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LES CONCENTRATIONS

ECONOMIQUES

Droit de la concurrence

Réalisé par : AALAOUI Hiba

ENNAKI Hanae

ENNAKI Sanae

Encadré par : Professeure Lamya BASSIME


Plan :

Introduction

I. Les concentrations économiques : concept évolutif

A) Redéfinition dynamique du panorama des concentrations


économiques
B) Interconnexion entre les restructurations d’entreprises et les
concentrations économiques

II. Mise en lumière du scrutin technique des


concentrations économiques dans un contexte
émergent

A) Exposition des procédures animant l’évolution des


concentrations économiques
B) Contrôle rigoureux du Conseil de la concurrence

Bibliographie
Introduction :
« La concurrence est le régulateur naturel des marchés, mais la main invisible de la régulation garantit que
cette compétition soit guidée par la justice et l'intérêt général. »

Cette citation d’Adam SMITH nous éclaire sur la nécessité vitale d’un contrôle et suivi régulier du marché
par des autorités compétentes dans l’optique de maintenir un certain fair-play et une droiture entre les
différents acteurs présents en son sein.

Dans l'arène économique où les entreprises rivalisent pour conquérir le marché, le droit de la concurrence
émerge tel un gardien vigilant, veillant à l'équité, à l'innovation et à la préservation des intérêts des
consommateurs. Avant de plonger au cœur de cette jungle juridique où les règles du jeu définissent
l'équilibre délicat entre compétition effrénée et préservation d'un marché équitable, l’appréhension du
contexte dans lequel elle est apparue paraît essentielle.

Le droit de la concurrence a ainsi vu le jour aux Etats-Unis à partir des années 1890 suite à l’instauration
des antitrust acts Sherman et Clayton visant à limiter les pratiques anticoncurrentielles. Il s’en est suivi
l’apparition de cette matière, au niveau de l’Union Européenne en 1950, à travers la déclaration de Robert
SCHUMAN, installant le comité européen du charbon et de l’acier. Ensuite, à partir de 1957, les deux
traités de Rome relatifs à la Communauté Economique Européenne et la Communauté Européenne de
l’Energie Atomique ont permis la naissance d’un marché unique; subséquemment matérialisé par le Traité
sur le Fonctionnement de l’Union Européenne en 2007. De là, cette branche n’a cessé de se développer
aux Etats-Unis, en Europe et dans le monde en général.

A l’échelle nationale, les principes promus par le droit de la concurrence remontent à la période pendant
laquelle les rapports et transactions étaient encadrés par le droit musulman. Les législateurs ont toutefois
effectué des efforts considérables dans sa régulation, passant d’une phase protectionniste, dans le cadre
de la loi n° 008-71 du 21 chaabane 1391 (12 octobre 1971) sur la réglementation et le contrôle des prix et
les conditions de détention et de vente des produits et marchandises, à un libéralisme de plus en présent,
respectivement à travers les lois suivantes : la loi n° 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence
(promulguée par Dahir n° 1-00-225 du 2 rabii 1421 (5 juin 2000), la loi 104-12 sur la liberté des prix et de
la concurrence promulguée par le dahir n° 1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30 juin 2014), donnant
également lieu à la loi 20-13 relative au conseil de la concurrence promulguée par le dahir n° 1-14-117 du
2 ramadan 1435 (30 juin 2014), et enfin, le Dahir n° 1-22-67 du 30 rabii II 1444 (25 novembre 2022) portant
promulgation de la loi n° 40-21 modifiant et complétant la loi n° 104-12 relative à la liberté des prix et de
la concurrence.

Cependant, même avant l’entrée en vigueur des lois précitées, la liberté de commerce représentait un
principe constitutionnel garanti par l’Article 35 de la Constitution de 1996, et ensuite confirmé par le
même article dans la Constitution de 2011. Cet article stipule dans son troisième alinéa que : « L’Etat
garantit la liberté d’entreprendre et la libre concurrence. Il œuvre à la réalisation d’un développement
humain durable, à même de permettre la consolidation de la justice sociale et la préservation des
ressources naturelles nationales et des droits des générations futures. »

En outre, la concurrence est synonyme de moyen de stimulation de l'innovation et de garantie que les
entreprises œuvrent sans relâche pour offrir le meilleur, tant pour elles-mêmes que pour les
consommateurs. Par conséquent, le droit de la concurrence se dresse en gardien de cet équilibre, assurant
que la compétition reste loyale et les marchés dynamiques.

Par ces termes, la concurrence désigne le processus par lequel les entreprises rivalisent entre elles sur le
marché dans l’optique de satisfaire au mieux les attentes des clients, entreprises comme consommateurs.
Cette dynamique peut prendre différentes formes ; non seulement les entreprises peuvent s’affronter sur
le terrain des prix; mais elles peuvent aussi tenter de se différencier les unes des autres par l’innovation
ou la différenciation des produits par le biais de la qualité, la variété, etc.

En revanche, dans cet élan de satisfaction des clients et compte tenu de l’avarie liée aux parts de marchés,
les entreprises ont tendance à procéder à divers accords et de multiples opérations, regroupant ainsi leurs
activités, constituant à cet effet ce que la loi qualifie de « concentrations économiques », thématique objet
de notre étude. Ainsi, au cœur des dynamiques économiques marocaines, cette réalité omniprésente mais
souvent implicite a suscité l'attention des législateurs avertis. Il s'agit ainsi de la manière dont les acteurs
économiques se regroupent et interagissent pour façonner le paysage financier. Cette tendance, bien que
discrète dans les discours officiels, joue un rôle majeur dans la conduite des affaires au Maroc, dessinant
alors des schémas aussi intrigants que subtiles de regroupements et d’influence.

Au fur et à mesure de l’évolution de la législation marocaine en matière de concurrence, cette notion a


par la même occasion été assujettie à des modifications; et même une apparition plus ou moins tardive
sur le plan national puisqu’elle a pour la première fois été mentionnée qu’en 2000, au sein de la loi 06-99.
Au vue de l’ampleur et des forces motrices que ce phénomène produit dans le paysage des affaires
marocain, et des mutations exerçant une considérable pression sur le cadre législatif existant, l’arsenal a
inévitablement dû y ajuster ses contours et ses dispositions dans l’espoir de rester efficace et pertinent,
et de se conformer aux enjeux et nouvelles réalités qui émergent au fil du temps.

En résumé, à l’issue de cette étude, une interrogation fondamentale s’est naturellement manifestée :
Comment la perception et la compréhension des concentrations économiques ont-elles changé au cours
des époques ? Et quels ajustements juridiques ont été instaurés pour tenir compte de cette évolution ?

