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Mohammed Nabil EL MOUSSALI 35

Le système de gestion intégrée de


la dépense (GID) et performances
budgétaires de l’Etat

Mohammed Nabil EL MOUSSALI


Enseignant-Chercheur Laboratoire Universitaire de Recherche
en Instrumentation et Gestion des Organisations (LURIGOR).
Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales
Université Mohammed Premier - Oujda-Maroc
mn.elmoussali@ump.ac.ma

Dossiers de Recherches en Economie et Gestion : Dossier 11, N° 1 : Février 2023


Le système de gestion intégrée de la dépense (GID) et performances …. 36

Résumé
Le Maroc s’est engagé dans une réforme budgétaire de l’état et des finances
publiques caractérisée par une gestion axée sur les résultats et la recherche de
performances financières des administrations.
La Loi Organique n°130-13 relatives à loi de Finance, a permis de concrétiser cette
réforme en adoptant une gestion budgétaire basée sur des projets, des objectifs bien
précis et des indicateurs de mesure des performances. Cette nouvelle vision de la
gestion des deniers publics se trouve confrontée également aux transformations
numériques que connaisse le monde aujourd’hui. Le Maroc a été conscient de
l’importance des Technologies d’Information et de Communication ainsi que de la
digitalisation dans la modernisation du secteur public. Pour cette raison, la
Trésorerie Générale du Royaume a mis en place depuis 2009 un système
d’information financière pour l’exécution des dépenses publiques appelé système
de « Gestion Intégrée de la Dépense » connu sous l’appellation « GID ».
Le but de mettre en place le système GID c’est de permettre à l’Etat d’avoir une
vision globale de l’exécution de budget alloué aux différents départements, de
faciliter la gestion budgétaire et de permettre plus de transparence des actes
exécutés.
Cet article vise d’abord à présenter le cadre théorique de management des
administrations publiques justifiant l’implantation du système GID. Puis d’évaluer les
apports de ce système à la gestion budgétaire de l’Etat. Enfin d’aborder les enjeux
futurs auxquels sera confronté ce système d’information financière.
Mots-clés
New Public Management – Gestion budgétaire – Système de Gestion Intégrée de la
Dépense – Loi Organique relative à la loi de Finance

Summary
Morocco has embarked on a state budget and public finance reform characterized
by results-based management and the search for financial performance of the
administrations.
The Organic Law relating to Finance Law No. 130-13 made it possible to implement
this reform by adopting budget management based on projects, extremely specific
objectives, and performance measurement indicators. This new vision of the
management of public funds is also confronted with the digital transformations that
the world is experiencing today. Morocco has been aware of the importance of
Information and Communication Technologies as well as digitalization in the
modernization of the public sector. For this reason, the General Treasury of the
Kingdom has set up since 2009 a financial information system for the execution of
‫‪Mohammed Nabil EL MOUSSALI‬‬ ‫‪37‬‬

‫‪public expenditure called the “Integrated Expenditure Management” system known‬‬


‫‪as “GID”.‬‬
‫‪The purpose of setting up the GID system is to allow the State to have an overall view‬‬
‫‪of the execution of the budget allocated to the various departments, to facilitate‬‬
‫‪budgetary management and to allow more transparency of the acts executed.‬‬
‫‪This article aims first to present the theoretical framework of management of public‬‬
‫‪administrations justifying the implementation of the GID system. Then to evaluate‬‬
‫‪the contributions of this system to the budgetary management of the State. Finally,‬‬
‫‪to address the future challenges that this financial information system will face.‬‬
‫‪Key words‬‬
‫‪New Public Management – Budget management – Integrated Expenditure‬‬
‫‪Management System – Organic law relating to the finance law‬‬

