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CONTRATS ET USAGES

COMMERCIAUX

Edition revue et corrigée


Lundi 12 février 2018

Par
Pr Alla Etienne
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Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Table des matières

Introduction ....................................................................... 11
Paragraphe 1- Distinction entre contrats commerciaux et contrats civils 12
A- Le particularisme du régime des contrats commerciaux .................... 12
B- La différence d’esprit ............................................................................... 14
Paragraphe 2- La qualification de contrats commerciaux ........................... 15
Première partie- Les contrats commerciaux .................................. 19
Titre I- La vente commerciale .................................................. 23
Chapitre 1- La réglementation de la vente commerciale ........................ 33
Section 1- Les sources du droit de la concurrence en Côte d’Ivoire . 33
Paragraphe 1- Sources internes du droit de la concurrence en Côte
d’Ivoire .................................................................................................................. 34
Paragraphe 2- Sources communautaires du droit de la concurrence en
Côte d’Ivoire ......................................................................................................... 36
A- Le droit communautaire UEMOA de la concurrence ............................ 37
B- Le droit communautaire CEDEAO de la concurrence........................... 39
Section 2- La réglementation des prix dans la vente commerciale et
la publicité commerciale........................................................................... 44
Paragraphe 1- La protection de la liberté de fixation des prix.................. 44
A- L’encadrement des interventions des pouvoirs publics dans la
fixation des prix .............................................................................................. 44
1- L’objet de la réglementation des prix ............................ 45
2- Les modalités de la réglementation des prix..................... 46
B- La réglementation des clauses contractuelles relatives au prix :
l’interdiction du prix minimum imposé ...................................................... 46
Paragraphe 2- L’information sur les prix, produits et services
(information sur les prix et les conditions de vente) : La publicité
commerciale ......................................................................................................... 48
A- La publicité des produits et services ...................................................... 48
1- La publicité mensongère ou trompeuse ........................... 49
2- L’organisation de la profession publicitaire ...................... 52
3- Le Conseil supérieur de la publicité ............................... 52
4- La RTI publicité........................................................ 52
B- La publicité des prix des produits et services....................................... 53
Section 3- La réglementation des procédés de vente. ........................ 54

Table des matières 5


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Paragraphe 1- Les pratiques commerciales permises sous conditions ou


autorisations ......................................................................................................... 54
A- Les ventes en soldes .................................................................................. 55
B- Les ventes sur liquidation ......................................................................... 58
C- Les ventes promotionnelles...................................................................... 59
Paragraphe 2- La réglementation des pratiques anticoncurrentielles...... 60
A- Les pratiques individuelles anticoncurrentielles ou les pratiques
restrictives de la concurrence ...................................................................... 61
A.1- Les pratiques restrictives de concurrence constitutives de
fautes pénales............................................................................................. 62
1- Les ventes ou les reventes à perte................................. 62
2- La vente avec primes ................................................. 64
3- Les ventes à la « boule de neige » ................................. 66
4- Les ventes subordonnées, liées ou jumelées ..................... 67
5- Le refus de contracter : l’interdiction du refus de vente aux
consommateurs ........................................................... 70
6- Les ventes sauvages ou paracommercialisme .................... 74
A.2- Les pratiques restrictives de concurrence constitutives de
fautes civiles ............................................................................................... 75
1- L’interdiction du refus de vente aux professionnels ............ 75
2- L’interdiction des clauses ou pratiques discriminatoires au
professionnel .............................................................. 76
3- Les ventes subordonnées faites au professionnel ............... 77
A.3- Les pratiques conventionnelles restrictives de la concurrence 79
1- Les clauses de non-concurrence .................................... 80
2- Les clauses de non rétablissement ................................. 80
3- Les conventions d’exclusivité ....................................... 81
B- Les pratiques concertées anticoncurrentielles..................................... 82
B.1- La prohibition des ententes anticoncurrentielles ou illicites .... 83
B.2- La prohibition des abus de position dominante ........................... 85
1- L’existence préalable d’une position dominante ................ 87
2- L’exploitation abusive de cette position dominante............ 87
B.3- Le contrôle a priori des concentrations économiques ................ 89
1- Définition et champ d’application de la concentration
économique ............................................................... 90
2- Le processus de concentration économique ...................... 92
3- Les formes de concentration économique ........................ 93
4- Procédure de notification du projet de concentration et la
décision ministérielle .................................................... 96

Table des matières 6


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Section 4- La concurrence déloyale et le parasitisme ......................... 96


Paragraphe 1- La faute déloyale et parasitaire : l’acte de déloyauté ..... 99
A- La faute dans la concurrence déloyale ................................................. 99
1- Les manœuvres de dénigrement ou de discrédit ................ 99
2- Les actes engendrant la confusion ................................ 101
3- La désorganisation interne de l’entreprise concurrente
et du marché ............................................................. 102
B- La faute dans le parasitisme .................................................................. 104
1- L’usurpation de la notoriété d’autrui ............................ 105
2- L’usurpation de la technique d’autrui............................ 106
3- L’usurpation de l’idée d’autrui .................................... 106
Paragraphe 2- Le préjudice et le lien de causalité ..................................... 107
Section 5- Les organes chargés de l’application de l’Ordonnance
sur la concurrence .................................................................................... 109
Paragraphe 1- Les organes administratifs .................................................... 109
A- Le domaine d’intervention de la Direction chargée du contrôle
de la concurrence ......................................................................................... 109
B- La Commission de la concurrence et de la Lutte contre
la Vie chère .................................................................................................... 110
1- Avis consultatifs ...................................................... 111
2- Le contentieux des ententes et des abus de position
dominante ................................................................ 111
C- Le Ministre chargé du commerce .......................................................... 112
Paragraphe 2- Les juridictions de l’ordre judiciaire .................................. 112
A- L’intervention des juridictions civiles ou commerciales .................. 112
B- L’intervention des juridictions répressives ......................................... 113
Chapitre 2- Quelques modalités de vente commerciale ........................ 114
Section 1- La vente à l’agréage ............................................................. 114
Paragraphe 1- La vente avec faculté de reprise ou de restitution .......... 114
A- La vente avec faculté de reprise .......................................................... 114
B- La vente avec faculté de restitution .................................................... 114
Paragraphe 2- La vente en disponible ........................................................... 115
Paragraphe 3- La vente à la dégustation ...................................................... 117
Paragraphe 4- La vente à l’essai..................................................................... 119
Section 2- La vente en libre service et par correspondance ............ 122
Paragraphe 1- La vente en libre service ....................................................... 122
Paragraphe 2- La vente par correspondance (vente entre absents) ........ 123
Titre II- Le contrat de crédit-bail ou leasing ............................... 127

Table des matières 7


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Chapitre liminaire- Généralités .................................................................. 128


Chapitre 1- Nature et autonomie du contrat de crédit-bail .................. 130
Section 1- Les éléments fondamentaux du contrat de leasing ........ 130
Section 2- La distinction du contrat de crédit-bail des contrats
voisins ......................................................................................................... 133
Paragraphe 1- Distinction crédit-bail et location simple .......................... 133
Paragraphe 2- Distinction crédit-bail et location-vente ............................ 134
Section 3- Les différents types de leasing ........................................... 135
Paragraphe 1- Le contrat financier ............................................................... 135
Paragraphe 2- Le contrat opérationnel ......................................................... 136
Chapitre 2- Déroulement de l’opération de crédit-bail ......................... 138
Section 1- La mise en place normale de l’opération ......................... 138
Paragraphe 1- Conclusion du contrat de crédit-bail intervenant avant la
commande de matériel ..................................................................................... 139
Paragraphe 2- Conclusion du contrat de crédit-bail intervenant après la
commande du matériel ..................................................................................... 139
Section 2- Les incidents de la mise en place ....................................... 140
Paragraphe 1- Nullité et disparition du contrat de vente ......................... 140
Paragraphe 2- Défectuosité du matériel et retard dans la livraison ...... 141
A- Exonération de garantie stipulée au profit de l’entreprise de crédit-
bail ................................................................................................................... 141
B- Transfert à l’utilisateur des droits et actions du crédit-bailleur
contre le vendeur.......................................................................................... 142
Section 3- Formalités de publicité ........................................................ 144
Chapitre 3- Les effets du leasing................................................................ 146
Section 1- Droits et obligations du crédit-preneur ............................ 146
Paragraphe 1- Utilisation et entretien du matériel ................................... 146
Paragraphe 2- Paiement des loyers ................................................................ 147
Paragraphe 3- Actes interdits ......................................................................... 147
Paragraphe 4- Risques de perte et de destruction et obligation
d’assurance ......................................................................................................... 148
Titre III- Les contrats de la distribution ..................................... 152
Chapitre 1- Les contrats de distribution ................................................... 153
Section 1- La diversité de formes des contrats de distribution ...... 154
Paragraphe 1- La distribution non intégrée ................................................. 154
A- Le contrat d’agréation (distribution agréé) ........................................ 154
1- Caractères généraux du contrat ................................... 154

Table des matières 8


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

2- Fin du contrat......................................................... 155


B- Le contrat de distribution sélective ..................................................... 156
1- Notion .................................................................. 156
2- Spécificité (ou difficultés relatives au droit de la concurrence)
............................................................................. 157
Paragraphe 2- La distribution intégrée ......................................................... 160
Paragraphe 3- Le contrat de concession........................................................ 162
A- Définition ................................................................................................... 162
B- Notion ......................................................................................................... 163
C- Intérêts et dangers .................................................................................. 165
1- Les intérêts ........................................................... 165
2- Les dangers............................................................ 165
D- La conclusion du contrat de concession .............................................. 166
E- L’exécution du contrat de concession exclusive ................................ 167
1- Les obligations du concédant ...................................... 167
2- Les obligations du concessionnaire............................... 168
3- Les contrats de concessions et les tiers .......................... 170
F- L’expiration du contrat ........................................................................... 170
Chapitre 3- Le contrat de franchise ........................................................... 173
Section 1- Définition ................................................................................ 173
Section 2- Caractères et autonomie du contrat de franchise ......... 174
Paragraphe 1- Caractères du contrat de franchises ................................... 174
Paragraphe 2- Autonomie du contrat de franchise ..................................... 174
Section 3- La formation ou mise en place du contrat de franchise 175
Section 4- Effets du contrat de franchise ............................................ 177
Annexes .......................................................................... 179
ANNEXE I- Les dispositions de l’Acte uniforme OHADA relatif au
droit commercial général révisé de 2010 concernant la vente
commerciale .............................................................................................. 181
ANNEXE II- Les usages commerciaux...................................................... 197
ANNEXE III- Ordonnance n° 2013-662 du 20 septembre 2013 relative
à la concurrence........................................................................................ 202
ANNEXE IV- Décret n° 70-06 du 7 janvier 1970 sur le crédit-bail ou
leasing ......................................................................................................... 208

Table des matières 9


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Introduction

Les contrats commerciaux qui font parties du


foisonnement des contrats spéciaux sont souvent opposés aux
contrats civils, de sorte qu’il est usuel de repartir les contrats
en contrats civils et en contrats commerciaux. Cette distinction
doit pourtant être bien comprise : elle ne signifie nullement
qu’il existe dans notre droit une réglementation propre aux
contrats civils et une réglementation propre aux contrats
commerciaux. Et d’ailleurs, la distinction n’est pas facile à faire
entre les contrats civils et les contrats commerciaux, car il est
un grand nombre de contrats qui appartiennent au droit civil,
mais que l’activité commerciale a rendu commerciaux, de sorte
que bien des contrats sont aussi civils que commerciaux :
ainsi, il y a des ventes civiles et des ventes commerciales, des
gages civils et des gages commerciaux, des dépôts civils et des
dépôts commerciaux, des baux civils et des baux
commerciaux…et l’énumération peut être longue. En outre, la
plupart des contrats constituent des actes mixtes lorsqu’ils
sont passés entre un commerçant et un non-commerçant.
En clair, les contrats commerciaux portant souvent le
même nom que les contrats civils et produisant, en principe,
les mêmes effets, il apparaissait souvent que les distinguer de
ceux-ci était sans objet. Pourtant la distinction entre contrats
commerciaux et contrats civils s’avère nécessaire car si l’article
1107 alinéa 2 du Code civil précise que « les règles particulières
aux transactions commerciales sont établies par les lois
relatives au commerce », c’est bien pour montrer qu’il existe des
contrats commerciaux à côté des contrats civils, c’est bien pour
montrer qu’un régime particulier est appliqué aux contrats
conclus par les commerçants.
D’où la question : qu’est-ce qu’un contrat commercial, par
opposition au contrat civil ? On se rendra très vite compte que
l’hésitation demeure sur le critère de distinction entre contrats
commerciaux et contrats civils. Et pourtant, il faudra arriver à
être situé sur la qualification de contrat commercial.

Introduction 11
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Paragraphe 1- Distinction entre contrats


commerciaux et contrats civils
Il est classique d’énumérer les différences de régime entre
les contrats civils et les contrats commerciaux. Pourtant ces
différences s’estompent par une extension aux contrats civils
des règles des contrats commerciaux. Toutefois, il demeure
vraiment une différence d’esprit entre les deux types de
transactions.

A- Le particularisme du régime des contrats


commerciaux
Le particularisme du régime des contrats commerciaux est
traditionnellement fondé sur le besoin de sécurité et de rapidité
propre aux droits des affaires. C’est ainsi qu’on observe que :
- La preuve des contrats commerciaux est libre : La
preuve des transactions commerciales est largement facilitée.
La règle du droit civil qui exige un écrit pour toute somme ou
valeur dépassant 500 F ne s’applique pas. Par ailleurs, les
formalités du double original pour les actes sous seing privé
contenant des conventions synallagmatiques et du « Bon
pour… » ou « Lu et approuvé » pour les engagements
unilatéraux ne sont pas rigoureusement exigées en matière
commerciale.
- La solidarité passive se présume : alors qu’en droit civil
cette modalité doit être expressément stipulée (hormis, bien
entendu, les cas exceptionnels où elle est légale ou
jurisprudentielle), elle est au contraire automatique en droit
commercial, de sorte que sauf clause contraire, les codébiteurs
d’un même contrat commercial sont donc solidairement tenus.
- l’inexécution des contrats commerciaux peut entraîner
l’ouverture d’une procédure collective d’apurement du passif.
- La mise en demeure de payer est peu formaliste : une
lettre recommandée suffit. En matière commerciale, la mise en
demeure n’exige pas un exploit d’huissier. Tout acte par lequel
le créancier réclame son dû déclenche les effets de la demeure.

Introduction 12
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

En vertu d’une clause du contrat, celle-ci peut résulter de la


seule échéance du terme.
- La prescription extinctive est en principe de 10 ans :
les obligations nées entre commerçants à l’occasion de leur
commerce se prescrivent donc par dix ans, si elles ne sont pas
sujettes à une prescription plus courte. Le délai trentenaire de
droit commun est donc écarté.
Certes, tout ce qui précède est vrai en matière
commerciale, mais ce besoin de rapidité et de sécurité qui
caractérise le droit commercial se trouve aussi en droit civil, et
bien des arguments invoqués à l’appui de la distinction
peuvent se nuancer.
En effet :
- La preuve des contrats commerciaux est certes libre,
mais beaucoup de contrats commerciaux supposent un écrit
(contrats maritimes, sociétés commerciales, ventes de fonds de
commerce, etc.) et inversement la preuve de quelques contrats
civils est facilitée (la preuve par copies est admise sous
certaines conditions ; la preuve électronique également).
- La solidarité se présume en droit commercial il est vrai
mais, en droit civil elle est également souvent stipulée (pas un
banquier ne prêtera à des époux sans exiger leur engagement
solidaire, par exemple).
- S’il est vrai que l’inexécution des contrats commerciaux
entraîne l’ouverture d’une procédure collective d’apurement du
passif, l’inexécution des contrats civils passés par des
personnes morales de droit privé (donc de droit civil ou de droit
commercial) l’entraînera également, car l’Acte uniforme relatif
aux procédures collectives dans l’espace OHADA n’exclut guère
de son domaine que les personnes physiques et encore non
commerçantes.
- La mise en demeure de payer, consécutive à
l’inexécution d’un contrat civil, se fait à l’instar d’un contrat
commercial, à la suite de l’évolution jurisprudentielle, par
lettre recommandée.

Introduction 13
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

- La prescription est trentenaire en droit civil, mais bien


des prescriptions sont également plus courtes en droit civil :
ainsi l’article 2777 C. civ. prévoit une prescription de cinq ans
pour les actions en paiement des salaires, des arrérages des
rentes perpétuelles et viagères, des loyers et des fermages, des
intérêts des sommes prêtées ; l’article 2271 C. civ. prévoit une
prescription de 6 mois pour l’action des hôteliers et traiteurs à
raison de logement et de la nourriture qu’ils fournissent, etc.
On le voit, les contrats civils et commerciaux sont voisins ;
les intérêts légaux ont été unifiés. Donc les différences de
régimes sont moins nettes qu’autrefois. Il reste surtout une
différence d’esprit.

B- La différence d’esprit
Le droit commercial est spéculatif : c’est le droit des
richesses et des bénéfices. C’est aussi un droit attiré par la
fortune. Le droit civil est plus conservateur, mais dépendant
de l’activité économique.
En outre, ces deux types de contrats sont également
différents quant aux personnes (les contrats commerciaux
seront souvent conclus par des intermédiaires qui
s’interposent dans la circulation des biens, tels que les
concessionnaires, les courtiers, ou par des personnes morales,
des sociétés, qui sont des êtres singuliers qui ne vivent que
pour commercer) et quant aux biens (les contrats
commerciaux auront trait pour l’essentiel à des meubles
corporels - marchandises ou matériels - à des biens incorporels
– cessions de fonds de commerce, d’actions de sociétés, de
licences de brevets, de marque… - le droit civil s’intéressera
plus souvent à l’immeuble – location, vente. Ces contrats ne
sont donc pas animés du même esprit).
Mais tout cela ne suffit pas à dégager un critère
satisfaisant de distinction. D’où la recherche d’une
qualification de contrat commercial.

Introduction 14
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Paragraphe 2- La qualification de contrats


commerciaux
La commercialité est une notion difficile à définir car si
certains actes sont absolument civils (comme la donation) et
d’autres toujours commerciaux (signature d’une lettre de
change), la plupart des actes peuvent être civils et
commerciaux (vente, dépôt, transport).
Ce qu’il faut savoir, c’est que s’agissant de savoir ce qui est
commercial et ce qui ne l’est pas, la définition juridique de la
commercialité a fait l’objet de controverse :
En effet, deux conceptions ont été proposées : une
conception subjective et une conception objective. Dans le
système dit subjectif, les actes de commerce sont les actes des
commerçants, et nul ne peut réaliser un acte de commerce s’il
n’exerce une profession commerciale. Le droit commercial est
alors tenu pour un droit professionnel, le droit des
commerçants, et l’acte de commerce est en réalité l’acte du
commerçant. Cette conception a l’avantage d’une apparente
simplicité, mais l’on est sans ignorer qu’elle est limitée. Car un
commerçant peut bien passer des actes qui ne soient pas
commerciaux pour autant. Pour battre en brèche cette théorie,
il a été proposé la théorie objective de la commercialité qui est
une théorie détachée de la profession commerciale pour
prendre en compte seulement les actes de commerce. Le droit
commercial n’est donc plus le droit des commerçants, mais le
droit des actes de commerce. Mais comment reconnaître ces
actes auxquelles s’appliqueront les règles du droit
commercial ?
Pour savoir si les règles du contrat commercial
s’appliquent à un acte, il faut parvenir à le qualifier.
En effet, l’existence d’un acte, créateur de droit et
d’obligation juridique, entraîne la nécessité d’une qualification
pour préciser le régime juridique qui doit lui être appliqué.
Cependant, en pratique, la qualification est souvent établie
de manière implicite par les parties. Elle se déduit des
obligations de l’acte.
Mais, à l’analyse, certains contrats sont commerciaux par
nature ou par détermination de la loi. Il s’agit de tous les

Introduction 15
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

contrats régis par l’Acte uniforme portant sur le droit


commercial général (acte de commerce par nature) et des
contrats de société qui adoptent la forme des sociétés
commerciales (SA, SARL...). D’autres contrats sont civils par
nature ; ce sont des contrats à titre gratuit ou des contrats de
services gratuits comme la donation (La gratuité est en principe
étrangère au droit commercial guidé par l'esprit de spéculation.
Mais en dehors de ces contrats, tout contrat est également
susceptible d'être commercial ou civil.
Fort heureusement, la qualification de contrat commercial
peut se déduire grâce à certaines caractéristiques précisées par
la jurisprudence.
Ainsi, selon la jurisprudence, le contrat est commercial
lorsqu’il a pour objet un acte de commerce ou qu’il est accompli
par un commerçant pour les besoins de son commerce. Ainsi,
dans un arrêt de principe en date du 30 janvier 1996, la
première chambre civile de la Cour de cassation française a
considéré que l’acte de commerce est l’acte ayant un rapport
direct avec l’activité professionnelle du commerçant.
Une présomption est donc admise par la jurisprudence :
tous les contrats passés par un commerçant sont en principe
des contrats commerciaux. Quant aux actes conclus par un
commerçant avec sa clientèle civile, ils sont qualifiés d’actes
mixtes : de ces actes naissent des obligations commerciales à
la charge du commerçant tandis que celles naissant à la charge
de sa clientèle civile sont des obligations civiles.
En raison de cette présomption, le commerçant devra
prouver si un contrat, source de contentieux, a été conclu sans
qu’il n’ait de rapport avec son activité professionnelle. Il devra
apporter cette preuve en se fondant sur la nature de l’objet ou
de la cause du contrat.
Somme toute :
Sont commerciaux, les contrats passés par un
commerçant pour les besoins de son commerce, par
application de la théorie de l’accessoire (Il faut s’attacher à la
qualité de la personne et à la finalité du contrat. Le droit
commercial, est en effet, un droit corporatiste et un droit

Introduction 16
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

professionnel. Le caractère professionnel implique la


commercialité).
Sont civils, par application de cette idée ou théorie de
l’accessoire, les contrats passés par des non-commerçants
(ex. : la vente de particulier à particulier) et les contrats des
commerçants conclus pour leurs besoins personnels, en
dehors de leur activité professionnelle (ex. : achat d'un
appartement pour se loger).
Sont mixtes, les contrats conclus entre personnes civiles
et commerçants (ex. : achat de pain). Le même contrat sera
civil pour la personne civile et commerciale pour l’autre. La
plupart des contrats de la vie courante sont d’ailleurs des actes
mixtes.
Il faudra donc ventiler les règles en fonction de la qualité
du contractant.
Une fois la qualification de contrat commercial dégagée, un
régime juridique lui est appliqué. Par conséquent, la
qualification de contrat commercial entraîne l’application d’au
moins deux règles essentielles : la règle de compétence des
juridictions et celle de la preuve.
- Les règles de compétence désignent en principe le
tribunal de commerce du domicile du défendeur. Toutefois, les
commerçants peuvent prévoir des clauses d’arbitrage qui
soumettent avant la saisine du juge leur contentieux à des
arbitres.
Quant aux actes mixtes, ils suscitent des difficultés. A leur
sujet, la jurisprudence a considéré que le non-commerçant
peut choisir de saisir la partie adverse commerçante devant le
tribunal civil comme devant le tribunal de commerce, alors que
le commerçant ne pourra choisir que le tribunal civil.
- La deuxième règle, à garder à l’esprit face à un contrat
commercial, est la liberté de la preuve.
Il est évident que cette règle facilite la preuve de la
démonstration des prétentions des parties. Pour autant, l’écrit
reste le meilleur moyen pour éviter de nombreuses difficultés
inutiles.
Pour que la règle de la liberté de preuve s’applique, il faut
que le contrat soit commercial ainsi que les parties. Le régime

Introduction 17
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

civil s’applique donc aux actes mixtes ; ce qui impose la preuve


écrite (art. 1341 C.C.).
Cette règle de la liberté de preuve entraîne plusieurs
conséquences dont notamment :
- La preuve du contrat commercial peut être faite par
tout moyen.
- L’action dirigée contre un commerçant a sa preuve
libre.
- L’action d’un commerçant contre un non-commerçant
est soumise aux règles du droit civil.
Cela étant, s’agissant des usages commerciaux, il faut dire
qu’ils constituent une des sources du droit des contrats
commerciaux. C’est pourquoi, après avoir étudié les contrats
commerciaux (Ière partie), une brève étude leur sera réservée
(IIème partie).

Introduction 18
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Première partie
Les contrats commerciaux

Les contrats commerciaux 19


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

L’étude des contrats commerciaux est si vaste qu’elle doit


nécessairement être délimitée, même si les choix effectués
dans le cadre de ce cours n’excluent pas un certain arbitraire.
Car, du fait de cette kyrielle de contrats commerciaux dont la
totalité ne peut fait l’objet d’étude dans le cadre de ce cours, il
serait osé et prétentieux de vouloir les étudier tous dans le
cadre de ce cours. Seuls quelques uns seront étudiés ici : il
s’agira notamment de la vente commerciale (Titre I), du crédit-
bail ou leasing (Titre II), et des contrats de distribution comme
la franchise ou franchising (Titre III).
Mais avant que de les aborder séparément, une approche
première définitionnelle de ces contrats et d’autres contrats
commerciaux permettrait de s’en faire une idée. Ainsi, :
- Le contrat de vente commerciale : ce contrat permet
de conclure une vente qui nécessite plus de garanties qu’un
simple accord verbal ou un accord porté sur un devis ou une
facture. En effet, c’est un contrat commercial par lequel la
propriété d’un bien meuble ou immeuble est transférée d’une
personne à une autre, moyennant le payement d’un prix. Ce
contrat est également applicable à la vente de biens dits « de
genre », constituant une masse de choses identiques et de
même nature (par exemple, du grain, du sel, etc.).
- Le contrat de crédit-bail ou leasing : c’est une
convention par laquelle une entreprise dite de crédit-bail
acquiert, sur demande d’un client, la propriété d’un bien en
vue de le donner en location à ce client pour une durée
déterminée, en contrepartie du paiement d’un loyer.
- Le contrat de franchise ou franchising : ce contrat
répond aux besoins d’un distributeur qui souhaiterait
développer un réseau de franchise, par exemple en Côte
d’Ivoire, et distribuer un système de commercialisation de
produits et/ou de services. Cette technique suppose la volonté
de l’entreprise de distribuer ses produits, mais elle suppose
surtout aussi la volonté du franchiseur de constituer un
produit « packagé » de franchise qu’il va « vendre » afin d’en
tirer profit le présent contrat. Si l’entreprise n’a pas ce double

Les contrats commerciaux 20


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

objectif, il convient d’envisager une simple distribution


commerciale, un simple contrat de distribution commerciale.
- Le contrat de parrainage ou de sponsoring : dans le
cadre d’un contrat de partenariat, une entreprise peut acquérir
de la notoriété en apportant un soutien matériel ou financier à
une manifestation, une équipe, etc. Le parrainage ou
sponsoring est donc un moyen de se faire connaître du public
et/ou d’autres professionnels : le parrain apporte un soutien
matériel ou financier à une manifestation ou à une personne
du monde du sport, ou des spectacles ; il acquiert aussi une
certaine notoriété. Il existe une grande variété de parrainages :
apport de fonds, fourniture de matériels, organisation partielle
ou complète d’un évènement culturel, humanitaire, sportif, etc.
- Le contrat de coopération commerciale : ce contrat
est à utiliser lorsqu’un distributeur rend à son fournisseur des
services spécifiques qui mettent en valeur le produit fourni
pour le commercialiser dans les meilleurs conditions possibles
(affiches, catalogues, promotions, animations de stands ou tête
de gondoles, etc.).
- Le contrat de dépôt vente : ce contrat est utilisé
lorsqu’une personne, le déposant, souhaite mettre en dépôt
certains de ses biens en vue de les vendre par un intermédiaire,
le dépositaire. Il s’agit d’un mandat très fréquent permettant à
des personnes, souvent non commerçantes, donc non
professionnelles, de recourir à une tierce personne qui
effectuera à sa place un travail à la fois de garde et de vente.
L’avantage est de faciliter la tâche à un déposant pas toujours
averti en matière de vente, et pour le dépositaire de percevoir
une commission pour le service rendu.
- Le contrat d’apporteur d’affaires (ou de courtage) : ce
contrat permet à une entreprise de développer des
opportunités commerciales en rémunérant une personne
ayant un solide carnet d’adresses. Pour un faible
investissement et souvent aucune charge fixe, ce mode de
distribution permet à un entrepreneur d’augmenter ses
contacts commerciaux, et donc son chiffre d’affaires, en

Les contrats commerciaux 21


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

bénéficiant des relations d’une personne bien implantée dans


un secteur. Pour l’apporteur d’affaires, le courtage permet
d’augmenter ses ressources tout en faisant bénéficier ses
relations d’affaires de nouvelles opportunités commerciales.

Les contrats commerciaux 22


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Titre I
La vente commerciale
❖ Considérations générales :
Instrument essentiel des échanges économiques, la vente
est, de tous les contrats, celui qui, le plus naturellement, est
commercial.
En effet, ce contrat a connu, comme beaucoup
d’institutions juridiques, une commercialisation : le domaine
de la vente commerciale s’est étendu jusqu’à pratiquement lui
faire recouvrir la plupart des ventes mobilières.
En ce qui concerne les sources du droit de la vente
commerciale, il faut dire que le seul texte régissant un tel
contrat est le livre VIIIème de l’Acte uniforme OHADA portant
sur le droit commercial général révisé de 20101. Mais ce texte
ne s’applique qu’aux contrats de vente de marchandises entre
commerçants, personnes physiques ou personnes morales
(dès lors que les contractants ont le siège de leur activité dans
un des États Parties ou lorsque les règles du droit international
privé mènent à l’application de la loi d’un Etat Partie, sauf
stipulations conventionnelles contraires) y compris les contrats
de fourniture de marchandises destinées à des activités de
fabrication ou de production2, à l’exclusion donc des ventes
aux consommateurs3, c’est-à- dire des «ventes de
marchandises achetées pour un usage personnel, familial ou
domestique, à moins que le vendeur, à un moment quelconque
avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat, n’ait pas
su et n’ait pas été censé savoir que ces marchandises étaient
achetées pour un tel usage»4, à l’exclusion des « contrats de
fourniture de marchandises dans lesquels la part
prépondérante de l’obligation de la partie qui fournit les
marchandises consiste dans une fourniture de main-d’œuvre ou

1 Voir annexe I.
2 V. article 234 AUDCG de 2010.
3 Un consommateur est toute personne qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de

son activité professionnelle.


4 V. article 235 AUDCG de 2010.

La vente commerciale 23
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

d’autres services»5, à l’exclusion également des ventes


soumises à un régime particulier6 comme les ventes aux
enchères, les ventes sur saisie ou de quelque autre manière
par autorité de justice, les ventes de valeurs mobilières, d’effets
de commerce ou de monnaies, les mobilisations et autres
opérations sur créances ou instruments financiers, les ventes
de navires, bateaux, aéroglisseurs et aéronefs et les ventes
d’électricité.
Ces ventes commerciales exclues du champ d’application du
livre VIIIème de l’Acte uniforme OHADA sur le droit commercial
général révisé sont, quant à elles, régies par d’autres textes
législatifs ou administratifs, auxquels il faudrait se référer pour
connaître davantage leur régime juridique.
A propos également de ce livre VIIIème de l’acte uniforme
OHADA sur le droit commercial général, il faut relever qu’en
réglementant la vente commerciale, il enrichit
considérablement la théorie contemporaine du contrat.
En effet, en ce qui concerne la formation du contrat de
vente, d’une part, la théorie de l’offre est renouvelée avec la
consécration de deux types d’offre7 : l’offre irrévocable qui
constitue un acte juridique et, plus précisément un
engagement unilatéral de volonté et l’offre, révocable, qui n’est
qu’un fait juridique8.
D’autre part, le législateur « ohadaen » tranche clairement
la controverse classique sur la formation des contrats entre
5 Idem
6 V. article 236 AUDCG de 2010.
7 V. article 242 AUDCG de 2010.
8 Un fait juridique peut être défini comme un évènement quelconque ou un fait volontaire ou non

qui produit des effets de droit indépendamment de la volonté des intéressés. Un fait juridique
peut entrainer soit l’apparition d’une situation juridique, soit son extinction, soit sa modification.
L’offre stipulée révocable étant privée de délai, elle est librement révocable. Plusieurs situations
peuvent ainsi se présenter. Soit le destinataire peut accepter l’offre, soit l’offrant peut se
rétracter ou soit l’offre peut rester ainsi jusqu’à sa caducité. Dans la mesure où il advient une
incapacité ou pire encore le décès de l’offrant, cette situation entraine la caducité de l’offre ce
qui n’est pas l’effet recherché et voulu de l’offrant. Pareillement, le fait juridique est un
évènement qui lorsqu’il survient produit des effets qui ne sont pas voulus ; Que cet évènement
soit volontaire ou non. Or, l’offre bien qu’elle soit stipulée révocable est émise dans le but de
conclure le contrat une fois acceptée. Et si cet évènement détourne cet objectif, voire cet effet,
cette offre révocable dans cette mesure se rapproche d’un fait juridique qui lui aussi produit des
effets non recherchés.

La vente commerciale 24
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

absents ou par correspondance en prenant nettement position


pour la théorie de la réception9. Ainsi, avec l’Acte uniforme, la
formation est retardée jusqu’au moment où le pollicitant reçoit
l’acceptation. En d’autres termes, tant que l’acceptation n’est
pas communiquée à l’auteur de l’offre, le contrat ne sera pas
conclu.
Relativement aux effets du contrat de vente, les règles
relatives à l’exécution des contrats sont profondément
aménagées, par la consécration du principe du transfert de
propriété à la livraison de la chose vendue10.
En sus, le législateur OHADA a procédé à l’instauration de
la coopération contractuelle (de façon générale, les parties
doivent œuvrer au maintien du contrat. On n’est donc pas loin
du principe de « favor contractus » d’après lequel, lorsque c’est
possible, le maintien du contrat doit être favorisé au détriment
de sa rupture prématurée sur l’initiative d’une des deux
parties). En effet, quoique clairement ventilées entre les
différentes parties, les obligations contractuelles ne sont pas
toujours respectées et, bien plus souvent qu’il n’y parait, on en

9 A titre de rappel et de résumé, il faut dire que la question du moment de la formation du contrat
a donné lieu à de vives controverses entre d’une part les auteurs qui s’attachent à la
manifestation de l’acceptation, et d’autre part ceux qui accordent la primauté à la notification de
l’acceptation. Pour les premiers, la conclusion du contrat s’opère par la simple coexistence
d’une offre et d’une acceptation (Ces théories sont au nombre de deux : la théorie de la
déclaration et la théorie de l’expédition ou de l’émission). Pour les seconds, ce n’est pas la
seule coexistence des volontés qui entraine la formation du contrat, mais leur connaissance
réciproque par les parties (Ces théories sont au nombre de deux : la théorie de l’information et
la théorie de la réception). Il est vrai qu’il existait toutes ces théories décrites, mais la diversité
faisait qu’on avait du mal à savoir laquelle il convenait d’appliquer. De sorte qu’il existait un flou
juridique en droit commun. Fort heureusement, l’AUDCG de 2010 a été clair en choisissant
l’une de ces théories à appliquer à la vente commerciale : la théorie de la réception (V. article
244 alinéa 1er AUDCG de 2010).

10
V. article 275 AUDCG de 2010. Mais, cette considération selon laquelle la prise de livraison
constitue le moment du transfert de propriété peut être rejeté par les parties. Celles-ci en effet
peuvent convenir de repousser le moment du transfert de propriété, la règle étant simplement
supplétive de volonté, et non impérative. Ainsi, selon l’article 276 AUDCG de 2010, les parties
peuvent prévoir le report du transfert de propriété par une clause de réserve de propriété régie
par les articles 72 à 78 de l’Acte uniforme révisé sur le droit des sûretés (La clause de réserve
de propriété peut être définie comme une clause par laquelle le vendeur conserve la propriété
de la chose jusqu’au complet paiement du prix. Ainsi, selon l’article 72 de l’Acte uniforme relatif
aux sûretés révisé de 2010 : « la propriété d’un bien mobilier peut être retenue en garantie par
l’effet d’une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au
complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie »).

La vente commerciale 25
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

arrive à envisager une issue problématique à l’opération de


vente commerciale. Dans cette perspective, plutôt que de
recourir aux sanctions, le législateur OHADA, pragmatique, a
tenu à privilégier la sauvegarde du contrat par le biais de
correctifs transactionnels. L’objectif visé est de ne pas
encourager les contractants à recourir facilement à la
résolution du contrat qui est perçue comme une sanction
draconienne. D’où le rôle des remèdes intermédiaires
susceptibles d’intervenir avant une résolution brutale. La
résolution apparait donc comme une solution subsidiaire. Cela
traduit ainsi l’idée du principe du « favor contractus » qui
suppose que lorsque c’est possible, le maintien du contrat doit
être favorisé au détriment de sa rupture prématurée sur
initiative des parties. Pour ce faire, l’AUDCG de 2010 a mis en
place diverses solutions auxquelles les parties pourront
recourir afin que le contrat survive : Il s’agit notamment de
l’accord d’un délai supplémentaire11, la faculté dite de
remplacement12, la réfaction du contrat de vente
commerciale13, la facilitation de l’exécution du contrat de vente

11 Le délai supplémentaire peut être défini comme une faculté que le créancier accorde au
débiteur pour s’exécuter. Plus explicitement, la partie qui a manqué à l’exécution de son
obligation peut encore remédier à ce manquement par le moyen que lui offre le créancier de
cette obligation. Inversement, l’octroi de ce délai supplémentaire a pour effet principal de
suspendre l’utilisation par l’acheteur des moyens dont il dispose à l’encontre du vendeur. V.
article 283 alinéa 2 AUDCG de 2010 pour le vendeur et article 286 AUDCG de 2010 pour
l’acheteur.

12
C’est une possibilité reconnue au vendeur d’avoir à réparer à ses propres frais et ce, après
livraison, les manquements dont il serait auteur. Cette possibilité de réparation consiste en le
remplacement des marchandises défectueuses ou non conformes par des marchandises
conformes. Le remplacement peut être fait par le vendeur lui-même ou encore l’acheteur peut
s’adresser à un autre fournisseur. Et dans ce cas, le coût des marchandises de remplacement
est mis à la charge du vendeur défaillant. En principe, pour exercer le remplacement, il faut que
la chose objet du contrat soit une chose de genre. Cela s’explique par le fait que seules les
choses de genre sont remplaçables. La faculté de remplacement est un mécanisme qui profite
aux contractants. Le contrat est maintenu et le vendeur a l’avantage du reste du marché. Ainsi,
celui-ci garde sa clientèle. L’acheteur quant à lui bénéficie de l’exécution nouvelle de l’obligation
du vendeur sans que des frais ne soient à sa charge (sans frais de poursuite du débiteur de
l’obligation). Mais il convient de noter que l’opération de remplacement est sans doute coûteuse
pour le vendeur. Cette faculté dite de remplacement est prévue par les articles 283 et 298
AUDCG de 2010.

13C’est une autre faculté prévue par le législateur OHADA en vue de maintenir le contrat. Elle
est envisagée lorsqu’il est constaté un défaut de conformité des marchandises. Dès lors, le

La vente commerciale 26
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

commerciale14.
En contrepoids de ces mesures ci-devant, le législateur
OHADA a institué des sanctions préventives à l’exécution du
contrat de vente comme la résolution par anticipation du
contrat de vente15 et a aménagé l’exceptio non adimpleti

contrat sera aménagé, rééquilibré ou en quelque sorte renégocié notamment en réduisant le


prix des marchandises. En effet, selon l’art 288 l’AUDCG de 2010: « En cas de défaut de
conformité des marchandises, que le prix ait été ou non déjà payé, l’acheteur peut réduire le
prix du montant de la différence entre la valeur que des marchandises auraient eu au moment
de la livraison et la valeur que les marchandises effectivement livrées avaient à ce moment ».
La condition principale est donc l’existence d’un défaut de conformité des marchandises. Cette
faculté ne peut pas être exercée lorsqu’au préalable les marchandises sont conformes. En
principe, la réfaction du contrat de vente nécessite l’intervention d’un tiers. Mais l’AUDCG de
2010 fait preuve d’originalité en accordant cette faculté à l’acheteur seul. La faculté est donc
reconnue à l’acheteur de réduire le prix proportionnellement à la partie du contrat qui a été
exécutée par le vendeur. Cet aménagement du prix est un moyen utilisé lorsque la marchandise
quoique non conforme est encore utile à l’acheteur mais à un prix inférieur puisque ce n’est pas
ce qui a été stipulé dans le contrat. De longue date, la jurisprudence française a consacré cette
faculté en retenant que « l’infériorité de qualité si elle n’est pas considérable n’entraîne pas la
résolution des conventions mais seulement une réduction du prix » (Req., 23 mai 1900, Dalloz
périodique 1901 .I.269). Seulement que là il faut un tiers en présence pour réguler le prix. La
réfaction s’apparente à la clause de hardship (Par clause de hardship, l’une des parties peut
demander la renégociation du contrat car des circonstances nouvelles et imprévisibles ont
conduit à un bouleversement des bases économique du contrat). Certes, les deux notions
impliquent un déséquilibre du contrat, mais contrairement au hardship, la réfaction du contrat
ne joue qu’en cas de constatation de marchandises non conformes et elle consiste uniquement
en la réduction du prix.