Dans le but d’arriver à une compréhension approfondie de cette notion, la réponse à cette problématique
sera scindée en deux grandes parties. Nous débuterons dans un premier temps par une immersion sur ce
phénomène en perpétuelle évolution; à travers la délimitation du champ des concentrations
économiques, et l’identification des connexions qu’elles entretiennent avec le domaine de la
restructuration des entreprises. De manière tout aussi cruciale, nous examinerons dans un second temps
les mécanismes internes façonnant le processus qui jalonne le parcours des acteurs objets d’une
concentration, pour enfin dévoiler la gouvernance scrupuleuse assurée par le Conseil de la concurrence.
I. Les concentrations économiques, concept évolutif :

Les concentrations économiques, souvent définies comme le regroupement d'entreprises sous une
même entité, ou la domination d'un petit nombre d'acteurs sur un marché spécifique, sont au cœur des
dynamiques économiques contemporaines et du droit de la concurrence. Leur évolution peut être
appréhendée à travers le prisme de lois fondamentales régissant les marchés. En effet, les lois marocaines
06-99, 104-12 et 40-21 relatives à la liberté des prix et de la concurrence ont modelé la trajectoire des
concentrations économiques. Cette évolution s'inscrit également dans un contexte plus large de
restructurations d'entreprises, où les acteurs cherchent à optimiser leurs structures, souvent par le biais
de fusions, acquisitions ou alliances stratégiques. Ainsi, les concentrations économiques s’avèrent
étroitement liées aux stratégies de restructuration, qui impactent non seulement la configuration des
marchés, mais également la dynamique interne des entreprises.

A) Redéfinition dynamique du panorama des concentrations économiques

Au Maroc, on entend par concentrations économiques, la centralisation du pouvoir économique au


sein d'un nombre limité d'entités. Historiquement, le pays a connu des concentrations dans des secteurs
clés tels que la finance, l'industrie et les services. Au fil du temps, le système législatif marocain a mis en
place des réglementations visant à organiser et à réguler ces concentrations afin de promouvoir une
concurrence saine et de prévenir les abus de pouvoir économique. Dans le contexte marocain
contemporain, la question des concentrations économiques reste un enjeu important en plein essor,
influençant les politiques économiques et suscitant des débats sur la nécessité d'ajuster les
réglementations pour répondre aux dynamiques changeantes du marché national et international.

Cette notion a vu son apparition suite à la publication de la loi n° 06-99 sur la liberté des prix et de la
concurrence, promulguée par Dahir n° 1-00-225 du 2 rabii 1421 (5 juin 2000), on retrouve uniquement
quatre articles y afférent allant de l’article 11 au 13. Il ressort des articles 101 et 112 de ladite loi que le
projet de concentration, ou la concentration de nature à porter atteinte à la concurrence par le moyen de
la création ou le renforcement d’une position dominante est soumis à l’avis du Conseil de la concurrence
par le Premier Ministre.
Ces dispositions illustrent ainsi le rôle du conseil, qui à ce moment-là, se limitait uniquement à un organe
consultatif.

1
Article 10 : « Tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence,
notamment par création ou renforcement d'une position dominante, est soumis par le Premier Ministre à l'avis du
Conseil de la concurrence. Ces dispositions ne s'appliquent que lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte, ou
qui en sont l'objet, ou qui leur sont économiquement liées ont réalisé ensemble, durant l'année civile précédente,
plus de 40 % des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services de
même nature ou substituables, ou sur une partie substantielle de celui-ci. »
2
Article 11 : « Une concentration au sens du présent titre résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui
emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise
ou qui a pour objet ou pour effet de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement
ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante. »
De ce fait, le champ d’application de cette dernière s’étend à toutes les entreprises parties à l’acte de
concentration économique, qui en sont l’objet ou qui y sont économiquement liées, si elles réalisent
ensemble, durant l’année précédente, plus de 40% de ventes, achats ou autres transactions sur un marché
national de biens, produits ou services de même nature ou substituables, ou sur une partie substantielle
de celui-ci. La concentration économique renvoie ainsi à tout acte, quelle que soit sa forme, qui emporte
le transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie de biens, droits ou obligations d’une
entreprise; mais aussi tout acte qui a pour objet, ou pour effet de permettre à une entreprise ou un
groupe d’entreprises d’exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises
une influence déterminante.

La loi 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence promulguée par le dahir n° 1-14-116 du 2
ramadan 1435 (30 juin 2014) a quant à elle donné une importance nettement plus remarquable à ces
concentrations, en leur accordant un titre qui compte 12 articles (articles 11 à 22).
Nous pouvons noter que les articles L430-1 du Code de Commerce français3 et 11 de la loi marocaine 104-
124 précitée sont similaires en ce qui concerne l’identification des concentrations économiques. Leurs
dispositions se rejoignent sur les termes suivants ; la réalisation de l’opération de concentration est établie
lorsque deux ou plusieurs entreprises fusionnent, une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle
d’au moins une entreprise ou plusieurs entreprises qui acquièrent, directement ou indirectement, que ce
soit par prise de participation au capital ou achat d’éléments actifs, contrats ou tout autre moyen, le
contrôle de l’ensemble ou de parties d’une ou plusieurs autres entreprises. Ils y ajoutent aussi la création

3
Article L430-1 : « I. - Une opération de concentration est réalisée : 1° Lorsque deux ou plusieurs entreprises
antérieurement indépendantes fusionnent ; 2° Lorsqu'une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d'une
entreprise au moins ou lorsqu'une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit
par prise de participation au capital ou achat d'éléments d'actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de
l'ensemble ou de parties d'une ou plusieurs autres entreprises. II. - La création d'une entreprise commune
accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome constitue une
concentration au sens du présent article. III. - Aux fins de l'application du présent titre, le contrôle découle des
droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait
ou de droit, la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité d'une entreprise, et notamment :
- des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d'une entreprise ;
- des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les
décisions des organes d'une entreprise. »
4
Article 11 : Une opération de concentration est réalisée: 1- lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement
indépendantes fusionnent ; 2- lorsqu’une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d’une entreprise au
moins, acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat
d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou d’une partie d’une autre entreprise
ou de l’ensemble ou de parties de plusieurs autres entreprises ; 3- lorsqu’une ou plusieurs entreprises acquièrent,
directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs,
contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou d’une partie d’une autre entreprise ou de l’ensemble ou
de parties de plusieurs autres entreprises. La création d’une entreprise commune accomplissant de manière
durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome constitue une concentration au sens du présent
article. Aux fins de l'application du présent titre, le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui
confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une
influence déterminante sur l’activité d’une entreprise, et notamment: - des droits de propriété ou de jouissance
sur tout ou partie des biens d'une entreprise ; - des droits ou des contrats qui confèrent une influence
déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d’une entreprise.
d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité
économique indépendante.
Le contrôle dont il est question ici découle de droits, contrats ou tous autres moyens qui confèrent seuls
ou conjointement, et aux vues des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une influence
déterminante sur l’activité de l’entreprise. Il s’agit entre autres des droits de propriété ou de jouissance
sur tout ou partie des biens d’une entreprise, ou des droits ou contrats octroyant une influence
déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions d’une entreprise.
L’article 125 de la même loi, à titre de nouveauté, instaure l’obligation de notification des
concentrations économiques avant leur réalisation au Conseil de la concurrence par les entreprises et
parties concernées dans trois cas distincts. D’abord, si le chiffre d’affaires total mondial hors taxe de
l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est
supérieur ou égal au montant fixé par voie réglementaire ; à savoir, 750 millions de dirhams6. Ensuite, on
retrouve l’hypothèse du chiffre d’affaires total hors taxe réalisé au Maroc par au moins deux des
entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernées lorsqu’il est également supérieur
ou égal au montant fixé par voie réglementaire ; c’est-à-dire, 250 millions de dirhams7. Enfin, la troisième
et dernière situation est celle des entreprises parties à l’acte de concentration, qui en sont l’objet ou qui
y sont économiquement liées, si elles ont réalisé ensemble, durant l’année civile précédente, plus de 40%
de ventes, achats ou toutes autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services de
même nature ou substituables, ou une partie substantielle dudit marché.