‫ملخص‬
‫رشع المغرب ف اصالح مال للدولة وللمالية العامة الذي يتسم باإلدارة القائمة عىل النتائج والبحث عن األداء‬
‫المال لإلدارات‪.‬‬
‫أتاح القانون التنظيم رقم ‪ 130-13‬لقانون المالية تنفيذ هذا اإلصالح من خالل اعتماد إدارة الميانية عىل‬
‫ر‬
‫ومؤشات قياس األداء‪ .‬هذه الرؤية الجديدة إلدارة األموال العامة‬ ‫أساس المشاري ع واألهداف المحددة للغاية‬
‫ً‬
‫تواجه أيضا التحوالت الرقمية الت يشهدها العالم اليوم‪ .‬يدرك المغرب أهمية تكنولوجيا المعلومات‬
‫واالتصاالت وكذلك الرقمنة ف تحديث القطاع العام‪ .‬لهذا السبب‪ ،‬أنشأت الخزانة العامة للمملكة منذ عام‬
‫‪ 2009‬نظام المعلومات المالية لتنفيذ اإلنفاق العام يسم نظام "التدبي المندمج للنفقات" المعروف باسم‬
‫"‪."GID‬‬
‫الغرض من إنشاء نظام ‪ GID‬هو السماح للدولة بإلقاء نظرة شاملة عىل تنفيذ الميانية المخصصة لإلدارات‬
‫المختلفة‪ ،‬لتسهيل إدارة الميانية والسماح بمزيد من الشفافية لألعمال المنفذة‪.‬‬
‫ً‬
‫تهدف هذه المقالة أوال إل تقديم اإلطار النظري إلدارة اإلدارات العامة الذي ريير تطبيق نظام ‪ .GID‬ثم تقييم‬
‫أخيا‪ ،‬لمواجهة التحديات المستقبلية الت سيواجهها نظام‬ ‫ً‬ ‫مساهمات هذا النظام ف إدارة موازنة الدولة‪.‬‬
‫المعلومات المالية ‪.GID‬‬

‫الكلمات الدالة‬
‫اإلدارة العامة الجديدة ‪ -‬إدارة الميانية ‪ -‬التدبي المندمج للنفقات ‪ -‬القانون التنظيم لقانون المالية‬

‫‪Dossiers de Recherches en Economie et Gestion : Dossier 11, N° 1 : Février 2023‬‬


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Introduction
La réforme et la modernisation de l’administration est un phénomène qui qui a
touché beaucoup de pays, soit développés soit en développement. Cette réforme
provient du fait que la gestion administrative au sens classique et bureaucratique est
devenue caduque et ne permet pas se remplir les fonctions essentielles de service
publics d’une manière satisfaisante. Le Maroc, à l’instar des autres pays, a débuté
une réforme de son administration depuis les années 80 et qui a été concrétisée par
plusieurs stratégies durant les trois dernières décennies.
Adopter une nouvelle gestion publique s’intègre dans ce qu’on appelle le New Public
Management (NPM) qui correspond au courant de changement de paradigme de
gestion des organisations publiques qui a touché plusieurs pays développés depuis
les années 70. Le NPM a essayé d’emprunter les principes de gestion des
organisations privées pour les appliquer dans le contexte public. D’où on parle de
Gestion Axée sur les résultats (GAR), de déconcentration, de système d’évaluation
des performances, de planification stratégique d’audit interne etc. Aujourd’hui ces
réformes continuent à travers une nouvelle orientation qui est la transformation
numérique ou la digitalisation des services publics qui a été mise en œuvre par
plusieurs plans notamment « la stratégie e-Maroc 2010 », « la plan Maroc
numérique 2013 » et «la stratégie Maroc Digital 2020 ».
L’efficacité dans la gestion publique a touché tous les domaines publics notamment
la simplification des procédures administratifs pour l’obtention de certaines
documents ou autorisations, modernisation des systèmes d’informations, une
communication plus efficace avec les citoyens etc.
Parmi les domaines douché par le NPM on trouve la gestion budgétaire de l’Etat. La
bonne exécution des dépenses publiques revêt une importance considérable pour la
bonne marche des services de l’Etat et la mise en œuvre des projets d’intérêt public.
Une gestion budgétaire de l’Etat efficace dépend de plusieurs facteurs tels une
programmation bien établie, des cadres financiers compétents et un système
d’information fiable et efficace. La Loi Organique n°130-13 relatives à loi de Finance
(LOF) a concrétisé ces principes en mettant l’accent sur l’efficacité budgétaire, sur la
transparence et sur la réédition des comptes.
Pour s’inscrire dans l’élan de modernisation de l’administration publique et surtout
dans la transformation numérique de cette dernière, le domaine de gestion des
finances publiques a été précurseur dans la mise en place d’outils numériques tels le
Portail des Marchés Publics (PMP), le système « E-budget », le système « WADEF-
AUJOUR » ou le système de Gestion Intégrée de la Dépense (GID). Ce dernier outil
(GID) constitue une vrai révolution dans la gouvernance financière des dépenses de
l’Etat depuis sa mise en place en 2009.
Mohammed Nabil EL MOUSSALI 39