14 Il s’agit d’effort que chaque partie fournira en vue de faciliter l’exécution de l’obligation de
l’autre. Les deux parties devraient en ce sens coopérer. S’agissant des modalités pratiques du
paiement du prix, le législateur OHADA a apporté une innovation. Contrairement au droit
commun où il est dit que « les dettes sont quérables et non portables », l’AUDCG de 2010
retient que l’acheteur, doit prendre toutes les mesures afin de permettre le paiement du prix.
Aux termes donc de l’article 264 AUDCG de 2010, « l’acheteur est tenu de prendre toute mesure
nécessaire à l’accomplissement des formalités préalable au paiement effectif du prix ». Cela
s’entend notamment de toutes les formalités à accomplir comme, par exemple, pour
l’acceptation d’une lettre de change (Une lettre de change est un effet de commerce requis par
le tireur au bénéficiaire et qui confère à celui-ci ou celui qui est à son ordre, le droit de se faire
payer une somme d’un montant déterminé à une échéance déterminée par le tiré) et la
fourniture d’une garantie bancaire ou l’ouverture d’un crédit documentaire (C’est une opération
par laquelle un banquier intervenant sur l’ordre d’un acheteur pour le règlement financier d’une
opération le plus souvent internationale promet de payer le vendeur contre remise de
documents conformes).
15La résolution est la rupture du contrat décidée par l’une des parties du fait de l’inexécution
par l’autre partie de son obligation. La résolution peut cependant se faire par anticipation, c’est-
à-dire avant l’exécution de la vente. L’AUDCG de 2010 sans nier la règle de la résolution pour
inexécution d’une partie de ses obligations, y ajoute justement la possibilité de résolution par
anticipation. En effet, si selon l’article 281 alinéa 1 er AUDCG de 2010 : « Toute partie à un

La vente commerciale 27
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

contractus, c’est-à-dire l’exception d’inexécution contractuelle


ou exception de contrat non accompli16.
Cela étant, en termes de sources, outre ce livre VIIIème de
l’acte uniforme OHADA sur le droit commercial général, la
vente commerciale est aussi soumise aux règles du droit
commun, car à défaut de règles particulières et de législation
complémentaire, il convient de recourir au Code civil dont les
dispositions forment le fonds commun du droit privé. C’est
ainsi que les règles fondamentales de la conclusion des
contrats posées par le Code civil s’appliquent également en
droit commercial.
Par ailleurs, le droit de la vente commerciale ne comporte
pas de grandes constructions prétoriennes, sauf en matière de
détermination du prix et surtout de garantie du fabricant et du

contrat de vente commerciale est fondée à en demander au juge compétent, la rupture pour
inexécution totale ou partielle des obligations de l’autre partie », l’alinéa 2 de cet article 281
AUDCG dispose que : « Toutefois, la gravité du comportement d’une partie au contrat de vente
commerciale peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et
périls. La gravité du motif est appréciée par le juge compétent à la demande de la partie la plus
diligente ».
16 Contrairement au droit commun, l’OHADA apporte une idée tout à fait différente sur certains
points à l’exception d’inexécution. Selon l’art 252 AUDCG de 2010, l’acheteur peut différer
l’exécution de son obligation de payer si le vendeur ne parait pas en mesure d’effectuer son
obligation de livraison dans les délais convenus. Et cela, soit pour insuffisance de ses capacités
de fabrication soit en cas d’une inadaptation de ses moyens de production. De même, l’art 285
l’AUDCG de 2010 permet au vendeur de repousser l’exécution de ses obligations de livraison
si l’acheteur ne parait pas en mesure de payer l’intégralité du prix pour insolvabilité ou cessation
de paiement ou encore de ses retards dans les échéances convenues. Dans les deux cas, la
partie doit obtenir l’autorisation de la juridiction compétente. De la lecture de cet article, on peut
déduire que dans la législation OHADA, une partie peut demander à la juridiction compétente
l’autorisation de repousser l’exécution de son obligation lorsqu’il apparait après la conclusion
du contrat que l’autre n’exécutera pas une partie essentielle de ses obligations. Ici, on n’a pas
besoin d’attendre l’inexécution ou la mauvaise exécution de l’obligation de l’autre. C’est
pourquoi le législateur a employé l’expression « ne parait pas en mesure de » dans les deux
cas. Il s’agit en clair d’une exception d’inexécution par anticipation. A la différence du droit
commun où le refus d’exécution est toujours une réponse à une demande d’exécution, en
matière commerciale, l’on peut ne pas attendre cette demande pour agir, eu égard à la situation
financière ou l’attitude de l’autre contractant. En outre, en droit commun, l’exception
d’inexécution est une forme de justice privée ce qui exclut le recours au juge (Excepté le cas où
le cocontractant estime que l’exception d’inexécution lui a été opposée à tort. C’est dans cette
mesure qu’il doit saisir le juge à qui il appartient de vérifier le bien-fondé de l’exception). Ainsi,
celui qui invoque l’exception d’inexécution le fait de sa propre autorité sans décision préalable
du juge. Contrairement à cela, l’OHADA subordonne l’exercice de l’exception d’inexécution à
une autorisation préalable du juge.

La vente commerciale 28
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

vendeur professionnels où la jurisprudence a aggravé les


responsabilités du fabricant et du vendeur professionnels17.
A l’analyse, la source vivante du droit contemporain de la
vente commerciale se trouve dans la pratique : contrats-types
de vente, conditions générales de vente, codes d’usages
commerciaux, etc.
S’agissant tout particulièrement des usages
commerciaux18, il faut souligner que la question qui se pose à
leur sujet est celle de savoir si un commerçant peut envisager
d’utiliser un usage comme fondement à ses prétentions dans
un litige qui l’oppose à ses clients ou co-contractants.
En réponse à cette question, il faut dire que tout dépend
du type d’usage. En effet, il y a deux types d’usages : les usages
conventionnels et les usages de droit.

Les usages conventionnels :


→ Les usages conventionnels (ou usages de fait) tirent leur
autorité d’un contrat. Ils ont un caractère supplétif, c’est-à-dire
qu’ils ne sont appliqués qu’à défaut de volonté contraire des
parties.
- Si les deux parties sont commerçantes, le silence gardé vaut
adoption de l’usage.
- L’application de ces usages conventionnels soulève une
difficulté lorsque le litige oppose un commerçant et un non
commerçant. On règle cette difficulté en décidant que le
commerçant ne peut imposer au non commerçant un usage
conventionnel qui est défavorable à ce dernier. Il faut, dans ce
cas, une acceptation expresse de cet usage par le non
commerçant.
- On applique cette même solution dans un litige opposant un
commerçant et un autre commerçant d’une autre branche
d’activité.

17Lire par exemple, Philippe Malinvaud, « La responsabilité civile du vendeur à raison des vices
de la chose », J.C.P. 1968.I.2153 ; aussi, Philippe Malinvaud, « La responsabilité du fabricant
en droit français », Gaz. Pal. 1973, 2, Doctr. 463.

18 V. Annexe II.

La vente commerciale 29
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

→ Ces solutions peuvent conduire à penser qu’on peut


assimiler l’usage conventionnel à une loi supplétive puisque
dans les deux cas la volonté des parties peut empêcher leur
application.
En réalité, il existe une différence fondamentale entre les
usages conventionnels et la loi supplétive : cette différence se
situe au niveau de la preuve. En effet, alors que celui qui se
prévaut d’une loi supplétive n’a pas à la prouver, celui qui se
prévaut d’un usage doit en rapporter la preuve.
→ En sus, ces usages peuvent mettre en échec des textes
supplétifs ; mais ils ne peuvent pas prévaloir contre une
disposition impérative.

Les usages de droit :


→ A la différence des usages conventionnels (ou usages de
fait), les usages de droit ont un caractère impératif (certains
auteurs préfèrent les appeler coutumes).
→ On peut citer comme exemple d’usage de droit la
solidarité présumée entre co-débiteurs commerçants
contrairement à l’article 1202 du Code civil. On peut citer aussi
l’anatocisme dans le compte courant contrairement à l’article
1154 du code civil19. On peut citer enfin la mise en demeure
contrairement aux dispositions de l’article 1146 du Code
civil20.
→ Ces usages se différencient des usages conventionnels
sur trois points :
- Aucun consentement exprès ou tacite des intéressés n’est
nécessaire pour leur application. Ils ont force de loi supplétive.

19 « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande
judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la
convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. »
20« Les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir
son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou
de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer. La mise
en demeure peut résulter d'une lettre missive, s'il en ressort une interpellation suffisante. »

La vente commerciale 30
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Ce qui signifie qu’ils n’ont de force de loi que s’il n’existe pas
de volonté contraire des parties. En d’autres termes, ils ne
s’imposent pas contre la volonté contraire des parties.

- Ces usages peuvent faire échec aux lois civiles, mêmes


impératives (Certains auteurs préfèrent que l’on dise que ces
usages contribuent simplement à délimiter les domaines
respectifs du droit civil et du droit commercial).
- Ces usages font l’objet d’un contrôle de la cour de cassation
ou la Cour suprême en Côte d’Ivoire. Leur violation est
censurée par ladite juridiction.
Hormis cela, il faut également préciser que la vente
commerciale est plus encore que toute autre convention
susceptible de nombreuses modalités, qui en déterminent le
régime : en effet, de plus en plus, le contrat de vente se
diversifie en types de vente assez différents les uns des autres,
différences qui tiennent surtout à l’objet de la vente. Ainsi
avons-nous des ventes internationales et des ventes internes,
des ventes de choses fongibles et des ventes de choses non
fongibles, des ventes en gros et des ventes en détail. Quelques
ventes prévoient même des prestations de service (par
exemple, un service après vente à la charge du vendeur)21 ou
même portent sur des services 22. Bien évidemment, le régime
juridique de ces types de ventes ne peut être le même.
Cela étant, le contrat de vente commerciale ne se
différenciant que très peu de la vente civile 23, seules quelques
règles autres que celles applicables à la vente civile seront
étudiées, notamment les règles applicables au consentement
dans la vente commerciale. De cette considération, il faudra
voir les modalités pouvant affecter le consentement. Mais,
auparavant, il faut souligner que, pour dans l’intérêt de la
concurrence, les pratiques restrictives de concurrence ont été
réglementées en matière de vente commerciale. Toutes ces

21 Lire à ce propos, Mousseron et Seube, « A propos des contrats d’assistance et fourniture »,


D. 1973, chron. 197.
22 Lire R. Savatier, « La vente de services », D. 1971, chron. 223.
23 Voir notre Cours de Vente-Louage-Mandat, édition ABC.

La vente commerciale 31
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

questions seront abordées dans le cadre de la réglementation


de la vente commerciale avant d’avoir une vue sur d’autres
questions.

La vente commerciale 32
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Chapitre 1- La réglementation de la vente


commerciale

En Côte d’Ivoire, l’activité commerciale repose sur le


principe de la libre concurrence. Ce principe dérive de celui de
la liberté du commerce et de l’industrie auquel l’Etat de Côte
d’Ivoire a proclamé son attachement.
Suivant ce principe, il est permis à tout industriel ou
commerçant d’exercer l’activité économique de son choix sans
restriction aucune, fussent-elles d’origine étatique ou
corporative.
On déduit donc de ce qui précède qu’en principe, le
vendeur est libre de vendre à qui il veut et aux conditions qu’il
veut. Mais l’exercice de cette liberté peut, par ses excès, être
incompatible avec le libre jeu de la concurrence. Car comme
tout droit, le droit de concurrence reconnu à tout industriel ou
commerçant est susceptible d’abus24. Le législateur ivoirien a
donc dû prendre des mesures pour protéger et réglementer la
concurrence.
Ces mesures sont contenues pour l’essentiel dans
l’ordonnance n° 2013-662 du 20 septembre 2013 relative à la
concurrence (et la loi 91-999 du 27 décembre 1991) et dans un
certain nombre de textes éparpillés, parfois répétitifs,
lacunaires ou contradictoires, comprenant des matières
hétérogènes25.
Dès lors, pour apprécier la cohérence et la cohésion de ces
textes épars, un exposé sur les sources du droit de la
concurrence en Côte d’Ivoire semble primordial.

Section 1- Les sources du droit de la concurrence en


Côte d’Ivoire
En théorie du droit, la source est le lieu de jaillissement de
la norme, les différents instruments juridiques desquels
provient le Droit.

24 V. SCHAEFFER (E.), « L’abus dans le droit de la concurrence », Gaz.Pal. 1981, doctr. 401.
25 V. ISSA-SAYEGH (J.), « Le droit ivoirien de la concurrence », Ohadata D-06-04.

La réglementation de la vente commerciale 33


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

A ce sujet, il faut dire que le droit de la concurrence en


droit ivoirien a des sources internes et des sources
communautaires.

Paragraphe 1- Sources internes du droit de la


concurrence en Côte d’Ivoire
La Côte d’Ivoire s’est dotée d’un droit de la concurrence
propre en 1978, avec la loi n° 78-633 du 28 juillet 1978 relative
à la concurrence, au prix, à la poursuite et à la répression des
infractions à la législation économique. Mais, cette loi est
essentiellement dérivée, parce que calquée sur l’ordonnance
française de 1945 qui régissait la matière en France et dans les
colonies.
Mais, depuis le début des années 90, la Côte d’Ivoire a
entrepris une série de réformes soutenues par les institutions
de Bretton Woods en vue de créer un environnement propice à
son développement économique et à son insertion dans
l’économie mondiale. Parmi ces réformes, figure aux premiers
rangs, la réglementation de la concurrence interne.
Ainsi, dès 1991, avec l’avènement de la libéralisation et de
la mondialisation, la Côte d’Ivoire a adopté une deuxième loi
ayant le même objet et le même style rédactionnel, avec un
intitulé plus bref faisant allusion à la concurrence. C’est la loi
n° 91-999 du 27 décembre 1991 relative à la concurrence
(modifiée par Loi n° 97-10 du 6 janvier 1997 portant
modification de la loi n° 91-999 du 27 décembre 1991 relative
à la concurrence) qui a un contenu presque identique à celle
de 1978, mais hétéroclite26.
En effet, cette loi interdit les pratiques
anticoncurrentielles, notamment les ententes et les abus de
positions dominantes. Elle interdit également les pratiques
restrictives de la concurrence comme les prix imposés, le refus
de vente à l’égard du consommateur, les pratiques
discriminatoires entre professionnels, la revente à perte, la

26 Concurrence, concentration, ententes, positions dominantes, prix, contrôle économique.

La réglementation de la vente commerciale 34


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

publicité mensongère et trompeuse, ainsi que les ventes


sauvages27.
Ce texte s’est enrichi de nombreux textes règlementaires
qui précisent les modalités de son application, notamment le
décret n° 92-50 du 29 janvier 1992 portant réglementation de
la concurrence et du prix, le décret n° 96-288 du 3 avril 1996
portant organisation et fonctionnement de la Commission de
la concurrence (modifié par le décret n° 2004-650 du
16/12/2004) et des décrets de 1995 comme le décret n° 95-29
du 20 janvier 1995.
Mais en 2013, une ordonnance a été prise en vue
d’améliorer à titre principal tout cet arsenal juridique existant ;
il s’agit de l’ordonnance n° 2013-662 du 20 septembre 2013
relative à la concurrence28.

A ces textes de base, il faut ajouter des textes législatifs


extérieurs au corpus juridique et intervenus dans d’autres
domaines ou secteurs d’activité. Il en va notamment des
dispositions particulières dans le domaine des
télécommunications qui a un régime spécial résultant du code
des télécommunications, de la publicité, de la propriété
intellectuelle, des ventes prohibées en raison de leur caractère
dangereux pour le consommateur captif ou non informé.

27 Pour veiller au respect de cette loi par les différents de l’économie nationale, en particulier les
opérateurs économiques, divers services de l’Etat interviennent. Ce sont les services du
ministère du commerce, les tribunaux et la Commission Nationale de la Concurrence.
28 V. Annexe III. Il faut souligner que, pour atteindre les objectifs en termes de concurrence, les

nouvelles règles mises en place en Côte d’Ivoire ont pour objet l’élimination de toutes les
pratiques entravant le libre jeu de la concurrence.
En effet, il faut dire que dans le cadre du programme d’ajustement structurel, la Côte d’Ivoire
a opté pour la libéralisation des échanges et des prix ainsi que pour le retrait de l’Etat des
activités de production et de distribution. Cette nouvelle orientation, fondée sur l’initiative privée,
privilégie l’amélioration du cadre institutionnel et va accroître la compétitivité des entreprises
nationales. Ainsi, le législateur ivoirien a décidé de restaurer la liberté économique en adoptant
la loi précitée du 27 décembre 1991 relative à la concurrence. Les dispositions de celles-ci
visent (visaient) :- La modernisation de l’environnement institutionnel des entreprises; -
L’émergence, le développement des marchés libres et la transparence de ceux-ci; - La
recherche de la compétitivité des entreprises nationales.
L’ordonnance n° 2013-662 du 20 septembre 2013 relative à la concurrence qui fait suite à
cette loi (et l’abroge) et est désormais applicable en la matière, reprend les mêmes principes.

La réglementation de la vente commerciale 35


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Le domaine de ces dispositions internes est actuellement


restreint par le principe de l’exclusivité du droit
communautaire de l’UEMOA et du droit communautaire
CEDEAO en matière de pratiques anticoncurrentielles29.

Paragraphe 2- Sources communautaires du droit de


la concurrence en Côte d’Ivoire
On le sait, la Côte d’Ivoire est également membres
d’organisations internationales comme l’Union économique et
monétaire Ouest africaine (UEMOA) et la Communauté
économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Et à
ce titre, des règles juridiques émanant de ces regroupements
s’appliquent en Côte d’Ivoire.

De prime abord, il faut dire que la base juridique des


organisations d’intégration est l’engagement des Etats
membres sous la forme de traité. Le droit émanant du traité
est appelé le droit primaire ou originaire. Les traités créent
quant à eux des organes et leurs droits ; c’est le droit dérivé ou
subsidiaire.

Ensuite, un bref aperçu des objectifs généralement


assignés à une politique régionale de la concurrence est qu’elle
vise l’intégration juridique et économique, la lutte contre les
cartels internationaux, l’utilisation efficiente des ressources
limitées et la promotion de l’investissement. Autrement dit, il
est soutenu qu’une politique régionale de la concurrence vise
généralement à réguler un espace économique partagé avec
des interdictions (pratiques anticoncurrentielles) et une
autorité régionale pour les mettre en œuvre.

Cela étant, il faut relever que les sources communautaires


de la concurrence peuvent se résumer essentiellement ou
principalement au droit communautaire UEMOA auquel il faut

29Il en résulte que seules les dispositions relatives aux pratiques restrictives de la concurrence
demeurent régies par les lois nationales.

La réglementation de la vente commerciale 36


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

ajouter le droit communautaire CEDEAO. Ces entités, comme


toute organisation à vocation communautaire, ambitionnent
de créer chacune un marché commun, ouvert et concurrentiel,
doté d’un environnement juridique harmonisé.

A- Le droit communautaire UEMOA de la


concurrence
Le droit de la concurrence de l’UEMOA repose sur trois
Règlements30 et deux Directives31 introduits le 23 mai 2002, et
entrés en vigueur au 1er janvier 2003. Ces trois Règlements
couvrent respectivement les pratiques anticoncurrentielles, les
abus de position dominante, et les aides d’Etat. Les deux
Directives portent sur (1) la transparence dans les relations
financières entre Etats Membres et entreprises publiques, et
entre Etats Membres et organisations étrangères ou
internationales, et (2) la coopération entre la Commission de
l’UEMOA et les autorités nationales de la concurrence.

En effet, dans le cadre législatif de la concurrence de


l’UEMOA, la portée de la compétence juridique est limitée
uniquement aux pratiques anticoncurrentielles pouvant
fausser le jeu de la concurrence dans l’ensemble du marché de
l’Union ou une partie substantielle de celui-ci. Pour l’essentiel,
ce cadre législatif suit le schéma classique de la plupart des
lois de la concurrence dans le monde développé, et vise donc :

30 Un Règlement communautaire est un texte juridique qui a une portée générale et


impersonnelle et qui s’applique directement et immédiatement dans les Etats membres même
sans leur consentement.
31 Une Directive est un texte qui impose une obligation de moyen (et non une obligation de

résultat). Elle suppose une transposition dans l’ordre interne par une loi, un décret, etc. En effet,
à la différence d’un Règlement communautaire qui s’applique totalement et directement, une
Directive donne des objectifs à atteindre par les pays membres, avec un délai. Ce délai permet
aux gouvernements nationaux de s’adapter à la nouvelle réglementation. La Directive lie tout
État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales
la compétence quant à la forme et aux moyens. En d’autres termes, la Directive est un texte
adopté par les institutions communautaire qui fixe des règles que les États membres doivent
inclure dans leur droit interne (on parle de « transposition » en droit national), notamment par
des actes législatifs ou réglementaires. Les États disposent pour ce faire d’un délai de
transposition. La Directive fixe donc un but à atteindre, mais laisse aux États le choix des
moyens pour y arriver. Contrairement aux Règlements, les Directives ne sont pas d’application
directe dans le droit interne ; elles nécessitent une intervention des États.

La réglementation de la vente commerciale 37


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

(1) les accords et pratiques concertées restreignant le


commerce ; (2) les fusions et acquisitions ; et (3) les monopoles,
c’est-à-dire l’abus de position dominante sur le marché.

Deuxièmement, le cadre législatif de la concurrence de


l’UEMOA réglemente les distorsions du marché imputables aux
Etats telles que les aides publiques et les agissements
anticoncurrentiels des entreprises publiques. Plus
précisément, selon les dispositions de l’article 88 du Traité de
l’UEMOA sont interdits: a) les accords, associations et
pratiques concertées entre entreprises, ayant pour objet ou
pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence
à l'intérieur de l'Union ; b) toutes pratiques d’une ou de
plusieurs entreprises ou des associations assimilables à un
abus de position dominante sur le marché commun ou une
partie significative de celui-ci ; c) les aides publiques
susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines
entreprises ou, certaines productions ; d) une quatrième
catégorie d’infractions dites pratiques anticoncurrentielles
imputables aux Etats a été introduite sur la base des
dispositions des articles 4(a), 7 et 76 (c) du Traité.

A l’analyse, face à ces préoccupations visant à favoriser la


concurrence, l’UEMOA a édicté une réglementation variée.
Ainsi, le droit communautaire de la concurrence issu de
l’UEMOA comprend à l’heure actuelle aussi bien du droit
primaire que du droit dérivé.

Le droit primaire est constitué du Traité dans ses articles


4, 6, 16, 20, 23, 24, 26, 42 à 46, 76, 88, 89, 101 et 102.

Le droit dérivé est constitué de règlements et directives ; il


s’agit notamment du :

- Règlement n°2/2002/CM/UEMOA du 23/05/2002 relatif


aux pratiques anticoncurrentielles à l'intérieur de l'union
économique et monétaire ouest africaine ;

La réglementation de la vente commerciale 38


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

- Règlement n°3/2002/CM/UEMOA/du 23/05/2002 relatif


aux procédures applicables aux ententes et abus de position
dominante a l'intérieur de l'union économique et monétaire ouest
africaine ;

- Règlement n°4/2002/CM/UEMOA du 23/05/2002 relatif


aux aides d’Etat à l’intérieur de l’union économique et monétaire
ouest africaine et aux modalités d’application de l’article 88 (c)
du traité 32 ;

- La Directive n° 01 / 2002 / CM / UEMOA du 23/ 05/2002


relative à la transparence des relations financières d’une part
entre les Etats membres et les entreprises publiques et d’autre
part entre les Etats membres et les organisations
internationales ;

- La Directive n° 02/2002/CM/UEMOA du 23/05/2002


relative à la coopération entre la commission et les structures
nationales de concurrence des Etats membres pour l’application
des articles 88 , 89 et 90 du traite de L’UEMOA.

B- Le droit communautaire CEDEAO de la


concurrence
Organisation sous-régionale dont la vocation est
l’intégration de ses États membres pour assurer leur
développement économique, la CEDEAO n’a commencé à
s’intéresser à l’encadrement de la compétition économique
qu’au début du XXIème siècle. En effet, ce n’est
qu’en 2008 qu’elle s’est dotée d’un cadre de promotion et
d’encadrement de la concurrence dans ses États membres, en
faisant de la politique de la concurrence un élément central de
son dispositif de création d’un marché communautaire ouest-
africain.
Mais l’analyse du droit matériel de la concurrence de la
CEDEAO montre que celui-ci répond peu aux besoins des
populations et des entreprises de cette zone. Il semble plus

32 Ce troisième règlement est assorti de deux Annexes.

La réglementation de la vente commerciale 39


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

orienté vers la promotion des investisseurs que vers la réponse


à un réel besoin d’encadrement de la concurrence. En effet, la
politique de la concurrence de la CEDEAO promeut peu la
compétitivité des entreprises locales et ne les protège pas
contre les multinationales. On peut donc douter de l’efficacité
de ce droit de la concurrence dans la perspective du
développement économique.
Par ailleurs, ce droit est concurrencé dans sa zone
d’influence par le droit de l’UEMOA, plus ancien, ainsi que par
ses instances de mise en œuvre. Il s’ensuit une concurrence
normative qui brouille les repères de l’application du droit de
la concurrence et ne favorise guère son appropriation par les
acteurs économiques locaux. Il reste cependant que les
instances nationales et communautaires de la concurrence
utilisent les outils modernes de l’analyse économique et de la
régulation pour préserver le caractère concurrentiel des
différents marchés auxquels elles s’intéressent.

Cela étant, le dispositif communautaire de la CEDEAO est


constitué de deux actes additionnels adoptés lors de la trente-
cinquième session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat
et de gouvernement de décembre 2008. L’un porte sur les
règles communautaires de la concurrence et leurs modalités
d’application au sein de la CEDEAO et l’autre, sur la création,
l’attribution et le fonctionnement de l’Autorité régionale de la
concurrence de la CEDEAO. Du point de vue matériel, l’acte
additionnel CEDEAO vise pratiquement les mêmes pratiques
anticoncurrentielles que les autres textes (national et
communautaire UEMOA) même si l’on note une petite
différence dans la terminologie des deux textes
communautaires. L’autre porte sur la création, les attributions
et le fonctionnement de l’Autorité régionale de la concurrence
de la CEDEAO. Cet acte additionnel prévoit en son article 3,
une coopération avec les structures nationales,
communautaire ou de droit privé (ONG, associations, groupe
d’individus) pour la mise en œuvre des obligations découlant
de l’acte additionnel relatif à la concurrence.

La réglementation de la vente commerciale 40


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Remarques :
L’appartenance de la Côte d’Ivoire aux organisations
internationales comme l’Union économique et monétaire Ouest
africaine (UEMOA) et la Commission économiques des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ainsi que de l’Organisation
Mondiale du Commerce (OMC)33 complique les choses en ce
qui concerne le dispositif applicable en matière de Droit de la
concurrence.

En effet, ces réalités nouvelles font évoluer le droit vers des


systèmes interactifs complexes et fortement instables. Plus que
d’un défaut du droit, c’est d’une mutation qu’il s’agit, dans la
conception même de l’ordre juridique classique. Ce n’est pas
en soi la pluralité qui inquiète, mais les difficultés procédurales
qu’une telle évolution suscite, notamment le risque de conflits
virtuels de compétences ou même de conflits entre droits
matériels applicables. Quand on sait que ces organisations
fonctionnent de manière indépendante et ont élaboré à l’image
du droit européen des règlements d’applicabilité directe qui
sont exécutoires « nonobstant toutes dispositions contraires de
droit interne antérieures ou postérieures » on imagine sans
peine le désarroi du justiciable lié par les deux systèmes.

Concrètement il s’agira par exemple pour un citoyen


ivoirien de savoir, premièrement, face à un cas d’espèce de
violation des règles de la concurrence, quel texte appliquer (si
ceux-ci ne prescrivent pas la même chose) ; deuxièmement à
quel organe de régulation de la concurrence s’adresser.

S’agissant tout d’abord de la première inquiétude, il faut


dire de prime abord que le conflit entre la loi nationale et une
norme de droit international ne pose généralement pas de
problème. La Constitution ivoirienne du 1er août 2000 en son
article 87 dispose en effet que les traités régulièrement signés

33Il faut en effet noter que la Côte d’ivoire est également membre de l’Organisation Mondiale
du Commerce (OMC). Certes, le domaine de la concurrence ne fait pas encore l’objet d’une
réglementation au sein de cette organisation, mais cela n’est pas à exclure dans un proche
avenir.

La réglementation de la vente commerciale 41


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

et ratifiés, ont dès leur entrée en vigueur, une force supérieure


à la loi. Ainsi, en cas de conflit juridique, la norme
internationale l’emporte sur la loi nationale. Du reste, la loi
ivoirienne sur la concurrence, ou du moins l’ordonnance de
2013 sur la concurrence a une valeur infra-Conventionnelle,
infra dispositions communautaires UEMOA ou de la CEDEAO.

Le problème se pose lorsqu’il y a contrariété entre deux


normes internationales ou communautaires. Dans cette
espèce, plusieurs solutions sont proposées selon le cas.

Lorsqu’il s’agit d’un texte de portée générale et d’un texte


spécifique, le principe veut que « le spécial déroge le général ».
Dans notre cas d’espèce, ce serait l’hypothèse d’un conflit entre
une disposition édictée à l’OMC et une norme communautaire
UEMOA ou CEDEAO. C’est dire donc qu’en vertu de ce
principe, les dispositions communautaires UEMOA ou
CEDEAO, l’emporteront sur les normes qui seront
éventuellement édictées à l’OMC.

La question est plus délicate lorsque les nomes qui


s’opposent sont de même nature, c’est-à-dire sont de nature
communautaire. Bien que l’espace UEMOA fasse partie
intégrante de l’espace CEDEAO, le principe selon lequel, « le
spécial déroge le général » ne trouve pas à s’appliquer car tous
les deux regroupements œuvrent pour la création d’un marché
commun. Mais, la complémentarité entre les deux institutions
et leurs visions communes ont fait que l’UEMOA qui est
considérée comme l’organisation la plus avancée en matière
d’intégration sur le continent africain, est érigée en noyau dur
de la CEDEAO, de sorte qu’elles ont établi entre elles un cadre
de concertation permanent visant à terme à harmoniser leurs
politiques et leurs législations dans leurs domaines
d’intervention communs. Les premiers jalons de cette
coopération en matière de concurrence ont été posés à
l’occasion du traitement d’une affaire relative à la réalisation
d’un projet de gazoduc impliquant quatre Etats de l’espace

La réglementation de la vente commerciale 42


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

CEDEAO (Ghana, Nigeria, Bénin, Togo) dont deux de l’espace


UEMOA notamment le Bénin et le Togo.

Dans cette affaire, la CEDEAO qui considère le projet de


gazoduc comme un projet communautaire, a reconnu la
possibilité d’appliquer les règles de concurrence UEMOA à des
entreprises en activité dans son marché (sans être pour autant
dans l’espace UEMOA). Par conséquent, on peut considérer
qu’à terme, les risques de conflits seront quasi inexistants.

Quant à la coopération entre les organes communautaires


et nationaux de la concurrence, chaque texte prévoit bien une
forme de coopération avec les autres organes, mais la
coopération ne semble pas complète. Dans l’espace
communautaire UEMOA par exemple, la directive
N°02/2002/CM/UEMOA du 23/05/2002 relative à la
coopération entre la Commission et les structures nationales
de la concurrence des Etats membres, prévoit en son article 3
une compétence exclusive de l’organe communautaire en
matière de pratiques anticoncurrentielles. Or dans un espace
où la transparence et les pratiques concurrentielles sont les
moins partagées, il est à craindre que la Commission ne soit
très vite débordée par les plaintes. Ce qui risquerait d’allonger
excessivement les délais de traitement des plaintes ; tranchant
ainsi avec le besoin de célérité en matière commerciale. La
situation est quasi identique dans l’espace CEDEAO. En effet,
l’acte additionnel portant création, attribution et
fonctionnement de l’Autorité régionale de la concurrence de la
CEDEAO, sans prévoir expressément la compétence exclusive
de l’organe communautaire, réserve aux autres organes de la
concurrence, nationaux notamment, et ce seulement en cas de
besoin, des compétences accessoires de perquisition et de
saisie. Ainsi, dans l’espace CEDEAO également, les organes
nationaux de la concurrence ne semblent pas être compétents
pour traiter directement des pratiques anticoncurrentielles ni
même des pratiques restrictives de la concurrence car,
contrairement au règlement communautaire UEMOA qui traite
uniquement des pratiques anticoncurrentielles, le texte

La réglementation de la vente commerciale 43


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

CEDEAO n’en fait pas de distinction.

Il convient donc de repenser la forme de coopération entre


les organes communautaires de la concurrence d’une part et
entre ceux-ci et les organes nationaux de la concurrence
d’autre part, de sorte à éviter des conflits de compétence entre
eux et accorder plus de prérogatives aux organes nationaux.

Cela étant, il faut souligner que les mesures allant dans le


sens de la réglementation de la vente commerciale portent sur
les prix et sur les procédés de vente.

Section 2- La réglementation des prix dans la vente


commerciale et la publicité commerciale
La liberté pour les opérateurs économiques de fixer leurs
prix est affirmée avec solennité par la loi de 1991 qui pose le
principe de la liberté des prix, principe repris par l’Ordonnance
de 2013 en son article 2. En conséquence, le législateur a prévu
certaines dispositions tendant à faire respecter cette liberté en
limitant les entraves qui peuvent lui être portée. Mais, cette
liberté n’a d’effet concurrentiel positif que si l’acheteur est bien
informé ; d’où les dispositions relatives à la publicité des prix
des produits et services.

Paragraphe 1- La protection de la liberté de fixation


des prix
Si la liberté est de règle, elle n’en subit pas moins certaines
dérogations. Les atteintes à la liberté des prix peuvent être le
fait des pouvoirs publics ou le fait des entreprises. Le
législateur protège la liberté des prix contre les interventions
des uns et des autres en encadrant strictement celle-ci et
contre les pratiques des autres en interdisant l’imposition de
prix minima.

A- L’encadrement des interventions des pouvoirs


publics dans la fixation des prix
Pour tenir compte des nécessités économiques et sociales

La réglementation de la vente commerciale 44


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

et pour des raisons structurelles ou conjoncturelles, le


législateur donne au gouvernement le pouvoir de réglementer
les prix34. Mais ce pouvoir est limité aussi bien dans son objet
que dans ses modalités.

1- L’objet de la réglementation des prix


La réglementation des prix ne peut porter que sur deux
objets et ne peut intervenir que pour deux raisons.

Premièrement, lorsque la concurrence est limitée pour des


raisons structurelles, le gouvernement peut réglementer les
prix. Cette intervention concerne notamment les secteurs ou
les zones où la concurrence par «les prix est limitée en
raison de situations de monopole ou des dispositions
législatives et réglementaires »35. Elle peut porter sur des
produits de première nécessité dont la loi ne donne aucune
définition. Mais, on peut considérer qu’il s’agit sûrement des
produits de consommation, d’usage pour les besoins courants
de la vie selon le niveau de vie moyen de la population. Le
décret 92-50 du 29 janvier 1992 a prévu une liste de vingt-
deux produits dont le prix est réglementé : sucre, farine pour
le pain, baguette, hydrocarbure, ciment, pile, machettes, etc.

Deuxièmement, le gouvernement peut aussi intervenir


lorsque la concurrence subit une atteinte conjoncturelle. Elle
permet de prendre des mesures de blocage, afin d’empêcher
« des hausses excessives de prix » motivées par « une situation
exceptionnelle de crise (des circonstances exceptionnelles, une
calamité publique) ou une situation de fonctionnement
manifestement anormale du marché d’un bien ou d’un service
(d’un dysfonctionnement anormal du marché dans un secteur
déterminé) ».

34 V. article 3 de l’ordonnance n° 2013-662 du 20 septembre 2013 relative à la concurrence.


35 V. article 3 de l’ordonnance n° 2013-662 du 20 septembre 2013 relative à la concurrence.

La réglementation de la vente commerciale 45


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

2- Les modalités de la réglementation des prix


Les modalités de cette réglementation doivent être
déterminées par décret pris en Conseil des ministres. Mais la
lecture de l’Ordonnance laisse transparaître au moins que la
réglementation des prix est soumise à des conditions
relativement restrictives36 :

- Elle ne peut intervenir que par décret en Conseil des


Ministres. Aucune autre autorité n’a compétence pour
règlementer les prix ;

- L’avis de la Commission de la Concurrence et de la Lutte


contre la Vie chère37 est obligatoire ;

- La durée de ces mesures temporaires prises ne peut


excéder six mois38.

B- La réglementation des clauses contractuelles


relatives au prix : l’interdiction du prix minimum
imposé
Les prix imposés par un fabricant à ses distributeurs sont
généralement facteurs de hausse des prix et suppriment la
concurrence entre les distributeurs.
C’est pourquoi l’article 16 de l’Ordonnance relative à la
concurrence prohibe la pratique des prix imposés ou de
l’imposition de prix ; autrement dit, est interdit « le fait par
toute personne d'imposer, directement ou indirectement,
un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou
d’un bien, au prix d’une prestation de services ou à une
marge commerciale »39.
Telle que définie, la prohibition concerne aussi bien les prix

36 V. article 3 de l’ordonnance n° 2013-662 du 20 septembre 2013 relative à la concurrence.


37 Commission résultant des articles 7 à 10 de l’Ordonnance.
38 Mais, rien n’interdit de les reconduire.
39 V. définition de l’article 1 er de l’ordonnance n° 2013-662 du 20 septembre 2013 relative à la

concurrence.

La réglementation de la vente commerciale 46


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

que les marges commerciales40.


Par ailleurs, la fixation de la marge ou des normes de
tarification commune à plusieurs entreprises ou à une
profession dans le cadre d’une entente est également contraire
à l’article 16 de l’Ordonnance relative à la concurrence.

C’est dire qu’en principe, les prix sont librement


déterminés par le jeu de la libre concurrence 41. Seules
quelques dérogations à ce principe sont confiées au
gouvernement qui peut réglementer les prix des biens et
services de première nécessité ou de grande consommation
surtout lorsque la concurrence par les prix est limitée en raison
de situations de monopole ou de dispositions législatives ou
réglementaires42.

Ces dispositions interdisent à toute personne (en fait, aux


seuls professionnels de la vente, qu’il s’agisse de dirigeants, de
mandataires ou de préposés) d’imposer directement ou
indirectement, un prix minimal ou une marge bénéficiaire
minimale de vente ou de revente d’un bien ou d’un service. Peu
importe le mode de fixation de ce prix minimum : barèmes,
catalogues, étiquettes, factures, prix conseillés, ententes… Peu
importe aussi que les autorités aient imposé des prix ou des
marges déterminées : la concurrence doit pouvoir jouer
librement au-dessous des prix limites.

