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La procédure pénale est définie par Faustin Hélie dans son ouvrage : de la procédure
criminelle en général, comme : « l’ensemble des formes qui constituent la justice criminelle
et règlent son action. Le but de la loi pénale est de donner une sanction au droit; le but de la
procédure est d’en assurer la complète manifestation. »1
On peut définir la procédure pénale comme la description des interventions des
autorités étatiques (polices et juges) depuis la plainte, la dénonciation ou la constatation d’une
infraction jusqu’à une éventuelle décision définitive.
La procédure pénale réglemente ce qu’on appelle « le procès pénal », et elle élabore,
elle présente l’ensemble des règles relatives à la découverte d’une infraction, du responsable
de cette infraction, à sa poursuite, à son jugement et à l’exécution des peines.
1
Faustin (H.), Chapitre préliminaire de son « traité de l’instruction criminelle », 2e éd. Paris, 1866, T.I, p. 3.
En revanche, dans un procès pénal, les autorités publiques ont la charge de rechercher
les infractions et de mettre en mouvement l’action publique. Le ministère public en tant que
représentant de la société, même s’il est titulaire du droit de mettre en mouvement l’action
publique, n’en est pas propriétaire pour autant. En ce sens, il ne peut pas y renoncer, transiger,
se désister sauf cas exceptionnels2. C'est la manifestation du principe d’autorité ou d’initiative
publique et le principe d’indisponibilité.
Ensuite, dans un procès civil, le ministère public donne son avis sur la bonne
application de la loi, il peut être dans certains cas énumérés par la loi comme partie principale
au procès civil, mais il peut être aussi dans d'autres cas, une partie seulement jointe à ce
procès. Alors qu’au pénal, il en demande au juge l’application, c'est une partie principale au
procès.
En outre, la théorie de la preuve est différente en matière répressive. En effet, les
problèmes de preuve sont plus épineux en procédure pénale qu’en procédure civile. D’abord,
parce qu’en matière civile, la preuve est souvent préétablie. Ainsi, en matière d’actes
juridiques, le contrat est établi par écrit. Or une infraction est un fait juridique. De là, il n’y a
aucune preuve préconstituée, mais seulement des indices.
Le juge aura donc un rôle plus important dans la recherche des preuves en matière
pénale qu’en matière civile.
Enfin, en cas de gain de cause dans un procès civil, il revient au plaideur gagnant de
faire mettre la décision de justice à exécution, ce qui n’est pas le cas dans un procès pénal où
la charge de l’exécution de la décision judiciaire revient au ministère public.
La plupart des définitions du droit pénal proposées par la doctrine sont très larges.
Ainsi, le droit pénal est défini comme « l’ensemble des règles juridiques qui organisent la
réaction de l’Etat vis-à-vis des infractions et des délinquants » ou « comme le droit de la
réaction sociale qu’elle engendre ».
Ces définitions incluent dans le domaine du droit pénal à la fois les règles de droit
pénal de fond et les règles de procédure pénale. Mais l’expression « droit pénal » ne recouvre
pas les règles procédurales. L’expression « droit pénal » recouvre les règles de fond.
Dans ce sens plus étroit, le droit pénal peut être défini comme « l’ensemble des règles
ayant pour objet de déterminer les actes antisociaux, de désigner les personnes pouvant en
être déclarées responsables et de fixer les peines qui leur sont applicables ». Plus brièvement
encore, le droit pénal peut être défini comme « l’ensemble des règles ayant pour objet la
détermination des infractions. » Les dispositions fondamentales applicables en la matière sont
contenues dans le code pénal.
Mais il importe de relever le rapport entre les deux disciplines. En effet, l’une des
particularités majeures du droit pénal est que sa mise en œuvre suppose nécessairement une
intervention judiciaire. Dans son aspect sanctionnateur, lorsqu’il conduit au prononcé d’une
peine ou d’une mesure, le droit pénal n’existe pas sans procédure pénale. Cela signifie qu’en
principe, aucune peine ne peut être prononcée sans qu’il y ait eu un jugement définitif.
La procédure pénale, c’est une particularité de la matière pénale, est donc
indispensable au droit pénal. Sans procédure pénale, le droit pénal n’aurait aucun intérêt.
Concernant la procédure civile, le droit civil peut s’en passer. Ainsi, si un mariage se déroule
2
L’article 41 C.P.P. prévoit cependant que « la partie lésée ou le prévenu peut, avant la mise en mouvement de
l’action publique et lorsqu’il s’agit d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement égale ou inférieure à
deux ans ou d’une amende dont le maximum ne dépasse pas 5000 dhs, demander au procureur du Roi d’établir
un procès-verbal mentionnant la transaction conclue entre eux. ».
sans difficulté, si un contrat entre un acheteur et un vendeur est parfaitement respecté, aucun
de deux protagonistes n’ira voir le juge. Or pour la matière pénale, le droit pénal a
impérativement besoin, pour exister, pour avoir un intérêt, de la procédure pénale, d’une mise
en œuvre et donc d’une intervention de l’appareil répressif et éventuellement d’une sanction
par un juge.
La loi pénale est ainsi pour une large part ce que les magistrats en font. Ainsi, le
ministère public dispose du pouvoir d’apprécier l’opportunité des poursuites lorsqu’un acte
contraire à la loi pénale a été commis. Lors du jugement de l’affaire, la juridiction répressive
se livre à une appréciation de la réalité des faits et examine s’ils sont qualifiables pénalement.
Puis elle détermine librement la peine applicable, dans les limites du maximum fixé par la loi,
en tenant compte de la gravité et des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son
auteur.
La procédure pénale repose beaucoup sur la question des preuves. Les autorités
étatiques ont un rôle actif dans la recherche des preuves. Dans une première phase, la police,
dans une deuxième phase, les juges, plus particulièrement, le juge d’instruction. La justice
pénale a un rôle inquisiteur. Ils ont toutes deux des pouvoirs de contrainte. La procédure
pénale est une procédure à haut risque pour les droits de l’individu.
La matière pénale obéit à un régime des preuves particulier. En effet, les particularités
touchent d’abord la charge de la preuve, ensuite, les modes de preuves et enfin la valeur
probante.
Il existe en principe deux systèmes de preuves. D’une part, la preuve légale, c’est-à-
dire que le juge devrait condamner à chaque fois qu’une preuve ayant une force probante
déterminée par la loi a été administrée. D’autre part, l’intime conviction du juge. C’est ce
dernier système qui est appliquée au Maroc et selon lequel, le juge condamne ou acquitte
suivant qu’il est ou non convaincu de la culpabilité sans être tenu à aucune justification de la
force probante des preuves qu’il détient.
La procédure pénale est souvent, à l’origine, de type accusatoire ; elle devient parfois
inquisitoire, pour aboutir en général à un système mixte.
1- La procédure accusatoire
2 - La procédure inquisitoire
Dans cette procédure, le juge est un fonctionnaire public permanent, imposé aux
parties. Il déclenche le procès pénal et peut se saisir d’office. Il joue un rôle souverain et actif
dans la mesure où il ne va pas se contenter des éléments de preuve que vont lui apporter les
parties au procès, mais va procéder lui-même à en rechercher d’autres pour forger sa propre
conviction.
En effet, c’est le juge qui décide d’ouvrir un dossier, qui conduit l’instruction de
l’affaire, qui dirige le déroulement des débats, puis qui prononce la sanction. Cette procédure
présente alors le risque de partialité.
La procédure est écrite, un procès-verbal est donc établi reprenant tous les épisodes de
l’affaire ; elle est non contradictoire, en ce sens que l’accusé à un rôle passif ; et enfin, elle est
secrète.
Le système a l’avantage de permettre une répression rapide. Mais l’inconvénient
réside dans le fait que celui-ci sacrifie les intérêts de la défense, et fait courir le risque
d’entraver le cours de la justice, du fait du monopole de l’accusation détenu par le magistrat.
Les éléments de cette procédure subsistent de nos jours mais ses traits sont largement
atténués pour garantir les droits de la défense.
3 - La procédure mixte
C’est la procédure idéale au point de vue des criminologues puisqu’elle combine les
caractéristiques des procédures accusatoire et inquisitoire.
On peut distinguer les sources internes (A) et les sources internationales (B).
1) La constitution
2) La loi
Le Maroc a vécu entre 1913 et 1953, avant d’arriver à rassembler les lois dans un
code, dans l’arbitraire et le vide textuel car les juridictions makhzen compétentes en matière
pénale et dans les procès entre marocains, n’appliquaient aucune réglementation. Le code
d’instruction criminelle français de 1808 et introduit au Maroc en 1913 ne concernait que les
instances pénales opposant des étrangers ou des étrangers et des marocains.
En 1953, ce code fut généralisé à tous ceux qui résidaient au Maroc dans la zone
française.
Malgré ses légères modifications et son caractère nouveau, ce texte ne servait pas les
intérêts du Maroc. En effet, derrière l’apparence légaliste « il constituait un instrument de
répression politico-pénale »3. Il permettait de transférer les justiciables des juridictions
makhzen aux tribunaux français qui étaient mieux préparés et formés pour réagir contre les
« actes de terrorisme perpétrés par les associations de malfaiteurs » qui étaient les opérations
et les groupes de résistance4.