L’objectif de cet article est d’analyse le rôle du système GID dans les performances
budgétaires de l’Etat. Pour cela nous allons dans un premier temps analyser le cadre
de référence qui est considéré comme base à la réforme budgétaire au Maroc à
savoir le NPM et la LOF. Puis dans un second temps, nous allons montrer comment
le système GID a un eu apport positif aux performances budgétaire de l’Etat.
1. Le NPM et la LOF comme cadres de référence à la réforme budgétaire de
l’Etat
Les réformes qu’a connu le service public au Maroc ont entraîné des répercussions
sur le domaine de la gestion des finances publiques. Ces réformes trouvent leur
essence dans le cadre théorique du NPM puis dans les apports de la LOF.
Les premières pratiques du courant NPM sont apparues dans les années 70 pour
remplacer la gestion traditionnelle de « l’Etat providence » c’est-à-dire la gestion
Wébérienne ou bureaucratique. Le NPM a succédé aux premières tentatives de
modernisation des administrations publiques notamment le Planning Programming
Budgeting System (PPBS) aux États-Unis ou la Rationalisation des Choix Budgétaires
(RCB) en France (AMAR et BERTHIER, 2007). Ainsi l’idée principale du NPM est gérer
l’Etat comme une entreprise en appliquant les pratiques managériales de celle-ci afin
d’obtenir l’efficacité et l’efficience souhaitées. La notion du NPM a été
conceptualisée la première fois par C. HOOD (1991).
Selon HOOD et JACKSON (1991), la montée du NPM repose sur les principes
suivants :
- La séparation entre les questions de gestion et les questions politiques ;
- La séparation des unités administratives en unité autonomes ;
- La réduction des coûts et la diminution de la bureaucratie ;
- L’application des principes du management privé dans le sens ou l’accent est
mis sur les résultats que sur les processus ;
- Des politiques basées sur des sondages d’opinions ;
- Une préférence pour une réglementation plus souple.
Même si ce courant a connu une notoriété dans beaucoup de pays (grande bretagne,
Nouvelle Zélande, Canada et autres pays de l’OCDE), il présente néanmoins quelques
limites. Il y’a d’abord le problème de désagrégation et surtout l’agencification qui
présentent le problème de contrôle et la conduite des politiques publiques (Van
Haeperen, 2012).
Cette tendance à considérer qu’il faut moderniser la gestion des établissements
publics (vu qu’ils sont devenus non performants) a touché également le Maroc. On
a vu ainsi les réformes se succéder depuis les années 80, tels le « programme
d’ajustement structurel », le « pacte de bonne gestion », ou le « livre blanc sur la
réforme administrative ». Ces réformes ont eu une réussite relative, puisque les
organismes publics souffrent encore d’une lourdeur administrative et des

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dysfonctionnements qui ne permettent pas de répondre aux besoins des citoyens en


