du droit des
affaires et des cessions d’entreprise. Or, comme chacun sait, le droit américain est un droit
relevant de la « common law »98, c'est-à-dire un droit fondé sur la jurisprudence et la
connaissance du précédent. Autant dire que rares sont les règles écrites et les matières
codifiées99. Il s’agit plus de sanctionner un comportement répréhensif que de réprimer la
violation d’une règle. Le droit a donc vocation à s’appliquer a posteriori contrairement, par
exemple, au droit français qui tente d’encadrer a priori et d’éviter le conflit. Cette vision, très
réductrice, permet néanmoins d’expliquer et d’appréhender la liberté dont dispose les
praticiens du droit dans les pays de common law. Ce cadre est sans aucun doute très favorable
à la création de pratiques telle que celle des clauses d’earn out.
- 55 - Apparues en France au début des années 1980, leur validité va être longtemps
contestée et discutée par la doctrine. Bien que le principe de la référence à certains éléments
comptables soit, depuis de nombreuses années, admis par les tribunaux français100 ; il n’en
demeure pas moins que la possibilité de contracter sans un prix fixé dès l’origine n’a pas fait
l’objet d’un accueil très chaleureux par la jurisprudence. Les problèmes sont en réalité
nombreux, ces conventions heurtant successivement de nombreux pans du droit des
obligations et du droit des sociétés.
98
Par opposition aux droits romano-germaniques.
99
Cette opinion est cependant de moins en moins vrai, la technique de la codification étant de plus en plus
utilisée. A titre d’exemple, on peut citer le UCC (Uniform Commercial Code), ou Code de commerce uniforme,
qui a été promulgué en 1951, et qui est réellement devenu le droit uniforme des Etats-Unis en 1968 : RH Folsom
et AA Levasseur, « Pratique du droit des affaires aux Etats-Unis », Dalloz, p.191 et s.
100
V. par exemple : Cass. Com., 15 juin 1982, « Lemesre c. société Louis Lemesre Meubles Pilotes et autres »,
JCP éd. G, II, 20141 : « La Cour d’appel a débouté à bon droit un cocontractant de sa demande en annulation
d’un ensemble de conventions relatives à une vente d’actions et à la perception d’un pourcentage sur le chiffre
d’affaires de la société et sur des loyers perçus par elle, au motif que le prix des actions vendues était pour partie
dépendant du chiffre d’affaires réalisé et de certains loyers perçus par une société dont l’activité et l’intérêt
étaient distincts de celles des personnes physiques débitrices, en déduisant que l’obligation litigieuse n’était pas
soumise à une condition purement potestative ».
101
Cass. Com., 10 mars 1998, Bull. Joly, 1998, p. 464.
- 58 - Ce thème, si simple a priori, est certainement l’un de ceux qui a fait couler le plus
d’encre au cours des trente dernières années. La question est en effet beaucoup plus
compliquée qu’il n’y paraît. C’est la raison pour laquelle un petit rappel sur la position
actuelle des droits américains et français peut s’avérer utile (§1), ce prélude nous permettant
ensuite d’appréhender les problèmes relatifs au prix et engendrés par l’utilisation des clauses
d’earn out en France (§2).
102
D. Lecossois, « La détermination du prix dans la convention de Vienne, le UCC et le droit français : critique
de la première décision relative aux articles 14 et 55 de la Convention de Vienne », Rev. de droit de Mc Gill,
1996, vol. 41, p.514.
§ 1 ) L’état du droit
Bien que les questions soulevées soient propres aux règles posées par le droit français
(B), quelques développements sur la position du droit américain permettent d’expliquer
l’origine des difficultés (A).
- 59 - À l’origine, la common law était hostile aux contrats sans prix. Le contrat ne devait
pas présenter d’« indefiniteness », autrement dit celui-ci ne devait pas manquer de
spécificités. Si les éléments essentiels (« material terms ») du contrat n’étaient pas
suffisamment explicites, le contrat pouvait éventuellement être frappé d’inopposabilité
(« unenforceable »103). Ainsi, lorsque les parties ne s’étaient pas mises d’accord sur un prix
raisonnable ou sur une méthode raisonnable de fixation du prix104, l’« incertitude » en
résultant rendait le contrat inopposable.
- 60 - Mais le UCC105 a introduit en droit américain une flexibilité qui lui était
jusqu’alors étrangère, flexibilité permettant au juge d’adapter le droit des contrats au
contexte économique. C’est ainsi que l’article 2-305106 de ce code écarte la sanction de
« l’indefiniteness » en ne reconnaissant à aucun élément du contrat de vente le statut
d’élément essentiel. Les règles antérieures sont remplacées par des critères dont l’utilisation
repose sur une présomption, réfutable, de comportement raisonnable des parties107.
103
V. : J. Paulsson, « La détermination du prix dans les contrats, chronique des jurisprudences nationales
relatives aux contrats internationaux », Dr. et PCI, 1981.
104
AA Levasseur, « Le contrat en droit américain », Dalloz, 1996, p.22.
105
Uniform Commercial Code.
106
Article 2-305 du UCC :
“ (1) The parties if they so intend can conclude a contract for sale even though the price is not settled. In such a
case the price is a reasonable price at the time for delivery if
(a) nothing is said as to price ; or
(b) the price is left to be agreed by the parties and they fail to agree ; or
(c) the price is to be fixed in terms of some agreed market or other standard as set or recorded by a third
person or agency and it is not so set or recorded.
(2) A price to be fixed by the seller or by the buyer means a price for him to fix in good faith.
(3) When a price left to be fixed otherwise than by agreement of the parties fails to be fixed through fault of one
party the other may at his option treat the contract as cancelled or himself fix a reasonable price.
(4) Where, however, the parties intend not to be bound unless the price be fixed or agreed and it is not fixed or
agreed there is no contract. In such a case the buyer must return any goods already received or if unable so to do
must pay their reasonable value at the time of delivery and the seller must return any portion of the price paid on
account.”
107
D. Lecossois, Art. cit.
- 61 - À défaut de prix fixé110, et grâce à l’intention et au principe de bonne foi, le juge peut
se substituer aux parties afin de fixer lui-même un prix raisonnable. Ce pouvoir du juge
lui est directement attribué par la loi, et il va lui permettre de remplacer les parties dans la
fixation du prix. Les tribunaux tentent ainsi d’éviter la nullité en intervenant chaque fois
qu’un résultat raisonnable peut être déduit d’éléments objectifs tels que le comportement
antérieur des parties, la pratique ou les usages dominants111.
Dès lors, qu’un prix soit absent ou contesté, le juge examine en premier lieu l’intention
des parties. Si cette intention n’existe pas, le contrat n’existe pas. En revanche, si le prix
n’existe pas, ou qu’il est contesté, mais que la volonté de contracter est avérée, le juge fixe le
prix qu’il considère comme étant raisonnable112.
- 62 - De même, le juge peut être amené à se prononcer sur la mise en jeu des
mécanismes de fixation du prix envisagés dans le contrat. Ainsi, dans une espèce intitulée
« Schmieder c. Standard Oil Co. of Indiana »113, le juge s’est substitué aux parties qui avaient
prévu la possibilité de rachat de matériel vendu, mais sans stipuler de méthode de calcul pour
la dépréciation des biens. Standard Oil ayant levé l’option de rachat, la Cour décida que le
contrat avait été formé et elle fixa le montant de la dépréciation.
108
La nullité reste cependant très peu utilisée en pratique, l’objectif premier du UCC étant la sauvegarde du
contrat.
109
D. Lecossois, Art. cit.
110
Le prix n’est pas déterminé lorsque le contrat ne le fixe pas mais également lorsque le prix devait être négocié
mais qu’il ne l’a pas été ou lorsque le prix devait être déterminé par rapport au prix d’un marché qui se révèle
impossible à détermine.
111
J. Paulsson, Art. cit.
112
25 UCC Rep. Serv. 2d (Callaghan) 265, 171 B.R. 641 (W.D. Wis. 1994), “Affaire In Re Pelton” : “The
parties intended to make a contract, even though there was no specific price term in the agreement. The price
was to be calculated upon the current market value of the feed in the proportion which that expense bore among
other defined expenses to the sale price of the cattle. The contract for the sale of crops and feed would not fail for
indefiniteness. There was an attempt to contract and a reasonably certain basis for giving an appropriate
remedy”.
113
230 N.W. 2d 732, 69 Wis. 2d 419 (1975).
- 63 - Il est sans doute utile de préciser immédiatement que les développements suivants ne
traiteront pas du célèbre revirement du 1er décembre 1995114. En effet, ces décisions
fondamentales concernaient essentiellement les problèmes posés en matière de contrats cadres
de distribution et de prestations de service. C’est pourquoi, et la jurisprudence a eu l’occasion
de le réaffirmer115, les solutions antérieures sont maintenues pour le contrat de vente. Les
cessions de droits sociaux relevant des principes dégagés en matière de vente, ce revirement
sera exclu de notre étude.
- 64 - L’article 1591 du Code civil pose le principe selon lequel « le prix de la vente doit
être déterminé et désigné par les parties ». Quant à l’article 1592, il dispose que le prix
« peut cependant être laissé à l’arbitrage d’un tiers ; si le tiers ne veut ou ne peut faire
l’estimation, il n’y a point de vente ». Cela étant la jurisprudence fait une application très
libérale de ces articles puisqu’elle admet que le prix ne soit que déterminable116. Il n’est
donc pas nécessaire qu’un chiffre définitif figure dans le contrat de vente, il suffit que la
convention comporte des stipulations permettant de procéder au calcul du montant de
l’opération. Cela étant, ces stipulations doivent faire référence à des éléments objectifs ne
dépendant pas de la volonté des parties117.
- 65 - Mais quelles sont les exigences requises pour que des stipulations relatives au prix
déterminables soient valables ? Traditionnellement, la jurisprudence retient deux exigences
qui, malgré les apparences, sont bien distinctes. La première impose que le contrat de vente
comporte des stipulations permettant la détermination du prix sans nouvel accord des parties :
on parle de déterminabilité stricto sensu du prix. Quant à la seconde, elle consiste à interdire
que le chiffrage du prix ne soit laissé à l’arbitraire de l’une des deux parties : il est alors
114
Ass. Plén., 1er décembre 1995, 4 arrêts : Bull. Civ. I, n° 7, 8 et 9 ; D. 1996, p.13, note L. Aynès ; JCP éd. G
1996, II, 22565, note J. Ghestin ; JCP éd. E 1995, II, 662, note L. Leveneur.
115
Cass. Civ. 1ère, 2 décembre 1997 : PA, 12 juin 1998, n°70, note C. Humann.
