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Le Délit D’initié : Ce Qu’il Faut

Savoir !
mars 26, 2021

« L’information est l’oxygène des temps modernes » déclarait le


philosophe suédois Frederik Georg Afgeluis. De même que l’oxygène
permet à tout être vivant de maintenir son souffle de vie,
l’information permet à tous les acteurs des marchés financiers
d’interagir sur marché pour déterminer librement les prix dans le
respect des règles de la concurrence. L’information revêt une
importance dans plusieurs domaines certes, mais elle est
particulièrement plus sensible dans les marchés financiers. Une
information peut faire chuter le cours du marché ou être à l’origine de
sa hausse, en une fraction de temps. Pour assurer l’égalité de
chances entre les acteurs du marché, il faut s’assurer qu’ils aient
tous les mêmes informations au même moment ; à tout le moins,
qu’ils aient été à mesure de les avoir. Il se pose donc le problème des
professionnels qui, en raison de leur fonction ou de leur position,
reçoivent parfois les informations avant que celles-ci ne deviennent
accessibles au public. Ces derniers sont parfois tentés d’exploiter
ces informations pour se faire des profits à titre personnel
directement ou par personne interposée, faussant ainsi l’égalité des
chances et la transparence du marché. D’où l’institution du délit
d’initié pour sanctionner de tels agissements. Qu’est-ce que le délit
d’initié ? En quoi consiste-t-il? Quelles sanctions encourt une
personne coupable de délit d’initié ? Telles sont les interrogations
majeures que suscite ce thème.

Le délit d’initié est défini à article 332-25 du Code pénal burkinabè


comme étant le fait de « tout agent du secteur public ou privé qui
exploite, par anticipation, en connaissance de cause, des
informations non connues du public de nature à rompre l’égalité des
chances ou qui influeraient sur le cours d’une activité économique
quelconque et dont il a eu connaissance du fait de sa situation ou de
sa position ». À l’origine, le délit d’initié était conçu essentiellement
pour mettre en garde les professionnels des marchés boursiers. Mais
avec le temps la notion a évolué et recouvre aujourd’hui un sens
plus large. À l’exemple de la définition du code pénal citée plus haut,
le délit d’initié peut être commis dans le cadre d’une ‘’activité
économique quelconque’’. Autrement dit, l’infraction existe aussi
bien dans le cadre des marchés financiers, mais aussi dans les
marchés ordinaires. L’avancée fulgurante des moyens de
communication moderne a indéniablement été prise en compte car
le risque de fuite des informations est encore plus élevé. Il suffit de
quelques clics et le monde entier a déjà l’information. C’est un délit
intentionnel ; c’est-à-dire que le coupable doit avoir l’intention
d’exploiter l’information pour mettre en cause l’égalité des chances
ou pour influencer le cours d’une activité économique afin d’en
profiter. L’acte matériel de l’infraction se réalise par l’exploitation de
l’information ; c’est-à-dire son usage pour se faire des avantages.
Concrètement l’agent peut, par exemple, vendre l’information à
d’autres personnes, il peut aussi acquérir ou vendre des titres
boursiers lui appartenant pour éviter des pertes ou tirer des profits à
l’avance.

S’agissant des personnes susceptibles d’être coupables, il s’agit des


personnes initiées. Contrairement à certaines législations, le Code
pénal burkinabè ne fait pas de distinction entre ‘’initié primaire’’ et
‘’initié secondaire’’. Il est plutôt question d’agent du secteur public ou
du secteur privé. L’agent doit être vu comme un professionnel,
salarié ou non, exerçant à titre permanent ou occasionnel une
fonction dans le secteur public ou privé. Cette qualité est préalable à
la qualification du délit d’initier au Burkina Faso. Encore faut-il que
l’agent ait eu connaissance des informations en raison de sa
situation (d’agent) ou de sa position. A l’inverse une personne qui
n’est pas agent ni du public ni du privé ne commet pas le délit
d’initier s’il exploite une information, même non encore rendue
publique, mais qu’il aurait reçu à travers des rumeurs. Cependant, un
non-professionnel peut être inculpé pour complicité avec un agent
coupable.

Quant à la sanction, elle est d’une peine d’emprisonnement de deux


ans à cinq ans et d’une amende de cinq cent mille (500 000) à vingt
millions (20 000 000) de francs CFA pouvant aller jusqu’à dix fois la
valeur du profit réalisé. Par ailleurs, la juridiction saisie doit prononcer
d’office la confiscation des biens et des revenus.

‘’Celui qui détient l’information détient le pouvoir’ ’nous enseigne un


adage. Or tout détenteur de pouvoir doit être contrôlé afin qu’il n’y
abuse pas. Le délit d’initié est ainsi ce garde-fou qui veille sur les
initiés afin que l’égalité des chances et les autres principes de la
concurrence puissent être respectés pour le bonheur des acteurs
économiques. Son institution dans le Code pénal mérite donc d’être
saluée à sa juste valeur. Cependant, d’autres interrogations
demeurent à l’aune de l’analyse du délit d’initié ; notamment la
question de la régulation des marchés de la ‘’Blockchaine’’ et des
‘’crypto-actifs’’ communément appelés ‘’crypto-monnaie’’ et
malheureusement très peu connus sous nos cieux. Il est alors
souhaitable que le législateur Burkinabè s’y penche le plus tôt que
possible.

SANKARA Augustin

Revue Juridique du Faso


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