termes de services publics de qualité (Conseil Economique Social et
Environnemental, 2013). Ces dysfonctionnements alarmants ont poussé le Maroc à
suivre la voie de la réforme des services publics.
Parmi les services publics les plus importants et décisifs dans le fonctionnement de
l’Etat il y a les finances publics et plus précisément la gestion des dépenses publiques
telles le paiement des salaires des fonctionnaires ou la réalisations des projets
d’investissements. Pour cette raison ce domaine a eu reçu son lot de reformes depuis
les années 90. Ces réformes concernent : la globalisation des crédits, le cadre des
dépenses à moyen terme (CMDT), la déconcentration des crédits, l’allégement des
contrôles, la revue de la nomenclature budgétaire, la modernisation du système
d’information budgétaire (mise en place du système GID) et la gestion budgétaire
axée sur les résultats (Banque Mondiale, 2007).
Ces réformes qui s’intègrent aussi dans le courant du NPM puisque la gestion des
deniers de l’Etat est passée d’une logique de moyens, qui veut que les crédits
budgétaires soient alloués en « vrac » aux différents services déconcentrés, vers une
logique de résultats qui permet de relier la délégation des différents crédits à des
actions bien précises et des programmes identifiés. Ceci est le principal apport de la
LOF, entrée en vigueur depuis 2015.
La LOF a concrétisé les nouveaux principes de gestion budgétaire de l’Etat
précisément ceux qui figurent dans la constitution de 2011 notamment la bonne
gouvernance, la réédition des comptes et le contrôle des deniers publics (Ministère
de l’Economie et des Finances, 2016). La LOF est basée sur trois piliers : la
performance, la transparence et la réédition des comptes (Ministère de l’Economie
et des Finances, 2019).
Rechercher la performance budgétaire passe par trois axes. Le premier c’est la
programmation budgétaire triennale qui consiste dans une budgétisation glissante
sur trois année. La premières année correspond au projet de loi de finance, puis les
années suivantes sont programmées d’une manière réaliste et qui peuvent être
révisées selon les réalisations de chaque année. Le deuxième axe est la gestion par
des programmes établis pour chaque département ministériel et accompagné d’un
projet de performance. Le troisième axe est la gestion budgétaire axée sur le résultat
qui se concrétise par un changement de la nomenclature budgétaire et par
l’utilisation d’objectifs et d’indicateurs de performance.
La transparence est le deuxième pilier de la LOF qui est un principe de bonne
gouvernance des finances publiques. Selon la LOF ce principe se base d’abord sur la
sincérité budgétaire (pertinence des hypothèses qui servent à la préparation de la
loi de finance) et sur la sincérité comptable (respect des principes et règles
comptables). Le deuxième principe dans le pilier de la transparence réside dans de
nouvelles règles financières qui sont au nombre de trois : assurer un équilibre
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budgétaire entre les dépenses et les recettes, une rationalisation des ressources des
Services de l’Etat Gérée de Manière Autonome (SEGMA) qui doivent détenir au
moins 30% de ressources propres et la tenue d’une comptabilité budgétaire, d’une
comptabilité générale et d’une comptabilité analytique.
Le troisième et dernier pilier est celui de la réédition des comptes qui consiste en
deux principales actions : d’abord les informations communiqués au parlement
(plusieurs rapports et documents accompagnant le projet de loi de finance) et
ensuite le réaménagement du calendrier de vote des projets de loi de finance.
Nous pouvons conclure donc que la LOF a instauré les principes du NPM dans la
gestion budgétaire de l’Etat, ce qui va permettre aux services publiques d’être plus
performants dans la gestion des deniers publics.
Le déploiement de toutes les réformes budgétaires, citées ci-dessus, dépend de
l’existence d’un système d’information budgétaire efficace et moderne. Avec la
digitalisation des services de l’Etat, le système d’information budgétaire est appelé
à innover en utilisant les outils numériques adaptés.

2. La transformation numérique et la gestion budgétaire de l’Etat


Le rôle des systèmes d’informations budgétaire ne se limite pas aux stockage des
données et des indicateurs, mais ces système participent aux pilotage des services
de l’Etat ce par les nombreux avantages qu’ils offrent : d’abord une prise de décision
efficace basée sur des données probantes, puis fournir un tableau de bord des
performances financières, enfin fournir les informations nécessaires aux différents
parties prenantes de l’Etat (citoyens, parlement, partenaires étranger…) permettant
ainsi une transparence dans la gestion des deniers publics.
Pour que le système d’information budgétaires soit efficace, l’utilisation des
technologies d’information et de communication (TIC) joue un rôle important. Ainsi,
dans les années 90 et le début des année 2000 il y avait une utilisation de l’outil
informatique sous forme d’applications et logiciels installées dans les postes des
agents comptables de la Trésorerie Générale du Royaume (TGR).
A partir de 2007, la TGR a débuté un processus de réforme de son système
d’information vers une architecture centralisée et intégrée (Trésorerie Générale du
Royaume, 2013). Parmi les transformations numériques du système d’information
qui ont été mises en place entre 2007 à 2013, on cite :
- Gestion intégrée de la dépense de l’Etat et des collectivités
territoriales (GID) ;
- Système d’information de l’activité bancaire (SIAB) ;
- Gestion intégrée des recettes de l’Etat et des collectivités territoriales (GIR)
;