116
MA Frison-Roche, « L’indétermination du prix », RTD civ., 1992, p.269.
117
Cass. Com, 24 mars 1965 : D. 1965, p. 474 ; RTD civ. 1965, p.821, obs. Cornu.
question d’objectivité du prix. Pour distinguer ces deux exigences, M. Ghestin parle de
« défaut structurel de prix », c'est-à-dire de « l’absence de prix déterminable sans nouvel
accord des parties » ; et de « la situation dans laquelle le contrat lui-même permet à l’une des
parties d’agir sur la détermination du prix »118.
Autrement dit, et pour tenter de faire simple, il est d’une part question d’une présence
suffisante d’éléments permettant la détermination ultérieure du prix ; et d’autre part du choix
d’éléments qui soient suffisamment objectifs pour qu’aucune des parties ne puisse influer
dessus.
- 66 - Dans les conventions d’earn out, le prix n’est pas, bien entendu, déterminé. Le juge
français119, en matière de vente120, n’ayant pas la possibilité de se substituer aux parties pour
fixer le prix, ce dernier doit donc, au moins, être déterminable. Ce sont donc à ces deux
exigences qu’il faut confronter les clauses étudiées.
Les deux axes de notre étude porteront donc sur la déterminabilité « stricto sensu » (A)
et sur l’objectivité du prix (B). Mais nous envisagerons également la possibilité de prévoir le
recours à un tiers (C).
- 67 - Pour qu’un contrat de vente sans prix déterminé soit valable, il faut tout d’abord que le
chiffrage du prix déterminable soit possible sans nouvel accord des parties. Autrement dit, il
faut que les stipulations qui définissent ce prix soient telles qu’elles excluent en principe
toute possibilité de contestation au moment du chiffrage. La formule de prix doit donc
utiliser des variables dont la valeur ne peut faire l’objet ni d’hésitations ni d’imprécisions et
qui par conséquent s’imposera aux parties une fois le chiffrage venu. Indirectement, on en
revient donc à la question du choix de l’agrégat de base et des modalités de prix, puisque l’on
118
Note sous Ass. Plén., 1er décembre 1995, JCP éd. G 1996, II, 22565.
119
Comme nous l’avons vu, il en va autrement du juge américain.
120
La Cour de cassation autorise les juges du fond à fixer un prix pour les contrats de prestation de service. Pour
cela, ils doivent tenir compte des justifications produites et des circonstances de la cause. V. GJ Martin et P.
Steichen, « Contrats et obligations – Objet du contrat », J-Cl civil, article 1126 à 1130, fasc. 10, n°26.
s’intéresse notamment à leur degré de précision121. Il faut de plus que la formule de prix
utilisant ces éléments ne laisse place à aucune approximation, approximation qui permettrait
une contestation ou qui nécessiterait un nouvel accord de volonté122.
121
A ainsi été déclarée nulle, une promesse de cessions d’actions dont le prix était notamment fonction de la
valeur variable des licences de transport, valeur dont la détermination nécessitait un accord ultérieur des parties :
Cass. Com., 10 décembre 1991, Dr. Stés, février 1992, n°31, p.9, obs. H. Le Nabasque, in FD Poitrinal, JC Parot,
Ph. Reig, Art. Cit.
122
A ainsi été déclarée nulle, une cession de parts de SARL dans laquelle le prix devait être corrigé en fonction
du passif apparu dans le premier bilan postérieur à la cession, sans que soient précisées les conditions
d’établissement de ce bilan : Cass. Com., 13 janvier 1971, JCP éd. E, 1972, II, 17060, note N. Bernard, in FD
Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. Cit.
123
Cass. Com., 10 mars 1998, Bull. Joly 1998, p. 464, note A. Couret. Cet arrêt est également, semble t-il, le
premier à reconnaître aussi clairement la validité des conventions d’earn out.
124
Id.
125
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. Cit., n° 12.
A l’appui de leur théorie, ils invoquent la suite de la décision qui prévoit la désignation d’un
expert. D’après eux, si la clause de prix avait été suffisamment précise, le chiffrage aurait été
automatique, et l’intervention d’un tiers totalement inutile. Une troisième hypothèse
consisterait cependant à voir dans cette décision un assouplissement de la jurisprudence en
matière de droits sociaux. Autrement dit, il s’agirait de voir ici une simple reconnaissance de
la validité des clauses d’earn out et la possibilité d’un recours à un tiers en cas d’imprécision
manifeste de la convention.
Revirement de jurisprudence ou simple reconnaissance de la validité des clauses
d’earn out, le débat reste entier. Néanmoins, une alternative aurait sans doute pu être trouvée
dans l’assimilation des conventions d’earn out à la notion de contrat cadre126 qui échappe à
l’exigence de détermination du prix127.
B ) L’objectivité du prix
126
Certains auteurs ont déjà assimilé les conventions d’earn out au contrat cadre : A. Laude, « L’exigence de
détermination du prix », JCP éd. E, 1997, Cahiers de droit de l’entreprise, n°5, p.29.
127
A. Couret, note préc.
128
Voir infra n°74 et s.
129
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. Cit.
La jurisprudence n’étant pas encore bien fixée, il est conseillé de prévoir, quelle que
soit l’hypothèse, le recours à un tiers en cas de difficultés.
130
Id. : La dépendance est qualifiée d’intellectuelle « lorsque l’une des parties peut avoir une influence sur le
prix par un acte de pure chiffrage, que ce soit directement le chiffrage du prix ou bien celui d’éléments
participant au calcul de ce prix ».
131
V par exemple : CA Paris, 28 janvier 1982, BRDA 1982/11, p.8
Cass. Civ. 1ère, 28 juin 1988, Bull. civ. I, n°212 ; D. 1989, II, p.121, note Ph. Malaurie.
132
Cass. Com., 10 mars 1998, Bull. Joly 1998, p.464, note A. Couret.
C ) Le recours à un tiers
133
Notons que l’article 1843-4 du Code civil prévoit également une possibilité de recours à un expert pour le
chiffrage du prix d’une cession de droits sociaux. Mais son champ d’application est très différent de celui de
l’article 1592 puisque l’article 1843-4 ne peut être utilisé que pour les cessions ou rachat prévus par la loi.
134
V. en ce sens : Cass. Civ. 1ère, 16 mai 1984, Bull. civ. I, n°164 : Faute d’accord préalable entre les parties, la
désignation par le tribunal d’un expert chargé d’évaluer un bien ne peut être assimilé à celle d’un expert prévu
par l’article 1592.
135
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. Cit.
- 74 - Le second grand principe du droit des obligations auquel est susceptible de se heurter
le mécanisme des clauses d’earn out est celui de la prohibition des conditions potestatives.
Comme pour l’indétermination du prix, un rappel théorique de cette notion (§1) facilitera la
compréhension et la confrontation (§2) avec les conventions objets de cette étude.
- 75 - La condition peut être définie comme étant « la modalité d’un acte juridique faisant
dépendre l’existence d’un droit d’un événement futur dont la réalisation est incertaine »136.
Elle est régie par les articles 1168 à 1184 du Code civil.
La condition potestative, quant à elle, est définie à l’article 1170 du Code civil qui
dispose que « la condition potestative est celle qui fait dépendre l’exécution de la convention
d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou l’autre des parties contractantes de faire
arriver ou d’empêcher ». Le principe de leur prohibition, enfin, est posé par l’article 1174
qui précise que « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition
potestative de la part de celui qui s’oblige ». Autrement dit, les conditions potestatives de la
part du créancier ne peuvent pas être frappées de nullité.
Quant aux conditions potestatives de la part du débiteur, il faut là encore minimiser
l’importance de la prohibition puisqu’il est désormais admis que seules les conditions
purement potestatives, c'est-à-dire celles laissées à l’entière discrétion des parties137, peuvent
faire l’objet d’une annulation.
136
R. Guillien et J. Vincent, Op. cit.
137
G. Légier, « Droit civil – Les obligations », Dalloz, 16ème éd., p.164.
138
JJ Taisne, « Contrats et obligations – Obligations conditionnelles – Caractères de la condition », J-Cl civil,
art. 1168 à 1174, n°39 ; V. également D. Grillet-Ponton, obs. sous Cass. Com. 15 juin 1982, JCP éd. G, II,
20141.
139
V. par exemple : Cass. Com., 15 juin 1982, Rev. Stés 1983, p.329, note Y. Guyon. La Cour de cassation a
rejeté la qualification de conditions potestatives. La clause en question définissait le prix de cession d’actions en
fonction du chiffre d’affaire et de loyers perçus.
- 78 - Les conventions d’earn out ont pour objectif de permettre la détermination du prix le
plus juste. Ce rôle de « garantie », bien que théoriquement valable, risque néanmoins de poser
quelques difficultés lorsqu’il a pour conséquence, non pas de limiter, mais d’empêcher toutes
pertes au profit de l’un des cocontractants. En effet, la validité de la clause d’earn out risque
alors de s’opposer à un principe général du droit des sociétés : la prohibition des pactes
léonins (Section 1).
Par ailleurs, le droit des sociétés, en tant que droit spécial et dérogatoire, est constitué
de nombreuses règles techniques et particulières. Ainsi, des dispositions très spécifiques sont
prévues pour la révocation des dirigeants de sociétés anonymes. C’est à ces règles que nous
confronterons dans un deuxième temps le mécanisme des clauses d’earn out (Section 2).
- 80 - Pour les conventions d’earn out, la prohibition des pactes léonins146 n’a vocation à
s’appliquer qu’à la double condition que la partie variable du prix porte sur un solde de
participation temporairement conservé par le cédant, et qu’un prix plancher ait été
prévu. Cependant, notons qu’aucun problème juridique ne se pose lorsque le prix plancher est
inférieur au prix auquel le cédant avait lui-même acquis sa participation puisque, dans cette
hypothèse, le cédant peut effectivement subir des pertes en cas d’importante dépréciation de
la société (ou en cas de diminution notable des performances). En revanche, lorsque le prix
plancher est au moins égal au prix auquel le cédant avait lui-même acquis sa participation,
140
On parle de clause « léonine » ou de pacte « léonin » par référence à la fable de La Fontaine : « La génisse, la
chèvre et la brebis en société avec le lion ». On dit également que ces clauses permettent à leur bénéficiaire de se
« tailler la part du lion ».
141
Article 1844-1, alinéa 2, du Code civil.
142
Précisons que doctrine et jurisprudence s’accordent pour affirmer que la localisation statutaire ou extra-
statutaire est sans influence sur la qualification de pacte léonin. CA Paris, 3e ch. B, 8 octobre 1993, Eisenberg et
autres c/Calip et autres, Bull. Joly 1993, p. 1231, note Schödermeier ; RJDA 1994, n° 35, p. 38 ; RTD com.
