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Les enjeux du droit de la

concurrence
___

Par Ben Salah Belkis


2

INTRODUCTION

Le fonctionnement concurrentiel du marché a tendance aujourd’hui à se détacher du


cadre strictement économique ou bien juridique vers une vision plus globaliste,
justifiée par l’effacement des frontières entre l’intérêt particulier et l’intérêt général et
la naissance de l’économie sociale du marché, toutes ces mutations ont donné lieu de
façon parallèle à une évolution des enjeux de ce droit.
L’étude des enjeux du droit de la concurrence touche à plusieurs disciplines, et
concerne les aspects du droit public, privé ou international et l’économie1.
Tout d’abord il faut clarifier qu’est-ce qu’un enjeu? Un enjeu est quelque chose que
l'on risque dans une compétition, une activité économique ou une situation vis-à-vis
d'un aléa (généralement les aléas du marché).
Comme il est évident de mettre en lumière la différence entre enjeux et objectifs car
ils se prêtent à confusion ; l'enjeu est en quelque sorte une récompense or que
l’objectif est le moyen de l'obtenir. Pour un même enjeu, on pourra établir
plusieurs objectifs.
En ce sens, toute branche de droit a ses propres enjeux et objectifs qu’elle cherche à
optimiser, tel est le cas du droit de la concurrence.
En effet le droit de la concurrence est cet ensemble des règles qui s’appliquent aux
opérateurs dans leur activité sur le marché. Ces règles « sont destinées à réguler la
concurrence, c’est-à-dire à faire que la concurrence soit suffisante tout en n’étant pas
excessive. »2

1
Cette question est au cœur de la pensée économique et du mouvement Law and Economics. Pour une présentation
des principaux courants de ce mouvement, V, T. KIRAT, L’analyse économique du droit, coll ; Repères, Paris, La
découverte 2010.
2
Y. Serra, Le droit français de la concurrence, Dalloz, coll. « Connaissance du droit », 1993. Voir, en outre,
ANGUET Y, « L’équilibre, finalité du droit de la concurrence », in Mélange en l’honneur d’Yves SERRA, Études
sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux, Dalloz, 2006, p.58.
3

Définit encore comme, le droit de police du marché, un droit d’origine administratif


qui a pour objectif le contrôle des ententes, les abus de domination, des concentrations
ou les aides d’Etat.
Ce droit se caractérise par son aspect répressif et l’autre prospectif : S’agissant d’un
droit répressif : il concerne l’ensemble des règles qui sanctionnent la concurrence
déloyale. Ce qui relève d'un droit prospectif : ce sont les règles ayant pour objet la
protection de la concurrence et qui favorisent le développement.
Tout en formant une partie de son nom le droit de la concurrence se définit par rapport
à la notion de la concurrence : La concurrence 3ou « compétition », tel en droit anglais
« competition Law » est l’objet principal du droit de la concurrence qu’il vise à
protéger
La doctrine identifie la concurrence à « un mode de fonctionnement du marché dans
lequel la confrontation d’une multitude d’offres et de demandes permet
l’établissement du prix à son niveau le plus bas, compte tenu de la rémunération
normale des facteurs de production et de l’état de la technologie »4. En effet, la
concurrence elle-même est consubstantielle de plusieurs autres éléments5 tel que :
clientèles, concurrents, consommateurs…
Quant à la définition du droit de la concurrence, plusieurs possibilités sont
fréquemment proposées.
Une première définition stricte, identifie le droit de la concurrence comme l’ensemble
des règles ayant pour objet d’assurer la régulation du marché. « Le droit de la
concurrence serait donc le droit de police du marché, un droit d’origine administratif
qui a pour objectif le contrôle des ententes, les abus de domination, des concentrations
ou les aides d’Etat »6
Sous cet angle, le droit de la concurrence est constitué par l’ensemble des normes qui
visent à garantir le bon fonctionnement des marchés, dans le cadre d’une économie
concurrentielle.

3
Lionel Zevounou. Les usages de la notion de concurrence en droit. Librairie générale de droit et de jurisprudence,
2012, coll. ”Droit public". ffhal-01630848f.
4
Hafidha Cheker, La signification de la concurrence, AJT, n°7, 1993, p15.
5
Voir en ce sens, Alain (B), Principes de concurrence, Economica, 1998
6
Daniel Mainguy et Malo Depincé, Droit de la concurrence, LexisNexis, Paris, 2015, p.35
4

Ce droit de la concurrence n’a pas pour but immédiat la protection de l’entreprise, ni


celle des consommateurs, mais bien la protection des conditions de la concurrence
La première comporte les règles qui ont pour but de maintenir la concurrence dans les
justes limites, de veiller à ce qu’elle s’exerce de façon loyale, raisonnable, tempérée.
Sous cet angle, le droit de la concurrence considère la concurrence comme une donnée
acquise et il se préoccupe d’en limiter les excès
Cette branche alors sanctionne la concurrence excessive qui utilise des moyens
contraires à une certaine éthique commerciale. C’est le cas des règles qui sanctionnent
la concurrence déloyale condamnant le dénigrement d’un concurrent, le détournement
de la clientèle d’un concurrent par des méthodes commerciales contraires aux usagers7
La seconde branche, elle comprend les règles ayant pour objet la protection de la
concurrence et en favoriser le développement. Ces règles condamnent non pas les
excès mais les limitations de concurrence qui résultent de certains comportements
d’entreprises, ce qu’on appelle les pratiques anticoncurrentielles8
Il s’agit essentiellement des pratiques attentatoires au fonctionnement du marché selon
la loi de l’offre et de la demande, plus précisément « toute pratique ou opération
coupable de corrompre les mécanismes naturels du marché9 »
Toutefois la conception de la concurrence selon les doctrines économiques :
Selon Ecole de Harvard au début des années 1970 : Sa philosophie à propos de la
concurrence se traduit par le fait que le pouvoir économique doit être diffusé sinon il
est dangereux elle est considérée comme l’approche démocrate du droit de la
concurrence. Et dans ce sens le droit de la concurrence est protecteur des libertés
individuelles.
Pour l’Ecole anti trust de Chicago qui adopte une logique plus libérale et qui se veut
comme suit : plus la concentration économique est forte, plus il y a du profit. Plus
qu’il y a profit plus les coûts sont rabaissés au profit du consommateur10.
Quant aux ultra-libéraux, ils sont pour l’autorégulation du marché et la non
intervention des pouvoirs publics dans le marché.

