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Introduction

I/ Définition de la procédure pénale

La procédure pénale est définie par Faustin Hélie dans son ouvrage : de la procédure
criminelle en général, comme : « l’ensemble des formes qui constituent la justice criminelle
et règlent son action. Le but de la loi pénale est de donner une sanction au droit; le but de la
procédure est d’en assurer la complète manifestation. »1
On peut définir la procédure pénale comme la description des interventions des
autorités étatiques (polices et juges) depuis la plainte, la dénonciation ou la constatation d’une
infraction jusqu’à une éventuelle décision définitive.
La procédure pénale réglemente ce qu’on appelle « le procès pénal », et elle élabore,
elle présente l’ensemble des règles relatives à la découverte d’une infraction, du responsable
de cette infraction, à sa poursuite, à son jugement et à l’exécution des peines.

II/ Les rapports de la procédure pénale et d’autres branches du droit

La détermination de l’objet de la procédure pénale demeure insuffisante, car elle exige


d’être complétée par l’explication de son rapport avec les matières voisines. Ainsi, il est
important d’exposer son rapport avec le droit pénal, et aussi avec la procédure civile, et enfin
avec les libertés publiques.

1) Comparaison entre la procédure pénale et la procédure civile

La procédure pénale et la procédure civile présentent des traits communs. En effet,


elles établissent les règles de forme à observer dans le cadre du jugement d’un litige et
qu’elles présentent des caractères communs concernant, spécialement entre autres,
l’indépendance de juridiction, notamment à l’égard de l’exécutif, la collégialité dans leur
composition et le double degré dans leur fonctionnement.
Il y a aussi des règles identiques en procédure pénale et civile qui tendent à
l'impartialité des juges et aussi à l’égalité des armes entre demandeur et défendeur.
Cependant, les deux types de procédure sont différents à plusieurs égards.
D’abord, la procédure pénale a pour objet la protection des intérêts de la société alors
que la procédure civile vise la protection des intérêts privés.
Ainsi, dans une procédure civile, le demandeur comme le défendeur est une partie
privée. Il est vrai que, dans un procès pénal, le défendeur, contre qui les faits sont imputés est
une personne privée. Or le demandeur, à savoir le ministère public, est responsable de l’ordre
public. Il a donc intérêt à agir pour trouver les coupables et les réprimer.
Par ailleurs, dans un procès privé, les parties ont la maîtrise totale de leurs droits en ce
sens qu’elles peuvent renoncer, transiger ou même se désister.

1
Faustin (H.), Chapitre préliminaire de son « traité de l’instruction criminelle », 2e éd. Paris, 1866, T.I, p. 3.
En revanche, dans un procès pénal, les autorités publiques ont la charge de rechercher
les infractions et de mettre en mouvement l’action publique. Le ministère public en tant que
représentant de la société, même s’il est titulaire du droit de mettre en mouvement l’action
publique, n’en est pas propriétaire pour autant. En ce sens, il ne peut pas y renoncer, transiger,
se désister sauf cas exceptionnels2. C'est la manifestation du principe d’autorité ou d’initiative
publique et le principe d’indisponibilité.
Ensuite, dans un procès civil, le ministère public donne son avis sur la bonne
application de la loi, il peut être dans certains cas énumérés par la loi comme partie principale
au procès civil, mais il peut être aussi dans d'autres cas, une partie seulement jointe à ce
procès. Alors qu’au pénal, il en demande au juge l’application, c'est une partie principale au
procès.
En outre, la théorie de la preuve est différente en matière répressive. En effet, les
problèmes de preuve sont plus épineux en procédure pénale qu’en procédure civile. D’abord,
parce qu’en matière civile, la preuve est souvent préétablie. Ainsi, en matière d’actes
juridiques, le contrat est établi par écrit. Or une infraction est un fait juridique. De là, il n’y a
aucune preuve préconstituée, mais seulement des indices.
Le juge aura donc un rôle plus important dans la recherche des preuves en matière
pénale qu’en matière civile.
Enfin, en cas de gain de cause dans un procès civil, il revient au plaideur gagnant de
faire mettre la décision de justice à exécution, ce qui n’est pas le cas dans un procès pénal où
la charge de l’exécution de la décision judiciaire revient au ministère public.

2) Procédure pénale et droit pénal

La plupart des définitions du droit pénal proposées par la doctrine sont très larges.
Ainsi, le droit pénal est défini comme « l’ensemble des règles juridiques qui organisent la
réaction de l’Etat vis-à-vis des infractions et des délinquants » ou « comme le droit de la
réaction sociale qu’elle engendre ».
Ces définitions incluent dans le domaine du droit pénal à la fois les règles de droit
pénal de fond et les règles de procédure pénale. Mais l’expression « droit pénal » ne recouvre
pas les règles procédurales. L’expression « droit pénal » recouvre les règles de fond.
Dans ce sens plus étroit, le droit pénal peut être défini comme «  l’ensemble des règles
ayant pour objet de déterminer les actes antisociaux, de désigner les personnes pouvant en
être déclarées responsables et de fixer les peines qui leur sont applicables ». Plus brièvement
encore, le droit pénal peut être défini comme « l’ensemble des règles ayant pour objet la
détermination des infractions. » Les dispositions fondamentales applicables en la matière sont
contenues dans le code pénal.
Mais il importe de relever le rapport entre les deux disciplines. En effet, l’une des
particularités majeures du droit pénal est que sa mise en œuvre suppose nécessairement une
intervention judiciaire. Dans son aspect sanctionnateur, lorsqu’il conduit au prononcé d’une
peine ou d’une mesure, le droit pénal n’existe pas sans procédure pénale. Cela signifie qu’en
principe, aucune peine ne peut être prononcée sans qu’il y ait eu un jugement définitif.
La procédure pénale, c’est une particularité de la matière pénale, est donc
indispensable au droit pénal. Sans procédure pénale, le droit pénal n’aurait aucun intérêt.
Concernant la procédure civile, le droit civil peut s’en passer. Ainsi, si un mariage se déroule
2
L’article 41 C.P.P. prévoit cependant que « la partie lésée ou le prévenu peut, avant la mise en mouvement de
l’action publique et lorsqu’il s’agit d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement égale ou inférieure à
deux ans ou d’une amende dont le maximum ne dépasse pas 5000 dhs, demander au procureur du Roi d’établir
un procès-verbal mentionnant la transaction conclue entre eux. ».
sans difficulté, si un contrat entre un acheteur et un vendeur est parfaitement respecté, aucun
de deux protagonistes n’ira voir le juge. Or pour la matière pénale, le droit pénal a
impérativement besoin, pour exister, pour avoir un intérêt, de la procédure pénale, d’une mise
en œuvre et donc d’une intervention de l’appareil répressif et éventuellement d’une sanction
par un juge.
La loi pénale est ainsi pour une large part ce que les magistrats en font. Ainsi, le
ministère public dispose du pouvoir d’apprécier l’opportunité des poursuites lorsqu’un acte
contraire à la loi pénale a été commis. Lors du jugement de l’affaire, la juridiction répressive
se livre à une appréciation de la réalité des faits et examine s’ils sont qualifiables pénalement.
Puis elle détermine librement la peine applicable, dans les limites du maximum fixé par la loi,
en tenant compte de la gravité et des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son
auteur.

3) Procédure pénale et libertés publiques

La procédure pénale repose beaucoup sur la question des preuves. Les autorités
étatiques ont un rôle actif dans la recherche des preuves. Dans une première phase, la police,
dans une deuxième phase, les juges, plus particulièrement, le juge d’instruction. La justice
pénale a un rôle inquisiteur. Ils ont toutes deux des pouvoirs de contrainte. La procédure
pénale est une procédure à haut risque pour les droits de l’individu.
La matière pénale obéit à un régime des preuves particulier. En effet, les particularités
touchent d’abord la charge de la preuve, ensuite, les modes de preuves et enfin la valeur
probante.

1°) La charge de la preuve

La charge de la preuve en matière répressive incombe au demandeur, en l’occurrence,


le ministère public.
Par ailleurs, dans un procès pénal et contrairement au procès civil où le juge est passif
puisqu’il se contente d’apprécier la valeur des preuves produites par les parties au soutien de
leurs prétentions, le juge pénal agit activement afin de découvrir la vérité et peut même user
de pouvoirs coercitifs à cet effet. C’est le cas notamment du juge de l’instruction qui instruit à
charge et à décharge et des juges de jugement qui, s’ils estiment que les preuves présentées
sont insuffisantes peuvent ordonner un supplément d’informations.
Cependant, le principe de la charge de la preuve connaît une limite prévue par le code
de procédure pénale qui prévoit que les procès-verbaux et les rapports dressés par les officiers
de la police judiciaire et de la gendarmerie pour constater les délits et les contraventions font
foi jusqu’à preuve du contraire.

2°) Modes de preuve

Un autre principe gouverne la matière pénale, il s’agit de la liberté de la preuve. Or


en matière civile, les modes de preuve sont fixés préalablement.
Cette particularité se justifie par le fait qu’en matière répressive, il ne suffit pas de
prouver des actes juridiques mais surtout des faits matériels ou psychiques. De là tous les
moyens de preuve qui peuvent venir à leur soutien sont admissibles sous réserve qu’elles
soient contradictoirement discutés et qu’elles ne soient pas illicites (aveu sous tortures, suite
au sérum de vérité, détecteurs de mensonges, etc.)
De manière générale, les modes de preuve classiques concernent notamment, le
témoignage, l’aveu, l’écrit et la connaissance directe du juge qui consiste à permettre à celui-
ci de se déplacer sur les lieux de l’infraction, de constater par lui-même, faire des
perquisitions et des saisies afin de se faire une intime conviction.

3°) La valeur de la preuve

Il existe en principe deux systèmes de preuves. D’une part, la preuve légale, c’est-à-
dire que le juge devrait condamner à chaque fois qu’une preuve ayant une force probante
déterminée par la loi a été administrée. D’autre part, l’intime conviction du juge. C’est ce
dernier système qui est appliquée au Maroc et selon lequel, le juge condamne ou acquitte
suivant qu’il est ou non convaincu de la culpabilité sans être tenu à aucune justification de la
force probante des preuves qu’il détient.

III/ Approche historique de la procédure pénale

La procédure pénale est souvent, à l’origine, de type accusatoire ; elle devient parfois
inquisitoire, pour aboutir en général à un système mixte.

1- La procédure accusatoire

La procédure accusatoire est historiquement la plus ancienne, elle a trouvé application


dans les civilisations grecques et romaines. On la rencontre aujourd’hui encore, mais souvent
dans des formes atténuées, notamment dans les pays anglo-saxons.
Cette procédure est dite accusatoire parce qu’elle est déclenchée par une accusation.
Le juge est un particulier, accepté par les parties, pouvant être récusé.
Le rôle principal dans le déclenchement, la conduite de l’instance et la recherche des
preuves est réservé aux parties. Le procès pénal ressemble à un procès civil, à l’origine les
infractions sont des délits privés.
La procédure accusatoire a un caractère oral, public et contradictoire; la preuve est
régie par le principe de l’intime conviction du juge. Dans ce contexte, un accusateur saisira le
juge pour mettre en mouvement un procès pénal, le juge ne peut se saisir d’office. En outre,
l’accusé et l’accusateur seront à égalité et devront faire prévaloir leurs moyens de preuve.
Enfin, le jugement ne reposera que sur ce qui a été exposé oralement et publiquement à
l’audience.
Ce système offre des garanties à l’accusé, à savoir discussion libre et à égalité avec
l’accusateur.
L’inconvénient de ce système, c’est qu'il risque de sacrifier les intérêts de la
répression. En effet, comme la procédure imposait à l’accusateur la charge matérielle,
juridique et pécuniaire du procès et l’exposait aux peines prévues pour les crimes commis en
cas d’absolution de l’accusateur, cette situation avait entraîné à un moment la carence de tout
accusateur, ce qui a poussé les civilisations ayant adopté cette procédure à suppléer à
l’absence de tout accusateur. C’est ainsi qu’au début du XIIIème siècle en France par
exemple, les procurators ont été institués et avaient pour mission de représenter les victimes
en justice et de porter donc les accusations. À la moitié du XIVème siècle, l’institution du
procureur du Roi est définitivement établie. Le procureur du Roi ou le ministère public est
ainsi investi du pouvoir de déclencher la procédure indépendamment de tout accusateur privé
et ce dans le but de représenter l’intérêt social. Néanmoins, il faut signaler qu’à côté du
ministère public, tout accusateur peut déclencher ou se joindre à une procédure.

2 - La procédure inquisitoire

Étymologiquement, la procédure inquisitoire est issue du terme "inquisitio" qui


signifie enquête. Elle trouve ses origines dans le droit romain puis essentiellement développée
par les juridictions ecclésiastiques, de même dans les ordonnances royales.
Dès le XIIIème siècle, cette procédure était de mise puisqu’elle répondait plus à
l’intérêt de l’Etat centralisé plutôt que celui des victimes.

Dans cette procédure, le juge est un fonctionnaire public permanent, imposé aux
parties. Il déclenche le procès pénal et peut se saisir d’office. Il joue un rôle souverain et actif
dans la mesure où il ne va pas se contenter des éléments de preuve que vont lui apporter les
parties au procès, mais va procéder lui-même à en rechercher d’autres pour forger sa propre
conviction.
En effet, c’est le juge qui décide d’ouvrir un dossier, qui conduit l’instruction de
l’affaire, qui dirige le déroulement des débats, puis qui prononce la sanction. Cette procédure
présente alors le risque de partialité.
La procédure est écrite, un procès-verbal est donc établi reprenant tous les épisodes de
l’affaire ; elle est non contradictoire, en ce sens que l’accusé à un rôle passif ; et enfin, elle est
secrète.
Le système a l’avantage de permettre une répression rapide. Mais l’inconvénient
réside dans le fait que celui-ci sacrifie les intérêts de la défense, et fait courir le risque
d’entraver le cours de la justice, du fait du monopole de l’accusation détenu par le magistrat.
Les éléments de cette procédure subsistent de nos jours mais ses traits sont largement
atténués pour garantir les droits de la défense.

3 - La procédure mixte
C’est la procédure idéale au point de vue des criminologues puisqu’elle combine les
caractéristiques des procédures accusatoire et inquisitoire.

En effet, durant la phase de l’instruction préparatoire, c’est le caractère


inquisitoire qui domine dans le but de faciliter la manifestation de la vérité. Cependant, le juge
d’instruction ne peut se saisir lui-même et doit tenir compte des droits de la défense. Il n’a pas
le droit de se prononcer sur la culpabilité du défendeur et il doit instruire aussi bien à charge
et à décharge.
Durant le jugement, c’est le caractère accusatoire qui l’emporte avec cette limite que
le juge doit veiller au respect de l’équilibre entre l'accusation et la défense.
La procédure marocaine est de type mixte puisqu’elle synthétise les traits de deux
procédures: accusatoire et inquisitoire.

IV/ Les sources

On peut distinguer les sources internes (A) et les sources internationales (B).