Cette interdiction ne concerne que les prix minima et non

40 A partir du moment où le prix de vente du fabricant est identique pour tous les distributeurs,
la fixation des marges équivaut à une fixation du prix de revente.
41 V. article 2 de l’ordonnance n° 2013-662 du 20 septembre 2013 relative à la concurrence.
42 V. article 3 de l’ordonnance n° 2013-662 du 20 septembre 2013 relative à la concurrence. La

loi de 1991 n’avait pas envisagé l’hypothèse des prix imposés. C’est le décret 95-29 du 20/1/95
(articles 3 à 5) qui traitait de la question La loi n'ayant pas traité la question de l'interdiction du
prix minimal imposé, on peut se poser deux questions :
- l'interdiction, posée par un décret, est-elle légale? - si elle est légale, quelle en est la sanction?
Celle-ci ne peut être pénale en raison du principe "nullum crimen sine lege". A tout le moins, la
sanction pourrait être contraventionnelle puisque le pouvoir réglementaire en cette matière ;
mais le décret concerné ne prévoit aucune sanction. La sanction ne peut être que civile (serait-
ce une nullité?).

La réglementation de la vente commerciale 47


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

les prix maxima43. C’est dire qu’il est licite pour un fabricant
de fixer un prix maximum de revente de ses produits. De
même, la pratique des « prix conseillés » n’est pas en elle-
même illicite. Elle ne le serait que si le « conseil » équivalait à
un ordre, étant entendu que l’ordonnance vise les prix imposés
« directement ou indirectement »44.

Mais, si les prix maxima et les prix conseillés ne sont pas


en soi illicites, ils peuvent néanmoins le devenir s’ils entrent
dans une pratique collective prohibée (entente ou abus de
position dominante).

En outre, l’interdiction concerne tous les domaines, sauf


ceux où il existe une réglementation particulière de prix (prix
fixé par voie législative ou réglementaire, prix des livres fixé par
l’éditeur et imposé aux libraires…etc.).

Paragraphe 2- L’information sur les prix, produits


et services (information sur les prix et
les conditions de vente) : La publicité
commerciale
Le législateur a prescrit plusieurs obligations d’information
à la charge des vendeurs professionnels. Ainsi, il leur est fait
obligation de faire la publicité aussi bien des produits et
services offerts à la vente que des prix auxquels ils sont offerts.

A- La publicité des produits et services


La publicité commerciale a pour but d’attirer l’attention
de la clientèle sur les qualités des biens ou des services offerts
par un commerçant. Le principe en la matière est la liberté de
la publicité commerciale, c’est-à-dire que le commerçant est en
principe libre dans le choix de ses méthodes ; sous réserve de
respecter certaines restrictions générales, telles que le respect

43 Dans cette limite, l’interdiction est totale et générale. Elle ne tolère aucune dérogation
notamment, de durée et même pour des produits nouveaux.
44 Sur la distinction prix imposés-prix conseillés, V. GRANIER (T.), note sous RTD com. 1991,

p. 357.

La réglementation de la vente commerciale 48


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

de l’ordre public et des bonnes mœurs et les principes en


matière de loyale concurrence45.

Ces premières restrictions sont insuffisantes, car axées


essentiellement sur la protection de l’intérêt général ou l’intérêt
des autres commerçants, de sorte qu’elles n’interdisent pas
une réclame exagérément élogieuse des commerçants qui
peuvent être tentés de vanter les qualités de leurs produits ou
services de façon outrancière ou inexacte.

Conscient que ce genre de publicité peut favoriser des


consommations inutiles ou dangereuses, créer des illusions et
engendrer des frustrations, le législateur ivoirien veille à ce
qu’elle ne puisse pas tromper pas les consommateurs. D’où
une législation abondante et précise en la matière qui fait de la
publicité mensongère ou trompeuse un délit pénal et organise
la publicité46.

1- La publicité mensongère ou trompeuse


La prohibition de la publicité abusive ou mensongère était
souhaitable, même si elle a rencontré des difficultés liées à un
conflit d’intérêts : d’un côté la masse des consommateurs ; de
l’autre le groupe des entreprises de publicité dont le premier
rôle consiste à convaincre, avec le grand talent qui est le leur,
de l’utilité de la publicité et de la nécessité de ne pas brider
l’imagination des rédacteurs-concepteurs47.

Malgré ces difficultés de conciliation des intérêts en présence,

45 Prohibition des dénigrements et des publicités susceptibles d’entrainer une confusion entre
deux produits ou deux entreprises.
46 Loi 91-1000 du 27/12/1997 portant interdiction et répression de la publicité mensongère ou

trompeuse, JORCI du 16/1/1992, p. 61.- Décret 91-182 du 27/3/1991 portant création d’un EPIC
nommé Bureau ivoirien de publicité, JORCI du 18/4/1992, p. 213.- Décret 96-630 du 9/8/1996
portant création, organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la publicité, JORCI du
26/12/1997, p. 1239.- Décret 97- 697 du 10/12/1997 portant réglementation des professions
publicitaires, JORCI du 24/12/1997, p. 1484.- Arrêté interministériel n° 124 MCU CAB/INT/MTP
du 3/4/1998 fixant les conditions du décret 67539 du 7/12/1967 portant réglementation générale
des panneaux publicitaires en RCI, JORCI du 6/6/1968, p. 951 ; et surtout l’ordonnance n° 2013-
662 du 20 septembre 2013 relative à la concurrence.
47 Puisque l’on invoque même la règle de la liberté de l’art.

La réglementation de la vente commerciale 49


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

le législateur est intervenu pour lutter contre les excès de la


publicité.

Pour le législateur donc, est considérée comme publicité


mensongère ou trompeuse toute publicité comportant,
sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications
ou présentations fausses de nature à induire en erreur ou
à créer le doute ou la confusion dans l’esprit du
consommateur lorsque celles-ci portent sur un ou
plusieurs des éléments essentiels et substantiels cités
expressément mais non exhaustivement par l’article 2 de
la loi n° 91-1000 du 27 décembre 1991 portant interdiction
et répression de la publicité mensongère ou trompeuse.

Ainsi, la prohibition n’est donc pas limitée à la publicité


mensongère au sens strict48. Elle s’étend aussi à la publicité
qui donne des renseignements inexacts49. La loi incrimine non
seulement les allégations, mais aussi les indications ou les
présentations50. Enfin, les allégations inexactes n’ont pas
besoin d’avoir induit les consommateurs en erreur. Il suffit
qu’elles soient de nature à induire en erreur. Par conséquent,
le résultat importe peu, ce qui est logique car l’effet d’une
publicité est difficile à apprécier. C’est pourquoi, tout
annonceur doit vérifier la sincérité et la clarté de sa publicité,
qu’il la fasse directement ou qu’il utilise les services d’une
agence spécialisée.

C’est dire que l’auteur de l’infraction, à titre principal, est


l’annonceur (article 5 de la loi de 1991), c’est- à-dire celui pour
le compte de qui la publicité est diffusée. Cette expression
impliquerait que l’éditeur (le professionnel qui diffuse la
publicité) ou le concepteur (celui qui crée intellectuellement

48 Ce qui suppose une intention de dissimulation.


49 C’est le cas d’un agent immobilier qui a été condamné pour avoir fait paraitre une annonce
comportant des indications fausses qui lui avaient été communiquées par un client dont il n’a
pas vérifié les allégations (Crim. 5 mai 1977 : D. 1977, 502).
50 Tel est le cas d’un annonceur qui a été condamné pour avoir présenté comme « du fruit prêt

à boire », une boisson ayant seulement le goût de la pulpe d’agrumes pressés (Crim. 13 mars
1979 : Gaz.Pal. 1979, 404).

La réglementation de la vente commerciale 50


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

et/ou matériellement le support publicitaire) pourraient l’être


également, mais à quel titre (complice? coauteur?)? Si l’auteur
de l’infraction est une personne morale, la responsabilité
incombe à ses dirigeants de droit à moins que ceux-ci
n’établissent l’existence d’une délégation écrite de leurs
pouvoirs relative au contrôle de la publicité.

Le délit est constitué dès lors que la publicité est faite, reçue
ou perçue en Côte d’Ivoire (article 4 de la loi de 1991). Si l’on
admet parfaitement cette disposition pour le cas où la publicité
est faite sur le territoire ivoirien, on peut être sceptique
lorsqu’elle n’y est que reçue ou perçue.

Notons que des plaintes peuvent être déposées par les victimes
de la publicité trompeuse ou par les syndicats professionnels
(le délit portant atteinte à l’intérêt collectif de la profession
intéressée). De même, les associations de défense des intérêts
des consommateurs peuvent exercer l’action civile pour des
faits portant un préjudice direct à l’intérêt collectif des
consommateurs (article 7 de la loi de 1991). Une transaction
pécuniaire est possible ; cette disposition de l’article 9 incite à
penser que la transaction est admise non seulement lorsque la
partie civile est une association de consommateurs mais aussi
un acteur économique.

Le ministre compétent peut ordonner la suspension provisoire


de la publicité durant l’instruction du dossier.

Le tribunal peut ordonner la cessation définitive de la publicité.


Cette interdiction est immédiatement exécutoire, nonobstant
appel. Sa transgression est constitutive d’un nouveau délit.
En outre, le tribunal peut ordonner, au besoin, la diffusion
d’une ou de plusieurs annonces rectificatives51. Cette contre-
publicité est une mesure spécialement efficace qui devrait être
ordonnée plus souvent.

51 Sanctions pénales: 200 000 FCFA à 100 000 000 FCFA. Le double en cas de récidive (dans
le délai de deux ans) ou de mauvaise foi.

La réglementation de la vente commerciale 51


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

2- L’organisation de la profession publicitaire


Elle résulte du décret du 11 mars 1993 qui définit :

- les termes professionnels de la publicité (annonceur;


support publicitaire; agent en publicité; agent conseil en
publicité; régisseur en publicité; afficheur en publicité; éditeur
publicitaire; courtier en publicité) (articles 3 à 11) ;

- les conditions d’exercice des professions publicitaires, de


délivrance de la carte professionnelle d’accréditation (articles
12 à 21) ;

- les obligations des professionnels de la publicité (articles


22 à 30).

3- Le Conseil supérieur de la publicité


Le décret du 9 août 1996 qui crée et organise cet organe le
charge de donner son avis sur tous les textes relatifs à la
publicité, de veiller sur le contenu des annonces publicitaires
et au respect de la législation par les professionnels de la
publicité.

4- La RTI publicité
En vue de gérer au mieux les médias d’Etat (RTI, Fraternité
Matin), le Gouvernement a confié sa gestion à compter de 1970
à une régie extérieure nommée IVOIRE MEDIA. Cette structure
restera responsable de la gestion des espaces et du cadre
publicitaire de ces médias étatiques jusqu’en 1991. A la
fermeture de IVOIRE MEDIA, il sera crée le Bureau Ivoirien de
la Publicité (BIP)52 dont la gestion sera assurée par le Ministère
de l’information.

52Le Bureau ivoirien de publicité a été créé par le décret du 27 mars 1991 portant création de
cet EPIC qui lui a confié la régie et l’exploitation commerciale de la publicité en exclusivité sur
les écrans de la télévision et les ondes de la radio ivoiriennes, la recherche de sponsors et la
commercialisation d’émissions à sponsoriser, la réalisation de sondages et audimats
nécessaires à la commercialisation de supports, les autres activités annexes de la publicité sur

La réglementation de la vente commerciale 52


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

En 1991, le BIP deviendra RTI Publicité, une régie intégrée


désormais à la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne et gérée par
elle-même.

Les missions essentielles de la RTI sont contenues dans le


protocole de concession avec l’Etat de Côte d’Ivoire. Elle doit
notamment :

- Gérer le service public national de la Radio et de la


Télévision ;

- Contribuer à la consolidation de l’unité nationale ;

- Répondre aux aspirations de la population en matière


d’information, de culture, d’éducation et d’illustration des
valeurs de la civilisation ;

- Assurer une présentation équilibrée des différents


courants artistiques et culturels…

B- La publicité des prix des produits et services


De manière générale, la publicité des prix est obligatoire. Elle
est assurée par des procédés classiques tels que le marquage,
l’étiquetage ou l’affichage. Elle est destinée à informer le
consommateur sur le prix et à assurer une prise de
connaissance des prix directement par le client sans avoir
besoin de recourir à l’intervention du vendeur ou d’un de ses
préposés (articles 25 de l’ordonnance, 31 de la loi de 1991 et 2
à 7 du décret 92-50 du 29 janvier 1992)53.

Il faut ajouter à ce qui vient d’être dit que le vendeur


professionnel est également tenu de délivrer une facture (V.

les écrans de télévision et les ondes radio.


53 Cette réglementation n’est malheureusement pas toujours appliquée, parce que les

commerçants ne la respectent pas et les contrôles restent insuffisants.

La réglementation de la vente commerciale 53


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

article 27 de l’ordonnance de 2013 sur la concurrence). Cette


facture correspond désormais à des normes déterminées.

Enfin, les producteurs, importateurs et grossistes doivent


communiquer à tout revendeur leurs barèmes de prix et leurs
conditions de ventes (V. article 28 de l’ordonnance de 2013 sur
la concurrence). Cette information comporte les conditions de
règlement ainsi que les rabais ou ristournes.

Section 3- La réglementation des procédés de vente.


Comme tous les droits, la concurrence est susceptible d’abus.
Dans le jeu de la séduction commerciale, tous les procédés ne
sont pas permis. C’est justement pour éviter que certaines
pratiques concurrentielles dérivent vers des actes contraires
aux usages pratiqués dans les milieux commerciaux honnêtes,
que le législateur est obligé d’intervenir. Il intervient pour
réglementer les procédés de vente en interdisant certains
procédés de vente, la contrefaçon et la concurrence déloyale et
en permettant certains sous certaines conditions.

Paragraphe 1- Les pratiques commerciales permises


sous conditions ou autorisations
La réglementation de certaines pratiques commerciales a pour
but à la fois de protéger le client, qui risque d’être amené à faire
des achats inutiles, et d’assurer une certaine régulation de la
concurrence. C’est là un exemple particulièrement
caractéristique d’ambivalence des motivations du législateur
ivoirien, qui réglemente certaines formes de comme les ventes
soldes, les liquidations et les ventes promotionnelles.
Il faut le signaler, ces ventes ne sont pas interdites mais
soumises simplement à réglementation (subordonnées à la
réunion de conditions cumulatives) ou, le cas échéant,
soumises à autorisation. Cette réglementation est
destinée à éviter que les consommateurs soient trompés
sur les prix.
Cela étant, il faut souligner que la réglementation de ces

La réglementation de la vente commerciale 54


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

modalités de vente résultait de deux arrêtés ministériels


antérieurs à la loi relative à la concurrence :

- Arrêté 80 MIC du 7/11/1980 portant fixation des


modalités de publicité des prix annonçant les ventes en solde,
les liquidations etc.… modifié par l’arrêté 77 MC du 22 octobre
1997 abrogeant les dispositions de l’article 1er, alinéas 3.2 b et
3.4.a. du précédent arrêté, JORCI du 18/12/1997, p. 1308.

- Arrêté interministériel n° 48 MIC/INT du 14 avril


1993 portant définition et organisation des manifestations
promotionnelles à caractère commercial et industriel en Côte
d’Ivoire, JORCI n° 21 du 27/5/1993, p. 398.

Mais, depuis le 6 mars 2013, un décret a été pris et qui


réglemente désormais ces types de ventes54.

A- Les ventes en soldes


Il y a solde lorsque la vente de marchandises neuves est faite
au détail, accompagnée ou précédée d’une publicité présentant
l’opération comme ayant un caractère réellement ou
apparemment occasionnel ou exceptionnel, destinée
uniquement à écouler de façon accélérée les marchandises
concernées.

Les soldes générales concernent tous les commerçants de Côte


d’Ivoire. Tous sans exception. Il faut souligner que si,
aujourd’hui, les soldes qui sont véritablement réglementées, la
réglementation antérieure laissait plus de liberté aux
commerçants. En effet, avant les soldes étaient libres et le
commerçant choisissait lui-même sa période de solde, sous
réserve de l’autorisation du ministère du Commerce. Le
ministère signait et souvent des prorogations étaient
demandées et le commerçant se mettait en solde. Mais, on se
rend compte que ces soldes ne sont pas de vraies soldes, car il
y a des commerçants qui sont constamment en solde avec la

54 V. J.O. R.C.I. du 6 mai 2013, p. 258-259.

La réglementation de la vente commerciale 55


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

mention «solde» affichée sur leurs vitrines. C’est à cet état de


fait que le décret n° 2013-167 du 6 mars 2013 portant
organisation des soldes et autres formes de ventes
équivalentes55 apporte une solution. Désormais du 10 au 31
mars et du 10 au 31 août de chaque année, de façon
simultanée tous les commerçants peuvent se mettre en solde
et se mettront en solde. Ils vont afficher la mention « solde» sur
leurs magasins et le pourcentage de réduction de prix par
rapport à ce qui se faisait avant l’entrée en période de solde.
Par exemple, s’il y en a qui décident de faire 40% de réduction,
il faut qu’on voit le prix avant et le prix moins les 40% de
réduction, et ainsi de suite. Le consommateur doit être informé
de sorte qu’il sache l’économie qu’il réalise en pratiquant ses
courses pendant la période de solde56.
55 Ce qui a motivé la décision du Conseil des ministres du 6 mars 2013 c’est bien parce que les
soldes sont motivées pour relancer le commerce dans une période où le commerce
traditionnellement diminue. En général entre le mois de septembre et la fin de l’année, il y a la
rentrée scolaire, vous avez toujours des ventes, donc le commerce fonctionne normalement. Il
y a les fêtes de fin d’année, le commerce est stimulé. Après les fêtes, ce commerce diminue
fortement pour arriver au mois de février avec un évènement comme la Saint-valentin, où il y a
une légère remontée. Et après ça rechute. Donc on stimule le commerce au mois de mars et
on le stimule au mois d’aout, qui est un mois creux avant le mois de septembre où le commerce
reprend normalement. Voilà ce qui motive cette décision.
56 Dans une interview accordé par le Ministre Jean-Louis Billon au sujet des soldes, il a pu

répondre aux questions à lui posées notamment ce qui suit : « - Quelles mesures le ministère
du Commerce met en place pour le bon déroulement des soldes générales ?
Nous allons être très vigilants pour que les commerçants informent les
consommateurs et que les prix pratiqués soient de véritables soldes. Vous n’avez pas le droit
d’inscrire « solde» uniquement, il faut marquer le prix initial et le prix soldé. C’est différent des
liquidations et des promotions. La liquidation, c’est un changement de situation d’un commerce
qui amène à liquider. Là aussi, c’est très surveillé parce qu’on regarde pourquoi vous êtes
amené à liquider votre stock et on donne une autorisation pour cela. Quant à la promotion, il
faut encore avoir une autorisation pour faire une promotion, mais ça concerne un produit ou un
service. C’est une pratique qui se fait dans le monde entier, les soldes se font à une période
fixe et la Côte d’Ivoire ne fait que s’aligner sur ce qui se pratique ailleurs dans un souci premier,
qui est de mieux protéger les consommateurs et stimuler la compétition. Vous ne pouvez pas
vous mettre en solde tout seul pendant que d’autres ne sont pas en solde, ce ne sont pas de
vraies soldes. Tout le monde en même temps, on commence au top départ.
- Le consommateur a-t-il un moyen de recours au cas où on lui refuserait des soldes chez un
commerçant ?
Non ! Le commerçant n’est pas obligé de se mettre en solde. Mais, à partir du moment
où il sait qu’il ne pourra pas se mettre en solde en dehors de cette période, cela favorise qu’il
entre en solde en ce moment-là. Les soldes ne concernent que les produits que le commerçant
veut solder. Ceux qui ne veulent pas faire de solde, n’ont pas le droit d’afficher devant leur
vitrine ‘’en solde’’. Il ne doit faire de publicité de solde que pour les produits effectivement soldés.
Il peut retirer les produits qu’il n’a pas envie de solder parce qu’il estime que ce sont des produits

La réglementation de la vente commerciale 56


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

En principe, les soldes ne devraient être autorisées que s’il


s’agit de soldes périodiques ou saisonnières de marchandises
démodées, défraîchies, dépareillées ou de fins de séries
vendues en fin de saison et s’il s’agit de ventes effectuées par
un soldeur professionnel dans le local où celui-ci exerce le
commerce (le soldeur professionnel étant un commerçant dont
l’activité habituelle consiste à acheter, à des commerçants ou
à des fabricants, en vue de les revendre, des lots de
marchandises neuves, dépareillées, défraîchies, démodées ou
de second choix).

Mais la réglementation des soldes en Côte d’Ivoire donne de lire


que les ventes soldes ne sont possibles que :

- Sur deux périodes d’une durée de trois semaines chacune


(du 10 mars au 31 mars et du 10 août au 31 août), sauf période
complémentaire d’une durée maximale de deux semaines
librement choisie par le commerçant et qui doit s’achever au
plus tard un mois avant le début des périodes légales de
soldes57.

- Le commerçant justifie qu’il détient le stock de


marchandises depuis au moins un mois à la date de début de
la période de soldes considérées (les produits destinés à la
vente solde doivent avoir été proposés à la vente et payés
depuis au moins un mois à la date de début de la période de
soldes considérées)58 ;

- Le commerçant pratique un double marquage de prix


matérialisé par d’une part, une étiquette portant une référence
permettant d’identifier la facture d’achat et d’autre part, un
écriteau faisant apparaître le prix de référence et le nouveau

qui se vendent bien sans période de solde. Si nous voulons être un pays émergent, il faut être
moderne partout, c’est ce qui passe partout ailleurs. »
57 V. article 1er du décret n° 2013-167 du 6 mars 2013 portant organisation des soldes et autres

formes de ventes équivalentes.


58 V. article 1er du décret n° 2013-167 du 6 mars 2013 portant organisation des soldes et autres

formes de ventes équivalentes.

La réglementation de la vente commerciale 57


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

prix de vente effectivement pratiqué (pratique des prix soldés


inférieurs à ceux pratiqués durant la période précédente)59.

B- Les ventes sur liquidation


Elle suppose que les conditions relatives aux soldes sont
réunies. Il faut ajouter une condition concernant le motif de
l’opération qui est l’écoulement accéléré d’une partie des
marchandises à la suite d’une décision de cesser le commerce,
d’en modifier les structures ou les conditions d’exploitation,
que cette décision soit volontaire ou intervenue sous forme de
vente forcée (faillite, changement de gérance, changement
d’activité commerciale…). En effet, aux termes de l’article 2
alinéa 1er du décret de 2013 portant organisation des ventes
soldes et autres formes de ventes équivalentes, les ventes sur
liquidations sont des « ventes accompagnées ou précédées de
publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de
prix, à l’écoulement accéléré de tout ou partie des marchandises
d’un établissement commercial à la suite d’une décision, quelle
qu’en soit la cause, de cessation, de suspension saisonnière ou
de changement d’activité, ou de modification substantielle des
conditions d’exploitation ».

En outre, une condition relative à la déclaration préalable


auprès du Ministre chargé du commerce doit être respectée.
C’est ce qui résulte de l’article 2 alinéa 2 du décret de 2013.
Aux termes de ce texte, cette déclaration accompagnée d’un
inventaire des marchandises à liquider, doit comporter la
cause et la durée de la liquidation qui ne peut excéder deux
mois.

Enfin, tout comme la vente solde, la liquidation n’est légale que


si les articles mis en vente font l’objet d’un double marquage
matérialisé comme il est dit à l’article 3 du décret de 2013.

59V. article 3 du décret n° 2013-167 du 6 mars 2013 portant organisation des soldes et autres
formes de ventes équivalentes.

La réglementation de la vente commerciale 58


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

C- Les ventes promotionnelles


On peut considérer que c’est une vente destinée à faire
connaître ou découvrir un produit ou un service en attirant sur
lui l’attention par une campagne publicitaire et en l’offrant à
un prix ou à des conditions avantageuses. En effet, aux termes
de l’article 4 du décret de 2013, les ventes promotionnelles sont
des ventes « qui visent à faire connaître un produit ou un service
vendu, ou d’en accélérer la vente à des conditions
exceptionnelles durant une période limitée et qui n’entrent pas
dans le champ d’action des ventes soldes et des liquidations ».

Pour qu’elles soient légales, les ventes promotionnelles doivent


remplir les conditions suivantes :
- Elles ne doivent pas dépasser un mois.
- Les promoteurs d’une telle vente doivent indiquer les
caractéristiques (réduction de prix ou adjonction de
menus objets à l’article principal faisant l'objet de la
vente promotionnelle) et les causes de la vente
promotionnelle.
- Le lieu où se déroule la vente promotionnelle doit être
précisé.
- Les dates et heures du déroulement de la vente
promotionnelle doivent également être précisées.
- Enfin, le stock de produit doit être précisé et le produit
en question doit être disponible durant toute la vente
promotionnelle.
Voila pourquoi les ventes promotionnelles sont soumises à
autorisation préalable du Ministre en charge du commerce sur
la base d’une demande d’autorisation mentionnant les
informations ci-devant.

La réglementation de la vente commerciale 59


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Paragraphe 2- La réglementation des pratiques


anticoncurrentielles
Une pratique anticoncurrentielle est une atteinte à l’intérêt
général de la concurrence qui a un impact sur le marché
pertinent concerné, une atteinte au libre jeu de la concurrence.
Une pratique anticoncurrentielle est donc un comportement
qui a pour objet ou pour effet d’empêcher ou de restreindre ou
de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.

On dissociera cependant les pratiques anticoncurrentielles


stricto sensu des pratiques restrictives de concurrence.
Les pratiques anticoncurrentielles au sens strict comprennent
les ententes anticoncurrentielles ou illicites, les abus de
position dominante et les concentrations économiques et sont
considérées comme des pratiques concertées qui faussent le
mécanisme du marché en affectant globalement le degré de
concurrence et qui ne sont sanctionnées que si elles ont un
effet néfaste sur un marché déterminé.
Quant aux « pratiques restrictives de la concurrence », il s’agit
de l’ensemble des comportements individuels des agents
économiques relevant du droit pénal et/ou civil et,
condamnables en eux-mêmes, indépendamment de toute
collusion ou de leur incidence sur le marché. Il s’agit donc de
pratiques sanctionnées per se, sans considération de leur effet
sur la concurrence.
En effet, la liberté d’entreprise et de concurrence peut être
gênante pour les entreprises. Aussi, sont-elles tentées de
neutraliser la concurrence ou d’organiser leurs propres
réseaux de production ou de distribution par la voie
contractuelle, en méprisant ces deux libertés. C’est pourquoi,
le législateur ivoirien est intervenu pour que ces pratiques
anticoncurrentielles ne suppriment pas la liberté d’entreprise
et de concurrence.
Aujourd’hui, la lutte pour le maintien ou le rétablissement de
la libre concurrence est devenu un objectif prioritaire pour tous

La réglementation de la vente commerciale 60


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

les gouvernements. Le refus de monopoles est essentiel à une


conception démocratique de la vie économique et permet de
s’attaquer à certaines causes structurelles de l’inflation,
notamment les prix imposés par les ententes.
Mais, ce ne sont pas seulement les comportements collectifs
qui sont anticoncurrentiels. Il faut aussi s’attaquer aux
comportements individuels. Dans cette optique, la législation
ivoirienne distingue les pratiques qui résultent de
comportements individuels (pratiques restrictives) de celles qui
relèvent d’actions concertées.

A- Les pratiques individuelles


anticoncurrentielles ou les pratiques
restrictives de la concurrence
Les « pratiques restrictives de la concurrence » sont l’ensemble
des comportements individuels des agents économiques
relevant du droit pénal et/ou civil et, condamnables en eux-
mêmes, indépendamment de toute collusion ou de leur
incidence sur le marché.

Les interdictions énoncées dans la loi peuvent être classées en


deux (2) catégories : les interdictions absolues et les
interdictions de principe avec possibilité d’exonération.

Les interdictions absolues correspondent aux pratiques


individuelles pour lesquelles la loi ne prévoit pas d’exceptions.
Il s’agit notamment de pratiques de prix imposés, de vente à la
boule de neige, des ventes subordonnées, liées ou jumelées.

Les interdictions de principe, quant à elles, concernent


exclusivement les pratiques pour lesquelles la loi prévoit des
exceptions. Il s’agit notamment de la vente à perte, du refus de
vente, des ventes avec primes et des pratiques
discriminatoires.

A l’évidence, ces comportements anticoncurrentiels individuels

La réglementation de la vente commerciale 61


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

sont nombreux et multiformes60, car chaque commerçant a


tendance à préférer la quiétude des chasses gardées à la
compétition économique. Parmi ces interdictions, certaines ont
trait à des mesures tendant à ne pas assurer les mêmes
possibilités d’approvisionnement (discrimination), d’autres
correspondent à des méthodes de vente agressives ou encore à
l’imposition de prix minimum uniforme.

L’ordonnance de 2013 sur la concurrence distingue entre les


pratiques restrictives de concurrence constitutives de fautes
pénales et les pratiques restrictives de concurrence
constitutives de fautes civiles. A côté de ces interdictions
légales, il existe des interdictions d’origine conventionnelles ; il
s’agit des pratiques conventionnelles restrictives de la
concurrence.

A.1- Les pratiques restrictives de concurrence


constitutives de fautes pénales
Les pratiques commerciales interdites concernent celles qui
accordent ou proposent certains avantages aux acheteurs,
mais qui, en raison de leurs effets pervers sur le jeu de la
concurrence, se trouvent interdites. Il s’agit donc des formes
de vente les plus agressives, notamment les ventes à pertes,
les ventes avec primes, les ventes à la boule de neige et les
ventes subordonnées61.

1- Les ventes ou les reventes à perte


La vente ou la revente à perte d’un produit (et non un service),
en l’état, est celle qui est faite à un prix inférieur au prix
d’achat effectif62 ou la vente d’un produit, après
60 v. par exemple les clauses d’exclusivité, les clauses de non-concurrence, l’imposition de prix
minimum…etc.
61 V. articles 15 à 21 de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence.
62 L’article 15 de l’ordonnance de 2013 qui reprend l’article 24-3 de la loi de 1991 précise ce

qu’il faut entendre par prix d’achat effectif : « (…) Le prix d’achat effectif est présumé être le prix
porté sur la facture. Il est déterminé comme suit :
- majoration faite des impositions et taxes afférentes audit achat ;
- déduction faite des rabais et remises de tolet nature consentis par le fournisseur au
montant de la fracturation ».

La réglementation de la vente commerciale 62


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

transformation, à un prix inférieur au coût de revient (V.


articles 1er et 15 de l’Ordonnance ; et article 1er du décret 95-29
du 20/1/1995). Elle est sanctionnée pénalement. En effet, il
résulte de l’article 18 de l’Ordonnance de 2013 sur la
concurrence que toutes les pratiques restrictives de
concurrence constitutives de fautes pénales prévues par les
articles 15 à 17 de l’Ordonnance, dont font parties les ventes
à perte, sont des infractions à la loi pénale punies d’une
amende de cent mille à cinquante millions de francs CFA sans
préjudice des sanctions particulières prévues par le Code des
douanes.

Plus qu’une méthode de vente, la revente à perte constitue une


pratique restrictive dont le but pernicieux est d’éliminer les
concurrents en vue d’accaparer le marché et d’imposer par la
suite ses conditions de vente.

Aussi, la revente à perte crée-t-elle une dangereuse entrave à


la concurrence. C’est pourquoi les articles 1er, 15 et 16 de
l’Ordonnance prohibe cette pratique et la définit comme « la
revente d'un produit en l’état, à un prix inférieur au prix
d’achat effectif qui est le prix présumé être porté sur la
facture, majoration faite des impositions et des taxes
afférentes audit achat et déduction faite des rabais et
remises de toutes natures consentis par le fournisseur au
moment de la facturation ».
Cependant, cette interdiction ne s’applique pas aux opérations
qui ne sont pas faites dans l’intention de limiter la
concurrence63, c’est-à-dire notamment les ventes portant sur
des produits périssables menacés d’altération, les ventes
volontaires ou forcées à la suite de cessation ou changement
d’activités ou ventes en soldes et liquidations, les produits
présentant un caractère saisonnier marqué, les produits ne
répondant plus à la demande générale (rossignols)64.
C’est dire que ne tombent pas sous le coup de cette
interdiction :
63 V. article 15 alinéa 2 de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence.
64 En d’autres termes, il s’agit de marchandises démodées, sans valeur.

La réglementation de la vente commerciale 63


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

- les produits vendus après transformation ;


- les prestations de service et les opérations des
producteurs, industriels ou artisans sur les produits
qu’ils fabriquent ;
- les produits périssables menacés d’altération rapide ;

- les produits dont le commerce présente un caractère


saisonnier marqué lorsque la vente a lieu soit pendant la
période terminale de la saison, soit entre deux saisons de
vente ;
- les produits qui ne répondent plus à la demande
générale en raison de l’évolution de la mode ou de l’apparition
de perfectionnements techniques (TV noir et blanc ;
ordinateurs de générations précédentes…) ;
- les produits dont le réapprovisionnement s’est effectué
en baisse ; le prix d’achat effectif est alors remplacé par le prix
résultant, soit de la nouvelle facture d’achat, soit de la valeur
de réapprovisionnement ;
- les ventes volontaires ou forcées à la suite de la
cessation ou du changement d’activité, aux ventes en soldes
ou de liquidation ou de ventes équivalentes.

2- La vente avec primes


La vente avec primes est une méthode d’incitation à l’achat qui
consiste à attirer le client en lui offrant la perspective d’obtenir,
avec un produit ou un service acquis à titre onéreux, un autre
objet ou un autre service remis gratuitement. Il s’agit de « toute
vente de produits ou de biens ou toute prestation de services,
faites aux consommateurs et donnant droit, à titre gratuit,
immédiatement ou à terme, à une prime consistant à des
produits, des biens ou des services sauf s’ils sont identiques à
ceux qui font l’objet de la vente ou de la prestation »65.

Autrement dit, la vente avec prime consiste à ajouter,


gracieusement, en cadeau, une prestation ou un produit au
bien vendu ou au service rendu à titre onéreux.

65 V. article 1er de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence.

La réglementation de la vente commerciale 64


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Cette technique de vente qui est utilisée, soit pour lancer un


produit ou un service nouveau, soit pour entretenir l’intérêt de
la clientèle pour un produit ou une entreprise, connaît des
limites prévues par l’article 16 de l’ordonnance de 2013 sur la
concurrence qui dispose que sont interdites « les ventes à
prime à l’exclusion de celles relatives aux menus objets
ou services de faible valeur ainsi qu’aux échantillons ».
Autrement dit, est interdite toute vente ou offre de vente de
produits ou biens ou toute prestation de services, faite
aux consommateurs et donnant droit à titre gratuit,
immédiatement ou à terme, à une prime consistant en
produits, biens ou services, sauf s’ils sont identiques à
ceux qui font l’objet de la vente ou de la prestation de
services.

En effet, une telle vente est interdite lorsqu’elle est faite au


consommateur et elle est constitutive d’une infraction pénale 66.

Il résulte de l’article 16 de l’Ordonnance de 2013 sur la


concurrence que l’interdiction de la vente ne concerne que les
professionnels qui s’adressent aux consommateurs. Elle ne
s’applique pas dans les rapports entre professionnels.

Quant aux primes prohibées, il s’agit de « tout produit, bien


ou service différent de celui qui a fait l’objet de la vente
ou des prestations de service ». Il n’y a prime que si le
produit, bien ou service offert l’est gracieusement, quelles que
soient la forme ou les modalités de cette libéralité (tickets,
coupons, timbres ou bons donnant droit à la délivrance de
cette prime).

Les dérogations à cette interdiction sont classiques et les


primes sont licites si elles consistent en :

66V. « Chapitre 2 du Titre III » de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence ; articles 26 et 29


de la loi 91-999 du 27 décembre 1991; décret 64-217 du 26 mai 1964 portant réglementation
des ventes avec primes; articles 6 à 9 du décret 95-29 du 20 janvier 1995.

La réglementation de la vente commerciale 65


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

1) des produits ou services identiques à ceux faisant


l’objet de l’opération principale (13 à la douzaine, carte de
fidélité, etc.) ;

2) de menus objets ou services de faible valeur ou


échantillons :

- Concernant les objets ou service de faible valeur, il doit


s’agir d’objets conçus spécialement pour la publicité et ne pas
dépasser 5% du prix net; cette évaluation est difficile à faire à
première vue et, dans la pratique, on assiste à la distribution
de primes d’une valeur supérieure à 5% du prix net ;

- Quant aux échantillons, bien que la loi ivoirienne ne le


précise pas, ils doivent être offerts dans des conditions de
quantité ou de mesure strictement indispensables pour
apprécier la qualité du produit du fabricant ;

3) elles consistent en des remises en escompte ou


en espèces.

4) S’agissant des primes entre professionnels, elles


doivent figurer parmi les conditions de vente communicables à
tout revendeur et apparaître sur la facture émise par le
fournisseur (sans doute pour éviter les pratiques
discriminatoires de vente; articles 6-4 et 9 du décret 95-29 du
20 janvier 1995).

3- Les ventes à la « boule de neige »


La vente par le procédé dit de « la boule de neige » consiste à
faire participer le consommateur à la distribution des produits
en lui demandant de rechercher d’autres clients qui, à leur
tour, seront amenés à contacter d’autres personnes, jouant
ainsi le rôle de démarcheur (intermédiaire ou courtier). Cette
méthode de vente est définie par l’article 1er de l’Ordonnance

La réglementation de la vente commerciale 66


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

de 201367 sur la concurrence comme « tout procédé de vente


consistant à offrir des produits au public en lui faisant espérer
l’obtention de ce produit à titre gracieux ou contre remise d’une
somme inférieure à leur valeur et en subordonnant les ventes
au placement de bons ou tickets à des tiers ou à la collecte
d’adhésions ou d’inscriptions68 ».

Il ressort de cette définition trois (3) conditions à réunir, à


savoir : une offre de marchandises au public ; l’espoir pour les
destinataires de cette offre d’obtenir la marchandise
gratuitement ou à prix réduit ; la collecte d’adhésions ou
d’inscriptions qui est la condition de réalisation de la vente.

L’intérêt de l’opération pour le vendeur, est de faire supporter


à l’acheteur, la fonction de prospection et de présentation de
clientèle en l’alléchant (en l’attirant, en le séduisant) par un
appât.

De telles ventes sont donc interdites et la violation de cette


interdiction constitue une infraction pénale69.

4- Les ventes subordonnées, liées ou jumelées


On regroupe, sous cette appellation, toutes les formes de vente
qui obligent l’acheteur à se soumettre à une condition
anormale imposée par le vendeur. En font partie : les ventes
d’une quantité minimale ou les ventes couplées.

L’interdiction de ventes dites "subordonnées" est posée par


deux dispositions distinctes :

- La première, pénalement sanctionnée, ne concerne que


les ventes aux consommateurs. La lecture combinée des
articles 1er et 16 de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence

67 Si c’est l’article 1er de l’Ordonnance qui en donne définition, cette méthode de vente est plutôt
interdite par l’article 16 de l’Ordonnance.
68 Il s’agit autrement dit de la collecte préalable par l’acheteur d’autres clients.
69 V. « chapitre 2 du Titre III » de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence ; articles 28, 29 et

30-3° de la loi 91-999 du 27/12/1991; articles 23 à 25 du décret 95-29 du 20/1/1995.

La réglementation de la vente commerciale 67


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

laisse comprendre à cet effet que : "il est interdit ... de


subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité
imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un
autre service, ainsi que de subordonner la prestation d’un
service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit" ;

- La seconde, civilement sanctionnée, concerne les relations


entre professionnels70.

En tant que pratiques entravant la libre concurrence, les


manifestations des ventes subordonnées se limitent à trois (3)
hypothèses : l’obligation faite à l’acquéreur d’acheter une
quantité minimale (vente par quantités imposées) ; la mise en
vente de produits différents en un seul lot, sans mettre
l’acheteur en mesure de scinder le lot ou de permettre l’achat
de certaines composantes du lot appelée vente couplée ou
jumelée ; le refus de satisfaire à la demande d’un acheteur ou
service (vente ou prestation de services conditionnelle).

a- Les ventes d’une quantité minimale ou vente par


quantités imposées
Le droit ivoirien (article 22 du décret 95-29 du 20/1/1995)
interdit à tout vendeur (en gros ou au détail, le texte ne précise
pas !) d’imposer à un client l’achat d’une quantité minimale de
produits ou de services. Cette interdiction, dont la violation
constitue une infraction pénale (article 29 de la loi), est
exprimée dans des termes qui ne laissent place à aucune
nuance ou dérogation.