Enfin, toujours dans une optique d’évolution législative, le dahir n° 1-22-67 du 30 rabii II 1444 (25
novembre 2022) portant promulgation de la loi n° 40-21 modifiant et complétant la loi n° 104-12 relative
à la liberté des prix et de la concurrence est venu revoir le cadre relatif aux concentrations économiques
en révisant les règles du seuil fixé pour l’obligation de notification des opérations de concentrations pour
augmenter l’efficacité par l’association de deux conditions8 : le seuil du chiffre d’affaires global de
l’ensemble des personnes concernées par l’opération dont il est question, ainsi que le seuil du chiffre
d’affaires réalisé sur le marché national par chacune de ces parties.
On peut citer à titre indicatif la modification apportée à l’article 11 par cette réforme, qui institue une
nouvelle hypothèse de concentration ; à savoir, si deux ou plusieurs opérations dudit article ont lieu au
cours d’une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises, entraînant un

5
Article 12 : « Toute opération de concentration doit être notifiée au conseil de la concurrence par les entreprises
et les parties concernées, avant sa réalisation. Cette obligation s’applique lorsqu’une des trois conditions suivantes
est réalisée: - le chiffre d’affaires total mondial, hors taxes, de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes
physiques ou morales parties à la concentration est supérieur au montant fixé par voie réglementaire ; - le chiffre
d’affaires total, hors taxes, réalisé au Maroc par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques
ou morales concernés est supérieur au montant fixé par voie réglementaire ; - les entreprises qui sont parties à
l’acte, ou qui en sont l’objet, ou qui lui sont économiquement liées ont réalisé ensemble, durant l’année civile
précédente, plus de 40% des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou
services de même nature ou substituables, ou sur une partie substantielle de celui-ci. »
6
Article 8 du décret n°2-14-652 du 8 safar 1436 (1er décembre 2014) pris pour l’application de la loi n°104-12
7
Ibid. (6)
8
Article de l’Agence Marocaine de Presse du 1 juillet 2022, “Liberté des prix et concurrence: le projet de loi
n°40.21 vise à examiner les procédures relatives aux pratiques anticoncurrentielles (ministre)”
changement de contrôle, elles sont réputées avoir été la même concentration réalisée à la date de la
dernière opération.

L'évolution des concentrations économiques au Maroc reflète donc un paysage en constante


transformation, avec des réglementations visant à équilibrer la croissance économique et à prévenir les
inégalités. Alors que les législateurs continuent d'adapter leur arsenal pour répondre aux défis
contemporains, les formes de restructurations émergent comme une considération cruciale. Il convient
alors d’examiner de près ces formes de restructurations afin de mieux comprendre le concept de
concentrations économiques.

B) Interconnexion entre les restructurations d’entreprises et les concentrations


économiques

Dans le cadre des dynamiques de concentrations actuelles, certaines formes de restructurations


se placent au cœur de ce phénomène, jouant alors un rôle central dans le remodelage de ces
concentrations. Ces reconfigurations, qu'elles prennent la forme de fusions, acquisitions, alliances
stratégiques ou même d'émergence de nouveaux acteurs, représentent des éléments clés qui façonnent
la distribution du pouvoir sur le marché de la concurrence. Cet entrelacement soulève donc des questions
cruciales en ce qui concerne la régulation, la concurrence ou encore l’impact global sur les équilibres
économiques nationaux, puisque ces stratégies peuvent notablement modifier la topographie de certains
secteurs d’activité.

Dans ce sens, les restructurations d’entreprises sont dites de toute opération de gestion décidée
par un employeur et consistant à réorganiser une entreprise en fonction de la conjecture ou d’une
stratégie9. Au Maroc, les formes de concentrations économiques issues de restructurations les plus
fréquentes sont la fusion, l’achat d’éléments actifs, la création d’entreprise commune et la prise de
participation dans le capital.10

Pour commencer, la création d’une entreprise commune, aux termes de l’article L430-1 du Code
de commerce français11 et 11 de la loi 104-1212 précédemment mentionnés peut résulter de certains types
d’opération; notamment, la création d’une structure commune nouvelle, l’apport d’actifs que les sociétés
mères détenaient auparavant à titre individuel du moment où ces actifs permettent à l’entreprise
commune d’étendre ses activités, ou encore l’acquisition par un ou plusieurs actionnaires d’un contrôle
sur une entreprise commune préexistante lui conférant un caractère de plein exercice.13

9
https://www.editionstissot.fr/guide/definition/restructuration#:~:text=D%C3%A9finition%20de%20restructuratio
n,conjoncture%20ou%20d'une%20strat%C3%A9gie
10
https://www.lexis360intelligence.fr/encyclopedies/JurisClasseur_Concurrence__Consommation/CX6TOCID/docu
ment/EN_KEJC227823_0KRP?q=Op%C3%A9ration%20de%20concentration%20&doc_type=doctrine_fascicule&sor
t=score&from=0&to=1700703820629&source=navigation&numero=10&source_nav=history#D8E4179
11
Ibid. (3)
12
Ibid. (4)
13
https://www.concurrences.com/fr/dictionnaire/operation-de-concentration
On parle alors de plein exercice lorsqu’une entreprise dispose de ressources suffisantes, qu’elles soient
humaines ou financières, pour opérer de façon autonome sur un marché en y accomplissant les fonctions
initialement exercées par les autres entreprises actives sur ce même marché, tout en étant contrôlée
conjointement et en fonctionnant de manière durable.