A) Les sources internes

1) La constitution

La constitution est le texte juridique le plus important dans le système juridique, le


texte fondamental qui est au sommet de la hiérarchie des normes.
Elle organise essentiellement les institutions politiques et les différents pouvoirs de
l’Etat et constitue ainsi le cadre de référence pour l’ensemble des pouvoirs.
Avant le 14 décembre 1962, date de la première constitution marocaine, le Maroc
vivait sous le régime de la confusion des pouvoirs. Cela signifie que les lois et les règlements
étaient pris sous forme de dahirs.
Mais à partir de décembre 1962, la constitution est venue fixer la compétence du
pouvoir législatif et exécutif.
Depuis lors, le Royaume a connu 9 nouveaux référendums constitutionnels, le
24 juillet 1970, le 1er mars 1972, le 23 mai 1980, le 30 mai 1980, le 31 août 1984, le
1er décembre 1989, le 4 septembre 1992, le 13 septembre 1996 et le 1er juillet 2011.
La constitution de 2011 contient des dispositions se rapportant à la procédure pénale.
Elle en a ainsi de l’article 21 relatif aux droits à la sécurité qui dispose que « Tous ont droit à
la sécurité de leur personne, de leurs proches et de leurs biens. Les pouvoirs publics assurent
la sécurité des populations et du territoire national dans le respect des libertés et droits
fondamentaux garantis à tous. »
L’article 23 protège les droits et libertés des individus et la présomption d’innocence
en prévoyant que « Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en dehors des cas
et des formes prévus par la loi.
La détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus
grande gravité et exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères. Toute personne
détenue doit être informée immédiatement, d’une façon qui lui soit compréhensible, des
motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de garder le silence. Elle doit bénéficier, au
plus tôt, d’une assistance juridique et de la possibilité de communication avec ses proches,
conformément à la loi.
La présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis. Toute
personne détenue jouit de droits fondamentaux et de conditions de détention humaines (…) ».
L’article 24 se rapporte à la vie privée. Il prévoit que « toute personne a droit à la
protection de sa vie privée. Le domicile est inviolable. Les perquisitions ne peuvent intervenir
que dans les conditions et les formes prévues par la loi. Les communications privées, sous
quelque forme que ce soit, sont secrètes. Seule la justice peut autoriser, dans les conditions et
selon les formes prévues par la loi, l’accès à leur contenu, leur divulgation totale ou partielle
ou leur invocation à la charge de quiconque (…) ».
Quant à l’article 107 est en relation avec l’indépendance de la justice. Il dispose que « 
le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Le Roi est le
garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. »
Dans le même sens, l’article 109 énonce qu’«  est proscrite toute intervention dans les
affaires soumises à la justice. Dans sa fonction judiciaire, le juge ne saurait recevoir
d’injonction ou instruction, ni être soumis à une quelconque pression. Chaque fois qu’il
estime que son indépendance est menacée, le juge doit en saisir le Conseil Supérieur du
Pouvoir Judiciaire.
Tout manquement de la part du juge à ses devoirs d’indépendance et d’impartialité,
constitue une faute professionnelle grave, sans préjudice des conséquences judiciaires
éventuelles.
La loi sanctionne toute personne qui tente d’influencer le juge de manière illicite. »
L’article 110 prévoit que : « les magistrats du siège ne sont astreints qu’à la seule
application du droit. Les décisions de justice sont rendues sur le seul fondement de
l’application impartiale de la loi. Les magistrats du parquet sont tenus à l’application du
droit et doivent se conformer aux instructions écrites émanant de l’autorité hiérarchique. »
Le droit à la sûreté et le droit à la sécurité sont protégés au titre de l'article 117 qui
dispose que : «  le juge est en charge de la protection des droits et libertés et de la sécurité
judiciaire des personnes et des groupes, ainsi que de l’application de la loi. »
L’article 118 garantit l’accès à la justice, car il énonce que « L’accès à la justice est
garanti à toute personne pour la défense de ses droits et de ses intérêts protégés par la loi. »
L’article 119 est en relation avec la présomption d’innocence, il prévoit en effet que
« tout prévenu ou accusé est présumé innocent jusqu’à sa condamnation par décision de
justice ayant acquis la force de la chose jugée. »
Le droit au procès équitable et le délai raisonnable, on en trouve trave au sein de
l'article 120 dispose que : « toute personne a droit à un procès équitable et à un jugement
rendu dans un délai raisonnable. Les droits de la défense sont garantis devant toutes les
juridictions. »
L’article 121 garantit l’aide judiciaire, car il dispose que : « dans les cas où la loi le
prévoit, la justice est gratuite pour ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour
ester en justice. »
L’article 122 est d’une importance considérable, car il fixe le droit à réparation de
l’erreur judiciaire à la charge de l’Etat. Il énonce ainsi : « les dommages causés par une
erreur judiciaire ouvrent droit à une réparation à la charge de l’État. »
La publicité des débats est protégé par l'article 123 qui dispose que : « les audiences
sont publiques sauf lorsque la loi en dispose autrement. »
L’article 128 sur l'enquête policière énonce que : « La police judiciaire agit sous
l’autorité du ministère public et des juges d’instruction pour tout ce qui concerne les
enquêtes et les investigations nécessaires à la recherche des infractions, à l’arrestation des
délinquants et à l’établissement de la vérité. »

2) La loi

La loi est votée par le parlement conformément à la procédure prévue par la


constitution. Le parlement est composé de deux chambres, la chambre des représentants et la
chambre des conseillers.
L’initiative des lois appartient concurremment au gouvernement (les projets de lois) et
au parlement (les propositions de lois).
Les domaines de compétence de la loi sont strictement fixés par l’article 46 de la
constitution.
La procédure pénale a sa source dans le code de procédure pénale.

1°) La genèse du code

Le Maroc a vécu entre 1913 et 1953, avant d’arriver à rassembler les lois dans un
code, dans l’arbitraire et le vide textuel car les juridictions makhzen compétentes en matière
pénale et dans les procès entre marocains, n’appliquaient aucune réglementation. Le code
d’instruction criminelle français de 1808 et introduit au Maroc en 1913 ne concernait que les
instances pénales opposant des étrangers ou des étrangers et des marocains.
En 1953, ce code fut généralisé à tous ceux qui résidaient au Maroc dans la zone
française.
Malgré ses légères modifications et son caractère nouveau, ce texte ne servait pas les
intérêts du Maroc. En effet, derrière l’apparence légaliste « il constituait un instrument de
répression politico-pénale »3. Il permettait de transférer les justiciables des juridictions
makhzen aux tribunaux français qui étaient mieux préparés et formés pour réagir contre les
« actes de terrorisme perpétrés par les associations de malfaiteurs » qui étaient les opérations
et les groupes de résistance4.
Au lendemain de l’indépendance, le caractère purement juridique apparaît pour la
première fois dans l’application de ce texte en procédure pénale. Si l’observation de ce code a
été maintenue pendant quelques années, la volonté de le remplacer par un autre texte n’a
jamais disparu. Au fond, ce texte était trop vieux et trop dépassé dans son pays d’origine
même. Le 10 février 1959, le législateur marocain a promulgué un code de procédure pénale
unifié5.

3
ALAMI MACHICHI (M.D.), procédure pénale, éd. les presses de l’imprimerie KAMAR, Casablanca,
n°2/1982, p. 14.
4
Op. cit.
5
Ministère de la justice : code de procédure pénale, Dahir du 1erchaabane 1378 (10 février 1959). Rabat,
imprimerie officielle, 1959.
Dans la note de présentation de ce code, il est cité que : «  seule une procédure qui
présume l’innocence des inculpés, fixe des limites infranchissables aux arrestations et
détentions, garantit l’inviolabilité du domicile … assure la liberté de la défense, qui, en un
mot, protège les citoyens contre les erreurs et les abus commis au nom de la société, est digne
d’un pays libre  ».
Le dahir du 18 septembre 1962 a modifié le code de 1959. Ce code constituait une
législation nouvelle, mais il reprenait la majorité des règles de la codification française de
1958.
Ce dahir avait limité sensiblement les garanties de la liberté individuelle. Il en a ainsi
de la garde à vue dont la durée a été doublée, qui pouvait se prolonger pendant une douzaine
de jours, dans le cadre des infractions de droit commun.
S’agissant des atteintes à la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat, il était loisible au
procureur du Roi ou au juge d’instruction de renouveler les délais autant de fois qu’ils le
jugeaient nécessaire6. Il en est de même de la détention préventive dont les délais ont été
allongés ou même doublés. Elle n’est plus considérée, comme c’était le cas du code de
procédure pénale de 1959, comme une mesure exceptionnelle. L’appel interjeté par le
ministère public a un effet suspensif de jugement d’acquittement, d’absolution ou de
condamnation avec sursis. Le prévenu, comme c’était le cas avant, se voit refuser la mise en
liberté.
Concernant le Dahir du 28 septembre 1974 « l’énumération des principales mesures
arrêtées trahi le souci d’accélérer le déroulement des procédures, au détriment des droits de
la défense et des garanties d’une bonne justice  »7. Alors quels sont les apports du dahir
précité ?
Il s’agit principalement :
● suppression des juridictions d’instruction en première instance ;
● même au niveau des cours d’appel, l’instruction est réservée à une
catégorie d’infractions criminelles ;
● avec la procédure du crime flagrant, c’est le procureur général qui peut
dans certains cas mener l’instruction et saisir directement la juridiction de
jugement ;
● le dahir de 1974 a supprimé la chambre des mises en accusation qui
constitue le deuxième degré d’instruction. Elle est remplacée par la chambre
correctionnelle de la Cour d’appel qui est appelée à jouer un rôle plus limité ;
● la réforme de 1974 a mis fin au tribunal criminel et au système du jury
en matière criminelle. Ses fonctions relèvent désormais d’une chambre de la Cour
d’appel – la chambre criminelle- composée exclusivement de magistrats
professionnels au nombre de cinq.
La période actuelle est marquée par l’avènement du code de 3 octobre 2002 8. Cette
réforme est justifiée par la nécessité de mettre le droit marocain en conformité avec les pactes
et conventions internationaux ratifiés par le Royaume. Mais elle est aussi justifiée par une
vérité historique, comme il relève le professeur Mohammed-Jalal Essaid, pour qui « durant la
dernière décennie de son règne, le Roi défunt Hassan II avait voulu réellement changer
l’image du pays, effacer les séquelles du passé et faire du Maroc, en droit comme dans la
pratique, un modèle de démocratie (…)  »9.

6
Mohammed-Jalal ESSAID, le procès équitable dans le Code de procédure pénale de 2002, publié par la
fondation Mohammed-Jalal ESSAID pour la réforme du droit et le développement socio-économique, p. 15.
7
Précité, p. 16.
8
Dahir n° 1.02.255 du 25 rajab 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 22.01.
9
Op. cit. p. 20.
« Le souci d’assurer les conditions du procès équitable, du respect des droits des
individus et la sauvegarde de leur liberté d’une part, et la préservation de l’intérêt général et
de l’ordre public d’autre part, constitue le pivot central de la révision du Code de procédure
pénale de 1959 et du dahir relatif aux mesures transitoires promulguées en 1974 »10.
De cette affirmation, il découle que la matière pénale, est une belle matière, en ce
qu’elle est la matière où on a une opposition entre le droit à la sécurité et le droit à la sûreté.
Cela signifie qu’il y a d’un côté, le droit à la sécurité, c’est la nécessité d’assurer la poursuite
et le jugement des coupables, il faut donc une justice efficace. D’un autre côté, il faut éviter
qu’un individu ne soit poursuivi à tort, ne soit condamné à tort. Il faut ainsi concilier la
sécurité : l’efficacité de la justice et la sûreté : la protection des libertés individuelles.
Concernant la sûreté tout d’abord, et la sauvegarde des libertés individuelles, elle est
protégée au titre notamment de l’article 7 de la déclaration des droits de l’homme et des
citoyens du 26 août de 1789 (D.D.H.C.), qui marque l’apogée de l’idéologie de la révolution
française, et au titre de l’article 3 de la déclaration universelle des droits de l’homme du 10
décembre 1948 (D.U.D.H.), adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies, et l’article
23 de la constitution marocaine de 2011. Elle est présentée comme un droit imprescriptible de
l’homme par l’article 2 de la D.D.H.C.
On retrouve ce droit à la sûreté au sein de l’article 5 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme (C.E.S.D.H.), adoptée par le conseil de l’Europe, qui
envisage ce droit à la sûreté et qui laisse la place à certaines exceptions pour lesquelles l’Etat
a le droit de porter atteinte à la liberté de tout un chacun.
En effet, cet article présente des hypothèses limitatives du droit à la sûreté :
● suite à une condamnation, en cas d’arrestation ;
● pour présenter l’individu à un magistrat ;
● détention possible d’un mineur en vue de son éducation ;
● détention d’une personne possible s’il est susceptible de propager une
maladie contagieuse ;
● privation de liberté envisageable pour empêcher une personne de
pénétrer irrégulièrement sur le territoire ou dans le cadre d’une procédure
d’expulsion.
Cette liste est limitative, elle a été rappelée par la Cour européenne des droits de
l’homme dans une décision Engel et autres c/Pays-Bas en 197611. En outre, il faut que cette
privation de liberté respecte les voies légales qui sont posées par la loi pour donner corps à ces
principes figurant au sein de l’article 5 C.E.S.D.H.
Selon ce droit à la sûreté, pas d’arrestation, pas de détention, pas de peines arbitraires.
De ce fait là, le législateur à propos du droit pénal, doit donc être mesuré dans le nombre
d’infractions qu’il crée. Il doit être précis dans la définition de ces comportements.
Dans le cas de la procédure pénale, il faut assurer le respect des droits de la défense.
C’est d’autant plus important ce respect, c’est que une condamnation prononcée par un juge
aura beaucoup plus d’importance, beaucoup plus de valeur dès lors qu’elle est exempte de
critique quant au respect des droits de la défense. Dès lors que la procédure est régulière, que
l’individu a pu à armes égales avec l’accusation pleinement se défendre, s’il est condamné au
final, on ne peut pas ou on peut moins critiquer les décisions.

10
Préambule de la loi 22.10 relative à la procédure pénale.

AFFAIRE ENGEL ET AUTRES c. PAYS-BAS. Requête no 5100/71; 5101/71; 5102/71; 5354/72; 5370/72.
11
De l’autre côté, il y a le droit à la sécurité, c’est la protection de l’ordre social. Une
première utilisation emblématique de ce droit à la sécurité, on en trouve trace dans l’article 12
D.D.H.C. Elle affirme que la garantie des droits de l’homme et des citoyens nécessite une
force publique. De ce fait là, le droit à la sécurité, le législateur doit incriminer certains
comportements pour protéger la société, et doit prévoir des mécanismes permettant de
répondre à la commission d’une infraction.
La société commande une répression efficace, certaine des infractions, le système
judiciaire doit donc être performant. Mais cela doit être mis en balance avec le respect de la
sûreté, et des prérogatives individuelles de la personne mise en cause. Ce droit est protégé par
l’article 21 de la Constitution marocaine de 2011.