Au lendemain de l’indépendance, le caractère purement juridique apparaît pour la
première fois dans l’application de ce texte en procédure pénale. Si l’observation de ce code a
été maintenue pendant quelques années, la volonté de le remplacer par un autre texte n’a
jamais disparu. Au fond, ce texte était trop vieux et trop dépassé dans son pays d’origine
même. Le 10 février 1959, le législateur marocain a promulgué un code de procédure pénale
unifié5.
3
ALAMI MACHICHI (M.D.), procédure pénale, éd. les presses de l’imprimerie KAMAR, Casablanca,
n°2/1982, p. 14.
4
Op. cit.
5
Ministère de la justice : code de procédure pénale, Dahir du 1erchaabane 1378 (10 février 1959). Rabat,
imprimerie officielle, 1959.
Dans la note de présentation de ce code, il est cité que : « seule une procédure qui
présume l’innocence des inculpés, fixe des limites infranchissables aux arrestations et
détentions, garantit l’inviolabilité du domicile … assure la liberté de la défense, qui, en un
mot, protège les citoyens contre les erreurs et les abus commis au nom de la société, est digne
d’un pays libre ».
Le dahir du 18 septembre 1962 a modifié le code de 1959. Ce code constituait une
législation nouvelle, mais il reprenait la majorité des règles de la codification française de
1958.
Ce dahir avait limité sensiblement les garanties de la liberté individuelle. Il en a ainsi
de la garde à vue dont la durée a été doublée, qui pouvait se prolonger pendant une douzaine
de jours, dans le cadre des infractions de droit commun.
S’agissant des atteintes à la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat, il était loisible au
procureur du Roi ou au juge d’instruction de renouveler les délais autant de fois qu’ils le
jugeaient nécessaire6. Il en est de même de la détention préventive dont les délais ont été
allongés ou même doublés. Elle n’est plus considérée, comme c’était le cas du code de
procédure pénale de 1959, comme une mesure exceptionnelle. L’appel interjeté par le
ministère public a un effet suspensif de jugement d’acquittement, d’absolution ou de
condamnation avec sursis. Le prévenu, comme c’était le cas avant, se voit refuser la mise en
liberté.
Concernant le Dahir du 28 septembre 1974 « l’énumération des principales mesures
arrêtées trahi le souci d’accélérer le déroulement des procédures, au détriment des droits de
la défense et des garanties d’une bonne justice »7. Alors quels sont les apports du dahir
précité ?
Il s’agit principalement :
● suppression des juridictions d’instruction en première instance ;
● même au niveau des cours d’appel, l’instruction est réservée à une
catégorie d’infractions criminelles ;
● avec la procédure du crime flagrant, c’est le procureur général qui peut
dans certains cas mener l’instruction et saisir directement la juridiction de
jugement ;
● le dahir de 1974 a supprimé la chambre des mises en accusation qui
constitue le deuxième degré d’instruction. Elle est remplacée par la chambre
correctionnelle de la Cour d’appel qui est appelée à jouer un rôle plus limité ;
● la réforme de 1974 a mis fin au tribunal criminel et au système du jury
en matière criminelle. Ses fonctions relèvent désormais d’une chambre de la Cour
d’appel – la chambre criminelle- composée exclusivement de magistrats
professionnels au nombre de cinq.
La période actuelle est marquée par l’avènement du code de 3 octobre 2002 8. Cette
réforme est justifiée par la nécessité de mettre le droit marocain en conformité avec les pactes
et conventions internationaux ratifiés par le Royaume. Mais elle est aussi justifiée par une
vérité historique, comme il relève le professeur Mohammed-Jalal Essaid, pour qui « durant la
dernière décennie de son règne, le Roi défunt Hassan II avait voulu réellement changer
l’image du pays, effacer les séquelles du passé et faire du Maroc, en droit comme dans la
pratique, un modèle de démocratie (…) »9.
6
Mohammed-Jalal ESSAID, le procès équitable dans le Code de procédure pénale de 2002, publié par la
fondation Mohammed-Jalal ESSAID pour la réforme du droit et le développement socio-économique, p. 15.
7
Précité, p. 16.
8
Dahir n° 1.02.255 du 25 rajab 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 22.01.
9
Op. cit. p. 20.
« Le souci d’assurer les conditions du procès équitable, du respect des droits des
individus et la sauvegarde de leur liberté d’une part, et la préservation de l’intérêt général et
de l’ordre public d’autre part, constitue le pivot central de la révision du Code de procédure
pénale de 1959 et du dahir relatif aux mesures transitoires promulguées en 1974 »10.
De cette affirmation, il découle que la matière pénale, est une belle matière, en ce
qu’elle est la matière où on a une opposition entre le droit à la sécurité et le droit à la sûreté.
Cela signifie qu’il y a d’un côté, le droit à la sécurité, c’est la nécessité d’assurer la poursuite
et le jugement des coupables, il faut donc une justice efficace. D’un autre côté, il faut éviter
qu’un individu ne soit poursuivi à tort, ne soit condamné à tort. Il faut ainsi concilier la
sécurité : l’efficacité de la justice et la sûreté : la protection des libertés individuelles.
Concernant la sûreté tout d’abord, et la sauvegarde des libertés individuelles, elle est
protégée au titre notamment de l’article 7 de la déclaration des droits de l’homme et des
citoyens du 26 août de 1789 (D.D.H.C.), qui marque l’apogée de l’idéologie de la révolution
française, et au titre de l’article 3 de la déclaration universelle des droits de l’homme du 10
décembre 1948 (D.U.D.H.), adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies, et l’article
23 de la constitution marocaine de 2011. Elle est présentée comme un droit imprescriptible de
l’homme par l’article 2 de la D.D.H.C.
On retrouve ce droit à la sûreté au sein de l’article 5 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme (C.E.S.D.H.), adoptée par le conseil de l’Europe, qui
envisage ce droit à la sûreté et qui laisse la place à certaines exceptions pour lesquelles l’Etat
a le droit de porter atteinte à la liberté de tout un chacun.
En effet, cet article présente des hypothèses limitatives du droit à la sûreté :
● suite à une condamnation, en cas d’arrestation ;
● pour présenter l’individu à un magistrat ;
● détention possible d’un mineur en vue de son éducation ;
● détention d’une personne possible s’il est susceptible de propager une
maladie contagieuse ;
● privation de liberté envisageable pour empêcher une personne de
pénétrer irrégulièrement sur le territoire ou dans le cadre d’une procédure
d’expulsion.
Cette liste est limitative, elle a été rappelée par la Cour européenne des droits de
l’homme dans une décision Engel et autres c/Pays-Bas en 197611. En outre, il faut que cette
privation de liberté respecte les voies légales qui sont posées par la loi pour donner corps à ces
principes figurant au sein de l’article 5 C.E.S.D.H.
Selon ce droit à la sûreté, pas d’arrestation, pas de détention, pas de peines arbitraires.
De ce fait là, le législateur à propos du droit pénal, doit donc être mesuré dans le nombre
d’infractions qu’il crée. Il doit être précis dans la définition de ces comportements.
Dans le cas de la procédure pénale, il faut assurer le respect des droits de la défense.
C’est d’autant plus important ce respect, c’est que une condamnation prononcée par un juge
aura beaucoup plus d’importance, beaucoup plus de valeur dès lors qu’elle est exempte de
critique quant au respect des droits de la défense. Dès lors que la procédure est régulière, que
l’individu a pu à armes égales avec l’accusation pleinement se défendre, s’il est condamné au
final, on ne peut pas ou on peut moins critiquer les décisions.
10
Préambule de la loi 22.10 relative à la procédure pénale.
AFFAIRE ENGEL ET AUTRES c. PAYS-BAS. Requête no 5100/71; 5101/71; 5102/71; 5354/72; 5370/72.
11
De l’autre côté, il y a le droit à la sécurité, c’est la protection de l’ordre social. Une
première utilisation emblématique de ce droit à la sécurité, on en trouve trace dans l’article 12
D.D.H.C. Elle affirme que la garantie des droits de l’homme et des citoyens nécessite une
force publique. De ce fait là, le droit à la sécurité, le législateur doit incriminer certains
comportements pour protéger la société, et doit prévoir des mécanismes permettant de
répondre à la commission d’une infraction.
La société commande une répression efficace, certaine des infractions, le système
judiciaire doit donc être performant. Mais cela doit être mis en balance avec le respect de la
sûreté, et des prérogatives individuelles de la personne mise en cause. Ce droit est protégé par
l’article 21 de la Constitution marocaine de 2011.
3- Le règlement
A – Le défendeur
Les défendeurs à l’action publique sont des personnes physiques ou morales. Toutes
les personnes physiques peuvent être appelées à comparaître, sauf si elles jouissent d’une
immunité diplomatique, consulaire ou autre.