Pourtant dans la réalité, surtout dans les grandes surfaces, on


note que de telles ventes se pratiquent couramment (sacs de
pommes de terre de 10 kilos ; plusieurs paquets de lames ou
de tablettes de chocolat ou de chewing gum…) sans que ces
pratiquent cessent ou soient dénoncées ou sanctionnées.

70 V. article 22 de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence et l’exposé de cette question infra.

La réglementation de la vente commerciale 68


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

En réalité, il y a là une tolérance de la part de l’administration


économique qui s’inspire probablement d’une circulaire
française qui se base sur des justifications objectives
exclusives de tout abus :

- Le groupage des articles doit être le fait du fabricant ou


du producteur dans un emballage conçu et réalisé par lui ;

- Le lot d’articles identiques doit être adapté à une


consommation ou à un usage qui n’excède pas les besoins d’un
consommateur isolé (c’est la seule restriction que le décret de
1995 de par son article 22 retient) ;

- Le consommateur doit avoir la possibilité de se procurer


ces articles au détail, par unités soit dans le même magasin,
soit facilement ailleurs.

b- Les ventes couplées ou jumelées


Ces ventes sont interdites sous la menace de sanctions pénales
(article 22 du décret 95-29 du 20 janvier 1995).

Elles consistent à subordonner la vente d’un produit ou d’un


service à l’achat d’un autre produit ou service (lot de produits
ou de services hétéroclites ou complémentaires comme trousse
d’écolier garnie ; pneus et chambres à air ; vidange, graissage
et lavage d’un véhicule; machine à laver le linge plus des
paquets de lessive, etc.). Ces ventes sont dites jumelées ou
couplées ou ventes par lots.

La seule dérogation que le décret (article 22) apporte à cette


interdiction est la possibilité d’acheter chacun des articles
composant le lot, sans que soit précisé si cette possibilité doit
exister dans le magasin, dans le quartier, dans la ville ou dans
le pays.

La réglementation de la vente commerciale 69


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

5- Le refus de contracter : l’interdiction du refus de


vente aux consommateurs
La liberté contractuelle postule que le vendeur soit libre de
vendre à qui il veut et aux conditions qu’il veut. Cette
conception civiliste de la liberté contractuelle n’est plus de
mise lorsque le vendeur est un professionnel face à des
consommateurs ou à des acteurs économiques.

En effet, la liberté du commerce et de l’industrie confère certes


à un commerçant le droit de refuser de vendre, mais la loi
pénale interdit, à certaines conditions, le refus de vente. Ainsi,
il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un
produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime.

Cette interdiction s’explique par deux raisons : pour empêcher


que ne soit éludé le contrôle des prix, et pour assainir la
concurrence qu’entravent certains contrats d’exclusivité de
vente. Autrement dit, le refus de vente a été interdit par le
législateur, d’une part, pour protéger le consommateur contre
les commerçants véreux et, d’autre part, pour assurer à tous
les acheteurs d’un produit donné les mêmes possibilités
d’approvisionnement sans craindre de se voir opposer un
refus.

Le principe de l’interdiction est posé par les articles 16 et 22


de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence qui distinguent
entre le consommateur71 et le professionnel.

A l’égard du consommateur, il est interdit de refuser la vente


d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime.
Comme on le voit, la pratique du refus de vente peut se

71 Bien que seul le consommateur soit visé dans cet article, on peut se demander si ce n'est pas
par inadvertance que le législateur s'est montré restrictif. En effet, dans les autres articles où il
est question de refus de vente, le mot consommateur est remplacé par l'acheteur; en outre, on
ne voit pas pourquoi, seul le consommateur serait protégé contre une telle pratique alors que
l'acteur économique est recevable à en profiter aussi; enfin, dans la liste des actes abusifs
possibles d'une position dominante, le refus de vente est cité alors que l'abus de position
dominante n'est concevable, selon la loi qu'à l'égard de concurrents, c'est à dire d'acteurs
économiques.

La réglementation de la vente commerciale 70


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

manifester par : le refus opposé directement à la demande elle-


même ; le refus d’indications nécessaires à la passation d’une
commande de façon à empêcher la formulation de la demande ;
le fait de prétendre exécuter une commande ne présentant
aucun caractère anormal, à des conditions différentes de celles
présentées par l’acheteur et inacceptables par celui-ci.

Le refus de vente à l’égard du consommateur est sanctionné


pénalement conformément aux articles 16 et 18 de
l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence et articles 10 à 21 du
décret 95-29 du 20 janvier 1995.

L’infraction implique la réunion de deux conditions : une


demande de produits ou de services d’une part, et un refus de
vente d’autre part.

En effet, il faut que le commerçant ait refusé de vendre. Ce


refus peut être le refus d’une marchandise ou celui d’une
prestation de service quelconque. Le refus de vente est assez
largement compris : il est constitué lorsque le commerçant
refuse, par exemple, de donner le renseignement permettant
d’établir une commande précise72 ou n’accepte de livrer qu’en
l’absence de sa marque, ou sous une présentation différente
qui n’est pas habituelle, ce qui constitue, selon l’expression
même de la Cour de cassation française, « le refus de satisfaire
à l’une des clauses substantielles de la transaction », ou refuse,
de manière injustifiée, de consentir des délais de paiements
normaux (mais, il faut dire que le retard de livraison n’est pas
un refus de vente ; il ne constitue que l’inexécution totale ou
partielle, momentanée ou définitive, d’une convention déjà
formée).

A l’analyse, pour être répréhensible, le refus de vente doit


remplir certaines conditions :

- l’auteur doit être un professionnel de la vente. Selon


l’article 12 du décret, il doit être un producteur, artisan,

72 V. Paris, 1er mars 1967, D. 1968. Somm. 7 ; crim. 30 avril 1968, Bull. crim., n° 134.

La réglementation de la vente commerciale 71


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

commerçant, industriel ou toute personne en situation


professionnelle de vendre le produit ou la prestation;

- être opposé à un consommateur (ou à un acteur


économique, c’est-à-dire un professionnel, qui achète en vue
de revendre ou de transformer 73) ;

- la demande de l’acheteur présente un caractère normal :


Elle doit être conforme aux règles et usages commerciaux ;
elle doit être faite de bonne foi et présenter un caractère
normal. Elle respecte les conditions habituelles et légales de
vente du produit. Le vendeur ne peut pas proposer des
conditions de vente différentes de celles proposées par
l’acheteur, si celles-ci sont normales. La demande est
anormale lorsqu’elle est disproportionnée soit par rapport aux
capacités de livraison du demandeur, soit par rapport aux
besoins du demandeur. Il en est de même lorsque le vendeur
propose des modalités particulières de livraison et lorsqu’il n’a
pas les capacités professionnelles de transformer ou distribuer
le produit.

- le vendeur a les disponibilités nécessaires pour satisfaire


la demande. Cette condition est remplie lorsque le vendeur
détient effectivement le produit, s’il est en mesure de s’en
mesure procurer ou s’agissent de prestation de service, s’il a
les moyens de les fournir. En revanche, il n’y a pas de
disponibilité lorsque le vendeur est obligé de puiser dans son
stock de sécurité ou de surseoir à l’exécution de commandes
fermes.
Par ailleurs, l’auteur du refus de vente pourrait échapper à
toute responsabilité à trois (3) conditions : la demande ne doit
présenter aucun caractère anormal, caractère pouvant
s’apprécier par rapport aux pratiques habituelles du vendeur ;
la demande doit être faite de bonne foi ; le vendeur doit pouvoir
invoquer un motif légitime.

73Dans le cas du refus de vente à un professionnel prévu par l’article 22 de l’Ordonnance de


2013 sur la concurrence.

La réglementation de la vente commerciale 72


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

C’est dire que le refus de vente peut se justifier. Toutefois, il ne


peut être justifié que dans certains cas :

- Le comportement de l’acheteur : pour que


l’infraction soit constituée, il faut en effet que la demande soit
normale et émane d’un acheteur de bonne foi. C’est dire que le
refus de vente peut être tout d’abord justifié par le caractère
anormal de la demande qui implique, selon la jurisprudence,
que l’acheteur ait eu un comportement inhabituel qui peut
résulter, par exemple, de l’insuffisance de personnel qualifié et
d’agencement pour une commande de parfums, la demande
d’une quantité disproportionnée aux besoins, la modification
par le distributeur à l’insu du fabricant de la présentation au
public des marchandises livrées dans des conditions telles que
la qualité risquait d’être altérée, la diffusion d’un catalogue à
des prix inférieurs aux prix du fournisseur qui n’a pas encore
livré, etc. Le refus de vente peut être ensuite justifié par la
mauvaise foi de l’acheteur. Tel est le cas lorsqu’il entend
utiliser le produit pour nuire au fabriquant ou au vendeur ou
lorsqu’il a l’habitude de vendre ce produit à perte ou ne
présente pas des garanties de solvabilité suffisante et que son
insolvabilité a été déjà constatée par le fournisseur.

- Lorsque le vendeur est lié par un contrat de


concession exclusive à un concédant : lorsque le vendeur a
accordé une concession exclusive, cette transaction rend
juridiquement indisponible la marchandise à l’égard des tiers.
Encore faut-il que la concession soit exempte de toute idée de
fraude des droits des tiers, n’ait ni pour but une limitation
volontaire de la concurrence, ni pour effet de priver le
consommateur de l’abaissement du prix des produits.

- Lorsque la vente du produit est interdite par la loi


ou par un règlement (armes, drogues, alcools…).

- Le manque de disponibilités : par exemple, la


production du fabricant a été entièrement absorbée par
d’anciens clients ou lorsqu’elle est limitée.

La réglementation de la vente commerciale 73


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

- Les usages commerciaux : ainsi en est-il lorsqu’il


est destiné à maintenir le prestige d’une marque concernant
un produit de haute qualité ou s’explique par la technicité
particulière qu’appelle la vente d’un produit.

Mais le refus de vente ne saurait être justifié par le fait que


l’acheteur ne respecte pas les prix conseillés, l’insuffisance
alléguée de la technicité de l’acquéreur si la nature du produit
ne le requiert pas, l’insuffisance du volume d’une commande,
le fait que l’usage auquel le client destine la chose risquerait
de déprécier la marque.

Enfin, il faut le signaler, est constitutif d’une infraction pénale


le refus de vente pour raison raciale74.

6- Les ventes sauvages ou paracommercialisme


Ce type de vente est prohibé par l’article 19 de l’Ordonnance
de 2013 relative à la concurrence. Il s’agit, conformément à
l’article 1er de l’Ordonnance de 201 sur la concurrence, du « fait
pour toute personne d’offrir à la vente des biens, produits et
services en occupant sans autorisation, le domaine public de
l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics
ou le fait de se livrer à des activités commerciales en cherchant
à éluder les obligations qui incombent aux commerçants ».

Tout coupable d’infraction de paracommercialisme est passible


d’une peine d’emprisonnement de deux à six mois et d’une
amende de cent mille à dix millions de francs CFA ou de l’une
de ces deux peines seulement75. En outre, aux termes de
l’article 20 de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence, les
biens ou produits qui font l’objet de ventes sauvages ou
paracommercialisme font l’objet de saisie.

74 Lire J. Fonlon-Pignaniol, « la lutte contre le racisme », D. 1972, chron. 261.


75 V. article 21 de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence.

La réglementation de la vente commerciale 74


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

A.2- Les pratiques restrictives de concurrence


constitutives de fautes civiles
Ces pratiques interdites concernent le refus de vente au
professionnel, les clauses ou pratiques discriminatoires, les
ventes d’une quantité minimale ou vente par quantités
imposées au professionnel ou les ventes couplées ou
jumelées faites au professionnel.

1- L’interdiction du refus de vente aux


professionnels
Tout comme le refus de vente au consommateur, il est interdit
de refuser la vente d’un produit ou la prestation d’un service à
un professionnel, sauf motif légitime. Mais, contrairement au
refus de vente aux consommateurs qui est constitutif d’une
faute pénale, le refus de vente au professionnel n’est constitutif
que d’une faute civile.

A cet titre, conformément à l’article 22 de l’ordonnance de 2013


sur la concurrence, à l’égard du professionnel, « Engage la
responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice
causé, le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou
artisan : (…) - de refuser de satisfaire aux demandes d’achats
de biens, de produits ou aux demandes de prestations de
service, lorsque ces demandes ne présentent aucun caractère
anormal et qu’elles sont faites de bonne foi ».

L’infraction implique la réunion de deux conditions : une


demande de produits ou de services d’une part, et un refus de
vente d’autre part.

Et tout comme le refus de vente au consommateur, le refus de


vente au professionnel, pourrait être justifié. En effet, Par
ailleurs, l’auteur du refus de vente pourrait échapper à toute
responsabilité si la demande présente un caractère anormal
(caractère pouvant s’apprécier par rapport aux pratiques
habituelles du vendeur) et qu’elle est faite de bonne foi ; le
vendeur doit donc pouvoir invoquer un motif légitime.

La réglementation de la vente commerciale 75


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

2- L’interdiction des clauses ou pratiques


discriminatoires au professionnel
Les pratiques discriminatoires sont interdites parce qu’elles
sont incompatibles avec le libre exercice de la concurrence qui
postule un régime d’égalité applicable à tous les partenaires
économiques.

Ayant été dépénalisées, ces pratiques ne constituent plus


aujourd’hui qu’un délit civil lorsqu’elles répondent aux
conditions fixées par l’article 22 de l’Ordonnance de 2013 qui
dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à
réparer le préjudice causé, le fait, pour tout producteur,
commerçant, industriel ou artisan : - de pratiquer à l’égard d’un
partenaire économique ou d’obtenir de lui, des prix, délais de
paiement, conditions de vente ou modalités de vente et d’achat
discriminatoires ou non justifiés par des contreparties réelles en
créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage dans la
concurrence (…) ».

Autrement dit, à la lecture des article 22 de l’Ordonnance de


2013 sur la concurrence et 26 à 29 du décret 95-29 du 20 janvier
1995, on peut affirmer qu’une telle faute consiste à pratiquer,
à l’égard d’un client ou d’obtenir d’un fournisseur partenaire,
des prix, délais de paiement, conditions de vente ou modalités
de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des
contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire,
un désavantage ou un avantage dans la concurrence.

C’est dire que les pratiques restrictives de concurrence ne sont


constitutives que de fautes civiles et non pénales.

La faute est constituée même si elle est occasionnelle ou le


contrat conclu.

La discrimination prohibée porte donc non pas seulement sur


les prix, mais aussi sur les autres conditions de la transaction
ou conditions discriminatoires.

La réglementation de la vente commerciale 76


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

En effet, l’interdiction légale des pratiques discriminatoires vise


d’abord les différences de prix de vente fixées par l’entreprise à
certains et non à d’autres.
Quant aux conditions de vente, elles sont susceptibles de
porter notamment sur les délais d’exécution de la commande,
sur les modalités de conditionnement, de livraison, de
transport, de paiement, etc.
Cependant, cette interdiction peut connaître des limites
lorsque la discrimination est « justifiée par une contrepartie
réelle » née : de l’importance de la quantité vendue, des services
rendus par les clients ou les fournisseurs, de la coopération
commerciale durablement établie aux termes d’accords écrits.
C’est dire que les pratiques discriminatoires s’apprécient au
regard de la pratique habituelle du vendeur ou du prestataire
de service.
Enfin, il faut dire que les pratiques discriminatoires ne sont
interdites que dans les relations entre partenaires
économiques. Elle n’est pas interdite si elle est pratiquée à
l’égard des consommateurs.

3- Les ventes subordonnées faites au professionnel


A titre de rappel, les ventes subordonnées sont toutes les
formes de vente qui obligent l’acheteur à se soumettre à une
condition anormale imposée par le vendeur. Il s’agit des
ventes d’une quantité minimale ou vente par quantités
imposées et des ventes couplées ou jumelées au professionnel.

Quand ces ventes sont faites au consommateur, elles sont


constitutives de fautes pénales. Mais lorsqu’elles sont faites au
professionnel, elles ne pourraient qu’engager la responsabilité
civile de son auteur. C’est du moins ce qui ressort de l’article
22 de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence aux termes
duquel : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à
réparer le préjudice causé, le fait, pour tout producteur,
commerçant, industriel ou artisan : (...) - de subordonner la vente

La réglementation de la vente commerciale 77


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

d’un produit ou la prestation d’un service soit à l’achat


concomitant d’autres biens ou produits, à l’achat d’une quantité
imposée, soit à la prestation d’un autre service ».

Remarques :
A côté des ventes qui précèdent et sur lesquelles le législateur
a légiféré, se trouvent certaines ventes qui ont été négligées par
le législateur. On peut regretter que le législateur n’ait pas cru
bon de réglementer deux formes de vente dangereuses pour le
consommateur et pour la loyale concurrence : d’une part, la
vente avec loterie, concours et jeux ; d’autre part, la vente par
envoi forcé. Faisons observer qu’un projet de code ivoirien de
la consommation comble cette lacune pour la seconde forme
de vente mais pas pour la première.

- La vente avec loterie consiste à faire participer les


acheteurs à une loterie uniquement s’ils ont effectué un achat
(exemple : introduire une pièce d’or dans une des boîtes de
chocolat du magasin sur mille) ; la seule sanction encourue
par les auteurs d’une telle vente sont celles prévues par l’article
202 du code pénal ; la vente avec concours ou avec jeu est
basée sur le même principe : on ne peut participer au concours
ou au jeu que si, au préalable on a acheté un bien ou un
service. Le danger est que les consommateurs, attirés par le lot
ou la récompense à gagner se sentent contraints d’acheter un
produit ou un service dont ils n’ont pas besoin. De telles formes
de vente devraient être prohibées et la participation aux
loteries, concours et jeux non soumise à un quelconque achat.

- La vente par envoi forcé consiste à faire parvenir à une


personne, sans demande préalable de celle-ci, un objet
quelconque accompagné d’une correspondance indiquant qu’il
peut être accepté par elle contre versement d’un prix ou
renvoyé à son expéditeur.

Le danger est que le destinataire d’un tel objet, par négligence


ou par attirance, se trouve pris au piège de cette "offre
contractuelle" vicieuse et obligé d’acheter un objet dont il n’a

La réglementation de la vente commerciale 78


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

nul besoin ou pas les moyens de se l’offrir. D’où son


interdiction par la jurisprudence.

En clair, la vente par envoi forcé est le fait pour un commerçant


d’envoyer un produit à une personne qui ne lui avait pas passé
de commande en lui donnant la faculté de garder la chose en
en payant le prix ou de la renvoyer à l’expéditeur. La loi civile
a toujours admis que, dans ce cas, la personne sollicitée n’était
pas obligée d’acquérir la chose, ni même de la renvoyer ;
l’offrant doit la reprendre au domicile du destinataire si celui-
ci n’en veut pas. Mais la vente par envoi forcé, c’est-à-dire le
« fait d’avoir fait parvenir à un destinataire, sans demande
préalable de celui-ci, un objet quelconque accompagné d’une
correspondance indiquant qu’il peut être accepté par lui au
moyen d’un prix fixé ou renvoyé à son expéditeur, même si ce
renvoi peut être fait sans frais par le destinataire », est
constitutive d’une infraction pénale.

La jurisprudence a été amenée à préciser les notions « d’objet


quelconque » et de « correspondance accompagnant l’envoi ».
Elle interprète largement la première, et pour qu’une
correspondance accompagne l’envoi, il suffit qu’elle ait été
adressée à l’occasion de l’envoi du colis, sans qu’il y ait à
distinguer selon qu’elle ait été envoyée au moment, avant ou
après l’envoi. Il importe également peu que le destinataire ait
la faculté de refuser l’envoi.

A.3- Les pratiques conventionnelles restrictives de


la concurrence
Malgré la libre concurrence instituée par la loi n° 91-999 du 27
décembre 1991 et reprise par l’Ordonnance de 2013, il n’est
pas exclu que conventionnellement les parties limitent leur
propre activité afin d’éviter de se faire concurrence. A cette fin,
les procédés utilisés sont les clauses de non concurrence, les
clauses de non rétablissement et les conventions d’exclusivité.

La réglementation de la vente commerciale 79


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

1- Les clauses de non-concurrence


Certains contrats sont propices à l’insertion de clauses
contractuelles de non concurrence pour le jour où le contrat
vient à expiration et que le contractant mis en présence d’une
clientèle (qui ne lui appartient pas), au cours de l’exécution du
contrat, retrouve sa liberté.

Elles se trouvent généralement insérées dans les contrats de


travail et ont vocation à s’appliquer en cours ou à l’expiration
du contrat de travail.

A travers celle-ci, un employeur obtient ainsi d’un salarié qu’en


cours ou à l’expiration de son contrat de travail, il n’ouvrirait
pas une entreprise concurrente ou alors n’offrirait pas ses
services à une entreprise concurrente.

Pour éviter les abus, dans l’hypothèse de rupture du contrat,


la validité de ces clauses avait été soumise à certaines
conditions qui en restreignaient l'étendue. Selon la
jurisprudence qui a admis la validité de telles clauses au nom
de la liberté contractuelle, il fallait qu’elles soient limitées dans
le temps, dans l’espace et aux activités déployées par
l’entreprise bénéficiaire de l’obligation de non concurrence.

Aujourd’hui, aucune clause de non concurrence ne peut,


valablement, s’appliquer à l’expiration d’un contrat de travail
en Côte d’Ivoire. En effet, aux termes de l’article 15.5 de la loi
n° 95-15 du 12 janvier 1995 portant code du travail, "est nulle
de plein droit toute clause d’un contrat portant
interdiction pour le travailleur d’exercer une activité
quelconque à l’expiration du contrat".

2- Les clauses de non rétablissement


Elles sont généralement insérées dans les contrats de vente ou
de location-gérance de fonds de commerce, et cela chaque fois
que la personnalité du commerçant, son nom, son activité ont
une influence sur la conservation de la clientèle.

La réglementation de la vente commerciale 80


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Il s’agit, en la matière, de la matérialisation de la garantie du


fait personnel à la charge, notamment, du vendeur d’un fonds
de commerce. Dans un tel cas, il est interdit au commerçant,
personnellement ou par prête-nom, d’exercer un commerce
semblable à celui qu’il exerçait.

Pour que cette clause soit valable, il faut qu’elle soit limitée soit
dans le temps soit dans l’espace. Une seule de ces limitations
suffit pour rendre la clause valable.

3- Les conventions d’exclusivité


Les conventions d’exclusivité expriment la liberté d’organiser
des réseaux de distribution des biens et services.

Les contrats organisant les réseaux de distribution et dans


lesquels les clauses d’exclusivité sont fréquentes sont : le
contrat de concession exclusive, distribution sélective,
agréation, franchise. Dans ces hypothèses, les parties
s’entendent pour réserver l’exclusivité de l’activité ou de la
fourniture d’un produit à l’une d’entre elles.

Mais, le législateur ne s’est intéressé qu’au contrat de


concession exclusive et encore, de façon incidente, dans le
décret 95-29 du 20 janvier 1995 (article 11-4°) pour dire qu’un
tel contrat justifie le refus de vente.

Ainsi, un représentant de commerce peut recevoir d’un


fabricant une exclusivité de représentation dans un secteur
déterminé.

De même un commerçant ou un industriel peut prendre


l’engagement de s’approvisionner exclusivement auprès d’un
fabricant. Par exemple, dans le contrat dit d’enchaînement,
l’acquéreur d’une machine s’oblige à s’approvisionner
exclusivement chez le fabricant pour tous les produits
d’entretien. Dans l’industrie de la brasserie, ce contrat est
connu sous le nom de "contrat de bière" ; dans ce cas, le

La réglementation de la vente commerciale 81


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

débitant de boisson s’engage à s’approvisionner exclusivement


chez le brasseur.

Tous ces contrats d’exclusivité sont valables à condition qu’ils


soient limités dans le temps ou dans l’espace.
En sens inverse, un fabricant peut réserver à un client
l’exclusivité de sa production ; dans ce cas, pour justifier le
refus de vente aux autres commerçants, deux conditions
doivent être remplies :
- Le concédant doit s’engager à ne pas vendre à un
concurrent actuel ou éventuel du concessionnaire et à ne pas
créer d'autres concessions dans la zone qu’il lui a attribuée ;
- Le concessionnaire doit s’engager à ne pas
commercialiser de produits concurrents à ceux pour lesquels
la concession lui a été accordée.

- Aucune clause du contrat de concession exclusive ne


peut avoir pour effet, même indirect, de limiter la liberté du
concessionnaire de fixer lui-même, comme il l’entend, le prix
de vente du produit ou du service.

La preuve de l’existence du contrat de concession résulte de la


production d’un acte écrit qui incombe à celui qui l’invoque.

B- Les pratiques concertées anticoncurrentielles


La liberté des acteurs économiques d’organiser une profession
ou le marché au moyen d’ententes ou d’acquisition de position
dominante n’est pas totale, car elle peut aboutir à juguler la
concurrence et à assujettir les acteurs économiques qui n’en
font pas partie et les consommateurs au libre arbitre des
auteurs de ces concentrations.

L’interdiction de ces pratiques est de principe car elles peuvent


être exonérées par l’article 13 de l’Ordonnance de 2013 sur la
concurrence pour celles qui seraient la conséquence de
l’application d'un texte législatif ou réglementaire ou dont les

La réglementation de la vente commerciale 82


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

effets apporteraient un progrès économique à l’ensemble de la


collectivité.

Il convient de noter que tout accord fait en violation des articles


11 à 14 de l’Ordonnance sur la concurrence est nul de plein
droit.

Les pratiques anticoncurrentielles comprennent les ententes


anticoncurrentielles ou illicites, les abus de position
dominante et les concentrations économiques.

B.1- La prohibition des


ententes anticoncurrentielles ou illicites
L’entente illicite ou anticoncurrentielle est classiquement
définie comme un concours de volonté entre entreprises
autonomes, tel un accord, une décision d’association, ou une
pratique concertée, qui a pour objet ou pour effet de fausser ou
d’entraver le jeu de la concurrence. Autrement dit, il s’agit de
tous les accords, toutes les pratiques concertées ainsi que des
décisions d’association ou des recommandations collectives
émanant de personnes physiques ou morales, privées ou
publiques et qui faussent le libre jeu de la concurrence.

Ainsi, l’article 1er de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence


définit les ententes anticoncurrentielles comme « tous accords
entre entreprises, décisions d’association d’entreprises et
pratiques concertées entre entreprises ayant pour objet ou pour
effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ».

Une entente anticoncurrentielle est donc toute action concertée,


convention, coalition, entente expresse ou tacite ayant pour objet
ou pouvant avoir pour effet d’entraver ou de limiter la libre
concurrence, notamment lorsque cette action tend à limiter
l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par les
entreprises, à faire obstacle à la fixation pour le libre jeu du
marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse,
à limiter ou contrôler la production, les débouchés, les
investissements ou le progrès technique ou commercial; répartir

La réglementation de la vente commerciale 83


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

les marchés ou les sources d’approvisionnement, ect.

Ainsi on peut citer comme exemples d’ententes prohibées : les


accords limitant l’accès au marché ou le libre exercice de la
concurrence par d’autres entreprises ; les accords visant à fixer
directement ou indirectement le prix, à contrôler le prix de
vente, et de manière générale, à faire obstacle à la fixation des
prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement
leur hausse ou leur baisse (la fixation collusoire des prix), en
particulier les accords entre entreprises à différents niveaux de
production ou de distribution visant à la fixation du prix de
revente ; les répartitions des marchés ou des sources
d’approvisionnement, en particulier les accords entre
entreprises de production ou de distribution portant sur une
protection territoriale absolue ; les accords ou pratiques visant
à limiter ou à contrôler la production, les débouchés, le
développement technique et les investissements ; les
discriminations entre partenaires commerciaux au moyen de
conditions inégales pour des prestations équivalentes ; les
subordinations de la conclusion des contrats à l’acceptation,
par les partenaires, de prestations supplémentaires, qui, par
leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien
avec l’objet de ces contrats ; les boycotts collectifs ; ect..

C’est du moins ce qui ressort de l’énumération non exhaustive


des interdictions des ententes anticoncurrentielles faites par
l’article 11 de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence76.

A l’inverse de ces ententes prohibées, d’autres ententes


peuvent être autorisées ou exemptées par des textes qui
admettent l’existence d’exceptions au principe d’interdiction
des ententes. Il s’agit, aux termes de l’article 13 de
l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence d’ententes qui non
seulement contribuent à améliorer la production ou la
distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique

76Elles sont également interdites par les dispositions communautaires UEMOA comme le
prévoit l’article 14 de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence et même par les dispositions
CEDEAO.

La réglementation de la vente commerciale 84


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie


équitable du profit qui en résulte, mais également celles
n’imposent pas aux entreprises intéressées des restrictions qui
ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, et
celles qui ne donnent pas à ces entreprises la possibilité
d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des
produits en cause.

Pour finir, une remarque est à faire en ce qui concerne les


exemptions. En cette matière, il faut distinguer les accords
entre entreprises en deux catégories que sont respectivement
les accords verticaux et les accords horizontaux.

Les accords verticaux sont définis comme les accords conclus


entre deux ou plusieurs entreprises, dont chacune opère à un
niveau différent de la chaîne de production ou de distribution,
et qui concernent les conditions dans lesquelles ces entreprises
peuvent acquérir, vendre ou revendre certains biens ou
services.

Les accords horizontaux sont appréhendés en tant qu’accords


conclus à un même niveau de production ou de distribution
ou, en d’autres termes, en tant qu’accords entre producteurs
ou accords entre détaillants.

On estime que les accords verticaux sont moins restrictifs de


la concurrence que les accords horizontaux. Aussi les
politiques à l’égard des accords verticaux sont plus souples :
très souvent, on les laissant hors du champ d’interdiction des
ententes, à l’exception de deux types d’accords dont les effets
anticoncurrentiels sont jugés plus importants que leurs effets
positifs, à savoir, d’une part, les accords comportant une
protection territoriale absolue et, d’autre part, les accords
portant sur la fixation du prix de revente.

B.2- La prohibition des abus de position dominante


La position dominante concerne une entreprise ou un groupe
d’entreprises dont les activités occupent, sur le marché

La réglementation de la vente commerciale 85


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, une situation


dominante caractérisée par un monopole ou une concentration
manifeste de la puissance économique.

En elle-même, la position dominante n’est pas répréhensible,


seuls les abus résultant de cette domination sont interdits,
notamment, par l’article 12 de l’Ordonnance de 2013 sur la
concurrence. Ainsi, l’abus de position dominante peut être
défini comme « le fait pour une ou plusieurs entreprises
d’exploiter de façon abusive, une position dominante sur le
marché ou dans une part significative de celui-ci »77.

Les abus de position dominante peuvent se manifester


notamment par "le refus de vente, les ventes jumelées ou les
conditions de ventes discriminatoires ainsi que par la rupture de
relations commerciales établies, fondé sur le seul refus du
partenaire de se soumettre à des conditions commerciales
injustifiées".

A l’analyse, les abus de positions dominantes sont des


situations où une ou plusieurs entreprises contrôle(nt) de
façon intégrale ou substantielle une catégorie ou type
d’activité, et se livre(nt) à des agissements anticoncurrentiels
qui ont pour effet de brider ou de réduire considérablement le
jeu de la concurrence. Les agissements anticoncurrentiels qui
tombent sous le coup de la loi sont, entre autres, la fixation
prédatrice des prix, les refus d’effectuer des transactions
commerciales et le comportement discriminatoire.

Cela étant, pour qu’il y ait abus de position dominante, il faut


d’abord que l’entreprise en question soit en position
dominante, et qu’ensuite cette entreprise exploite de façon
abusive une telle position dominante.

77 V. article 1er de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence.

La réglementation de la vente commerciale 86


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

1- L’existence préalable d’une position dominante


Plus précisément, la position dominante est définie comme la
situation où une entreprise a la capacité, sur le marché en
cause, de se soustraire d’une concurrence effective, de
s’affranchir des contraintes du marché, en y jouant un rôle
directeur.

De nombreux critères sont prévus pour déterminer l’existence


d’une position dominante. Le critère le plus déterminant
pour évaluer l’existence d’une telle position est la part de
marché qu’occupe une entreprise sur le marché en cause.
Cette part de marché se calcule en tenant compte des
ventes réalisées par l’entreprise concernée et de celles
réalisées par ses concurrents.

Lorsque la part de marché ne suffit pas à elle seule pour établir


l’existence d’une position dominante, on peut recourir à des
critères supplémentaires pour juger de celle-ci, tel le degré
d’intégration verticale de l’entreprise, la puissance
financière de l’entreprise ou du groupe auquel elle
appartient, l’existence de barrières à l’entrée78.

Mais, la seule existence d’une position dominante ne suffit pas


pour qu’une entreprise tombe sous le coup de l’interdiction des
abus de position dominante. Pour ce faire, il faut que cette
entreprise exploite abusivement ladite position dominante.

2- L’exploitation abusive de cette position


dominante
Le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon
abusive une position dominante sur le marché commun ou
dans une partie significative de celui-ci est incompatible avec
le marché commun et est interdit. Sont également frappées de

78Ces barrières à l’entrée peuvent résider dans des obstacles législatifs et réglementaires ou
dans les caractéristiques propres au fonctionnement du marché en cause, dont par exemple la
complexité technologique propre au marché de produit, la difficulté d’obtenir les matières
premières nécessaires ainsi que les pratiques restrictives des fournisseurs déjà établis.

La réglementation de la vente commerciale 87


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

cette interdiction les pratiques assimilables à un abus de


position dominante dont en particulier les opérations de
concentration qui créent ou renforcent une position dominante
détenue par une ou plusieurs entreprises, et qui ont comme
conséquence d’entraver de manière significative une
concurrence effective à l’intérieur du marché commun 79.

Peuvent être mentionnés comme comportements constitutifs


d’abus de position dominante les pratiques consistant à :
imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de
vente ou d’autres conditions de transactions non équitables ;
limiter la production, les débouchés ou le développement
technique au préjudice des consommateurs ; appliquer à l’égard
des partenaires commerciaux des conditions inégales à des
prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un
désavantage dans la concurrence ; subordonner la conclusion
de contrats à l’acceptation, par des partenaires, de prestations
supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages
commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats. Sont
également assimilées à des comportements constitutifs d’abus
les opérations de concentrations qui créent ou renforcent une
position dominante détenue par une ou plusieurs entreprises.

Ainsi, on le voit, la seule existence de ces comportements


abusifs ne suffit pas pour qu’il y ait abus de position
dominante prohibé par le droit de la concurrence. Encore
faut-il, en second lieu, que de tels comportements aient
pour objet ou pour effet d’entraver de manière
significative une concurrence effective à l’intérieur du
marché commun.

A l’image de la démarche et des critères utilisés pour apprécier


l’effet anticoncurrentiel d’une entente, ici également sera par
excellence utilisée, comme critère principal, la part de marché
détenue par les parties en cause, après avoir préalablement
défini avec précision le marché en cause en tant que résultat

79 V. article 12 alinéa 2 de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence.

La réglementation de la vente commerciale 88


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

de la combinaison entre le marché de produits en cause et le


marché géographique en cause. Dans cette optique, par
exemple le territoire géographique d’un État membre, quel que
soit le poids économique de celui-ci, pourra être considéré
comme une partie significative du marché commun dans le
cadre communautaire.

Enfin, on peut noter que la législation ivoirienne sur le droit de


la concurrence, contrairement au droit communautaire
UEMOA80, énonce directement des exemptions au principe de
l’interdiction des abus de position dominante. Ces exemptions
sont prévues par l’article 13 de l’Ordonnance de 2013 sur la
concurrence.

B.3- Le contrôle a priori des concentrations


économiques
Le mécanisme de lutte contre les concentrations illicites ou
abusives ne vise pas à interdire toute opération de
concentration, mais plutôt à faire obstacle aux concentrations
jugées excessives parce que présentant des effets nocifs à
l’égard de la concurrence. Cela expliquerait certainement
pourquoi les concentrations illicites n’ont pas fait l’objet d’une
réglementation spéciale comme les ententes illicites et les abus
de positions dominantes.

Leur interdiction n’est prévue que sous le sceau des abus de


positions dominantes auxquels on les assimile 81, nonobstant
leur définition par l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence.
En d’autres termes, les concentrations économiques ne sont
pas en soi condamnables, seuls les abus dans ces
concentrations, c’est-à-dire leur conséquence d’entrave de

80 En effet, il est seulement indiqué à l’article 89 §3 du Traité de l’UEMOA que le Conseil des
ministres « peut également édicter des règles précisant les interdictions énoncées dans l’article
88 ou prévoyant des exceptions limitées à ces règles afin de tenir compte de situations
spécifiques », étant entendu que les interdictions énoncées dans l’article 88 sont celles relatives
aux ententes, aux abus de position dominante et aux aides publiques. Mais de telles exceptions
ne sont point prévues dans les textes de droit dérivé du 23 mai 2002 sur la concurrence, en ce
qui concerne les abus de position dominante.
81 V. article 12 alinéa 2 de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence.

La réglementation de la vente commerciale 89


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

manière significative à une concurrence effective sur le marché


commun, sont interdits.

1- Définition et champ d’application de la


concentration économique
La concentration économique qui consiste en la réduction du
nombre d’entreprises dans une branche ou pour une activité
donnée, est l’opération juridique résultant généralement d’une
entente conclue entre deux ou plusieurs entreprises ou entre
des groupes d’entreprises qui, soit par voie de fusion, soit par
le jeu du contrôle qu’exercent certains de leurs dirigeants, soit
encore par des prises de participations dans leur capital
respectif ou par la création d'une entreprise ou d’un
groupement commun ou de toute autre manière, parviennent
à contrôler tout ou partie de l’ensemble de ces entreprises et
donc les activités économiques qu’elles exercent.

Une opération de concentration se trouve donc réalisée,


lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement
indépendantes fusionnent, lorsqu’une ou plusieurs personnes,
détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou
lorsqu’une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou
par l’achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le
contrôle de l'ensemble ou de parties d’une ou plusieurs autres
entreprises.

Autrement dit, la concentration résulte de tout acte quelle qu’en


soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance
sur tout ou partie des biens, droits et obligations d’une
entreprise ou qui a pour objet ou pour effet de permettre à une
entreprise ou à un groupe d’entreprises d’exercer directement ou
indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises, une
influence déterminante. Ainsi, aux termes de l’article 1er de
l’Ordonnance de 2013, la concentration consiste en « la fusion
de deux ou plusieurs entreprises antérieurement
indépendantes ; l’opération par laquelle une ou plusieurs
personnes, détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins,
ou une ou plusieurs entreprises, acquièrent directement ou

La réglementation de la vente commerciale 90


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

indirectement, que ce soit par prise de participation au capital


ou achat d’éléments d’actifs, contrats ou tout autre moyen, le
contrôle de l’ensemble ou partie d’une ou plusieurs autres
entreprises ; la création d’une entreprise commune
accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une
entité économique autonome ».

Il ressort de la définition qu’il y a concentration dans deux (2)


situations :

- Les actes emportant transfert de propriété ou de


jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations :

Ils se produisent lorsque : deux ou plusieurs entreprises


fusionnent ; une ou plusieurs entreprises contrôlant déjà au
moins une entreprise acquièrent directement ou indirectement
le contrôle total ou partiel d’une ou plusieurs entreprises ;
deux ou plusieurs entreprises créent une entreprise commune
en constituant une nouvelle société.

- Les actes permettant l’exercice d’une influence


déterminante (exercice d’un contrôle) :
Le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui
confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des
circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une
influence déterminante sur l’activité d’une entreprise, et
notamment : des droits de propriété ou de jouissance sur tout
ou partie des biens d’une entreprise ; des droits ou des
contrats qui confèrent une influence déterminante sur la
composition, les délibérations ou les décisions des organes
d’une entreprise.
Ainsi, le dispositif de contrôle peut s’appliquer aux opérations
ayant seulement pour effet de permettre à une entreprise ou à
un groupe d’entreprises d’exercer une influence sur une ou
plusieurs autres entreprises.

Cette approche très extensive permettra d’étendre à l’infini le


contrôle, à l’établissement des liaisons financières entre

La réglementation de la vente commerciale 91


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

sociétés, à la création de groupement d’entreprises, etc.