1994, p. 58, Obs. Champaud et Danet.
143
Le Nabasque et Barbier, « Les clauses léonines », Dr. sociétés, Actes pratiques, 1996, n° 29.
144
Paris, 30 octobre 1976, Rev. Sociétés 1977, p.695, note D. Schmidt.
145
Cass. Civ. 1ère, 16 octobre 1990, Bull. Joly 1990, p.1029.
146
Dans l’hypothèse qui nous intéresse, il ne s’agit bien entendu que des pactes exonérant un associé de la
totalité des pertes.
alors celui-ci est sûr de n’essuyer aucune perte. C’est dans cette hypothèse, et uniquement
dans celle la, qu’interviennent les règles relatives à la prohibition des pactes léonins.
- 81 - Les règles en matière de prohibition des pactes léonins font l’objet d’une appréciation
différente selon la chambre de la Cour de cassation devant laquelle l’affaire est portée.
Pour la première chambre civile, un pacte est qualifié de léonin dès lors qu’il
garantit un associé contre tout risque de perte147. Il s’agit donc de l’interprétation littérale
de l’article 1844-1, l’intention des parties ne jouant alors aucun rôle. Seuls comptent les effets
de la convention.
En revanche, la chambre commerciale a un position beaucoup plus libérale
puisqu’elle tient compte de l’objet148 de la convention. Autrement dit, lorsque les parties
ont eu l’intention de mettre en place une véritable transmission d’action, la convention est
considérée comme étant valable. La qualification de pacte léonin est donc réservée à
l’hypothèse où les parties ont eu pour objectif de garantir le bénéficiaire contre tout risque de
perte. Cette solution, désormais bien établie149, résulte d’un arrêt du 20 mai 1986150 dans
lequel la Cour de cassation a décidé que « [...] est prohibée par l'article 1844-1 du code civil la
seule clause qui porte atteinte au pacte social dans les termes de cette disposition légale ; il ne
pouvait en être ainsi s'agissant d'une convention, même entre associés, dont l'objet n'était
147
V. par exemple : Cass. Civ. 1ère, 7 avril 1987, JCP éd. E 1988, II, 15133, note M. Germain ; Cass. Civ. 1ère, 16
décembre 1992, Dr. sociétés, février 1993, p.7, n°30, note D. Randoux.
148
J. Mestre, D. Velardocchio, « Lamy – Sociétés commerciales », 2003. Mais on peut également parler de
l’objectif.
149
Cass. com., 12 mars 1996, Bull. civ. IV, n° 88, p. 73 ; BRDA 1995, n° 7, p. 3 ; RJDA 1996, n° 1053, p. 757,
Dr. sociétés 1996, n° 94, Obs. Bonneau ; D. affaires 1996, chr., p. 561, Dr. & patr. 1996, n° 40, p. 94,
Obs. Bertrel ; Defrénois 1996, p. 1300, Obs. J. Honorat.
150
Cass. com., 20 mai 1986, Rev. sociétés 1986, p. 587, note Randoux ; Dr. sociétés 1986, n° 78, Obs. Germain,
Defrénois 1987, p. 609, Obs. Honorat.
autre, sauf fraude, que d'assurer moyennant un prix librement convenu, la transmission des
droits sociaux [...] ».
- 82 - Cela étant, cette divergence entre les deux chambres semble quelque peu
s’atténuer puisque la première chambre civile a admis « qu'un associé pouvait s'engager à
rembourser un autre de son apport, sans porter atteinte à la nature du pacte social, dès lors que
le créancier de cette garantie n'était pas, par ailleurs, exclu de toute contribution aux
pertes »151.
Par un arrêt en date du 22 octobre 1996154, elle a en effet décidé, dans une espèce
consacré à une promesse d’achat d’actions avec variation du prix, que « la licéité d’une
promesse de cession peut être admise dès lors qu’elle a été complétée par des promesses
croisées de rachat et de vente […] dans la mesure où une telle opération confère un caractère
aléatoire aux engagements réciproques souscrits qui n’ont plus pour conséquence d’instituer
notamment, au profit d’un seul bénéficiaire, une garantie contre la dépréciation de la valeur
des actions détenues ». Les juges, n’ayant pu constater l’existence de promesses croisées, ont
déclaré la convention litigieuse comme étant contraire à l’article 1844-1 du Code civil.
151
Cass. Civ.1ère, 29 octobre 1990, Bull. Joly 1990, p. 1052, note Le Cannu ; in J. Mestre et D. Velardocchio,
Op. cit.
152
Cass. Com., 28 décembre 1978, D. 1980, p.316, note J. Cl Bousquet.
153
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. Cit.
154
CA Paris, 3e ch. A, 22 oct. 1996, Gontard c/consorts Papelier, Bull. Joly 1997, p. 15, note critique Le Cannu ;
JCP éd. E 1997, I, n° 639, p. 126, Obs. Caussain et Viandier.
La Cour d’appel fait ici une remarque des plus judicieuses puisqu’elle note que l’absence de
promesses réciproques permet au bénéficiaire de choisir librement le moment de la cession du
solde des actions (dans l’hypothèse d’une convention d’earn out), ce qui lui assure de ne subir
aucune perte, tout au moins théoriquement.
Après avoir étudié la validité des clauses d’earn out par rapport à un principe général
du droit des sociétés, il faut désormais faire de même avec la règle spéciale de la révocation
des dirigeants dans les sociétés anonymes. Il existe deux sortes de révocation susceptibles de
poser des difficultés pour la validité du mécanisme qui nous intéresse : la révocation ad nutum
(§1) et la révocation pour, ou sans, juste motif (§2).
§ 1 ) La révocation ad nutum
- 86 - Avant la réforme de la loi NRE, on trouvait à la tête des sociétés anonymes à conseil
d’administration156 un président directeur général et un conseil d’administration, le premier
étant également le président du second. Nommé par le conseil d’administration, le président
directeur général était également révocable par celui-ci. Il s’agissait d’une « révocation ad
155
Cass. Com., 16 novembre 1999, JCP éd. E 2000, n° 5, p. 171, chr. F.-X. Lucas, Promesses d'achat de droits
sociaux à prix garanti et prohibition des clauses léonines, n° 5, p. 168
156
Société anonyme de type moniste.
nutum », c'est-à-dire d’une révocation possible à tout moment et sans motif particulier157. Or,
cette règle était/est impérative si bien que toute stipulation contraire était/est réputée non
écrite158. La jurisprudence a toujours veillé au respect de cette règle en neutralisant toute
stipulation ou convention susceptible de faire obstacle, dans les faits, à la libre révocabilité.
C’est la raison pour laquelle les tribunaux invalidaient les engagements susceptibles d’avoir
un effet dissuasif à l’encontre de la décision de révocation ; engagements tels que ceux
prévoyant le versement d’indemnités en cas de révocation159, ou encore ceux prévoyant le
rachat des actions du mandataire social révoqué160.
Au regard de cette jurisprudence, on peut légitimement s’interroger, dans l’hypothèse d’une
révocation sans faute du cédant-dirigeant, sur la question de la validité d’une convention
d’earn out face à la règle de la révocabilité ad nutum161.
157
Article L.224-47 du Code de commerce : « Le conseil d’administration peut le révoquer à tout moment. Toute
disposition contraire est réputée non écrite ».
158
Article L.224-47 du Code de commerce.
159
Paris, 30 avril 1987, D. 1987, IR p.170 ; Bull. Joly 1987, p.626.
160
Cass. Com. 7 février 1989, Bull. civ. IV, n°58, p.38 ; JCP éd. E 1989, II, 15517, n°3.
161
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. cit.
162
Cass. Com., 7 février 1989, préc.
163
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. cit.
164
« Cette simple exigibilité anticipée est-elle susceptible d’être considérée comme dissuasive et donc contraire à
la règle de libre révocabilité ? Nous ne le pensons pas : outre le fait que les majoritaires se sont de toute façon
obligés, à terme, à acheter les actions ou à payer le complément de prix, il faut également souligner que la
révocation du cédant retire au moins une grande partie de sa justification au délai pour effectuer cet achat ou ce
paiement. », FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. cit.
effectivement faire l’objet d’annulation, ces engagements équivalant alors à une indemnité de
révocation.
165
Le directeur général remplace désormais l’ancien président directeur général. Mais il ne faut pas le confondre
avec l’ancien directeur général qui n’était en réalité que le « bras droit » du président directeur général.
166
Article L.255-51-1 : « La direction générale de la société est assumée, sous sa responsabilité, soit par le
président du conseil d’administration, soit par une autre personne physique nommée par le conseil
d’administration et portant le titre de directeur général. »
- 89 - Il va ici s’agir de s’interroger sur l’articulation entre les conventions d’earn out et la
révocation pour juste motif. Cette question concerne, comme nous venons de le voir, le
nouveau directeur générale de la SA à conseil d’administration, mais également les membres
du directoire, ou l’éventuel directeur général unique, de la SA de type dualiste (c'est-à-dire
avec directoire et conseil de surveillance). En effet, conformément à l’article L.225-61 du
Code de commerce167, les membres du directoire ou le directeur général unique peuvent être
révoqués par l’assemblée générale des actionnaires (et éventuellement par le conseil de
surveillance), mais ils ont droit à des dommages et intérêts si cette révocation est décidée sans
juste motif.
La jurisprudence fait une application assez large de cette notion de « révocation
pour juste motif ». Elle ne se limite pas au cas où une véritable faute peut être reprochée, elle
concerne également toutes les hypothèses dans lesquelles la révocation est considérée comme
utile à l’intérêt social. Ainsi, à titre d’exemple, on peut citer une décision de la chambre
commerciale de la Cour de cassation ayant considéré « qu’une divergence de point de vue sur
la gestion ou la politique sociale survenant entre un nouveau groupe d’actionnaires et ledit
membre du directoire » était un juste motif « dès lors que cette divergence était de nature à
nuire à l’efficacité de la direction »168.
167
Article L.255-61 du Code de commerce : « Les membres du directoire ou le directeur général unique peuvent
être révoqués par l’assemblée générale, ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance. Si la
révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages-intérêts ».
168
Cass. Com., 17 juillet 1984 : Rev. Sociétés 1984, p.791, note J. Guyenot.
169
Celui-ci étant bien sûr soit directeur général d’une SA à conseil d’administration, soit membre du directoire
ou directeur général unique d’une SA à directoire et conseil de surveillance.
170
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. cit.