7
Blaise Jean-Bernard, Droit des affaires : commerçants, concurrence, distribution, LGDJ, Paris, 2002, p.314
8
Idem, p. 314.
9
Letourne Philipe, au liberté, égalité, fraternité dans le droit de concurrence, GAZ.1991, p.349
10
V. F. Souty, La politique de la concurrence aux États-Unis, PUF, coll. « Que sais-je ? », n° 2945, 1995. E. Combe,
Économie et politique de la concurrence, Dalloz, 2005.
5

Par ailleurs, on note que les enjeux du droit de la concurrence varient en fonction des
époques et des options politiques du moment en la matière.
Tout d’abord, on doit rappeler que le droit de la concurrence est né pour la première
fois aux USA suite à l’acte de 1890 “Sherman Act” 11considéré comme le premier
texte qui a traité la question de la concurrence conçu également comme le texte
fondateur du droit de la concurrence.
Cet acte s’est vu dans un contexte bien déterminé suite à une agitation sociale dans le
monde agricole à cause de l’existence de trusts, d’où l’adoption d’une législation
anti-trust comme réaction à ce phénomène. Ensuite la Standard Oil (Rockefeller) une
sorte de charte aussi qui concerne la matière de la liberté économique. Son adoption
s’est fut en 1914 de deux textes complémentaires :
Le premier The Clayton antitrust Act 1914 : encadre les concentrations d’entreprise,
les fusions, et la constitution d’entreprises géantes.12
Et le second The Federal Trade Commission Act a créé une Agence fédérale de
contrôle des pratiques contraires à la Concurrence (Federal Trade Commission).
En Droit Européen13 la philosophie était différente. En 1957 le Traité de Rome était le
texte pierre fondamentale en la matière et prévoyait des règles de concurrence qui
visent en particulier le droit aux autorités européennes de surveiller les cartels.
Le droit européen de la concurrence a été renforcé dans les années 90 avec l'apparition
du contrôle des concentrations. La libre concurrence est l'une des obligations
imposées aux États-membres par l'article 3 du Traité de Rome : « l'action de la
Communauté comporte […] l'établissement d'un régime assurant que la concurrence
n'est pas faussée dans le marché commun ».
Ce droit qui s'impose à l'ensemble des pays de l'Union Européenne, est à présent régi
par le titre VII du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE).

11
Murray Rothbard, The Progressive Era, Ludwig von Mises Institute, 2017 (ISBN 1610166744 et
978-1610166744, p. 602 ainsi Patrick Newman, « The Revenge Origins of the Sherman Antitrust Act » , 4 août 2018
… Robert Bradley Jr., « On the origins of the Sherman Antitrust Act », Cato Journal, no 9, 1990, p. 737-742
Et « Sherman to Alger », New York Times, 25 mars 1890 voir également : Hubert Patrick, Castan Adrien, « Droit
constitutionnel et liberté de la concurrence », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2015/4 (N° 49), p.
15-27. URL : https://www.cairn.info/revue-les-nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel-2015-4-page-15.htm.
12
V. F. Souty, La politique de la concurrence aux États-Unis, PUF, coll. « Que sais-je ? », n° 2945, 1995. E. Combe,
Économie et politique de la concurrence, Dalloz, 2005 précité.
13
Wise Michael, « Droit et politique de la concurrence dans l'Union européenne », Revue sur le droit et la politique
de la concurrence, 2007/1 (Vol. 9), p. 7-98. URL :
https://www.cairn.info/revue-sur-le-droit-et-la-politique-de-la-concurrence-2007-1-page-7.htm.
6

En France14, le droit français 15de la concurrence a été instauré par l'ordonnance du 1er
décembre 1986. « Les prix des biens, produits et services relevant antérieurement de
ladite ordonnance sont librement déterminés par le jeu de la concurrence ».
L'ordonnance a institué le Conseil de la concurrence, remplacé depuis 2008 par
l'Autorité de la concurrence16. Ses dispositions ont été codifiées dans le livre IV
(articles 410-1 à 470-8) du Code de commerce.
On souligne que, la politique de concurrence dans les États démocratiques est un
moyen de construction de « l’économie sociale de marché »17 associant économie de
marché à la démocratie. Le débat sur ces politiques préoccupe aussi les Etats en
transition18, ce qui a mené à un transfert du modèle néolibéral dans le cadre de la
transition démocratique qui véhicule de nouveaux référentiels marchands, des
conditions pour une véritable transition économique19.
En Tunisie le droit de la concurrence a subi plusieurs évolutions, au début malgré
l'importance de la question le législateur tunisien s’est limité à réglementer la matière
par des dispositions générales insérées dans le Code des obligations et contrats20.
Ensuite par l’adoption de la loi n°70-26 du 19 mai 1970 relative aux modalités de
fixation des prix et à la répression des infractions en matière économique21.
« La Tunisie s’est engagée depuis les années 1980, dans un processus de réformes
économiques adoptant notamment la libéralisation du commerce et des prix, la
privatisation des entreprises publiques et ce dans un objectif visant son intégration

14
Wise Michael, « Droit et politique de la concurrence en France », Revue sur le droit et la politique de la
concurrence, 2005/1 (Vol. 7), p. 7-91. URL :
https://www.cairn.info/revue-sur-le-droit-et-la-politique-de-la-concurrence-2005-1-page-7.htm
15
J.-B. Blaise, « Une construction inachevée : le droit français des ententes et des positions dominantes », in
Études dédiées à René Roblot, LGDJ, 1984, p. 160.
16
Aurélien Condomines, Droit français de la concurrence, Ed. Jurismanager 2009.
17
C.Prieto, « L’Europe et le droit de la concurrence : des malentendus aux mérites reconnus ». JCP G 2007, I, 132.
18
« Les objectifs du droit et de la politique de la concurrence... », Revue sur le droit et la politique de la
concurrence, 2003/1 (Vol. 5), p. 8-30. URL :
https://www.cairn.info/revue-sur-le-droit-et-la-politique-de-la-concurrence-2003-1-page-8.htm.
19
A défaut d’un véritable « plan Marshall » (v. Collectif, « Un plan économique pour soutenir la transition
démocratique en Tunisie », Le monde 17.5.2011)
20
C’est ainsi que les articles 90-91-92 du code des obligations et contrats réglementent l’action en concurrence
déloyale.
21
La loi n°70-26 du 19 mai 1970, relative aux modalités de fixation des prix et à la répression des infractions en
matière économique, J.O.R.T, 19-22 Mai 1970, pp.617-621.
7

dans une économie de marché et le renforcement de la compétitivité des entreprises ».


22

De plus« Le droit économique tunisien des années 70 et 80 était beaucoup plus axé
sur le contrôle économique des prix et de la qualité que sur la loyauté de la
concurrence et des transactions »23.
Après deux décennies que s’est fut l’adoption de la loi du 29 juillet 1991 relative à la
concurrence et aux prix.
Suite à la globalisation, l’ère de la mondialisation qui a ouvert toutes les frontières
entre les pays du bassin méditerranéen ; surtout après la conclusion de l’accord de
l’association entre la Tunisie et l’UE dans les années 90 et la redéfinition du rôle de
l’Etat surtout en matière économique tout l’équilibre s’est basculé et remis en cause
surtout avec la question de l’efficacité et le souci du maintien du jeu concurrentiel.
Et avec les mutations économiques qui s’opèrent à l’échelle internationale qui ne va
pas son apport, la sphère tunisienne relative au droit de la concurrence se trouve au
courant et s’est influencée 24trop du droit comparé notamment le traité de Rome et
l’ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986.
Le texte a connu cinq réformes principales pour se rapprocher de la législation
européenne avant d’être abrogé par la loi n°36-2015 de 15 septembre 2015 désormais
le nouveau code du droit de la concurrence et elle vient combler les défaillances du
précédent surtout pour résoudre les problèmes relatifs à l’enjeu concurrentiel.
La concurrence, cette « nouvelle orthodoxie »25, qui est « identiquement de l’essence
des économies de marché et celle des régimes démocratiques »26 s’est en effet

