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KHANFOR ABDELKADER
Enseignant-Chercheur, FSJES, Université Ibn Zoh, Agadir, Maroc.
EL MANIANI MOHAMED
Doctorant, FSJES, Université Ibn Zoh, Agadir, Maroc.
Résumé. L’objectif de tout changement opéré dans les organisations publiques est d’améliorer leur système de management
afin de rendre un meilleur service au citoyen usager. C’est ainsi que les décideurs publics défendent leur programmes
politiques et leurs projets de lois. Cependant, l’efficacité des politiques de modernisation ne se résument pas à la
promulgation des textes des lois mais au niveau de leur impact sur l’amélioration de l’action publique et sa perception par
l’agent public et le citoyen. Le présent article revient ainsi sur le cas de la modernisation de l’administration fiscale
marocaine, les figures de cette modernisation et son impact sur la performance globale ladite organisation publique.
1. Introduction générale
L’amélioration continue est une des valeurs clés des organisations qui aspirent à survivre dans
un environnement instable et en évolution continue. Pour ce faire, les managers mettent en
œuvre toutes les compétences et ressources de leurs organisations afin d’anticiper ou du
moins être en phase avec les changements de leur environnement. En effet, les organisations,
assimilées à un organisme vivant, sont conscientes de cette loi universelle qui leur est imposée
et du fait que le manque d’une étape de l’évolution risque de les mettre en difficulté voir les
condamner à la disparition.
Ce constat est d’autant valable pour les organisations privées que pour les organisations
publiques. En effet, le protectionnisme des Etats ne fait que maintenir les entreprises
publiques défaillantes en état de coma. Certains chercheurs en management public
s’accordent, ainsi, qu’une organisation publique qui n’adopte pas les mêmes principes de
management d’une entreprise privée est loin d’être performante et ne peut être évaluée que
sur cette base. C’est pourquoi, cette dernière décennie est marquée par la volonté des pouvoirs
publics d’accélérer le processus de modernisation du système de management des
organisations publiques.
Moderniser le style de management des organisations obéit, en effet, à un double objectif.
D’une part, permettre à ces organisations de devenir performantes sur le plan managérial et
renforcer leur capacité à défier le marché et ses exigences. D’autre part, il vise à limiter
l’assistanat public par la réduction des aides de l’Etat et de son intervention dans la vie
publique. C’est dans cet état d’esprit que les organisations publiques opèrent aujourd’hui et
cherchent à améliorer et changer leurs règles de management afin de répondre aux aspirations
de leurs parties prenantes : marché, fournisseurs, citoyens et agents publics.
Le mouvement de changement des conditions de gestion des organisations publiques est
mondial conditionnée par les spécificités des pays et des régimes politiques. Le Maroc, dont
l’économie est de tendance libéral s’est engagé dans cette vague de modernisation de ses
organisations publiques depuis deux décennies mais très lentement. Toutefois, l’évolution
rapide des TIC et le développement de l’intelligence artificielle ont plus que jamais forcé les
décideurs publics marocains à se mettre à niveau et apporter des changements au style de
management des organisations publiques dans une perspective de modernisation.
L’administration fiscale marocaine est un exemple concret de la politique de modernisation
voulue par l’Etat afin de palier à plusieurs problèmes notamment, la lenteur et la complexité
des procédures administratives, la surcharge des agents publics et la difficulté de l’exercice du
contrôle fiscal, le faible engagement du contribuable, le développement de la fraude fiscale et
par conséquent le très faible recouvrement des créances de l’Etat.
Partant, notre article cherche à étudier le niveau d’impact de la modernisation de
l’administration fiscale marocaine en tant qu’organisation publique sur son niveau de
performance. Ainsi, nous reviendrons sur la notion de performance et ses contours et
l’appréciation des figures de modernisation perçue.
Ainsi, la réforme du secteur public met l’accent sur des changements délibérés dans la
structure et le processus des organisations publiques dans le but d’améliorer leur
fonctionnement (Awortwi, 2010 ; Pollitt et Bouckaert, 2000).
En accord avec ce précédent modèle de raisonnement, Weibel & al. (2009) stipulent que le
secteur public et les organismes à but non lucratif doivent adopter une attitude et des
comportements similaires aux entreprises privées (Dart 2004). Ainsi, les réformes en cours
dans le secteur public se caractérisent par l'introduction de pratiques et de techniques de
gestion initialement développées pour le secteur des entreprises, telles que les techniques de
budgétisation, l'analyse de marché et la gestion de la performance (Lane 1997; Moynihan
2006).
Une observation du comportement et des changements qui ont affectés les organisations
publiques montrent que ces derniers touchent en premier les techniques de gestion notamment
la rénovation des bâtiments et des équipements notamment l’introduction des TIC. Pour le
décideur et le manager public, les TIC constituent un préalable à l’efficacité et par conséquent
à la performance de l’organisation.