A ce propos, il ressort que, comme l’énonce l’Ordonnance de


2013 sur la concurrence, les faits suivants constituent une
concentration : la fusion entre deux ou plusieurs entreprises
antérieurement indépendantes ; l’opération par laquelle une ou
plusieurs personnes (détenant déjà le contrôle d’une entreprise
au moins) ou une ou plusieurs entreprises acquièrent
directement ou indirectement (que ce soit par prise de
participation au capital, achat d’éléments d’actifs, contrat ou
tout autre moyen) le contrôle de l’ensemble ou de parties d’une
ou de plusieurs autres entreprises ; la création d’une entreprise
commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions
d’une entité économique autonome.

2- Le processus de concentration économique


La concentration économique et financière des entreprises est
le processus qui permet à un nombre de plus en plus restreint
d’entreprises de grande taille d’alimenter une part importante
des marchés.
A ce propos, il existe différents types de concentration :
- la concentration verticale permet à une entreprise de
contrôler, en amont, ses fournisseurs, et, en aval, les circuits
de distribution de ses produits (elle absorbe des fournisseurs
ou des clients) ;
- la concentration horizontale, par achat d’entreprises
semblables, permet d’obtenir des économies d’échelle et
d’augmenter la part de marché de l’entreprise (une entreprise
absorbe ou fait disparaître des concurrents) ;
- la concentration conglomérale englobe dans un même
groupe des entreprises n’ayant aucune liaison technique. Elle
vise, à travers cette diversification, à répartir les risques sur
des marchés différents.
- la concentration financière : il n’y a pas disparition
des entreprises, mais prise de contrôle. On notera que la
concentration financière conduit à la constitution de groupes,
mais ne s’accompagne pas d’une diminution du nombre

La réglementation de la vente commerciale 92


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

d’entreprises : ce qui diminue, ici, ce sont les entreprises


indépendantes. Enfin, alors que les deux premiers types de
concentration –horizontale et verticale) obéissent à une logique
de produit - concurrents, clients ou fournisseurs -, la
concentration financière obéit à une logique financière, seule
comptant la rentabilité de l’ensemble, et non la nature de ce
qu’il produit.
N.B. : Dans le domaine des entreprises, la réalité économique
est celle d’une concentration horizontale sans cesse accrue
pour toutes les activités au sein desquelles existent des
économies d'échelle, c’est-à-dire une réduction des coûts de
production avec l’augmentation de la taille. Cette tendance
n’entraîne cependant pas une réduction sensible du nombre
d’entreprises, contrairement aux prédictions de Marx qui
soulignait que, de crise en crise, la concentration déboucherait
à la longue sur une monopolisation de la production par
quelques grands " trusts ". Certes, dans la sidérurgie,
l’automobile ou la chimie, il ne subsiste qu’un nombre limité
et décroissant de producteurs. Mais, parallèlement, naissent
de nouvelles activités (tertiaires très souvent). Et, surtout, des
formes de spécialisation fine permettent de jumeler économies
d’échelle et tissu industriel diversifié.
3- Les formes de concentration économique
- Le monopole : un producteur, beaucoup d’acheteurs.
Ex. : CIE
- L’oligopole : quelques producteurs, beaucoup
d’acheteurs. Ex : Renault, Peugeot et quelques firmes
étrangères forment un oligopole en Côte d’Ivoire sur le marché
de l’automobile.
- Le monopsone : un petit nombre de producteurs, un
seul acheteur. Ex : la CIDT en Côte d’Ivoire est pratiquement
le seul débouché pour les producteurs de coton. Le marché du
coton brut (l’achat du coton-graine et un quasi-monopole pour
la vente des intrants) est donc un monopsone.
- L’oligopsone : un très grand nombre de producteurs, un
petit nombre d’acheteurs.

La réglementation de la vente commerciale 93


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Ex : les centrales d’achat des magasins à grande surface


imposent souvent leurs prix aux PME qui les approvisionnent.
Les centrales d’achat forment un oligopsone.

Toutes ces formes de concentrations peuvent se faire par


plusieurs procédés de concentrations : fusion, absorption,
offre publique d’achat.

- Fusion : La fusion est l’une des formes de concentration


possibles au sein du système capitaliste : les actions des deux
sociétés fusionnées sont échangées contre celles de la nouvelle
société qui résulte de la fusion. En effet, la fusion est
l’opération qui consiste à intégrer dans une seule nouvelle
société deux sociétés existantes, qui perdent de ce fait leur
personnalité morale au profit de la nouvelle entité.

- Absorption : Une autre modalité possible de


concentration économique est celle de l’absorption : une des
deux sociétés absorbe l’autre. Dans ce cas, la société
absorbante émet de nouvelles actions qui sont remises aux
actionnaires de la société absorbée en échange des actions de
cette dernière. En effet, l’absorption peut désigner le fait qu’une
société soit totalement rachetée par une autre qui intègre en
son sein activité, personnel, dettes et avoirs de l’ancienne
société, ou, également la capacité d’une économie nationale à
utiliser de façon efficace un apport extérieur de capitaux (on
parle alors plutôt de capacité d’absorption : l’exemple classique
en ce cas est la hausse brutale des prix du pétrole : les pays
exportateurs se retrouvent alors avec des recettes extérieures
multipliées par trois ou quatre : incapables de les "absorber"
productivement, soit ils les dépensent en achats de biens de
luxe (ou d’armes), soit ils les placent auprès de banques, qui,
regorgeant de liquidités, vont les "recycler" auprès d’autres
emprunteurs).

Qu’il s’agisse de fusion ou d’absorption, la nouvelle société


reprend les activités des deux anciennes : et, par conséquent,
elle est tenue de reprendre également l’ensemble des contrats

La réglementation de la vente commerciale 94


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

de travail qui pouvaient exister lors de la fusion ou de


l'absorption, et de respecter l’ensemble des conventions ou
règles auxquelles les anciennes sociétés avaient souscrit ou
étaient astreintes.

- Offre publique d’achat (OPA) : c’est une proposition


conditionnelle d’achat d’actions d’une société cotée en Bourse
effectuée auprès de l’ensemble des détenteurs de ce titre, à un
prix déterminé et valable durant une période déterminée (en
général trois semaines à un mois). Offre conditionnelle, l’OPA
ne se concrétise que si au moins une proportion déterminée
des détenteurs de l’action visée acceptent la proposition durant
la période de choix qui leur est proposée. En deçà, l’offre n’est
pas validée. Le succès ou l’échec d’une OPA dépend
habituellement du prix offert : si ce dernier est assez nettement
plus élevé que le cours en Bourse, une majorité de détenteurs
sont tentés d’accepter l’offre. Mais celui qui lance l’OPA est
alors tenu de racheter tous les titres apportés à l’offre : s’il y a
un plancher quant au nombre à partir duquel l'offre est
concrétisée, il n’y a pas de plafond, ce qui fait de l’OPA une
procédure potentiellement coûteuse. En effet, il faut proposer
un prix attractif, et acheter tous les titres présentés. C’est
pourquoi elle n’est pas très fréquente. La loi ivoirienne l’a
rendue obligatoire dès lors qu’un actionnaire dépasse un seuil
déterminé (par exemple 30 % du capital), de manière à ce que
les autres actionnaires qui désapprouveraient cette prise de
contrôle puissent se voir offrir des conditions d’achat de leurs
actions au moins analogues à celles dont les actionnaires qui
ont cédé les actions permettant de dépasser le seuil de contrôle
ont bénéficié. Une OPA doit, pour être lancée, avoir été
autorisée par la Commission chargée des opérations de
Bourse, qui veille notamment à ce que l’information n’ait pas
été divulguée auprès de certaines personnes en vue de leur
permettre d’obtenir des plus-values boursières.

La réglementation de la vente commerciale 95


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

4- Procédure de notification du projet de


concentration et la décision ministérielle
Tout projet de concentration ou toute concentration de nature
à porter atteinte à la concurrence peut être soumis à l’avis de
la Commission de la Concurrence et de la Lutte contre la Vie
chère qui a une mission générale de surveillance du marché
afin d’y déceler les dysfonctionnements liés aux pratiques
anticoncurrentielles82.
Il faut noter que cette notification par l’entreprise est
facultative. Cependant, l’Administration peut, sur sa propre
initiative, ordonner une enquête dans ce sens83.
Pour que l’opération de concentration soit soumise au contrôle,
il faut que le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises parties
à l’acte et leurs filiales atteigne au moins 50 % des ventes,
achats ou autres transactions sur un marché national de
biens, produits ou services substituables ou sur une partie
substantielle d’un tel marché.
A partir de ce seuil, la Commission de la concurrence et de
Lutte contre la Vie chère étudie la situation du marché
concerné et émet un avis à l’attention du Ministre qui peut
prendre l’une des mesures suivantes :
- soit ne pas donner suite au projet ;
- soit demander de rétablir la situation de droit antérieur
ou de modifier ou compléter l’opération ;
- soit prendre toute mesure propre à assurer ou rétablir
une concurrence suffisante.
Section 4- La concurrence déloyale et le parasitisme
En régime d’économie libérale, la concurrence constitue la loi
du commerce en ce qu’elle est le corollaire du principe de la
liberté du commerce et de l’industrie.
Il est, en effet, sain que les commerçants se fassent
concurrence pour s’attirer de la clientèle car cela permet au

82 V. article 8 de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence.


83 V. articles 31 et suiv. de l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence.

La réglementation de la vente commerciale 96


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

marché d'accueillir de meilleurs produits à des prix


compétitifs.
Toutefois la concurrence doit être loyale, faute de quoi des
sanctions pourraient être prises à l’encontre de l’auteur de la
concurrence déloyale.
C’est pourquoi, certains procédés déloyaux ou illicites dans la
compétition commerciale entre professionnels sont interdits.
Ces procédés sont qualifiés de concurrence déloyale et leur
interdiction fait, notamment, l’objet des articles 23 à 24 de
l’Ordonnance de 2013 sur la concurrence.
D’une façon générale, la concurrence est qualifiée de déloyale
lorsqu’elle n’est pas conforme aux usages commerciaux.
La concurrence déloyale nécessite la présence de deux
éléments : d’une part, une concurrence, c’est-à-dire une
compétition sur le plan économique, et d’autre part, une
déloyauté, c’est-à-dire une faute imputable à celui qui en est
l’auteur et susceptible de causer un préjudice à un tiers. Le
préjudice doit donc être lié à une situation de concurrence pour
qu’on puisse parler de préjudice en tant que condition propre
à l’action en concurrence déloyale.
Certaines pratiques parasitaires (pouvant paraître anormales
sur le plan commercial) devraient être condamnées, même si
elles ne rentrent pas dans le cadre de la concurrence déloyale
classique. Il s’agit de la notion de concurrence et
agissements parasitaires. Ces notions concernent les cas où
un tiers vit « en parasite » dans le sillage d’un autre, en
profitant des efforts qu’il a réalisés et de la réputation qu’il a
pu acquérir sur son nom et ses produits.

Ces actes de parasitisme peuvent revêtir deux (2) aspects :


d’une part, une concurrence parasitaire et, d’autre part, des
agissements parasitaires.

Il s’agit, dans le premier cas, d’actes portant sur des produits


ou activités qui intéressent le même cercle de consommateurs
et, dans le second cas, d’actes concernant des produits ou
activités nettement différents.

La réglementation de la vente commerciale 97


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Certains auteurs ont pu affirmer que le parasitisme n’est


qu’une forme de concurrence déloyale, les différences entre les
deux notions étant infimes.

En effet, le parasitisme, tout comme la concurrence déloyale,


est du domaine de la responsabilité civile délictuelle et se base
donc sur l’idée de faute causant un préjudice et appelant à
réparation. Mais, l’article 24 de l’Ordonnance de 2013 sur la
concurrence en fait également une infraction à la loi pénale.

Il existe également une différence fondamentale entre les deux


situations : La situation de concurrence déloyale suppose une
situation de concurrence entre l’auteur de la faute et sa
victime. Par contre, il existe maintes situations dans
lesquelles un agissement parasitaire, profitant de l’avantage
d’autrui, peut se caractériser en dépit de l’absence de situation
de concurrence. C’est dans cette hypothèse que la notion de
« parasitisme », qui ne présuppose aucun lien concurrentiel
(du moins lorsqu’il ne s’agit que d’agissements parasitaires)
entre les acteurs concernés révèle tout son intérêt.

L’action responsabilité civile pour concurrence déloyale et pour


parasitaire est une action en responsabilité délictuelle fondée
sur les articles 1382 et 1383 du Code civil : celui qui cause à
autrui un dommage par sa faute, son imprudence ou sa
négligence est tenu de réparer. Or, la responsabilité civile
délictuelle est retenue lorsqu’il y a une faute, un dommage est
un lien de causalité entre la faute et le dommage.

(N.B. : Quand on s’interroge sur les fondements de la


répression de tels comportements, s’il n’est pas interdit en
premier de songer à cet égard à la théorie générale de la
responsabilité civile, on peut également se fonder sur la théorie
de l’enrichissement illégitime, mais encore sous l’angle de
l’abus du droit de libre concurrence ou de l’usage excessif de
la liberté du commerce).

La réglementation de la vente commerciale 98


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Paragraphe 1- La faute déloyale et parasitaire :


l’acte de déloyauté
Il n’existe ni une définition, ni même une liste de procédés de
concurrence considérés comme déloyaux ou anormaux.
Cependant, il faut distinguer la faute dans la concurrence
déloyale de celle du parasitisme.

A- La faute dans la concurrence déloyale


L’approche analytique de la faute en matière de concurrence
déloyale doit se faire de manière très concrète, en recherchant
dans l’Annexe V de l’accord de Bangui relatif aux noms
commerciaux et à la protection contre la concurrence déloyale
(notamment en son article 17) et dans les décisions de justice,
les procédés de détournement de clientèle que l’on estime
contraires aux usages et à l’honnêteté professionnelle.

En effet, la faute est constituée par un acte déloyal,


intentionnel ou non. Selon la Convention d’Union de Paris sur
la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883,
« constitue un acte de concurrence déloyale tout acte de
concurrence contraire aux usages honnêtes en matière
industrielle ou commerciale ».

Avec cette définition, sans prétendre dresser un tableau


complet, on peut recenser les différents types d’actes déloyaux
suivants : les manœuvres de dénigrement ou de discrédit, les
manœuvres de confusion, les manœuvres de désorganisation.

1- Les manœuvres de dénigrement ou de discrédit


Les manœuvres de dénigrement ou de discrédit peuvent se
dédoubler en dénigrement de l’entreprise et en tromperie à
l’égard du public

La réglementation de la vente commerciale 99


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

a- Le dénigrement de l’entreprise d’autrui ou de ses


activités
Il s’agit, dans ce cas, de toute allégation fausse ou abusive qui
discrédite ou est de nature à discréditer l’entreprise d’autrui
ou ses activités, en particulier des produits ou services offerts
par cette entreprise. Il s’agit de propos péjoratifs tenus en
public à l’encontre d’un concurrent clairement identifié. Ceux
qui trompent sciemment le public sur la nature, les
caractéristiques, les qualités, les prix, la disponibilité, la
sécurité d’usage de produits et de services, ou sur les procédés
de fabrication, dans le but de détourner, à leur propre profit,
la clientèle des concurrents.

Le dénigrement d’une entreprise concurrente ou de ses


produits peut se faire de diverses façons, certaines étant plus
discrètes que d’autres. Le dénigrement se fera toujours en
public, les agissements purement internes à une entreprise
n’étant pas concernés. Ainsi, il peut y avoir dénigrement par
exemple en prétendant faussement être le seul à disposer d’un
produit avec des qualités spécifiques (comme un éditeur anti-
virus qui prétendrait être le seul à disposer d’un produit
efficace contre une menace d’actualité).

Le dénigrement de la personne, physique ou morale, constitue


un moyen plus direct. Si un tel dénigrement sera sans doute
rarement en relation avec un bien informatique, le dénigrement
de produits le sera de façon d’autant plus évidente. En effet, le
dénigrement direct d’un produit en public constitue sans doute
le moyen le plus efficace de s’arroger un avantage sur le
concurrent, mais ce sera aussi le comportement fautif le plus
facile à déceler.

b- La tromperie à l’égard du public


Il s’agit, dans ce cas, de tout acte ou pratique qui induit en
erreur au sujet d’une entreprise ou de ses activités, en
particulier des produits ou services offerts par cette entreprise
au public.

La réglementation de la vente commerciale 100


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Cette tromperie peut résulter d’une publicité mensongère sur


l’origine ou l’aptitude d’un produit à un emploi particulier.

Dans ce cas, le mensonge vise à tromper sciemment le public


sur la nature, les caractéristiques, les qualités, les prix, la
disponibilité, la sécurité d’usage de produits et de services, ou
sur les procédés de fabrication, dans le but de détourner, à
leur propre profit, la clientèle des concurrents.

2- Les actes engendrant la confusion


Il s’agit dans ce cas, de tout acte ou pratique qui crée ou est de
nature à créer une confusion avec l’entreprise d’autrui ou ses
activités, en particulier avec les produits ou services offerts par
cette entreprise.

Il en va notamment de l’atteinte au nom commercial ou à la


dénomination sociale; de l’imitation des produits ou de
l’enseigne d’un concurrent pour profiter de sa notoriété. Dans
ces cas, il y aura usurpation dans le dessein de semer la
confusion afin d’induire la clientèle en erreur. Lorsque le
concurrent a un droit de propriété industrielle, il peut agir en
contrefaçon d’une part et en concurrence déloyale d’autre part.
Dans le cas contraire, seule une action en concurrence
déloyale est possible84.

Que faire lorsque le concurrent a le même nom patronymique ?


On ne peut, certes, pas l’empêcher d’utiliser son nom
patronymique ; mais il faut restreindre le droit qu’il a de porter
son nom à raison de l’antériorité d’emploi par un autre.

La jurisprudence décide, dans ce cas, que l’utilisation du nom


doit être faite en prenant les mesures utiles pour qu’il n’y ait

84 L’action en concurrence déloyale ne doit pas être confondue avec l’action en contrefaçon.
L’action en contrefaçon est une action pénale et s’exerce devant les juridictions pénales dans
la mesure où la contrefaçon est un délit. L’action en concurrence déloyale n’est qu’une action
civile dont l’objectif est d’obtenir des dommages-intérêts ainsi que la cessation du trouble.

La réglementation de la vente commerciale 101


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

pas de confusion possible, par exemple en faisant précéder ou


suivre le nom d’un prénom.

Sont protégés au même titre que le nom commercial, les titres


de journaux ou de films.

Il en va de même d’une atteinte à l’enseigne. L’enseigne est une


dénomination ou un emblème qui sert à singulariser
l’établissement ; elle doit donc être spécifique et non générique.
Ex. : "chez Louloulou" et non "alimentation générale".

Cette condition remplie, l’antériorité d'emploi assure au


commerçant le droit d’empêcher un autre commerçant de se
servir de la même enseigne pour un commerce semblable.

Suivant la nature de l’activité et sa notoriété, la protection peut


s'étendre à une ville, à une région ou à toute la Côte d'Ivoire.
Exemple : Librairie de France : la protection pourrait s'étendre
à toute la Côte d'Ivoire. Mais il n'y a concurrence déloyale que
si l'utilisation de l'enseigne crée une confusion entre deux
établissements du même genre s'adressant à la même catégorie
de clients.

Si tel n’est pas le cas, notamment lorsqu’il y a usurpation d’une


notoriété ou d’une technique par un non concurrent, on peut
considérer, en dehors de l’action en contrefaçon, qu’il y a
agissement parasitaire.

L’action en concurrence déloyale tendant à la protection de


l'enseigne est accordée sans qu'il soit nécessaire de démontrer
l'existence d'un préjudice déjà subi. Il suffit d'établir
l'usurpation de l'enseigne et le tribunal peut ordonner des
mesures tendant à empêcher toute confusion dans l'avenir.

3- La désorganisation interne de l’entreprise


concurrente et du marché
La désorganisation commerciale d’une entreprise par des
pratiques telles le détournement de commandes et le

La réglementation de la vente commerciale 102


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

démarchage sont constitutifs d’actes de concurrence déloyale.

Ainsi, le fait pour un commerçant d’exécuter lui-même, en


connaissance de cause, une commande adressée à un
concurrent, ou le fait de provoquer, en allant parfois jusqu’au
racolage des clients, la résiliation de commandes déjà passées
auprès d’un concurrent tombe dans le domaine de la
concurrence déloyale.

Le dépôt frauduleux d’une marque ou d’un brevet en vue de


gêner l’exploitation d’un concurrent a aussi été reconnu
comme déloyal par la jurisprudence.

De même le dépôt d’une marque (semblable ou identique au


nom d’un produit informatique par exemple), voire encore d’un
nom de domaine (c’est-à-dire une adresse de site internet
semblable à celui d’un site concurrent), visant à gêner
l’exploitation normale d’un commerce concurrent devrait sans
trop de difficultés tomber sous la concurrence déloyale. En ce
qui concerne les noms de domaine notamment, le risque de
confusion s’avère souvent flagrant.

On peut également citer les exemples d’espionnage industriel


ou commercial, c’est à dire de l’espionnage de savoir-faire qui
consiste en tout acte ou pratique qui entraîne la divulgation,
l’acquisition ou l’utilisation par des tiers d’une information
confidentielle sans le consentement de la personne légalement
habilitée à disposer de cette information et d’une manière
contraire aux usages commerciaux honnêtes. Il peut s’agir
également de débauchage de personnel d’une entreprise
concurrente, avec souvent fuite de données (employé débauché
ayant copié des disquettes confidentielles). Il peut s’agir, par
exemple, du débauchage massif de salariés ou d’incitation du
personnel à la grève. Il en est de même :

- Du non-respect de la réglementation relative à l’exercice


de l’activité concernée ;

La réglementation de la vente commerciale 103


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

- Des menaces adressées à la clientèle du concurrent ;

- De la désorganisation générale du réseau de vente par


la vente à perte, la vente par le procédé dit de la boule de neige
etc.

B- La faute dans le parasitisme


On entend par « concurrence parasitaire », les actes d’un
commerçant ou d’un industriel concurrent qui, même sans
avoir l’intention de nuire, tire ou s’efforce de tirer profit
d’un renom acquis légitimement par un tiers, et sans qu’il
y ait normalement risque de confusion entre les produits
et les établissements. Le concurrent parasitaire cherche donc
à « singer » la création d’un tiers pour présenter des produits
ou des activités identiques ou très voisins (telles que référence
à une propriété d’autrui, images publicitaires, idées créatrices).
On le voit, cette forme de concurrence, qui peut englober des
actes fort variés, se caractérise par le fait, pour un agent
économique, de vivre aux crochets d’un autre et ainsi de
« moissonner où il n’a pas semé ».

Quant aux « agissements parasitaires », il s’agit d’actes d’un


commerçant ou d’un industriel qui tire ou s’efforce de
tirer profit des réalisations personnelles d’autrui et du
renom acquis légitimement par un tiers, même s’il n’a pas
toujours l’intention de nuire à ce dernier. Dans ce
deuxième cas, il n’existe pas à proprement parler de
concurrence commerciale (et les tribunaux se refusent à
appliquer le principe de la concurrence déloyale pour
condamner de telles pratiques). Il n’est donc pas nécessaire
qu’il y ait risque de confusion et ce, en raison même de
l’absence de toute concurrence.

Ces deux types d’actes sont répréhensibles et leur


condamnation peut se justifier sur le plan juridique : la
répression de la concurrence et des agissements parasitaires
peut être fondée d’une part sur les principes généraux du droit

La réglementation de la vente commerciale 104


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

concernant la bonne foi et sanctionnant les actes accomplis


par malice et de mauvaise foi (règles « malitiis non est
indulgendum » et « fraus omnia corrumpit ») et d’autre part et
principalement sur la théorie générale de la responsabilité
civile (article 1982 et 1383 du Code civil).

A l’analyse, le parasitisme peut se résulter de l’usurpation de


la notoriété d’autrui, l’usurpation de la technique d’autrui ou
encore l’usurpation de l’idée d’autrui.

1- L’usurpation de la notoriété d’autrui


C’est à propos de l’usurpation de la notoriété d’autrui que la
notion d’agissements parasitaires a été proposée en 1956 par
Yves Saint-Gall ; c’est « le fait de se référer, sans s’adresser à
la même clientèle, à une marque ou à toute autre forme de
propriété ... intellectuelle créée par un tiers et particulièrement
connue et ce à l’effet de tirer profit de sa renommée ».

Contrairement à la concurrence déloyale, la notion de


notoriété est ici essentielle. La protection par la notion de
parasitisme n’est pas accordée à n’importe quel signe, liberté
du commerce oblige.

On peut ainsi citer comme exemples l’utilisation ou


l’appellation « Champagne » pour des cigarettes ou un parfum,
le fait d’enregistrer une dénomination connue, tel que
« Interpol » comme nom de domaine pour un site commercial
tombe aussi dans ce domaine.

Ainsi, dans un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du


14 mai 196385, le juge a estimé que constituait une
concurrence parasitaire le fait, pour le propriétaire d’un
magasin, d’utiliser dans la publicité une marque pour attirer
la clientèle vers un autre produit, une telle politique de marque
d’appel consistant à usurper à son profit personnel le prestige
et le pouvoir attractif d’une marque ne lui appartenant pas.

85 Affaire SPORTEX, RIPA 1963, p. 3.

La réglementation de la vente commerciale 105


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

2- L’usurpation de la technique d’autrui


Partant de l’usurpation de notoriété et le fait qu’une renommée
se fonde entre autres sur des investissements matériels et
intellectuels notables de façon à constituer une valeur
économique, la doctrine et la jurisprudence ont élargi le
concept d’agissements parasitaires à des situations
comparables.

Cependant la doctrine met certaines restrictions à l’action pour


agissements parasitaires dans ce cas :
- Les biens juridiques tombés dans le domaine
public ne sont pas protégeables.
- Il s’agit d’une action subsidiaire qui n’est
recevable que si aucune autre action n’est disponible.
En revanche, l’agissement parasitaire peut consister en un
acte isolé ou momentané et n’a donc pas besoin de perdurer
dans le temps ou dans la répétition et il n’est pas nécessaire
qu’il crée une confusion.

3- L’usurpation de l’idée d’autrui


La jurisprudence a pu sanctionner l’usurpation d’une simple
idée par voie de concurrence ou d’actes parasitaires : « la
reprise systématique d’éléments même banals » d’un modèle,
sans « aucune justification », entraînant une confusion dans
l’esprit du public, est constitutive de concurrence parasitaire.
Il ne s’agit pas pour autant de protéger, grâce au parasitisme,
toutes les idées : une telle protection ne devrait être possible
que pour des idées à valeur économique qui ont été détournées
de façon déloyale et cela dans un but lucratif.
Ainsi, des agissements parasitaires ont été retenus dans une
espèce concernant des crus de vins portant un nom de
Château86.

86Cour d’appel de Bordeaux, 27 janvier 1976, Gaz. Pal. 22 janvier 1978, p. 20 – affaire Château
Lynch-Bages et Lynch-Moussas contre Château Dauzac-Lynch.

La réglementation de la vente commerciale 106


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Ainsi, également, « la diffusion de dépliants publicitaires portant


la même inspiration, la fabrication d’emballages semblables et
la promotion de vente orientée dans le même sens » constituent
un ensemble d’actes de concurrence parasitaire.
Ainsi encore, l’imitation du slogan d’un concurrent pour « hotte
de cuisine » a été jugée comme concurrence parasitaire. En
effet, au slogan « le chef a plus d’une bonne recette sous son
chapeau… et une hotte efficace pour en garder les secrets », on
ne pouvait opposer « le chef a plus d’une bonne recette sous son
chapeau… et une hotte parfaite pour en évacuer les secrets ».

Paragraphe 2- Le préjudice et le lien de causalité


La concurrence déloyale est combattue par une action dite
action en concurrence déloyale. Le parasitisme est un acte de
déloyauté qui est aussi sanctionné.

La jurisprudence fonde l'action en concurrence déloyale, de


même que l’action contre le parasitisme, sur la responsabilité
civile pour faute. Elle estime que la déloyauté dans la
concurrence est une faute qui oblige à réparation par
application des articles 1382 et 1383 du code civil87. Ce qui
suppose :
- une faute constituée par les faits et/ou actes déloyaux ;
- un préjudice causé par cette faute qui consiste dans le
détournement de la clientèle ;
En effet, le préjudice peut être matériel ou moral (perte de
chiffre d’affaires due à la perte de clientèle, atteinte à
l’honneur).
Habituellement, la faute déloyale entraine un transfert de
clientèle. La clientèle perdue passe du fonds de commerce de
la victime à celui de l’auteur de la concurrence déloyale. Le cas
se rencontre chaque fois que le concurrent et la victime
exercent des activités identiques ou voisines.

87 Cass. Com 30 janvier 1996 D. 1997 P.232 ; Cass. Com 18 avril 1958 D. 1959 P.87

La réglementation de la vente commerciale 107


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Exceptionnellement, la faute déloyale entraine une perte pure


et simple de clientèle. La clientèle perdue par la victime peut
ne pas s’attacher à l’auteur de la concurrence déloyale. Il n’y a
pas alors transfert artificiel de la clientèle, mais diminution
absolue de celle-ci. Le cas se rencontre en matière de
parasitisme, c’est-à-dire lorsqu’un commerçant cherche à
s’approprier indûment la renommée commerciale d’un autre
commerçant qui n’est pas son concurrent parce qu’il exerce
son activité dans un domaine différent.
- Un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Le lien de causalité entre la faute et le préjudice est parfois
difficile à mettre en évidence, car comment savoir si la perte de
clientèle a bien été provoquée et provoquée uniquement l’acte
de concurrence déloyale. De plus, la concurrence déloyale
provoque souvent des effets à long terme de caractère
cumulatif et la clientèle est le plus souvent « moutonnière ».
Toutes ces appréciations étant délicates, les tribunaux font
preuve de souplesse. L’exigence du lien de causalité est allégée,
voire supprimée. En clair, la jurisprudence admet donc une
présomption de préjudice et de lien de causalité si la faute est
prouvée. A l’analyse, on se rend compte que l’action en
concurrence déloyale dépasse le cadre de la responsabilité
civile puisqu’elle est permise sans qu’il soit nécessaire de
démontrer l’existence d’un préjudice actuel.
Seul un concurrent, victime de concurrence déloyale peut agir.
La plupart du temps, la juridiction compétente est le tribunal
de commerce. Le tribunal peut accorder des dommages-
intérêts en réparation du préjudice subi et ordonner la
publication du jugement. Le tribunal peut surtout faire cesser
les pratiques déloyales et la décision peut être assortie
d’astreinte (condamnation d’un débiteur à payer chaque jour
une somme déterminée jusqu’à ce qu’il exécute une obligation).
Par ailleurs le tribunal peut, certes, accorder des dommages et
intérêts mais les sanctions judiciaires n'ont pas pour seul objet
la réparation du préjudice; bien souvent ce sont des mesures
préventives; par ex. Le juge pourra ordonner à un commerçant

La réglementation de la vente commerciale 108


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

de faire cesser la confusion en adjoignant un prénom à son


patronyme.
Un autre fondement a donc été proposé par la doctrine à
l'action en concurrence déloyale: il s'agirait plutôt d'une action
qui protège la propriété du fonds de commerce c'est-à-dire le
droit de conserver une clientèle.

Section 5- Les organes chargés de l’application de


l’Ordonnance sur la concurrence
Le contrôle des dispositions des dispositions relatives à la
concurrence relève à la fois des organes administratifs et des
autorités judiciaires.

Paragraphe 1- Les organes administratifs


Les organes administratifs sont chargés de rechercher tous les
comportements portant atteinte, d’une part, aux règles de la
transparence et, d’autre part, au libre fonctionnement du
marché. Pour ce faire, ils disposent de pouvoirs d’enquête
définis aux articles 30 à 34 de l’Ordonnance de 2013 sur la
concurrence.
Ces organes administratifs interviennent selon la nature
des actes.

A- Le domaine d’intervention de la Direction


chargée du contrôle de la concurrence
Les pouvoirs d’enquête dévolus à la Direction chargée du
contrôle de la concurrence dans la recherche et la constatation
des comportements délictueux couvrent un vaste champ
d’application allant de la réglementation des prix de certains
produits à la transparence du marché et aux abus de
concurrence individuels ou collectifs. Aussi toutes les
pratiques anticoncurrentielles peuvent faire l’objet d’enquêtes
de la Direction chargée du contrôle de la concurrence.

La réglementation de la vente commerciale 109


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

A l’issue des différentes enquêtes, cette Direction procède soit


à la constatation des infractions par des procès-verbaux88 et à
la transaction, soit à la transmission des procès-verbaux et
rapports à la Commission de la concurrence et de la Lutte
contre la Vie chère.

B- La Commission de la concurrence et de la Lutte


contre la Vie chère
Pour empêcher les pratiques anticoncurrentielles ou
contrecarrer leurs effets, la loi a institué une autorité
dénommée "Commission de la concurrence et de la Lutte
contre la Vie chère"89. C’est un organisme consultatif de type
administratif ; il n’est doté d’aucun pouvoir de décision. La loi
lui confère seulement un pouvoir consultatif général pour
toutes les questions de concurrence dont la Commission est
saisie ou dont elle se saisit elle-même.
Cependant, il lui est permis également de rendre un avis pour
le règlement du contentieux des ententes illicites, des abus de
positions dominantes et des concentrations économiques selon
les mêmes procédures que celles qui ont cours devant les
tribunaux90.
Les principaux avis rendus par la commission :

Comme indiqué plus haut, la Commission de la concurrence


et de la Lutte contre la Vie chère n’a aucun pouvoir de décision.
Elle ne rend que des avis conformément à ses compétences.
Le bilan des activités de la Commission de la concurrence,
avant son statut émanant de l’Ordonnance de 2013 sur la
concurrence, pour les premières années de fonctionnement est
consigné dans les deux premiers rapports d’activité à partir
desquels sont tirés les principaux avis ayant fait l’objet de
décisions ministérielles.

88 V. articles 31 à 33 de l’Ordonnance de 2013.


89 V. articles 7 à 10 de l’Ordonnance de 2013.
90 V. article 9 de l’Ordonnance de 2013.

La réglementation de la vente commerciale 110


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

1- Avis consultatifs
En application des articles 1, 2 et 62, la Commission a été
sollicitée pour donner son avis sur certaines réglementations.
Il s’est agit de : l’avis n° 94001 AC du 12 janvier 1994 relatif
au projet de décret portant blocage des prix et des marges des
produits, marchandises et services en Côte d’Ivoire à la suite
de la dévaluation du franc CFA ; l’avis n° 94006 AC du 18
octobre 1994 relatif au projet de décret portant modification de
l’annexe du décret n° 9250 du 29 janvier 1992 portant
réglementation de la concurrence et des prix.

2- Le contentieux des ententes et des abus de


position dominante
La Commission de la concurrence a compétence pour rendre
un avis pour le règlement des ententes illicites, des abus de
position dominante et des concentrations économiques91.
- En matière d’entente prohibée, la Commission a rendu
l’avis n° 002 CTX du 27 mars 1996 relatif à des pratiques
anticoncurrentielles relevées dans le secteur des transports
interurbains de voyageurs. En effet, la Commission, ayant
prouvé l’existence d’une concertation sur les prix entre les
sociétés UTB et STIF sur la ligne Abidjan-Bouaké (330 km), a
recommandé au Ministre d’infliger à chacune d’elles une
sanction pécuniaire de 5000 000 F. CFA.
- En ce qui concerne les abus de position dominante, sur
plainte de la Chambre d’industrie et du commerce et du
Ministre chargé du commerce, la Commission a procédé à des
enquêtes dans le secteur de la production et de la distribution
de boissons gazeuses sucrées et de bières. A la suite des
investigations, il est ressorti que la société SOLIBRA en
position dominante dans le secteur a contrevenu à l’article 8
en : « portant atteinte à la liberté commerciale de ses
distributeurs par l’imposition d’un prix de revente obligatoire ;
procédant à l’agréation discriminatoire des clients ». L’avis émis
recommande au Ministre : « d’appliquer une sanction

91 V. article 8 de l’Ordonnance de 2013.

La réglementation de la vente commerciale 111


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

pécuniaire de 35 000 000 F. CFA à l’encontre de la SOLIBRA ;


de faire publier à ses frais la publication de la décision
ministérielle faisant suite à l’avis ».

C- Le Ministre chargé du commerce


Les articles 9 et 35 et suiv., notamment, de l’Ordonnance de
2013 donnent au Ministre chargé du commerce le pouvoir
d’exercer l’action publique concernant les infractions prévues
par l’Ordonnance de 2013 et peut même transiger.
Les décisions ministérielles comprennent également des
injonctions, des sanctions pécuniaires et la fermeture des
magasins, ateliers et autres.

Paragraphe 2- Les juridictions de l’ordre judiciaire


Les comportements visés par l’Ordonnance peuvent être
déférés aux juridictions de l’ordre judiciaire. Celles-ci peuvent
être appelées à intervenir dans deux sortes de situations : s’il
s’agit de faits non susceptibles de qualification pénale, l’action
est intentée devant les juridictions civiles ou commerciales ; s’il
s’agit d’infractions, l’action est portée devant les juridictions
pénales.

A- L’intervention des juridictions civiles ou


commerciales
Le juge civil ou commercial peut être saisi d’une action dirigée
contre les personnes physiques ou morales dont les
comportements causent un préjudice à un opérateur
économique ou à la collectivité.
Ces comportements peuvent consister en refus de vente,
pratiques discriminatoires, ventes liées.
Il peut aussi s’agir d’entente et de position dominante. Dans ce
cas, l’action au principal peut être une action en annulation
des accords.

La réglementation de la vente commerciale 112


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

B- L’intervention des juridictions répressives


Le juge pénal peut être saisi de faits constituant une infraction,
qu’il s’agisse d’un délit ou d’une contravention. La loi retient
comme délits passibles du tribunal correctionnel la revente à
perte, les pratiques des prix imposés, la vente à la boule de
neige et les ventes avec primes.
En outre, toute personne ayant personnellement participé à la
mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles peut être
pénalement poursuivie, tout comme le refus pour tout
contrevenant de communiquer des informations aux
enquêteurs.

La réglementation de la vente commerciale 113


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Chapitre 2- Quelques modalités de vente


commerciale

Il sera étudié les ventes à l’agréage d’une part et la vente


en libre service et par correspondance d’autre part.

Section 1- La vente à l’agréage


Dans les ventes à l’agréage, le consentement de l’acquéreur
est soumis à une modalité : l’acheteur a la faculté d’accepter
ou de refuser la marchandise suivant son appréciation
personnelle.

Paragraphe 1- La vente avec faculté de reprise ou


de restitution
L’exposé sur la vente avec faculté de reprise précédera celle
avec faculté de restitution.

A- La vente avec faculté de reprise


C’est une vente qui est faite sous la condition que, dans un
certain délai, le vendeur ne trouvera pas un autre acquéreur
qui lui donnera un prix supérieur ou lui fera des offres plus
avantageuses.

Une telle clause peut être apposée à la vente soit en qualité


de condition suspensive, soit comme condition résolutoire.

A moins de convention contraire, l’acheteur peut en


prévenir l’effet en offrant lui-même un prix égal à celui que
présente le nouvel acquéreur.

B- La vente avec faculté de restitution


La vente avec faculté de restitution est la vente qui peut
être faite sous la condition que l’acquéreur revendra les
marchandises qui lui ont été livrées.

Quelques modalités de vente commerciale 114


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Elle peut se présenter sous deux aspects : un contrat


estimatoire ou une vente à condition.
Dans la vente estimatoire, si l’acquéreur ne trouve pas à
revendre les marchandises à lui livrées, il les restitue au
vendeur. Il en est ainsi d’un bijoutier achetant des pierres
précieuses pour les revendre.
Dans la vente à condition, il peut être convenu que l’une ou
l’autre des parties aura la faculté de se départir de la vente
pendant un certain temps. Cette clause est fréquente en
matière commerciale dans les ventes consenties par les grands
magasins. Elle est une condition résolutoire, valable parce
qu’elle est consentie par le créancier. Les risques de la perte
fortuite sont à la charge de l’acheteur.