22
OCDE, DIRECTION DES AFFAIRES FINANCIÈRES ET DES ENTREPRISES COMITÉ DE LA
CONCURRENCE, Forum mondial sur la concurrence LE DROIT DE LA CONCURRENCE ET LES
ENTREPRISES PUBLIQUES - Contribution de la Tunisie - Session V - 30 novembre 2018. Document publié sur :
https://one.oecd.org/document/DAF/COMP/GF/WD(2018)71/fr/pdf.
23
Mohammed ben fraj, commission de la concurrence, AJT, n°7, 1993, p35.
24
Jaidane Riadh, « L'influence du droit français sur le droit tunisien des concentrations économiques », Revue
internationale de droit économique, 2002/4 (t. XVI, 4), p. 655-678. DOI : 10.3917/ride.164.0655. URL :
https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2002-4-page-655.htm
25
J.caillosse, La constitution imaginaire de l’administration, Paris, PUF, 2008, p.259
26
C.Champaud, « Régulation et droit économique », op.cit., p.41.
8

imposée, dans notre ordre juridique et trouve dans la loi relative à la réorganisation de
la concurrence et des prix27 l’expression de sa légitimité.
En fait « le cadre juridique, tel qu’il se présente aujourd’hui, est exhaustif, proche de
la réglementation européenne et très adapté aux exigences nationales et
internationales. La promulgation de la loi sur la concurrence s'accompagne d’un
processus de libéralisation économique qui a concerné le commerce, l’investissement
et la privatisation des entreprises publiques. La déréglementation a été aussi une
composante essentielle de la réforme en vue de créer un contexte favorable à la
concurrence et à l’initiative privée ».28
Au surplus la réforme de 2015 est inscrite dans un contexte post révolutionnaire qui
doit être compatible avec les besoins du pays et la fragilité du contexte politique,
social et économique (grèves fréquentes, fragilité macroéconomique, la contrebande,
commerce parallèle…)29
Au fil des années, les acteurs sont passés d’une bataille 30juridique qui visait à
renforcer le processus de marché unique, mais favorable au consommateur, à une
bataille relevant certainement aujourd’hui de la diplomatie économique. Il a souvent
été question de concurrence déloyale31.

27
Loi n°2015-36 du 15 septembre 2015, relative à la réorganisation de la concurrence et des prix, loi portant refonte
du régime de la concurrence et des prix qui a abrogé la loi n°91-64 du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux
prix et ses modifications ultérieures. (JORT, n°77-78, du 25-29 septembre 2015, p. 2320).
28
OCDE, DIRECTION DES AFFAIRES FINANCIÈRES ET DES ENTREPRISES COMITÉ DE LA
CONCURRENCE, Forum mondial sur la concurrence LE DROIT DE LA CONCURRENCE ET LES
ENTREPRISES PUBLIQUES - Contribution de la Tunisie - Session V - 30 novembre 2018. Document publié sur :
https://one.oecd.org/document/DAF/COMP/GF/WD(2018)71/fr/pdf.
29
Voir, Article : Neji Baccouche, droit de la concurrence et accord d’association entre la Tunisie et l’Union
européenne et ses Etats-membres, colloque Droit de la concurrence et accord d’association UE-Tunisie, juin 2017,
disponible sur le lien : https://blogdroiteuropeen.com
30
Comme signale également le président du conseil de la concurrence monsieur Ben Mahmoud Ridha dans le
préface du rapport fait par l’OCDE il estime « Veiller à ce que la réglementation ne soit pas inutilement lourde est
essentiel au fonctionnement dynamique et efficace des marchés. En même temps, il est important d’apporter une
réponse efficace aux besoins des consommateurs et de tenir compte des impératifs de développement économique et
social du pays avec tous les arbitrages nécessaires entre les différents instruments de politique économique. »
rapport disponible sur : https://www.oecd.org/daf/competition/ca-tunisia-review-2019-fr.pdf.
31
V. M.-L. Izorche, Les fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, RTD com. 1998,p.
17.
9

L’évolution de la concurrence en Tunisie bascule entre la pression libérale 32et la


tentation dirigiste, mais la question ne se rapporte pas seulement au positionnement de
l’Etat et son action sur le marché mais plutôt aux enjeux visés par l’action de l’Etat
dont primordialement le « bien-être commun » dans sa dimension pluridimensionnelle
grâce à un renouveau de l’action de l’Etat tournée vers plus d’efficacité et de
démocratie économique sur le marché. 33
Ce sont les enjeux principaux du droit de la concurrence, car pour l’essentiel le droit
de la concurrence a pour mission de protéger le marché des pratiques nuisant à la
qualité de la concurrence. Il interdit donc les pratiques anticoncurrentielles que sont
les ententes et les abus de domination, sanctionnées par le Conseil de la concurrence.
Comme il contrôle les concentrations, consistant en la fusion de plusieurs entreprises
ou en la prise de contrôle d’une entreprise sur une autre.
Bien évidemment la concurrence introduit une logique guerrière. Les règles sont
souvent écartés Celles-ci sont écartées, sous l’influence du modèle concurrentiel.
Toutefois ce paradoxe illustre la diversité des enjeux de ce droit, on ne sait plus si
c’est un droit au service du plus puissant économiquement, ou le protecteur des PME,
ou bien défenseur du bien-être du consommateur. Les enjeux se multiplient, se
contredisent et se croisent parfois…
Ce qui nous pousse à poser la problématique suivante : Les divers enjeux du droit de
la concurrence sont-ils conciliables ?
Épistémologiquement concilier c’est « Rendre des choses compatibles ; harmoniser.
Concilier ses besoins avec l'intérêt général »34 c’est ce que vise également le droit de
la concurrence. Il cherche à concilier ses différents enjeux qui sont d’une taille
32
« L’engagement dans un processus de libéralisation économique s’est accompagné de la promulgation d’une loi
sur la concurrence et les prix.
Cette loi a consacré la liberté des prix, la prohibition des pratiques anticoncurrentielles et des pratiques
discriminatoires, elle a en outre prévu des dispositions portant sur la protection des consommateurs.
Cette loi qui a fait l’objet de plusieurs révisions reflète une volonté de réhabiliter l’économie de marché et de
renforcer la compétitivité de l’économie.
Le cadre juridique a été valorisé par la mise en place d’un système bicéphale composé d’une autorité indépendante,
le Conseil de la concurrence et la Direction générale de la concurrence et des enquêtes économiques (DGCEE)
relevant du ministère chargé du commerce.
Le conseil de la concurrence et la DGCEE sont chargés de la mise en œuvre de la politique de la concurrence à
travers les missions de surveillance du marché, le contrôle de concentration de promotion de la concurrence, et du
contrôle des pratiques anticoncurrentielles. » Politique de la concurrence, Ministère du Commerce disponible sur le
site officiel http://www.commerce.gov.tn/Fr/politique-de-la-concurrence_11_109.
33
Article mélange :
34
Définition du dictionnaire de Larousse.
10

précaire (I) et qu’il se trouve malgré tout incapable de les concilier puisqu’ils sont
incompatibles (II).