Il est à noter que la responsabilité pénale est personnelle. Les mineurs, auteurs d’une
infraction, seront défendeurs à l’action publique, et leurs parents seront défendeurs à l’action
civile.
L’action publique peut aussi viser les personnes morales, mais celles-ci sont
représentées par un dirigeant. Le problème qui se pose est quand l’infraction est imputée à la
société et à son dirigeant. Dans cette hypothèse, il faut désigner un mandataire de justice pour
représenter la personne morale.
En France, des personnes peuvent être mises en cause officieusement sans pouvoir les
mettre en examen. Il s’agit essentiellement des témoins assistés.
B - Le demandeur
Cet ouvrage traitera, dans un chapitre préliminaire, les principes directeurs du procès
pénal. Il traitera également les différentes étapes qui avancent en quelque sorte des
déclinaisons de ces principes directeurs, du procès pénal. D’un côté l’enquête policière (titre
1), de l’autre côté l’instruction préparatoire menée par un juge d’instruction (titre 2).
Chapitre préliminaire - les principes directeurs du procès pénal
2) Principe de la publicité
La publicité des débats figurent également dans les instruments des droits de l’homme
pour éviter une justice secrète.
La publicité des débats à l’audience est en effet une garantie pour le justiciable et pour
le juge. Le premier est assuré que la vérité ne sera pas étouffée par une juridiction aveugle ou
partiale, le second voit son œuvre gagner en autorité morale. Aussi le code de procédure
pénale a fait de la publicité une formalité substantielle des procédures d’audience, dont le
respect doit être mentionné à peine de nullité dans les jugements.
La publicité est assurée à la fois par la présence du public aux débats et par la
possibilité de publier le compte-rendu des débats. Or elle est parfois limitée, en application de
principes supérieurs de moralité et de bienséance, qui permettent d’écarter de l’audience
certaines personnes ou même la totalité du public.
Le président de la juridiction répressive peut, d’un côté, interdire l’accès de la salle
d’audience aux mineurs ou à certains d’entre eux.
De l’autre côté, il arrive qu’un ou plusieurs individus troublent la bonne tenue de
l’audience par leur attitude, leur manque de respect envers la justice, leur tapage ou même les
infractions qu’ils commettent. Le président de la juridiction peut les faire expulser ; et s’ils
résistent ou causent du tumulte, la juridiction peut les placer sous mandat de dépôt et les
frapper de deux mois à deux ans d’emprisonnement. Si, au trouble d’audience, s’ajoute une
infraction (par exemple des outrages à magistrat), celle-ci peut être jugée dans les conditions
de compétence indiquées précédemment.
En outre, l’accès du public à la salle d’audience peut être interdit par le huis clos, total
ou partiel, prononcé par décision motivée, quand l’ordre public ou les bonnes mœurs risquent
de souffrir d’une publicité complète.
Le huis clos a soulevé en pratique de nombreuses difficultés. Son prononcé appartient
à la juridiction elle-même. L’opportunité de la mesure est laissée à l’appréciation souveraine
des magistrats, et ne dépend, en principe, ni du consentement ni de l’avis de l’individu
poursuivi, qui ne peut ni s’y opposer, ni la critiquer. Toutefois, dans les affaires de viol
(simple ou aggravé) ou d’attentat à la pudeur de nature criminelle, le huis clos est « de droit »
si la victime, constituée partie civile, le réclame. Dans les autres cas, c’est-à-dire lorsque la
victime n’a pas réclamé elle-même le huis clos, celui-ci ne peut être ordonné que si elle ne s’y
oppose pas.
En ce qui concerne sa portée, le huis clos peut viser toutes personnes étrangères au
procès, ou admettre la présence de certaines d’entre elles. Il peut, en outre, être limité à une
partie des débats ou les couvrir entièrement. Mais on admet, en pratique, que rien n’empêche
qu’avant la fin des débats, on revienne à la publicité complète, même si le huis clos avait été
ordonné pour toute la durée de l’audience. Pendant le huis clos, la procédure se poursuit
12
Afin de garantir l’impartialité des magistrats, la loi prévoit certaines incapacités de juger, par exemple en cas
de lien de parenté entre plusieurs magistrats d’une même juridiction, ou entre un magistrat et un avocat ou une
partie. Il existe en outre une procédure de récusation permettant aux parties de mettre en cause la partialité
suspectée d’un juge.
comme à l’ordinaire, ce qui autorise l’accomplissement de tous les actes qui auraient pu être
faits à l’audience publique.
La Cour européenne des droits de l’homme affirme ce principe dans une décision
Delcourt c./ Belgique13. L’idée est qu’il ne faut pas placer une partie dans une situation en net
désavantage par rapport à l’autre, que chacun soit à égalité pour préparer sa défense, pour
discuter des preuves présentées devant le juge.
Ce principe d’égalité des armes a eu le mérite que les législations nationales, y
compris le code de procédure pénale marocaine, ont accru les prérogatives de l’individu
soupçonné pour se rapprocher de l’autre partie principale au procès : le ministère public qui
représente l’accusation. On a donc une augmentation des garanties octroyées à la personne
mise en cause sans pour autant que ces prérogatives soient les mêmes. En effet, les deux
parties ne sont pas dans la même situation.
Cet état de lieu a eu un effet retour, car cette égalité des armes a eu comme
conséquences d’accroître également les droits de la victime pour les rapprocher de ceux de la
personne mise en cause. Là encore les droits ne sont pas les mêmes puisque ces deux
protagonistes sont dans des situations complètement différentes, l’un doit protéger son
innocence, et l’autre, principalement la victime, attend une indemnisation, une reconnaissance
de l’acte dont elle a été victime. Ces droits ne sont donc aucunement les mêmes.
Ce principe d’égalité des armes pose un problème dans un procès à trois parties. Il faut
connaître dans le cadre d’un procès pénal, la victime sera un allié objectif du ministère public.
Ce dernier va demander l’application de la loi, mais pas forcément une condamnation. Dès
lors qu’il poursuit l’individu devant le tribunal, il attend une application de la loi, une
sanction. Du coup, ça nous a fait un procès à deux parties, et de ce fait là, le principe d’égalité
13
C.E.D.H., 16 janvier 1970, Requête no 2689/65.
des armes peut être davantage discutable. C’est toute la question de savoir quelle place doit-
on octroyer à la victime dans le cadre du procès pénal et toute la difficulté à trouver la place la
plus juste pour cette victime au sein du procès pénal, car elle n’est pas partie principale.
Les deux parties principales sont l’accusation, à savoir le ministère public qui
représente la société, et la personne mise en cause qu’on soupçonne d’avoir commis une
infraction. Mais on comprend qu’elle a un rôle à jouer parce que la victime, c’est elle qui a
subit les actes de violence, c’est elle qui a perdu un proche dans un homicide volontaire.
5- Le principe du contradictoire
L’exercice de ces diverses facultés doit être effectif, ce qui implique, par exemple, que
le mis en cause puisse communiquer dans une langue comprise, si besoin par le recours à un
interprète.
Enfin, le fait que le prévenu ait la parole en dernier constitue une ultime mais
significative illustration du principe du respect des droits de la défense.
Titre 1 – L’enquête policière
L’enquête menée par la police judiciaire, a connu une évolution dans l’histoire du
droit marocain15.
Ainsi, sous le protectorat, les actes visant à constater les infractions pénales et à
rechercher les éléments de preuve et les auteurs d’infractions, sont régis par une
réglementation divergente selon les juridictions compétentes, françaises ou du Makhzen.
Devant les juridictions françaises, l’article 13 du dahir de procédure criminelle
complété par le dahir du 27 avril 1920, a repris les dispositions du Code français d’instruction
criminelle et de la loi du 8 décembre 1897 sur l’instruction préalable en matière de crimes et
délits. Ces textes sont applicables devant les juridictions françaises de l’Empire chérifien, en
ce qu’elles n’ont rien de contraire audit dahir16.
De ce fait, les mêmes principes directeurs du procès pénal en métropole sont
appliqués au Royaume : l’instruction est confiée au juge d’instruction, tandis que la poursuite
est confiée au ministère public. A l’exception des cas de flagrant délit, l’enquête n’était pas
explicitement confiée à la police judiciaire. L’article 2 C.P.C. précise que « l’officier de
police judiciaire qui constate une contravention en transmet le procès-verbal à l’officier du
ministère public près le tribunal de paix de la circonscription ou au juge de paix pour toute
suite de droit ».
Cependant, la difficulté était de savoir les autorités compétentes à exercer les pouvoirs
de la police judiciaire. En raison de l’insuffisance de l’organisation empruntée de la
métropole, la qualité d’officier de police judiciaire a dû être étendue dès 1913 à « certains
magistrats et à de nombreux fonctionnaires, civils ou militaires, dans leurs circonscriptions
respectives »17.
15
EL BAKIR Mohammed, hal.archives-ouvertes.fr.
16
CAILLE (J.), organisation judiciaire et procédure marocaines, L.G.D.J., Paris, 1948, p. 317.