Ensuite, le transfert de propriété est généralement, comme son nom l’indique, l’effet
automatique d’un contrat de vente ou dans le cadre d’un apport en société, incluant des apports en nature
en pleine propriété, en jouissance, en usufruit ou également en nue-propriété.

Aussi, l’opération de fusion quant à elle peut se réaliser par exemple à travers une fusion par
création d’entreprise nouvelle, impliquant ainsi deux ou plusieurs entreprises qui se réunissent pour en
créer une toute nouvelle, disparaissant de ce fait en tant que personnalités morales distinctes laissant
place à une seule et même entité14.
Il existe parallèlement d’autres types de fusion ; à savoir, la fusion absorption. Elle n’entraîne pas la
disparition des deux sociétés mais uniquement une d’entre elles15 : la société absorbante subsiste tandis
que l’absorbée disparaît pour des raisons de dimension, pouvoirs, etc.16
Lorsqu’on évoque les concentrations dans le cadre des fusions, il est possible d’en distinguer trois
supplémentaires17. Pour commencer, la concentration horizontale renvoyant à la fusion de deux
entreprises d’une même branche concurrente, tel que le cas de l’entreprise Renault avec Nissan et Dacia.
Ensuite, la concentration verticale, qui elle, se réfère à une situation dans laquelle deux entreprises de
branches complémentaires (fournisseurs ou distributeurs) fusionnent, à titre d’exemple, Michelin,
récemment propriétaire des plantations d’hévéa au Brésil afin de construire son propre caoutchouc et
fabriquer ses pneus. Enfin, pour illustrer la concentration conglomérale, qui englobe deux entreprises de
branches complètement différentes; on peut citer par exemple le cas du groupe Bouygues dont l’activité
principale est le bâtiment mais qui possède aujourd’hui des entreprises dans la téléphonie et la télévision.
En matière de concentrations économiques, on peut aussi parler de la fusion de fait, qui elle, constitue
une forme de concentration qui ne répond pas à toutes les conditions juridiques en vigueur tout en
aboutissant au même résultat sur le plan économique. La seule condition accomplie est donc celle de la
gestion unique et permanente.18

Passons à présent à l’acquisition qui se réalise lorsqu’une entreprise acquiert les titres ou les actifs
nécessaires à son activité par le biais des actifs immobilisés corporels, synonymes d’éléments destinés à
servir de façon durable à l’activité de l’entreprise, à l’instar des marques, brevets, ou à travers des actifs
immobilisés incorporels, tels que des terrains.19

14
https://www.lexis360intelligence.fr/encyclopedies/JurisClasseur_Concurrence__Consommation/CX6TO
CID/document/EN_KEJC227823_0KRP?q=Op%C3%A9ration%20de%20concentration%20&doc_type=d
octrine_fascicule&sort=score&from=0&to=1700703820629&source=navigation&numero=10&source_nav
=history#D8E4179
15
CARTAPANIS Marie, La notion de concentration – droit européen et droit français, 1er avril 2023
16
https://www.lefrancaisdesaffaires.fr/wp-content/uploads/2016/05/01croissance.pdf
17
https://www.maxicours.com/se/cours/la-concentration-des-entreprises/
18
Ibid. (14)
19
https://www.ornano-quernerdhuin.fr/internelexique.php?r=3&sr=4&ssr=38&ref_word=18
Pour finir, la prise de participation représente le cas où une société ferait appel à des investisseurs
extérieurs pour financer son capital. Cette opération se manifeste par des prises de contrôle ou l’exercice
d’une influence déterminante sur une entreprise cible.20
A titre d’illustration, Au Maroc, sur la base du rapport publié par le Conseil de la concurrence en date de
2019, on peut remarquer qu’au cours de cette année il y a eu 1 opération de fusion, 1 concernant l’achat
d’éléments actifs, 7 relatives à la création d’une entreprise commune et enfin 44 liées à la prise de
participation de capital ce qui fait un total de 53 opérations avec une majeure domination de la pratique
de la prise de participation de capital.

En somme, nous pouvons retenir que les concentrations économiques, définies comme le
regroupement d'entreprises sous une entité commune ou la prédominance d'un petit nombre d'acteurs
sur un marché, occupent une place centrale dans les dynamiques contemporaines et le cadre juridique de
la concurrence. L’évolution marocaine de cette notion s'inscrit dans le contexte plus large de
restructurations, où fusions, acquisitions et alliances sont des stratégies courantes. Ainsi, les
concentrations économiques sont intrinsèquement liées aux reconfigurations d'entreprises, impactant la
dynamique interne des sociétés et la configuration des marchés. Au Maroc, ces concentrations touchent
des secteurs clés, et les réglementations visent à maintenir une concurrence équitable. La question des
concentrations demeure un enjeu en évolution, influençant les politiques économiques et suscitant des
discussions sur l'ajustement des réglementations pour répondre aux évolutions du marché. À ce titre, il
paraît logique de traiter la phase procédurale qui y est assujettie ainsi que la méticulosité du Conseil de la
concurrence dans son encadrement.

20
https://conseilconcurrence.ma/cc/wpcontent/uploads/2020/07/Lesconcentrations%C3%A9conomiques-2019-
Fr.pdf
II. Mise en lumière du scrutin technique des concentrations économiques dans
un contexte émergent :

Graduellement à son évolution, la notion de concentration économique au Maroc s’est placée dans
une dynamique complexe, influencée par des facteurs tels que les évolutions législatives, les
changements économiques mondiaux et les avancées technologiques. À mesure que les concentrations
prennent différentes formes et dimensions, la nécessité d'une régulation minutieuse devient impérative
pour préserver la concurrence équitable. C'est dans ce contexte que le Conseil de la concurrence du
Maroc joue un rôle crucial. Chargé de veiller au respect des règles de concurrence, le conseil exerce un
contrôle minutieux sur les opérations de concentration, s'assurant de la transparence, de l'équité et du
maintien d'une concurrence saine sur le marché. Ainsi, cette transition souligne l'importance des
procédures de contrôle rigoureuses dans un paysage économique en constante évolution, garantissant
ainsi une protection efficace contre les risques d'abus de pouvoir économique.

A) Exposition des procédures animant l’évolution des concentrations économiques

Il est essentiel de se pencher sur les diverses procédures de notification et d'autorisation qui
émergent lors de la volonté de concrétiser une concentration économique, en mettant en exergue leur
évolution au fil du temps dans le cadre législatif. La réalisation d'une concentration, peu importe sa
forme, est soumise à des démarches spécifiques visant à assurer la transparence, à prévenir les abus de
pouvoir, et à garantir une concurrence équitable. Ces procédures, souvent inscrites dans des lois et
régulations, ont évolué en réponse aux changements dans les dynamiques économiques et aux enjeux
concurrentiels. Cette évolution législative reflète l'adaptation constante des dispositifs juridiques pour
répondre aux défis contemporains tout en préservant l'intégrité des marchés et la diversité
économique. Ainsi, l'analyse des évolutions de ces procédures de notification ou d'autorisation offre un
éclairage précieux sur la manière dont la législation s'ajuste pour accompagner les transformations du
paysage économique.