Paragraphe 2- La vente en disponible


La vente en disponible s’oppose à la vente à livrer : tandis
que dans la vente à livrer, le vendeur dispose d’un terme pour
livrer une marchandise qui peut, lors du contrat, n’être qu’en
cours de fabrication, dans la vente en disponible, la
marchandise doit exister dès le moment où la vente est conclue
et la livraison doit être effectuée immédiatement ou à très bref
délai.
L’expression « vente en disponible » a pris un sens très
particulier : lorsque la marchandise, objet de la vente en
disponible, n’a pas été présentée à l’acquéreur lors de la
conclusion du contrat et qu’il n’existe pas dans les conventions
de stipulations spéciales relatives à la qualité ou à la marque
de la marchandise, l’acquéreur a le droit d’examiner les
marchandises et de les refuser dans un court délai ; son refus
peut être absolument arbitraire, puisqu’il n’a pas encore été en
mesure de connaître l’objet de la vente. Cette faculté
d’agrément qu’a l’acheteur trouve sa source dans les usages
qui en déterminent les conditions : l’acquéreur a le droit de
l’exercer si une clause spéciale ne lui retire pas ; le délai
pendant lequel l’acquéreur doit prendre partie est
extrêmement bref (un à trois jours, y compris le jour de la
vente, suivant la nature des marchandises), ce qui lui interdit
de spéculer sur les fluctuations de cours.

Quelques modalités de vente commerciale 115


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Cette faculté d’agrément donne aussi à l’acheteur un droit


d’option qui doit être exercé d’une manière pure et simple, et
irrévocable ; faute d’être exercée dans le délai, l’option devient
caduque. En effet, l’option de l’acheteur doit être pure et
simple : si la marchandise n’est pas telle que l’acheteur la
voudrait, il ne peut pas exiger que le vendeur consente une
réduction de prix ou fournisse une autre marchandise en
remplacement.

L’option est également irrévocable : une fois que les


marchandises ont été agréées, la vente est définitive et
l’acquéreur ne peut pas revenir sur sa décision, même si les
marchandises présentent des vices apparents (il devrait s’en
apercevoir lors de l’examen auquel il a procédé). Si même il n’a
pris livraison que d’une partie de la marchandise, l’acheteur ne
peut plus revenir sur son option.

Toutefois, la doctrine et la jurisprudence sont unanimes


pour admettre que l’acheteur conserve le droit de résoudre
(action en résolution) la vente pour vice caché, car l’agréage ne
constitue pas une renonciation à garantie92. Il en est de même
si la marchandise n’est pas de la provenance promise ou si elle
ne porte pas la marque convenue.

Quant à la caducité de l’option, il faut dire que l’option de


l’acheteur devient caduque s’il en est privé par une clause de
son contrat, ou si les délais dans lesquels elle est enfermée sont
expirés. En effet, lorsque la vente en disponible est pratiquée
sur une place où l’agréage est d’usage, l’insertion dans le
contrat de la clause « vu et agréé » exclut la faculté pour
l’acheteur de refuse discrétionnairement la marchandise ;
toutefois, cette clause ne saurait évidemment faire obstacle
aux réclamations que pourrait former l’acheteur à raison des
vices cachés ou de la quantité de la marchandise. Il en est de
même si la qualité ou la marque ont été précisées ; le seul effet
produit par la dénomination « vente en disponible » est donc
que la marchandise doit être livrée très rapidement, quoique

92 Alger, 7 déc. 1949, JCP 1950.IV.97.

Quelques modalités de vente commerciale 116


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

les tribunaux admettent parfois que ces stipulations la


transforment en vente à livrer.

Aussi, lorsque l’acheteur n’examine t-il pas la marchandise


dans le délai convenu ou fixé par l’usage, la vente ne se réalise
pas, et le vendeur peut disposer à nouveau des marchandises,
à moins qu’il ne préfère mettre l’acquéreur en demeure de
procéder à l’examen des marchandises et de les agréer ou de
les refuser.

Paragraphe 3- La vente à la dégustation


La vente à la dégustation peut se présenter dans les ventes
dont la chose est individualisée parce que son objet est un
corps certain (dans ce cas, elle est parfaite du jour de la
dégustation ; tel est le cas de la vente d’une chose déterminée
dans son individualité, par exemple, sept tonneaux de vin
situés dans telle cave).
Elle peut se présenter aussi dans les ventes où la chose est
individualisée par sa localisation ; il s’agit alors d’une vente en
bloc (dans ce cas, la simple acceptation du lieu rend la vente
parfaite. Tel est le cas de la vente de la totalité ou d’une part
d’une récolte sur pieds, comme par exemple la vente d’une
récolte de vin. Car la faculté d’agrément dont jouit l’acquéreur
n’a pour objet que le lieu où se trouve la marchandise, et non
la chose qui y est située. Dans l’exemple de la vente d’une
récolte de vin, l’agréage du vignoble rend la vente obligatoire et
l’acquéreur ne peut exercer sa faculté de dégustation sur le vin
qui en résulte.
Elle peut se présenter encore dans les ventes où la chose
est individualisée par pesage, mesurage ou comptage ; il s’agit
alors d’une vente à la mesure. Dans ce cas, le transfert de
propriété n’a lieu qu’au jour du mesurage : ce n’est qu’à cette
date que l’acheteur supporte la charge des risques. Mais la
vente devient obligatoire du jour de l’agréage. Tel est le cas de
tant de tonnes de vin, subordonnée à l’agrément de l’acheteur.
Le transfert de propriété n’a lieu que lorsque le mesurage ou la
dégustation ont été effectués.

Quelques modalités de vente commerciale 117


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

- La vente à dégustation doit être distinguée de la vente sur


échantillon. En effet, dans la vente sur échantillon, le contrat
est exécuté du seul fait que le vendeur livre une marchandise
conforme à l’échantillon antérieurement accepté par
l’acheteur, qui n’a donc pas plus le libre pouvoir d’agréer la
marchandise livrée. Au contraire, dans la vente à dégustation,
l’acheteur a un pouvoir discrétionnaire de refuser la chose.
Cependant, il arrive souvent qu’à l’égard des choses qu’il est
dans l’usage de goûter, la vente à la dégustation se transforme
en une vente sur échantillon : il en est ainsi lorsque, lors des
pourparlers précédant la vente, le vendeur présente un
échantillon à l’acquéreur qui l’accepte. Dans ce cas, si la
marchandise reçue était d’une qualité très inférieure à
l’échantillon, lequel représentait un produit excellent, le
vendeur est, à raison d’un manquement à ses propres
obligations et nonobstant le défaut d’agréage par l’acheteur,
responsable des conséquences dommageables causées à celui-
ci par la mauvaise qualité de la marchandise.
- La vente à dégustation se distingue aussi de la vente à
l’essai. Cette opposition entre ces deux types voisins de vente
vient d’une triple différence tenant au consentement de
l’acquéreur, au mode d’individualisation de la chose et à la date
du transfert de propriété.
En effet, dans la vente à dégustation, la faculté de goûter
est discrétionnaire, tandis que dans la vente à l’essai l’acheteur
doit accepter la marchandise si l’essai est satisfait. En outre,
le plus souvent, la dégustation est nécessaire pour opérer
l’individualisation de la marchandise tandis qu’au cas de vente
à l’essai, l’individualisation est faite avant que la chose soit
proposée à l’essai, puisque la chose est livrée avant l’essai.
Enfin, si le transfert de propriété ne s’opère, en cas de vente à
la dégustation, qu’au jour où celle-ci est exercée, dans le cas
de vente à l’essai, il rétroagit au jour du contrat.
Tout ce qui précède amène bien évidemment à se
demander : quand peut-on parler de vente à la dégustation ?
L’article 1587 du Code civil y répond en présumant que
sont ventes à la dégustation les ventes de choses que l’on est
dans l’usage de goûter avant d’en faire l’achat ; et il donne en

Quelques modalités de vente commerciale 118


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

exemple l’huile et le vin. Mais en droit commercial, aucune


vente n’est présumée être à la dégustation. Sans doute, le fait
qu’une vente soit commerciale n’empêche pas qu’elle puisse
être à la dégustation. Cependant, la vente commerciale étant
un achat pour revendre, l’appréciation personnelle de
l’acquéreur est secondaire, et seules les qualités objectives de
la marchandise doivent être prises en considération. La vente
commerciale n’est donc à la dégustation que s’il y a un usage
constant ou des stipulations expresses en ce sens.
Pour finir avec les développements sur la vente à la
dégustation, il faut dire que les contractants peuvent, soit
stipuler la faculté de dégustation dans les ventes qui ne la
connaissent pas normalement, soit au contraire l’écarter dans
les ventes ayant pour objet des choses qu’il est dans l’usage de
goûter. L’acheteur peut toujours se réserver, par une
stipulation formelle, le droit de déguster une marchandise qui,
d’habitude, ne se déguste pas avant d’en faire l’achat. Il peut
également renoncer de façon expresse ou tacite à la faculté de
dégustation ou d’agréage.

Paragraphe 4- La vente à l’essai


La vente est faite à l’essai lorsque l’acheteur se réserve la
faculté d’essayer la chose à vendre afin de juger si elle lui
convient : la réalisation de la vente est donc subordonnée à la
démonstration des qualités objectives de la chose.
La vente à l’essai porte toujours sur des choses
individualisées, car, pour que l’acheteur puisse effectuer
l’essai, la chose est délivrée à l’acheteur avant que le contrat
ne soit définitivement conclu.
La condition de l’essai doit en principe être
expressément stipulée : elle peut être convenue à l’égard de
toutes les marchandises devant recevoir une destination
particulière, telles que des machines, des moteurs, des
automobiles, etc. Néanmoins, cette condition est sous-
entendue à l’égard des choses pour lesquelles l’essai préalable
est d’usage constant : par exemple, pour les vêtements faits
sur mesure ou pour tous autres objets qui doivent être adaptés
à la personne de l’acheteur.

Quelques modalités de vente commerciale 119


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Selon l’article 1588 du Code civil, « la vente faite à l’essai


est toujours présumée faite sous une condition suspensive ». La
chose reste donc aux risques du vendeur tant que l’acheteur
ne l’a pas essayée et agréée. Mais ce n’est qu’une présomption
de volonté. S’il résulte de la convention ou des circonstances
que les parties ont entendu que l’acheteur deviendrait
immédiatement propriétaire de la chose vendue, sauf à la
restituer après l’essai, si elle ne lui convient pas, l’essai forme,
dans ce cas, une condition résolutoire et la chose se trouve aux
risques de l’acheteur dès le jour de la vente.
Avant l’essai, le vendeur reste propriétaire, la chose est
donc à ses risques. Mais à partir du moment où la chose a été
livrée à l’acheteur, bien qu’elle ne soit pas à ses risques,
l’acheteur en est le dépositaire : il en a la garde, et à ce titre, il
répond du dommage qu’elle peut causer ; il doit veiller sur elle
et ne peut l’employer ni à des usages extraordinaires ni pour
en tirer profit.
Après l’essai, les risques sont à la charge de l’acheteur ; il
n’est d’ailleurs pas nécessaire pour cela qu’il ait donné son
agrément exprès ; il suffit que le délai d’essai stipulé par le
contrat ou prévu par l’usage soit écoulé.
En outre, l’essai doit en principe être effectué par
l’acheteur lui-même ; mais il peut l’être par le vendeur en sa
présence. L’acheteur peut même en charger un tiers qu’il
estime plus compétent que lui. Il n’est donc pas nécessaire,
sauf convention ou usage contraire, que l’essai soit fait
contradictoirement avec le vendeur.
Il faut aussi dire que si l’acheteur décède avant d’avoir fait
l’essai, ses héritiers ont, comme lui, le droit et l’obligation de le
faire. Cependant, lorsqu’il s’agit de choses comportant une
part d’appréciation personnelle, le décès de l’acheteur rend
l’essai désormais impossible ; on doit donc supposer que le
contrat est résolu par le fait même, puisqu’il ne pouvait se
réaliser qu’à la condition que l’acheteur vivrait.
Autre chose, lorsque le temps de l’essai a expiré sans
que l’acheteur ait manifesté sa décision, il faut distinguer
selon que la vente a été faite sous condition résolutoire ou sous
condition suspensive : au cas exceptionnel où la condition

Quelques modalités de vente commerciale 120


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

d’essai est résolutoire (et non suspensive), l’expiration du délai


fixé pour l’essai aurait pour effet de rendre la vente pure et
simple. Mais si la condition est suspensive, le vendeur a le
choix entre le maintien du contrat et sa caducité. Le vendeur
peut condamner l’acheteur à garder la chose comme l’ayant
agréée si celle-ci ne comporte pas une part de goût personnel ;
il exercera cette option au cas de perte fortuite93 de la chose
afin d’en faire supporter la charge de l’acheteur déclaré
propriétaire. Ainsi, il a été jugé que le fait par l’acheteur de
conserver la chose sans observation après l’expiration du délai
d’essai met à sa charge les risques de perte de chose survenue
pendant le voyage de retour au vendeur.
Par ailleurs, le vendeur peut également considérer le
contrat comme nul, faute d’accomplissement de la condition ;
il a le droit, dès lors, de disposer de la marchandise. Il peut,
dans ce cas, demander en outre des dommages-intérêts.
S’agissant du délai requis pour effectuer l’essai, si ni la
convention ni l’usage ne le déterminent, et que le vendeur ait
mis l’acheteur en demeure de faire l’essai de la chose vendue,
la chose passe aux risques de l’acheteur, conformément à
l’article 1138 du Code civil.
Pour finir, il faut dire qu’une fois l’essai terminé, l’acheteur
a le droit d’accepter ou de refuser la marchandise. La question
se pose alors de savoir si l’acheteur jouit d’un pouvoir
discrétionnaire en ce sens, ou s’il n’aurait pas un tel
pouvoir discrétionnaire pouvant dès lors prouver que
l’essai a été satisfaisant.
Comme réponse, il faut faire une distinction selon la nature
de la chose vendue : si l’essai a été stipulé pour démontrer les
qualités objectives de la chose, le vendeur pourrait faire vérifier
par des experts si la chose est susceptible de servir à l’usage
en vue duquel elle a été achetée. Cependant, il a été jugé que

93Cas fortuit : au sens large, synonyme de « force majeure ». Dans un sens étroit, il s’agit d’une
impossibilité d’exécuter une obligation tenant à des causes internes (vice du matériel, par
exemple). La majeure est, au sens large, tout évènement imprévisible et insurmontable
empêchant le débiteur d’exécuter son obligation ; la force majeure est exonératoire. Au sens
étroit, la force majeure s’oppose au cas fortuit ; elle est un évènement d’origine externe, en ce
sens que le fait doit être absolument étranger à la personne du débiteur (force de la nature, fait
d’un tiers, fait du prince).

Quelques modalités de vente commerciale 121


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

l’acheteur avait un droit discrétionnaire, sauf abus de droit 94.


Au contraire, lorsqu’il s’agit de choses comportant une part
d’appréciation et de goût personnel comme les objets d’arts ou
les vêtements sur mesure, le vendeur ne pourrait passer outre
le refus de l’acheteur95. La vente à l’essai se rapproche dans ce
cas à une vente à la dégustation.
En ce qui concerne l’option de l’acheteur, après l’essai,
l’exercice de cette option est irrévocable : l’acheteur ne saurait
accepter la chose puis demander la résolution de la vente sous
prétexte que la chose ne lui convient pas. Aussi, lorsque, après
l’essai, l’acheteur accepte la chose, la condition s’accomplit, et
son droit de propriété rétroagit au jour du contrat. Il peut, en
conséquence, se prévaloir de son droit soit à l’encontre des
créanciers du vendeur qui auraient fait saisir la chose vendue,
soit envers la masse en cas de mise en « faillite » du vendeur
depuis la vente.
De même, lorsque l’essai a réussi, la charge des risques
pèse sur l’acheteur. Mais la rétroactivité de la conditionne se
produit pas de sorte que si, avant l’essai, la chose avait été
détruite, réquisitionnée ou endommagée, l’essai n’aurait pu se
produire et les risques resteraient au vendeur. Enfin, la vente
ne devenant définitive qu’après la réussite de l’essai, c’est
seulement à partir de cette date que les délais pour la garantie
commencent à courir.

Section 2- La vente en libre service et par


correspondance
Il sera successivement étudié les ventes en libre service et
les ventes par correspondance.

Paragraphe 1- La vente en libre service


Dans les ventes en libre service, le client se sert lui-même
des produits qu’il a l’intention d’acheter, et les paye en quittant
le magasin. Le transfert de propriété ici a lieu dès l’échange des
consentements, et le moment du transfert de propriété

94 Trib. com. Paris, 27 nov. 1968, Gaz. Pal. 1969.2.69


95 Le Havre, 18 oct. 1924, Gaz. Pal. 1924.2.555.

Quelques modalités de vente commerciale 122


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

commande la charge des risques (par exemple, bousculé, le


client a laissé tomber un récipient qui se brise) et surtout
l’existence d’un vol.
En effet, on peut se demander s’il y a vol lorsque le client
quitte le magasin sans avoir payé les marchandises qu’il a
prises. Il a été jugé que « la remise définitive de l’objet vendu
n’est consentie par le vendeur à l’acheteur qu’au moment du
versement du prix ; il y a jusque-là une détention matérielle
provisoire qui ne modifie pas les droits du vendeur »96.
Pour préciser le moment auquel l’intention frauduleuse est
constituée, des tribunaux ont décidé que « le vol ne peut être
caractérisé que si le client franchit la caisse sans déclarer et
sans payer les articles dont il s’est contractuellement rendu
détenteur »97. Certaines décisions ont ajouté que le délit de
tentative de vol est caractérisé dès que le client, par les
circonstances qui entourent l’appréhension de la chose, a
manifesté son intention de se l’approprier sans payer, et par
son comportement suffisamment indiqué qu’il n’entendait pas
se désister de son acte98.

Paragraphe 2- La vente par correspondance (vente


entre absents)
Cette modalité de vente se fait entre personnes qui ne sont
pas présentes au même lieu : l’échange de consentements
s’effectue par lettres, téléphone, télégramme, internet, ou tout
autre moyen de communication. Les règles relatives à la
formation du contrat relèvent du droit civil. La date et le lieu
auxquels le contrat est conclu dépendent de la volonté des
parties, de leurs habitudes et des usages ; cela explique que
les juges du fond aient en la matière un pouvoir souverain.
Seulement, il faut préciser que les règles suivantes sont
généralement applicables :
- Le pollicitant peut révoquer son offre jusqu’à ce qu’il

96 Crim. 4 juin 1915, D. P. 1921, 1, 57 ; Crim. 30 mai 1958, J.C.P. 1958. II. 10809, note
Chavanne.
97 Trib. gde inst. Seine, 12 juin 1967, J.C.P. 1967. II. 15295, note De Lestang ; Trib. corr. Dijon,

28 févr. 1973, J.C.P. 1974. II. 17803, note crit. Puech.


98 Trib. corr. Dijon, 28 févr. 1973, précité.

Quelques modalités de vente commerciale 123


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

ait reçu l’acceptation de l’acquéreur. Mais après réception de


l’acceptation, l’offre devient irrévocable ; la proposition que
ferait alors le vendeur par correspondance de ne pas livrer
l’objet promis et de rembourser l’acquéreur, ou de lui remettre
un objet similaire, ou de lui faire une ouverture de crédit ne
s’imposerait pas à l’acquéreur qui pourrait lui réclamer le
remboursement de son préjudice.

- L’acceptation peut être révoquée tant qu’elle n’est


pas parvenue au pollicitant (par exemple, un bon de
commande expédié par lettre peut être révoqué par un
télégramme si ce dernier parvient avant la lettre).

- Le lieu où le contrat est conclu est celui où


l’acceptation a été donnée, sauf clause ou usage contraires.

- Pour l’exposé des autres règles, une des applications


particulières de la vente par correspondance pourrait y aider.
C’est le commerce de détail effectué par de grands magasins
ou entreprises spécialisées :

L’offre se fait dans ce cas par des catalogues envoyés au


domicile des clients éventuels ou insertion publicitaire dans la
presse. Pour que la volonté du destinataire soit éclairée,
l’annonce ou le catalogue doit décrire le produit avec précision.
Le délai de livraison, après réception de la commande, doit être
raisonnable. Si la marchandise vendue n’a pas été livrée dans
le délai, la pratique commerciale admet que le client peut
refuser la marchandise ; il peut aussi, au cas de préjudice,
obtenir une indemnisation. La charge du coût de l’expédition
est déterminée par le contrat. Dans la pratique commerciale,
elle doit être supportée par l’acquéreur si la commande ne
dépasse pas un certain prix ; elle est à la charge du vendeur
dans le cas contraire. Quant aux obligations des parties, elles
obéissent aux règles de la vente. Le client qui n’est pas satisfait
de la marchandise envoyée peut la retourner au vendeur, à la
condition de le faire sans retard. Quant au prix, il est payable
soit au comptant – à la commande ou à la livraison – soit au

Quelques modalités de vente commerciale 124


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

crédit (dans ce dernier cas, il doit obéir aux règles générales de


la vente à crédit).

Enfin, la vente par correspondance doit respecter


l’ensemble des règles relatives à la vente, notamment celles qui
prohibent la vente par envoi forcée, la publicité mensongère et
la publicité des boissons alcoolisées.

Quelques modalités de vente commerciale 125


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Titre II
Le contrat de crédit-bail ou leasing

Le contrat de crédit-bail ou leasing 127


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Chapitre liminaire- Généralités

Technique contractuelle forgée par la pratique américaine,


qui l’a diffusée à partir des années 1950, le crédit-bail a pénétré
la vie commerciale sous le nom de leasing.

Le crédit-bail ou leasing est une opération commerciale et


financière réalisée par les banques et établissements
financiers, ou par une société de crédit-bail légalement
habilitée et expressément agréée en cette qualité, avec des
opérateurs économiques nationaux ou étrangers, personnes
physiques ou personnes morales, de droit public ou de privé.
Cette opération qui a pour support un contrat de location
pouvant comporter ou non une option d’achat au profit du
locataire, porte exclusivement sur des biens meubles ou
immeubles, à usage professionnel ou sur fonds de commerce
ou sur établissements artisanaux.

Le crédit-bail se définit comme la technique contractuelle


de crédit à moyen terme par laquelle une entreprise dite de
crédit-bail acquiert, sur la demande d’un client (crédit-
preneur), la propriété de biens d’équipements mobiliers ou
immobiliers à usage professionnel en vue de les donner en
location à ce dernier pour une durée déterminée et en
contrepartie de redevances ou de loyers.

Ainsi défini, le leasing présente un intérêt certain aussi


bien pour l’établissement de crédit-bail « loueur » que pour le
crédit « locataire ».

- Pour l’établissement de crédit-bail, les intérêts sont à


situer sur le plan juridique et économique. Le premier de ces
avantages est celui de la sécurité. La récupération du bien en
cas de non-paiement en est grandement facilitée. Il n’y a pas
besoin d’aller au procès, de faire appel à la justice pour
récupérer le bien ; le « loueur » en est propriétaire, il peut donc
le récupérer de plein droit. Dans le cas des procédures

Généralités 128
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

collectives, le leasing a priorité sur l’apurement du passif du


débiteur. Un autre de ses avantages est que l’entreprise de
crédit-bail se décharge, dans le cadre du contrat, de toutes les
contraintes du propriétaire des risques sur la chose et des
risques causés par la chose au moyen d’assurance et
également des obligations du bailleur (le locataire est
directement intéressé à l’entretien du matériel qui lui est
« loué » car il a une garantie de pouvoir le racheter en fin de
période si le contrat le permet).

- Pour le crédit « locataire », il n’a pas besoin d’avoir un


« historique » de crédit, de garanties matérielles ou de garant
ayant un capital (le matériel lui-même sert de garantie). Et
même lorsque la garantie est demandée, le dépôt de garantie
réclamé est très souvent plus faible que celui demandé pour
un crédit. Par ailleurs, les loyers sont en général fixés selon des
formules souples que les crédits classiques. En général, les
loyers sont fixés en fonction de la rentabilité du matériel.

Le leasing a été introduit en Côte d’Ivoire en 1970 par le


décret n° 70-06 du 7 janvier 197099. Ce texte permet de dégager
les éléments fondamentaux qui lui donnent la qualification de
crédit-bail et de le distinguer ainsi des contrats qui lui sont
proches. Il donne également un aperçu du déroulement de
l’opération de crédit-bail (ou sa formation) et les droits et
obligations des parties.

99Décret « fixant les conditions dans lesquelles les sociétés de leasing ou de crédit-bail sont
habilitées à exercer leur activité », J.O.R.C.I. n° 5 du 22/01/1970, p. 113. V. Annexe…

Généralités 129
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Chapitre 1- Nature et autonomie du contrat


de crédit-bail

La nature juridique du crédit-bail est difficile à cerner


d’autant que règne une certaine confusion entre l’opération
de crédit-bail et le contrat de crédit-bail proprement dit.

En effet, l’opération du crédit-bail est une opération


triangulaire qui tisse des liens entre trois personnes,
l’entreprise prêteuse, le crédité et le vendeur du bien.

Elle aboutit à la conclusion de plusieurs contrats


distincts : le contrat de crédit-bail proprement dit d’une part, et
d’autre part les contrats passés en exécution des obligations
assumées dans le contrat de contrat-bail : achat du bien, vente
ou relocation à la suite de la période de location, assurance, etc.

Il faut dès lors se résigner à reconnaître que le leasing est


un contrat sui generis, que l’on doit se borner à classer dans
les contrats synallagmatiques à exécution successive.

Section 1- Les éléments fondamentaux du contrat de


leasing
De la définition donnée par l’article 1er du décret de 1970,
(« les opérations de crédit-bail sont les opérations de location
d’immeuble à usage professionnel ou d’habitation de matériel,
d’outillage ou de biens d’équipement spécialement achetés par
le bailleur en vue de cette location, et dont les crédits-bailleurs
demeurent propriétaires lorsque ces opérations, quelle que soit
la dénomination, donnent au locataire la faculté d’acquérir au
plus tard à l’expiration du bail, tout ou partie des biens loués,
moyennant un prix convenu tenant compte au moins pour partie
des versements effectués à titre de loyer »), il ressort que la
qualification de crédit-bail résulte de la coexistence de trois
éléments nécessaires et suffisants : 1°) l’achat d’un bien en
vue de sa location, 2°) la location et 3°) la faculté pour le

Nature et autonomie du contrat de crédit-bail 130


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

preneur d’acquérir le bien loué (peu importe la qualification


donnée par les parties, même si cette qualification peut
permettre de dégager leur intention)100.

Ces conditions appellent quelques observations :

- La nature du bien :

Le bien à acheter doit être un bien mobilier ou un bien


immobilier. S’agissant du bien meuble, il doit être un bien
meuble d’équipement, de matériel d’outillage.

Quel sens donner à ces expressions ? Le texte ne fournit


aucune réponse à ce propos. Il est cependant admis que le
terme d’équipement doit être entendu au sens le plus large de
sorte à comprendre tous les biens mobiliers équipant le
locataire. Il est même admis qu’il n’est pas nécessaire que le
matériel soit neuf.

Seulement, cette vision des choses ne semble pas tout à


fait correspondre à l’esprit du crédit-bail. Car si la société de
crédit-bail achète un vieux matériel et le loue, en cas
d’insolvabilité du locataire, le propriétaire risque de se
retrouver avec son matériel sous la main dans la mesure où il
trouverait difficilement un autre preneur, compte tenu de sa
vétusté. C’est pourquoi en pratique, les entreprises de crédit-
bail refusent que le crédit-bail porte sur du matériel d’occasion.
Enfin, on entend par « matériel et outillage » non seulement
tout ce qui touche l’industrie et le commerce, mais aussi tout
ce qui touche l’agriculture, l’artisanat et même les professions
libérales.
A l’analyse, ce n’est pas tant la nature du bien qui a de
l’importance, mais plutôt le but poursuivi par l’acheteur, c’est-
à-dire l’affectation du bien qu’il achète.

100 Voir Lyon 3 octobre 1968, Rev. trim. dr. com. 1970. 188, obs. Hémard.

Nature et autonomie du contrat de crédit-bail 131


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

- L’affectation du bien : la location

Le bien d’équipement ou d’outillage doit être acheté en vue


de la location : cela signifie que le propriétaire bailleur doit
avoir pour activité principale l’achat de certains biens, non pas
pour les revendre immédiatement, mais plutôt pour les donner
en location. En clair, si le bailleur fabrique lui-même le
matériel et le donne en location, on ne serait plus en présence
du contrat de crédit-bail, mais d’un contrat d’une autre nature
(Com. 13 avril 1976, D. 1976, P. 694).
Le bien acheté doit aussi être destiné à une utilisation
professionnelle. Dans ce cas, un bien acheté par une entreprise
de crédit-bail qu’elle donne en location pour une utilisation
personnelle ne peut entrer dans le cadre de l’application du
décret du 7 janvier 1970.
Seront donc exclus les biens destinés à un usage purement
personnel et familial.

- La propriété du bien :
Le bien que donne l’établissement de crédit-bail doit être de
la propriété de ce dernier. Cela fait que l’utilisateur du bien (le
preneur) n’est qu’un simple « locataire » (c’est pour cela que,
comme dit plus haut, en cas de prononcé d’une procédure
collective à l’encontre du « locataire », l’entreprise de crédit-bail
peut toujours revendiquer son bien).
- La faculté pour le preneur d’acquérir le bien loué :
C’est un critère fondamental du crédit-bail, du moins
lorsqu’il s’agit d’un crédit-bail qui l’admet. Cette condition
signifie qu’à l’expiration du bail, le preneur a un droit d’option
qui peut consister en la reprise ou l’acquisition du bien loué (le
preneur a une triple option : acheter le matériel pour une valeur
résiduelle fixée dans le contrat, souscrire un nouveau contrat de
location, ou restituer le bien en bon état).

Nature et autonomie du contrat de crédit-bail 132


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

C’est dire que la promesse de location doit se doubler


d’une promesse unilatérale de vente réalisable en fin de
période de location.

Mais, la faculté d’acquisition ne doit pas consister en une


simple promesse de vente. Elle doit être contractuellement
stipulée, à un prix déterminé à l’avance (lors de la conclusion
du contrat de crédit-bail, le prix d’achat du bien loué doit être
déterminé ou déterminable sinon la promesse unilatérale
serait sans valeur. Et ce prix doit tenir compte, au moins pour
partie, des versements effectués à titre de loyers). Il suit de là
que ne constitue un crédit-bail toute opération de location
qui ne serait pas assortie à une promesse de vente.

Cependant, il faut le préciser, cette acquisition n’est qu’une


simple faculté pour le preneur : on ne saurait stipuler dans
un contrat de leasing que le locataire deviendra
obligatoirement acquéreur.

Enfin, il est à souligner que cette faculté, le preneur ne peut


l’exercer qu’à l’expiration de la période irrévocable stipulée
dans le contrat.

Section 2- La distinction du contrat de crédit-bail


des contrats voisins
La nature juridique du contrat de crédit-bail reste encore
controversée, controverse qui trouve sa source dans le fait que
le crédit-bail résulte d’une fusion de techniques juridiques.
Seulement, il y a lieu de ne pas confondre le crédit-bail et des
contrats voisins qui lui ressemblent comme la location simple
et la location-vente, car le leasing a une nature juridique
propre.
Paragraphe 1- Distinction crédit-bail et location
simple
Si le crédit-bail fait appel à la technique de la location, il ne
peut pas pour autant être ramené à une variante de la location

Nature et autonomie du contrat de crédit-bail 133


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

simple. Il est d’autant plus nécessaire de faire la distinction


que cette dernière connaît aussi un renouveau important dans
le domaine de l’outillage professionnel.

La distinction procède du fait que la location


enchâssée dans le crédit-bail n’en est que l’un des
éléments fondamentaux, inséparable des autres que sont
l’achat en vue de la location et la promesse unilatérale de
vente.

Mais la distinction se manifeste aussi dans la clause


de location elle-même, clause dont les stipulations dérogent
considérablement au droit commun, notamment parce que le
bailleur s’y affranchit de l’obligation d’entretien et de la
garantie des vices cachés.

Paragraphe 2- Distinction crédit-bail et location-


vente
La location-vente est un contrat par lequel le locataire
acquéreur verse pendant un certain temps des mensualités
représentant à la fois un loyer et une partie du prix. Il
n’acquiert la propriété du bien qu’à la dernière échéance.

Il est donc vrai que dans les deux contrats, le locataire a la


jouissance immédiate de la propriété du bien, et il ne devient
propriétaire qu’à la fin de la location. Mais la différence
fondamentale entre les deux contrats, et qui est relatif au
transfert de propriété, est que dans la location-vente, il y a
transfert automatique de propriété à la fin de la location
alors que dans le crédit-bail, il n’y aura transfert de
propriété que si le preneur opte pour l’acquisition du bien
à l’échéance.
En plus, dans le crédit-bail, le locataire a un droit
d’option alors que cette faculté n’est pas connue dans la
location-vente : le locataire s’engage dès le début du contrat à
acquérir le bien à l’issue de la période de location.

Nature et autonomie du contrat de crédit-bail 134


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Enfin, le crédit-bail se différencie de la location-vente


par le caractère unilatéral de la promesse de vente qui ne
lie que le crédit-bailleur alors que la location-vente
contient une promesse synallagmatique de vente qui
oblige les deux parties à la convention.

Section 3- Les différents types de leasing


Il existe deux types de leasing : le leasing financier (ou
financial lease) et le leasing opérationnel (ou operating lease).

Paragraphe 1- Le contrat financier


Le leasing financier est une technique de financement par
laquelle la société de leasing achète un bien déterminé suivant
les indications spécifiques du futur locataire et le lui donne en
location pour une période déterminée. Le locataire obtient
donc un droit d’utilisation.

En réalité, le ‘‘contrat financier’’ se conclut à trois (3) : le


locataire (celui qui va utiliser le matériel) identifie le matériel
souhaité, en négocie le prix et les conditions de livraison.
L’organisme de leasing achète le matériel et en devient
propriétaire, et le met à disposition du « locataire ». Le contrat
de location prévoit que le locataire devient propriétaire du
matériel à l’issue de la période de location s’il le désire ; c’est
donc ce dernier qui prend en charge tous les frais d’entretien
et de gestion du matériel. En effet, l’objectif du leasing
financier est presque toujours d’acquérir le bien loué : le
contrat prévoit donc spécifiquement une option d’achat, qui
peut librement être levée ou non selon le choix du locataire. S’il
lève l’option d’achat, il devient propriétaire du bien en payant
un prix fixé à l’avance qui correspond à la valeur résiduelle.
Dans ce type de contrat, le locataire est propriétaire
économique. Cela implique que le locataire doit reprendre le
matériel dans ses actifs et l’amortir.

En clair, les opérations de crédit-bail sont dites


‘‘leasing financier’’, si le contrat de crédit-bail prévoit le

Nature et autonomie du contrat de crédit-bail 135


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

transfert au locataire de tous les droits, obligations,


avantages, inconvénients et risques liés à la propriété du
bien financé par le crédit-bail, si le contrat de crédit-bail
ne peut être résilié et s’il garantit au bailleur le droit de
recouvrer ses dépenses en capital et se faire rémunérer
les capitaux investis.

Paragraphe 2- Le contrat opérationnel


Le leasing opérationnel s’applique davantage à la location
axée sur l’utilisation pure. Le contrat ne peut prévoir d’option
d’achat. En effet, le ‘‘contrat opérationnel’’ consiste à louer un
matériel pour une période donnée, le « loueur » récupérant
l’élément loué à l’issue de la période contractuelle. Le « loueur »
reloue le matériel à un autre « locataire » et ainsi de suite. Le
loueur récupère donc son capital à travers les loyers successifs
demandés et il prend en charge les dépenses de gestion et
d’entretien du matériel.

Le leasing opérationnel est surtout intéressant pour les


équipements à durée de vie courte ou moyenne. C’est souvent
le cas pour des véhicules en leasing. Le locataire n’est donc pas
obligé de racheter le matériel à la fin du contrat et peut donc
le renouveler régulièrement.

En réalité, à la fin de la période de location, le locataire a


trois possibilités : il peut rendre simplement le matériel,
continuer à le louer à un loyer réduit à convenir avec la société
de leasing en fin de contrat ou, enfin, racheter le matériel à la
société de leasing également à un prix à convenir en fin de
contrat. Le bailleur est donc propriétaire économique.

A l’analyse, les opérations de crédit-bail sont dites


« leasing opérationnel » si la totalité des droits,
obligations, avantages, inconvénients et risques
inhérents au droit de propriété du bien financé n’est pas
transférée au locataire et reste au profit ou à la charge
du bailleur.

Nature et autonomie du contrat de crédit-bail 136


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Seulement, il faut le souligner, ce type de contrat n’est pas


pris en compte par le décret de 1970. Il ne sera donc pas étudié
ici.

En outre, faut-il le dire, en fonction de la nature des biens


auxquels ils s’appliquent, il faut distinguer deux types de
crédit-bail : apparu le premier, le crédit-bail mobilier
constitue en quelque sorte le droit commun de l’opération. Le
crédit-bail immobilier en diffère par quelques traits (qui en
altère la pureté originelle) qu’il suffira de signaler.

Le crédit-bail se définit comme mobilier s’il porte sur


des biens meubles constitués par des équipements ou du
matériel ou de l’outillage nécessaire à l’activité de
l’opération économique. Il se définit comme étant
immobilier s’il porte sur des biens immeubles construits
ou à construire pour les besoins professionnels de
l’opérateur économique.

Nature et autonomie du contrat de crédit-bail 137


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Chapitre 2- Déroulement de l’opération de


crédit-bail

Seront abordées successivement la question de la mise en


place normale de l’opération, les incidents de la mise en place,
et la question des formalités de publicité.

Section 1- La mise en place normale de l’opération


Les schémas de la mise en place de l’opération de crédit-
bail s’écartent des normes habituelles de formation des
contrats en raison de deux (2) données particulières : d’une
part, le choix du bien qui appartient au futur utilisateur ;
d’autre part, la nécessité de conclure, parallèlement au contrat
de crédit-bail, un contrat d’achat avec le fabricant du matériel
choisi.

Toutefois, il faut le préciser, il n’y a pas entre ces 2


contrats, qui sont distincts mais en étroite corrélation, un
ordre chronologique obligatoire. Tantôt, le futur locataire
s’adresse à l’entreprise de crédit-bail avant d’avoir pris aucun
engagement avec le fabricant ; tantôt, il sollicite l’entreprise de
crédit-bail alors qu’il a déjà commandé le matériel dont il a
besoin.

En sus, il faut observer qu’une troisième éventualité peut


se rencontrer, celle où l’utilisateur est lui-même propriétaire
du bien qu’il vend à l’entreprise de crédit-bail (lease-back).
Dans ce cas, la mise en place est beaucoup plus simple
puisqu’elle ne fait naître de rapports qu’entre 2 personnes et
que les 2 contrats, s’ils peuvent être distincts au plan
instrumentaire, sont conclus simultanément.

Déroulement de l’opération de crédit-bail 138


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Paragraphe 1- Conclusion du contrat de crédit-bail


intervenant avant la commande de
matériel
Dans cette hypothèse, le futur utilisateur a normalement
eu des contacts avec le fabricant qui lui ont permis de préciser
son projet ; mais il n’a pris à son égard aucun engagement. Il
présente une demande à l’entreprise de crédit-bail et lui
fournit, avec documents à l’appui, tous les renseignements
qu’il est d’usage de donner lorsqu’on sollicite un crédit :
renseignements d’ordre financier avec production des bilans,
comptes de pertes et profits, et comptes d’exploitation,
renseignements d’ordre final. Il précise le matériel qu’il désire
utiliser (en pratique, on recourt à l’établissement d’une fiche
technique descriptive) ; éventuellement, il fournit une facture
pro forma.

Si la demande est acceptée et le contrat crédit-bail conclu,


l’établissement financier prend l’engagement d’acheter le
matériel spécifié, engagement qu’il exécutera en passant la
commande à son compte sur les indications du client et en
fonction des pourparlers entamés par ce dernier. Car c’est à ce
dernier qu’il appartiendra d’agréer le matériel et d’en prendre
livraison.

Si donc l’entreprise de crédit-bail se dérobait à son


obligation d’acheter le bien spécifié, le client aurait, en vertu
de la théorie générale des contrats, sinon une action en
exécution puisqu’il s’agit d’une obligation de faire – encore
qu’une telle action soit loin d’être inconcevable – du moins une
action en résolution et en dommages-intérêts.