I- Des enjeux à géométrie variable :


Partant de l’article 1er de la loi n° 2015-36 du 15 septembre 2015, relative à la
réorganisation de la concurrence et des prix qui dispose que « La présente loi a pour
objectif de fixer les dispositions régissant la liberté des prix, d'établir les règles
présidant à la libre concurrence afin de garantir l'équilibre général du marché,
l'efficience économique et le bien-être du consommateur.
Elle fixe à cet effet les obligations mises à la charge des producteurs, commerçants,
prestataires de services et intermédiaires, et tendant à assurer la transparence des prix,
à enrayer les pratiques restrictives et les hausses illicites des prix et à prévenir toute
pratique anticoncurrentielle y compris les pratiques et accords nées à l'étranger et
ayant des effets nuisibles sur le marché intérieur.
Elle a également, pour objectif le contrôle des opérations de concentration
économique».
Ce dernier en fixe les variantes objectives 35que cherche le droit de la concurrence. Et
d’après cet article on constate qu’on peut distinguer entre des enjeux relevant de la
macroéconomie (A) et des enjeux s’inscrivant dans la sphère microéconomique (B).
S’agissant de la macroéconomie 36: « La macroéconomie a pour objet l'étude des
grandeurs globales d'une économie : production, investissement, consommation, taux
de chômage, inflation... ».
Donc c’est le fonctionnement économique en général : les politiques économiques à
grande échelle et elle englobe la société dans son ensemble.
Ainsi elle concerne la libre concurrence plus précisément l'équilibre général du
marché, l'efficience économique et le bien-être du consommateur.

35
A voir également : « Les objectifs du droit et de la politique de la concurrence... », Revue sur le droit et la
politique de la concurrence, 2003/1 (Vol. 5), p. 8-30. URL :
https://www.cairn.info/revue-sur-le-droit-et-la-politique-de-la-concurrence-2003-1-page-8.htm.
36
Définition du dictionnaire encyclopédique disponible sur: https://www.universalis.fr/dictionnaire/macroeconomie/.
11

Pour ce qui est de la microéconomie37 : « La théorie microéconomique a pour objet


l'étude des comportements économiques individuels et de leurs interactions dans les
économies de marché, interactions analysées depuis Léon Walras dans le cadre de
l'équilibre général. »
Autrement dit, c'est le comportement de chaque agent économique. Comme elle
étudie les accords entre les besoins des consommateurs et les entreprises qui offrent
les biens et les services.
Ainsi, la macroéconomie concerne la transparence des prix, limite les hausses illicites
des prix et prévient toute pratique anticoncurrentielle, le contrôle des opérations de
concentration économique.

A/ Des enjeux d’ordre micro-économique :

La principale préoccupation du droit de la concurrence est le bon fonctionnement du


système macroéconomique du marché dans le but d’atteindre une efficience
économique.
Ce que recherche le droit de la concurrence moderne, c’est l’efficacité économique. Il
va limiter les concentrations de pouvoir entre plusieurs entreprises (sorte de monopole
collectif) ou bien les monopoles détenus par une seule entreprise. 38
En effet, lorsqu’une entreprise est seule sur le marché ou bien que plusieurs opérateurs
économiques se concertent pour adopter une même ligne de conduite concurrentielle,
il y a immanquablement une hausse des prix, une augmentation de son ou de leur
surplus et une baisse du surplus des consommateurs.39

a-1)- Garantir le bon déroulement du marché :


Comme l’indique le professeur Y.POIRMEUR, « la libre concurrence n’étant en rien
spontanée, elle doit être politiquement instituée et garantie par une autorité

37
Ibid, définit par Edmond MALINVAUD.
38
Linda Arcelin-Lécuyer, « Droit de la concurrence », ISBN 978-2-7535-2753-9 Presses universitaires de Rennes,
2013, www.pur-editions.fr.
39
Linda Arcelin-Lécuyer, « Droit de la concurrence », ISBN 978-2-7535-2753-9 Presses universitaires de Rennes,
2013, www.pur-editions.fr.
12

contraignante. »40, ceci par la mise en place de règles qui prévoit l’organisation de
l’économie et de la concurrence qui sera indispensable pour lutter contre les dérives
de l’organisation privée de l’économie et de « dirigisme privé »41
Le rôle du conseil de la concurrence pour exercer sa fonction de protection de la
concurrence
En effet, les règles de droit de la concurrence ont pour but d’autoriser, voir stimuler la
concurrence entre les entreprises garantissant l’accès au marché , de protéger la
concurrence existante en sanctionnant la concurrence déloyale et les pratiques élusives
de concurrence, de limiter ou interdire la concurrence dans certains cas en autorisant
certaines entités à échapper à l’application du droit de la concurrence (but
exclusivement social) et en concédant provisoirement certains monopoles pour
encourager la recherche (propriété intellectuelle des brevets)42 comme par exemple la
limitation des hausses des prix dans certains secteurs, qui érodent à la fois les gains de
compétitivité et de pouvoir d’achat sans entraver la productivité qui est gage de
croissance et de gains de pouvoir d’achat sans inflation.
En effet, la concurrence est un outil d’émulation de l’offre productive, elle permet de
renforcer la compétitivité des entreprises et les pousse à l’innovation (article 32 du
traité sur le fonctionnement de l'Union européenne). C’est pourquoi la défense de la
concurrence doit être exercée dans le cadre du respect des règles contraignantes dans
un souci de protéger le marché des pratiques anticoncurrentielles et ce par un
ensemble de normes et de structures compétentes d’instaurer de l’équilibre, d’assurer
la transparence des transactions et de lutter contre les concurrences déloyales.
On rappelle dans ce contexte que le conseil de la concurrence assure le respect de
règles contraignantes, et se prononce sur les requêtes afférentes aux pratiques
anticoncurrentielles (les ententes, les abus de position dominante...).
Dans ce cadre il paraît essentiel d’identifier les diverses pratiques anticoncurrentielles,
en effet, « Le conseil de la concurrence se charge de la preuve des pratiques

40
Y.POIRMEUR, Théories de la concurrence et conceptions de l’Etat », in La concurrence et ses acteurs, actes du
colloque international du 12 et 13 avril 2013, Conseil de la concurrence, l’Association Tunisienne de Droit
Administratif. (ATDA), avec la participation de La faculté du droit et des sciences politiques de Tunis, l’Université
Versailles-Saint Quentin en Yvelines et l’Autorité de la concurrence française à paraître.
41
J-K., GALBRAITH, La science économique et intérêt général, éd. Gallimard, 1974, p.110.
42
Les fondements du droit à la concurrence, Pages : 7 Publié le: 13 novembre 2011. Disponible sur
https://www.etudier.com/dissertations/Les-Fondements-Du-Droit-%C3%A0-La/300524.html
13

anticoncurrentielles qui marquent les limites de sa compétence juridictionnelle43”.