17
Les officiers du ministère public près les tribunaux de paix ; les commandants ou chefs de région ; les
commandants ou chefs de poste ; les chefs soit d’une brigade ou d’un poste de gendarmerie, soit d’un corps
remplissant les fonctions de la gendarmerie ; les contrôleurs civils ou leurs adjoints des affaires indigènes ; le
directeur des services de la sécurité publique, les contrôleurs généraux de police, les inspecteurs-chefs
principaux et inspecteurs de police ; les officiers commandant un port et leurs adjoints ; les officiers du service
de renseignement ; les chefs des services municipaux et leurs adjoints ; les chefs de la police mobile ; les
inspecteurs de la sûreté régionale ; les inspecteurs-adjoints du contrôle du chemin de fer pour la constatation des
crimes, délits et contraventions commis dans l’enceinte des chemins de fer et de leurs dépendances ; et
l’inspecteur principal, chef de la répression des fraudes, les inspecteurs principaux et les inspecteurs de la
répression des fraudes, dans l’exercice de leurs fonctions, sur tout le territoire de la zone française de l’empire.
V. CAILLE (J.), précité, p. 165.
18
ZIRARI-DEVIF Michèle, la formation du système pénal marocain, thèse, Nice, 1989, p. 206 et s.
veille à la bonne administration de la justice. Il décide au pénal de l’ouverture des
informations ou des classements des plaintes, exerce l’action publique et peut poursuivre
d’office ».
La police judiciaire dans le sens moderne n’existait pas.
Le début du protectorat a connu la création d’un corps de police structuré et assez
spécialisé. La gendarmerie était organisée par le décret du 25 novembre et le dahir du 2
décembre 1927. Son rôle est d’aider les deux justices makhzen et française. Or l’organisation
judiciaire du Maghzen lui attribue plus de pouvoirs, car elle avait la qualité de police
judiciaire. Elle était placée sous l’autorité du procureur général près la Cour de Rabat. La
police et la gendarmerie pouvaient ainsi conduire des enquêtes en toutes matières. Elles sont
tenues de matérialiser toutes les opérations et tous les actes en relation avec la construction de
la procédure dans des procès-verbaux.
L’arrêté résidentiel du 17 avril 1917 portant réglementation de la police mobile lui
confiait les missions de seconder l’autorité judiciaire dans la recherche et la répression des
délits de droit commun, de rechercher les malfaiteurs professionnels et de centraliser tous les
renseignements les concernant, de réprimer la fraude dans la vente des marchandises et les
fabrications des denrées alimentaires et des produits agricoles, d’assurer la police des voies de
communication, de centraliser et de diffuser, par la voie d’une publication dénommée
« bulletin de la police générale », les mandats de justice décernés contre les malfaiteurs en
fuite.
La police de sûreté, organisée par le dahir du 1er mars 1924, était chargée, à côté de ses
attributions purement administratives, de prévenir les attentats, constater les crimes et délits,
rechercher les auteurs et exécuter les mandats de justice.
Le code de procédure pénale de 195919 contenait des dispositions suffisamment
claires, calquées sur le modèle de la procédure pénale française. Il prévoyait une enquête
préalable à la saisine du juge qui peut se dérouler en deux modes, préliminaire ou de
flagrance. Il en confie la charge à des officiers dont il précise les qualités et qui l’exercent
sous la direction du procureur du Roi ou le procureur général du Roi et le contrôle de la
chambre correctionnelle de la Cour d’appel.
Cette présentation permet de traiter, d’une part, les organes de la police judiciaire
(Chapitre 1), et d’autre part, leurs actes (chapitre 2).
L’enquête policière est, selon l’article 18 C.P.P., menée par la police judiciaire. Elle a
pour mission de constater les infractions, de rassembler les preuves et de rechercher les
auteurs de ces infractions.
La police judiciaire, qui intervient très tôt dans le processus pénal, a un rôle très
important dans la constitution matérielle et juridique du dossier.
La police judiciaire, c’est la police nationale et la gendarmerie. Elles exercent deux
types de mission :
● Des missions dites de police administrative ;
● et des missions dites de police judiciaire.
19
Abrogé à compter du 1er octobre 2003 par la loi n° 22-01 relative au code de procédure pénale promulguée par
le dahir n° 1-02-255 du 3 octobre 2002 - 25 rejeb 1423 ; publié au B.O n° 5078 du 30 janvier 2003.
Alors la mission de police administrative ça consiste à quoi ? Ça consiste à s’assurer, à
veiller au maintien de l’ordre public, ou à le rétablir. Pour la police judiciaire il a un but :
rechercher et constater une infraction déjà commise ou qu’elle va l’être.
La mission de la police administrative est de préserver davantage l’ordre public.
Imaginons, et c’est un exemple donné en doctrine, une ronde menée par la police dans tel ou
tel quartier, si la police mène cette ronde pour s’assurer qu’il n’y pas de bruit, on est dans une
mission de police administrative. Mais si la police mène cette même ronde après avoir été
alertée par un riverain par exemple que il y avait du bruit, qu’un individu rodait de près autour
de tel ou tel véhicule faisant de bruit, là on est devant une mission de police judiciaire parce
qu’on s’intéresse à quelque chose de beaucoup plus précis que le simple fait de surveiller ou
de veiller sur la protection de l’ordre public.
Mais ce sont les mêmes organes qui mènent ces deux types de missions : police
administrative et police judiciaire.
Enquête de police judiciaire, ce sont les investigations menées par les officiers de
police judiciaire avec l’assistance des agents de police judiciaire, pour constater les infractions
à la loi pénale, rassembler les preuves et rechercher les auteurs.
La police judiciaire comprend les officiers supérieurs de police judiciaire (section 1),
les officiers de police judiciaire (section 2), les agents de police judiciaire (section 3), et
certains fonctionnaires que la loi leur attribue la qualité de police judiciaire (section 4).
Les officiers supérieurs de la police judiciaire peuvent, outre les fonctions d’officiers
de police judiciaire, donner des ordres aux simples officiers de police judiciaire.
§. 1 - Les catégories
§. 2 - Les pouvoirs
Le ministère public est représenté auprès de la Cour d’appel par le procureur général
du Roi en personne sous le contrôle de la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de sa
circonscription.
Il a dans l’exercice de ses fonctions le droit de requérir directement la force publique.
Le procureur général du Roi procède en personne ou fait procéder à tous les actes
nécessaires à la recherche des crimes, en appréhender les auteurs et les présenter aux fins de
poursuite.
Quant au procureur du Roi, il a le droit selon l’article 40 § 2, code procédure pénale de
procéder ou faire procéder à tous les actes nécessaires à la recherche des auteurs des
infractions à la loi pénale. Il ordonne qu’ils soient appréhendés et présentés aux fins de
poursuite.
Il a aussi le droit de décerner des mandats d’arrêt internationaux de recherche et
d’arrêt aux fins d’extradition.
Le procureur du Roi dirige, dans le ressort de son tribunal, l’activité des officiers de
police judiciaire et procède à leur notation à la fin de chaque année.
De même, le procureur du Roi veille sur le respect des mesures de garde à vue, ses
délais et son déroulement dans les locaux aménagés à cet effet dans le ressort de sa
circonscription. Pour cela, il procède à une visite des locaux de garde à vue, au moins deux
fois par mois. Il établit un rapport à l’occasion de chaque visite.
Le juge d’instruction est un officier supérieur de la police judiciaire. Le législateur lui
attribue des pouvoirs importants, car il procède à l’instruction des infractions commises dans
le ressort de sa circonscription.
Le juge d’instruction est le plus souvent saisi par un réquisitoire afin d’informer du
procureur du Roi.
Il peut aussi être saisi par une plainte de la victime accompagnée de constitution de
partie civile.
Dans la situation de la flagrance, le transport du juge d’instruction sur les lieux de
l’infraction lui attribue la priorité pour procéder à toute opération et à tous actes justifiés par
l’urgence, et cela en dépit de la présence du procureur général du Roi ou du procureur du Roi
sur le lieu de l’infraction. Il peut ainsi procéder à des constatations d’indices matériels, à des
perquisitions et saisies (…).
Il a le droit, dans l’exercice de ses fonctions, de requérir directement la force publique.
Le juge d’instruction peut aussi décerner des mandats et décider de contrôle judiciaire,
ou la détention préventive.
Section 2 - Les officiers de police judiciaire
Selon l’article 20, code procédure pénale20, ont qualité d’officiers de police judiciaire :
• le directeur général de la sûreté nationale, les préfets de police, les
contrôleurs généraux de police, les commissaires de police, les officiers de police ;
• les officiers et gradés de la Gendarmerie Royale ainsi que les
gendarmes commandant une brigade ou un poste de Gendarmerie Royale, pendant
la durée de ce commandement ;
• les pachas et caïds ;
• le directeur général de la direction de la surveillance du territoire, les
préfets de police, les contrôleurs généraux de police, les commissaires de police,
les officiers de police de cette direction concernant les infractions visées à l’article
108 de ce code.
(…) ».