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- Gestion de la paie du personnel de l’Etat (WADEF-AUJOUR) ;


- Système d’information comptable de l’Etat (SI-PCE) ;
- Programme de la dématérialisation de la commande publique ;
- Portail intranet et internet ;
- Paiement en ligne des taxes locales ;
- Système de conseil financier aux collectivités locales (CFCL) ;
- Système de pilotage et d’aide à la décision.
Tous ces systèmes mis en place ont permis à la gestion des finances publics au Maroc
de prendre le chemin vers une dématérialisation de plusieurs actes administratifs
pour de meilleures performances budgétaires.
Parmi les exemples de cette dématérialisation nous pouvons citer celle de la
commande publique à travers le Portail Marocain des Marchés Publics. Aujourd’hui
les entreprises prétendantes à la commande publiques peuvent soumissionner à
n’importe quel appel d’offre de l’Etat par le biais d’une soumission électronique sans
se déplacer aux locaux du maitre d’ouvrage. Cette innovation a permis de gagner en
efficacité et en transparence et offrir aux entreprises (surtout les PME) plus
d’opportunités pour accéder aux marchés publics.
Le domaine de la dépenses publique connait également une importance
considérable dans la gestion des finances de l’Etat. Pour cette raison un système
ingénieux a été développé depuis 2009 pour mieux gérer les dépenses publiques qui
est le système de Gestion Intégrée de la Dépense (GID). La mise en œuvre du système
GID entre dans le cadre de la modernisation des services publics précisément la
gestion financière publique. Il s’agit d’une Plate-forme de gestion en ligne mise en
place par la TGR, inspirée d’autres expériences internationales notamment le projet
CHORUS en France, le projet SIGFE en Chili et le projet GIRES au Canada.
GID est un système d’information budgétaire et comptable unifié et commun à
l’ensemble des acteurs institutionnels de la dépense publique (Trésorerie Générale
du Royaume). Plusieurs raisons ont poussé la TGR à introduire ce système, parmi
lesquelles on trouve (Banque Mondiale, 2007) :

- Connaitre en temps réel, l’état d’exécution de la dépense effectuée par


chacun des trois acteurs (ordonnateur, comptable et contrôleur) et à chacun
de ses stades ;
- Permettre à chacun des trois acteurs d’accéder à ces informations grâce à la
coordination de la messagerie ;
- Localiser immédiatement les points de difficultés dans l’état d’avancement
de l’exécution ;
- Résoudre les difficultés de rapprochement des écritures des trois acteurs ;
- Suivre en temps réel l’état de consommation des crédits (tableau de bord) ;
- Produire automatiquement les données nécessaires à la production de la loi
de règlement (dépenses) ;
Mohammed Nabil EL MOUSSALI 43

- Permettre des traitements comptables par addition de logiciels spécifiques


en bout de chaîne.

La mise en place du système GID vise l’atteinte de plusieurs objectifs notamment le


fait d’assurer une efficacité dans la gestion des actes de la dépense en réduisant les
délais et les coûts et en simplifiant les procédures tout en respectant la qualité
nécessaire et le respect de la réglementation (El Alaoui, 2013).

La conception du système GID a débuté en 2005 et s’est étendu jusqu’à 2008. Durant
cette phase, la TGR a réalisé un diagnostic de l’environnement de la dépense
publique notamment l’élaboration d’un inventaires des acteurs et l’échange
d’information avec tous les intervenants. L’implication de ces derniers est une
condition essentielle pour la réussite de ce projet. Ainsi, à côté de la TGR d’autres
acteurs interviennent dans ce système notamment l’entité GID, la direction du
budget relevant du Ministère de l’Economie et des Finances, les ordonnateurs et les
sous-ordonnateurs et le Contrôle Général des Engagements des Dépenses (CGED).
La mise en place du système GID a été faite d’une manière progressive (figure n°1).
Ainsi En 2009 et en 2010, le système GID a été testé et appliqué dans les
administrations publiques relevant des départements ministériels. Puis à partir de
2013 il a été appliqué dans les collectivités territoriales (CT), suivi d’une applications
pour les agents comptables à l’étranger (ACE) à partir de 2016.
Vu que les établissements publics ont également une importance dans les finances
publiques, le système GID a connu une application aux Académies Régionales de
l’Education et de la Formation (AREF) à partir de 2018. Enfin en 2019 on a donnée
l’opportunité aux prestataires d’accéder à ce système via « GID-fournisseur » afin de
suivre l’état de leurs dossiers de paiement et également leur permettre de déposer
leurs facture d’une manière digitalisée.