Au commencement, dans le cadre de loi 06-99, l’article 1221 octroyait au Conseil de la


concurrence un délai de deux mois pour formuler son avis par rapport à une opération de concentration
économique. A défaut, son silence valait tacite acceptation du projet de concentration et des potentiels
engagements qui y sont attachés.
Cependant, ce délai pouvait être porté à six mois si le Premier Ministre saisissait le conseil.

21
Article 12 : « Les entreprises sont tenues de notifier au Premier Ministre tout projet de concentration. La
notification peut être assortie d'engagements. Le silence gardé pendant deux (2) mois vaut décision tacite
d'acceptation du projet de concentration, ainsi que des engagements qui y sont joints le cas échéant. Ce délai est
porté à six (6) mois si le Premier Ministre saisit le Conseil de la concurrence. Le Premier Ministre ne peut saisir le
Conseil de la concurrence après l'expiration du délai prévu à l'alinéa 2 ci-dessus, sauf en cas de non-exécution des
engagements dont la notification précitée est éventuellement assortie. Durant ce délai, les entreprises concernées
ne peuvent mettre en œuvre leur projet. Les organismes visés au paragraphe 2 de l'article 15 ci-après peuvent
également informer le Premier Ministre qu'une opération de concentration s'est réalisée en contravention aux
dispositions du premier alinéa ci-dessus. »
La loi 104-12 est alors intervenue pour apporter certaines nouveautés compte tenu du nouveau
rôle du Conseil de la concurrence découlant du Dahir n° 1-14-117 du 2 ramadan 1435 (30 juin 2014)
portant promulgation de la loi n° 20-13 relative au Conseil de la concurrence.
L’article 1322 de ladite loi met dans ce sens l’obligation de notification à la charge de toute personne
physique ou morale si elle acquiert le contrôle de tout ou partie d’’une entreprise, et en cas de fusion ou
création d’entreprise commune, toutes les personnes concernées devront procéder à la notification
conjointement.
Ainsi, aux termes de l’article 1423, la réalisation de tout ou une partie de la concentration est
subordonnée à l’accord du conseil, et conformément aux engagements prévus, le cas échéant. Le délai
dans lequel le conseil doit se prononcer est limité à 60 jours à compter de la date de réception de la
notification par l’article suivant (article 1524).

22
Article 13 : « La notification de l’opération de concentration au conseil de la concurrence peut intervenir dès lors
que la ou les parties concernées sont en mesure de présenter un projet suffisamment abouti pour permettre
l'instruction du dossier et notamment lorsqu’elles ont conclu un accord de principe, signé une lettre d’intention ou
dès l'annonce d’une offre publique. L’obligation de notification incombe aux personnes physiques ou morales qui
acquièrent le contrôle de tout ou partie d'une entreprise ou, dans le cas d'une fusion ou de la création d'une
entreprise commune, à toutes les parties concernées qui doivent alors notifier conjointement. Le contenu du dossier
de notification est fixé par voie réglementaire12. La réception de la notification d’une opération fait l’objet d'un
communiqué publié par le conseil de la concurrence selon des modalités fixées par voie réglementaire. Dès
réception du dossier, le conseil de la concurrence adresse un exemplaire à l’administration. Les entreprises ainsi que
les organismes visés à l’article 5 de la loi n° 20-13 relative au conseil de la concurrence peuvent informer le conseil
de la concurrence qu’une opération de concentration s’est réalisée en contravention aux dispositions de l’article 12
ci-dessus. »
23
Article 14 : « La réalisation effective d'une opération de concentration ne peut intervenir qu’après l'accord du
conseil de la concurrence ou, lorsqu’elle a évoqué l’affaire dans les conditions prévues à l’article 18 ci-dessous, celui
de l’administration. En cas de nécessité particulière dûment motivée, les parties qui ont procédé à la notification
peuvent demander au conseil de la concurrence une dérogation leur permettant de procéder à la réalisation
effective de tout ou partie de la concentration sans attendre la décision mentionnée au premier alinéa et sans
préjudice de celle-ci. »
24
Article 15 : « Le conseil de la concurrence se prononce sur l’opération de concentration dans un délai de soixante
(60) jours à compter de la date de réception de la notification complète. Les parties à l’opération peuvent s’engager
à prendre des mesures visant notamment à remédier, le cas échéant, aux effets anticoncurrentiels de l’opération
soit à l’occasion de la notification de cette opération, soit à tout moment avant l’expiration du délai de soixante
(60) jours à compter de la date de réception de la notification complète, tant que la décision prévue au premier
alinéa ci-dessus n’est pas intervenue. Si des engagements sont reçus par le conseil de la concurrence, le délai
mentionné au premier alinéa ci-dessus est prolongé de vingt (20) jours. En cas de nécessité particulière, telle que la
finalisation des engagements mentionnés à l’alinéa précédent, les parties peuvent demander au conseil de la
concurrence de suspendre les délais d’examen de l'opération dans la limite de vingt (20) jours. Le conseil de la
concurrence peut: 1- soit constater, par décision motivée, que l’opération qui lui a été notifiée n’entre pas dans le
champ défini par les articles 11 et 12 de la présente loi ; 2- soit autoriser l'opération, en subordonnant
éventuellement, par décision motivée, cette autorisation à la réalisation effective des engagements pris par les
parties ; 3- soit, s’il estime qu’il subsiste un doute sérieux d’atteinte à la concurrence, engager un examen
approfondi dans les conditions prévues à l'article 16 ci-après. Une copie de la décision est transmise sans délai à
l’administration. Si le conseil de la concurrence ne prend aucune des trois décisions prévues ci-dessus dans le délai
mentionné au premier alinéa du présent article, éventuellement prolongé en application des alinéas 3 et 4 ci-
dessus, il en informe l’administration. L’opération est réputée avoir fait l’objet d’une décision d’autorisation au
terme du délai ouvert à l’administration par le premier alinéa de l’article 18 ci-dessous. »
L’ensemble de ces dispositions matérialisent le passage concret du Conseil de la concurrence d’un
organe purement consultatif à une autorité, aujourd’hui, décisionnaire.
On retrouve alors au sein de l’article 1925 les sanctions pécuniaires envisageables lorsqu’une
concentration économique s’opère sans notifier le conseil. Pour les personnes physiques, elles sont
limitées à 5 millions de dirhams, alors que pour les personnes morales, elles ne peuvent excéder 5% du
montant du chiffre d’affaires réalisé au Maroc lors du dernier exercice clos, augmenté, le cas échéant,
de celui réalisé au Maroc durant la même période la partie acquise. Sans oublier que le « Conseil de la
Concurrence a fixé une amende forfaitaire de 500.000 DH à l’encontre des entreprises qui violent
l’obligation de notification des opérations de concentrations économiques, mais n’ayant pas encore
réalisé un chiffre d’affaires annuel. En vertu de la décision n°90 émise le 31 août 2022, complétant la
décision du Conseil n°68 du 24 juin 2022 relative à certaines opérations de concentrations économiques
réalisées et non notifiées auprès du Conseil, les entreprises qui ont violé l’obligation de notifier des

