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La réforme engagée par la nouvelle LOLF. Cette LOLF apporte-t-elle des modifications au budget
de l’Etat ? »

Dans un contexte marqué par la rareté des ressources (suite au démantèlement tarifaire, baisse
des recettes de privatisation, réforme fiscale, etc.) et par l’accroissement des dépenses
(l’INDH, le RAMED, résorption des bidonvilles, et bien d’autres programmes s’insérant dans
la stratégie du développement économique et social), la modernisation et la rénovation des
procédures budgétaires constitue un véritable levier de la réforme de l’Etat.
Ladite réforme a nécessité la mise en œuvre de la Loi Organique de la Loi des Finances
(LOLF) et ce en adoptant une nouvelle approche pragmatique, progressive et participative,
qui vise le passage d’une gestion basée sur la consommation des crédits vers une logique axée
sur les résultats.

Mais qu’est ce que donc cette LOLF ? Et quels sont ses principaux apports qui peuvent mettre
terme à la fragilité persistante des finances publiques ? Autrement dit, cette réforme
apportera-t-elle des modifications opportunes au budget de l’Etat ?

La Loi Organique de la Loi de Finances, comme son nom l’indique, est une loi
« organique » ; c’est-à-dire qu’elle est structurante et relative à l’organisation des pouvoirs.
Ceci implique qu’elle ait une valeur supérieure aux lois dites « ordinaires » (comme les lois
de finances annuelles).

De ce fait, on l’assimile souvent à une « constitution financière » dans la mesure où elle


établit avec clarté et précision les procédures d’adoption des lois de finances (préparation,
élaboration, vote et contrôle politique de la LF annuelle).

Au Maroc, dans le contexte actuel où la soutenabilité des finances publiques est la priorité des
gouvernements, la consolidation des budgets et des comptes des différents acteurs va
permettre de renforcer la cohérence de l’intervention publique, ce qui est recherché dans les
règles de management intégré ou consolidé des budgets (Etat, Etablissements publics) dans le
cas où il serait visé une certification annuelle du compte général de l’Etat par l’institution
supérieure de contrôle qu’est la Cour des Comptes. Cette consolidation aura l’avantage de
permettre une vision d’ensemble et stratégique voire programmatique des finances publiques,
notamment en matière de déficit, d’investissement public et de risques encourus par l’Etat.

Dans ce dispositif, la LOLF fut enfin adoptée en Janvier 2014 dans l’ambition de mettre un
terme à la dilapidation des deniers publics par le biais de la performance, d’une approche plus
orientée vers les « résultats », de la responsabilisation des gestionnaires publics lors de la
préparations des morasses (projets de budgets) et de la reddition des comptes annuelle au
moyen d’une certification annuelle des capacités de gestion et l’évaluation des performances
ministérielles par l’IGF en l’occurrence.

En effet, cette réforme vise à doter le Maroc d’un système financier public fondé sur la
performance et l’efficience de façon à substituer à la logique de moyens qui se limite à
l’utilisation ou la « consommation » des crédits une logique de résultats prenant en compte les
réalisations obtenues par rapport aux objectifs fixés (indicateurs de moyens et indicateurs de
résultats définis annuellement et revus l’année qui suit). Ceci nécessite l’assouplissement des
documents budgétaires de façon à les rendre plus lisibles, cohérents et rationnels. Cela
permettra aux gestionnaires budgétaires de disposer d’une plus grande marge de manœuvre
dans la gestion des crédits budgétaires mis à leur disposition en contrepartie de leur
engagement de réaliser des performances préalablement définies. Donc, il va falloir définir les
missions, les programmes et les indicateurs de performance. Ce texte de la LOLF a proposé
une nomenclature de déclinaison de la programmation budgétaire à partir du chapitre /
département, en passant par le niveau intermédiaire innovateur qu’est la région en arrivant
aux crédits alloués aux actions autrement dit les opérations. Par ailleurs, ce schéma n’est pas
encore clair et n’a pas été précisé par le Ministère de l’Economie et des finances au vu de
l’observation des professionnels du budget de l’Etat. Il s’agit donc d’un travail de longue
haleine qui nécessitera l’adaptation de la structure administrative et fonctionnelle du budget et
sa présentation et vote au parlement, et la réforme des textes de loi des institutions de
contrôle…

La réforme propose également de réduire le nombre de catégories des comptes spéciaux du


Trésor, de rationaliser la création et la gestion des services de l'Etat gérés de manière
autonome pour éviter la dispersion de l’information financière et mettre fin à la déperdition
des fonds publics et réduire de ce fait la fragilité et les supports dont la gestion demeure
opaque et critiquée dans le champ des finances de l’Etat.

Un autre point important est celui de l’accélération du processus de la déconcentration au sein


de l’administration publique, qui vise à instaurer des relations de contractualisation entre
l’administration centrale et ses services déconcentrés, afin de renforcer l’autonomie des
gestionnaires locaux et de les responsabiliser à travers la fixation des engagements respectifs
des deux parties, des objectifs à atteindre en contrepartie des ressources matérielles, humaines
et financières mises à la disposition de ces services et du calendrier de réalisation des
différents niveaux de performance retenus. Ceci a pour objectif d’assurer une véritable gestion
de proximité à même de répondre avec efficience aux attentes des citoyens dans la perspective
d’instaurer le projet de régionalisation avancée tant attendu.

La LOLF établit en outre de nouvelles règles financières pour renforcer l'équilibre financier et
améliorer la transparence budgétaire et ce à travers plusieurs actions dont notamment :

 l’enrichissement continu de l’information budgétaire mise à la disposition du


parlement, des opérateurs économiques, des mass-médias et du public en
général à l’occasion de la présentation du projet de LF ;
 la réduction du retard dans la préparation des lois de règlement (de 7 à 2 ans) ;
 l’amélioration de la lisibilité budgétaire ;
 la vulgarisation de l’information budgétaire ;
 ...

S'agissant du quatrième objectif, il s'agit de l'accroissement du contrôle parlementaire au


niveau des finances publiques, à travers la mise à la disposition du Parlement des données
précises, et la définition du calendrier et des modalités de vote. A cela s'ajoute l'association du
parlement dès les premières étapes de préparation du projet de loi de finances.
En guise de conclusion, on ne peut nier le fait que l’adoption de la LOLF pourrait remédier à
la fragilité de nos finances publiques dans un moment où l’économie marocaine en a
grandement besoin.

Il reste encore à attendre un laps de temps (entre 3 à 5 années) pour sa mise en place complète
à cause, entre autres, des exigences qu’imposent cette loi et tous les intervenants désormais
directement concernés, notamment les parlementaires. Et encore, puisse-t-elle opérer le
changement de culture administrative et parlementaire attendu. En tout cas, les années
prochaines seraient plus prometteuses, mais encore faudra-t-il prendre en considération les
spécificités du contexte national en confrontant la LOLF à la réalité marocaine !

Il est noté enfin que la réforme de la LOLF en France renferme des leçons dont il importe aux
nationaux de tirer bénéfices. Un différé de 6 ans pour voir être appliquée la loi organique
adoptée en aout 2001. Soit, la réforme avait pris la peine de donner une période aux
administrations de meubler des outils et d’assoir une nouvelle culture du changement
organisationnel et des fonctions du pilotage de la performance (contrôle de gestion,
principalement et évaluation des programmes publics, certification du compte général de
l’Etat, cadre budgétaire à moyen terme sur 3 ans, rapports et projets annuels de performance,
fongibilité des crédits avancées au niveau des programmes donc des départements ministériels
…).

Amina CHIGUER.

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