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Figure n°1 : Historique du projet GID

2019/2022
2018/2019 Gid-
fournisseur
Application
2016/2017
aux AREF
Application
2013/2014 aux ACE
Application
s dans les
2009/2010 CT
Application
dans l'Etat

Source : élaborée par nos soins


Cette plateforme (GID) concerne toutes les composantes du budget de l’Etat (Budget
Général, Budget Annexe, Compte Spéciaux du Trésor et SEGMA). Par ailleurs elle
permet de traiter tout le périmètre des actes liés à la dépense publique (Tijani,
2019) :
- Gestion des crédits budgétaires : mise en place des crédits, délégations des
crédits, virements et réservation des crédits ;
- Exécution des dépenses : engagement, liquidation, ordonnancement,
oppositions et règlement ;
- Opérations de fin de gestion : situations de fin d’année, compte
administratif, états de reports ;
- Pilotage transverse de la gestion : tableaux de bord et reporting.
Concernant la sécurité du système GID, nous pouvons dire que cette plateforme a
montré sa fiabilité puisque depuis sa mise en œuvre en 2009, il n’y a eu aucune faille
de sécurité. Ceci est dû au fait que c’est une application auditée et protégée contre
les attaques puisqu’elle utilise un accès sécurisé (https) avec des logins et mots de
passe et également une authentification forte (certificat électronique SSL pour
chaque utilisateur).
Mohammed Nabil EL MOUSSALI 45

3. Les apports du système de gestion intégrée de la dépense aux


performances budgétaires de l’Etat
Comme tous les systèmes d’informations financiers, la plateforme GID a eu des
apports considérables pour l’efficacité et l’efficience budgétaire. Nous allons
analyser tous ces apports en comparaison avec les piliers de la LOF (la performance,
la transparence et la réédition des comptes) qui sont garants d’une gestion
budgétaire publique efficace et également en comparaison avec les principes du
NPM.
Au niveau de la performance, le système GID a permis d’abord une réduction des
coûts et des délais puisque certains actes ont été dématérialisé nécessitant ainsi
moins de temps pour leur saisie, moins de consommation de papier et moins d’effort
de la part des agents. Puis ce système a permis une simplification des procédures. Le
contrôle modulé de la dépense a permis de réduire les documents exigés pour le
même acte de dépense. Enfin GID a permis une réduction des délais, puisque ce
système permis de vérifier les informations saisies notamment le calcul concernant
les bordereaux des prix par exemple.
GID a eu un apport positif au niveau de la transparence. Nous pouvons donner deux
exemple à ce niveau : d’abord il a permis la génération instantanée des situations
des engagements et des émissions. Ceci facilite le travail d’audit et d’inspection et
permet d’avoir une information fiable sans falsification ; puis GID a donné aux
prestataires qui ont des contrats avec l’Etat (marchés, bons de commandes…) de
suivre leur dossiers de paiement via « GID-fournisseur », et également déposer la
facture d’une manière électronique ce qui renforce la transparence et limite les abus
de pouvoir en matière de paiements.
La transparence dans la gestion des dépenses publiques favorise la réédition des
comptes des ordonnateurs et des sous-ordonnateurs. Ainsi par exemple les délais
des engagements et des paiements sont visibles et accessibles pour tout auditeur ou
contrôleur et même pour les prestataires, ce qui fait que chaque administration doit
rendre des comptes en cas de retard dans les actes de dépenses. Au niveau
hiérarchique, le système GID offre à l’administration centrale un droit de regard sur
les sous-ordonnateurs ce qui responsabilise ces derniers plus sur leur actes et facilite
le contrôle.
Nous remarquons alors que GID permet de renforcer les piliers de la LOF et
contribuer ainsi à construire une gestion des dépenses publiques plus efficace et plus
efficiente.