Cette qualité peut être octroyée aux inspecteurs de la sûreté nationale ayant une
ancienneté d’au moins trois ans de service mais il faut un arrêté conjoint des ministres de la
justice et de l’intérieur ; aux gendarmes ayant effectué le même temps de service avec un arrêt
du ministre de la justice.
Leur compétence d’attribution s’étend à la constatation des infractions, le
rassemblement des preuves et des indices et la recherche des délinquants. Ils reçoivent
également les plaintes et les dénonciations, effectuent les enquêtes préliminaires.
En cas de flagrant délit, ils peuvent effectuer les actes nécessaires au bon déroulement
de l’enquête et informer, sans délai, le procureur.
20
Modifié et complété par l’article 2 de la loi n° 35-11 promulguée par le Dahir n° 1.11.169 du 17/10/2011.
Selon l’article 460 du C.P.P., un officier de police judiciaire est en charge des mineurs.
Il s’agit d’une police spécialisée en la matière conformément aux dispositions de l’article 40.3
de la C.I.D.E.
Cette police judiciaire est tenue d’un certain nombre d’obligations.
Il s’agit de garder le mineur auquel est imputée l’infraction dans un endroit spécialement
aménagé à cet effet pour une durée ne dépassant pas celle de la garde à vue.
Les pachas et caïds à la tête d’une circonscription ont la qualité d’officiers de police
judiciaire pour les délits mineurs.
En ce qui concerne le wali ou le gouverneur, ils ont la qualité d’officiers de police
judiciaire, mais il faut la réunion de trois conditions :
1) en cas d’urgence ;
2) dans le cas des infractions contre la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat ;
3) Cette autorité de l’Etat n’a pas connaissance que l’autorité judiciaire soit déjà saisie.
Ils peuvent donc faire personnellement tous actes nécessaires à l’effet de constater les
infractions ou requérir par écrit à cet effet les officiers de police judiciaire compétents.
Le wali ou le gouverneur est tenu, s’il fait usage de ce droit, d’en aviser
immédiatement le représentant du ministère public de la juridiction compétente, de se
dessaisir de l’affaire à son profit dans les vingt-quatre heures de l’ouverture des opérations en
lui transmettant les pièces et en lui présentant toutes les personnes appréhendées.
A) Catégories
B) Fonctions
Leurs fonctions consistent à assister les officiers de police judiciaire et à les informer
des infractions parvenues à leur connaissance outre la constatation de celles-ci et la recherche
de leurs auteurs sous le contrôle des officiers de police judiciaire.
Ces agents dressent des procès-verbaux pour constater les infractions. Ils reçoivent par
procès-verbal les déclarations faites par toutes personnes susceptibles de leur fournir des
indices. Mais ils ne peuvent pas décider du placement en garde à vue, ni exécuter des
commissions rogatoires.
Les procès-verbaux doivent être datés, signés, et indiquer la qualité de leur auteur.
Ils ne devraient avoir la valeur que de simples renseignements, et le tribunal devrait
pouvoir écarter les faits qui y sont constatés s’il a acquis une conviction différente.
1) Dahir du 10 octobre 1917 portant sur les agents supérieurs des eaux et
forêts
Les ingénieurs et agents des eaux et forêts recherchent et constatent par procès-verbal
les délits et contraventions qui portent atteinte aux propriétés forestières et rurales. Ils peuvent
requérir l’appui de la force publique.
Ces agents peuvent conduire devant un officier de police judiciaire tout individu
surpris en flagrant délit, et saisir les objets enlevés des propriétés dont ils ont la garde. Mais
ils ne peuvent pas effectuer seuls une perquisition, pénétrer dans les maisons, placé quelqu’un
en garde à vue. Il leur faut la présence d’un officier de police judiciaire, qui ne peut pas se
refuser à les accompagner et qui signe le procès-verbal de l’opération à laquelle il a assisté.
Les procès-verbaux de constatation des délits et crimes sont rédigés par l’officier de
police judiciaire, les agents de police judiciaire, les ingénieurs des travaux publics, les
inspecteurs de contrôle et les agents de surveillance nommés par le ministre des travaux
publics.
L’article 233 du Code prévoit que : « Les infractions douanières sont constatées par
les agents de l’administration ayant prêté serment dans les conditions fixées à l’article 33-2°
du présent code, par les officiers de police judiciaire ainsi que par tout agent verbalisateur
de la force publique ».
L’enquête de police précède l’instruction. Quand elle a lieu après l’ouverture d’une
information judiciaire, elle prend le nom de commission rogatoire. A ce stade du déroulement
du processus, l’action publique n’est pas encore mise en mouvement.
Toutes ces investigations obéissent à des règles précises. Si les deux situations sont le
plus souvent régies par des dispositions similaires, elles sont également couvertes par des
règles spécifiques, destinées à donner plus de garanties aux droits de l’individu qui fait l’objet
de l’enquête préliminaire.
Le principe de la présomption d’innocence joue pleinement dans le cadre de l’enquête
préliminaire, à la différence de l’enquête de flagrance où la présomption d’innocence continue
certes à protéger l’accusé ou le suspect, mais se voit largement atténuée sous l’effet des
circonstances qui entourent le crime ou le délit flagrant21.
A côté de l’enquête préliminaire, il existe un autre type d’enquête, qui relève du code
de l’exception, parce qu’elle n’est pas une enquête de droit commun, l’enquête dite de
flagrance.
L’article 56 C.P.P. ne définit pas ce qui est la flagrance, mais il énumère quatre cas de
flagrance. Cela n’empêche pas de dire que l’enquête de flagrance a pour fondement l’urgence,
qu’il y a à recueillir les preuves indispensables à la manifestation de la vérité d’une infraction
dont la commission est récente. Dans ce sens, TREIHARD, REAL, FAURE, conseillers
d’Etat, affirment que « c’est à l’instant que la police judiciaire peut et doit se montrer, il n’y
a pas un moment à perdre, le moindre retard ferait disparaître le coupable et les traces du
crime »22.
21
Commentaire du C.P.P., publication de « l’association de l’information légale et judiciaire ». 2ème éd., n° 2,
2004, p. 139 et 140. Cité par la fondation Mohammed-Jallal ESSAID, op. cit. P. 63.
22
Jean Louis DEL BAYLE, la police : approche socio politique, éd. Montcherstien, 1992, p. 111.
Il faut ajouter à ce critère deux conditions : l’actualité et la gravité, car le législateur
marocain a limité l’enquête de flagrance aux infractions les plus graves : les crimes et
uniquement les délits passibles d’une peine d’emprisonnement. Pour s’en convaincre, l’article
70 C.P.P. écarte les contraventions et les délits punis d’une simple peine d’amende.
Celui qui se commet actuellement (même au stade de la simple tentative) ou qui vient
de se commettre.
L’actualité du crime ou délit dont parle le texte signifie que l’auteur est pris sur le fait,
en train d’exécuter son projet (qu’il soit déterminé ou indéterminé) : le coupable est surpris.
La solution retenue par la jurisprudence dominante exige que l’infraction se révèle par des
indices extérieurs indiscutables. L’infraction qui se commet actuellement : « suffisamment
parlants », exemple l’incendie. Au facteur temps doit s’ajouter l’élément de publicité23.
Il est à noter que l’actualité n’est pas toujours évidente selon qu’on a affaire à un
crime ou un délit. Selon une étude intéressante de Miloudi Hamdouchi sur une période de 10
ans (1982-1992), l’actualité du crime ne se rencontre qu’une fois sur 1000 ; le crime étant
presque toujours pensé, calculé, même dans les hypothèses où les victimes étant presque
toujours indéterminées. Le criminel prépare son plan de retrait avant la commission du crime,
même indéfini, de façon à dérouter les enquêteurs24.
L’actualité n’est en fait réelle qu’en matière de délit parce que, généralement, le délit
est indéterminé et peut se constituer sans plan préétabli, sauf lorsqu’il s’agit d’infractions
économiques ou de mœurs. Les gens ne sortent pas dans les lieux publics avec l’intention de
se battre. Mais tout endroit de concentration favorise le développement d’une forme de
criminalité, notamment l’escroquerie, le trafic d’influence, l’émission de chèques sans
provision, le vol à la tire, le racolage, etc.25
Dans un temps très voisin de l’action, il n’est pas en effet nécessaire que l’acte se
manifeste encore publiquement ; la simple proximité de temps suffit. Ainsi :
- la personne est poursuivie par la clameur publique ;
- ou la personne est en possession d’objets, ou présente des traces ou
indices faisant présumer qu’elle a participé à l’infraction.
L’expression « dans un temps très voisin de l’action » est suffisamment restrictive
pour limiter la durée à quelques heures. Mais, certains juristes marocains ont estimé que la
notion de flagrance peut se prolonger pendant des mois, voire pendant quelques années.
Or le code de procédure pénale français est très précis que le texte marocain car il a
limité dans son article 53 la durée de l’enquête de flagrance à 8 jours.