2°) Le contenu du code

Le code de procédure pénale s’ouvre après un livre préliminaire d’une importance


capitale « de la présomption d’innocence », « de l’action publique et de l’action civile ». Ces
deux actions commandent tout l’avenir du procès pénal quand on sait que l’infraction est à
l’origine de deux dommages : le dommage social, et le dommage individuel subi par la
victime.
L’article 2 C.P.P. définit l’action publique, action pour l’application des peines, et
l’action civile, action en réparation du dommage causé par l’infraction et appartenant à tous
ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. Ainsi
est déterminé le cadre général dans lequel se déroule le procès pénal. Ce procès à trois
acteurs : l’auteur de l’infraction, le ministère public, et la victime. Les rôles sont bien
distribués. Mais le problème est de déterminer la place de la victime dans le procès pénal.
Le livre premier est consacré à la recherche et de la constatation des infractions, c’est-
à-dire à la poursuite et à la mise en état de l’affaire pour qu’elle soit utilement jugée. On y
trouve les dispositions sur :
- des autorités chargées de la recherche des infractions ;
- les enquêtes menées sous le contrôle du procureur du Roi ;
- les règles des enquêtes préliminaires et de flagrance ;
- la garde à vue ;
- l’instruction, … etc.
Le livre II est consacré aux juridictions de jugement, tribunal de première instance,
Cour d’appel.
Le livre III est consacré aux règles propres aux mineurs. Ainsi, il avait décidé :
● le relèvement de la majorité pénale à 18 ans grégoriens révolus (art.
458 C.P.P.) ;
● création de la juridiction des mineurs au tribunal de première instance
en plus de la consécration du rôle qu’assume le conseiller chargé des mineurs près
la Cour d’appel ;
● le code de procédure pénale a confié au procureur général du Roi le
soin de désigner un magistrat du ministère public chargé des affaires des mineurs
(art. 467 et 485 C.P.P.) ;
● confier le droit de veiller sur la réconciliation dans les délits commis
par les mineurs au ministère public qui peut demander la suspension de l’action
publique intentée contre le mineur, en cas de retrait de la plainte ou de désistement
de la victime (article 461 C.P.P.) ;
● le code a prévu divers outils et moyens pour la protection des mineurs,
tels que le régime de la garde provisoire prévue à l’art. 471, les mesures de
protection ou de rééducation prévue par l’article 481 et le régime de la liberté
surveillée traité par les articles 496 à 500.
Le livre IV est consacré aux voies de recours extraordinaires : pourvoi en cassation, de
la rétractation et de la rectification des arrêts, de la révision.
Le livre V rassemble quelques procédures particulières, par exemple pièce de
procédure arguée de faux, la disparition d’une pièce de procédure, … etc.
Le livre VI de procédure pénale est intitulé « de l’exécution des décisions de justice ».
On y trouve des dispositions sur l’exécution des sentences pénales, sur la détention, du casier
judiciaire, … etc.
Le livre VII et dernier du code est consacré à la compétence à l’égard de certaines
infractions commises hors du Royaume et des rapports avec les autorités judiciaires
étrangères.

3- Le règlement

Le règlement est tout texte provenant du pouvoir gouvernemental ou administratif


(gouvernement ou ministre) qui n’est autre que le pouvoir exécutif. Les règlements peuvent
être sous forme de Dahirs, de Décrets ou d’Arrêtés. Que signifient-ils ces textes ?
Le Dahir est une règle juridique émanant du Roi ;
le Décret est une règle juridique émanant du premier ministre ;
et l’Arrêté, est une règle juridique élaborée et signée par une autorité administrative
subordonnée au premier ministre.
Le domaine réservé au règlement dans le cadre de la procédure pénale paraît dérisoire.
En effet, les interventions du pouvoir réglementaire en matière pénale restent bien rares, car la
loi reste le domaine privilégié de la procédure pénale.

B) Les sources internationales

La procédure pénale marocaine est influencée par des instruments internationaux


ratifiés par le Maroc. Parmi les principes fondamentaux insérés dans le code de procédure
pénale, la présomption d’innocence, le respect des droits de la défense, la célérité de la
procédure, l’équilibre des parties, le principe de légalité. Ainsi, pour ne citer que quelques
exemples, la déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’assemblée générale
des Nations Unies le 10 décembre 1948 avait stipulé dans son article 3 que « Tout individu a
droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. »
L’article 5 dispose que « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
L’article 8 prévoit que « Toute personne a droit à un recours effectif devant les
juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui
sont reconnus par la constitution ou par la loi ».
L’article 10 stipule que : «  Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa
cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial,
qui décidera soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle. »
De même, l’article 11 de la déclaration stipule que « toute personne accusée d’un acte
délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au
cours d’un procès-public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été
assurées ».
Ce principe est confirmé par l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils
et politique.

V/ Les parties à l’action publique

A – Le défendeur

Les défendeurs à l’action publique sont des personnes physiques ou morales. Toutes
les personnes physiques peuvent être appelées à comparaître, sauf si elles jouissent d’une
immunité diplomatique, consulaire ou autre.
Il est à noter que la responsabilité pénale est personnelle. Les mineurs, auteurs d’une
infraction, seront défendeurs à l’action publique, et leurs parents seront défendeurs à l’action
civile.
L’action publique peut aussi viser les personnes morales, mais celles-ci sont
représentées par un dirigeant. Le problème qui se pose est quand l’infraction est imputée à la
société et à son dirigeant. Dans cette hypothèse, il faut désigner un mandataire de justice pour
représenter la personne morale.
En France, des personnes peuvent être mises en cause officieusement sans pouvoir les
mettre en examen. Il s’agit essentiellement des témoins assistés.

B - Le demandeur

Le demandeur à l’action publique est le ministère public (procureur, avocat général)


incarnant la défense de la société. Mais la victime, juridiquement parlant, n’est pas partie au
procès pénal. Elle peut cependant demander réparation de son préjudice dans le cadre d’un
procès civil, elle peut se constituer partie civile. Ce procès peut se tenir dans le même temps
que le procès pénal.

Cet ouvrage traitera, dans un chapitre préliminaire, les principes directeurs du procès
pénal. Il traitera également les différentes étapes qui avancent en quelque sorte des
déclinaisons de ces principes directeurs, du procès pénal. D’un côté l’enquête policière (titre
1), de l’autre côté l’instruction préparatoire menée par un juge d’instruction (titre 2).
Chapitre préliminaire - les principes directeurs du procès pénal

Les principes directeurs bénéficient d’une protection, tout comme le principe de la


légalité criminelle, à un triple niveau : au niveau international, notamment au sein de la
déclaration universelle des droits de l’homme au sein de l’article 10, du pacte international
relatif au droit civil et politique au titre de l’article 14, de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme au sein de l’article 6. Une protection également
constitutionnelle, et protection de ces principes fondamentaux aussi au travers de la loi.
L’article premier du livre préliminaire du code de procédure pénale reprend ces principes,
dont principalement le principe de la présomption d’innocence. Donc une protection à tous les
niveaux de ces principes fondamentaux.
L’article 6 de la C.E.S.D.H., l’article 10 de la D.U.D.H. et l’article 14 du pacte
international relatif aux droits civils et politiques, intitulé « droit au procès équitable »
envisagent des hypothèses qui s’appliquent pour l’ensemble du droit processuel et pas
seulement qu'au procès pénal. Par contre certaines dispositions ne s’appliquent qu’à la
procédure pénale.
Concernant la première hypothèse, il s’agit, d’un côté, du droit pour tout individu à ce
que sa cause soit entendue équitablement, publiquement dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial, le jugement doit être rendu publiquement et chacun a le
droit à l’exécution d’une décision de justice. Il faut dans un premier temps avoir accès à un
tribunal.
La deuxième hypothèse ne se rapporte pas au droit processuel en général, car elle est
spécifique à la matière pénale, il s’agit de la présomption d’innocence, et certains droits et
garanties octroyés à l’accusé et à la victime.

1) Principes de l’indépendance et l’impartialité de l’autorité judiciaire

L’indépendance et l’impartialité constituent les deux principes fondamentaux de tout


système judiciaire. Ils sont garantis au titre de l’article 10 de la D.U.D.H., de l’article 14 du
pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette protection est aussi garantie par
la nouvelle constitution marocaine de 2011 au titre de l’article 107.
Le tribunal, tout d’abord, doit être indépendant et il faut éviter qu’il ait des pressions
que ce soit qui soit faite sur les magistrats.
Le tribunal doit aussi être impartial. Impartialité qui s’analyse de deux manières :
● une façon objective au regard de ses fonctions, c’est-à-dire qu’on ne
pourrait pas concevoir qu’un magistrat qui par exemple instruit un dossier et
demande la présentation de l’individu devant la juridiction de jugement, s’il estime
qu’il y a des charges suffisantes pour qu’il soit jugé, on ne pourrait donc pas
concevoir que ce juge d’instruction soit aussi dans la juridiction de jugement, car
on estime légitimement s’il demande le renvoi, il a déjà une petite idée de l’issu, en
tous les cas, il s’est forgé son opinion sur la question.
● Cette impartialité s’apprécie également subjectivement, il ne faut pas
que le juge puisse soupçonner de connivence avec l’une ou l’autre des parties en
cause12.

2) Principe de la publicité

La publicité des débats figurent également dans les instruments des droits de l’homme
pour éviter une justice secrète.
La publicité des débats à l’audience est en effet une garantie pour le justiciable et pour
le juge. Le premier est assuré que la vérité ne sera pas étouffée par une juridiction aveugle ou
partiale, le second voit son œuvre gagner en autorité morale. Aussi le code de procédure
pénale a fait de la publicité une formalité substantielle des procédures d’audience, dont le
respect doit être mentionné à peine de nullité dans les jugements.
La publicité est assurée à la fois par la présence du public aux débats et par la
possibilité de publier le compte-rendu des débats. Or elle est parfois limitée, en application de
principes supérieurs de moralité et de bienséance, qui permettent d’écarter de l’audience
certaines personnes ou même la totalité du public.
Le président de la juridiction répressive peut, d’un côté, interdire l’accès de la salle
d’audience aux mineurs ou à certains d’entre eux.
De l’autre côté, il arrive qu’un ou plusieurs individus troublent la bonne tenue de
l’audience par leur attitude, leur manque de respect envers la justice, leur tapage ou même les
infractions qu’ils commettent. Le président de la juridiction peut les faire expulser ; et s’ils
résistent ou causent du tumulte, la juridiction peut les placer sous mandat de dépôt et les
frapper de deux mois à deux ans d’emprisonnement. Si, au trouble d’audience, s’ajoute une
infraction (par exemple des outrages à magistrat), celle-ci peut être jugée dans les conditions
de compétence indiquées précédemment.
En outre, l’accès du public à la salle d’audience peut être interdit par le huis clos, total
ou partiel, prononcé par décision motivée, quand l’ordre public ou les bonnes mœurs risquent
de souffrir d’une publicité complète.
Le huis clos a soulevé en pratique de nombreuses difficultés. Son prononcé appartient
à la juridiction elle-même. L’opportunité de la mesure est laissée à l’appréciation souveraine
des magistrats, et ne dépend, en principe, ni du consentement ni de l’avis de l’individu
poursuivi, qui ne peut ni s’y opposer, ni la critiquer. Toutefois, dans les affaires de viol
(simple ou aggravé) ou d’attentat à la pudeur de nature criminelle, le huis clos est « de droit »
si la victime, constituée partie civile, le réclame. Dans les autres cas, c’est-à-dire lorsque la
victime n’a pas réclamé elle-même le huis clos, celui-ci ne peut être ordonné que si elle ne s’y
oppose pas.
En ce qui concerne sa portée, le huis clos peut viser toutes personnes étrangères au
procès, ou admettre la présence de certaines d’entre elles. Il peut, en outre, être limité à une
partie des débats ou les couvrir entièrement. Mais on admet, en pratique, que rien n’empêche
qu’avant la fin des débats, on revienne à la publicité complète, même si le huis clos avait été
ordonné pour toute la durée de l’audience. Pendant le huis clos, la procédure se poursuit

12
Afin de garantir l’impartialité des magistrats, la loi prévoit certaines incapacités de juger, par exemple en cas
de lien de parenté entre plusieurs magistrats d’une même juridiction, ou entre un magistrat et un avocat ou une
partie. Il existe en outre une procédure de récusation permettant aux parties de mettre en cause la partialité
suspectée d’un juge.
comme à l’ordinaire, ce qui autorise l’accomplissement de tous les actes qui auraient pu être
faits à l’audience publique.

3) Le principe du délai raisonnable

Ce principe s’analyse à l’aune de trois critères principalement par la Cour européenne


des droits de l’homme :
● la complexité de l’affaire, il est évident que la juridiction répressive
prendra plus de temps pour juger une affaire complexe par rapport à une question
d’assez simple ;
● l’attitude du requérant : est-ce qu’il a mis en œuvre toutes les voies de
recours ? est- ce qu’il a mis des procédés dilatoires pour gagner du temps ?
● Et enfin le comportement des autorités nationales : ont-elles été
suffisamment diligentes ?
Le principe du délai raisonnable à plusieurs vertus, parmi lesquelles : apaiser la
victime par la condamnation de l’auteur de l’infraction ; laquelle, par ailleurs, peut obtenir
réparation du préjudice qu’elle a subit ; apaiser la société dont l’ordre a été troublé ; atténuer
l’angoisse qui habite le prévenu présumé dans l’attente de son jugement.

4) Principe de l’égalité des armes

La Cour européenne des droits de l’homme affirme ce principe dans une décision
Delcourt c./ Belgique13. L’idée est qu’il ne faut pas placer une partie dans une situation en net
désavantage par rapport à l’autre, que chacun soit à égalité pour préparer sa défense, pour
discuter des preuves présentées devant le juge.
Ce principe d’égalité des armes a eu le mérite que les législations nationales, y
compris le code de procédure pénale marocaine, ont accru les prérogatives de l’individu
soupçonné pour se rapprocher de l’autre partie principale au procès : le ministère public qui
représente l’accusation. On a donc une augmentation des garanties octroyées à la personne
mise en cause sans pour autant que ces prérogatives soient les mêmes. En effet, les deux
parties ne sont pas dans la même situation.
Cet état de lieu a eu un effet retour, car cette égalité des armes a eu comme
conséquences d’accroître également les droits de la victime pour les rapprocher de ceux de la
personne mise en cause. Là encore les droits ne sont pas les mêmes puisque ces deux
protagonistes sont dans des situations complètement différentes, l’un doit protéger son
innocence, et l’autre, principalement la victime, attend une indemnisation, une reconnaissance
de l’acte dont elle a été victime. Ces droits ne sont donc aucunement les mêmes.
Ce principe d’égalité des armes pose un problème dans un procès à trois parties. Il faut
connaître dans le cadre d’un procès pénal, la victime sera un allié objectif du ministère public.
Ce dernier va demander l’application de la loi, mais pas forcément une condamnation. Dès
lors qu’il poursuit l’individu devant le tribunal, il attend une application de la loi, une
sanction. Du coup, ça nous a fait un procès à deux parties, et de ce fait là, le principe d’égalité

13
C.E.D.H., 16 janvier 1970, Requête no 2689/65.
des armes peut être davantage discutable. C’est toute la question de savoir quelle place doit-
on octroyer à la victime dans le cadre du procès pénal et toute la difficulté à trouver la place la
plus juste pour cette victime au sein du procès pénal, car elle n’est pas partie principale.

Les deux parties principales sont l’accusation, à savoir le ministère public qui
représente la société, et la personne mise en cause qu’on soupçonne d’avoir commis une
infraction. Mais on comprend qu’elle a un rôle à jouer parce que la victime, c’est elle qui a
subit les actes de violence, c’est elle qui a perdu un proche dans un homicide volontaire.