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D’un côté managérial, GID a permis de transformer la gestion financière de l’Etat en


une gestion financière semblable à celle des organisations privées (entreprises) et
concrétiser ainsi les principes du NPM. Utiliser un progiciel de gestion intégrée est
un outil qui est préconisé par les entreprises pour une gestion financière efficace. Le
système GID peut remplir ce rôle vu qu’il offre une information fiable intégrée et
instantanée. Le fait d’offrir des bases de données sur les dépenses (liste des marchés,
liste des bons de commandes etc.) permet de fournir une information utile pour les
décideurs et gestionnaires. Les tableaux de bord et les différents états (reports,
consolidations…) sont des outils de pilotage de la performance qui permettent un
contrôle continu et appliquer par conséquent les principes du contrôle de gestion.
L’évaluation des performances devient plus fluide et plus transparente.
Conclusion
L’administration marocaine est appelée à relever le défi de la performance et la
modernisation. Par conséquent la gestion des deniers de l’Etat nécessite de
nouveaux outils plus moderne et en adéquation avec les transformations
numériques. La crise du COVID et la Crise de la Guerre en Ukraine ont eu un impact
sur les finances publiques de plusieurs pays, de ce fait l’impératif de la rationalisation
des dépenses passe par une gestion efficace de ces dernières. Les outils numériques
apportent leur part dans ce processus en offrant un mode de gestion et de
gouvernance plus efficace et efficient des deniers publics. GID a rempli cette mission
d’une manière fiable ce qui lui permet d’être considéré parmi les meilleures
applications digitalisées utilisé par l’Etat marocain.
L’analyse systémique veut que tout système doive se développer et innover d’une
manière constante. Le système GID doit évoluer dans le sens d’offrir plus de
digitalisation dans le traitement des actes de dépenses et ne pas se limiter à la phase
de dématérialisation qui est accompagnée encore par le support papier. C’est vrai
que cela nécessite des outils techniques, juridiques et managériaux mais franchir le
cap de la digitalisation est nécessaires pour de meilleures performances budgétaires.
Le deuxième défis à relever c’est de continuer la généralisation de ce système vers
les autres établissements publics pour avoir une vision des finances publiques plus
intégrée et complète.
Mohammed Nabil EL MOUSSALI 47

Références bibliographiques
Articles
Amar A. et Berthier L. (2007). Le nouveau management public : avantages et
limites. Gestion et Management Publics, vol.5, Décembre 2007.
El Alaoui M. S. (2013). Le système de gestion intégrée de la dépense. Un acquis
indéniable pour le déploiement des réformes en finances publiques. Revue AL
KHAZINA, n°10 / Août 2013.
Hood C. (1991-a). A Public Management for All Seasons. Public Administration, 69,
1, 3-19.
Hood C. et Jackson M. W. (1991). The New Public Management, a recipe for
disaster. Canberra Bulletin of Public Administration, n°64, May 1991, 16-24.
Ministère de l’Economie et des Finances (2019). Loi Organique relative à loi de
Finances : Levier de modernisation de la gestion publique. Revue Al Maliya n°65 /
Aout 2019.
Trésorerie Générale du Royaume (2013). Spécial, les systèmes d’information : un
instrument de pilotage des reformes des finances publiques. Revue AL KHAZINA,
n°10 / Aout 2013.
Van Haeperen B. (2012). Que sont les principes du new public management
devenus ? Le cas de l'administration régionale wallonne. « Reflets et perspectives
de la vie économique », 2012/2 Tome LI | pages 83 à 99.

Rapports et documents officiels


Banque Mondiale (2007). Etude d’évaluation de la gestion des systèmes de
finances publiques.
Conseil Economique Social et Environnemental (2013). Gouvernance des services
publics.
Ministère de l’Economie et des Finances (2016). Dépliant sur l'essentiel de la loi
organique N°130-13 relative à la loi de finances.
Tijani N., TGR (2019). Présentation du système GID-AREF. Tiré de

Textes juridiques
Dahir n°1-15-62 du 14 chaabane 1436 (2 juin 2015) portant promulgation de la loi
organique n°130-13 relative à la loi de finances.

Webographie
https://lof.finances.gov.ma/ (consulté le 15/09/2022)

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