Vous êtes sur la page 1sur 4

Les mesures d’instruction

Ces mesures d’instruction peuvent prendre la forme d’expertises (par I), de


visite des lieux (par II), d’enquêtes (par III), de serment des parties (par IV) ou
de vérifications d’écritures (par V).

Paragraphe I : les expertises1

Il s’agit de demander l’intervention et l’analyse d’un ou plusieurs experts,


lorsque le litige comporte des points techniques nécessitant l’aide de « gens de
l’art ».

Le juge désigne donc un expert inscrit auprès du tribunal, ou


exceptionnellement, un expert spécialement en vue du litige. C’est également
le juge qui détermine les points sur lesquels portera l’expertise dans la forme
de questions techniques et à l’exclusion de tout point de droit.

Si l’expert doit rendre un rapport écrit, le juge fixe le délai dans lequel ce
rapport doit être déposé auprès du greffe. S’il est oral, le juge fixe la date de
l’audience à laquelle l’expert exposera son rapport, en présence des parties
dûment convoquées, et ce rapport sera consigné dans un procès-verbal
indépendant.

Si l’expert ne peut ou ne veut remplir sa mission, le juge en désigne un autre


à sa place, sans convoquer les parties, mais en les informant aussitôt.

Notons qu’un refus sans motif valable de l’expert peut l’exposer à une
condamnation à verser des dommages-intérêts à la partie lésée.

L’expert désigné peut par ailleurs être récusé pour tout motif grave ou lien de
parenté avec l’une des parties. Il peut également être récusé s’il est en conflit
avec l’une des parties, s’il n’est pas compétent dans le domaine en question,
s’il est conseiller d’un des parties ou s’il a déjà fourni un avis ou un témoignage
sur l’objet du litige.

Le juge n’est pas tenu de suivre l’avis de l’expert désigné et à la faculté de


désigner tout autre expert afin d’éclaircir les aspects techniques du litige

1
Voir M.J. Zaki, « l’expertise dans les matières civiles et commerciales » texte en arabe, Imprimerie de
l’université du Caire, 1990. M. El Kachbour, « l’expertise judiciaire en droit de la procédure civile – étude
comparée » texte en arabe, Imprimerie Annajah Al Jadid, Casablanca, 2000. I. zaim, « le régime de l’expertise
en droit marocain », Dar Tinml, Marrakech, 1983
Paragraphe II : les visites de lieux

Quand le juge ordonne une visite des lieux, il fixe le jour et heure auxquels il
y sera procédé en présence des parties.

Il peut ordonner qu’un expert assiste à la visite des lieux si l’objet de cette
visite nécessite des connaissances qui lui sont étrangères.

Un procès-verbal de la visite des lieux doit être dressé et signé par le président
de la formation qui a effectué cette visite et le greffier ou par le juge rapporteur
ou encore le juge chargé de l’affaire et le greffier, selon le cas de figure.

Paragraphe III : les enquêtes2

Il s’agit de vérifier et constater des faits par le biais de témoignages.

Le jugement qui ordonne l’enquête doit indiquer les faits sur lesquels l’enquête
doit porter, le jour et l’heure de l’audience où il doit y être procédé (article 72
du CPC).

Le juge invite donc les parties à se présenter et à présenter leurs témoins aux
jours et heure fixés, ou à faire connaitre au greffier dans le délai de 5 jours,
les témoins qu’ils désirent faire entendre.

Ces auditions de témoins ne se passent pas obligatoirement au sein du


tribunal ; le juge peut décider de se déplacer sur les lieux le cas échéant, et y
entendre les témoins.

Les témoins doivent être entendus sous serment et séparément et ce, que les
parties soient présentes ou non.

Notons que le serment des personnes de moins de 16 ans n’est pas recevable,
et que leurs « dires » sont entendus à titre de renseignements.

L’audition des témoins doit être consignée par le greffier dans un procès verbal
qui doit être signé par le juge, et annexé à la minute du jugement.

Le législateur a encadré la « qualité » de témoins en excluant les parents ou


alliés en ligne directe ou en ligne collatérale jusqu’au troisième degré, à moins
que la loi n’en dispose autrement.