25
Article 19 : « Si une opération de concentration a été réalisée sans être notifiée, le conseil de la concurrence
enjoint sous astreinte, dans la limite prévue à l’article 40 de la présente loi, aux parties de notifier l’opération, à
moins de revenir à l’état antérieur à la concentration. La procédure prévue aux articles 15 à 17 ci-dessus est alors
applicable. En outre, le conseil de la concurrence peut infliger aux personnes auxquelles incombait la charge de la
notification une sanction pécuniaire dont le montant maximum s’élève, pour les personnes morales, à 5% de leur
chiffre d’affaires hors taxes réalisé au Maroc lors du dernier exercice clos, augmenté, le cas échéant, de celui qu’a
réalisé au Maroc durant la même période la partie acquise, et, pour les personnes physiques, à cinq millions
(5.000.000) de dirhams. Si une opération de concentration notifiée et ne bénéficiant pas de la dérogation prévue au
deuxième alinéa de l’article 14 ci-dessus a été réalisée avant l'intervention de la décision prévue au premier alinéa
du même article, le conseil de la concurrence peut infliger aux personnes physiques ou morales ayant procédé à la
notification une sanction pécuniaire telle que prévue au deuxième alinéa ci-dessus. En cas d’omission ou de
déclaration inexacte dans une notification, le conseil de la concurrence peut infliger aux personnes physiques ou
morales ayant procédé à la notification une sanction pécuniaire telle que prévue au deuxième alinéa ci-dessus.
Cette sanction peut s’accompagner du retrait de la décision ayant autorisé la réalisation de l’opération. A moins de
revenir à l’état antérieur à la concentration, les parties sont alors tenues de notifier de nouveau l’opération dans un
délai d’un (1) mois à compter du retrait de la décision, sauf à encourir les sanctions prévues aux premier et
deuxième alinéas ci-dessus. S’il estime que les parties n’ont pas exécuté dans les délais fixés une injonction, une
prescription ou un engagement figurant dans sa décision ou dans la décision de l’administration ayant statué sur
l'opération en application de l’article 18 ci-dessus, le conseil de la concurrence constate l’inexécution. Il peut: 1-
retirer la décision ayant autorisé la réalisation de l'opération. A moins de revenir à l’état antérieur à la
concentration, les parties sont tenues de notifier de nouveau l’opération dans un délai d’un (1) mois à compter du
retrait de la décision, sauf à encourir les sanctions prévues aux premier et deuxième alinéas ci-dessus ; 2- enjoindre
sous astreinte, dans la limite prévue à l’article 40 de la présente loi, aux parties auxquelles incombait l'obligation
non exécutée d’exécuter dans un délai qu’il fixe les injonctions, prescriptions ou engagements. En outre, le conseil
de la concurrence peut infliger aux personnes physiques ou morales auxquelles incombait l'obligation non exécutée
une sanction pécuniaire telle que prévue au deuxième alinéa du présent article. La procédure applicable est celle
prévue au cinquième alinéa de l’article 29 et aux articles 31, 32 et 33 de la présente loi. Toutefois, les parties qui ont
procédé à la notification et le commissaire du gouvernement doivent produire leurs observations en réponse à la
communication du rapport dans un délai de trente-cinq (35) jours. Le conseil de la concurrence se prononce dans un
délai de cent-vingt (120) jours courant à partir de la fin du délai prévu à l’alinéa précédent. Si une opération de
concentration a été réalisée en contravention des décisions prises en application des articles 17 et 18 ci-dessus, le
conseil de la concurrence enjoint sous astreinte, dans la limite prévue à l'article 40 de la présente loi, aux parties de
revenir à l’état antérieur à la concentration. En outre, le conseil de la concurrence peut infliger aux personnes
physiques ou morales auxquelles les décisions précitées s’imposaient la sanction pécuniaire prévue au deuxième
alinéa du présent article. »
opérations de concentrations économiques mais n’ayant pas encore réalisé un chiffre d’affaires annuel,
écopent d’une amende forfaitaire de 500.000 DH. »26
Dans le cadre de la conjecture juridique française, on parle de « gun jumping », autrement appelé
« faux-départ »27; notion employée afin de décrire deux comportements distincts. D’une part, l’absence
de notification d’une opération de concentration aux autorités compétentes, et d’une autre part, la mise
en œuvre anticipée d’une opération de concentration avant son autorisation par ces mêmes autorités.
Toujours dans le cadre des interdictions, il ressort de l’article 2028 qu’en cas d'exploitation abusive d’une
position dominante ou d’un état de dépendance économique, le Conseil de la concurrence peut, par
décision motivée, enjoindre à l’entreprise ou groupe d’entreprises concernées de modifier, compléter
ou résilier tous les accords et actes pour lesquels s’est réalisée la concentration de la puissance
économique qui a permis ces abus, même s’ils ont préalablement fait l’objet de l’approbation du Conseil
de la concurrence.

Aussi, la loi 40-21 réformant la loi 104-12 aspirait en partie à instaurer une procédure simplifiée
pour la notification de certaines opérations de concentrations économiques29. En effet, suite à la
modification de l’article 13, elle a mis en place une nouvelle condition en vertu de laquelle la notification
de l’opération de concentration est dorénavant assujettie à une redevance fixée par voie réglementaire,
en contrepartie de l’examen du dossier.