Ces pratiques sont interdite au termes de l’article 5 de la loi relative à la concurrence,
à savoir les actions concertées, les cartels et les ententes expresses ou tacites ayant un
objet ou un effet anticoncurrentiel et lorsqu’elles visent à :
- Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de l'offre et de la demande,
- Limiter l'accès au marché à d'autres entreprises ou le libre exercice de la
concurrence,
- Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements, ou le progrès
technique,
- Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement44.
Il est également prohibée, d’une part, l'exploitation abusive d'une position dominante
sur le marché intérieur ou sur une partie substantielle de celui-ci, ou d’un état de
dépendance économique dans lequel se trouve une entreprise cliente ou fournisseur
qui ne dispose pas de solutions alternatives, pour la commercialisation,
l’approvisionnement ou la prestation de service45.
D'une autre part, toute offre de prix ou pratique de prix abusivement bas susceptible
de menacer l’équilibre d’une activité économique et la loyauté de la concurrence sur
le marché46.
En effet, dans le marché des télécommunications, le conseil de la concurrence a
condamné l’opérateur historique (Tunisie Télécom) qui est une entreprise publique

43
OCDE, DIRECTION DES AFFAIRES FINANCIÈRES ET DES ENTREPRISES COMITÉ DE LA
CONCURRENCE, Forum mondial sur la concurrence LE DROIT DE LA CONCURRENCE ET LES
ENTREPRISES PUBLIQUES - Contribution de la Tunisie - Session V - 30 novembre 2018. Document publié sur :
https://one.oecd.org/document/DAF/COMP/GF/WD(2018)71/fr/pdf.
44
OCDE, DIRECTION DES AFFAIRES FINANCIÈRES ET DES ENTREPRISES COMITÉ DE LA
CONCURRENCE, Forum mondial sur la concurrence LE DROIT DE LA CONCURRENCE ET LES
ENTREPRISES PUBLIQUES - Contribution de la Tunisie - Session V - 30 novembre 2018. Document publié sur :
https://one.oecd.org/document/DAF/COMP/GF/WD(2018)71/fr/pdf.
45
OCDE, DIRECTION DES AFFAIRES FINANCIÈRES ET DES ENTREPRISES COMITÉ DE LA
CONCURRENCE, Forum mondial sur la concurrence LE DROIT DE LA CONCURRENCE ET LES
ENTREPRISES PUBLIQUES - Contribution de la Tunisie - Session V - 30 novembre 2018. Document publié sur :
https://one.oecd.org/document/DAF/COMP/GF/WD(2018)71/fr/pdf.
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OCDE, DIRECTION DES AFFAIRES FINANCIÈRES ET DES ENTREPRISES COMITÉ DE LA
CONCURRENCE, Forum mondial sur la concurrence LE DROIT DE LA CONCURRENCE ET LES
ENTREPRISES PUBLIQUES - Contribution de la Tunisie - Session V - 30 novembre 2018. Document publié sur :
https://one.oecd.org/document/DAF/COMP/GF/WD(2018)71/fr/pdf.
14

jouissant d’une position dominante sur le marché de la téléphonie fixe en prouvant un


comportement abusif de sa part. »47.
On peut rappeler dans ce contexte la décision n°161419 du 12 juillet 2018, qui se
rapporte au faits que Tunisie télécom a commercialisé une offre «Smart Adsl»
combinant le service de liaison au réseau fixe et le service internet à travers la société
« Topnet » qui lui appartient et ce en détournant les demandeurs d’abonnement vers sa
filiale Topnet à travers le guichet unique. Le conseil a considéré que les pratiques de
Tunisie télécom sont des pratiques anticoncurrentielles (abus de position dominante)
et lui a infligé une amende de 500.000 TND. On rappelle également la décision
n°161429 du 12 juillet 2018 contre Tunisie télécom qui a accordé un avantage
concurrentiel illégal à Topnet (priorité de commercialisation de l’offre) sans
l’autorisation de l’Instance Nationale des Télécommunications. Le conseil a considéré
ces pratiques anticoncurrentielles et a infligé une amende de 1.200.000 TND à Tunisie
télécom et de 200.000 TND à Topnet 48.
a-2)-Promouvoir un fonctionnement concurrentiel des marchés :
cette promotion d’un fonctionnement concurrentiel du marché dépend de deux actions
principales: D’une part, à travers la lutte contre les abus des actions concentrées et de
position dominante et d’une autre part, à travers la lutte contre les cartels et les
ententes
● La lutte contre les abus de domination
Il y a abus de domination lorsqu’une entreprise dominante sur un marché impose à
une autre entreprise des obligations qu’elle ne peut pas refuser en raison de la
situation de domination qu’elle subit. Les actes réalisés par l’entreprise dominante
sont qualifiés d’abusifs en raison de leur caractère déséquilibré.49

47
OCDE, DIRECTION DES AFFAIRES FINANCIÈRES ET DES ENTREPRISES COMITÉ DE LA
CONCURRENCE, Forum mondial sur la concurrence LE DROIT DE LA CONCURRENCE ET LES
ENTREPRISES PUBLIQUES - Contribution de la Tunisie - Session V - 30 novembre 2018. Document publié sur :
https://one.oecd.org/document/DAF/COMP/GF/WD(2018)71/fr/pdf.
48
Conseil de la Concurrence rapport non publié, extrait de l’étude faite par l’OCDE. Document publié sur :
https://one.oecd.org/document/DAF/COMP/GF/WD(2018)71/fr/pdf.

49
Cours de la concurrence disponible sur
https://www.maxicours.com/se/cours/le-droit-de-la-concurrence-et-la-protection-du-marche/.
15

Au sens de l’article 5 de la loi de 2015 relative à la concurrence : « Sont prohibées, les


actions concertées, les cartels et les ententes expresses ou tacites ayant un objet ou un
effet anticoncurrentiel ».
L’abus de position dominante : « La position dominante concerne une position de
puissance économique détenue par une entreprise, qui lui donne le pouvoir de faire
obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui
fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure
appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des
consommateurs.
Ce type de comportements abusifs anticoncurrentiels obéit à un principe : c'est l'abus
qui est prohibé et non pas la position dominante en elle-même.
En effet, la doctrine et la pratique largement majoritaire tendent à considérer que seuls
les abus de positions dominantes sont condamnables et non pas les positions
dominantes en tant que telles. On note également que la loi Tunisienne s'inscrit dans
cette mouvance.
On peut citer comme exemple de l’abus de position dominante, les accords
d’exhaustivité dans le cadre de l’affaire Coca-Cola en 2005 qui témoigne d’un profit
excessif de la situation de domination en lésant les consommateurs à travers des
pratiques d’approvisionnement exclusives avec les magasins et cafés sur le marché
des boissons Gazeuses.
On ajoute également l’exemple de la Décision n° 5181 du 10 novembre 2005 (Société
«MEDIFET» contre la pharmacie centrale de Tunisie et deux sociétés médicales) dans
laquelle le conseil a considéré que la pharmacie centrale de Tunisie occupe une
position dominante sur le marché de l’importation du médicament en vertu des
dispositions de loi N° 90-105 du 26 novembre 1990.
La législation tunisienne régissant le secteur des médicaments repose sur la séparation
entre, d’une part, l’autorité chargée de la prise des décisions relatives aux
autorisations de mise en circulation et à l’octroi des visas, lesquelles décisions sont
prises par les services du ministère de la Santé et les structures qui y sont rattachées,
et sont d’ordre administratif dépassant le champ de compétence du Conseil de la
concurrence, et, d’autre part, la mission relative à la vente, à l’achat et à la distribution
dont est chargée la pharmacie centrale, laquelle mission lui rend applicable la loi
relative à la concurrence.
16