Cela étant, ce problème reste d’une importance limitée. Pour justifier cette affirmation,
il est possible d’invoquer deux éléments. D’une part, comme nous l’avons dit, cette situation
se rencontre peu en pratique notamment parce que la forme dualiste de la SA reste peu
utilisée. D’autre part parce qu’il n’existe pas, en matière de révocation sans juste motif, de
texte réputant non écrite toute stipulation qui lui serait contraire. Cependant il est vrai, cette
forme de révocation étant plus contraignante, que la prudence doit rester de rigueur et que les
règles applicables à la révocation ad nutum sont sans doute transposables171.
171
FD Poitrinal, JC Parot, Ph. Reig, Art. cit.
- 91 - Le mécanisme des clauses d’earn out est désormais bien implanté dans la pratique
française des cessions de droits sociaux. Ces conventions, assez simples dans leur principe,
facilitent la recherche d’un accord sur la vente d’un bien qui est, et restera, difficilement
évaluable.
- 92 - Leur validité et leur conformité face aux principes du droit français restent
néanmoins contestées. Bien que la doctrine soit très favorable à leur utilisation, la
jurisprudence demeure parfois hésitante. Cela étant, l’évolution des dogmes du droit des
obligations et l’adaptation des principes du droit des sociétés dénotent d’une réelle volonté
des tribunaux de rechercher des solutions adaptées et de faciliter l’intégration en France de ce
mécanisme américain. L’avenir semble donc prometteur172.
- 93 - Cet avenir semble d’ailleurs d’autant plus prometteur que le législateur fiscal a d’ores
et déjà reconnu la validité des clauses d’earn out en créant un véritable régime
d’imposition de ces conventions173. Depuis la loi de finance pour l’an 2000, il est en effet
prévu à l’article 150 OA du Code général des impôts que « le complément du prix reçu par le
cédant en exécution de la clause du contrat de cession de valeurs mobilières ou de droits
sociaux par laquelle le cessionnaire s’engage à verser au cédant un complément de prix
exclusivement déterminé en fonction d’une indexation en relation directe avec l’activité de la
société dont les titres sont l’objet du contrat, est imposable au titre de l’année au cours de
laquelle il est reçu, quel que soit le montant des cessions au cours de cette année ».
172
J. Salès et D. Lacaze, « Clauses de earn out : un avenir prometteur », chr. p.13, Dr. sociétés, juin 2000.
173
Pour plus d’informations, V. notamment : O. Dauchez, « Révision du prix de cession de titres par un
particulier », Option finance, mars 2001, p.30.
- 94 - Le choix a été celui de l’opposition. Plutôt que de regrouper et d’assimiler les clauses
d’earn out et les clauses de ratchet, nous avons opté pour leur distinction et pour leur
séparation tant les différences nous semblaient marquées. Certes, l’une et l’autre ont bien un
objet identique, celui de permettre l’ajustement du prix lors d’une transmission d’actions ou
de parts sociales. Mais il s’agit bien là de leur unique similitude. En réalité, tout les oppose.
Ce thème ayant déjà été abordé, nous allons simplement rappeler quelques exemples
d’éléments de distinction.
S’agissant des objectifs enfin, il a déjà été précisé que les conventions d’earn out
permettent de faciliter la recherche d’un accord sur la vente d’un bien dont le prix est
difficilement déterminable. Les clauses de ratchet quant à elles permettent de sécuriser
l’arrivée de nouveaux investisseurs qui hésitent à investir sans garantie de rentabilité.
Il existe bien d’autres éléments opposant ces deux catégories de conventions, mais
nous les étudierons en approfondissant le délicat mécanisme des clauses de ratchet. Cela
étant, l’approfondissement va lui aussi être délicat.
- 96 - A l’instar des clauses d’earn out, les clauses de ratchet sont issues de la pratique
américaine du droit des sociétés. Mais elles demeurent assez méconnues en droit français
ce qui ne facilite pas le travail de la doctrine pour en dresser un tableau représentatif.
Les sources sont donc extrêmement rares. A l’exception de quelques références ponctuelles,
la clause de ratchet ne fait, pour l’instant, l’objet que d’un nombre très limité d’études. C’est
la raison pour laquelle les développements suivants ne seront que très rarement étayés par des
références bibliographiques.
Néanmoins, il semble possible d’orienter cette étude sur deux axes principaux, d’une
part l’analyse de la notion de clause de ratchet (Titre 1), et d’autre part les difficultés
juridiques qu’elles sont susceptibles d’engendrer (Titre 2).
- 97 - La clause de ratchet, ou clause à effet de « cliquet »174, peut être définie comme
étant la stipulation permettant aux investisseurs de se ménager la possibilité de réviser à
la hausse leurs niveaux de participation lorsqu’il s’avère que leur investissement initial a
été établi sur la base d’une valorisation trop importante175. En général, cette clause trouve
à s’appliquer lors d’un prochain tour de table où la société procède à une émission de titres176.
Le but est de permettre aux investisseurs d’entrer au capital de la société sans prendre le
risque de payer les droits sociaux qu’ils acquièrent au-delà de leur valeur réelle.
- 98 - Ces quelques précisions faîtes, la notion de clause de ratchet n’en est pas pour autant
beaucoup plus claire. De nombreuses questions restent en suspens. On peut en effet se
demander dans quel cadre ces clauses sont utilisées. Mais il est également possible de
s’interroger sur leurs caractéristiques intrinsèques, sur leur nature ou encore sur leur
éventuelle assimilation à d’autres mécanismes déjà connus du droit français. La réponse à ces
différentes questions permettra sans doute de généraliser et de présenter globalement ces
conventions d’ajustement (Chapitre 1).
Les difficultés ne seront pas pour autant résolues, d’autres questions pouvant
apparaître. Ainsi, il faudra également se demander si ce mécanisme connaît ou peut connaître
plusieurs formes. Autrement dit, la question se posera de savoir si, au sein de la notion de
« clause de ratchet », il peut exister une certaine diversité. Cette interrogation nous amènera à
étudier les instruments et les techniques juridiques utilisées par les praticiens pour mettre en
place cet ajustement de la participation des nouveaux investisseurs. Après la globalisation, il
faudra donc passer à la spécialisation (Chapitre 2).
174
R. Routier, « Les clauses de ratchet en droit des sociétés », Bull. Joly 2002, chr. p.859.
175
Définition inspirée de : R. Routier, id.
176
On parle de « down round ».
- 99 - Cette étude va donc débuter par une tentative de globalisation, de caractérisation voire
de classification. Il ne va pas s’agir de comprendre immédiatement les caractéristiques
techniques du mécanisme, mais simplement de définir et de replacer la clause de ratchet dans
un contexte qui lui est propre.
Présenter et établir une liste de généralités, c’est permettre une première approche de
ce mécanisme délicat que constitue la clause de ratchet. Pour l’appréhender, il va falloir
tenter, dans un premier temps, de la replacer dans un cadre général (Section 1), afin, dans un
second temps, de la comparer avec certaines des stipulations que connaît le droit français des
sociétés (Section 2).
§ 1 ) La notion de capital-risque
- 100 - Lorsqu’une société non cotée a besoin de financer un projet, elle dispose de deux
possibilités. Elle peut tout d’abord se mettre en relation avec un établissement de crédit qui va
lui accorder un financement sous réserve de remplir certaines conditions. La banque va
notamment exiger la communication des comptes financiers passés ou encore la prise de
sûretés avant d’accepter une quelconque ligne de crédit. Mais cette opération s’avère très
délicate lorsque la société est en période de formation, ou lorsque la société est déjà implantée
mais qu’elle est fortement endettée. C’est la raison pour laquelle elle peut également faire
appel à des structures de « private equity », spécialisées dans les financements en fond
propres des sociétés non cotées. En contrepartie, ces structures vont exiger d’elle un
« business plan » qui est la formulation quantitative et qualitative du projet de l’entreprise. Si
l’investisseur est intéressé par le projet qui lui est proposé, les fondateurs et l’entrepreneur
vont se réunir pour discuter des modalités d’entrée de ce dernier au capital de la société.
177
V. lexique financier : http://www.annufinance.com/lexique_financier/
178
Le capital-investissement est également composé du capital développement, du LBO (Leveraged buy out) ou
rachat d’entreprise avec effet de levier, du rachat de positions minoritaires…
179
R. Routier, Art. cit.
180
Bouillet-Cordonnier, « Les aspects juridiques de la prise de participation en capital-risque », Banque et droit
1990, p. 100.
également plus élevés. L'investisseur espère un profit suffisamment élevé pour compenser
largement le risque qu'il a accepté de courir.
Le capital-risque s’est développé au début des années 80, en particulier avec
l’apparition de jeunes sociétés orientées sur les nouvelles technologies de l’information et de
la communication (NTIC)181. A partir de cette époque, la profession a commencé à s'organiser
avec l'institution en 1982 de la Société française pour l'assurance du capital-risque
(SOFARIS) et, en 1983, de l'Association française des investisseurs en capital-risque182.
D’abord limité aux banques d’affaires et aux sociétés financières d’innovation, le métier de
capital-investisseur s’est développé avec la création, par une loi du 11 juillet 1985183, des
sociétés de capital-risque. Ces sociétés se sont considérablement développées ces dernières
années grâce à un régime fiscal très attrayant qui prévoit une exonération d'impôt sur les
sociétés sur les produits et plus-values de son portefeuille de titres.
Schématiquement, le capital-risque peut se traduire par une souscription au capital au
moment où la société est en formation et le paiement d’une somme supplémentaire valorisant
le projet des fondateurs184. Mais le plus souvent, l’entrée du capital-risqueur se fera une
fois la société constituée par le biais d’une cession de titres ou plus généralement d’une
augmentation de capital.
Juridiquement, lors de son entrée au capital, le capital-risqueur bénéficiera
généralement185 d’un protocole d'accord préalable, comprenant l'engagement de l'investisseur
de souscrire des titres dans des conditions prédéterminées et, de la part du groupe majoritaire,
celui de ne pas rechercher d'autres sources de financement qui concurrenceraient
l'investissement en capital-risque ; de l'obtention d'actions privilégiées comportant
habituellement un droit prioritaire sur les dividendes ; d’un pacte d'actionnaires, prévoyant un
droit de retrait en cas de changement de contrôle de la société, et un pacte de préférence186.
181
O. Paulhan, « La protection des capital-investisseurs : les clauses de ratchet et de liquidation préférentielle »,
http://www.journaldunet.com/juridique/juridique020312.html
182
J. Mestre, D. Velardocchio, Op. cit., n°863 et 5030.
183
Loi du 11 juillet 1985, n° 85-995.
184
Cette somme peut être vue comme une sorte de « ticket d’entrée » devant permettre aux fondateurs de
financer leur propre souscription.