Pour être plus clair, la procédure de concentration passe par l’aboutissement de quatre
différentes étapes : la présentation formelle de la notification, l’examen de la concentration en première
phase, pour ensuite passer à un examen approfondi de l’opération finale, et enfin l’évaluation
complémentaire menant à la décision finale.30
Tout d’abord, « les parties à la concentration doivent soumettre au conseil de la concurrence un dossier
de notification complet accompagné des documents connexes requis »; entre autres, une description de
la concentration proposée, présentation des entreprises concernées et des groupes auxquels elles
appartiennent, définition du marché et activités des parties, conformément à l’annexe du décret n°2-23-
273. Sans oublier que les dossiers de notification doivent obligatoirement être rédigés en arabe ou en
français. En cas de modification d’une information après le dépôt de la notification, le Conseil de la
concurrence doit être averti dans les plus brefs délais; en revanche, si les informations sont incorrectes

26
https://cgem.ma/concentrations-economiques-non-notifiees/
27
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/201905/article_ids_concurrences_gunjumping_
2018_0.pdf
28
Article 20 : « Le conseil de la concurrence peut, en cas d’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un
état de dépendance économique, enjoindre, par décision motivée, à l’entreprise ou au groupe d’entreprises en
cause de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, le cas échéant sous astreinte et dans la
limite prévue à l’article 40 de la présente loi, tous accords et tous actes par lesquels s’est réalisée la concentration
de la puissance économique qui a permis les abus même si ces actes ont fait l’objet de la procédure prévue au
présent titre. »
29
Ibid. (8)
30
« Projet de lignes directrices sur les opérations de concentration économique », conseil de la concurrence,
Septembre 2023
ou trompeuses, la notification sera réputée incomplète et cet acte sera sanctionné conformément à
l’article 19 de la loi 104-1231.
Les parties doivent inclure un résumé non confidentiel qui sera publié par le Conseil de la concurrence
sur son site Internet et dans un journal d’annonce légal.
Ensuite, dans les 60 jours impartis au conseil pour cet examen, il peut procéder à un test de marché,
prendre l’avis des tiers sur l’opération envisagée ; à titre indicatif, les concurrents, les fournisseurs, les
clients, etc. Toutefois, si l’opération envisagée présente d’éventuels problèmes de concurrence, les
services d’instruction du Conseil de la concurrence doivent informer la partie concernée des
préoccupations soulevées. Dans le cas où cette dernière trouve des mesures correctives pour atténuer
l’atteinte à la concurrence, le Conseil de la concurrence peut prolonger la période d’évaluation de 20
jours maximum comme prévu dans l’article 15 loi 104-1232.
Dans le cadre de l’examen approfondi, le conseil peut organiser des auditions avec toute personne
physique ou morale dans le but de collecter des informations relatives à l’objet de la notification. Il
procède par la même occasion à une analyse détaillée des arguments d’efficacité avancés par les parties
à la concentration pour évaluer les potentiels effets préjudiciables de l’opération par rapport aux gains
d’efficacité probables invoqués par les parties. A l’issue de ces investigations, un rapport est dressé,
présentant l’opération, les parties, les marchés pertinents, l’analyse concurrentielle de l’opération, avec
les avis des tiers sur la concentration.
Enfin, suite à la remise du rapport, le Conseil de la concurrence et le commissaire du gouvernement se
voient dans l’obligation de transmettre leurs réponses par écrit dans un délai de 20 jours aux parties à la
concentration. Ces dernières auront la possibilité d’exposer leurs contre-arguments et de demander une
audience formelle devant le conseil.
Si les parties intéressées n’ont pas fait connaître leurs points de vue dans le délai fixé, le conseil devra
rendre une décision finale sur la base de son examen en deuxième phase dans un délai ne dépassant pas
90 jours à compter du début de l’examen des phases. Le conseil rendra à cet effet une décision
autorisant la concentration ou une décision l’interdisant. A défaut, dans l’hypothèse où aucune décision
ne serait prise par le conseil dans les délais alloués, la concentration est réputée approuvée.

En récapitulant, les procédures relatives à la notification et à l'autorisation des concentrations


économiques ont subi une évolution significative au fil du temps, marquée par des adaptations
législatives sous l’influence des changements dans le paysage économique et concurrentiel. Ces
processus, essentiels lors de la concrétisation de ces opérations, suivent généralement des étapes
rigoureuses. De la notification initiale à l'évaluation détaillée, chaque étape vise alors à prévenir toute
pratique anticoncurrentielle et garantir l’équité des rapports sur le marché. Dans ce contexte, le Conseil
de la concurrence joue un rôle central en assurant un contrôle minutieux de ces procédures. Fort de son
mandat de garantir l’équilibre et la sécurité sur le marché marocain de la concurrence, le conseil
s'engage dans un examen approfondi des concentrations économiques notifiées, mettant l'accent sur la
transparence, la légalité et la préservation d'une concurrence saine. Ainsi, cette combinaison
d'évolutions législatives et de contrôles rigoureux souligne l'importance indéniable de ces mécanismes
dans le maintien d'un environnement économique dynamique et équilibré.

31
Ibid. (24)
32
Ibid. (23)
B) Contrôle rigoureux du Conseil de la concurrence

Au Maroc, le champ d'intervention du Conseil de la concurrence s'est considérablement élargi au


fil du temps, consolidant son rôle en tant qu'acteur indispensable dans l'encadrement des concentrations
économiques. Ce conseil, initialement instauré pour veiller à la libre concurrence, a évolué pour exercer
un contrôle rigoureux sur les opérations de concentration. Sa mission s'est progressivement étendue pour
répondre aux défis croissants posés par la globalisation économique, les évolutions technologiques et les
nouvelles dynamiques du marché. Désormais, le Conseil de la concurrence joue un rôle primordial dans
la protection de la concurrence équitable en supervisant attentivement les processus de notification et
d'autorisation des concentrations. Cette évolution souligne l'importance accrue de cet organe dans la
régulation économique, garantissant ainsi un environnement commercial transparent, concurrentiel et
propice à l'innovation.

Les opérations de concentration économiques font l’objet d’un traitement particulier puisqu’elles
ne sont pas interdites à l'instar de certaines ententes ou encore l’abus de position dominante. Néanmoins,
elles sont strictement encadrées et contrôlées. Toutefois, une interdiction des concentrations pourrait
entraver la mise en place d’un espace économique dynamique ouvert et concurrentiel. En effet, les
opérations de concentrations et les grands consortiums participent à une stimulation et à une vivacité
économique.
Ce contrôle vise principalement à promouvoir une concurrence effective et une économie efficace sur les
marchés pour assurer le bien-être des consommateurs, ainsi que faciliter l’examen et l’autorisation des
opérations notifiées de sorte à permettre au Conseil de la concurrence d’identifier et d’empêcher celles
susceptibles d’affecter négativement la concurrence.33
En matière de concentrations, le contrôle du Conseil de la concurrence est préalable,
contrairement aux autres pratiques dans lesquelles le contrôle se fait une fois qu’elle s’avère
anticoncurrentielle. En principe l’appréhension se fait “ex-post” des pratiques en cause, une fois que les
effets restrictifs sont produits sur le marché. Mais exceptionnellement, on assiste à une action “ex ante”
sur la structure du marché dans le cadre des concentrations dans le but de prévenir la constitution de
situation de position dominante ou de renforcement d’une telle position.34
Il convient donc de noter que les concentrations économiques sont des pratiques à première vue
licites, mais qui peuvent dans certains cas, devenir anticoncurrentielles.