5- Le principe du contradictoire

Le principe du contradictoire (ou principe de la contradiction) est un principe de droit


existant dans toute procédure, qu’elle soit civile, administrative, pénale ou disciplinaire, et qui
signifie que chacune des parties a été mise en mesure de discuter l’énoncé des faits et les
moyens juridiques que ses adversaires lui ont opposés.
Ce principe est à rapprocher des notions de droits de la défense, loyauté, équité et
égalité des armes. Le principe du respect du contradictoire s’applique à tout moment de la
procédure.
Le trait le plus important est la contradiction dans la procédure à l’audience. Les
parties sont présentes aux débats, y produisent leurs preuves et y combattent librement celles
de leurs adversaires.
La présence des parties est nécessaire. Deux hypothèses à distinguer. D’une part, si le
prévenu est libre, il doit déférer à la citation et se présenter à l’audience. D’autre part, s’il est
détenu, il est extrait de prison et conduit aux débats. Que se passe-t-il s’il refuse de se voir
juger régulièrement ? S’il est libre, la procédure par défaut en matière correctionnelle ou de
police et de contumace en matière criminelle permettent de le juger malgré tout ; mais les
décisions rendues sont fragiles et tombent soit sur opposition, soit par la purge de la
contumace.
S’il s’agit d’un accusé, placé en état de détention provisoire, le président du
tribunal de première instance ou de la Cour d’appel peut, sur sommation de comparaître faite
par huissier et restée sans effet, le faire amener de force devant la Cour, ou décider qu’il sera
passé outre aux débats, malgré son absence ; après chaque audience, lecture lui est donnée du
procès-verbal des débats et copie délivrée des réquisitions du ministère public et des décisions
rendues, qui sont toutes réputées contradictoires.
La libre défense des parties implique leur présence à toutes les phases du procès et la
communication de toutes les preuves sur lesquelles la juridiction formera sa conviction.
Corollaire du principe de contradiction, le droit est donné à chaque partie privée d’être
assistée d’un défenseur.
La liberté de parole devant la juridiction de jugement est garantie par l’impunité des
discours prononcés, qui ne peuvent donner lieu à aucune action en diffamation, injure ou
outrage, sauf pour les faits étrangers à la cause et sous réserve de l’action civile appartenant
aux tiers (sur la presse).
La présence de l’accusé ou du prévenu aux débats ne suffit pas. Le principe du
contradictoire impose, en outre, que la personne poursuivie soit informée exactement des faits
qu’on lui reproche, et de la nature ainsi que de la gravité des charges retenues contre elle. Si,
au cours de l’audience, des éléments nouveaux sont découverts ou sont produits par une des
parties au procès, les juges ne peuvent établir leur conviction sur eux ou s’en servir à l’appui
de leur décision si ces éléments n’ont pas été soumis à la libre discussion de toutes les parties.

6 – Principe de la présomption d’innocence

Dans sa définition commune, la présomption d’innocence signifie qu’un individu


même suspecté de la commission d’une infraction, ne peut être considéré comme coupable
avant d’en avoir été jugé tel par un tribunal.
Ce principe est consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948
(art. 11), de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (art. 9), de la
Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme (art. 6), le Pacte international
relatif aux Droits civils et politiques du 16 décembre 1966 14, ou encore de la nouvelle
Constitution marocaine adoptée par référendaire le 1 er juillet 2011 (art. 23), le code de
procédure pénale (a. 1er).
Juridiquement, la présomption d’innocence est un principe fondamental qui fait
reposer sur l’accusation, en l’occurrence le procureur du Roi, la charge de rapporter la preuve
de la culpabilité d’un prévenu.
Ce principe relève des droits de la personne mise en cause qui a droit au respect de sa
dignité. C’est une garantie essentielle du procès pénal. Il permet à l’individu mis en cause de
se défendre en partant du postulat qu’il n’a pas commis les faits. La personne est donc
présumée innocente jusqu’à ce qu’on démontre l’inverse.
En se défendant pour rester innocent, il existe toute une gamme des droits accordés à
la personne mise en cause en vue de protéger cette innocence. Elle doit être informée des
charges retenues contre elle pour la garde-à-vue, dans le cadre de l’instruction préparatoire et
lors de l’audience. Elle a droit à l’assistance d’un avocat qui suppose que la charge de la
preuve repose sur la partie accusatrice, sur le ministère public. C’est à celui-ci de démontrer
l’existence de l’infraction en tous ces éléments : légal, matériel et moral et la culpabilité de
l’individu. Si le doute subsiste, il profite à la personne mise en cause.
Les termes qu’on entend régulièrement dans les médias : de présumé coupable,
d’auteur présumé coupable d’une infraction sont faux et n’ont aucun sens juridiquement
puisque c’est le principe de la présomption d’innocence qui gouverne.
Il existe, cependant, quelques exceptions à cette nécessité pour l’accusation d’apporter
la preuve de l’infraction pour faire tomber la présomption d’innocence, pour renverser la
charge de la preuve. Ainsi, à titre d’exemple, l’article 498 C.P. prévoit qu’ « est puni de
l'emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amende de cinq mille à un million de dirhams,
à moins que le fait ne constitue une infraction plus grave, quiconque sciemment :
(…)
7) se trouve incapable de justifier la source de ses revenus, considérant son niveau de
vie alors qu'il vit avec une personne se livrant habituellement à la prostitution ou à la
débauche ou entretenant des relations suspectes avec une ou plusieurs personnes se livrant à
la prostitution ou à la débauche  ».
C’est à la personne qui se trouve dans cette situation, qu’elle ne peut pas justifier ses
revenus de faire tomber la présomption d’avoir commis cette infraction.
14
Ratifié le 8 novembre 1979 (art. 9, al. 8).
7 - Les droits de la défense

L’analyse de chacun des termes « droits de la défense » révèle certaines de ses


caractéristiques.
Littéralement, le terme droit – du latin directum qui signifie ce qui est juste – constitue
la faculté d’accomplir quelque chose, d’exiger quelque chose d’autrui, en vertu de règles
reconnues, individuelles ou collectives ; c’est un pouvoir, une autorisation.
Dans son acception juridique, le droit c’est l’ensemble des règles régissant la
vie en société et sanctionnées par la puissance publique.
Dans son sens subjectif, il constitue une prérogative attribuée à un individu dans son
intérêt, permettant de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une prestation.
Ensuite, le terme de défense – du latin defensa, du verbe defendere– se caractérise par
un double aspect, voire une ambiguïté sémantique. Il peut signifier à la fois l’interdiction, la
prohibition et la protection ou la sauvegarde.
Dans un cadre judiciaire, l’action de se défendre en justice peut se résumer à faire
valoir devant le juge ses droits ou ses intérêts – comme demandeur ou défendeur, soit par soi-
même, soit par représentation selon ce que la loi permet ou ordonne.
Si le respect des droits de la défense est un principe commun au procès civil et au
procès pénal, il possède en matière répressive une importance particulière et un sens plus
précis. Définis comme l’ensemble des prérogatives qui garantissent au mis en cause d’une
procédure pénale la possibilité d’assurer effectivement la protection de ses intérêts, les droits
de la défense constituent un principe à valeur constitutionnelle.
Les principaux droits de la défense concernent notamment le droit d’avoir un procès
contradictoire, juste et équitable, et dans un délai raisonnable.

L’exercice de ces diverses facultés doit être effectif, ce qui implique, par exemple, que
le mis en cause puisse communiquer dans une langue comprise, si besoin par le recours à un
interprète.

Enfin, le fait que le prévenu ait la parole en dernier constitue une ultime mais
significative illustration du principe du respect des droits de la défense.
Titre 1 – L’enquête policière

L’enquête menée par la police judiciaire, a connu une évolution dans l’histoire du
droit marocain15.
Ainsi, sous le protectorat, les actes visant à constater les infractions pénales et à
rechercher les éléments de preuve et les auteurs d’infractions, sont régis par une
réglementation divergente selon les juridictions compétentes, françaises ou du Makhzen.
Devant les juridictions françaises, l’article 13 du dahir de procédure criminelle
complété par le dahir du 27 avril 1920, a repris les dispositions du Code français d’instruction
criminelle et de la loi du 8 décembre 1897 sur l’instruction préalable en matière de crimes et
délits. Ces textes sont applicables devant les juridictions françaises de l’Empire chérifien, en
ce qu’elles n’ont rien de contraire audit dahir16.
De ce fait, les mêmes principes directeurs du procès pénal en métropole sont
appliqués au Royaume : l’instruction est confiée au juge d’instruction, tandis que la poursuite
est confiée au ministère public. A l’exception des cas de flagrant délit, l’enquête n’était pas
explicitement confiée à la police judiciaire. L’article 2 C.P.C. précise que « l’officier de
police judiciaire qui constate une contravention en transmet le procès-verbal à l’officier du
ministère public près le tribunal de paix de la circonscription ou au juge de paix pour toute
suite de droit ».
Cependant, la difficulté était de savoir les autorités compétentes à exercer les pouvoirs
de la police judiciaire. En raison de l’insuffisance de l’organisation empruntée de la
métropole, la qualité d’officier de police judiciaire a dû être étendue dès 1913 à « certains
magistrats et à de nombreux fonctionnaires, civils ou militaires, dans leurs circonscriptions
respectives »17.

L’organisation des juridictions Makhzen était plus compliquée. Ces juridictions ne


sont pas gouvernées par les mêmes principes directeurs dont fait l’objet la justice répressive
française. Il y avait une confusion des pouvoirs administratif et judiciaire, particulièrement
caractérisée par le renforcement des compétences juridictionnelles des Pachas et Caïds 18.
Ainsi, l’instruction a été confiée aux Pacha et Caïd, ou leur suppléant, assisté par un
commissaire du gouvernement. Ce dernier « tient [en effet] le rôle de ministère public et

15
EL BAKIR Mohammed, hal.archives-ouvertes.fr.
16
CAILLE (J.), organisation judiciaire et procédure marocaines, L.G.D.J., Paris, 1948, p. 317.
17
Les officiers du ministère public près les tribunaux de paix ; les commandants ou chefs de région ; les
commandants ou chefs de poste ; les chefs soit d’une brigade ou d’un poste de gendarmerie, soit d’un corps
remplissant les fonctions de la gendarmerie ; les contrôleurs civils ou leurs adjoints des affaires indigènes ; le
directeur des services de la sécurité publique, les contrôleurs généraux de police, les inspecteurs-chefs
principaux et inspecteurs de police ; les officiers commandant un port et leurs adjoints ; les officiers du service
de renseignement ; les chefs des services municipaux et leurs adjoints ; les chefs de la police mobile ; les
inspecteurs de la sûreté régionale ; les inspecteurs-adjoints du contrôle du chemin de fer pour la constatation des
crimes, délits et contraventions commis dans l’enceinte des chemins de fer et de leurs dépendances ; et
l’inspecteur principal, chef de la répression des fraudes, les inspecteurs principaux et les inspecteurs de la
répression des fraudes, dans l’exercice de leurs fonctions, sur tout le territoire de la zone française de l’empire.
V. CAILLE (J.), précité, p. 165.

18
ZIRARI-DEVIF Michèle, la formation du système pénal marocain, thèse, Nice, 1989, p. 206 et s.
veille à la bonne administration de la justice. Il décide au pénal de l’ouverture des
informations ou des classements des plaintes, exerce l’action publique et peut poursuivre
d’office ».
La police judiciaire dans le sens moderne n’existait pas.
Le début du protectorat a connu la création d’un corps de police structuré et assez
spécialisé. La gendarmerie était organisée par le décret du 25 novembre et le dahir du 2
décembre 1927. Son rôle est d’aider les deux justices makhzen et française. Or l’organisation
judiciaire du Maghzen lui attribue plus de pouvoirs, car elle avait la qualité de police
judiciaire. Elle était placée sous l’autorité du procureur général près la Cour de Rabat. La
police et la gendarmerie pouvaient ainsi conduire des enquêtes en toutes matières. Elles sont
tenues de matérialiser toutes les opérations et tous les actes en relation avec la construction de
la procédure dans des procès-verbaux.
L’arrêté résidentiel du 17 avril 1917 portant réglementation de la police mobile lui
confiait les missions de seconder l’autorité judiciaire dans la recherche et la répression des
délits de droit commun, de rechercher les malfaiteurs professionnels et de centraliser tous les
renseignements les concernant, de réprimer la fraude dans la vente des marchandises et les
fabrications des denrées alimentaires et des produits agricoles, d’assurer la police des voies de
communication, de centraliser et de diffuser, par la voie d’une publication dénommée
« bulletin de la police générale », les mandats de justice décernés contre les malfaiteurs en
fuite.
La police de sûreté, organisée par le dahir du 1er mars 1924, était chargée, à côté de ses
attributions purement administratives, de prévenir les attentats, constater les crimes et délits,
rechercher les auteurs et exécuter les mandats de justice.
Le code de procédure pénale de 195919 contenait des dispositions suffisamment
claires, calquées sur le modèle de la procédure pénale française. Il prévoyait une enquête
préalable à la saisine du juge qui peut se dérouler en deux modes, préliminaire ou de
flagrance. Il en confie la charge à des officiers dont il précise les qualités et qui l’exercent
sous la direction du procureur du Roi ou le procureur général du Roi et le contrôle de la
chambre correctionnelle de la Cour d’appel.

Cette présentation permet de traiter, d’une part, les organes de la police judiciaire
(Chapitre 1), et d’autre part, leurs actes (chapitre 2).

Chapitre 1 – Les organes de la police judiciaire

L’enquête policière est, selon l’article 18 C.P.P., menée par la police judiciaire. Elle a
pour mission de constater les infractions, de rassembler les preuves et de rechercher les
auteurs de ces infractions.
La police judiciaire, qui intervient très tôt dans le processus pénal, a un rôle très
important dans la constitution matérielle et juridique du dossier.
La police judiciaire, c’est la police nationale et la gendarmerie. Elles exercent deux
types de mission :
● Des missions dites de police administrative ;
● et des missions dites de police judiciaire.
19
Abrogé à compter du 1er octobre 2003 par la loi n° 22-01 relative au code de procédure pénale promulguée par
le dahir n° 1-02-255 du 3 octobre 2002 - 25 rejeb 1423 ; publié au B.O n° 5078 du 30 janvier 2003.
Alors la mission de police administrative ça consiste à quoi ? Ça consiste à s’assurer, à
veiller au maintien de l’ordre public, ou à le rétablir. Pour la police judiciaire il a un but :
rechercher et constater une infraction déjà commise ou qu’elle va l’être.
La mission de la police administrative est de préserver davantage l’ordre public.
Imaginons, et c’est un exemple donné en doctrine, une ronde menée par la police dans tel ou
tel quartier, si la police mène cette ronde pour s’assurer qu’il n’y pas de bruit, on est dans une
mission de police administrative. Mais si la police mène cette même ronde après avoir été
alertée par un riverain par exemple que il y avait du bruit, qu’un individu rodait de près autour
de tel ou tel véhicule faisant de bruit, là on est devant une mission de police judiciaire parce
qu’on s’intéresse à quelque chose de beaucoup plus précis que le simple fait de surveiller ou
de veiller sur la protection de l’ordre public.
Mais ce sont les mêmes organes qui mènent ces deux types de missions : police
administrative et police judiciaire.

Enquête de police judiciaire, ce sont les investigations menées par les officiers de
police judiciaire avec l’assistance des agents de police judiciaire, pour constater les infractions
à la loi pénale, rassembler les preuves et rechercher les auteurs.

La police judiciaire comprend les officiers supérieurs de police judiciaire (section 1),
les officiers de police judiciaire (section 2), les agents de police judiciaire (section 3), et
certains fonctionnaires que la loi leur attribue la qualité de police judiciaire (section 4).

Section 1 - Les officiers supérieurs de police judiciaire

Les officiers supérieurs de la police judiciaire peuvent, outre les fonctions d’officiers
de police judiciaire, donner des ordres aux simples officiers de police judiciaire.

§. 1 - Les catégories

Les officiers supérieurs de police judiciaire comprennent :


• le procureur général du Roi et ses substituts ;
• le procureur du Roi et ses substituts ;
• les juges d’instruction.