Selon la formule jurisprudentielle, il faut des « indices apparents d’un comportement
délictueux ».26Ex. arme visible dans la boîte à gants disloquée d’un véhicule accidenté ; sortie
précipitée d’un salarié employé clandestinement dans l’établissement. La chambre criminelle
française a estimé que les indices devaient révéler l’existence d’une infraction, ce qui est
restrictif : la sortie précipitée n’est pas une infraction en soi, aussi le fait de s’enfuir à la vue
des policiers, et le fait de placer des documents dans un sac.
De même, n’est pas un indice apparent un coup de téléphone dénonçant l’usage de
drogue, sauf si la dénonciation est confortée par des vérifications.
On constate une tendance à admettre plus largement l’existence de la flagrance : ex.
avis donné par une victime, ou un coauteur, ou par un tiers, révélation anonyme corroborée
par d’autres indices.
23
André Vitu et Roger Merle, traité de droit criminel : procédure pénale, CUJAS, Paris, 1979, p. 286.
24
Miloudi Hamdouchi, le régime juridique de l’enquête policière, Coll. Manuels et travaux universitaires, 1 ère éd.
1999, p. 83.
25
Op. cit.
26
Crim. 30 mai 1980 : Bull. crim., n° 165.
3) Infraction assimilée à l’infraction flagrante
Le dernier alinéa de l’art. 56 C.P.P. fait état d’une situation qui peut se révéler très
différente de l’infraction concrètement flagrante. Ce texte vise l’hypothèse où une infraction
se commet à l’intérieur d’un domicile dont le chef requiert le procureur du Roi ou un O.P.J.
pour la constater. Ce cas diffère de l’appel au secours qui implique l’exigence d’assister une
personne en péril.
Le problème du délai devient inconcevable car le crime peut avoir lieu au cours d’une
absence plus ou moins longue du chef de maison.
Est régulière la procédure dans laquelle deux A.P.J., alertés par la personne indiquant
que la porte d’une maison voisine est ouverte dans tout l’après-midi, sans manifestation de
présence humaine, pénètrent sur les lieux pour une mission d’assistance, constatent la
présence de haschich, informent un O.P.J. qui, agissant en enquête de flagrance
perquisitionne ; il suffit de la connaissance par l’O.P.J. d’indices apparents d’un
comportement délictueux.
B) La perquisition
La perquisition d’un domicile est la deuxième mesure accordée par la loi à la police
judiciaire en matière de flagrance.
C) Audition
L’article 60, al. 3, C.P.P. confère à l’O.P.J. des pouvoirs importants. En effet, ce
dernier peut appeler et entendre toutes les personnes susceptibles de fournir des
renseignements sur les faits ou sur les documents saisis. En cas de refus, il dispose désormais
d’un pouvoir redoutable : il peut les contraindre à comparaître après autorisation du ministère
public.
§. 3 - La garde à vue
Depuis la création du code de procédure pénale le 10 février 1959, la garde à vue était
réglementée par des textes épars qui ne protégeaient guère les libertés et les droits des
personnes gardées à vue.
Après de vives critiques de la doctrine et les recommandations du conseil consultatif
des droits de l’homme du 24 décembre 1990 qui étaient approuvées par le Roi défunt Hassan
II, le code de procédure pénale a connu la première réforme législative en vue de renforcer les
droits de la personne poursuivie. Il s’agit du dahir du 30 décembre 1991 portant promulgation
de la loi n° 67.90 relative à la procédure pénale.
En réalité, il ne changeait que superficiellement le dispositif juridique antérieur, ce qui
rendait inévitable d’autres réformes afin de concilier d’une part, l’efficacité des investigations
judiciaires et d’autre part, la protection des droits et libertés individuelles, c’est-à-dire de
concilier deux notions difficile à mettre en œuvre, à savoir le droit à la sûreté et le droit à la
sécurité.
Cette réforme s’est concrétisée par le Dahir du 3 octobre 2002 portant promulgation de
la loi n° 22.01 relative à la procédure pénale. Mais il s’agit d’une « réforme en trompe l’œil »,
car elle n’atteint que partiellement son but. En effet, la loi régissant la garde à vue souffre de
certaines faiblesses susceptibles de porter atteinte aux libertés individuelles et au principe de
la présomption d’innocence. Mais l'avant-projet du Code de procédure pénale a réussi de
combler les lacunes de la loi 22.01.
Il importe de définir la mesure de la garde à vue, de voir les personnes visées par cette
mesure, et les conditions de celle-ci.
A) Définition
Le code de procédure pénale ne définit pas la garde à vue. Il ne précise pas aussi les
fondements de cette mesure (indices, raisons plausibles…). Cet état de lieu est critiquable,
surtout que la mesure de la garde à vue porte une atteinte grave aux libertés individuelles. Elle
concerne aussi bien les crimes et délits flagrants que les situations ordinaires.
En l’absence du texte de loi, la garde à vue peut être définie comme « l’appréhension
d’une personne et sa rétention à la disposition et à la vue de l'officier de police judiciaire à
son lieu de travail pour une durée fixée par la loi »28.
C’est la même position de la Cour de cassation qui, en affirmant que « la garde-à-vue
est le temps passé par l'accusé en retenue administrative sous la surveillance et le contrôle de
l'officier chargé de l'enquête »,29 précise deux éléments : la privation de liberté et la mise à la
disposition de l'officier de police judiciaire.
Le législateur français est intervenu le 14 avril 2011 30, il définit la garde à
vue comme« une mesure de contrainte décidée par un O.P.J. sous le contrôle de l’autorité
judiciaire par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs
raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit
puni d’une peine d’emprisonnement et maintenu à la disposition des enquêteurs ».
Le professeur Khamlichi assure que les règles qui commandent cette mesure « sont
impératives, imposées directement par la loi afin de garantir le bon déroulement de la
procédure, loin de toute marge de choix ou de recours à un quelconque pouvoir
discrétionnaire »31.
L’efficacité des enquêtes suppose donc en général, le maintien à disposition de toute
personne entre les mains des enquêteurs. Il semble que c’est la solution adéquate, mais
dangereuse pour les libertés individuelles, afin d’éviter la disparition des preuves, et aussi la
fuite des auteurs soupçonnés d’avoir commis une infraction. Mais il faut éviter la garde à vue
de « confort », c’est-à-dire que l’O.P.J. recourt à cette mesure juste pour avoir l’intéressé sous
ses mains s’il a besoin de l’interroger, elle doit donc être justifiée.
28
Ministère de la justice, Traité de procédure pénale (en arabe), Editions de l'association de publication de
l'information juridique et judicaire, 2ème éd., T.I. Rabat, 2004, p. 122.
29
C. cass. arr. n° 475, 25/01/2001.
30
Loi n° 2011-392.
31
Khamlich Ahmed, traité de procédure pénale (en arabe), t. I imprimerie Almaârif Aljadija, Rabat, 1999, p. 295.
Il s’agit des personnes suspectées d’avoir un lien avec l’infraction. Le législateur
marocain autorise la garde à vue pour les nécessités de l’enquête. La phrase manque de
précision, car quelles sont les personnes concernées par cette mesure ? Cela risque de menacer
les liberté individuelles et de porter une atteinte au principe de la présomption d’innocence.
Est-il concevable qu’un simple témoin qui n’a aucun rapport avec l’infraction pourrait être
arrêté et placé en garde à vue pour les nécessités de l’enquête ?
En France, depuis la réforme de 1993, seules les personnes à l’encontre desquelles
existe un ou plusieurs indices faisant présumer qu’elles ont commis ou tenté de commettre
une infraction seraient susceptibles d’être placées en garde-à-vue.
La loi du 15 juin 2000 relative au renforcement de présomption d’innocence et la
protection des droits des victimes, a modifié le code de procédure pénale français en intégrant
la formule suivante : « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » que la personne
que l’on veut placer en garde à vue ait commis ou tenté de commettre une infraction. Ainsi,
les témoins et toute autre personne ne peuvent être placés en garde à vue. Un témoin ne peut
être retenu que le temps strictement nécessaire à son audition.
Le législateur marocain doit donc modifier l’article 66 C.P.P. pour préciser la situation
dans laquelle la personne peut être placée en garde à vue. Cette mesure ne doit concerner que
les suspects, c’est-à-dire les personnes contre lesquelles existent des raisons plausibles
laissant penser qu’ils ont commises ou tenté de commettre une infraction sanctionnée d’une
peine d’emprisonnement.
Comme il est dit précédemment, les textes régissant la garde à vue manquent de
précision quant aux personnes concernées par cette mesure. Dans l’attente d’une réforme du
législateur, le bon sens nous amène à dire que l’O.P.J. ne doit avoir droit à placer un individu
en garde à vue que lorsque il y a des indices ou des raisons plausibles de soupçonner cet
individu. Si cela fait défaut, cette mesure risque d’être dénuée de fondement, c’est-à-dire
arbitraire réprimée au titre de l’art. 225 du code pénal. Elle risque aussi de porter atteinte à la
présomption d’innocence. La règle est d’une importance capitale car elle est prévue au titre de
l’article 21 de la constitution qui dispose que « Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou
condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi.
La détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus
grande gravité et exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères (…)
La présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis. Toute
personne détenue jouit de droits fondamentaux et de conditions de détention humaines (…) ».