185
J. Mestre, D. Velardocchio, Op. cit.
186
Perinne et Laude, « Le capital-risque à l'épreuve du droit des sociétés », Petites affiches 8-10 févr. 1989 ;
Jeanne, « Le capital-risque et le redressement de l'entreprise », Banque, 1989, p. 60.
- 103 - Les clauses de ratchet se sont développées dans ce contexte bien particulier pour
tenter d’apporter des garanties à des investisseurs qui n’en avaient aucune187.
Essentiellement utilisées dans le cadre d’une augmentation de capital, elles permettent
d’éviter qu’une « survalorisation » de la société au moment d’un premier « tour de table » ne
leur soit préjudiciable et engendre de lourdes pertes. Elles sont apparues comme étant une
nécessité lorsque les premières déconvenues en matière de « start-up » ont été révélées.
Notons également que les clauses de ratchet sont généralement stipulées dans les
pactes d’actionnaires extrastatutaires, conçus pour « permettre des pratiques interdites par
le droit des sociétés, mais licites au regard du droit commun des contrats »188, celles-ci étant
susceptibles de heurter de nombreux principes du droit des sociétés189.
- 104 - Durant la phase de négociation avec le nouvel investisseur, les fondateurs vont faire
preuve d’un grand optimisme sur le potentiel de valorisation de leur société, car c’est de
l’évaluation des titres que va dépendre le pourcentage du capital qu’ils pourront conserver
après l’augmentation de capital. En revanche, l’investisseur adopte généralement une attitude
plus modérée quant au plan de développement de l’entreprise, et ce dans le but de diminuer
son prix d’entrée et de maximiser son taux de retour sur investissement.
En pratique, il est donc souvent délicat de s’entendre sur la valorisation de la
société au moment de cette première négociation. La clause de ratchet permet alors
d’obtenir un accord, tout au moins temporaire, sur le prix, et de se laisser la possibilité de le
réviser s’il s’avère trop élevé. Ainsi, si une augmentation de capital ultérieure se matérialise
par l’entrée d’un ou plusieurs tiers sur la base d’un prix inférieur à celui du premier « tour de
table », l’investisseur pourra demander l’application de sa clause de ratchet et obtenir une
revalorisation de sa propre participation. La clause de ratchet trouve également à s’appliquer
si une augmentation de capital survient suite à une opération de fusion, de scission, ou
d’apport partiel d’actifs, et que le rapport d’échange fait ressortir une valeur de titres
inférieure à celle retenue pour l’entrée de l’investisseur.
187
Nous verrons d’ailleurs que les clauses de ratchet sont peut être en contradiction avec l’essence même du
capital-risque. Voir infra.
188
Y. Guyon, « Droit des affaires », Economica, 2001, 11ème éd., n°142.
189
Voir infra n° 133 et s.
- 106 - Bien qu’intéressante à plus d’un titre, tant pour les fondateurs qui trouvent ainsi
plus facilement de nouveaux financements que pour les investisseurs qui limitent les risques
de lourdes pertes, la clause de ratchet présente néanmoins quelques inconvénients.
Pour les fondateurs tout d’abord, l’exercice d’une telle clause peut avoir des
conséquences néfastes et entraîner une « dilution » excessive de leurs participations. Lorsque
l’investisseur va actionner le mécanisme mis en place par la clause de ratchet, l’augmentation
du nombre de titres qu’il détient va diminuer d’autant le nombre de titres détenus par les
fondateurs.
Pour le capital-investisseur ensuite, si le second tour de table se fait sur la base
d’une valorisation très faible de la société, celui-ci risque de se retrouver majoritaire dans une
société en pleines difficultés. Il est en effet préférable de rester minoritaire, le risque financier
étant le même qu’en cas de position majoritaire190, mais cela permettant de limiter le risque
d’être appelé à combler le passif. Autrement dit, en deçà d’un certain seuil, la clause de
ratchet ne joue plus son rôle de garantie puisqu’elle augmente les risques de pertes.
Enfin, il faut également ajouter deux remarques supplémentaires. D’une part, il faut
noter qu’en cas de diminution peu significative de la valorisation de la société, la pratique et
la négociation font que le prix versé par l’investisseur à son entrée au capital ne sera modifié.
D’autre part, l’utilisation par l’investisseur de sa clause de ratchet peut provoquer une certaine
réticence de la part d’éventuels nouveaux investisseurs qui voient la participation des
fondateurs diminuer et qui peuvent ainsi craindre la démotivation de ces derniers.
Cela étant, ces quelques limites restent liées à des situations que nous pourrions
qualifier d’exceptionnels.
190
Puisque le montant versé par l’investisseur reste inchangé.
- 107 - Pour poursuivre la présentation générale de la clause de ratchet et tenter d’en dégager
les contours, il convient maintenant de s’attarder sur les mécanismes voisins. L’étude des
clauses présentant certaines similitudes avec la clause de ratchet va nous permettre de
comparer et éventuellement de classer ce mécanisme au sein de catégories existantes. Pour
des raisons de clarté, les clauses seront étudiées sans les regrouper. Successivement, il sera
question de la clause d’anti-dilution (§1) et de la clause de milestones (§2). Ces
développements réalisés, il sera possible de dégager quelques caractéristiques propres aux
clauses de ratchet (§3).
§ 1 ) La clause d’anti-dilution
- 108 - Les clauses d’anti-dilution sont celles par lesquelles les majoritaires promettent,
en cas d’émission de titres réservée, de céder au minoritaire le nombre de titres
nécessaires pour qu’après la réalisation de l’opération le pourcentage du minoritaire
n’ait pas varié191. Autrement dit, cette clause permet à un associé minoritaire de se prémunir,
en cas de nouvelle émission de titres, contre la diminution du pourcentage de sa participation.
Cette opération est réalisée par l’intermédiaire d’une cession au profit du minoritaire à un prix
égal au prix d’émission des nouveaux titres.
Une telle clause s’analyse comme une promesse de vente conditionnelle. Il convient
donc, pour s’assurer de sa validité, de déterminer avec précision, ou de rendre déterminable,
le nombre de titres du majoritaire objet de cette clause. Par ailleurs, notons qu’une autre
difficulté peut se rencontrer au moment de la rédaction des clauses anti-dilution, à savoir le
prix de la cession. C’est pourquoi il est généralement fait référence au prix d’émission des
nouveaux titres.
191
JJ Daigre, M Sentilles-Dupont, « Pactes d’actionnaires », GLN Joly, 1995, p.33, n°72. Une formule de clause
d’anti-dilution est également proposée : « Pour le cas où, à l’occasion d’une émission de titres donnant vocation
immédiatement ou à terme à une quote-part de capital, l’assemblée générale aurait supprimé le droit préférentiel
de souscription des actionnaires, le groupe majoritaire s’engage à maintenir le pourcentage de capital
actuellement détenue par x en lui cédant le nombre d’actions nécessaire pour un prix égal au prix d’émission des
nouveaux titres (ou à la valeur retenue de l’action lors de cette émission de titres) ; x pourra demander la
réalisation de la cession au plus tard dans les huit jours suivant l’expiration du délai de souscription des
nouveaux titres ».
- 110 - Mais en réalité, il existe plusieurs différences dont voici les principales.
La première distinction porte sur l’événement qui sert de condition à chacune de ces
clauses. Alors qu’en matière d’anti-dilution, la simple émission de nouveaux titres permet
d’activer le mécanisme, l’exercice d’une clause de ratchet est soumis à la survenance d’une
dépréciation, ou plus exactement d’un écart entre le prix fixé lors du premier « tour de table »
et le prix actuel, des titres sociaux. La deuxième distinction, sans doute la plus importante,
concerne l’objectif. Même s’il est vrai que ces deux clauses permettent un ajustement de la
participation d’un associé, elles se distinguent par le fait que la clause d’anti-dilution
intervient sur le pourcentage de participation alors que la clause de ratchet agit sur la
valeur de la participation. Autrement dit, alors que l’objectif de l’anti-dilution est de
maintenir la quote-part de l’associé au capital de la société, la clause de ratchet fait varier la
quote-part de l’investisseur pour lui permettre de maintenir la valeur de sa
participation. Enfin, une troisième différence peut être mise en exergue. Elle concerne le
mécanisme juridique mis en place dans chacune de ces conventions. La clause d’anti-dilution,
pour assurer la constance de la quote-part de l’associé, organise les modalités d’une cession
de droits sociaux entre l’associé majoritaire et l’associé minoritaire. Autrement dit, l’associé
minoritaire doit alors payer les droits sociaux qui lui sont remis. En revanche, la clause de
ratchet ne met en place, en principe, aucune nouvelle cession à titre onéreux. L’investisseur,
devenu actionnaire, n’aura pas à rajouter d’argent à la somme, tout au moins en principe192,
qu’il a déjà versée puisque le but est de réviser le prix fixé lors du premier « tour de table ».
Bien qu’assez proches, tant dans leurs définitions que dans leurs utilités, les clauses de
ratchet et les clauses d’anti-dilution demeurent assez différentes.
192
Il peut arriver, notamment selon les valeurs mobilières utilisées, que l’investisseur ait un « complément de
prix » à verser. Néanmoins, le principe demeure la gratuité du mécanisme d’ajustement.
§ 2 ) La clause de milestones
- 111 - La clause de milestones est la « petite sœur » de la clause d’earn out. A l’instar de
cette dernière, la clause met en place un mécanisme d’ajustement en fonction d’objectifs
déterminés et de résultats futurs. Le terme de « milestones » peut d’ailleurs être assimilé à
la notion « d’objectifs » ou « d’étapes ».
Cette clause prévoit que les fondateurs peuvent être amenés à abandonner un certain
pourcentage des parts qu’ils détiennent au capital au profit de l’investisseur, lorsque des
objectifs prédéterminés ne sont pas atteints. Il est également possible que l’investisseur exige
la réalisation d’un certain nombre d’objectifs avant de souscrire à une nouvelle augmentation
de capital qui lui serait réservée. En contrepartie, si les objectifs sont meilleurs que prévus, les
fondateurs pourront renforcer leur position au capital de la société.
Le mécanisme d’ajustement est généralement mis en place par l’intermédiaire de BSA (bons
de souscription d’actions) ou de BSPCE (bons de souscription de parts de créateur
d’entreprise193.
- 112 - Cette clause présente quelques similitudes avec la clause de ratchet puisqu’elle permet
un ajustement de la participation d’un investisseur par le biais d’une transmission de droits
sociaux. De plus, la clause de milestones s’est également développée dans le cadre des
opérations de capital-risque pour garantir ces investissements jugés dangereux.