§. 2 - Les pouvoirs

Le ministère public est représenté auprès de la Cour d’appel par le procureur général
du Roi en personne sous le contrôle de la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de sa
circonscription.
Il a dans l’exercice de ses fonctions le droit de requérir directement la force publique.
Le procureur général du Roi procède en personne ou fait procéder à tous les actes
nécessaires à la recherche des crimes, en appréhender les auteurs et les présenter aux fins de
poursuite.
Quant au procureur du Roi, il a le droit selon l’article 40 § 2, code procédure pénale de
procéder ou faire procéder à tous les actes nécessaires à la recherche des auteurs des
infractions à la loi pénale. Il ordonne qu’ils soient appréhendés et présentés aux fins de
poursuite.
Il a aussi le droit de décerner des mandats d’arrêt internationaux de recherche et
d’arrêt aux fins d’extradition.
Le procureur du Roi dirige, dans le ressort de son tribunal, l’activité des officiers de
police judiciaire et procède à leur notation à la fin de chaque année.
De même, le procureur du Roi veille sur le respect des mesures de garde à vue, ses
délais et son déroulement dans les locaux aménagés à cet effet dans le ressort de sa
circonscription. Pour cela, il procède à une visite des locaux de garde à vue, au moins deux
fois par mois. Il établit un rapport à l’occasion de chaque visite.
Le juge d’instruction est un officier supérieur de la police judiciaire. Le législateur lui
attribue des pouvoirs importants, car il procède à l’instruction des infractions commises dans
le ressort de sa circonscription.
Le juge d’instruction est le plus souvent saisi par un réquisitoire afin d’informer du
procureur du Roi.
Il peut aussi être saisi par une plainte de la victime accompagnée de constitution de
partie civile.
Dans la situation de la flagrance, le transport du juge d’instruction sur les lieux de
l’infraction lui attribue la priorité pour procéder à toute opération et à tous actes justifiés par
l’urgence, et cela en dépit de la présence du procureur général du Roi ou du procureur du Roi
sur le lieu de l’infraction. Il peut ainsi procéder à des constatations d’indices matériels, à des
perquisitions et saisies (…).
Il a le droit, dans l’exercice de ses fonctions, de requérir directement la force publique.
Le juge d’instruction peut aussi décerner des mandats et décider de contrôle judiciaire,
ou la détention préventive.
Section 2 - Les officiers de police judiciaire

Selon l’article 20, code procédure pénale20, ont qualité d’officiers de police judiciaire :
• le directeur général de la sûreté nationale, les préfets de police, les
contrôleurs généraux de police, les commissaires de police, les officiers de police ;
• les officiers et gradés de la Gendarmerie Royale ainsi que les
gendarmes commandant une brigade ou un poste de Gendarmerie Royale, pendant
la durée de ce commandement ;
• les pachas et caïds ;
• le directeur général de la direction de la surveillance du territoire, les
préfets de police, les contrôleurs généraux de police, les commissaires de police,
les officiers de police de cette direction concernant les infractions visées à l’article
108 de ce code.
(…) ».
Cette qualité peut être octroyée aux inspecteurs de la sûreté nationale ayant une
ancienneté d’au moins trois ans de service mais il faut un arrêté conjoint des ministres de la
justice et de l’intérieur ; aux gendarmes ayant effectué le même temps de service avec un arrêt
du ministre de la justice.
Leur compétence d’attribution s’étend à la constatation des infractions, le
rassemblement des preuves et des indices et la recherche des délinquants. Ils reçoivent
également les plaintes et les dénonciations, effectuent les enquêtes préliminaires.
En cas de flagrant délit, ils peuvent effectuer les actes nécessaires au bon déroulement
de l’enquête et informer, sans délai, le procureur.

§. 1 - Le directeur général de la sûreté nationale, les préfets de police, les


contrôleurs généraux de police, les commissaires de police, les officiers de police

Les contrôleurs généraux de police et les commissaires et officiers de police exercent,


souvent, les fonctions de police judiciaire avec la coordination du ministère public. Le
directeur général de la sûreté nationale et les préfets de police prennent seulement, en tant que
haute autorité administrative, la direction et le contrôle de ces organes.

§. 2 - Les officiers de police judiciaire chargés des mineurs

20
Modifié et complété par l’article 2 de la loi n° 35-11 promulguée par le Dahir n° 1.11.169 du 17/10/2011.
Selon l’article 460 du C.P.P., un officier de police judiciaire est en charge des mineurs.
Il s’agit d’une police spécialisée en la matière conformément aux dispositions de l’article 40.3
de la C.I.D.E.
Cette police judiciaire est tenue d’un certain nombre d’obligations.
Il s’agit de garder le mineur auquel est imputée l’infraction dans un endroit spécialement
aménagé à cet effet pour une durée ne dépassant pas celle de la garde à vue.

§. 3 - Les pachas et caïds

Les pachas et caïds à la tête d’une circonscription ont la qualité d’officiers de police
judiciaire pour les délits mineurs.
En ce qui concerne le wali ou le gouverneur, ils ont la qualité d’officiers de police
judiciaire, mais il faut la réunion de trois conditions :
1) en cas d’urgence ;
2) dans le cas des infractions contre la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat ;
3) Cette autorité de l’Etat n’a pas connaissance que l’autorité judiciaire soit déjà saisie.
Ils peuvent donc faire personnellement tous actes nécessaires à l’effet de constater les
infractions ou requérir par écrit à cet effet les officiers de police judiciaire compétents.
Le wali ou le gouverneur est tenu, s’il fait usage de ce droit, d’en aviser
immédiatement le représentant du ministère public de la juridiction compétente, de se
dessaisir de l’affaire à son profit dans les vingt-quatre heures de l’ouverture des opérations en
lui transmettant les pièces et en lui présentant toutes les personnes appréhendées.

§. 4 - Les officiers et gradés de la Gendarmerie Royale ainsi que les gendarmes


commandant une brigade ou un poste de Gendarmerie Royale, pendant la durée de ce
commandement

Cette catégorie de la police judiciaire concerne les officiers de la Gendarmerie Royale


et les gendarmes dont le grade est supérieur au grade de lieutenant, car ce dernier n’a pas la
qualité d’officier de police judiciaire, à moins qu’il commande une brigade ou un poste de
Gendarmerie Royale.
Les gendarmes comptant au moins 3 ans de service dans la Gendarmerie Royale,
nominativement désignés par arrêté conjoint du ministre de la justice et de l’autorité
gouvernementale chargée de la défense nationale pourra être confiée la qualité de l’officier de
police judiciaire.
Il est à noter que les simples gendarmes peuvent être officiers de police judiciaire à
condition de compter 3 ans de services dans la Gendarmerie et d’être nominativement
désignés par arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur.
§. 5 - Les agents de la police judiciaire

A) Catégories

Ils sont visés à l’article 25 C.P.P. ce sont :


• Les fonctionnaires des services actifs de police ;
• Les gendarmes qui n’ont pas la qualité d’OPJ ;
• Les Khalifas de pachas et les Khalifas de Caïds.

B) Fonctions

Leurs fonctions consistent à assister les officiers de police judiciaire et à les informer
des infractions parvenues à leur connaissance outre la constatation de celles-ci et la recherche
de leurs auteurs sous le contrôle des officiers de police judiciaire.
Ces agents dressent des procès-verbaux pour constater les infractions. Ils reçoivent par
procès-verbal les déclarations faites par toutes personnes susceptibles de leur fournir des
indices. Mais ils ne peuvent pas décider du placement en garde à vue, ni exécuter des
commissions rogatoires.
Les procès-verbaux doivent être datés, signés, et indiquer la qualité de leur auteur.
Ils ne devraient avoir la valeur que de simples renseignements, et le tribunal devrait
pouvoir écarter les faits qui y sont constatés s’il a acquis une conviction différente.

§. 6 – Les fonctionnaires chargés de fonction de police judiciaire

Certaines lois spéciales attribuent à certains fonctionnaires ou agents de l’Etat des


pouvoirs de police pour constater les infractions qui sont relatives à leur administration. En
effet, certains fonctionnaires par la nature de leurs fonctions, peuvent être en contact avec des
infractions à la loi pénale.

1) Dahir du 10 octobre 1917 portant sur les agents supérieurs des eaux et
forêts

Les ingénieurs et agents des eaux et forêts recherchent et constatent par procès-verbal
les délits et contraventions qui portent atteinte aux propriétés forestières et rurales. Ils peuvent
requérir l’appui de la force publique.
Ces agents peuvent conduire devant un officier de police judiciaire tout individu
surpris en flagrant délit, et saisir les objets enlevés des propriétés dont ils ont la garde. Mais
ils ne peuvent pas effectuer seuls une perquisition, pénétrer dans les maisons, placé quelqu’un
en garde à vue. Il leur faut la présence d’un officier de police judiciaire, qui ne peut pas se
refuser à les accompagner et qui signe le procès-verbal de l’opération à laquelle il a assisté.

2) Dahir du 28 avril 1961 relatif à la conservation, la sûreté, la police et


l'exploitation des chemins de fer

Les procès-verbaux de constatation des délits et crimes sont rédigés par l’officier de
police judiciaire, les agents de police judiciaire, les ingénieurs des travaux publics, les
inspecteurs de contrôle et les agents de surveillance nommés par le ministre des travaux
publics.

3) Code des douanes et impôts indirects du 9 octobre 1977

L’article 233 du Code prévoit que : « Les infractions douanières sont constatées par
les agents de l’administration ayant prêté serment dans les conditions fixées à l’article 33-2°
du présent code, par les officiers de police judiciaire ainsi que par tout agent verbalisateur
de la force publique ».

4) Dahir du 23 novembre 1973 formant règlement sur la pêche maritime

L’article 43 énonce que : « La recherche et la constatation des infractions sont


effectuées par les administrateurs de la marine marchande, les officiers commandant les
navires de guerre, les officiers commandant les bâtiments de l'Etat, les commandants des
bâtiments spécialement affectés à la police de la pêche et à la police de la navigation, les
gardes maritimes, les commandants et officiers de port, les officiers de police judiciaire, les
agents de l'administration des douanes et tous autres fonctionnaires de l'Etat habilités à cet
effet par décret. »
L’article 44 précise que : « pour la recherche et la constatation des infractions, les
agents visés à l'article précédent sont habilités à arraisonner les bateaux de pêche de toute
nationalité, à monter à leur bord et à procéder à toutes perquisitions, contrôles, fouilles qu'ils
jugeront utiles.  »
Chapitre 2 – Les opérations de police judiciaire

L’enquête de police précède l’instruction. Quand elle a lieu après l’ouverture d’une
information judiciaire, elle prend le nom de commission rogatoire. A ce stade du déroulement
du processus, l’action publique n’est pas encore mise en mouvement.

L’enquête ne sera pas conduite toujours de la même manière. Il existe :


• une enquête de flagrance (section 1) ;
• une enquête préliminaire (section 2) ;
• une enquête sur commission rogatoire (section 3).

Toutes ces investigations obéissent à des règles précises. Si les deux situations sont le
plus souvent régies par des dispositions similaires, elles sont également couvertes par des
règles spécifiques, destinées à donner plus de garanties aux droits de l’individu qui fait l’objet
de l’enquête préliminaire.
Le principe de la présomption d’innocence joue pleinement dans le cadre de l’enquête
préliminaire, à la différence de l’enquête de flagrance où la présomption d’innocence continue
certes à protéger l’accusé ou le suspect, mais se voit largement atténuée sous l’effet des
circonstances qui entourent le crime ou le délit flagrant21.

Section 1 – l’enquête en cas d’infraction flagrante

L’infraction flagrante confère à l’officier de police judiciaire des prérogatives


très importantes :
- il faut traiter les conditions de flagrance ;
- Au regard des principales opérations menées dans ce cadre : transport
sur les lieux, perquisitions et saisies.

§. 1 – Conditions de l’enquête de flagrance

A côté de l’enquête préliminaire, il existe un autre type d’enquête, qui relève du code
de l’exception, parce qu’elle n’est pas une enquête de droit commun, l’enquête dite de
flagrance.
L’article 56 C.P.P. ne définit pas ce qui est la flagrance, mais il énumère quatre cas de
flagrance. Cela n’empêche pas de dire que l’enquête de flagrance a pour fondement l’urgence,
qu’il y a à recueillir les preuves indispensables à la manifestation de la vérité d’une infraction
dont la commission est récente. Dans ce sens, TREIHARD, REAL, FAURE, conseillers
d’Etat, affirment que « c’est à l’instant que la police judiciaire peut et doit se montrer, il n’y
a pas un moment à perdre, le moindre retard ferait disparaître le coupable et les traces du
crime »22.
21
Commentaire du C.P.P., publication de « l’association de l’information légale et judiciaire ». 2ème éd., n° 2,
2004, p. 139 et 140. Cité par la fondation Mohammed-Jallal ESSAID, op. cit. P. 63.

22
Jean Louis DEL BAYLE, la police : approche socio politique, éd. Montcherstien, 1992, p. 111.
Il faut ajouter à ce critère deux conditions : l’actualité et la gravité, car le législateur
marocain a limité l’enquête de flagrance aux infractions les plus graves : les crimes et
uniquement les délits passibles d’une peine d’emprisonnement. Pour s’en convaincre, l’article
70 C.P.P. écarte les contraventions et les délits punis d’une simple peine d’amende.

L’article 56 C.P.P. énumère quatre cas de flagrance :


1èr cas : quand l’infraction se commet actuellement, ou quand l’infraction
vient de se commettre ;
2èmecas : quand la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur
publique : c’est lui qui a volé mon sac ;
3ème cas : quand, dans un temps très voisin de l'action, la personne
soupçonnée est retrouvée en possession d'objets ou qu’elle présente des traces et
indices laissant penser qu’elle a participé à l’infraction ;
4èmecas : assimilé flagrant, le crime ou le délit qui a été commis dans une
maison dont le chef requiert le procureur du Roi ou un officier de police judiciaire
de le constater.
Il y a deux composantes dans cette liste de cas de flagrance :
● une composante temporelle quand l’infraction se commet
actuellement ou vient de se commettre, dans un temps très voisin de l’action ;
● et une composante matérielle, c’est-à-dire que l’infraction flagrante,
c’est celle qui est évidente, frappe l’essence même de l’O.P.J. ou de l’A.P.J.
Il faut que ces deux composantes soient réunies pour qu’on soit dans une enquête de
flagrance et non dans une enquête préliminaire.
L’article 77 du Code de procédure pénale énonce qu’en cas de découverte d'un
cadavre, qu'il s'agisse ou non d'une mort violente, mais si la cause en est inconnue ou
suspecte, l'officier de police judiciaire qui en est avisé informe immédiatement le procureur
du Roi, se transporte sans délai sur les lieux et procède aux premières constatations.
L’intérêt dans l’enquête de flagrance puisqu’on agit à chaud, la police va avoir plus de
facilités pour mener son enquête et à accomplir les actes nécessaires.
Alors que pour l’enquête préliminaire, la règle c’est que pour mener des actes, il faut
recueillir l’assentiment de la personne, les policiers auront beaucoup plus facilement écarté
cet assentiment dans le cadre d’une enquête de flagrance. Des pouvoirs beaucoup plus
importants, parce qu’on agit à chaud, on est très prêt de la commission de l’infraction.

Ces hypothèses peuvent être regroupées dans trois cas :


● crime ou délit concrètement flagrant ;
● crime ou délit réputé flagrant ;
● infraction assimilée à la l’infraction flagrante.