Cependant, malgré tous les efforts déployés par le conseil en termes de contrôle, une absence de
dispositions législatives précises définissant spécifiquement et à proprement parler les restrictions
relatives aux concentrations économiques subsiste. Contrairement aux Etats-Unis où « la Section 7 de la
loi Clayton35 porte interdiction, pour toute société, d’acquérir tout ou partie des actions ou autres capitaux
sociétaires, ou tout ou partie de savoirs d’une autre société, lorsque l’effet de cette acquisition risque

33
Ibid. (29)
34
Rapport du Conseil de la Concurrence, « Les décisions de concentrations économiques au titre de l’année 2019 »
35
Section 7 : « No person shall acquire, directly or indirectly, the whole or any part of the stock or other share
capital and no person subject to the jurisdiction of the Federal Trade Commission shall acquire the whole or any
part of the assets of one or more persons engaged in commerce or in any activity affecting commerce, where in any
line of commerce, or in any activity affecting commerce in any section of the country, the effect of such acquisition,
of such stocks or assets, or of the use of such stock by the voting or granting of proxies or otherwise, may be
substantially to lessen competition, or to tend to create a monopoly. »
d’affaiblir notablement la concurrence, ou de créer un monopole : on reconnaît ici les prises de
participation et les acquisitions d’actifs, instruments juridiques courants de la concentration
économique. »36
Par opposition aux ententes, le régime des concentrations en droit de la concurrence n’est pas basé sur
un principe général de prohibition sur toutes les formes. La législation la plus restrictive, qui est la loi
Clayton, interdit la concentration uniquement si elle tend à créer un monopole, ou risque d’affaiblir
fortement la concurrence.
A titre d’illustrations, plus récemment, le Conseil de la concurrence a autorisé certaines opérations
de concentrations économiques sur le marché marocain. Parmi elles, l’acquisition du contrôle exclusif de
la société « BioDue S.p.A. » par la société « REF VI S.A R.L. SICAV-RAIF » à travers l’acquisition de 100 %
de son capital social et des droits de vote y afférents, également une prise du contrôle conjoint de la
société « CMMC SA » par la société « Sama Invest SARL » à travers l’acquisition de 50 % de son capital
social et des droits de vote y afférents, mais aussi l’acquisition par la société « Henry Schein, Inc. » du
contrôle exclusif indirect de la société « Biotech Dental S.A.S » et ses filiales directes et indirectes, à
travers l’acquisition de 57 % des actions de son capital social et des droits de vote associés, par
l’intermédiaire de sa filiale « Henry Schein Europe, Inc. ».

En somme, la notion de concentration économique au Maroc a évolué dans un contexte


complexe, façonnée par des évolutions législatives, des changements économiques mondiaux et des
avancées technologiques. Pour assurer une concurrence équitable, le Conseil de la concurrence a été
amené à exercer un contrôle minutieux sur les opérations de concentration, soulignant l'importance de
procédures en amont. Les différentes étapes de notification et d'autorisation, régies par des lois en
constante évolution, reflètent l'adaptation continue des dispositifs juridiques aux défis contemporains.
Ces procédures, cruciales pour prévenir les abus de pouvoirs, illustrent l'engagement envers une
concurrence transparente et équitable.
Pour conclure, les évolutions législatives et les contrôles rigoureux marquent les procédures de
notification et d'autorisation, matérialisant leurs effets dans le maintien d'un environnement
économique sain. Le Conseil de la concurrence, devenu de ce fait un acteur indispensable, exerce un
contrôle crucial sur les concentrations économiques, garantissant la transparence et la légalité dans un
paysage économique en constante mutation. Toutefois, l’ambiguïté du marché de la concurrence
demeure aussi envahissante qu’universelle, et il est donc inéluctable que des difficultés continueront à
se ressentir, et des efforts à être fournis.

36
« Concurrence, les grands articles », encyclopaedia universalis, 2019
Bibliographie :
Sources législatives :
Loi n° 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence, promulguée par Dahir n° 1-00-225 du 2
rabii 1421 (5 juin 2000)
Loi 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence promulguée par le dahir n° 1-14-116 du 2
ramadan 1435 (30 juin 2014)
Code de commerce français
Dahir n° 1-22-67 du 30 rabii II 1444 (25 novembre 2022) portant promulgation de la loi n° 40-21
modifiant et complétant la loi n° 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence
Décret n°2-14-652 du 8 safar 1436 (1er décembre 2014) pris pour l’application de la loi n°104-12
relative à la liberté des prix et de la concurrence
The Clayton antitrust act, 1914

Sources électroniques :
https://www.editionstissot.fr/guide/definition/restructuration#:~:text=D%C3%A9finition%20de%20restr
ucturation,conjoncture%20ou%20d'une%20strat%C3%A9gie
https://www.lexis360intelligence.fr/encyclopedies/JurisClasseur_Concurrence__Consommation/CX6TO
CID/document/EN_KEJC227823_0KRP?q=Op%C3%A9ration%20de%20concentration%20&doc_type=doc
trine_fascicule&sort=score&from=0&to=1700703820629&source=navigation&numero=10&source_nav
=history#D8E4179
https://www.concurrences.com/fr/dictionnaire/operation-de-concentration
https://www.lexis360intelligence.fr/encyclopedies/JurisClasseur_Concurrence__Consommation/CX6TO
CID/document/EN_KEJC227823_0KRP?q=Op%C3%A9ration%20de%20concentration%20&doc_type=doc
trine_fascicule&sort=score&from=0&to=1700703820629&source=navigation&numero=10&source_nav
=history#D8E4179
https://www.lefrancaisdesaffaires.fr/wp-content/uploads/2016/05/01croissance.pdf
https://www.maxicours.com/se/cours/la-concentration-des-entreprises/
https://www.ornano-quernerdhuin.fr/internelexique.php?r=3&sr=4&ssr=38&ref_word=18
https://conseilconcurrence.ma/cc/wpcontent/uploads/2020/07/Lesconcentrations%C3%A9conomiques
-2019-Fr.pdf
https://cgem.ma/concentrations-economiques-non-notifiees/
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/201905/article_ids_concurrences_gunjumpi
ng_2018_0.pdf

Revues et autres documents :


Article de l’Agence Marocaine de Presse du 1 juillet 2022, “Liberté des prix et concurrence: le
projet de loi n°40.21 vise à examiner les procédures relatives aux pratiques anticoncurrentielles
(ministre)”
CARTAPANIS Marie, La notion de concentration – droit européen et droit français, 1er avril 2023
« Projet de lignes directrices sur les opérations de concentration économique », conseil de la
concurrence, Septembre 2023
Rapport du Conseil de la Concurrence, « Les décisions de concentrations économiques au titre
de l’année 2019 »

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