Néanmoins, les clauses de milestones et de ratchet ne doivent pas être confondues.
En effet, ces deux clauses ne répondent pas à la même problématique. Avec la clause de
milestones, il s’agit d’un mécanisme de révision du prix de souscription de l’investisseur qui
s’applique lorsque certains objectifs n’ont pas été atteints. Avec la clause de ratchet, le
mécanisme d’ajustement du prix se met en action lorsqu’il est procédé à une nouvelle
augmentation de capital dans laquelle un ou plusieurs tiers souscriraient à de meilleurs
conditions financières que celles dont a pu bénéficier l’investisseur bénéficiaire de la clause.
De plus, alors que la clause de ratchet ne peut jouer qu’au profit de l’investisseur, la clause de
milestones a vocation à s’appliquer au bénéfice des deux cocontractants.
193
Nous reviendrons sur ces notions et ces catégorie de valeurs mobilières composées lors des développements
consacrés aux instruments utilisés pour les clauses de ratchet : Voir infra n°123 et s.
- 113 - Grâce aux développements qui précédent, il est possible de dresser une liste des
caractéristiques de la clause de ratchet. Dans un premier temps, il faut noter que la clause de
ratchet met en place un mécanisme d’ajustement de la valeur d’entrée au capital d’un nouvel
investisseur. Elle a donc un rôle de garantie pour les investisseurs désireux de limiter les
éventuels risques liés à une trop forte valorisation de la société dont ils acquièrent les droits
sociaux. Ensuite, et dans un second temps, précisons que la clause de ratchet est un
mécanisme qui intervient à l’occasion d’un refinancement. Même si d’autres modalités sont
possibles, dont celle de son intervention à la première dévalorisation constatée, il faut
néanmoins retenir que la clause de ratchet ne peut généralement être utilisée qu’au moment
d’une nouvelle opération de financement. Il faut également remarquer, dans un troisième
temps, que la clause de ratchet est un mécanisme conditionnel. Autrement dit, son exercice est
soumis à la survenance d’une dévalorisation des titres acquis. Pour être plus précis, il s’agit en
fait d’une valorisation inférieure à celle ayant servi de base à l’entrée de l’investisseur. Dans
un quatrième temps, il est possible de préciser que la clause de ratchet est une clause qui ne
bénéficie qu’à l’investisseur. Certes les fondateurs trouvent un intérêt dans sa stipulation,
puisqu’elle permet notamment de trouver plus aisément de nouveaux associés, mais le
mécanisme n’est prévu qu’au profit de l’investisseur. Quant à la technique d’ajustement
enfin, il faut noter qu’elle vise à modifier le prix payé par l’investisseur lors de son entrée au
capital, mais que pour cela elle organise une transmission de droits sociaux à titre gratuit. La
révision du prix est donc indirecte, puisque aucune indemnité n’est versée.
- 114 - Notons également que, étant destinée à permettre le maintien de l’équilibre recherché
au moment de la souscription, la clause de ratchet peut être considérée comme
appartenant à la catégorie des « clauses de capital ». Elle emprunte successivement aux
clauses de préférence, aux clauses anti-dilution, ou aux clauses de traitement égal ; mais elle
demeure originale en ne pouvant réellement être assimilée à aucune d’entre elles194.
Ces quelques remarques générales faites, il convient désormais d’approfondir la
technique et le mécanisme juridique de la clause de ratchet.
194
R. Routier, Art. cit., n°8.
- 115 - Bien que pouvant toutes être regroupées sous la « bannière » des « clauses de
ratchet », il est possible de distinguer plusieurs clauses en fonction de divers éléments.
L’objectif de ce chapitre va être de dresser une typologie des différentes formes de
conventions que l’on rencontre dans la pratique, même si en réalité, la forme la plus courante
est celle consistant à utiliser les valeurs mobilières composées.
Dans un premier temps donc il va s’agir de distinguer les clauses de ratchet entre elles
(Section 1), puis, dans un second temps il faudra s’attarder sur les instruments les plus utilisés
en pratique, à savoir les valeurs mobilières composées (Section 2).
- 117 - Pour distinguer les clauses de ratchet entre elles, il est également possible de retenir le
critère du mécanisme, ou de l’instrument juridique, utilisé pour l’ajustement du prix. Trois
possibilités s’offrent ainsi aux parties : les valeurs mobilières composées (A), la rétrocession
d’actions (B), et l’affectation spéciale de la prime d’émission (C).
195
O. Paulhan, « Les principaux mécanismes d’ajustement du prix d’acquisition ou de cession des actions »,
http://www.journaldunet.com/juridique/juridique021203.shtml
196
Id.
- 118 - Les valeurs mobilières composées sont les instruments les plus fréquemment utilisés
en matière de clause de ratchet. Si l’on se penche sur les articles juridiques traitant du régime
et du mécanisme de ces conventions, les autres techniques ne sont même jamais
envisagées197. Nous en dirons pourtant quelques mots.
Ces valeurs mobilières composées peuvent être des Obligations Convertibles en
actions (OC), des Obligations Remboursables en Actions (ORA), des Actions à Bons de
Souscription d’Actions attachés (ABSA), ou encore des Bons de Souscription d’Actions
autonomes (BSA). Techniquement, ces valeurs mobilières, qui permettent d’acquérir de
nouveaux titres, sont émises au moment de l’entrée au capital de l’investisseur, celui-ci
pouvant ensuite en réclamer le bénéfice si les conditions de la clause de ratchet sont remplies.
Etant donné l’importance pratique considérable des clauses de ratchet utilisant les
valeurs mobilières composées, nous reviendrons par la suite et en détail sur ces notions198.
B ) La rétrocession d’actions
- 119 - Mises à part les clauses de ratchet utilisant des valeurs mobilières composées, le
mécanisme de correction du prix peut également s’effectuer par rétrocession d’une partie des
titres des fondateurs à son profit. L’ajustement du prix est alors obtenu par le biais de
conventions extrastatutaires liant l’investisseur aux actionnaires fondateurs. Ces derniers
s’engagent auprès de l’investisseur à lui céder, pour un prix symbolique, un certain
nombre d’actions lui permettant de corriger son prix d’entrée.
Cette convention est construite comme une promesse unilatérale de vente sous
condition, cette dernière étant relative au prix de souscription d’une prochaine augmentation
de capital. Autrement dit, si la condition prévue se réalise et que l’investisseur le souhaite, la
promesse de vente vaudra vente.
197
Voir par exemple : R. Routier, Art. cit. ; O. Paulhan, Art. cit. ; F. Monod, « L’ajustement du prix de
souscription à une augmentation de capital par utilisation de bons de souscription d’actions dite « clause de
ratchet » », Actes pratiques, Mars/Avril 2002, p.3.
198
Voir infra n°123 et s.
- 120 - Cette forme de clause de ratchet n’est cependant pas exempte de tout risque. Il existe
en effet plusieurs difficultés tant sur le plan juridique que sur le plan fiscal.
D’un point de vue juridique, le mécanisme d’ajustement mis en place grâce à une
rétrocession d’actions pose le problème de l’exigence d’un prix sérieux dans les cessions
de droits sociaux199. Conformément à la jurisprudence en matière de vente, les cessions de
droits sociaux sont soumises à l’existence d’une contrepartie, d’un juste prix. La Cour de
cassation a souvent eu l’occasion de rappeler que l’actionnaire cédant est en droit d’obtenir un
« juste prix » pour ses titres, et que l’existence d’un vil prix sans commune mesure avec la
valeur vénale peut entraîner une nullité absolue de la vente200. Ainsi, au regard de cette
jurisprudence, les cessions de droits sociaux contractées pour un prix symbolique devraient
systématiquement être annulées. Mais les tribunaux ne font pas une application aussi stricte
des principes dégagés. En réalité, la validité d’une telle convention va dépendre de l’existence
d’une contrepartie à la cession201 et d’une cause à la transaction. Dans l’hypothèse d’une
clause de ratchet, la promesse de cession des fondateurs à un prix symbolique est bel et bien
« causée », puisque sans cet engagement de leur part l’investisseur n’aurait sans doute pas
investi, et en toute hypothèse, il n’aurait pas participé à l’augmentation de capital aux mêmes
conditions.
199
T. Lambert, « L’exigence d’un prix sérieux dans les cessions de droits sociaux », Rev. Sociétés 1993, p.11.
200
Cass. Civ. 1ère, 20 octobre 1981, Bull. civ. I, n° 301 ; Cass. Civ. 1ère, 27 avril 1976, JCP éd. G 1976, IV,
n° 201.
201
T. Lambert, Art. cit., n° 6 et s. ; il est en outre précisé que « il suffit donc à la validité de la cession d’actions
ou de parts sociales que le caractère onéreux de l’ensemble de l’opération soit suffisamment affirmé par
l’existence d’un engagement pesant sur le cessionnaire, traduisible en conséquences pécuniaires tangibles et
quantifiables même de façon non immédiate, et permettant de conserver une cause à l’engagement ».
- 121 - La prime d’émission, qui représente le droit d’entrée des nouveaux actionnaires,
est destinée à éviter que l’élargissement de la population des actionnaires soit de nature
à diminuer le droit des anciens sur les réserves202.
Dans la mesure où la partie du prix de souscription constituée par la prime d’émission
n’est pas soumise aux rigidités des règles concernant la fixité du capital social, un ajustement
du prix se faisant directement auprès de la société émettrice, semble envisageable. Pour cela,
il faut que le contrat de souscription à l’augmentation de capital prévoit une affectation
particulière de la prime d’émission et une distribution non proportionnelle de celle-ci.
Dans la limite du respect de l’intérêt social, l’assemblée générale des actionnaires
peut librement fixer les modalités d’affectation de la prime d’émission. Celle-ci peut ainsi
être portée en réserve, être remboursée en tout ou partie aux actionnaires, ou encore être
incorporée au capital ce qui donne lieu à une attribution d’actions gratuites203.
Bien que l’affectation de la prime d’émission soit souvent décidée par une assemblée
générale ultérieure, elle peut néanmoins être déterminée dans le contrat d’émission de
l’augmentation de capital. L’affectation s’impose alors à la société. C’est la raison pour
laquelle il semble tout à fait possible de prévoir, au moment de l’émission des actions, que la
prime d’émission sera affectée au seul bénéfice des actionnaires qui l’ont versée afin de leur
permettre de corriger leur prix d’entrée au capital204. Techniquement, il est alors utile de
prévoir que la prime d’émission sera indisponible pendant toute la période d’ajustement.