1) Crime ou délit concrètement flagrant

Celui qui se commet actuellement (même au stade de la simple tentative) ou qui vient
de se commettre.
L’actualité du crime ou délit dont parle le texte signifie que l’auteur est pris sur le fait,
en train d’exécuter son projet (qu’il soit déterminé ou indéterminé) : le coupable est surpris.
La solution retenue par la jurisprudence dominante exige que l’infraction se révèle par des
indices extérieurs indiscutables. L’infraction qui se commet actuellement : « suffisamment
parlants », exemple l’incendie. Au facteur temps doit s’ajouter l’élément de publicité23.

Il est à noter que l’actualité n’est pas toujours évidente selon qu’on a affaire à un
crime ou un délit. Selon une étude intéressante de Miloudi Hamdouchi sur une période de 10
ans (1982-1992), l’actualité du crime ne se rencontre qu’une fois sur 1000 ; le crime étant
presque toujours pensé, calculé, même dans les hypothèses où les victimes étant presque
toujours indéterminées. Le criminel prépare son plan de retrait avant la commission du crime,
même indéfini, de façon à dérouter les enquêteurs24.
L’actualité n’est en fait réelle qu’en matière de délit parce que, généralement, le délit
est indéterminé et peut se constituer sans plan préétabli, sauf lorsqu’il s’agit d’infractions
économiques ou de mœurs. Les gens ne sortent pas dans les lieux publics avec l’intention de
se battre. Mais tout endroit de concentration favorise le développement d’une forme de
criminalité, notamment l’escroquerie, le trafic d’influence, l’émission de chèques sans
provision, le vol à la tire, le racolage, etc.25

2) Crime ou délit réputé flagrant

Dans un temps très voisin de l’action, il n’est pas en effet nécessaire que l’acte se
manifeste encore publiquement ; la simple proximité de temps suffit. Ainsi :
- la personne est poursuivie par la clameur publique ;
- ou la personne est en possession d’objets, ou présente des traces ou
indices faisant présumer qu’elle a participé à l’infraction.
L’expression « dans un temps très voisin de l’action » est suffisamment restrictive
pour limiter la durée à quelques heures. Mais, certains juristes marocains ont estimé que la
notion de flagrance peut se prolonger pendant des mois, voire pendant quelques années.
Or le code de procédure pénale français est très précis que le texte marocain car il a
limité dans son article 53 la durée de l’enquête de flagrance à 8 jours.
Selon la formule jurisprudentielle, il faut des « indices apparents d’un comportement
délictueux ».26Ex. arme visible dans la boîte à gants disloquée d’un véhicule accidenté ; sortie
précipitée d’un salarié employé clandestinement dans l’établissement. La chambre criminelle
française a estimé que les indices devaient révéler l’existence d’une infraction, ce qui est
restrictif : la sortie précipitée n’est pas une infraction en soi, aussi le fait de s’enfuir à la vue
des policiers, et le fait de placer des documents dans un sac.
De même, n’est pas un indice apparent un coup de téléphone dénonçant l’usage de
drogue, sauf si la dénonciation est confortée par des vérifications.
On constate une tendance à admettre plus largement l’existence de la flagrance : ex.
avis donné par une victime, ou un coauteur, ou par un tiers, révélation anonyme corroborée
par d’autres indices.

23
André Vitu et Roger Merle, traité de droit criminel : procédure pénale, CUJAS, Paris, 1979, p. 286.
24
Miloudi Hamdouchi, le régime juridique de l’enquête policière, Coll. Manuels et travaux universitaires, 1 ère éd.
1999, p. 83.
25
Op. cit.

26
Crim. 30 mai 1980 : Bull. crim., n° 165.
3) Infraction assimilée à l’infraction flagrante

Le dernier alinéa de l’art. 56 C.P.P. fait état d’une situation qui peut se révéler très
différente de l’infraction concrètement flagrante. Ce texte vise l’hypothèse où une infraction
se commet à l’intérieur d’un domicile dont le chef requiert le procureur du Roi ou un O.P.J.
pour la constater. Ce cas diffère de l’appel au secours qui implique l’exigence d’assister une
personne en péril.
Le problème du délai devient inconcevable car le crime peut avoir lieu au cours d’une
absence plus ou moins longue du chef de maison.
Est régulière la procédure dans laquelle deux A.P.J., alertés par la personne indiquant
que la porte d’une maison voisine est ouverte dans tout l’après-midi, sans manifestation de
présence humaine, pénètrent sur les lieux pour une mission d’assistance, constatent la
présence de haschich, informent un O.P.J. qui, agissant en enquête de flagrance
perquisitionne ; il suffit de la connaissance par l’O.P.J. d’indices apparents d’un
comportement délictueux.

§. 2) Les principales opérations : transport sur les lieux, perquisitions et saisies,


audition

A) Transport sur les lieux et saisies

Pour répondre à la situation d’urgence imposée par la flagrance, la police judiciaire


dispose de larges pouvoirs : transport sur les lieux pour procéder à toutes les constatations
utiles, conservation des indices, saisie des armes et instrument du crime, ainsi que le produit
de l’infraction.
L’article 57 C.P.P. impose à l’officier de police judiciaire une seule obligation avant
de déclencher les opérations : il doit informer immédiatement le procureur du Roi.
Il s’agit d’instituer dès le départ, le contrôle du magistrat du parquet sur l’enquête de
flagrance, pour lui permettre de diriger lui-même les opérations. La question qui se pose est
celle de savoir si l’inobservation de cette formalité peut entraîner la nullité de la procédure.
La Cour suprême, dans son arrêt du 26 janvier 1978 a décidé que l’inobservation de
cette règle ne doit pas conduire à l’annulation du P.V. de la police judiciaire, ce qui paraît
pour le moins surprenant27.
Il est à noter qu’en cas de crime ou de délit flagrant, l’arrivée du procureur du Roi sur
les lieux dessaisit l’O.P.J. Le représentant du parquet a le choix : accomplir lui-même tous les
actes de police judiciaire ou prescrire à l’O.P.J. de poursuivre les opérations.
Le contrôle devient purement judiciaire si le juge d’instruction est présent sur les lieux
de l’infraction flagrante. Selon l’article 75 C.P.P., les magistrats du ministère public et les
O.P.J. sont de plein droit dessaisis à son profit. Il peut accomplir lui-même les actes de police
judiciaire, comme il peut prescrire à l’O.P.J. de poursuivre les opérations.
27
Il faut remarquer que l’article 57 C.P.P., qui fait obligation à l’O.P.J. d’informer le procureur du Roi, ne fait
pas partie des dispositions qui, selon l’article 63 C.P.P., sont prescrites à peine de nullité. Mohammed-Jalllal
ESSAID, précité, p. 66.
Par ailleurs, l’article 57 C.P.P. fait obligation à l’O.P.J. de veiller à la conservation des
indices susceptibles de disparaître et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité.
Il procède également à la saisie des armes et instruments qui ont servi à commettre
l’infraction, ainsi que tout ce qui paraît avoir été le produit du crime. A cet égard, toute
modification des lieux, destruction des traces et prélèvement exposent leurs auteurs à des
peines d’emprisonnement ou d’amende.

B) La perquisition

La perquisition d’un domicile est la deuxième mesure accordée par la loi à la police
judiciaire en matière de flagrance.

La notion de domicile à retenir doit correspondre au concept le plus large qui se


dégage de l’art. 511 C.P. ainsi rédigé : « est réputée maison habitée, tout bâtiment, logement,
loge, tente, cabine même mobile, qui, même sans être actuellement habité, est destiné à
l’habitation et tout ce qui en dépend comme cours, basses-cours, granges, écuries, édifices
qui s’ y sont enfermés, quel qu’en soit l’usage et quand même ils auraient une clôture
particulière dans la clôture ou enceinte générale. »
Après avoir posé le principe de l’inviolabilité du domicile, l’article 24 de la
constitution de 2011 prévoit que « les perquisitions ne peuvent intervenir que dans les
conditions et les formes prévues par la loi ».
Aussi, on en trouve trace dans le code de procédure pénale, qui précise les contours de
cette mesure. Ainsi, dans son article 59 C.P.P. vise les situations où l’infraction peut être
prouvée par des papiers, documents, pièces ou objets qui appartiennent à des personnes
suspectes.
L’article 60 C.P.P. apporte une certaine limite au pouvoir de l’officier de police
judiciaire qui agit dans le cadre d’une enquête de flagrance. En effet, si ce dernier peut se
passer du consentement du suspect, il doit, en revanche, procéder à cette perquisition en sa
présence ou de son représentant. Et en cas d’impossibilité, l’officier de police judiciaire doit
requérir deux témoins pour y assister.
Pour protéger le repos nocturne, l’article 62 C.P.P. trace les limites suivantes : les
perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant six heures et après
vingt et une heures.
Des exceptions sont prévues : la demande du chef de maison, réclamation venant de
l’intérieur, lieux pratiquant habituellement une activité nocturne. De plus, le texte précise que
« les opérations commencées à une heure légale peuvent se poursuivre sans désemparer ».
Des textes spéciaux peuvent autoriser les O.P.J. à procéder à des perquisitions en
dehors des heures fixées par la loi. Ainsi, l’article 4 du code de justice militaire du 26 juillet
1971, l’article 4 du Dahir du 21 mai 1974 sur la répression du trafic de drogue, et l’article 62,
alinéa 3 C.P.P., relatif à l’infraction terroriste, les perquisitions peuvent avoir lieu avant six
heures du matin et après neuf heures du soir, mais il faut une autorisation écrite du ministère
public.
Mais la législation marocaine comporte aussi des dispositions favorables aux droits de
la défense, inspirées des instruments internationaux des droits de l’homme ratifiés par le
Maroc.
Ainsi, les perquisitions opérées dans les locaux professionnels d’une personne liée par
le secret professionnel ne sont autorisées qu’à certaines conditions. L’O.P.J. doit aviser le
procureur du Roi et prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect du secret
professionnel.
Lorsque la perquisition doit être opérée dans un cabinet d’avocat, l’art. 59, alinéa 4
C.P.P. prévoit une double garantie : elle ne peut être effectuée que par un magistrat du
ministère public, en présence du bâtonnier de l’ordre des avocats ou de son représentant.
L’art. 60, al. 2 C.P.P. prévoit une situation découlant à la fois de la tradition
musulmane et du droit international. Il s’agit de la fouille corporelle des personnes de sexe
féminin, ne peut être effectuée que par une femme désignée par l’O.P.J.

C) Audition

L’article 60, al. 3, C.P.P. confère à l’O.P.J. des pouvoirs importants. En effet, ce
dernier peut appeler et entendre toutes les personnes susceptibles de fournir des
renseignements sur les faits ou sur les documents saisis. En cas de refus, il dispose désormais
d’un pouvoir redoutable : il peut les contraindre à comparaître après autorisation du ministère
public.

§. 3 - La garde à vue

Depuis la création du code de procédure pénale le 10 février 1959, la garde à vue était
réglementée par des textes épars qui ne protégeaient guère les libertés et les droits des
personnes gardées à vue.
Après de vives critiques de la doctrine et les recommandations du conseil consultatif
des droits de l’homme du 24 décembre 1990 qui étaient approuvées par le Roi défunt Hassan
II, le code de procédure pénale a connu la première réforme législative en vue de renforcer les
droits de la personne poursuivie. Il s’agit du dahir du 30 décembre 1991 portant promulgation
de la loi n° 67.90 relative à la procédure pénale.
En réalité, il ne changeait que superficiellement le dispositif juridique antérieur, ce qui
rendait inévitable d’autres réformes afin de concilier d’une part, l’efficacité des investigations
judiciaires et d’autre part, la protection des droits et libertés individuelles, c’est-à-dire de
concilier deux notions difficile à mettre en œuvre, à savoir le droit à la sûreté et le droit à la
sécurité.
Cette réforme s’est concrétisée par le Dahir du 3 octobre 2002 portant promulgation de
la loi n° 22.01 relative à la procédure pénale. Mais il s’agit d’une « réforme en trompe l’œil »,
car elle n’atteint que partiellement son but. En effet, la loi régissant la garde à vue souffre de
certaines faiblesses susceptibles de porter atteinte aux libertés individuelles et au principe de
la présomption d’innocence. Mais l'avant-projet du Code de procédure pénale a réussi de
combler les lacunes de la loi 22.01.
Il importe de définir la mesure de la garde à vue, de voir les personnes visées par cette
mesure, et les conditions de celle-ci.

A) Définition

Le code de procédure pénale ne définit pas la garde à vue. Il ne précise pas aussi les
fondements de cette mesure (indices, raisons plausibles…). Cet état de lieu est critiquable,
surtout que la mesure de la garde à vue porte une atteinte grave aux libertés individuelles. Elle
concerne aussi bien les crimes et délits flagrants que les situations ordinaires.
En l’absence du texte de loi, la garde à vue peut être définie comme « l’appréhension
d’une personne et sa rétention à la disposition et à la vue de l'officier de police judiciaire à
son lieu de travail pour une durée fixée par la loi »28.
C’est la même position de la Cour de cassation qui, en affirmant que « la garde-à-vue
est le temps passé par l'accusé en retenue administrative sous la surveillance et le contrôle de
l'officier chargé de l'enquête »,29 précise deux éléments : la privation de liberté et la mise à la
disposition de l'officier de police judiciaire.
Le législateur français est intervenu le 14 avril 2011 30, il définit la garde à
vue comme«  une mesure de contrainte décidée par un O.P.J. sous le contrôle de l’autorité
judiciaire par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs
raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit
puni d’une peine d’emprisonnement et maintenu à la disposition des enquêteurs ».
Le professeur Khamlichi assure que les règles qui commandent cette mesure « sont
impératives, imposées directement par la loi afin de garantir le bon déroulement de la
procédure, loin de toute marge de choix ou de recours à un quelconque pouvoir
discrétionnaire »31.
L’efficacité des enquêtes suppose donc en général, le maintien à disposition de toute
personne entre les mains des enquêteurs. Il semble que c’est la solution adéquate, mais
dangereuse pour les libertés individuelles, afin d’éviter la disparition des preuves, et aussi la
fuite des auteurs soupçonnés d’avoir commis une infraction. Mais il faut éviter la garde à vue
de « confort », c’est-à-dire que l’O.P.J. recourt à cette mesure juste pour avoir l’intéressé sous
ses mains s’il a besoin de l’interroger, elle doit donc être justifiée.

B) Les personnes visées par la mesure de la garde à vue

28
Ministère de la justice, Traité de procédure pénale (en arabe), Editions de l'association de publication de
l'information juridique et judicaire, 2ème éd., T.I. Rabat, 2004, p. 122.