Michel (2005) note dans son étude sur l’e-gouvernement que trois faits majeurs ont marqué la
vie des organisations publiques : la participation accrue du public au processus décisionnel, le
développement de la gestion de la relation client et plus précisément du citoyen usager. De ce
fait, les organisations publiques cherchent à améliorer les services rendus aux citoyens en
réduisant les coûts et les délais, et recherchent des outils. Enfin, l'intégration des TIC dans les
organisations qui ont permis de générer de nouvelles pratiques et services afin de réduire le
coût et la durée des services fournis. Selon Michel (2005), les gestionnaires publics pourraient
alors rechercher, dans les TIC, des possibilités de générer de nouvelles pratiques de
citoyenneté ou de valoriser les pratiques existantes.
Il précise, également, qu’au Maroc les dépenses du secteur public représentent une part
significative du budget de l’État. Le secteur public réalisera certes des gains d’efficacité et
d’efficience importants grâce à la mise en œuvre de services e-gouvernement par le biais d’un
traitement simplifié et automatisé de l’information.
Lancée en octobre 2009, « Maroc Numeric 2013 » est un plan stratégique piloté par le
Ministère du Commerce, de l’Industrie et des Nouvelles, avec un budget de 5.2 milliards de
dirhams. Il s’articule autour de quatre axes : favoriser l’accès à l’internet et à la connaissance,
développer le programme e-gouvernement, améliorer l’informatisation destinée aux petites et
moyennes entreprises afin d’accroître leur productivité, et soutenir les acteurs TI locaux ou
exerçant en offshore.
Toutefois, certains observateurs jugent que : « Le pari numérique est loin d’être gagné. C’est
en tout cas se qui ressort du bilan dressé par la tutelle et les professionnels. Il est aujourd’hui
acquis que la stratégie Maroc Numeric s’étendra à l'horizon 2020 » (Economiste 4049, 2013).
- Mettre le Maroc parmi les TOP 3 des pays MEA (Moyen-Orient et Afrique), hors des
pays du Conseil de coopération du Golf, dans le classement e.GOV (services rendus
aux citoyens et aux entreprisses) ;
- Atteindre 50% des démarches administratives en ligne ;
- Réduire le gap d’accès numérique de 50% ;
Elle a aussi pour missions de concevoir et de mettre en œuvre des projets de l’administration
électronique, développer des prestations numériques dans le cadre du programme e-
gouvernement, fournir l’expérience requise aux acteurs dans le domaine de l’économie
numérique en vue de consolider leurs capacités concurrentielles.
L’une des conclusions des travaux préparatoires des 3e Assises de la fiscalité est que la
modernisation de l’administration fiscale est une exigence et une condition majeures de la
réforme du système fiscal.
Comme l’a indiqué le rapport du Ministère du Commerce sur le la Stratégie « Maroc Numeric
2013», la déclaration fiscale sur Internet pour les entreprises permettra à l’État Marocain de
réaliser des gains de productivité par une collecte simplifiée et un traitement automatisé de
l’information. En contrepartie, elle permettra aux entrepreneurs de réaliser un gain de temps
considérable, en ayant accès à des informations pré remplies et en étant assistés dans le
processus de déclaration en ligne.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, toutes les entreprises marocaines ont l’obligation de
s’aligner aux nouvelles normes légales de la DGI, en procédant à la télédéclaration et au
télépaiement des impôts et taxes.
Discussions
Lors des 3e Assises de la fiscalité, il a été conclu que le processus de numérisation est achevé
dans son premier palier : toutes les interactions de premier niveau avec l’écosystème de la
DGI sont dématérialisées.
Selon, le Directeur Général de la DGI, les données recueillies, grâce à la maturité du système
d’information, permettent d’observer avec plus de précision les fragilités potentielles et
structurelles du système fiscal et facilitent la connaissance exacte de la situation et du
comportement des acteurs.
La troisième édition des assises nationales sur la fiscalité tenue a Skhirat le 03 et 04 mai 2019
a, d’ailleurs, lancé des recommandations pour poursuivre les efforts de modernisation et de
dématérialisation notamment :
Et comme cela a été précisé lors des assises de 2019 sur la fiscalité, la transformation
numérique de la DGI n’a jamais été une fin en soi, c’est le moyen pour assurer plus de
maîtrise et de rationalité des actes, pour dégager des ressources et du temps afin de créer plus
d’intelligence opérationnelle, économique et sociale.
Conclusion
Le changement dans les organisations est une opération lourde et coûteuse. Ses effets sont
mesurables à long termes, mais son aspect est visible à court et moyen termes. La
transformation digitale des organisations publiques est u ne obligation imposée par la
transformation des comportements et le développement accrue et rapide des TIC. En effet, les
sociétés et les économies sont aujourd’hui impactées voire bouleversées par les TIC et leurs
usages.
Le développement de l’intelligence artificielle, des Big Data et des algorithmes
comportementales font en sorte que la société, l’organisation, et le citoyen de demain obéiront
aux règles du numérique. C’est pourquoi, la modernisation de l’organisation publique doit
être en phase avec cette évolution. Tout retard ne fera qu’accentuer le Gap numérique et le
retard ne sera jamais rattrapé.
La performance sera, à cet effet, digitalement mesurable et numériquement visible.
Néanmoins, il est clair que la modernisation des organisations publiques dépend en premier
lieu du capital humain et de son rôle dans la transformation digitale. L’investissement dans
l’infrastructure numérique peut se transformer en charges en l’absence d’une stratégie claire
de développement des capacités et des compétences des ressources humaines de
l’administration fiscale.
Références