Le fait que la Pharmacie Centrale occupe une position dominante sur le marché de
l’importation du médicament, ne l’exonère pas à l’égard de ses clients et de ceux qui
entretiennent des relations commerciales avec elle, du devoir d’observer les règles de
la concurrence et de veiller à ne pas se livrer à des activités de nature à fausser le jeu
de la concurrence et de porter atteinte aux intérêts du consommateur et des
concurrents.
En effet, en procédant à l’importation et à la distribution d’un médicament dont
l’importation est prohibée, La Pharmacie Centrale, a nui à l’équilibre général du
marché en portant préjudice au fabricant local unique de ce médicament dont le
volume des ventes a régressé et le chiffre d’affaires a baissé d’une manière
considérable, durant la période considérée.
Le conseil a condamné la pharmacie centrale pour ces pratiques anticoncurrentielles et
lui a infligé une amende de 50.000 TND.
● La lutte contre les ententes
Sont définies comme “ententes” les actions concertées entre plusieurs entreprises. Ce
type de convention est prohibé lorsqu’il a pour finalité de fausser le jeu de la
concurrence et de faire obstacle à la fixation du prix qui doit s'établir par le seul jeu de
l’offre et de la demande, qu'il a pour effet de limiter ou de contrôler la production, les
investissements ou le progrès technique, ou encore lorsqu'il parvient à répartir les
marchés entre les entreprises qui sont parties à cet accord ou les ressources des
approvisionnements destinés aux signataires de l'entente50.
Les ententes entre entreprises concurrentes ont pour objet d’empêcher, de restreindre
ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché. Cependant, on doit signaler que
les ententes ne font pas tous l’objet d’interdiction. Seulement celles qui portent
atteinte à la concurrence de manière significative qu’on peut considérer comme
“ententes anticoncurrentielles", par exemple, des producteurs s’entendent afin de
contrôler les conditions de vente d’un bien au détriment des consommateurs51.

50
Définition du ministère du Commerce disponible sur le site officiel :
http://www.commerce.gov.tn/Fr/les-ententes_11_112.
51
L’affaire Cartel du « lino » du 19 octobre 2017, dans laquelle 3 grands fabricants de revêtements de sol en PVC ont
été sanctionnés par l’Autorité de la concurrence. (Amende totale de 302 millions d’euros).
17

B/ Des enjeux d’ordre macro-économique

Parmi les objectifs majeurs dans le cadre macro-économique dans lequel se déroule la
concurrence sur le marché est la réalisation de la libre concurrence, l'équilibre général
du marché et l'efficience économique dans un souci de promouvoir la compétitivité du
pays et d’atteindre un meilleur niveau de vie et un meilleur taux d’emploi.
Cet objectif majeur dépend dans une large mesure du bon fonctionnement des
marchés, c'est-à-dire d’une certaine égalité des divers acteurs et du maintien d' une
pluralité d’opérateurs économiques. C’est pour cela qu'il est évident que le principe de
l’égalité est conçu comme corollaire au principe de la concurrence.
Un autre objectif est aussi d’une grande importance dans ce même cadre
macro-économique, est celui du bien être du consommateur, en effet, on rappelle ce
que Marie Vignal évoque comme expression pour désigner le bien être du
consommateur, « consumer welfare », et ce afin de souligner le fait que la protection
des concurrents performants n’exclut pas la place du consommateur et son bien être
est symptomatique du bien-être du marché, et le bien-être du marché est indispensable
à celui du consommateur.
D’ailleurs, le droit de la concurrence, de sa conception à sa mise en œuvre, est marqué
par le postulat selon lequel son objectif cardinal s’orienterait vers le consommateur et
la prise en compte de ses intérêts.
Le libre jeu de la concurrence doit donc s’effectuer tout en assurant l’allocation
efficace des ressources et la promotion du progrès et de l’efficacité économique, le
bien-être du consommateur en serait toujours recherché en parallèle temps, et une
concurrence effective lui serait comme nécessairement bénéfique dans la mesure où
elle contribue à un meilleur niveau de vie.
En revanche, une protection du consommateur serait nécessaire à cet effet, et elle
dépendra autant de la réglementation que de la concurrence52.

52
Wise Michael, « Droit et politique de la concurrence en France », Revue sur le droit et la politique de la
concurrence, 2005/1 (Vol. 7), p. 7-91. URL :
https://www.cairn.info/revue-sur-le-droit-et-la-politique-de-la-concurrence-2005-1-page-7.htm
18

La combinaison de responsabilités d’application de la concurrence et de la protection


des consommateurs peut avoir un effet de renforcement mutuel et de plus grande
cohérence.
Parmi d’autres objectifs d’ordre macro-économique est la maîtrise de l’inflation, la
réalisation de l’intérêt général et le bon fonctionnement du marché contribue à un
certain ordre social fondé sur l’égalité des chances.
Autrement dit, les grands objectifs habituellement attribués à la politique de
concurrence se situent à deux niveaux : premièrement, l’objectif spécifique de cette
politique consiste à promouvoir l’efficacité de l’économie en préservant le processus
concurrentiel ; deuxièmement, la politique de concurrence se voit assigner des
objectifs de politique économique autres que l’efficacité, jugés prioritaires, par
exemple la promotion de la compétitivité et même la maîtrise de l’inflation53
On note dans ce cadre, que la législation tunisienne s’est trop inspirée de la législation
européenne notamment le droit français, on peut voir que le droit tunisien cherche
également tout comme le Traité de Rome54 la promotion de la compétitivité et la
maîtrise de l’inflation.
Cependant, on doit signaler le fait qu’une telle multiplicité des objectifs pourrait en
effet devenir source d’inquiétude pour tout responsable en matière de concurrence.

53
Huveneers Christian, « Les multiples objectifs de la politique de concurrence : un système de N équations à N+1
inconnues ? », Reflets et perspectives de la vie économique, 2008/1 (Tome XLVII), p. 9-37. DOI :
10.3917/rpve.471.0009. URL :
https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2008-1-page-9.htm.
54
« Parmi les objectifs généraux du Traité et des objectifs socio-économiques jugés importants que la politique de
concurrence devrait prendre en compte, on cite souvent : La sauvegarde de l’unité du Marché Commun, la promotion
de la compétitivité et de l’emploi et la lutte contre l’inflation dans le contexte actuel de la hausse des prix.»
19

II- Des enjeux Difficilement conciliables:


Les objectifs du droit de la concurrence sont multiples cependant, ils demeurent
incompatibles (A) et les politiques misent en œuvre n'arrivent pas à faire en sorte que
ces objectifs soient compatibles dans le but de réduire la complexité de la matière (B).

A/ l’incompatibilité des objectifs du droit de la


concurrence

Les objectifs du droit de la concurrence reposent sur des approches de la concurrence


qui mènent souvent à des contrebalances.
D’abord, ce droit bascule entre la recherche de l’autorégulation performante Versus la
nécessité de promouvoir la productivité, ainsi, la concurrence a pour objectif principal
de promouvoir la productivité et ceci n’est réalisable que par l’intervention de
l’autorité de régulation qui veille sur sa réalisation convenable or l’autorégulation
performante exige le déroulement spontanée des transactions dans le marché.
En effet, l’autorégulation est un mythe parce que la manière de défendre la
concurrence conduit au résultat inverse. Donc l’autorégulation est irréalisable surtout
avec l’application des articles qui visent le bien-être de la concurrence.
Ensuite, on doit signaler que ce droit cherche désormais de maximiser le bien-être des
consommateurs au détriment des autres objectifs
Le droit de la concurrence prévoit des restrictions à la concurrence dont profitent les
consommateurs touchés par les prix élevés, ou par la perte de qualité ou de choix,
imputables aux restrictions à la concurrence, ainsi le consommateur est souvent
défendu comme étant la victime devant les facilités offertes à certaines entreprises du
marché (émulation de la productivité).
20