Cette protection est aussi garantie au sein de l’art. 9 de la déclaration universelle des
droits de l’homme de 1948 qui stipule que « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni
exilé. » Aussi, au sein de l’article 5 de la C.E.S.D.H. qui prévoit dans son paragraphe premier
que « toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté »,
avant d’énumérer les cas de privation de liberté. De même au sein de l’article 9 du pacte
international de 1966 relatif aux droits civils et politiques disposant dans son paragraphe
premier que « 1. Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne
peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa
liberté, si ce n'est pour des motifs, et conformément à la procédure prévus par la loi. »
La question est de savoir quels sont ces indices ou ces raisons plausibles permettant de
mettre une personne en garde à vue. Deux hypothèses peuvent constituer le fondement de
cette mesure.
D’un côté, la garde à vue ne peut concerner que l’individu ayant un rapport avec
l’infraction. Le bon déroulement de l’enquête exige la mise en garde à vue de la personne, à
savoir la recherche des moyens de preuves, et l’identification des auteurs de l’infraction.
Ainsi, tout individu ayant la moindre relation avec l’infraction, pouvant apporter une
contribution quelconque aux recherches, ou tout simplement tout suspect, peut être placé en
garde à vue.
De l’autre côté, pour protéger les libertés individuelles, la garde à vue ne peut être
décidée que lorsque la personne ne présente pas de garanties suffisantes pour rester à la
disposition de l’O.P.J. qui mène une enquête, mais cela ne peut se concevoir que dans le cas
des délits, car il serait plus difficile de laisser en liberté une personne soupçonnée d’un
homicide volontaire.
Cependant, dans l’état actuel du texte, les libertés individuelles semblent être
menacées par la mesure de la garde à vue. La condition de nécessité prévue par les articles 66
et 80 C.P.P. est ambigüe, car c’est l’O.P.J. qui apprécie au final si la garde à vue est
nécessaire ou non, mais selon quels critères ? Certes, le contrôle opéré par le procureur du Roi
ou le procureur général du Roi et la chambre correctionnelle de la Cour d’appel semble être
une garantie. Mais dans la pratique la seule protection du droit à la sûreté semble être la
conscience de ces officiers quant à la gravité de la mesure de la garde à vue et quant au
respect des instruments internationaux des droits de l’homme.
b) Information de la famille
La famille de la personne gardée à vue doit être informée par tout moyen et mention
de cet acte doit figurer sur le P-V.
Avant la loi du 22-01 de 2002, ce droit n’était pas reconnu au gardé à vue. La réforme
a permis donc l’intervention d’un avocat lors d’une mesure de garde à vue.
Quel est son rôle ? A-t-il des prérogatives équivalentes à celles dont il bénéficie au
cours de l’instruction : présences aux auditions, interrogatoires, connaissance du dossier ?
L’art. 66 C.P.P. fait du contact d’un avocat un droit de l’individu gardé à vue qui en
bénéficie quelle que soit la nature de l’infraction en cause, « cette assistance permet
d’étendre, timidement, les bases du procès équitable dès l’enquête de flagrance »32mais il a
limité ce droit quant au moment de son exercice. Cet article énonce que : « la personne
placée en garde à vue peut, en cas de prolongation de celle-ci, demander à l’O.P.J. à
s’entretenir avec un avocat … », et ajoute : « l’avocat désigné peut également communiquer
avec la personne placée en garde-à-vue ».
Cependant, deux exceptions sont apportées à ce régime général, la première relative
aux mineurs pour qui la lecture de l’article 460 C.P.P. permet de déduire qu’aucun moment de
l’intervention n’a été fixé, ce qui signifie que les mineurs ont le droit de s’entretenir avec un
avocat dès le début de la rétention.
32
Mohammed-Jallal ESSAID, op. cit. P. 70.
La deuxième exception consistait à décaler le moment de l’intervention lorsque
l’enquête porte sur les infractions terroristes et certaines infractions énumérées par l’article
108 C.P.P. Dans ces cas, l’intervention ne doit pas dépasser 48 heures à partir de la première
prolongation qui est d’une durée de 96 heures.
La question qui se pose est dès lors de savoir la nature de l’intervention de l’avocat au
cours de la garde à vue.
Les pouvoirs de l’avocat à ce stade sont limités. En premier lieu, ils sont limités dans
le temps, puisque le client ne peut s’entretenir avec son avocat que dès la première heure de la
prolongation de la garde-à-vue pour une durée qui ne dépasse pas 30 minutes, sous le contrôle
de l’O.P.J. et dans des conditions qui garantissent la confidentialité de cet entretien (art. 66, al.
5 C.P.P.).
En second lieu, l’avocat n’a le droit ni d’avoir accès au dossier de la personne gardée à
vue, ni informé de la date présumée de l’infraction reprochée ni de sa nature, ni d’assister aux
interrogatoires, ni d’être informé des résultats de l’enquête qui a été réalisée. A cet effet, sa
mission se résume à vérifier les conditions dans lesquelles se déroulent la garde à vue, et il se
base uniquement sur les dires de la personne mise en cause.
De ce fait, il est difficile de parler d’une véritable défense comme celle qui existe
pendant l’instruction où l’avocat est appelé à assister à l’interrogatoire de l’accusé et a le droit
à un accès direct au dossier de celui-ci.
C’est dire que cette assistance se limite à un dialogue entre le conseil et son client,
l’avocat ne pouvant participer aux différentes opérations effectuées par la police judiciaire, en
particulier aux interrogatoires et aux confrontations.
Il n’en demeure pas moins que les attributions reconnues à l’avocat sont moins
négligeables :
● dès le départ, il peut produire des documents ou des observations
écrites à la police judiciaire ou au ministère public en vue de les joindre au procès-
verbal ;
● progressivement, les prérogatives reconnues à l’avocat vont s’élargir au
moment de l’interrogatoire mené par le ministère public. Le conseil désigné ou
choisi peut assister à cet interrogatoire et demander que son client soit soumis à un
examen médical ;
● l’avocat peut même demander au ministère public la mise en liberté du
suspect, en contrepartie d’une caution pécuniaire ou personnelle (art. 73, al. 2
C.P.P.) ;
● l’O.P.J. est tenu d’informer, par tous les moyens, la famille de la
personne gardée à vue, dès qu’il décide de placer cette dernière en garde à vue et
de le signaler dans le procès-verbal (art. 67, al. 4) ;
● enfin, l’intervention directe ou indirecte du parquet, vise à protéger la
liberté individuelle, contre les abus éventuels de la police judiciaire. Ce contrôle se
poursuivra au niveau de l’exécution de la garde à vue. En effet, le registre des
déclarations doit être mis à la disposition du ministère public (art. 68 C.P.P.). Il
suffit d’énumérer quelques énonciations de ce registre pour se rendre compte qu’il
s’agit d’assurer le respect de la présomption d’innocence et des pactes
internationaux : point de départ de la garde à vue, durée des interrogatoires, temps
de repos, état de santé ;
● l’efficacité de ces dispositions dépendra de l’observation d’une
obligation mise à la charge du procureur du Roi (art. 45 C.P.P.). Il doit en effet
visiter les locaux ménagés pour l’exécution de la garde à vue au moins deux fois
par mois.
Cette présentation permet de se poser la question sur les conséquences de
l’inobservation des règles qui entourent la garde à vue.
Le code de procédure pénale ne dit mot sur la question, et la jurisprudence est
hésitante. Mais un arrêt de la Cour suprême donne un peu d’éclairage à ce brouillard. En effet,
dans son arrêt du 14 juin 1972, la haute juridiction a estimé que les dispositions sur la garde à
vue ne seraient pas prescrites à peine de nullité, à une exception près, si l’inobservation d’une
règle avait entaché la manifestation de la vérité d’un vice de fond33.
Cette solution est, à notre sens, insuffisante pour protéger les droits de l’individu placé
en garde à vue et pour donner corps à ces règles garantissant ces droits. En effet, il faut
envisager un mécanisme qui oblige l’O.P.J. d’observer les mentions prescrites par la loi, et
qui consiste essentiellement dans la nullité de la procédure et les procès-verbaux. Cette
protection demeure vide de sens, si elle ne revêt pas un caractère obligatoire, et cela ne peut se
concevoir sans sanction.
Cette opinion est partagée par le professeur Mohammed-Jallal ESSAID pour qui : « la
propriété individuelle est mieux protégée contre les abus éventuels de la police judiciaire que
la liberté des personnes poursuivies »34. En effet, les dispositions qui réglementent les
perquisitions et les visites domiciliaires sont prescrites, selon l’article 63 C.P.P., à peine de
nullité.
33
Cour suprême, 14 juin 1972, dossier n° 39047 – Cour suprême 25 mars 1986, Rev. Jurisp. Et Droit, n° 138, p.
279.
34
Op. cit. p. 74.
La législation marocaine sur la garde-à-vue souffre de certaines faiblesses qui
demandent une refonte. Ainsi, des solutions peuvent être proposées.