29
C. cass. arr. n° 475, 25/01/2001.
30
Loi n° 2011-392.
31
Khamlich Ahmed, traité de procédure pénale (en arabe), t. I imprimerie Almaârif Aljadija, Rabat, 1999, p. 295.
Il s’agit des personnes suspectées d’avoir un lien avec l’infraction. Le législateur
marocain autorise la garde à vue pour les nécessités de l’enquête. La phrase manque de
précision, car quelles sont les personnes concernées par cette mesure ? Cela risque de menacer
les liberté individuelles et de porter une atteinte au principe de la présomption d’innocence.
Est-il concevable qu’un simple témoin qui n’a aucun rapport avec l’infraction pourrait être
arrêté et placé en garde à vue pour les nécessités de l’enquête ?
En France, depuis la réforme de 1993, seules les personnes à l’encontre desquelles
existe un ou plusieurs indices faisant présumer qu’elles ont commis ou tenté de commettre
une infraction seraient susceptibles d’être placées en garde-à-vue.
La loi du 15 juin 2000 relative au renforcement de présomption d’innocence et la
protection des droits des victimes, a modifié le code de procédure pénale français en intégrant
la formule suivante : « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » que la personne
que l’on veut placer en garde à vue ait commis ou tenté de commettre une infraction. Ainsi,
les témoins et toute autre personne ne peuvent être placés en garde à vue. Un témoin ne peut
être retenu que le temps strictement nécessaire à son audition.
Le législateur marocain doit donc modifier l’article 66 C.P.P. pour préciser la situation
dans laquelle la personne peut être placée en garde à vue. Cette mesure ne doit concerner que
les suspects, c’est-à-dire les personnes contre lesquelles existent des raisons plausibles
laissant penser qu’ils ont commises ou tenté de commettre une infraction sanctionnée d’une
peine d’emprisonnement.

C) Les conditions de validité

  Les articles 66 et 80 C.P.P. mentionnent quatre conditions pour la validité de la


garde à vue. Le recours à la garde à vue, qui requiert en certains cas une autorisation préalable
du parquet et qui doit toujours être justifié par une nécessité, n’est pas admis pour toutes les
infractions. De plus, sa période est-elle limitée.
1°) L’autorisation préalable du parquet
 
L’article 80 C.P.P., relatif à l’enquête préliminaire, conditionne le placement en garde
à vue à l’autorisation préalable du parquet. Or l’article 66 C.P.P., se rapportant à l’enquête de
flagrance, se contente seulement d’obliger l’officier de la police judiciaire à aviser le parquet
de la mesure de garde à vue.
L’intervention du parquet est donc toujours exigée pour la mesure de garde à vue, et
elle prend une forme différente selon le type de l’enquête : préliminaire ou de flagrance.
2°) La nécessité de la garde à vue 

Comme il est dit précédemment, les textes régissant la garde à vue manquent de
précision quant aux personnes concernées par cette mesure. Dans l’attente d’une réforme du
législateur, le bon sens nous amène à dire que l’O.P.J. ne doit avoir droit à placer un individu
en garde à vue que lorsque il y a des indices ou des raisons plausibles de soupçonner cet
individu. Si cela fait défaut, cette mesure risque d’être dénuée de fondement, c’est-à-dire
arbitraire réprimée au titre de l’art. 225 du code pénal. Elle risque aussi de porter atteinte à la
présomption d’innocence. La règle est d’une importance capitale car elle est prévue au titre de
l’article 21 de la constitution qui dispose que « Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou
condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi.
La détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus
grande gravité et exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères (…)
La présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis. Toute
personne détenue jouit de droits fondamentaux et de conditions de détention humaines (…) ».

Cette protection est aussi garantie au sein de l’art. 9 de la déclaration universelle des
droits de l’homme de 1948 qui stipule que « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni
exilé.  » Aussi, au sein de l’article 5 de la C.E.S.D.H. qui prévoit dans son paragraphe premier
que « toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté »,
avant d’énumérer les cas de privation de liberté. De même au sein de l’article 9 du pacte
international de 1966 relatif aux droits civils et politiques disposant dans son paragraphe
premier que «   1. Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne
peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa
liberté, si ce n'est pour des motifs, et conformément à la procédure prévus par la loi.  »

La question est de savoir quels sont ces indices ou ces raisons plausibles permettant de
mettre une personne en garde à vue. Deux hypothèses peuvent constituer le fondement de
cette mesure.
 
D’un côté, la garde à vue ne peut concerner que l’individu ayant un rapport avec
l’infraction. Le bon déroulement de l’enquête exige la mise en garde à vue de la personne, à
savoir la recherche des moyens de preuves, et l’identification des auteurs de l’infraction.
Ainsi, tout individu ayant la moindre relation avec l’infraction, pouvant apporter une
contribution quelconque aux recherches, ou tout simplement tout suspect, peut être placé en
garde à vue.

De l’autre côté, pour protéger les libertés individuelles, la garde à vue ne peut être
décidée que lorsque la personne ne présente pas de garanties suffisantes pour rester à la
disposition de l’O.P.J. qui mène une enquête, mais cela ne peut se concevoir que dans le cas
des délits, car il serait plus difficile de laisser en liberté une personne soupçonnée d’un
homicide volontaire.
Cependant, dans l’état actuel du texte, les libertés individuelles semblent être
menacées par la mesure de la garde à vue. La condition de nécessité prévue par les articles 66
et 80 C.P.P. est ambigüe, car c’est l’O.P.J. qui apprécie au final si la garde à vue est
nécessaire ou non, mais selon quels critères ? Certes, le contrôle opéré par le procureur du Roi
ou le procureur général du Roi et la chambre correctionnelle de la Cour d’appel semble être
une garantie. Mais dans la pratique la seule protection du droit à la sûreté semble être la
conscience de ces officiers quant à la gravité de la mesure de la garde à vue et quant au
respect des instruments internationaux des droits de l’homme.

3°) Départ et délais de la garde-à-vue

Le législateur marocain a choisi de traiter différemment l’ensemble des infractions


dites de droit commun et un certain nombre d’infractions jugées différentes en raison de leur
gravité ou de la complexité des investigations qu’elles impliquent.
Le délai d’une garde-à-vue est de 48 heures à compter à partir du moment de
l’appréhension de la personne concernée (art. 66 C.P.P.).
En matière de flagrance, l’O.P.J. informe le ministère public de la mesure qu’il a
décidée (art. 66, al. 1er C.P.P.). En revanche, au cours d’une enquête préliminaire une telle
mesure ne peut être ordonnée que sur autorisation préalable de cette autorité (art. 80, al. 1 er
C.P.P.).
En toutes matières, préliminaire ou de flagrance, une prolongation de la garde-à-vue
pour une durée de 24 heures est possible selon des formalités différentes.
En matière de flagrance, il suffit d’une autorisation écrite du ministère public.
En matière préliminaire, la prolongation nécessite que la personne gardée à vue soit
présentée avant la fin du délai initial au procureur du Roi qui l’autorise si nécessaire, après
l’avoir entendue, en vertu d’un acte écrit (art. 80, al. 2 C.P.P.). Par exception à cette règle, le
ministère public peut autoriser la prolongation sans entendre la personne en vertu d’une
décision motivée (art. 80, al. 5 C.P.P.).
Des dispositions différentes sont prévues lorsque l’O.P.J. voudrait procéder à une
garde à vue relative à une infraction contre la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat ainsi
qu’en matière de terrorisme.
Au cours d’une enquête de flagrance, l’art. 66 C.P.P. dispose que « lorsqu’il s’agit
d’atteinte à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat, le délai de la garde à vue est de 96
heures renouvelable une seule fois sur autorisation du ministère public » (al. 3).
« Lorsqu’il s’agit d’une infraction en matière de terrorisme, le délai de la garde à vue
est de 96 heures renouvelable deux fois, pour une durée de 96 chaque fois, sur autorisation
écrite du ministère public » (al. 4).
Pour l'enquête préliminaire, l’art. 80 C.P.P. prévoit des dispositions presque
identiques. L’al. 5 de cet article prévoit qu’ « il est exceptionnellement possible que
l’autorisation citée soit délivrée en vertu d’une décision motivée, sans que la personne ne soit
présentée au ministère public ».

4°) Les droits de la personne gardée à vue

a) L’information du suspect des faits reprochés et son droit au silence

L’article 66 C.P.P. impose à l’officier de police judiciaire une obligation, celle


d’informer la personne gardée à vue, dans une langue comprise, des motifs de son arrestation
et de ses droits, y compris son droit au silence. Cette obligation est d’une importance capitale
car elle est consacrée par l’article 23 de la constitution qui prévoit que : « Toute personne
détenue doit être informée immédiatement, d’une façon qui lui soit compréhensible, des
motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de garder le silence. » On trouve aussi ce
droit au sein de l’article 5 § 2 de la C.E.S.D.H. stipulant que « toute personne arrêtée doit
être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de
son arrestation et de toute accusation portée contre elle. » De même, au titre de l’article 9-2
du pacte international relatif aux droits civils et politiques qui prévoit que : « tout individu
arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra
notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui ».
Il s’agit là du premier acte de défense, le suspect doit savoir ce qu’on lui reproche.
Mais le code de procédure pénale ne précise pas si les policiers et les gendarmes doivent
notifier les faits dès le placement effectif de la personne en garde à vue.
Cependant, connaître les motifs de son arrestation est la condition sine qua non d’une
véritable « égalité des armes ». En effet, pour pouvoir se défendre et se prévaloir ensuite des
garanties d’un procès équitable, il faut d’abord, comprendre les raisons de l’arrestation. Ainsi,
le code de procédure pénale autorise l’intervention d’un interprète pour le gardé à vue qui
parle une langue étrangère afin de lui faciliter la compréhension des faits donnant lieu à
l’ouverture de l’enquête policière et de ses droits.
En outre, l’intéressé est informé de son droit au silence. Les enquêteurs peuvent,
néanmoins, lui poser toutes les questions utiles à l’enquête. Le procès-verbal mentionne après
chacune d’elles, que l’intéressé ne souhaite pas répondre.

b) Information de la famille

La famille de la personne gardée à vue doit être informée par tout moyen et mention
de cet acte doit figurer sur le P-V.

c) L’assistance d’un avocat

Avant la loi du 22-01 de 2002, ce droit n’était pas reconnu au gardé à vue. La réforme
a permis donc l’intervention d’un avocat lors d’une mesure de garde à vue.
Quel est son rôle ? A-t-il des prérogatives équivalentes à celles dont il bénéficie au
cours de l’instruction : présences aux auditions, interrogatoires, connaissance du dossier ?
L’art. 66 C.P.P. fait du contact d’un avocat un droit de l’individu gardé à vue qui en
bénéficie quelle que soit la nature de l’infraction en cause, « cette assistance permet
d’étendre, timidement, les bases du procès équitable dès l’enquête de flagrance »32mais il a
limité ce droit quant au moment de son exercice. Cet article énonce que : «  la personne
placée en garde à vue peut, en cas de prolongation de celle-ci, demander à l’O.P.J. à
s’entretenir avec un avocat … », et ajoute : «  l’avocat désigné peut également communiquer
avec la personne placée en garde-à-vue ».
Cependant, deux exceptions sont apportées à ce régime général, la première relative
aux mineurs pour qui la lecture de l’article 460 C.P.P. permet de déduire qu’aucun moment de
l’intervention n’a été fixé, ce qui signifie que les mineurs ont le droit de s’entretenir avec un
avocat dès le début de la rétention.

32
Mohammed-Jallal ESSAID, op. cit. P. 70.
La deuxième exception consistait à décaler le moment de l’intervention lorsque
l’enquête porte sur les infractions terroristes et certaines infractions énumérées par l’article
108 C.P.P. Dans ces cas, l’intervention ne doit pas dépasser 48 heures à partir de la première
prolongation qui est d’une durée de 96 heures.
La question qui se pose est dès lors de savoir la nature de l’intervention de l’avocat au
cours de la garde à vue.
Les pouvoirs de l’avocat à ce stade sont limités. En premier lieu, ils sont limités dans
le temps, puisque le client ne peut s’entretenir avec son avocat que dès la première heure de la
prolongation de la garde-à-vue pour une durée qui ne dépasse pas 30 minutes, sous le contrôle
de l’O.P.J. et dans des conditions qui garantissent la confidentialité de cet entretien (art. 66, al.
5 C.P.P.).
En second lieu, l’avocat n’a le droit ni d’avoir accès au dossier de la personne gardée à
vue, ni informé de la date présumée de l’infraction reprochée ni de sa nature, ni d’assister aux
interrogatoires, ni d’être informé des résultats de l’enquête qui a été réalisée. A cet effet, sa
mission se résume à vérifier les conditions dans lesquelles se déroulent la garde à vue, et il se
base uniquement sur les dires de la personne mise en cause.
De ce fait, il est difficile de parler d’une véritable défense comme celle qui existe
pendant l’instruction où l’avocat est appelé à assister à l’interrogatoire de l’accusé et a le droit
à un accès direct au dossier de celui-ci.
C’est dire que cette assistance se limite à un dialogue entre le conseil et son client,
l’avocat ne pouvant participer aux différentes opérations effectuées par la police judiciaire, en
particulier aux interrogatoires et aux confrontations.
Il n’en demeure pas moins que les attributions reconnues à l’avocat sont moins
négligeables :
● dès le départ, il peut produire des documents ou des observations
écrites à la police judiciaire ou au ministère public en vue de les joindre au procès-
verbal ;
● progressivement, les prérogatives reconnues à l’avocat vont s’élargir au
moment de l’interrogatoire mené par le ministère public. Le conseil désigné ou
choisi peut assister à cet interrogatoire et demander que son client soit soumis à un
examen médical ;
● l’avocat peut même demander au ministère public la mise en liberté du
suspect, en contrepartie d’une caution pécuniaire ou personnelle (art. 73, al. 2
C.P.P.) ;
● l’O.P.J. est tenu d’informer, par tous les moyens, la famille de la
personne gardée à vue, dès qu’il décide de placer cette dernière en garde à vue et
de le signaler dans le procès-verbal (art. 67, al. 4) ;
● enfin, l’intervention directe ou indirecte du parquet, vise à protéger la
liberté individuelle, contre les abus éventuels de la police judiciaire. Ce contrôle se
poursuivra au niveau de l’exécution de la garde à vue. En effet, le registre des
déclarations doit être mis à la disposition du ministère public (art. 68 C.P.P.). Il
suffit d’énumérer quelques énonciations de ce registre pour se rendre compte qu’il
s’agit d’assurer le respect de la présomption d’innocence et des pactes
internationaux : point de départ de la garde à vue, durée des interrogatoires, temps
de repos, état de santé ;
● l’efficacité de ces dispositions dépendra de l’observation d’une
obligation mise à la charge du procureur du Roi (art. 45 C.P.P.). Il doit en effet
visiter les locaux ménagés pour l’exécution de la garde à vue au moins deux fois
par mois.
Cette présentation permet de se poser la question sur les conséquences de
l’inobservation des règles qui entourent la garde à vue.
Le code de procédure pénale ne dit mot sur la question, et la jurisprudence est
hésitante. Mais un arrêt de la Cour suprême donne un peu d’éclairage à ce brouillard. En effet,
dans son arrêt du 14 juin 1972, la haute juridiction a estimé que les dispositions sur la garde à
vue ne seraient pas prescrites à peine de nullité, à une exception près, si l’inobservation d’une
règle avait entaché la manifestation de la vérité d’un vice de fond33.
Cette solution est, à notre sens, insuffisante pour protéger les droits de l’individu placé
en garde à vue et pour donner corps à ces règles garantissant ces droits. En effet, il faut
envisager un mécanisme qui oblige l’O.P.J. d’observer les mentions prescrites par la loi, et
qui consiste essentiellement dans la nullité de la procédure et les procès-verbaux. Cette
protection demeure vide de sens, si elle ne revêt pas un caractère obligatoire, et cela ne peut se
concevoir sans sanction.
Cette opinion est partagée par le professeur Mohammed-Jallal ESSAID pour qui : « la
propriété individuelle est mieux protégée contre les abus éventuels de la police judiciaire que
la liberté des personnes poursuivies »34. En effet, les dispositions qui réglementent les
perquisitions et les visites domiciliaires sont prescrites, selon l’article 63 C.P.P., à peine de
nullité.

d) L’absence de l’intervention du médecin au cours de la garde à vue

Le législateur marocain ne connaît le droit du suspect à un examen médical qu’en cas


de présentation de la personne devant le Procureur du Roi. Or cette solution n’est pas
forcément la meilleure.
Pour remédier à cela, le gardé à vue devra bénéficier du droit de demander un examen
médical à tout moment au cours des premières quarante-huit heures. C’est le policier qui
devra choisir le médecin et en attendant sa venue, la garde à vue se poursuivra normalement.
En cas de prolongation, un nouvel examen devra avoir lieu. Le certificat médical devra être
versé au dossier. Il joue un rôle préventif pour le gardé à vue (pas de violences) et pour le
policier (pas de fausses accusations de violences). Si le médecin estime que l’état de santé de
la personne n’est pas compatible avec la garde à vue, l’O.P.J. il devra informer le procureur
du Roi.