2
Pour plus de précisions, voir arret de la cour supreme N° 815 du 16 Mars 2005
Arret de la cour supreme N° 1080 du 18 Fevrier 1998
I.Bouhmani, « La force probante du LAFIF devant le juge civil et ses perspectives d’avenir » texte en arabe,
Majalate Al Kadaa wa al kanoun, N° 146
A.Abia, « le temoignage LAFIF » texte en arabe in Majalate al Kadaa Wa al Kanoun », N° 150
Ne peuvent témoigner non plus, les personnes qu’une décision judiciaire ou
la loi ont déclaré incapables de servir de témoins (les tenanciers de débits de
boissons par exemple).

Paragraphe IV: le serment des parties3

Ce moyen est un des aspects du CPC inspirés de la tradition arabo-


musulmane.

Il s’agit pour une partie, afin de mettre un terme définitif au litige, de déférer
le serment à son adversaire pour lui permettre de faire la preuve de ses
prétentions.

Le serment doit être prêté à l’audience par la partie en personne, et en


présence de l’autre partie. Il doit être formulé de la manière suivante : « je jure
devant Dieu », et un acte de ce serment est donné par le tribunal à celui qui
l’a prononcé.

En cas d’empêchement légitime, le serment peut exceptionnellement être prêté


devant un juge commis ou une formation commise qui se rend chez la partie,
assisté du greffier qui dresse procès-verbal de l’accomplissement de cette
formalité.

Le serment peut également être prêté devant le tribunal de première instance


du domicile de la partie si celle-ci demeure dans un lieu très éloigné. Un acte
de ce serment lui sera donné par le juge.

Notons que dans des cas précis (article 87), le serment peut être déféré d’office
par le juge à l’une des parties.

Paragraphe V : les vérifications d’écritures et le faux incident

« Lorsqu’une partie dénie l’écriture ou la signature à elle attribuée ou déclare ne


pas reconnaitre celle attribuée à un tiers, le juge peut passer outre s’il estime
que le moyen est sans intérêt pour la solution du litige.

En cas contraire, il paraphe la pièce et ordonne qu’il sera procédé à une


vérification d’écritures, tant par titres que par témoins et, s’il y a lieu, par
expert » article 89 du CPC.

3
Pour plus de developpements, voir I. alaoui Abdellaoui, « les moyens de preuve en droit civil marocain » texte
en arabe, Imprimerie Annajah Al Jadida, Casablanca, 191
-Ettaleb, op.cit.
-El kachbour, op.cit.
L’authenticité des documents « douteux » peut donc être vérifiée par moyen
d’expert qui y procèdera par divers moyens et notamment par comparaison
avec : -des signatures apposées sur des actes authentiques ; des écritures et
signatures reconnues précédemment ; la partie de la pièce à vérifier qui n’est
pas déniée.

Si la suite de cette vérification4, il s’avère que le document a été écrit ou signé


par la personne qui l’a dénié, ce dernier est passible d’une amende de 300
dirhams.

Par ailleurs, il arrive qu’au cours du procès, une pièce introduite par une
partie soit arguée de faux par l’autre partie.

Dans ce cas, le juge peut soit passer outre si cette pièce n’a aucune importance
pour la décision ou si la partie renonce à s’en servir ; soit, si la partie qui a
produit cette pièce entend s’en servir, sursoir à statuer sur la demande
principale et instruit la demande incidente d’ « inscription en faux »5.

Deux cas de figure sont alors possible : soit le demandeur est débouté et il est
alors passible d’une amende de 500 à 1500 dhs, sans préjudice des
dommages-intérêts et des poursuites pénales ; soit l’existence du faux est
établie et son auteur est identifiable, et les pièces sont alors transmises au
ministère public par application du code de procédure pénale.

4
« La vérification d’écriture est effectuée par le biais d’un jugement avant dire droit ordonnant une expertise ou
une enquête en la présence des parties.
Est nulle la vérification effectuée par la juridiction de fond d’office, sans qu’un jugement avant dire droit ne soit
rendu et en violation du principe du contradictoire » arrêt de la cour suprême N° 1279 du 3 Juin 1987, in
Amehmoul, op.cit. notes P. 104
5
Arrêt cour suprême N° 178 du 27 Mars 1968, arrêt cour suprême N° 171 du 1er Avril 1970, arrêt cour suprême
N° 715 du 25 Avril 1989, arrêt cour suprême N° 2284 du 13 Septembre 1993 in Amehmoul, op.cit. notes p. 105

Vous aimerez peut-être aussi