Paragraphe 2- Conclusion du contrat de crédit-bail


intervenant après la commande du
matériel
Il fréquent que l’utilisateur passe commande au fabricant
avant d’avoir obtenu l’accord de l’entreprise de crédit-bail, ne
serait-ce que parce que c’est le fabricant qui lui conseille ce

Déroulement de l’opération de crédit-bail 139


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

mode de financement. Lorsque l’entreprise de crédit-bail


accepte de prêter son concours, elle reprend la commande à
son compte ; un nouveau bon est alors établi à son nom ou un
nouveau contrat rédigé. Cette intervention a posteriori ne
soulève pas de difficultés particulières.

Mais les difficultés apparaissent lorsque le futur utilisateur


ne peut obtenir l’accord de l’organisme de crédit-bail ; il s’agit
alors de savoir s’il peut se délier de son engagement à l’égard
du fabricant avec lequel il avait convenu que l’achat serait
financé de cette façon. Cette convention peut apparaître
comme une condition suspensive dont la défaillance rend la
commande caduque101. Mais on peut également l’interpeller
comme une clause de porte-fort en vertu de laquelle l’éventuel
utilisateur garantit l’exécution de la commande et sa
ratification par une entreprise de crédit-bail, de sorte qu’il reste
personnellement tenu si la ratification n’intervient pas102.

Les deux interprétations possibles doivent inciter


l’éventuel utilisateur qui fait du financement par crédit-bail la
condition sine qua non de sa commande, à le préciser avec la
plus grande netteté.

Section 2- Les incidents de la mise en place


Paragraphe 1- Nullité et disparition du contrat de
vente
La vente du matériel peut être entachée de nullité pour une
raison issue du droit commun comme, par exemple, un vice du
consentement (qui doit être apprécié en la personne de
l’utilisateur s’il a passé la commande en qualité de mandataire
du crédit-bail) : L’annulation de la vente peut être demandée
par l’utilisateur dans la mesure où il a bénéficié du transfert
des droits et actions du crédit-bailleur contre le fabricant.

101 V. Lyon, 3 octobre 1968, Rev. trim, dr. com. 1970. 188, obs. Hémard.
102 V. Rouen, 7 avril 1970, D. 1970 et R.T.D. com. 1971. 169, obs. Hémard.

Déroulement de l’opération de crédit-bail 140


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

L’annulation de la vente a pour effet de mettre à néant le


contrat de crédit-bail par application de la notion de cause.
L’établissement financier doit donc demander une
indemnisation correspondant aux intérêts des sommes
avancées, soit au vendeur si ce dernier est responsable de la
nullité, soit à l’utilisateur dans le cas contraire.

Paragraphe 2- Défectuosité du matériel et retard


dans la livraison
Ces deux incidents donnent naissance à une situation
complexe en raison des relations triangulaires qu’appelle la
mise en place de l’opération de crédit-bail.
A s’en tenir au droit commun, ces deux situations donnent
à l’utilisateur un recours contre le bailleur pour obtenir la
résolution du bail ou des dommages-intérêts.
Quant à l’entreprise de crédit-bail, elle disposerait, suivant
le droit commun, des divers recours ouverts à un acheteur
insatisfait : action en garantie des vices cachés, action en
résolution, action en dommages-intérêts.
Cependant, en raison du caractère purement financier de
leur intervention, en raison du fait qu’elles ne choisissent ni le
vendeur ni le matériel, les entreprises de crédit-bail ne
pouvaient se satisfaire (et ne se satisfont pas) de la situation
offerte par le droit commun. Elles l’ont écartée par un montage
contractuel qui se réalise en double mouvement : elles
stipulent une exonération de la garantie qu’elles doivent en
qualité de bailleur ; en contrepartie, elles transfèrent à
l’utilisateur les droits et actions qui leur appartiennent en
qualité d’acheteur.

A- Exonération de garantie stipulée au profit de


l’entreprise de crédit-bail
Si le bailleur doit, d’une façon générale, la garantie
d’éviction et la garantie des vices cachés qui feraient obstacle
à l’usage de la chose, cette règle n’étant pas considérée comme
d’ordre public, elle peut être écartée par une stipulation

Déroulement de l’opération de crédit-bail 141


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

expresse ou tacite, à condition toutefois que l’exonération ne


soit pas totale. C’est dire que la clause de l’entreprise de crédit-
bail excluant la garantie est a priori valable et a été reconnue
comme telle par la jurisprudence103.

Toutefois, la doctrine considère que la clause de


l’exonération de garantie du bailleur réside dans le transfert à
l’utilisateur de ses droits et actions contre le vendeur, de sorte
que l’exonération ne doit pas jouer dans l’éventualité où ce
transfert n’a pas été réalisé ; d’ailleurs, cette opinion a été
implicitement admise par la jurisprudence104.

De ce lien entre le transfert des actions et l’exonération de


garantie, la jurisprudence a tiré une autre conséquence :
l’utilisateur, qui a reçu le pouvoir d’agir en résolution contre le
vendeur, ne peut pas, en se fondant sur la défectuosité du
matériel, agir en résolution du crédit-bail dès lors qu’il n’a pas
exercé l’action contre le vendeur105.

Pour finir, en l’absence d’une clause expresse (en pratique,


elle est toujours insérée dans le contrat), on pourrait voir une
stipulation d’exonération tacite dans la disposition du contrat
qui transfère à l’acheteur les droits et actions du crédit-
bailleur. Par ailleurs, l’exonération peut éventuellement
résulter du mandat donné à l’utilisateur de choisir du matériel,
de discuter les conditions techniques de la vente et d’agréer le
bien : l’utilisateur ne peut pas en tant que locataire demander
à l’entreprise du crédit-bail réparation d’un préjudice dont il
est responsable en tant que mandataire106.

B- Transfert à l’utilisateur des droits et actions du


crédit-bailleur contre le vendeur
Les contrats de crédit-bail contiennent normalement des

103 V. notamment Com. 30 octobre 1973, Bull. civ. IV, n°303 ; Com. 25 janvier1977, Rev. trim.
dr. com. 1977.578, obs. Hémard.
104 Trochu, note sous Com. 3 janvier 1972, D. 1972.649 ; Com. 30 oct. 1973, op. cit.
105 Com. 4 février 1980, 2 ème esp., D. 1980, Inf. rap. 565, obs. Larroumet.
106 V. Com. 27 janvier 1982, JCP 1982. IV. 131.

Déroulement de l’opération de crédit-bail 142


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

clauses transférant à l’utilisateur des droits et actions du


crédit-bailleur contre le vendeur.

Seulement, ces clauses posent deux problèmes : quelle est


l’étendue des droits transférés ? Dans quelle mesure le
transfert est-il opposable au vendeur du fabricant ?

Aucune réponse globale ne peut être donnée à ces deux


questions, car ces clauses sont très diverses dans la pratique.
Cette diversité a pour conséquence que l’étendue des droits
transmis dépend de la rédaction de la clause. Cependant, en
raison de l’incidence grave de la résolution de la vente sur le
contrat de crédit-bail, les établissements financiers répugnent
à transférer à leurs clients l’action en résolution ou à, tout le
moins, soumettre son exercice à leur accord. L’étendue des
droits peut également dépendre de la technique de transfert à
laquelle il est fait appel, technique qui, par ailleurs, commande
le problème de l’opposabilité au vendeur.

Il convient donc de passer en revue les diverses formules


utilisées :

- Le mandat d’ester en justice : nonobstant la règle « nul


ne plaide par procureur », sa validité est admise. Cette
technique se distingue des autres techniques de transfert par
le fait qu’il ne confère pas une action directe à l’utilisateur qui,
par définition, agit au nom et pour le compte du mandant. De
ce fait, la clause n’a pas à être acceptée par le vendeur ; il suffit
que le locataire ait fait connaître qu’il agissait en qualité de
mandataire107.

L’étendue du mandat dépend des prévisions des parties ;


s’il est général, il permet au locataire d’exercer non seulement
l’action en garantie mais encore l’action en résolution.

- La subrogation : la clause selon laquelle le crédit-


bailleur « subroge » son client dans ses droits et actions est
107 Com. 3 janvier 1972, D.1972.649, note Trochu, JCP 1973.II.17300, note Leloup.

Déroulement de l’opération de crédit-bail 143


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

fréquente. Mais en réalité, il ne s’agit pas d’une véritable


subrogation, car la subrogation est subordonnée à un
paiement concommitant, qui n’existe pas ici. La clause est
donc interprétée comme une cession de créance ou une
délégation, pourvu que le transfert ait été signifié au vendeur
ou accepté par lui. Ainsi entendue, « la subrogation » donne
toute latitude aux parties pour transférer la totalité des droits
du crédit-bailleur ou certains d’entre eux seulement.

- La délégation : les contrats de crédit-bail y font parfois


référence bien que cette technique soit en l’occurrence mal
adaptée et dangereuse pour le vendeur (délégué) qui perd la
possibilité d’opposer à l’utilisateur (délégataire) les exceptions
qu’il aurait pu opposer au crédit-bailleur (délégant). C’est
pourquoi il semble qu’on ne puisse admettre qu’une délégation
imparfaite, puisqu’une délégation parfaite priverait totalement
l’utilisateur de recours contre le bailleur.

Ce mode de transfert exige le consentement exprès du


vendeur, lequel est rarement recueilli en pratique.

Seulement, faut-il le signaler, la jurisprudence qui avait


admis la délégation (V. par exemple, Com. 1er juillet 1975, Bull.
civ. IV, n°186 ou D. 1975, Inf, rap. 197), manifeste
actuellement quelques réticences à la consacrer (V.
notamment, Com. 26 janvier 1977, Bull. civ, n°27, qui a plutôt
approuvé la qualification de cession de créance donnée à une
clause employant le terme de délégation).

Section 3- Formalités de publicité


Hormis le fait que le contrat de leasing est conclu par écrit,
tout contrat de crédit-bail doit être publié, car la publicité est
nécessaire pour toute opération de crédit-bail, même si elle est
consentie à titre occasionnel par une entreprise qui n’a pas le
statut de banque ou d’établissement financier (Com. 15
décembre 1975, D. 1976.678, note Caporale).

Déroulement de l’opération de crédit-bail 144


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Cette publicité est double : il faut une publicité juridique


et une publicité comptable.

- Publicité juridique : elle consiste en une inscription


prise sur un registre spécial tenu au greffe du tribunal. Outre
les renseignements d’usage sur l’identité des parties, les
bordereaux d’inscription indiquent la nature et la description
sommaire du matériel, telles qu’elles ressortent du contrat.

S’il est vrai qu’aucun délai n’est imparti pour prendre


l’inscription, il faut cependant admettre qu’elle serait
inefficace si elle est prise après le jugement qui prononce une
procédure collective à l’encontre de l’utilisateur.

Enfin, l’inscription prend effet à sa date.

- Publicité comptable : il est fait obligation aux


entreprises commerciales, à l’exclusion des autres utilisateurs,
de faire figurer les opérations de crédit-bail dont elles
bénéficient sur les documents comptables. Les loyers versés
doivent être mentionnés sur le compte d’exploitation en
séparant les opérations de crédit-bail mobilier et celles de
crédit-bail immobilier. En annexe au bilan, l’utilisateur doit
faire apparaître sous deux rubriques séparées (« engagement
de crédit-bail mobilier », « engagement de crédit-bail
immobilier »), le montant total des charges restant dues au
moment de la date d’arrêt du document. La violation de cette
double obligation peut faire engager la responsabilité pénale et
civile du contrevenant.

Déroulement de l’opération de crédit-bail 145


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Chapitre 3- Les effets du leasing

Une fois le contrat de crédit-bail a rempli les conditions


nécessaires à sa formation, il fait naître d’abord une période
irrévocable de location. Il est alors impossible pour les parties
de se délier de leurs engagements avant l’arrivée du terme fixé.
Cette période irrévocable de location commence à la date
de la livraison, comme le prévoit le contrat de crédit-bail. Faute
d’une telle précision, c’est cette date qu’il faudrait retenir
comme correspondant à l’intention des parties. La période
s’étend, sous réserve de la résiliation, jusqu’au terme qui est
fixé en fonction de la durée d’amortissement du bien.
Durant cette période irrévocable, la situation, tant dans les
rapports des parties entre elle, que dans leurs rapports avec
les tiers, est en principe gouvernée par le droit commun du
contrat de louage de meubles. Mais, comme la plupart des
règles posées en ce domaine ont un caractère supplétif, les
entreprises de crédit-bail leur apportent des dérogations
importantes dans les contrats qu’elles proposent à leur
clientèle ; de la sorte, la situation, du moins dans les rapports
entre les parties, est en pratique définie par un ensemble de
clauses qu’il est d’usage d’insérer dans les contrats.
Ainsi, convient-il d’examiner les droits et obligations du
crédit-preneur et les droits et obligations de l’entreprise de
crédit-bail.

Section 1- Droits et obligations du crédit-preneur


Paragraphe 1- Utilisation et entretien du matériel
Conformément au droit commun, le preneur a la
jouissance exclusive du matériel qu’il doit utiliser selon la
destination convenue. Il est généralement stipulé qu’il doit se
conformer aux instructions données par le crédit-bailleur. A
défaut d’une telle stipulation, il faut admettre que l’obligation
qui pèse sur tout locataire d’user de la chose en bon père de

Les effets du leasing 146


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

famille l’astreindrait de toute façon à respecter les directives


du crédit-bailleur.
Une clause que l’on rencontre dans tous les contrats met
l’entretien et le poids de toutes les réparations à la charge du
preneur. La validité d’une telle clause n’est pas remise en cause
en raison du caractère supplétif de l’article 1720 Code civil,
d’autant plus qu’en l’occurrence le preneur est appelé à profiter
des frais qu’il doit débourser dans la mesure où il fera jouer la
promesse de vente qui lui a été consentie. Cette clause a
également l’avantage d’éviter les difficultés que pourrait faire
naitre la distinction entre les grosses réparations et les
réparations locatives.
En outre, la qualité de locataire de l’utilisateur rend ce
dernier gardien, au sens de l’article 1384, alinéa 1er, du Code
civil. C’est donc lui qui a intérêt à souscrire une assurance de
responsabilité du fait du matériel ; et d’ailleurs les contrats de
crédit-bail lui font souvent cette obligation. La sanction de
cette obligation ne pourrait résider que dans des dommages-
intérêts.

Paragraphe 2- Paiement des loyers


Le montant des loyers est déterminé librement par les
contractants ; et la périodicité du paiement est également fixée
par les parties.
Les sanctions du défaut de paiement du loyer par le crédit-
locataire sont en principe celles du droit commun, encore que
les entreprises de crédit-bail prennent le soin de les aménager
en stipulant à leur profit une faculté de résiliation pour défaut
de paiement d’une échéance, assortie d’une clause pénale.

Paragraphe 3- Actes interdits


Ne devenant propriétaire qu’à l’expiration du bail (si telle
est son option), l’utilisateur ne peut ni aliéner le bien, ni
constituer sur lui une sûreté réelle. Ces deux opérations
seraient frappées d’une nullité dont les effets ne pourraient
être tempérés par la règle posée par l’article 2279 du Code civil,

Les effets du leasing 147


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

dans la mesure où la propriété du crédit-bailleur est opposable


au tiers acquéreur à titre onéreux. En revanche, la levée de
l’option par l’utilisateur consolide la vente de la chose d’autrui
qu’il a faite pendant la période de location108. D’autre part, la
remise consécutive du matériel exposerait l’utilisateur aux
pénalités de l’abus de confiance.
L’utilisateur souscrit également le plus souvent l’obligation
de ne pas déplacer le matériel et de ne pas le prêter à titre
gracieux, actes que le droit commun de la location n’interdit
pas. Mais cette stipulation n’a en principe qu’un caractère
accessoire de sorte que sa violation ne puisse être sanctionnée
par la résolution du contrat (à moins qu’elle n’ait été
spécialement prévue dans ce cas). L’utilisateur s’exposerait
seulement à des dommages-intérêts.
De même, la cession et la sous-location, bien qu’autorisées
par le droit commun, sont en règle générale interdites par les
contrats de crédit-bail ou, tout le moins, subordonnés à
l’autorisation de l’établissement financier.

Paragraphe 4- Risques de perte et de destruction et


obligation d’assurance
Aux termes de l’article 1722 du Code civil, la destruction
de la chose louée par cas fortuit ou force majeure entraîne la
résiliation de plein droit du bail, règle qui n’est que l’expression
du principe plus général de la théorie des risques.
Les entreprises de crédit-bail, désireuses de préserver le
caractère purement financier de leur intervention, dérogent à
cette règle et stipulent les clauses qui rendent l’utilisateur
responsable de la destruction ou de la détérioration quelle
qu’en soit la cause, ou qui lui interdisent de se prévaloir de la
résiliation en cas de sinistre, ou encore qui prévoit une
résiliation de plein droit avec versement des loyers restant à
courir.

108 Com. 2 juillet 1979, Bull. civ. IV, n°224 ; RTD. com. 1980.138, obs. Hémard.

Les effets du leasing 148


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

On ne peut contester la validité de ces clauses, car ni


l’article 1722 du Code civil, ni le principe plus général de la
théorie des risques ne sont d’ordre public. Toutefois, elles
peuvent être analysées comme des clauses pénales sur
lesquelles le pouvoir modérateur du juge peut s’exercer.

Les entreprises du crédit-bail n’en prennent pas moins le


plus souvent une précaution supplémentaire en imposant à
l’utilisateur l’obligation d’assurer (obligation de prise
d’assurance) le matériel contre les divers dommages auxquels
il est exposé. Parfois même, elles s’assurent directement et
incluent la prime dans le montant des loyers.

Section 2- Droits et obligations de l’entreprise de


crédit-bail
Par le jeu des stipulations habituellement insérées dans le
contrat de crédit-bail, les obligations de l’établissement
financier pendant la période irrévocable de location sont
réduites à l’extrême.
Très souvent déchargé de l’obligation de garantie des vices
cachés (c’est-à-dire cette obligation imposée au bailleur de
permettre au preneur de jouir paisiblement de la chose louée,
article 1719 du Code civil) et de l’obligation d’entretien, il reste
néanmoins tenu de l’obligation d’assurer la jouissance de la
chose et de l’obligation de garantie d’éviction du fait personnel
et du fait des tiers en plus de cette obligation primordiale de
délivrance au preneur de la chose louée avec ses accessoires
(article 1719 du Code civil).
Hormis ces obligations, l’établissement de crédit-bail
conserve de larges pouvoirs ou droit : il demeure, durant la
période de location, propriétaire du matériel objet du crédit-
bail. A ce titre, ce droit est opposable aux créanciers et ayants
cause du crédit preneur.

Pour finir et à titre de rappel, il faut dire qu’à l’expiration


de la période irrévocable de location, l’utilisateur bénéficie
d’une option qui comprend nécessairement deux branches,

Les effets du leasing 149


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

éventuellement trois : il peut soit faire jouer la promesse


unilatérale de vente qui est l’essence du crédit-bail mobilier,
soit mettre fin à l’opération et restituer le matériel. Certains
contrats lui donnent en outre la possibilité d’opter pour une
nouvelle location du matériel.

Telles sont quelques considérations sur le contrat de


leasing surtout mobilier, le crédit-bail immobilier faisant en
plus appel aux réglementations juridiques et fiscales
applicables aux divers contrats relatifs à l’immeuble.

Les effets du leasing 150


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Titre III
Les contrats de la distribution
L’une des évolutions les plus remarquables de la vie des
affaires est la constitution de réseau. Depuis que les
entreprises ont vu la nécessité de la vente par rapport à la
production, les circuits de distribution se sont développés. Le
commerçant isolé tend à disparaître au profit d’une intégration
dans des réseaux de commercialisation. Les vendeurs
s’efforcent désormais d’appliquer la stratégie définie par
quelques chefs de file, bénéficiant d’une image favorable
soutenue par une publicité intense et persuasive.

C’est dire qu’avec le droit de la distribution, il s’agit


d’étudier la réglementation de la liberté d’organiser les réseaux
de distribution des biens et des services.

A cet effet, il faut dire qu’en Côte d’Ivoire, on déplore


toujours l’absence d’un véritable droit de la distribution, celui-
ci se ramenant à quelques articles relatifs au contrat de
concession exclusive.

Et pourtant, les contrats organisant les réseaux de


distribution sont de nature très diverse : contrat de concession
exclusive ; distribution sélective ; agréation ; franchise…

Le législateur ivoirien ne s’est donc intéressé qu’au contrat


de concession exclusive et encore, de façon incidente, dans le
décret 95-29 du 20 janvier 1995 (article 11-4°) pour dire qu’un
tel contrat justifie le refus de vente109.

109Il est curieux qu’un décret prévoie un fait justificatif à un délit pénal que la loi elle-même
(instituant ce délit) n’a pas prévu.

Les contrats de la distribution 152


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Chapitre 1- Les contrats de distribution

Ce sont des contrats-cadre : contrats qui créent un cadre


juridique dans lequel se placeront les ventes successives.

La distribution commerciale peut s’appuyer sur des


contrats de représentation fondés sur le mandat : V.R.P. 110,
agents commerciaux. Le représentant agit alors au nom du
représenté.

Mais un tel système ne permet pas au fabricant des


produits d’assurer une réelle discipline de vente. C’est la raison
pour laquelle le fabricant préfère souvent créer un réseau de
distribution homogène en contractant avec des distributeurs
intégrés à son système de vente. Les fournisseurs et les
distributeurs se lient ainsi avec les commerçants qu’ils
sélectionnent. Cette technique de distribution est appelée
distribution intégrée. On parle de distribution intégrée
parce que les revendeurs concourent à un même dispositif de
distribution.

Cependant, les liens contractuels sont, en effet, plus ou


moins étroits, car parfois la distribution n’est pas exclusive et
les liens contractuels sont assez souples, et alors la
distribution n’est pas homogène. La distribution peut ainsi
comporter exclusivité et il existe un risque de blocage du
marché. On parle de distribution non intégrée.

Toutefois, les contrats de distribution : agréation,


franchise, concession, obéissent au droit commun sous réserve
de l’application de quelques règles particulières. La question
de leur validité et de leur rupture obéit donc aux principes
généraux des contrats mais elle se pose en termes différents
selon le degré d’intégration.

110En France, le représentant de commerce, très souvent appelé VRP (voyageur, représentant
et placier), est un salarié dont la fonction est de démarcher une clientèle, pour le compte d’une
ou plusieurs entreprises.

Les contrats de distribution 153


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Aussi, après avoir montré la diversité de forme des contrats


de distribution, il sera mis en évidence l’unité de leur régime
juridique.

Section 1- La diversité de formes des contrats de


distribution
Il convient donc d’envisager la distribution non intégrée et
la distribution intégrée.

Paragraphe 1- La distribution non intégrée


Cette distribution sans clause d’exclusivité, c’est-à-dire
sans monopole de distribution sur un territoire, se réalise au
moyen :
• soit des contrats d’agréation
• soit des contrats de distribution sélective

Ces deux notions seront envisagées tour à tour.

A- Le contrat d’agréation (distribution agréé)


C’est une formule légère d’insertion dans un processus de
distribution non intégrée car, dans ce type de contrat, le
fournisseur ou fabricant donne simplement une investiture à
un distributeur. Il lui reconnaît une certaine compétence pour
distribuer son matériel et pour en assurer la maintenance par
l’installation ou le service après-vente.
Dans ce contrat, le fabricant ou fournisseur agrée le
distributeur et signale ainsi aux consommateurs et utilisateurs
la compétence professionnelle du distributeur. Une telle
convention présente certains caractères généraux mais
demeure soumise à un régime juridique très souple.

1- Caractères généraux du contrat


Ils résultent de l’absence d’exclusivité et de la souplesse des
liens contractuels entre fabriquant et agrées.

Les contrats de distribution 154


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

a- L’absence d’exclusivité
C’est le trait le plus caractéristique de ce contrat. Le
distributeur agréé ne bénéficie, ni d’un monopole de revente,
ni d’une zone d’exclusivité territoriale : les produits peuvent
être commercialisés par d’autres vendeurs sur le territoire
envisagé. Le distributeur peut s’approvisionner auprès de
fabricants concurrents. Le distributeur est simplement investi
d’une sorte de label, de reconnaissance du fabricant. La
convention est donc parfaitement compatible avec la liberté de
la concurrence puisqu’elle n’entrave ni la faculté de vendre, ni
celle d’acheter.

b- Souplesse des liens contractuels entre les parties


Le distributeur peut se prévaloir de l’agrément et donc de la
qualité qui lui a été reconnue. Il peut utiliser la marque du
producteur sans se rendre coupable de concurrence déloyale.
En général, l’agrément est signalé par un panonceau ou une
affichette : "Distributeur agréé". Il est, en outre, porté sur les
papiers commerciaux.
En contrepartie de ces prérogatives, le distributeur a
l’obligation de respecter les modalités de commercialisation du
produit et certains engagements particuliers sont mis à sa
charge pour assurer la promotion de la marque et
l’homogénéité de la distribution :
• assurer l’installation des matériels ;
• le service après-vente ;
• stock minimal des produits visés par le contrat ;
• respect de règles de gestion technique ou commerciale
conformes aux besoins des producteurs.
Mais ces obligations doivent demeurer légères car le
distributeur ne bénéficie pas d’une exclusivité de vente.

2- Fin du contrat
Le contrat peut prendre fin par le retrait de l’agrément ou par
suite d’un changement dans la personne du cocontractant.

Les contrats de distribution 155


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

a- Le retrait de l’agrément
En principe, le fabricant ou fournisseur peut retirer librement
son agrément : soit que le distributeur n’ait pas satisfait à ses
obligations soit qu’il ne réponde plus aux nouvelles exigences
du producteur. C’est dire que le retrait de l’agrément met fin
au contrat.
Mais, ce retrait d’agrément peut entraîner pour le distributeur
une perte de clientèle car celle-ci risque de se diriger vers le
nouveau distributeur agréé. Aussi, le retrait de l’agrément doit-
il être justifié. A défaut, le distributeur pourrait invoquer l’abus
de droit et réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice
subi.
On le voit :
• le contrat d’agréation est un contrat qui laisse toute
liberté aux parties,
• et qui en cas de rupture obéit au droit commun.

b- Le contrat est conclu intuitu personae


Un changement dans la personne du cocontractant y met fin :
par exemple, décès ou incapacité du cocontractant. En outre,
le contrat n’est pas cessible, ni transmissible. Par conséquent,
au cas de vente du fonds de commerce par le distributeur
agréé, l’acheteur du fonds ne peut prétendre invoquer la
transmission de l’agrément111.
Au total le contrat de distribution agréé soulève peu de
difficultés. Il en est autrement s’il est doublé d’une sélection
des distributeurs.

B- Le contrat de distribution sélective


1- Notion
Définition : Le contrat de distribution sélective est celui « par
lequel le fournisseur s’engage à approvisionner dans un secteur
déterminé un ou plusieurs commerçants qu’il choisit en fonction

111 Com. 8 nov. 1967, Bull. civ. III, n°339.

Les contrats de distribution 156


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

de critères objectifs de caractère qualitatif, sans discrimination


et sans limitation quantitative injustifiée et par lequel le
distributeur est autorisé à vendre d’autres produits
concurrents »112.
Ce contrat consiste donc à choisir un certain nombre de
distributeur en fonction de critères objectifs tenant à la marque
du produit. Les distributeurs ne jouissent d’aucune
exclusivité. La distribution sélective concède essentiellement
des produits de luxe, de prestige, de marque. Ex : Les parfums,
les fourrures.
Cette méthode de commercialisation permet aux fabricants de
commercialiser leurs produits dans de bonnes conditions. Les
distributeurs ont l’avantage d’être vendeur en titre.
Le contrat de distribution se caractérise donc par l’obligation
d’approvisionnement du fournisseur. Celui-ci s’oblige à ne
vendre qu’à ses distributeurs. Ainsi, ceux-ci bénéficient d’une
sorte d’exclusivité. En revanche, ils ne s’obligent pas à
s’approvisionner exclusivement auprès du fournisseur et
peuvent commercialiser d’autres produits.
Ce contrat comporte, en outre, tout une série d’obligations
analogues à celle des contrats d’agréation destinées à assurer
le renom de la marque et à améliorer le service rendu aux
consommateurs : installation du matériel, service après-vente,
pièces de rechange, présentation du matériel, stocks... 113

2- Spécificité (ou difficultés relatives au droit de la


concurrence)
→ C’est l’exclusivité de fourniture que comportent ces
contrats qui soulève des difficultés au regard du droit de la
concurrence et pose le problème de la licéité de cette forme de
distribution.

La distribution sélective semble porter atteinte à la libre

112Crim. 3 nov. 1982, Nina Ricci, GP 1982. 2. 658, note Marchi.


113V. F.Collart-Dutilleul et Ph.Delebecque, Contrats civils et commerciaux, Dalloz 2011, 9
éd.n°961; A.Bénabent, Les contrats spéciaux civils et commerciaux, 2011, 9 éd., p. 441 s.

Les contrats de distribution 157


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

concurrence entre agents commerciaux et ne favorise pas la


baisse des prix. En effet :
Dans la mesure où le fabricant réserve sa production à ses
distributeurs, peut-il refuser de vendre à des tiers ?
L’accord de distribution n’est-il pas une entente prohibée ?
L’exclusivité territoriale ne bloque-t-elle pas la concurrence ?
En outre, la commercialisation des produits par internet par
les distributeurs du réseau ne rend-elle pas inutiles les
réseaux de distribution sélective114.
Toutes ces questions ont été progressivement résolues en
France par la loi et la jurisprudence qui ont défini les
conditions de validité du réseau et sa protection à l’égard des
tiers (On attend de voir en Côte d’Ivoire !)
En effet, s’inspirant des décisions des Cours de justice de la
Communauté Européenne, la jurisprudence française dégage
deux conditions ou principe de validité du contrat de
distribution sélective :
• La sélection des distributeurs doit se faire de manière
objective et non discriminatoire. Pour cela il faut tenir compte
de la qualification professionnelle, de la compétence du
personnel, de l’aménagement du fond commercial et de son
emplacement ;

• Le refus des autres commerçants dans le réseau doit se


justifier uniquement par la promotion de la marque. Tout autre
but entraîne l’annulation de ce contrat. La distribution
sélective doit entraîner l’amélioration de la commercialisation
et stimuler la concurrence. Elle ne doit pas servir à fermer les
circuits de distributions aux autres commerçants. La licéité de
la distribution sélective passe par le respect du droit de la
concurrence.

114V.S. de Sénilhès et O.Roux, « Distribution sélective et commerce électronique : une évolution


inachevée ? », RJDA 5/10, p.447.

Les contrats de distribution 158


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

En effet, on le sait, dans le système de distribution sélective, le


distributeur n’est pas libre de suivre la politique commerciale
qu’il veut. Il doit respecter les directives du fabricant pour que
le produit soit toujours commercialisé dans de bonnes
conditions. Il doit maintenir le standing du point de vente,
présenter les produits de telle façon, disposer d’un personnel
compétent, constituer un stock minimal, valoriser la marque
en pratiquant un certain ordre de prix, et en s’interdisant de
vendre par correspondance ou en libre service.
En cas d’inexécution de l’une de ces obligations, le fabricant
peut demander la résiliation du contrat ou même aller à
l’interdiction de revente hors habilitation. Ainsi le distributeur
ne peut vendre dans un magasin qui ne bénéficie pas ou plus
de l’agrément du fabricant.
Le distributeur ne peut pas non plus vendre à des
commerçants non agréés. Généralement, le respect de ces
obligations est assuré par une clause résolutoire.
Le contrat de distribution sélective peut légitimer un refus de
vente. Ainsi le refus de vente est justifié lorsque la densité
locale du réseau au moment où la demande d’affiliation est
présentée, ne permet pas la création d’un nouveau point de
vente, parce que cette création est de nature à alourdir le prix
de revient et donc susceptible de nuire à l’intérêt économique
du consommateur. On peut se demander si le principe de
distribution sélective autorise le fournisseur à agir en
concurrence déloyale contre les revendeurs extérieurs au
réseau, qui se procurent les produits par des voies parallèles.
A priori, une réponse affirmative peut être donnée parce que
ces revendeurs ne sont pas agréés. Ils ne peuvent donc pas
commercialiser le produit. Aussi, les solutions adoptées dans
la concession exclusive sont inapplicables en matière de
distribution sélective, parce qu’il n’y a pas d’exclusivité.
Cette absence d’exclusivité et la moindre protection qu’elle
entraîne, trouvent leur contre poids dans une action en
concurrence déloyale. La jurisprudence a appliqué cette
solution, mais récemment il y a eu un règlement
jurisprudentiel avec la décision de la Cour de Cassation le 13
Décembre 1988. Elle a considéré que le fait de commercialiser

Les contrats de distribution 159


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

des produits relevant des réseaux de distribution sélective ne


constitue pas en lui-même, en l’absence d’un autre élément,
un acte fautif.
→ Cela étant, il faut dire que la deuxième et certainement
la principale difficulté de la distribution sélective concerne
l’application des critères de choix des revendeurs. Les critères
de choix sont flous et contingents car la mode est évolutive et
une marque peut ne pas rayonner en permanence. Alors
comment faire la preuve de la distribution sélective ?
La jurisprudence fait peser sur les fournisseurs la charge de la
preuve de la réalisation des conditions exigées par la
distribution sélective. Il appartient au fabricant d’établir la
licéité de son réseau considéré dans l’ensemble des
conventions s’y rapportant. La règle se justifie parce que la
distribution sélective est une exception au principe de la libre
concurrence.

Paragraphe 2- La distribution intégrée


La distribution intégrée se traduit par l’établissement de
liens étroits entre le fabricant et ses distributeurs qui sont, en
principe, néanmoins des commerçants indépendants qui
achètent pour revendre. Les contrats de distribution sont
fondamentalement des contrats de vente mais les liens
contractuels sont étroits entre fabricants et vendeurs. Ces
liens peuvent, en fait, entraver la liberté du revendeur, voir la
liberté de la concurrence lorsque le contrat comporte une
clause d’exclusivité territoriale.

Elle présente de nombreux avantages. Par exemple, le


créateur du réseau peut vendre les produits ou les services sous
sa marque et sur tout le territoire. Les membres du réseau ont
aussi la possibilité de diffuser des produits de marque.

Il existe aussi des dangers. Par exemple une concentration


ou une intégration trop forte est de nature à limiter la
concurrence. Elle peut aussi entraîner un déséquilibre des
contrats.

Les contrats de distribution 160


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

La constitution de réseau s’opère par la conclusion de


différents contrats liant les fournisseurs aux distributeurs.
Cette intégration permet de rationaliser la production,
d’homogénéiser la distribution et d’assurer le renom de la
marque.
On le voit, la distribution intégrée se caractérise par une
intégration plus poussée du distributeur au réseau du
fabricant. Il en résulte une multiplicité d’obligations
accessoires à la vente proprement dite des marchandises :
• le fabricant s’oblige, par exemple à installer le
distributeur. Il lui consent des prêts et s’engage à le fournir
exclusivement en marchandises sous sa marque.
• le distributeur doit, de son côté, s’approvisionner
exclusivement auprès du fabricant.

Ce système de distribution a pris la forme du contrat de


concession commerciale, puis du contrat de franchise.

Ces deux conventions présentent des traits communs :


• ce sont des contrats de distribution fondés sur la vente
de produits mais où la vente n’est qu’un aspect de la
convention. Ces contrats sont, en effet, assortis de services.
• ce sont des contrats où les distributeurs, le concédant
ou le franchiseur, sont intégrés dans un même réseau. Il se
produit une indépendance dans l’interdépendance. Il y a une
collaboration étroite entre les parties, une exclusivité de
fourniture et d’approvisionnement.
• comme le concédant, le franchiseur confère à son
partenaire un droit d’usage sur son enseigne, lui promet une
assistance technique (formation de personnel, élaboration de
campagnes publicitaires, conseils juridiques, etc.) et lui
accorde une exclusivité territoriale.

D’où des questions communes : validité, rupture...

Les contrats de distribution 161


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Mais ces deux contrats ne sont pas totalement assimilables


: l’exclusivité n’est pas l’essence du contrat de franchise et
s’accompagne d’autres éléments. En effet, l’exclusivité qui
existe dans le contrat de franchise n’en est que l’un des
éléments, d’autant que le franchising appelle nécessairement
une licence de marque (la franchise est une concession
assortie de la transmission d’un savoir-faire. Elle repose
sur un système « identifié, substantiel, réitérable, fondé
sur un savoir-faire ») : le franchisé doit donc pouvoir
distribuer, sous la marque du fournisseur, d’autres produits et
services qui ne sont pas nécessairement fournis par ce dernier.
Ce qui n’est pas le cas du contrat de concession exclusive dans
lequel le concédé ne peut distribuer que les produits et services
provenant du concédant.

Paragraphe 3- Le contrat de concession


A- Définition
Le contrat de concession est celui par lequel un fabricant ou
un fournisseur, le concédant, confère à un commerçant
indépendant, le concessionnaire, le droit exclusif de distribuer
ses produits sous sa marque et sur un territoire déterminé 115.

Autrement dit, c’est celui par lequel le titulaire d’une marque


appelé concédant, s’engage sur un territoire donné, à ne vendre
qu’à son cocontractant ou concessionnaire, qui s’oblige en
contrepartie à distribuer les biens concédés, et uniquement ces
biens, en respectant la politique commerciale définie par son
partenaire. Ex : Le cas de SARI et Peugeot.
La concession est très pratiquée à l’égard des produits de
masse. Ex : la bière, l’automobile, les matériels agricoles et
outillages.

115V. Ph. le Tourneau, La concession commerciale exclusive, Economica Poche; F. Collart-


Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, Dalloz 2011, 9 éd. n°935; A.
Bénabent, Les contrats spéciaux civils et commerciaux, 2011, 9 éd., p. 441 s.

Les contrats de distribution 162


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Elle permet à des fabricants d’écouler leurs biens dans de


bonnes conditions et d’en surveiller la distribution à travers
leurs réseaux.

B- Notion
C’est donc une convention complexe dans la mesure où elle
allie une exclusivité de vente ou d’achat (voire une exclusivité
réciproque) , une concession de marque et une série
d’obligations annexes, telles que l’installation des produits, la
tenue de stocks de pièces de rechange, l’organisation d’un
service après-vente...

Fondamentalement, la concession sur le plan économique est


une technique particulière de commercialisation des produits
car elle permet au concédant de mettre en place un réseau de
concessionnaires qu’il contrôle et dont il répartit les points de
ventes. Bien que juridiquement, le lien contractuel n’unisse
que le concédant et son concessionnaire, les différents
distributeurs ne sont pas étrangers les uns aux autres car ils
appartiennent à un même réseau.

A cet égard, la concession se rapproche d’autres contrats sans


pouvoir être confondus avec eux :

→ Le contrat de concession est proche du contrat de


vente mais ne s’assimile pas à la vente, car il assure sur un
territoire, pour un temps déterminé, l’exclusivité de la
distribution des produits du concédant par un concessionnaire
au nom et pour le compte de celui-ci. Elle ne peut donc être
assimilée à la seule vente de produits (Civ. 1ère, 15 mars 1988,
Bull. civ. 1, n°83 Aussi elle échappe à la convention La Haye sur
la loi applicable à la vente). Cela a été rappelé par un arrêt de
la Cour de la Cassation du 23 janvier 2007 qui estime que le
contrat de concession exclusive n’est ni un contrat de vente, ni
une fourniture de service (1ère Civ, n°05-12.166, Rev. Contrats
Conc. 2007 n°119 obs. M. Malaurie-Vignal).

Les contrats de distribution 163


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

→ Le contrat de concession est également différent du


mandat. Le concessionnaire agit à ses risques et périls. C’est
un commerçant juridiquement indépendant qui achète et
revend pour son propre compte. Il ne représente pas le
concédant si bien que celui-ci n’est pas obligé par les fautes et
les actes de son contractant.

→ La commercialisation de certains produits est parfois


assurée par des distributeurs agréés. Ceux-ci bénéficient d’une
sorte d’investiture du fabricant ou du grossiste qui reconnaît
leur compétence pour vendre son matériel et pour en assurer
la maintenance par l’installation ou le service après-vente. A la
différence de la concession, un tel contrat d’agréation ne
comporte, en effet, aucune exclusivité de vente et les
obligations liant les parties sont très ténues. Pareillement, le
contrat de distribution sélective qui manifeste une intégration
plus poussée que le précédent ne peut être assimilé à la
concession : se définissant comme celui par lequel le
fournisseur s’engage à approvisionner dans un secteur
déterminé un ou plusieurs commerçants qui peuvent vendre
des produits concurrents. Il ne comporte pas d’exclusivité
territoriale comme la concession. Le fabricant peut, en effet,
multiplier les points de vente.