On ajoute également que ce droit cherche à faire prévaloir certains objectifs macro sur
d’autres objectifs or la croissance économique ne fait pas tout, une croissance
économique ne réalise pas forcément le développement économique et social surtout
avec l’existence de problème de dysfonctionnement qui affectent gravement le jeu
concurrentiel tel que le marché informel, la corruption, l’accès privilégié au marchés
public, l’absence de mesures appropriées visant à assurer une gestion saine des
affaires publiques, la fragilité de l’appareil juridico-institutionnel et administratif ainsi
que la mauvaise gouvernance qui sont tous autant des facteurs supplémentaires de la
défaillance de la concurrence.
Ensuite, et dans le cadre de l’objectif de maîtrise de l’inflation, on remarque que le
droit de la concurrence vise deux objectifs difficilement conciliables, d’une part, il
cherche plus de croissance et d’une part il cherche moins d’inflation, c’est dans ce
contexte que la discussion d’un lien entre la politique de concurrence et la maîtrise de
l’inflation est évidente.
Le pouvoir de marché des entreprises opérant dans des marchés non concurrentiels
permettrait à celles-ci de hausser leurs prix, indépendamment des évolutions de la
demande. L’exploitation de positions dominantes et l’existence d’ententes contribuent
aussi à la rigidité des prix à la baisse. Dès lors, une politique de concurrence aiderait à
ralentir la tendance à long terme à la hausse des prix. Dans la mesure où les occasions
d’exercer le pouvoir de marché sont réduites, la capacité de transférer des
accroissements de coûts en accroissement de prix serait réduite.
Il faut d’emblée remarquer que, si on acceptait à la fois l’option de faire de la
croissance et de la création d’emplois un objectif de la politique de concurrence et
l’option consistant à charger l’autorité de concurrence d’une responsabilité en matière
de lutte contre l’inflation, cela exigerait de la politique de concurrence de réaliser ce
que les macroéconomistes ont depuis toujours rêvé de réaliser par des dosages de
politiques macroéconomiques (policy-mix) sophistiqués : une croissance de l’emploi
sans hausse de l’inflation.
L’inévitable existence des difficultés inhérentes à la réalisation simultanée de ces deux
objectifs, la maîtrise de l’inflation et la diminution du chômage.
Parmi les états macroéconomiques situés le long de la courbe de Phillips, il faut
encore exclure les situations qui ne satisfont pas la contrainte de la balance des
21

paiements. L’équilibre de la balance des paiements impose en effet une limite


supérieure aux taux d’inflation.
La politique des prix est aussi censée éviter, à court terme, l’amplification et la
diffusion des hausses de prix localisées sur certains marchés, par exemple,
énergétiques et alimentaires, en rompant la spirale hausse des prix, hausse des salaires
nominaux et des coûts et augmentations induites des prix au consommateur.
Assigner à l’instrument « politique de la concurrence » l’objectif de maîtrise de
l’inflation soulève au moins deux questions : premièrement, faut-il considérer le
processus concurrentiel au niveau de chaque marché ou peut-il y avoir un lien entre le
processus concurrentiel de l’ensemble de l’économie et les grands objectifs
macroéconomiques comme la stabilité du niveau général des prix? Deuxièmement, la
politique de concurrence peut-elle être conçue, du point de vue de l’analyse
économique, comme un substitut au contrôle des prix ?

B/ L’incompatibilité des politiques mises en œuvre

Les problèmes de mise en œuvre des politiques de la concurrence font que ce droit de
la concurrence soit qualifié de « monument de complexité ». Cette complexité peut
renverser les pratiques attendues d’une autorité de la concurrence par exemple le
Conseil de la concurrence (français), dans un avis rendu en 2008, en est venu à
encourager les producteurs de fruits et légumes à se regrouper et à se concerter afin de
renforcer leur pouvoir de négociation face à la grande distribution. Ce qui fait que ce
droit commence à prendre des allures de ‘‘droit de la non-concurrence’’ marqué par un
manque d’efficience, en effet, le conseil de concurrence se heurte à des difficultés
substantielles pour stimuler une concurrence largement défaillante qui se déroule dans
un cadre de décalage entre la politique, qui tente d’établir et de promouvoir le libre jeu
du marché, et le réalisme économique des structures monopolistiques.
Cette situation s’explique par un ensemble de facteurs qui ont engendré le déficit et
l’affaiblissement des mécanismes concurrentielles :
22

Le premier facteur est d’ordre conjoncturel et s’incarne dans la question économique


et social dans un contexte de transition55, ce contexte a justifié une extension des
restrictions en la matière56, c’est ainsi et dans un contexte de crise que l’intervention
publique trouve sa légitimation économique, sociale et politique. L’ordre public
spécifique dans ces circonstances-là tolère les prix administrés dans les périodes de
reconstruction ou de grandes vagues d’inflation57.
Le deuxième facteur est celui de l’inertie de l’administration face à certaines
situations dans le marché ou le manque de moyens à sa disposition afin de remplir ses
tâches nécessaires qui rendent ineffective la norme concurrentielle.
Le troisième facteur est celui de l’économie informelle58, qui attire 41,5% de la
population active, ne subit pas les règles de concurrence strictes et donc fragilise
davantage la position des opérateurs économiques sur le marché59. En effet,
l’efficacité du corpus juridique ne se réalise qu’en fonction de répondre aux
préoccupations de petites et moyennes entreprises.
Le quatrième facteur est l’absence de mesures appropriées visant à assurer une gestion
saine des affaires publiques, la fragilité de l’appareil juridico-institutionnel et

55
Sur la crise économique et ses enjeux dans le contexte de la transition, V., Économie politique de la transition en
Tunisie, colloque international de la faculté des sciences juridiques, économiques et de gestion, Tabarka, 27-28 avril
2016, à paraître ; B.GHERIB, « Economie politique de la révolution tunisienne. Les groupes sociaux face au
capitalisme de copinage », Revue Tiers Monde. 2012/4 n°212, p.19 ; C.VERDIER, O.AUDREY et V.CASTEL,
« révolution tunisienne, enjeux et perspectives économiques », note économique AFDB, 11-3-2011.
56
Les dérives du capitalisme et la crise qu’il a engendrée a eu pour effet le retour des pensées protectionnistes et des
résistances économiques, on voit émerger à juste titre, des dynamiques et des initiatives alternatives. Ces
dynamiques contribuent à ouvrir d’autres formes d’action et de nouveaux espaces.
57
Voir l’Article 4 de la Loi 2015-36, qui précise que « …en vue de faire face à des hausses excessives ou un
effondrement des prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise ou de calamité, par des
circonstances exceptionnelles ou par une situation de marché manifestement anormale dans un secteur déterminé,
peuvent être prises par arrêté du ministre chargé du commerce et dont la durée d'application ne peut excéder six
mois. »
58
«L’Institut tunisien d’études stratégiques (ITES) a révélé en février que le deuxième obstacle majeur à la relance
économique en Tunisie est la concurrence inégale à laquelle sont confrontées les entreprises structurées par leurs
homologues non-formelles.
Selon l’étude présentée par l’ITES, et réalisée par la Banque Mondiale, l’économie parallèle en Tunisie attire 41,5%
de la population active, soit 1 453 620 citoyens dont 87,6% sont des hommes.
Ce secteur informel attire également 53,7% de la majorité des hommes tunisiens, contre 21,5% des femmes actives.
Environ 55% des personnes travaillant dans le secteur parallèle n’ont pas poursuivi leurs études au-delà de l’école
primaire, contre 25% du secteur formel ». Tunisie : L’économie parallèle dévore plus de 25% du PIB
Par IB - 15 juillet 2019 – disponible sur :
http://www.webdo.tn/2019/07/15/tunisie-leconomie-parallele-devore-plus-de-25-du-pib/.
59
ICN, Capacity building and technical assistance. Building credible competition authorities in developing and
transition economies, op. cit., p.39.
23