Pour la clause de ratchet, le mécanisme est alors le suivant : si la clause est mise en
œuvre, l’investisseur se voit attribuer un certain nombre d’actions gratuites, attribution
résultant de l’incorporation au capital d’une partie (ou de la totalité) de la prime d’émission.
202
M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, Op. Cit., n°999.
203
Pour plus d’informations, Voir par exemple : J. Mestre, D. Velardocchio, Op. cit, n°3768.
204
La prime d’émission est normalement vouée à bénéficier à l’ensemble des actionnaires, mais il est admis que
le contrat d’émission puisse prévoir une autre forme de répartition, notamment en faisant dépendre son
affectation de la valorisation de la société lors d’un prochain tour de table.
- 122 - Mais cette forme de clause de ratchet peut également engendrer quelques
difficultés.
La première est un difficulté, ou plus exactement une limite, technique. En effet, dans
l’hypothèse où la valorisation de la société diminuerait trop fortement, le nombre d’actions,
créées par l’incorporation au capital de la prime d’émission, pourrait se révéler insuffisant
pour que le mécanisme de correction soit efficace.
Quant à la seconde difficulté, elle concerne la question de savoir si la prime d’émission
peut bénéficier d’une affectation spéciale au seul profit de l’investisseur qui l’a versée.
Une telle formule risque en effet de se heurter au principe d’égalité des actionnaires en
organisant une distribution non proportionnelle d’actions gratuites. Afin de remédier à ce
problème, il convient alors de créer une catégorie d’actions de priorité conformément aux
dispositions de l’article L.228-11 du Code de commerce qui dispose que « lors de la
constitution de la société ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de priorité
jouissant d’avantages par rapport à toutes autres actions […] ». Il suffit ensuite de prévoir
que, pendant une période déterminée, toute attribution d’actions gratuites résultant d’une
incorporation au capital de la prime d’émission, se fera bénéfice des seuls titulaires de la
classe d’actions privilégiées.
Cela étant, la forme la plus souvent rencontrée est celle utilisant les valeurs mobilières
composées.
- 123 - Même s’il est vrai que d’autres formes sont envisageables pour mettre en place le
mécanisme d’ajustement de la clause de ratchet, il n’en demeure pas moins que l’utilisation
des valeurs mobilières composées reste le principe. Techniquement, ces valeurs mobilières
sont émises en même temps que la souscription de l’investisseur, et elle lui confère une
possibilité d’acquisition des droits sociaux qui y sont, directement ou indirectement, attachés.
Mais selon l’instrument employé, la révision du prix s’effectue avec ou sans mise de fonds
supplémentaire. Après quelques développements consacrés à la notion et à la validité des
valeurs mobilières composées (§1), nous étudierons donc leur grande diversité (§2).
- 124 - Selon l’article L.228-91 du Code de commerce, « une société par action peut émettre
des valeurs mobilières donnant droit par conversion, échange, présentation d’un bon ou de
toute autre manière, à l’attribution à tout moment ou à une date fixe de titres qui, à cet effet,
sont ou seront émis en représentation d’une quotité du capital de la société émettrice ».
Avant tout développement sur la notion de valeurs mobilières composées, il
convient de remarquer qu’elles ne peuvent être émises que par les sociétés par action.
Cette limite très importante concerne directement le mécanisme de la clause de ratchet
qui, comme nous l’avons vu, est très utilisé pour le financement « de petites sociétés
innovantes »205. Or, ces dernières sont souvent constituées sous la forme de SARL.
- 125 - Les valeurs mobilières composées donnent donc droit à une attribution de titres. Cette
attribution peut se faire selon différentes modalités : par conversion ; par échange ; par
remboursement ; par présentation d'un bon ; ou de toute autre manière. De plus, cette
attribution peut se faire à tout moment ou à une date fixe, le contrat d'émission des valeurs
mobilières composées pouvant indiquer à quelle date aura lieu l'attribution des titres. Notons
également que cette attribution peut être réalisée gratuitement ou moyennant un prix
déterminé206. En résumé, les valeurs mobilières composées sont des titres qui comprennent
une valeur de base donnant droit à la souscription ou à l’attribution d’une valeur dérivée
émise en représentation d’une quotité du capital. Elles appartiennent à la catégorie des
instruments financiers207.
- 126 - La décision d’émission des valeurs mobilières composées appartient, selon l’article
L.228-92, à l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires. Les émissions des valeurs
mobilières « composées » définies par l'article L. 228-91 du code de commerce sont
autorisées par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires qui se prononce sur le
rapport du conseil d'administration ou du directoire et sur le rapport spécial du commissaire
aux comptes208. Cela étant, il semble que cette décision puisse faire l’objet d’une délégation
au conseil d’administration ou au directoire209.
205
R. Routier, Art. cit, n°11.
206
J. Mestre, D. Velardocchio, Op. cit., n° 4636.
207
T. Granier, « Valeurs mobilières composées », J-Cl Sociétés, Vol. 8, Fasc. n°1903, n°10 à 13.
208
Article L. 228-92 du Code de commerce.
209
Article L.225-129 I du Code de commerce.
Quant à l’exercice, par les titulaires de valeurs mobilières composées, des droits
d'attribution ou de souscription attachés à leurs titres, il entraîne une augmentation du capital
de la société émettrice. De plus, conformément au droit commun, le capital social doit être
intégralement libéré avant l'ouverture de la période pendant laquelle les titulaires de valeurs
mobilières composées ou de bons autonomes peuvent souscrire les actions auxquelles donnent
droit ces titres210.
Finalement, on remarque que la notion de « valeurs mobilières composées » est
difficile à appréhender car elle recouvre une très grande variété d’instruments financiers.
- 127 - Il ne va pas s’agir ici de dresser une liste exhaustive des différentes valeurs mobilières
composées prévues par le droit français. Nous nous limiterons à l’étude de celles
fréquemment utilisées pour le mécanisme de la clause de ratchet, à savoir d’une part les
obligations convertibles en actions (OC) et les obligations remboursables en actions (ORA),
et d’autre part les bons de souscription d’actions (BSA) et les actions avec bons de
souscription attachés (ABSA).
- 128 - L’article L.228-38 définit les obligations comme étant « des titres négociables qui,
dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur
nominal ». Les obligations sont donc des valeurs mobilières émises sous forme de titres
négociables. Le porteur d'une ou de plusieurs obligations est un créancier de la société211. Il
s’agit, en quelque sorte, d’un prêt.
Au sein de cette catégorie des obligations, on retrouve une sous catégorie regroupant
les obligations complexes, c'est-à-dire les obligations relevant également de la qualification de
valeurs mobilières composées. C’est le cas des obligations convertibles en actions (OC) et des
obligations remboursables en actions (ORA).
210
Article L. 225-131, al. 1er du Code de commerce.
211
J. Mestre et D. Velardocchio, Op. cit., n° 4520.
- 129 - L’OC est une obligation que le titulaire peut convertir en action selon une parité et des
délais prévus dans le contrat d’émission212. Par ce moyen, celui qui était créancier se mue en
associé et l’obligation disparaît pour donner place à une action.
L’ORA est une obligation qui, au lieu d’être remboursée en numéraire, est remboursée
en actions (ou éventuellement en certificats d’investissement). A l’instar du mécanisme de
l’OC, le titulaire d’ORA se mue en associé. Il existe néanmoins une différence fondamentale
entre ces deux catégories d’obligations, à savoir le fait que le titulaire d’une ORA n’a pas le
choix contrairement au titulaire d’une OC. Autrement dit, le remboursement s’effectuera
obligatoirement en actions.
- 130 - Ainsi, grâce aux OC et aux ORA, le capital-investisseur peut obtenir une révision de
son prix d’entrée sans mises de fonds supplémentaires. Par ailleurs, il faut noter que le
mécanisme de base est assez semblable que l’on soit en présence d’obligations convertibles
ou d’obligations remboursables, la seule réelle différence résidant dans la possibilité de
choisir ou pas le mode de remboursement.
Enfin, quant au mode de calcul de l’ajustement, il faut préciser que lors d’une
émission d’OC ou d’ORA, l’assemblée générale extraordinaire doit statuer obligatoirement
sur les modalités de conversion ou de remboursement213. Néanmoins, rien n’oblige cette
assemblée à fixer, a priori, la parité de remboursement et de conversion en valeur absolue. Il
est tout à fait possible de prévoir une formule de calcul fonction de la valorisation de la
société lors d’une prochaine augmentation de capital. L’ajustement par utilisation de ces
obligations ne devrait donc pas poser de problèmes de compatibilités avec le droit français.
- 131 - Les bons de souscription sont des valeurs mobilières qui confèrent à leurs
titulaires le droit de souscrire des titres représentant une quote-part du capital de la
société émettrice214. L’article L.228-95 du Code de commerce précise en outre que la
décision d’émission de ces bons appartient à l’assemblée générale extraordinaire des sociétés
par actions. Depuis la loi du 14 décembre 1985215, la création de ces valeurs mobilières
212
M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, Op. Cit., n°1079.
213
Article L. 228-91 et L. 225-161 du Code de commerce.
214
Article L.228-95 du Code de commerce.
215
Loi codifiée aux articles L.228-91 et s. du Code de commerce.
- 132 - Une clause de ratchet peut être mise en œuvre par l’intermédiaire de BSA ou d’ABSA.
Mais il existe alors une différence essentielle par rapport à l’utilisation d’OC ou d’ORA, à
savoir que la correction du prix va s’effectuer par une mise de fonds supplémentaire
d’un montant égal à l’exercice des bons. Ces derniers sont en principe émis à titre gratuit ou
pour un prix symbolique, mais leur prix d’exercice est en revanche égal au montant de la
valeur nominal des actions. Or, et bien qu’il n’existe plus de minimum légal pour la valeur
nominal des actions218, le montant de la valeur nominal statutaire constitue un minimum que
le financier doit payer lors de l’exercice de ses BSA. Quant au nombre variable d’actions
auquel l’exercice des BSA donnera droit, il est en général calculé en fonction d’un barème ou
d’une formule mathématique.
Ses formes ainsi exposées, la clause de ratchet n’en demeure pas moins un mécanisme
susceptible de s’opposer à certains principes juridiques bien connus du droit des sociétés.
216
M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, Op. Cit., n°1061.
217
Id.
218
Article L.228-8 du Code de commerce.
- 133 - Le mécanisme de la clause de ratchet est de plus en plus utilisé dans la pratique
sociétaire française. Néanmoins, son origine anglo-saxonne fait naître le doute quant à sa
compatibilité avec les principes du droit français des sociétés.
219
Voir supra n° 120.
220
Voir supra n° 122.