5°) Quelques perspectives d’évolution

33
Cour suprême, 14 juin 1972, dossier n° 39047 – Cour suprême 25 mars 1986, Rev. Jurisp. Et Droit, n° 138, p.
279.
34
Op. cit. p. 74.
La législation marocaine sur la garde-à-vue souffre de certaines faiblesses qui
demandent une refonte. Ainsi, des solutions peuvent être proposées.
D’abord, la garde à vue ne doit concerner que la personne à l’encontre de laquelle
existent une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis ou tenté de
commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.
Ensuite, la garde à vue doit être l’unique moyen à l’accomplissement de certains
objectifs :
- exécution d’investigations ;
- présentation au procureur ;
- éviter que des preuves ne soient effacées ;
- éviter des pressions sur les témoins.
Il faut donc justifier cette garde-à-vue
- assistance de l’avocat dès le début de la garde-à-vue. Il doit assister aux
interrogatoires.
La Cour européenne des droits de l’homme dans deux décisions : SALDUZ c./
Turquie du 25 novembre 2008, et DYANAN c./Turquie du 13 octobre 2009, a fondé sa
décision notamment sur la violation de l’article 6 C.E.S.H. Elle affirme que le prévenu doit
bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police. Il
doit bénéficier d’une assistance effective d’un avocat.
Dans l’arrêt DYANAN, la Cour européenne des droits de l’homme détaille ce droit à
un avocat. Il comporte :
- la discussion de l’affaire ;
- l’organisation de la défense ;
- la recherche des preuves favorables à l’accusé ;
- la préparation des interrogatoires ;
- le soutien psychologique à l’accusé ;
- le contrôle de la détention.
La Cour européenne des droits de l’homme, FIDANCI c./Turquie 35, affirme que
« l’absence d’avocat lors d’une garde à vue au cours de laquelle le suspect a tenu des
déclarations sur lesquelles s’est notamment fondée sa décision de condamnation viole
l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. »
La présentation de ces arrêts est importante, car ils peuvent constituer un modèle
d'évolution des dispositions du code de la procédure pénale marocaine, spécifiquement celles
se rapportant à la mesure de la garde à vue.

6°) Le contrôle de la garde-à-vue

Le législateur impose que soit établi l’ensemble des actes accomplis par l’O.P.J.
pendant le placement d’une personne en garde-à-vue par deux moyens essentiels : le registre
35
CEDH, 2e sect., 17 janv. 2012, Fidanci c. Turquie, n° 17730/07.
et le P-V. L’a. 66, al. 11 C.P.P. dispose qu’ : « un registre, côté et paraphé par le Procureur
du Roi, doit être tenu dans tous les locaux susceptibles d’accueillir des personnes placées en
garde-à-vue  ». Il y sera fait mention de l’identité de la personne retenue, des motifs de sa
garde-à-vue, l’heure du départ et de la fin de celle-ci, le temps des interrogatoires, les
moments de repos, l’état physique et de santé de la personne et la nourriture qui lui a été
offerte (al. 13).

7°) Fin de la garde à vue

La règle est qu’il est mis fin à la garde à vue soit par la fin du délai légal, soit par une
décision de l’O.P.J. ou du ministère public avant l’écoulement total du délai légal en raison de
la disparition du besoin qui la justifiait.
En principe, la présentation d’une personne au ministère public doit mettre fin à sa
garde à vue. Lorsque le procureur du Roi procède à l’interrogatoire d’un suspect, il ne possède
à l’issue de celui-ci que deux options : libérer la personne ou faire en sorte qu’elle reste
retenue à la disposition de la justice, en présentant un réquisitoire aux fins d’information
assorti d’une requête de mise en détention préventive ou en ordonnant un dépôt jusqu’à ce
qu’il soit déféré devant le tribunal (art. 47, et 74 C.P.P.).

Section 2 - L’enquête préliminaire

L’enquête préliminaire ou de droit commun, est une procédure moins rigoureuse que
l’enquête de flagrant délit, mais elle ne procure à son auteur que des pouvoirs limités.
Ce type d’enquête tient une place importante dans l’exercice des fonctions de la police
judiciaire. Elle est de pratique quotidienne et constitue le moyen d’information le plus courant
de celle-ci.
Bien que restreintes, les possibilités offertes par cette procédure sont suffisantes pour
faire aboutir les investigations dans de nombreuses affaires.

§. 1 – Les acteurs

L’enquête préliminaire peut être diligentée par :


• les officiers de la police judiciaire compétents territorialement ;
• ou, sous le contrôle de ceux-ci, les agents de police judiciaire désignés;
• et, exceptionnellement, par le procureur du Roi ou le procureur général
du Roi.
Ils procèdent à des enquêtes préliminaires, soit sur les instructions du ministère public,
soit d’office, ou sur plainte ou dénonciation de la victime (art. 78, C.P.P.).
Il est à noter que dans le cadre de l’enquête préliminaire, les officiers de police
judiciaire peuvent sur réquisitions du procureur du Roi ou de procureur général du Roi :
• opérer sur l’étendue du territoire national (art. 22, al. 2, C.P.P.) ;
• procéder à des auditions sur le territoire d’un état étranger avec son
accord.

§. 2 - Le déclenchement de l’enquête préliminaire

A) Les hypothèses de déclenchement de l’enquête préliminaire

La police judiciaire est informée de la commission d’une infraction de deux


manières.
Tout d’abord, les plaintes et dénonciations : la victime qui veut porter plainte, et un
tiers dénonce des faits parce qu’il n’est pas victime, il a juste vu certains faits, ou entendu
certains éléments susceptibles de revêtir une qualification pénale. Dans 85% des cas, c’est de
cette manière-là que la police judiciaire a connaissance de l’existence d’une infraction, ce
qu’on appelle une saisine dite « réactive ».
Parfois, la police a connaissance d’une infraction par ses propres investigations, on est
alors dans une saisine dite « proactive » dans 15% des cas.
La police judiciaire qui mène l’enquête avant le déclenchement des poursuites pour
permettre au procureur du Roi de décider sur l’opportunité des poursuites.
Il est à préciser que la police judiciaire mène son enquête sous la direction du
procureur du Roi qui est à la tête de cette police contrôlé par le procureur général du Roi
encore au-dessus.
Il est à noter que les hypothèses donnant lieu à ce type d’enquête sont :
• les contraventions ;
• les délits passibles seulement d’une peine d'amende ;
• les délits non flagrants, passibles d’une peine d'emprisonnement ;
• les crimes non flagrants.

B) Les objectifs de l’enquête préliminaire

L’enquête préliminaire, dite de droit commun, son but est d’éclairer le ministère
public sur les suites à donner à la procédure. Le ministère public détient l’opportunité des
poursuites, c’est lui qui détermine si oui ou non, il est judicieux de poursuivre, et de présenter
notamment la personne devant la juridiction de jugement.
L’enquête policière permet donc de porter des éléments qui vont éclairer la décision
du ministère public sur l’opportunité de poursuivre, c’est l’enquête de droit commun.
Cette enquête peut être menée par la police elle-même sans se référer au procureur du
Roi, mais, à ce moment-là, il doit, sans délai, l’informer, ou c’est le procureur du Roi peut
demander devant certains éléments, une situation de trouble, on se dit peut être il y a
infraction ou alors il y a bien infraction effectivement mais quels sont les auteurs, l’affaire est
un peu complexe, c’est bien le procureur du Roi peut demander à ce que la police judiciaire
mène une enquête préliminaire en vue de savoir si oui ou non il y a infraction, si oui ou non
on peut trouver les coupables, savoir quelles suites donner à l’affaire : poursuivre ou classer
sans suite.
L’objectif est donc :
• De recueillir des renseignements nécessaires à l’autorité judiciaire
(Recherches, auditions de personnes,… etc.)
• D’établir, éventuellement, l’absence d'une infraction pénale (suicide,
incendie accidentel,… etc.)

C) Les actes effectués dans le cadre de l’enquête préliminaire

Toutes les opérations, effectuées dans le cadre de cette enquête, sont dirigée par le
procureur du Roi ou le procureur général du Roi chacun en ce qui le concerne.
Il s’agit principalement des cas où l’O.P.J. ou l’A.P.J. :
• transport sur les lieux ;
• procède aux constatations ;
• effectue des perquisitions et saisies ;
• procède à l’audition des témoins et des personnes paraissant avoir
participé à l’infraction et avise le procureur du Roi dès qu’une personne est identifiée
suite à des indices tangibles ;
• conduit devant le procureur du Roi toute personne contre laquelle
existent des indices graves et concordants de nature à motiver sa mise en examen.

1) Information du procureur du Roi

Dès qu’il a connaissance d’un crime, d’un délit ou d’une contravention, l’O.P.J.
informe sans délai le procureur du Roi du lieu de commission des faits.
Dès la clôture des opérations, l’O.P.J ou l’A.P.J., doit faire parvenir au procureur du
Roi l’original et une copie de tous actes, documents et procès-verbal relatifs à l’enquête et
mettre à sa disposition les saisies réalisées.

2) Transport sur les lieux

L’enquêteur se transporte en tout lieu où il pense pouvoir trouver des éléments de


preuve. Il procède aux mêmes opérations que dans l’enquête de flagrant délit, mais il ne peut
user d’aucune mesure coercitive, hormis la garde-à-vue qui ne peut être décidée que par un
O.P.J.
Dans le cadre de la même administration, un supérieur hiérarchique est en droit de
prendre à son compte l’enquête préliminaire ouverte par l’un de ses subordonnés.
3) Constatations

Il doit s’agir de constatations ou d’examens nécessaires au déroulement de l’enquête.


L’enquêteur opère comme dans l’enquête de flagrant délit. Il procède à des
constatations ou à des examens techniques ou scientifiques qui ne peuvent pas être différés.
Le procureur du Roi ou, sur autorisation de celui-ci, l’O.P.J. a recours à toutes personnes
qualifiées.
Les personnes ainsi requises prêtent serment par écrit, d'apporter leur concours à la
justice, sauf, les experts figurant sur une liste nationale ou de Cour d'appel puisqu’ils ont déjà
prêté serment.
Les personnes requises ont l’obligation :
• de déférer à la réquisition ;
• exécuter dans les meilleurs délais la mission fixée par réquisition ;
• procéder aux constatations ou examens demandés ;
• produire un avis sous forme de rapport écrit ;
• respecter le secret de l’enquête.
Il est à noter que l’O.P.J., sur autorisation du procureur du Roi, peut requérir les
personnes, les établissements ou organismes privés ou publics, les administrations publiques,
pour la fourniture ou la remise d’informations ou de documents intéressants à l’enquête, y
compris ceux issus d’un système informatique ou de traitement de données nominatives.
Ceux-ci sont tenus de lui remettre ces documents, sans que puisse lui être opposé, sans motif
légitime, l’obligation au secret professionnel36.
Seul le procureur du Roi, peut rendre publics certains éléments objectifs dans le but de
mettre fin à la circulation d’informations erronées ou pour faire cesser un trouble à l’ordre
public.
Par ailleurs, l’O.P.J. ou l’A.P.J. peuvent requérir dans certaines conditions d’autres
catégories de personnes pour l’exécution d’un travail matériel ou d’une action exigeant
technicité ou compétences particulières (terrassiers, plombiers, serruriers). Ces personnes
compétentes ne prêtent pas serment et ne fournissent pas de rapport.
Enfin, l’O.P.J. ou l’A.P.J. peuvent requérir un médecin, en vue d’effectuer un
prélèvement sanguin sur la personne :
• D’un conducteur dans un accident de la circulation ;
• De l’auteur ou de la victime d’un accident de la circulation;
• d’un crime ou d’un délit.

4) Perquisitions et saisies

L’O.P.J. et l’A.P.J., ne disposent d’aucun moyen de coercition. Les perquisitions et


saisies ne peuvent être exécutées que dans le strict respect des modalités prévues par la loi et

36
Sauf celles protégées par un secret prévu par la loi.
dans le seul cas où l’enquêteur obtient l’assentiment exprès de la personne dans le domicile de
laquelle l’opération a lieu. Si l’intéressé ne sait pas écrire, il convient de mentionner cette
circonstance et de demander à deux personnes, des voisins si possibles, d’attester par écrit de
l’acquiescement verbal donné en connaissance de cause par l’intéressé.
Il est à noter que si la personne ne donne pas son assentiment, aucune perquisition et
saisie ne peut être exécutée. Il convient alors d’informer le ministère public et d’en faire
mention sur le procès-verbal.
Cependant, en matière de terrorisme, si la personne chez laquelle l’opération doit avoir
lieu s’est abstenue de donner son accord, ou lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir cet accord,
les perquisitions et saisies peuvent avoir lieu sur autorisation écrite du ministère public en
présence de la personne concernée (art. 79, al. 4, C.P.P.).

5) Auditions

L’enquêteur, O.P.J. ou A.P.J., peut entendre toute personne susceptible de fournir des
renseignements sur les faits ou les objets et documents saisis.
Le témoin (ou la personne soupçonnée convoquée par un O.P.J.) est tenue de
comparaître, à défaut, il peut y être contraint par le procureur du Roi.
Si le témoin ou la personne soupçonnée fait sa déclaration et répond aux questions de
l’enquêteur, il doit lire lui-même sa déclaration et la signer, après avoir fait consigner, s’il y a
lieu, ses observations.
Les heures de début et de fin de chaque audition doivent être mentionnées au procès-
verbal. Les personnes, à l’encontre desquelles il n’existe pas d’indices faisant penser qu’elles
ont commis ou tenté de commettre une infraction, ne peuvent pas être retenues au-delà du
temps strictement nécessaire à leur audition.

Section 3 – Enquête sur commission rogatoire

Cette enquête est toujours menée par un O.P.J. Mais à la différence des deux enquêtes
précédentes : préliminaire et de flagrance, l’enquête sur commission rogatoire, une instruction
préparatoire est ouverte par un juge d’instruction qui ne peut tout faire lui-même parce que
parfois, il est éloigné de l’infraction, donc il va par commission rogatoire ordonner à un O.P.J.
ou un autre juge d’instruction, qui est plus prêt de l’action d’effectuer telle ou telle démarche
pour recueillir tel ou tel élément de preuve.
Il ne s’agit pas d’une délégation générale, le juge d’instruction ne peut déléguer, d’une
manière générale, tout son enquête, il reste à la tête de celle-ci, mais il peut demander à la
police d’accomplir certains actes parce qu’il est trop éloigné géographiquement, parce qu’il
n’a pas le temps, il a d’autres investigations à mener de son côté.
Il est à noter que l’enquête sur commission rogatoire n’est pas contrôlé par le
procureur du Roi, mais par le juge d’instruction puisqu’une information est ouverte.

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