administratif ainsi que la mauvaise gouvernance60 sont autant de facteurs


supplémentaires de la défaillance de la concurrence.
Le cinquième facteur est le manque d’adhésion des pouvoirs publics à une politique
de concurrence qui influence directement le comportement de chaque opérateur
économique et la structure du marché . Les politiques de privatisation et de
déréglementation sont des instruments de renforcement de la concurrence.
Le déficit de la concurrence est lié à « la faible maîtrise du processus de
désengagement de l’Etat »61, l’ouverture à la concurrence et les privatisations
entachées de corruption, l’accès privilégié au marchés publics et la création de
monopoles réglementaires ont contribué à l’élimination de toute forme de
concurrence, l’un des effets pervers de ce système est que toute réforme contrariant
ces privilèges a eu peu de chance d’être appliquée62.
Cependant, l’effectivité de la concurrence exige un accès libre et égal au marché, une
transparence de l’offre et l’absence de discrimination abusive. L’existence d’une
économie concurrentielle rationalisée et appropriée aux besoins du développement
économique et social apparaît ainsi comme nécessaire dans un contexte de transition.
On note que, pour les tenants de la concurrence régulée, la concurrence est un moyen
de lutter contre la corruption et le népotisme. La corruption se manifeste surtout dans
le cadre des attributions injustifiées de monopoles, le risque est tellement évident que
l’on estime que « la corruption est fille de la réglementation »63
Le sixième facteur concerne les dérives de l’interventionnisme de l’Etat et l’incapacité
de la tutelle à contrôler le fonctionnement du marché entraînent la montée de la dette
publique. Ceci par la mise en œuvre de politique de soutien et de subvention et de

60
Les entreprises publiques souffrent de problèmes liés à leur gouvernance interne et externe. Pour les subventions
croisées qui masquent l’inefficacité de certaines entreprises publiques, v. par exemple, dans le secteur de l’énergie,
Banque Mondiale (2014), la révolution inachevée. Créer des opportunités, des emplois de qualité et de la richesse
pour tous les Tunisiens, Revue des politiques de développement, 22 Mai 2014. DC : World Bank, p.92.
61
E.Bouslah, « Le désengagement de l’Etat entre le discours et le réel : Le cas tunisien », Annales de l’université des
sciences sociales de Toulouse T XL, 1992, p.61 ; K Ben Massoud, La privatisation des entreprises à participation
publiques, Thèse de doctorat, dactyl, Faculté de Droit et des sciences politiques de Tunis, 2001.
62
On peut lire dans les analyses de « l’économie politique des réformes » que les monopoles correspondent à des
acteurs politiquement puissants défendant le statu quo qui leur permet de préserver leurs rentes et s’opposant à toute
réforme qui risque de bousculer leurs intérêts. Sur la gouvernance des réformes en Tunisie, voir parmi les alternatifs
possibles, le livre blanc, l’économie politique des réformes La mise en place des réformes : Urgences & Méthodes,
L’institut arabe des chefs d’entreprises. Tunisia Economic Forum 2015.
63
P.SALIN., Libéralisme. Edition Odile Jacob. 2000, p.16.
24

réglementation, aujourd’hui on assiste à une remise en question de cette politique à


partir d’un débat sur ses dérives et sur son efficacité
Enfin un autre facteur s’ajoute, qui est celui de l’insuffisance de l’ouverture à la
concurrence qui reste loin d’être assurée même dans les secteurs libéralisés.
L’exemple le plus frappant est celui des secteurs des transports et ceux des services de
télécommunication, les barrières à l’entrée sont élevées et la concurrence entre les
opérateurs reste faible.
Dans ces circonstances les atteintes à la concurrence peuvent être plus ample,
lorsqu’on atteint le stade d’un oligopole ou d’un duopole, on n’a plus le secours d’une
concurrence potentielle.
En effet, les autorités de la concurrence cherchent parfois des objectifs opposés, par
exemple, le bien-être des consommateurs et en contrepartie l’émulation des
entreprises. Ce qui pose une réelle difficulté pour mettre en œuvre des politiques
cohérentes. En effet, la défense de l’intérêt des consommateurs pousse l’Autorité de la
concurrence à promouvoir le plus grand nombre possible d’opérateurs afin de limiter
les risques d’ententes et de garantir des prix faibles, cependant, ceci s’oppose à la
logique industrielle, qui tend à privilégier un nombre restreint d’opérateurs afin de
soutenir leur viabilité financière et de garantir la pérennité et le développement des
réseaux.
C’est ce qui fait que l’application du droit de la concurrence ne peut constituer la
seule solution aux problèmes posés par la voie de la norme seulement, Seuls le niveau
de développement des secteurs et le changement du rôle de l’État peuvent pousser
vers plus d’ouverture du marché et par conséquent, plus de neutralité concurrentielle64.

La politique de concurrence est souvent dirigé vers des soucis de la maîtrise de


l’inflation à court et moyen terme, mais cela nous amène à une autre question, la
question de savoir si la politique de concurrence peut être conçue comme un substitut
au contrôle des prix, dès lors que les responsables politiques estiment que la politique
macroéconomique de stabilité des prix doit être complétée par des interventions de
nature microéconomique65.

64
OCDE
65
Huveneers Christian, « Les multiples objectifs de la politique de concurrence : un système de N équations à N+1
inconnues ? », Reflets et perspectives de la vie économique, 2008/1 (Tome XLVII), p. 9-37. DOI :
25

La politique de concurrence est aussi parfois dirigée vers des objectifs de contrôle des
hausses de prix, a priori, on doit clarifier que la politique de concurrence n’est pas un
substitut au contrôle des prix, en effet, les règles de concurrence se situent dans une
sphère tout à fait différente puisque l’objectif de la politique de concurrence est de
lutter contre le phénomène de pouvoir de marché au niveau microéconomique et porte
sur le niveau des prix et non sur leur variation dans le temps66.

La politique de concurrence ne devrait pas être instrumentalisée par les


préoccupations actuelles de la résurgence de l’inflation. Certes, les hausses de
productivité à long terme qu’on escompte de politiques actives de concurrence
peuvent faire rêver les responsables politiques de combiner la croissance à long terme
avec de moindres pressions inflationnistes. Mais à court et à moyen terme, la politique
de concurrence augmente la flexibilité des prix, y compris à la hausse67.

10.3917/rpve.471.0009. URL :
https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2008-1-page-9.htm
66
Huveneers Christian, « Les multiples objectifs de la politique de concurrence : un système de N équations à N+1
inconnues ? », Reflets et perspectives de la vie économique, 2008/1 (Tome XLVII), p. 9-37. DOI :
10.3917/rpve.471.0009. URL :
https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2008-1-page-9.htm
67
Huveneers Christian, « Les multiples objectifs de la politique de concurrence : un système de N équations à N+1
inconnues ? », Reflets et perspectives de la vie économique, 2008/1 (Tome XLVII), p. 9-37. DOI :
10.3917/rpve.471.0009. URL :
https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2008-1-page-9.htm

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