D’abord, la garde à vue ne doit concerner que la personne à l’encontre de laquelle
existent une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis ou tenté de
commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.
Ensuite, la garde à vue doit être l’unique moyen à l’accomplissement de certains
objectifs :
- exécution d’investigations ;
- présentation au procureur ;
- éviter que des preuves ne soient effacées ;
- éviter des pressions sur les témoins.
Il faut donc justifier cette garde-à-vue
- assistance de l’avocat dès le début de la garde-à-vue. Il doit assister aux
interrogatoires.
La Cour européenne des droits de l’homme dans deux décisions : SALDUZ c./
Turquie du 25 novembre 2008, et DYANAN c./Turquie du 13 octobre 2009, a fondé sa
décision notamment sur la violation de l’article 6 C.E.S.H. Elle affirme que le prévenu doit
bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police. Il
doit bénéficier d’une assistance effective d’un avocat.
Dans l’arrêt DYANAN, la Cour européenne des droits de l’homme détaille ce droit à
un avocat. Il comporte :
- la discussion de l’affaire ;
- l’organisation de la défense ;
- la recherche des preuves favorables à l’accusé ;
- la préparation des interrogatoires ;
- le soutien psychologique à l’accusé ;
- le contrôle de la détention.
La Cour européenne des droits de l’homme, FIDANCI c./Turquie 35, affirme que
« l’absence d’avocat lors d’une garde à vue au cours de laquelle le suspect a tenu des
déclarations sur lesquelles s’est notamment fondée sa décision de condamnation viole
l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. »
La présentation de ces arrêts est importante, car ils peuvent constituer un modèle
d'évolution des dispositions du code de la procédure pénale marocaine, spécifiquement celles
se rapportant à la mesure de la garde à vue.
Le législateur impose que soit établi l’ensemble des actes accomplis par l’O.P.J.
pendant le placement d’une personne en garde-à-vue par deux moyens essentiels : le registre
35
CEDH, 2e sect., 17 janv. 2012, Fidanci c. Turquie, n° 17730/07.
et le P-V. L’a. 66, al. 11 C.P.P. dispose qu’ : « un registre, côté et paraphé par le Procureur
du Roi, doit être tenu dans tous les locaux susceptibles d’accueillir des personnes placées en
garde-à-vue ». Il y sera fait mention de l’identité de la personne retenue, des motifs de sa
garde-à-vue, l’heure du départ et de la fin de celle-ci, le temps des interrogatoires, les
moments de repos, l’état physique et de santé de la personne et la nourriture qui lui a été
offerte (al. 13).
La règle est qu’il est mis fin à la garde à vue soit par la fin du délai légal, soit par une
décision de l’O.P.J. ou du ministère public avant l’écoulement total du délai légal en raison de
la disparition du besoin qui la justifiait.
En principe, la présentation d’une personne au ministère public doit mettre fin à sa
garde à vue. Lorsque le procureur du Roi procède à l’interrogatoire d’un suspect, il ne possède
à l’issue de celui-ci que deux options : libérer la personne ou faire en sorte qu’elle reste
retenue à la disposition de la justice, en présentant un réquisitoire aux fins d’information
assorti d’une requête de mise en détention préventive ou en ordonnant un dépôt jusqu’à ce
qu’il soit déféré devant le tribunal (art. 47, et 74 C.P.P.).
L’enquête préliminaire ou de droit commun, est une procédure moins rigoureuse que
l’enquête de flagrant délit, mais elle ne procure à son auteur que des pouvoirs limités.
Ce type d’enquête tient une place importante dans l’exercice des fonctions de la police
judiciaire. Elle est de pratique quotidienne et constitue le moyen d’information le plus courant
de celle-ci.
Bien que restreintes, les possibilités offertes par cette procédure sont suffisantes pour
faire aboutir les investigations dans de nombreuses affaires.
§. 1 – Les acteurs
L’enquête préliminaire, dite de droit commun, son but est d’éclairer le ministère
public sur les suites à donner à la procédure. Le ministère public détient l’opportunité des
poursuites, c’est lui qui détermine si oui ou non, il est judicieux de poursuivre, et de présenter
notamment la personne devant la juridiction de jugement.
L’enquête policière permet donc de porter des éléments qui vont éclairer la décision
du ministère public sur l’opportunité de poursuivre, c’est l’enquête de droit commun.
Cette enquête peut être menée par la police elle-même sans se référer au procureur du
Roi, mais, à ce moment-là, il doit, sans délai, l’informer, ou c’est le procureur du Roi peut
demander devant certains éléments, une situation de trouble, on se dit peut être il y a
infraction ou alors il y a bien infraction effectivement mais quels sont les auteurs, l’affaire est
un peu complexe, c’est bien le procureur du Roi peut demander à ce que la police judiciaire
mène une enquête préliminaire en vue de savoir si oui ou non il y a infraction, si oui ou non
on peut trouver les coupables, savoir quelles suites donner à l’affaire : poursuivre ou classer
sans suite.
L’objectif est donc :
• De recueillir des renseignements nécessaires à l’autorité judiciaire
(Recherches, auditions de personnes,… etc.)
• D’établir, éventuellement, l’absence d'une infraction pénale (suicide,
incendie accidentel,… etc.)
Toutes les opérations, effectuées dans le cadre de cette enquête, sont dirigée par le
procureur du Roi ou le procureur général du Roi chacun en ce qui le concerne.
Il s’agit principalement des cas où l’O.P.J. ou l’A.P.J. :
• transport sur les lieux ;
• procède aux constatations ;
• effectue des perquisitions et saisies ;
• procède à l’audition des témoins et des personnes paraissant avoir
participé à l’infraction et avise le procureur du Roi dès qu’une personne est identifiée
suite à des indices tangibles ;
• conduit devant le procureur du Roi toute personne contre laquelle
existent des indices graves et concordants de nature à motiver sa mise en examen.
Dès qu’il a connaissance d’un crime, d’un délit ou d’une contravention, l’O.P.J.
informe sans délai le procureur du Roi du lieu de commission des faits.
Dès la clôture des opérations, l’O.P.J ou l’A.P.J., doit faire parvenir au procureur du
Roi l’original et une copie de tous actes, documents et procès-verbal relatifs à l’enquête et
mettre à sa disposition les saisies réalisées.
4) Perquisitions et saisies
36
Sauf celles protégées par un secret prévu par la loi.
dans le seul cas où l’enquêteur obtient l’assentiment exprès de la personne dans le domicile de
laquelle l’opération a lieu. Si l’intéressé ne sait pas écrire, il convient de mentionner cette
circonstance et de demander à deux personnes, des voisins si possibles, d’attester par écrit de
l’acquiescement verbal donné en connaissance de cause par l’intéressé.
Il est à noter que si la personne ne donne pas son assentiment, aucune perquisition et
saisie ne peut être exécutée. Il convient alors d’informer le ministère public et d’en faire
mention sur le procès-verbal.
Cependant, en matière de terrorisme, si la personne chez laquelle l’opération doit avoir
lieu s’est abstenue de donner son accord, ou lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir cet accord,
les perquisitions et saisies peuvent avoir lieu sur autorisation écrite du ministère public en
présence de la personne concernée (art. 79, al. 4, C.P.P.).
5) Auditions
L’enquêteur, O.P.J. ou A.P.J., peut entendre toute personne susceptible de fournir des
renseignements sur les faits ou les objets et documents saisis.
Le témoin (ou la personne soupçonnée convoquée par un O.P.J.) est tenue de
comparaître, à défaut, il peut y être contraint par le procureur du Roi.
Si le témoin ou la personne soupçonnée fait sa déclaration et répond aux questions de
l’enquêteur, il doit lire lui-même sa déclaration et la signer, après avoir fait consigner, s’il y a
lieu, ses observations.
Les heures de début et de fin de chaque audition doivent être mentionnées au procès-
verbal. Les personnes, à l’encontre desquelles il n’existe pas d’indices faisant penser qu’elles
ont commis ou tenté de commettre une infraction, ne peuvent pas être retenues au-delà du
temps strictement nécessaire à leur audition.
Cette enquête est toujours menée par un O.P.J. Mais à la différence des deux enquêtes
précédentes : préliminaire et de flagrance, l’enquête sur commission rogatoire, une instruction
préparatoire est ouverte par un juge d’instruction qui ne peut tout faire lui-même parce que
parfois, il est éloigné de l’infraction, donc il va par commission rogatoire ordonner à un O.P.J.
ou un autre juge d’instruction, qui est plus prêt de l’action d’effectuer telle ou telle démarche
pour recueillir tel ou tel élément de preuve.
Il ne s’agit pas d’une délégation générale, le juge d’instruction ne peut déléguer, d’une
manière générale, tout son enquête, il reste à la tête de celle-ci, mais il peut demander à la
police d’accomplir certains actes parce qu’il est trop éloigné géographiquement, parce qu’il
n’a pas le temps, il a d’autres investigations à mener de son côté.
Il est à noter que l’enquête sur commission rogatoire n’est pas contrôlé par le
procureur du Roi, mais par le juge d’instruction puisqu’une information est ouverte.