- 135 - L’article 1832 du Code civil, modifié par la loi du 11 juillet 1985 instituant l’EURL,
dispose que « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un
contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le
bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ». En dehors des conditions
générales à toute convention, la validité du contrat de société est soumise à l’existence d’une
pluralité d’associé221, au versement d’un apport par chaque associé, à l’obligation de
participer aux résultats de l’exploitation, mais également à l’existence d’un « affectio
societatis ». Et c’est précisément le respect de cette dernière exigence qui engendre des
difficultés en matière de validité des clauses de ratchet. Etudions donc tout d’abord la notion
« d’affectio societatis » (Section 1) avant de la confronter avec le mécanisme des clauses de
ratchet (Section 2).
- 136 - L’affectio societatis n’est pas directement prévu par la loi222, mais il est néanmoins
possible de le définir comme étant « l’intention qui doit animer les associés, de collaborer
sur un pied d’égalité. L’affectio societatis implique non seulement un esprit de collaboration
mais aussi le droit, pour chaque associé, d’exercer un contrôle sur les actes des personnes
chargées d’administrer la société »223. Contrairement à la majorité des contrats, le contrat de
société serait donc animé par la réunion d’intérêts communs, identiques. L’affectio societatis
est une donnée psychologique que l’on peut finalement assimiler à « la volonté d’union
de collaboration égalitaire »224.
221
A l’exception bien sûr de l’EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée).
222
Voir cependant les articles 1833 et 1844 qui y font implicitement référence.
223
R. Guillien et J. Vincent, Op. cit.
224
J. Mestre, ME Tian-Pancrazi, Op. cit, n°226.
En outre, et pour conclure sur ce point, il faut préciser que l’affectio societatis permet
de justifier bon nombre des principes applicables en droit des sociétés. Ainsi, c’est parce que
les associés désirent collaborer sur un pied d’égalité que sont prohibés les pactes léonins.
225
M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, Op. Cit, n°201.
226
J. Mestre et D. Velardocchio, Op. cit., n°319.
227
Cass. Civ. 1ère, 30 novembre 1971, Bull. civ. I, n° 302, p. 259 ; Cass. com., 9 novembre 1981, Bull. civ. IV,
n° 385, p. 305
228
Cass. Civ. 3ème , 8 janvier 1975, Bull. civ. III, n° 2, p. 2 ;Rev. sociétés 1976, p. 301, note Balensi.
- 138 - Comme le fait très justement remarquer M. Routier229, les clauses de ratchet se
concilient assez mal avec l’affectio societatis, mais également avec la prohibition des pactes
léonins qui découle du principe sus énoncé et dont nous avons déjà dressé un tableau
représentatif230.
- 140 - L’affectio societatis sous-entend également que les associés soient placés sur un pied
d’égalité et que les risques soient assumés certes conjointement mais aussi égalitairement.
Cette égalité, bien que subissant de nombreuses atteintes en réalité, est considéré comme
devant être impérative dans les opérations qualifiées de sensibles telles que celles affectant le
capital232. Or, il est évident que la clause de ratchet stipulée au profit du seul nouvel
investisseur introduit une inégalité juridique aboutissant à une inégalité pratique en cas
d’exercice de la clause.
- 141 - Mais ces questions nous amènent indubitablement vers une autre difficulté, à savoir
que la clause de ratchet est susceptible de heurter le principe posé à l’article 1844-1 du Code
civil concernant la prohibition des pactes léonins. Sans reprendre en détail les
développements effectués en matière de clause d’earn out, il convient de rappeler quelques
principes applicables en l’espèce.
229
R. Routier, Art. cit., n°20.
230
Voir supra n° 78 et s.
231
Id.
232
J. Mestre, « L’égalité en droit des sociétés. Aspects de droit privé. », Rev. Sociétés 1989, spéc. p.389 et 402.,
in R. Routier, Art. cit.
L’inégalité entre actionnaires n’est valable qu’à la condition de ne pas aboutir à l’exonération
totale des pertes au profit de l’un des associés. Or, par le jeu de la clause de ratchet,
l’investisseur s’assure de n’être soumis à aucun danger et d’éviter toute contribution
aux pertes en cas de mauvais résultats de la société. Certes, l’existence d’un aléa est
parfois de nature à exclure la qualification de pacte léonin233, mais il n’en demeure pas moins
que les règles étudiées avec les clauses d’earn out ne sont sans doute pas applicables pour les
clauses de ratchet. En effet, nous avons déjà précisé que la chambre commerciale, pour
qualifier une clause de léonine, vérifie quel est l’objet réel de la convention et que lorsque
cette dernière a pour unique but d’assurer la transmission de droits sociaux, elle est considérée
comme valable. Or, même si la clause de ratchet organise effectivement une transmission de
droits sociaux, elle n’a pas pour fonction d’assurer la sortie d’un actionnaire. Au contraire, la
clause vise justement à renforcer sa position dans la société. Autrement dit, le but de
l’opération est précisément de limiter les pertes de l’investisseur au détriment des autres
actionnaires. Le problème est donc bien réel, et à défaut de réponse de la jurisprudence, on ne
peut que conseiller la prudence, et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une opération de capital-
risque.
233
E. Claudel, « Clauses léonines extrastatutaires. Les voies d’un compromis », in Prospectives du droit
économique, Dialogue avec Michel Jeantin, Dalloz, 1999.
- 143 - Tout d’abord, et nous venons de l’entrevoir, il faut préciser que le récent durcissement
du capital-risque ne doit pas aboutir à la possibilité, pour certains associés, de profiter de cette
forme particulière d’investissement (et de son rendement très élevé) sans en subir les
éventuelles conséquences236. Autrement dit, lorsque l’on choisit le capital-risque c’est dans
l’espoir de faire des bénéfices rapides et importants mais en sachant qu’ils résulteront de la
prise de risque. Ces profits particuliers ne sont que la rémunération de l’acceptation d’un
danger. Or, la clause de ratchet a pour effet de corriger une mauvaise appréciation des
risques, ce qui est pourtant l’élément essentiel de ce type d’opération. La contradiction est
alors flagrante.
234
Voir supra n°100 et s.
235
R. Routier, Art. cit.
236
E. Renault, « Le capital-risque sans risque ni capital », Les Echos, 19 novembre 2001.
237
R. Routier, Art. cit.
- 145 - De plus et enfin, il faut remarquer que le bénéficiaire de la clause de ratchet est un
investisseur. De cette nature particulière, il résulte que la qualité d’associé est une donnée
accessoire et qu’à ce titre il pourrait éventuellement profiter d’avantages particuliers. Cela
étant, et même si cet investisseur n’est pas un associé comme les autres, il n’y a pas
réellement de motifs de la faire échapper aux exigences d’un statut auquel il a librement
choisi d’adhérer239.
Compte tenu de ces quelques remarques et du peu d’éléments juridiques dont nous
disposons (jurisprudence, articles de doctrine…) il convient de répéter que la prudence doit
rester de rigueur.
238
R. Routier, Art. cit.
239
R. Routier, Art. cit.
- 146 - Finalement, les difficultés sont nombreuses et les problèmes loin d’être résolus. La
clause de ratchet trouve, petit à petit, sa place au sein des pratiques sociétaires françaises,
mais son origine anglo-saxonne laisse présumer de futurs conflits avec les principes du droit
des sociétés applicables dans l’hexagone.
L’avenir n’est donc sans doute pas « tout rose » pour la clause de ratchet, mais il
semble néanmoins prometteur tant son utilité se révèle, et se révèlera, essentielle pour la
pratique du droit des sociétés.
CONCLUSION GENERALE
- 148 - Que retenir de cette étude ? Sans doute rien de plus que ce qui est exposé dans les
quelques développements précédents, mais sans doute rien de moins non plus. Cela explique
que l’exercice de la « conclusion » soit et demeure un travail délicat. Alors au risque de se
répéter, voici quelques lignes de conclusions.
- 149 - L’opposition entre clause de ratchet et clause d’earn out doit, à nos yeux, être
maintenue tant l’esprit qui les anime est différent. Ces conventions, bien qu’intervenant toutes
deux dans le cadre de transmission de droits sociaux, n’ont pas le même domaine de
prédilection. Là où la clause de ratchet cherche à promouvoir l’investissement dans le cadre
d’une augmentation de capital, la clause d’earn out tente de permettre à deux personnes de
s’accorder sur la vente de droits sociaux.
Même si l’idée principale reste la possibilité d’ajuster le prix, il n’en demeure pas
moins que les techniques utilisées, les personnes concernées, les contextes proposés, ou
encore les difficultés rencontrées240, sont des thèmes sources d’opposition. De plus, même en
ce qui concerne l’ajustement du prix, les motifs justificatifs demeurent distincts puisque la
clause de ratchet assure l’investisseur contre les erreurs d’évaluation alors que la clause d’earn
out recherche l’équilibre d’une transaction en tenant compte de l’avenir.
- 150 - Cependant, et pour tempérer quelque peu ces propos, il est sans doute justifié de
rappeler que ces deux clauses résolvent, à leur manière, les difficultés rencontrées en matière
d’évaluation de la valeur des sociétés et des titres les constituant. Elles tentent toutes deux de
faciliter la mise en œuvre des opérations de cession, d’acquisition, et plus généralement de
transmission, de biens qui restent difficilement évaluables241. Face à l’ampleur de la tâche, on
ne peut donc que se féliciter du fait que les praticiens français aillent chercher à l’étranger ce
que le droit français ne peut proposer. Les solutions retenues ne sont pas toujours adaptées,
mais est-ce à elles de l’être.
240
A l’exception de l’épineuse question de la prohibition des pactes léonins qui est commune aux deux clauses.
241
A l’exception bien entendu des sociétés et titres cotés.
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INTRODUCTION.................................................................................................. 1
PARTIE 1
L'AJUSTEMENT DU PRIX DANS LES CESSIONS DE
DROITS SOCIAUX ............................................................................................. 8
§ 1 ) L'OBJECTIF COMMUN…....................................................................... 23
§ 2 ) L'OPPOSITION DES INTERETS PERSONNELS ................................ 24
§ 1 ) LA REVOCATION AD NUTUM.............................................................. 48
§ 2 ) LA REVOCATION POUR JUSTE MOTIF ............................................ 51
PARTIE 2
L'AJUSTEMENT DE LA PARTICIPATION SUITE A
L'ACQUISITION DE DROITS SOCIAUX ................................. 54
§ 1 ) LA NOTION DE CAPITAL-RISQUE...................................................... 58
§ 2 ) INTERETS ET LIMITES DE LA CLAUSE DE RATCHET ................ 60
CONCLUSION GENERALE.................................................................... 84
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................... 86
TABLES DES MATIERES ....................................................................................... 103