A la réalité, le contrat de concession ne fait l’objet d’aucune


réglementation particulière. Le droit commun des obligations
et la jurisprudence sont suffisants pour réglementer la
concession.

Cependant face à certaines pratiques et à certains arguments,


une intervention législative devrait être nécessaire, notamment
pour imposer une obligation d‘information au concédant.

Cela étant, il faut dire que le contrat de concession est une


forme plus avancée d’intégration car elle implique un monopole
d’utilisation de marque sur un territoire déterminé. Elle a
connu un succès remarquable dans de nombreux secteurs
(distribution de carburants, de bières, de voitures... outillages,

Les contrats de distribution 164


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

matériel), à raison des avantages qu’elle présente pour le


fabricant comme pour les revendeurs.

C- Intérêts et dangers
1- Les intérêts
❖ Pour le concédant :

Tout d’abord, le contrat permet d’instituer un système de


distribution peu onéreux puisqu’il n’exige aucun
investissement initial, les revendeurs étant des commerçants
indépendants et installés. En outre, le concédant évalue mieux
la demande de ses produits et peut donc en rationaliser la
fabrication. Enfin, ce système de vente permet de pénétrer de
nouveaux marchés et spécialement de faciliter une
implantation à l’étranger, les concessionnaires étant des
commerçants ressortissants du pays d’accueil et en
connaissant les contraintes législatives, politiques ou fiscales.

❖ Pour les distributeurs :

L’intégration dans un réseau de concessionnaires rompt leur


isolement sur le marché et les fait bénéficier de l’expérience du
concédant et surtout de l’appel de clientèle attaché à sa
marque et à la renommée de ses produits, tout en demeurant
juridiquement indépendants et donc libres d’organiser la
revente des marchandises acquises au concédant.

2- Les dangers
La concession présente aussi des dangers car la liberté des
concessionnaires est souvent illusoire précisément parce que
la clientèle est souvent plus attachée à la marque qu’à leur
propre fonds de commerce et que le concédant se trouve en
état de supériorité économique ce qui peut le conduire à
imposer des restrictions de concurrence.

Les contrats de distribution 165


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Après l’étude de la notion et des intérêts et dangers de la


concession, l’étude du contrat de concession exclusive portera
sur la conclusion, l’exécution et la fin de ce contrat.

D- La conclusion du contrat de concession


C’est un contrat consensuel qui se forme par le simple échange
des consentements. Sa preuve est libre puisqu’il s’agit de
commerçants. Les parties au contrat peuvent cependant faire
un écrit pour fixer les principales clauses de leur accord. Cet
écrit permet aussi d’informer clairement le concessionnaire.

Cependant, il est exigé que le concédant fournisse avant la


signature du contrat par le concessionnaire, un document
donnant les informations sincères, qui lui permettent de
s’engager en connaissance de cause. Ces informations portent
sur l’ancienneté et son expérience de l’entreprise, l’état et les
perspectives du développement du marché concerné,
l’importance du réseau d’exploitation, la durée, les conditions
de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi
que le champ des exclusivités. A défaut, on peut penser que le
concessionnaire peut demander la nullité du contrat et le cas
échéant des dommages intérêts.

Les informations doivent être fournies au concessionnaire 20


jours au minimum avant la signature du contrat pour lui
permettre de donner un consentement réfléchi. L’exclusivité
de fourniture contenue dans le contrat de concession
conduit le fournisseur à refuser de contracter avec les
commerçants extérieurs au réseau de distribution. Dans
cette situation, ne peut-on pas dire qu’il y a refus de vente
tombant sur le coup de loi de 1991 ?

La jurisprudence décide que le refus est justifié car tout contrat


de concession contribue à améliorer le service rendu aux
consommateurs. De plus, le contrat de concession répond à
une exigence de progrès économique lorsqu’il laisse la
possibilité aux membres du réseau de se faire une certaine
concurrence. Il en résulte qu’un concédant ne peut refuser de

Les contrats de distribution 166


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

contracter que s’il est à même d’établir que son contrat n’est
pas illicite au regard du droit de la concurrence (qui encourage
la liberté d’entreprise).

Cependant, on l’a vu, les articles 19 à 21 du décret édictent les


conditions à réunir cumulativement pour le contrat de
concession puisse constituer un tel fait justificatif :
- le concédant doit s’engager à ne pas vendre à un concurrent
actuel ou éventuel du concessionnaire et à ne pas créer
d'autres concessions dans la zone qu'il a attribuée ;

- le concessionnaire doit s’engager à ne pas commercialiser de


produits concurrents à ceux pour lesquels la concession lui a
été accordée ;

- aucune clause du contrat de concession exclusive ne peut


avoir pour effet, même indirect, de limiter la liberté du
concessionnaire de fixer lui-même, comme il l’entend, le prix
de vente du produit ou du service ;

- la preuve de l'existence du contrat de concession résulte de


la production d’un acte écrit qui incombe à celui qui l'invoque.

E- L’exécution du contrat de concession exclusive


Il met à la charge des parties de nombreuses obligations qui
tirent leur source de la vente, de la collaboration que les
contractants se sont promis et de l’exclusivité qu’ils se doivent.

1- Les obligations du concédant


- Le concédant doit fournir les produits selon les modalités
prévues au contrat ;

- Il doit respecter les zones d’exclusivité et donc de contracter


dans le secteur considéré qu’avec son concessionnaire ;

- Il ne doit pas faire concurrence au concessionnaire dans la


zone de vente qui lui a été accordée ;

Les contrats de distribution 167


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

- Il ne doit pas vendre directement ses produits, ni en confier


la distribution à un revendeur autre que le concessionnaire
désigné pour un secteur déterminé. A défaut, le concédant et
le revendeur engagent leur responsabilité et doivent réparer le
préjudice commercial et moral résultant de leur entente
dolosive. Si le concédant ne fournit pas les produits comme il
est prévu, le concessionnaire peut obtenir des dommages
intérêts. Il peut aussi demander l’exécution forcée. Si les
produits ne sont pas compétitifs, le concédant ne peut être
tenu responsable parce que le contrat de concession suppose
que les deux parties ont entendues acceptées un risque
commercial. Pour la jurisprudence, le concédant ne saurait
être tenu à indemnisation pour une absence de résultat qui
relève de l’aléa des affaires et spécialement de la chute du
marché dans laquelle il n’a aucune part ;

- Le concédant doit transmettre au concessionnaire toutes les


demandes qui lui parviendraient au secteur concédé afin que
le concessionnaire traite lui-même avec les personnes
intéressées ;

- Le concédant promet également d’assister son cocontractant


et cette assistance peut être soit technique (ex : fourniture de
pièce, de matériels, de conseils) ; soit commerciale (ex :
organisation de campagne publicitaire suivie de gestion) ; soit
financière lorsque les investissements nécessités pour la
distribution du produit sont importants ;

- Le concédant accorde au concessionnaire l’utilisation de la


marque du produit.

2- Les obligations du concessionnaire


Elles sont plus lourdes que celles qui pèsent sur le concédant.
Le contrat de concession assure certes, une certaine sécurité
au concessionnaire, mais en même temps l’enferme dans une
situation de dépendance économique :

Les contrats de distribution 168


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

- Le concessionnaire doit acquérir les produits concédés en


respectant la clause de quota figurant dans le contrat de
concession ;
- Le contrat précise souvent que le concessionnaire est tenu
de constituer les stocks et de les conserver pour le besoin de la
clientèle, et cela pour ne pas être en rupture de stock, pour ne
pas perdre la clientèle, et pour ne pas faire perdre le marché
au concédant ;
- Il doit acheter les produits au prix convenu et les revendre
en suivant les consignes de son concédant. Cependant le
concédant ne peut pas imposer un prix de revente mais il peut
en conseiller un ;
- Le concessionnaire doit en outre faire tout le nécessaire pour
préserver l’unité du réseau et défendre l’image de la marque
concédée (Ex : Réseau Bouaké, Réseau Abidjan), chaque
réseau ne peut pas empiéter sur les prérogatives de l’autre. Il
s’oblige ainsi à suivre la politique commerciale arrêtée par le
concédant, à respecter ses méthodes de ventes et à aménager
les lieux de vente de telle manière que la clientèle se sente chez
elle et reste fidèle, et enfin à former son personnel de façon à
ce qu’il reste toujours compétent et à assurer un service après
vente de qualité. En effet le concessionnaire, en tant que
commerçant indépendant et revendeur, doit répondre de la
garantie des vices cachés. Mais le client conserve l’action
directe contre le fabricant ;
- Le concessionnaire ne doit pas diffuser des renseignements
techniques, commerciaux et financiers qui pourraient
intéresser une entreprise concurrente. Pour cela, le contrat de
concession comporte de sévères clauses pénales ou des clauses
résolutoires ;
- Le concessionnaire doit respecter sa zone de vente. Il doit
s’abstenir de fabriquer une politique active de vente sur les
secteurs dont il n’a pas l’exclusivité ;

Les contrats de distribution 169


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

- Le concessionnaire ne doit pas concurrencer son concédant,


il manque à son obligation de loyauté et engage sa
responsabilité contractuelle dès l’instant qu’il réalise des
opérations en dehors de sa zone. Dans ce cas, le concédant, en
se fondant sur l’exception d’inexécution peut refuser de lui
livrer des produits ou procéder à des ventes directes. Enfin on
considère que le concessionnaire sera coupable d’une faute
délictuelle dont il doit répondre sur le fondement de l’article
1382, lorsqu’il fait en connaissance de cause, des intrusions
dans les périmètres concédés aux autres membres du réseau.

3- Les contrats de concessions et les tiers


Jusqu’à une époque récente, la jurisprudence admettait que le
fait pour un tiers de méconnaître en connaissance de cause un
contrat de concession exclusive constituait un acte de
concurrence déloyale de nature à engager une responsabilité
sur le fondement de l’article 1382. En effet, le contrat de
concession exclusive est opposable aux tiers. Certes, le contrat
de concession ne peut faire naître d’obligation à l’égard des
tiers, mais ceux-ci doivent le respecter et tenir pour acquis les
droits qui en sont résultés pour les parties. Mais cette
jurisprudence entraînait un cloisonnement du marché et
restreignait la libre concurrence. Elle a été critiquée et la
jurisprudence a opéré un renouvellement jurisprudentiel.
Désormais les juges privilégient le droit de la concurrence sur
le contrat de concession exclusive.

F- L’expiration du contrat
Elle pose le problème du sort des stocks. Le concédant est-il
tenu de reprendre le stock des produits concédés lorsque le
concessionnaire quitte le réseau ?

En principe le concessionnaire est propriétaire de ses produits,


il en a donc la charge. Or, s’il garde les produits et décide de
les écouler après la fin du contrat de concession, les tribunaux
décident qu’il sera coupable de concurrence déloyale envers
l’ex-concédant. Généralement, le problème est réglé par une

Les contrats de distribution 170


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

convention particulière des parties au contrat. Faute de


clauses, les tribunaux ne pouvaient condamner le concédant à
reprendre les stocks sauf à titre de sanction en nature dans
l’hypothèse d’une rupture brutale et injustifiée du contrat. La
jurisprudence hésite à condamner le concédant lorsqu’il évince
le concessionnaire du réseau. La solution en la matière a
connu une évolution :

→ Traditionnellement, la jurisprudence a distingué entre


le contrat à durée déterminée (CDD) et le contrat à durée
indéterminée.

S’il s’agit du CDD, il doit être conduit à son terme et aux termes
convenus. Aucune partie n’a l’obligation de le renouveler. Le
concédant qui ne renouvelle pas le contrat n’engage pas sa
responsabilité, sauf s’il établit qu’il avait pris un tel
engagement de renouvellement du contrat ou s’il a abusé de
ses prérogatives. Pour la jurisprudence, le concédant d’un
contrat de concession exclusive, conclu pour une durée
déterminée, peut devancer cette convention avant son
expiration sans avoir à motiver sa décision d’y mettre fin.

S’il s’agit d’un CDI, les parties peuvent le résilier


unilatéralement, mais elles ne doivent pas commettre un
abus de droit. Il appartient à la partie victime de la rupture de
rapporter la preuve de l’abus de droit.

→ Ces solutions jurisprudentielles mettent le


concessionnaire dans une position délicate, elles sont
favorables au concédant. La jurisprudence récente et certains
textes essayent d’adoucir ces solutions traditionnelles. Il s’en
dégage la volonté d’imposer au concédant la justification de ses
actes.

➢ Lorsque le contrat est à durée indéterminée, la


jurisprudence considère qu’il y a abus de droit dès que la
résiliation du contrat de concession intervient brutalement.
Elle exige un préavis d’une durée suffisante qui tient compte

Les contrats de distribution 171


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

de la longueur des relations ayant existées entre les parties et


la spécificité des activités en cause.

Lorsque le contrat est à durée déterminée,



l’existence d’un motif de non renouvellement n’est pas, pour la
jurisprudence, une condition de validité de la décision.
Cependant, cette existence vient en renforcer la validité de
principe en écartant à posteriori un abus caractérisé soit par
une intention de nuire, soit par un détournement du droit de
la rupture de sa finalité.

Les motifs de non renouvellement sont donc implicitement


recherchés et leur absence justifie généralement l’existence
d’un abus de droit. Le concessionnaire peut obtenir une
indemnisation s’il prouve que le concédant a invoqué des
motifs de rupture ou de non renouvellement qui étaient
illégitimes.

Les contrats de distribution 172


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Chapitre 3- Le contrat de franchise

Section 1- Définition
Issu de la pratique américaine (États-Unis), le franchising
ou contrat de franchisage (officiellement parlant) ou tout
simplement le contrat de franchise peut être défini comme le
contrat commercial en vertu duquel une personne qui est
titulaire d’un signe distinctif généralement déposé à titre de
marque (le franchiseur) s’engage à en concéder l’usage en
communiquant un savoir-faire, en faisant jouir de sa marque
et, le cas échéant, en fournissant en marchandises une autre
personne qui est également un commerçant indépendant (le
franchisé) et, en contrepartie, cette dernière s’engage à
exploiter ce savoir-faire, à utiliser la marque et, le cas échéant,
à s’approvisionner auprès de la première.
En clair, le franchiseur s’engage, tout en concédant l’usage
de sa marque au franchisé, à assumer auprès de lui une
fonction de conseil et d’assistance commerciale ; quant au
franchisé, il s’engage au paiement d’une redevance sur le
chiffre d’affaires ainsi qu’à s’approvisionner en tout ou partie
auprès du franchiseur ou de tiers déterminés et respecter un
certain nombre de normes tant pour son implantation que
pour le point de sa vente.
En d’autres termes, le contrat de franchise confère au
franchisé le droit d’utiliser la marque, le savoir-faire et
l’assistance du fournisseur pour vendre les produits qu’il reçoit
de lui ou d’un tiers convenu de concert ; au franchiseur, ce
contrat confère le droit d’obliger le franchisé à lui payer des
redevances, à respecter ses techniques commerciales, à
l’informer des améliorations qu’il découvre, et à la
confidentialité.

Le contrat de franchise 173


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Section 2- Caractères et autonomie du contrat de


franchise
Paragraphe 1- Caractères du contrat de franchises
Le franchising est un contrat innommé ; il ne rentre donc
dans aucune prévision légale, notamment en Côte d’Ivoire. A
défaut d’une telle réglementation, il est revenu à la pratique et
à la jurisprudence de régir le contrat en s’efforçant d’équilibrer
les relations entre les parties.
Le contrat de franchise est, également, un contrat à titre
onéreux, un contrat synallagmatique conclu entre deux
personnes indépendantes mais surtout un contrat qui est
commercial.

Paragraphe 2- Autonomie du contrat de franchise


Le contrat de franchisage est un contrat qu’il est difficile
d’enfermer dans une catégorie préexistante.

En effet, il est souvent confondu au contrat de concession


exclusive, car comme le contrat de concession exclusive, il
suppose une collaboration étroite entre les parties, comprend
une exclusivité de fourniture et d’approvisionnement. Comme
le concédant, le franchiseur confère à son partenaire un droit
d’usage sur son enseigne, lui promet une assistance technique
(formation de personnel, élaboration de campagnes
publicitaires, conseils juridiques, etc.) et lui accorde une
exclusivité territoriale.
Cependant, l’exclusivité n’est pas l’essence du contrat de
franchise et s’accompagne d’autres éléments. En effet,
l’exclusivité qui existe dans le contrat de franchise n’en est
que l’un des éléments, d’autant que le contrat de franchise
appelle nécessairement une licence de marque : le franchisé
doit donc pouvoir distribuer, sous la marque du fournisseur,
d’autres produits et services qui ne sont pas nécessairement
fournis par ce dernier. Ce qui n’est pas le cas du contrat de

Le contrat de franchise 174


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

concession exclusive dans lequel le concédé ne peut distribuer


que les produits et services provenant du concédant.
En réalité, le contrat de franchise est un contrat sui generis
qui se fonde essentiellement sur un transfert de connaissances
techniques et de procédés commerciaux, sur un savoir-faire,
de sorte que si ce savoir-faire transmis est inconsistant, c’est-
à-dire manque de suite et d’ensemble (ne contient aucune
méthode ou service présentant un caractère d’ « originalité » ou
de nouveauté ou de spécificité, pas plus qu’il n’entraîne un
apport de clientèle ni la possibilité d’en constituer), le contrat
doit être annulé pour défaut de cause.
A l’analyse, les éléments fondamentaux qui caractérisent
en définitive la franchise sont : la communication de savoir-
faire, l’assistance commerciale, la licence de marque et
la présence de deux commerçants indépendants comme
parties au contrat.

Section 3- La formation ou mise en place du contrat


de franchise
Le contrat de franchisage se présente généralement sous
la forme d’un contrat-type qui est proposé au franchisé.
Mais, il peut arriver que le contrat soit précédé d’un accord
par lequel le futur franchiseur met à l’épreuve son futur
partenaire (le futur franchisé). Ce contrat est appelé contrat
« de corner » qui est un contrat par lequel un commerçant
accepte de consacrer une partie de sa boutique à la vente de
produits choisis par un fabricant (généralement de renom) et
fait donc obligation à ce commerçant, potentiel franchisé, de
réserver à ces produits un traitement suivant les prescriptions
du fabricant. Au terme de la période prévue pour ce contrat,
si les produits se vendent bien, le fabricant pourra alors
accepter de conclure un véritable contrat de franchisage et le
franchisé pourra ainsi consacrer la totalité de son magasin à
la vente de ces produits.

Le contrat de franchise 175


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Mais en général, la mise en place du contrat de franchise


obéit aux mécanismes habituels du droit des obligations en
respectant le droit de la concurrence (Com. 1er janvier 1993,
D.1993, Inf. rap.162). Ainsi, l’objet du contrat doit être
déterminé ou du moins déterminable : si donc la quantité de
choses à vendre dépend de la seule volonté du franchiseur, le
contrat serait déclaré nul (V. Paris 1er déc. 1989, D.1990, Inf.
rap. 13 et Com. 5 nov. 1991, Bull. civ. IV, n°335). De même,
le contrat serait annulé si le prix des produits n’est pas fixé par
référence à des éléments sérieux, précis et objectifs (Com. 12
janvier 1988, Bull. civ. IV, n°31 ou RTD civ. 1988, 527) ou
encore si le franchisé n’a pas la possibilité de négocier
librement ses prix (Com. 19 nov. 1991, Bull. civ. IV, n°356 ou
D. 1992, Sommaire 27 cahier ; voir aussi Com. 16 Juillet 1991,
JCP, 1992, II, 21796 dans lequel il est montré que l’exigence
du prix est bien moins stricte en cas de franchise de services
(différente de franchise de vente), car le franchiseur ne s’engage
dans ce cas essentiellement qu’à faire et non à donner).
Hormis ces conditions de fond de formation de contrat de
franchise, il est à noter qu’un tel contrat fait l’objet d’un
formalisme informatif. En effet, afin de protéger le franchisé,
et en vertu de l’obligation d’information prévue par l’article
1116 du Code civil, la jurisprudence oblige le franchiseur à
communiquer au franchisé, au moins vingt jours avant la
conclusion du contrat, un document donnant des informations
sincères qui lui permettent de s’engager en connaissance de
cause. Cette information porte notamment sur la valeur
commerciale du nom de la marque ou de l’ancienneté et
l’expérience de l’entreprise du franchiseur et sur le réseau
commercial dont cette entreprise dispose.
Relativement aux sanctions attachées à la
méconnaissance de cette obligation, il faut écarter la nullité de
droits, et appliquer le droit commun des vices du
consentement, notamment l’erreur. L’absence d’information ne
conduit donc pas automatiquement à la nullité, sauf s’il y a
erreur. L’information erronée n’entraine que la responsabilité
(Colmar, 9 mars 1990, D. 1990. 232).

Le contrat de franchise 176


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Section 4- Effets du contrat de franchise


En tant que contrat synallagmatique, le contrat de
franchise fait naître des obligations à la charge des deux
parties, même si celles qui pèsent sur le franchiseur sont, sans
doute, moins lourdes que celles qui pèsent sur le franchisé.
Le franchiseur a d’abord une obligation de renseignements
(Com. 4 déc. 1990, JCP 1991, II. 21725 ; Colmar, 9 mars 1990,
op. cit). Il a l’obligation de communiquer son savoir-faire, de
fournir une assistance technique et commerciale à son
partenaire, d’assurer la protection territoriale qu’il a pu
accorder à son co-contractant (Aix-en-Provence, 25 avril 1985,
Bull. civ. n°90) et d’une manière générale l’obligation de ne pas
concurrencer le franchisé (Com. 3 déc. 1991, RJDA 1992,
n°28). Le non respect de ces obligations entraîne la résolution
du contrat (Com. 4 nov. 1986, D. 1988, Som. 22).
Quant au franchisé, il a l’obligation de respecter les termes
définis par le franchiseur, consacrer tout son temps et déployer
tous ses efforts à l’objet du contrat afin de permettre une
exploitation convenable de l’établissement ; il doit maintenir
cet établissement en bon état, contracter les polices
d’assurance requises, tenir une comptabilité en suivant les
instructions du franchiseur, etc. Il doit aussi défendre l’image
de marque du franchiseur et ne rien faire qui puisse la
compromettre (Com. 9 déc. 1986, D. 1988, Som. 22). L’une des
obligations principales du franchisé est de payer un « droit
d’entrée » ainsi qu’une redevance calculée d’après le chiffre
d’affaires réalisé.
Hormis les obligations des parties entre elles, il faut
signaler qu’en général, le contrat de franchise est conclu pour
une durée déterminée. S’il contient une exclusivité
d’approvisionnement, elle ne pourra excéder dix (10) ans. En
outre, à l’expiration du terme, les parties ne sont-elles pas
tenues de renouveler leur accord, encore que le plus souvent
une clause du contrat prévoit une tacite reconduction et oblige
les parties à respecter un préavis si elles veulent y mettre fin.

Le contrat de franchise 177


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Si au contraire le contrat est conclu pour une durée


indéterminée, le droit commun autorise qu’il puisse être résilié
à tout moment pourvu que cette résiliation ne soit pas abusive,
c’est-à-dire n’intervienne pas brutalement et sans
avertissement. Le contrat prend fin également en cas de décès
du franchisé, car le contrat de franchise est certainement un
contrat conclu intuitu personae.

Le contrat de franchise 178


Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Annexes

Annexes 179
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

ANNEXE I
Les dispositions de l’Acte uniforme OHADA relatif au droit commercial
général révisé de 2010 concernant la vente commerciale

ACTE UNIFORME PORTANT SUR LE DROIT COMMERCIAL GÉNÉRAL


Adopté le 15 décembre 2010 à Lomé

LIVRE VIII
VENTE COMMERCIALE

TITRE I
CHAMP D'APPLICATION ET DISPOSITIONS GENERALES

CHAPITRE I
CHAMP D’APPLICATION

ARTICLE 234- Les dispositions du présent Livre s'appliquent aux


contrats de vente de marchandises entre commerçants, personnes
physiques ou personnes morales, y compris les contrats de fourniture
de marchandises destinées à des activités de fabrication ou de
production.
Sauf stipulations conventionnelles contraires, le contrat de vente
commerciale est soumis aux dispositions du présent Livre dès lors
que les contractants ont le siège de leur activité dans un des États
Parties ou lorsque les règles du droit international privé mènent à
l’application de la loi d’un Etat Partie.

ARTICLE 235- Les dispositions du présent Livre ne régissent pas :


a) les ventes de marchandises achetées pour un usage personnel,
familial ou domestique, à moins que le vendeur, à un moment
quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat,
n’ait pas su et n’ait pas été censé savoir que ces marchandises
étaient achetées pour un tel usage ;
b) les contrats de fourniture de marchandises dans lesquels la part
prépondérante de l'obligation de la partie qui fournit les
marchandises consiste dans une fourniture de main-d’œuvre ou
d'autres services.

Annexes 181
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

ARTICLE 236- Les dispositions du présent Livre ne régissent pas


davantage les ventes soumises à un régime particulier, notamment
:
a) les ventes aux enchères ;
b) les ventes sur saisie ou de quelque autre manière par autorité de
justice ;
c) les ventes de valeurs mobilières, d’effets de commerce ou de
monnaies ;
d) les mobilisations et autres opérations sur créances ou instruments
financiers ;
e) les ventes de navires, bateaux, aéroglisseurs et aéronefs ;
f) les ventes d’électricité.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS GENERALES

ARTICLE 237- La vente commerciale est soumise aux règles du droit


commun des contrats et de la vente qui ne sont pas contraires aux
dispositions du présent Livre.
Les parties sont tenues de se conformer aux exigences de la bonne
foi. Elles ne peuvent exclure cette obligation, ni en limiter la
portée.

ARTICLE 238- Lorsqu’une clause est ambiguë, la volonté d’une


partie doit être interprétée selon le sens qu’une personne
raisonnable, de même qualité que l’autre partie, placée dans la
même situation, aurait déduit de son comportement.
Pour déterminer la volonté d'une partie, il doit être tenu compte
des circonstances de fait, et notamment des négociations qui ont pu
avoir lieu entre les parties, des pratiques qui se sont établies entre
elles, voire des usages en vigueur dans la profession concernée.

ARTICLE 239- Les parties sont liées par les usages auxquels elles ont
consenti et par les pratiques qui se sont établies dans leurs relations
commerciales.
Sauf convention contraire des parties, celles-ci sont réputées avoir
adhéré aux usages professionnels dont elles avaient connaissance ou

Annexes 182
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

auraient dû avoir connaissance et qui, dans le commerce, sont


largement connus et régulièrement observés par les parties à des
contrats de même nature dans la branche d’activité concernée.

ARTICLE 240- Le contrat de vente commerciale peut être écrit ou


verbal ; il n’est soumis à aucune condition de forme. Il est prouvé
par tous moyens.

TITRE II
FORMATION DU CONTRAT

ARTICLE 241- Le contrat se conclut soit par l’acceptation d’une


offre, soit par un comportement des parties qui indique
suffisamment leur accord.
Une offre est suffisamment précise lorsqu'elle désigne les
marchandises et, expressément ou implicitement, fixe la quantité
et le prix ou donne les indications permettant de les déterminer.
Une proposition de conclure un contrat, adressée à une ou plusieurs
personnes déterminées, constitue une offre si elle est suffisamment
précise et si elle indique la volonté de son auteur d'être lié en cas
d'acceptation.
Une proposition adressée à des personnes indéterminées est
considérée seulement comme une invitation à l’offre, à moins que
la personne qui a fait la proposition n’ait clairement indiqué le
contraire.

ARTICLE 242- L’offre prend effet lorsqu'elle parvient à son


destinataire.
L’offre peut être révoquée si la révocation parvient au destinataire
avant que celui-ci n’ait exprimé son acceptation.
Cependant, l’offre ne peut être révoquée si elle indique, en fixant
un délai déterminé pour l‘acceptation, qu’elle est irrévocable ou si
le destinataire était raisonnablement fondé à croire que l’offre était
irrévocable et a agi en conséquence.
L’offre prend fin lorsque son rejet parvient à son auteur.

Annexes 183
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

ARTICLE 243- L’offre doit être acceptée dans le délai stipulé par
l’auteur de l’offre ou, à défaut d’une telle stipulation, dans un délai
raisonnable, compte tenu des circonstances, notamment de la
rapidité des moyens de communication utilisés par l’auteur de
l’offre.
Une offre verbale doit être acceptée immédiatement, à moins que
les circonstances n’indiquent le contraire.
Constitue une acceptation, toute déclaration ou autre
comportement du destinataire indiquant qu’il acquiesce à l’offre.
Le silence ou l’inaction ne peut à lui seul valoir acceptation.

ARTICLE 244- L’acceptation d’une offre prend effet au moment où


l’expression de l’acquiescement parvient à l’auteur de l’offre.
Cependant, si en vertu des dispositions de l’offre, des pratiques
établies entre les parties ou des usages, le destinataire peut, sans
notification à l’auteur de l’offre, exprimer qu’il acquiesce en
accomplissant un acte, l’acceptation prend effet au moment où cet
acte est accompli.

ARTICLE 245- La réponse à une offre qui se veut acceptation de


cette offre, mais qui contient des additions, des limitations ou
d’autres modifications, vaut rejet de l’offre et constitue une contre-
proposition.
Toutefois, la réponse qui se veut acceptation mais qui contient des
éléments complémentaires ou différents n’altérant pas
substantiellement les termes de l’offre, constitue une acceptation,
à moins que l’auteur de l’offre, sans retard indu, n’exprime son
désaccord sur ces éléments. S’il ne le fait pas, les termes du contrat
sont ceux de l’offre avec les modifications énoncées dans
l’acceptation.

ARTICLE 246- Le délai d’acceptation fixé par l’auteur de l’offre


commence à courir au moment où l’offre est exprimée. La date
indiquée dans l’offre est présumée être celle de son expédition, à
moins que les circonstances n’indiquent le contraire.

Annexes 184
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

ARTICLE 247- L’acceptation peut être révoquée pourvu que la


révocation parvienne à l’auteur de l’offre au plus tard au moment
où l’acceptation aurait pris effet.

ARTICLE 248- Le contrat peut être valablement conclu même si les


parties renvoient la détermination d’une clause à un accord
ultérieur ou à la décision d’un tiers.
L’existence du contrat n’est pas compromise par le défaut d’accord
des parties sur cette clause ou l’absence de décision du tiers dès
lors qu’en raison des circonstances et de l’intention des parties,
cette clause est déterminable.

ARTICLE 249- Les parties sont libres de négocier et ne peuvent être


tenues pour responsables si elles ne parviennent pas à un accord.
Toutefois, la partie qui conduit ou rompt une négociation de
mauvaise foi est responsable du préjudice qu’elle cause à l’autre
partie.
Est, notamment, de mauvaise foi la partie qui entame ou poursuit
des négociations sans intention de parvenir à un accord.

TITRE III
OBLIGATIONS DES PARTIES

CHAPITRE I
OBLIGATIONS DU VENDEUR

ARTICLE 250- Le vendeur s'oblige, dans les conditions prévues au


contrat et au présent Livre, à livrer les marchandises et à remettre,
s'il y a lieu, les documents et accessoires nécessaires à leur
utilisation, à la preuve de l’achat et à la prise de livraison.
Il est tenu, en outre, de s'assurer de la conformité des marchandises
à la commande et d’accorder sa garantie.

Section 1 - Obligation de livraison

ARTICLE 251- Lorsque le vendeur n'est pas tenu de livrer la


marchandise en un lieu particulier, il doit la tenir à la disposition de

Annexes 185
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

l'acheteur soit au lieu où elle a été fabriquée ou stockée, soit au


siège de son activité de vendeur.

ARTICLE 252- Lorsque le contrat de vente prévoit la remise des


marchandises à un transporteur, le vendeur satisfait à son obligation
de livraison envers l’acheteur du seul fait de cette remise.
Toutefois, le vendeur est tenu de conclure les contrats nécessaires
pour que le transport soit effectué par les moyens appropriés et
selon les conditions d'usage jusqu'au lieu fixé avec l'acheteur.
Le vendeur n'est pas tenu de souscrire lui-même une assurance de
transport, mais il doit, à la demande de l’acheteur, lui fournir tous
les renseignements nécessaires à l’élaboration d’un tel contrat
d’assurance.

ARTICLE 253- Le vendeur doit livrer les marchandises à la date fixée


par le contrat ou déterminée selon ses stipulations.
Si la livraison est prévue au cours d’une certaine période, il peut
livrer à un moment quelconque de celle-ci.
En l’absence de stipulation, la livraison doit être effectuée par le
vendeur dans un délai raisonnable après la conclusion du contrat.

ARTICLE 254- Si le vendeur est tenu de remettre des documents et


accessoires de la marchandise, il doit s'acquitter de cette obligation
au moment, au lieu, et dans la forme prévus au contrat ou par les
usages de la branche d’activité concernée.

Section 2 - Obligation de conformité

ARTICLE 255- Le vendeur doit livrer les marchandises en quantité,


qualité, spécifications et conditionnement conformes aux
stipulations du contrat.
Dans le silence du contrat, le vendeur doit livrer des marchandises
propres aux usages auxquels elles servent habituellement ou dotées
des mêmes qualités que les échantillons ou modèles présentés. Il
doit aussi les livrer dans des emballages ou conditionnement
habituellement utilisés pour ce type de marchandises ou, à défaut

Annexes 186
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

de mode habituel, dans des conditions propres à les conserver et


protéger.

ARTICLE 256- La conformité de la chose vendue s’apprécie au jour


de la prise de livraison, même si le défaut n’apparaît
qu’ultérieurement.

ARTICLE 257- En cas de livraison anticipée, le vendeur peut, jusqu’à


la date prévue pour la livraison, soit imposer la livraison de
nouvelles marchandises conformes, soit effectuer la réparation du
défaut de conformité des marchandises livrées dès lors que
l’exercice de ce droit ne cause à l’acheteur ni dommage, ni frais.

ARTICLE 258- Sous peine de déchéance pour l’acheteur du droit de


s’en prévaloir, un défaut de conformité apparent le jour de la prise
de livraison doit être dénoncé par l’acheteur au vendeur dans le
mois qui suit la livraison.

ARTICLE 259- L’action de l’acheteur, fondée sur un défaut de


conformité caché le jour de la prise de livraison, est prescrite dans
le délai d’un an à compter du jour où ce défaut a été constaté ou
aurait dû l’être.
Ce dernier délai ne peut avoir pour effet de réduire la durée de la
garantie contractuelle éventuellement consentie.

Section 3 - Obligation de garantie

ARTICLE 260- Le vendeur doit livrer les marchandises libres de tout


droit ou prétention d'un tiers, à moins que l'acheteur n'accepte de
les prendre dans ces conditions.
Le vendeur doit garantir l’acheteur de toute éviction par son fait
personnel.

ARTICLE 261- Toute clause limitative de la garantie due par le


vendeur s'interprète restrictivement.

Annexes 187
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Le vendeur qui invoque une telle clause doit démontrer que


l’acheteur a connu et accepté cette clause lors de la conclusion de
la vente.

CHAPITRE II
OBLIGATIONS DE L'ACHETEUR

ARTICLE 262- L'acheteur s'oblige à payer le prix et à prendre


livraison des marchandises.

Section 1 - Paiement du prix

ARTICLE 263- L’acheteur est tenu de payer le prix convenu. Le prix


exprimé dans le contrat est présumé convenu hors taxes.
S’il y a lieu à détermination du prix, les parties peuvent se référer
à la valeur habituellement attribuée au moment de la conclusion du
contrat à des marchandises vendues dans des circonstances
comparables au sein de la même branche d’activité.

ARTICLE 264- L’acheteur est tenu de prendre toutes mesures


nécessaires à l’accomplissement des formalités préalables au
paiement effectif du prix.

ARTICLE 265- Lorsque le prix est fixé d’après le poids des


marchandises, ce prix est déterminé, en cas de doute, à partir de
leur poids net.

ARTICLE 266- Le paiement du prix au vendeur est fait soit au siège


de son activité, soit au lieu de la livraison si le prix est payable
comptant ou si la livraison est effectuée contre remise de
documents.

ARTICLE 267- Lorsque le contrat de vente prévoit la remise des


marchandises à un transporteur, le vendeur peut subordonner leur
expédition ou la remise à l’acheteur du document qui les représente
au paiement préalable du prix.
Les parties peuvent aussi prévoir que l'acheteur n’est tenu de payer

Annexes 188
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

le prix qu'après avoir été mis en mesure d'examiner les


marchandises.

ARTICLE 268- L’acheteur doit payer le prix à la date convenue et


ne peut subordonner son paiement à une démarche du vendeur.

Section 2 - Prise de livraison


ARTICLE 269- L’acheteur doit prendre livraison en accomplissant les
actes permettant au vendeur d'effectuer la livraison, puis il doit
retirer les marchandises.

ARTICLE 270- L'acheteur doit examiner les marchandises ou les faire


examiner dans un délai aussi bref que possible. Lorsque le contrat
de vente prévoit la remise des marchandises à un transporteur,
l'examen peut être différé jusqu'à l’arrivée de ces marchandises à
leur destination.
Si les marchandises sont déroutées ou réexpédiées par l'acheteur
sans que celui-ci ait eu raisonnablement la possibilité de les
examiner, et si au moment de la conclusion du contrat le vendeur
connaissait ou aurait dû connaître la possibilité de ce déroutage ou
de cette réexpédition, l'examen peut être différé jusqu'à l'arrivée
des marchandises à leur nouvelle destination.

ARTICLE 271- Lorsque le paiement est prévu au jour de la livraison


et que l'acheteur tarde à prendre livraison des marchandises ou n'en
paie pas le prix, le vendeur, s'il a les marchandises en sa possession
ou sous son contrôle, est fondé à les retenir jusqu’à leur complet
paiement.
Le vendeur doit cependant prendre les mesures raisonnables, eu
égard aux circonstances, pour assurer la conservation des
marchandises et l’acheteur doit lui en rembourser les frais.

ARTICLE 272- Si l'acheteur a reçu les marchandises et entend les


refuser, il doit prendre les mesures raisonnables, eu égard aux
circonstances, pour en assurer la conservation.
Il est fondé à les retenir jusqu'à ce qu'il ait obtenu du vendeur le
remboursement des frais de conservation qu’il a engagés.

Annexes 189
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

ARTICLE 273- La partie tenue de prendre des mesures pour assurer


la conservation des marchandises peut les déposer dans les magasins
d'un tiers aux frais de l'autre partie mais est tenue de supporter les
frais excessifs qui pourraient résulter de ce dépôt.

ARTICLE 274- La partie qui doit assurer la conservation des


marchandises peut les vendre par tous moyens appropriés si l'autre
partie tarde à en prendre possession, à en payer le prix, ou à
rembourser les frais de leur conservation. Elle doit préalablement
notifier à l’autre partie son intention de vendre ces marchandises.
La partie qui vend les marchandises peut retenir sur le produit de la
vente un montant égal à ses frais de conservation, et elle doit le
surplus à l’autre partie.

TITRE IV
EFFETS DU CONTRAT

CHAPITRE I
TRANSFERT DE PROPRIETE

ARTICLE 275- La prise de livraison opère transfert à l’acheteur de


la propriété des marchandises vendues.

ARTICLE 276- Les parties peuvent, toutefois, convenir de différer


le transfert de propriété en application d’une clause de réserve de
propriété régie par les articles 72 à 78 de l'Acte uniforme portant
organisation des sûretés.

CHAPITRE II
TRANSFERT DES RISQUES

ARTICLE 277- Le transfert de propriété entraîne le transfert des


risques à l’acheteur.
La perte ou la détérioration des marchandises survenue après le
transfert des risques ne libère l’acheteur de son obligation de payer
le prix que si ces événements sont le fait du vendeur.

Annexes 190
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

ARTICLE 278- Lorsque le contrat de vente prévoit la remise des


marchandises à un transporteur, les risques sont transférés à
l'acheteur par la remise des marchandises au premier transporteur.
L’autorisation donnée au vendeur de conserver les documents
représentatifs des marchandises n'affecte pas le transfert des
risques.

ARTICLE 279- Les risques des marchandises vendues en cours de


transport sont transférés à l'acheteur dès la conclusion du contrat
de vente.
Néanmoins si le vendeur avait alors connaissance ou aurait dû avoir
connaissance de la perte ou de la détérioration de ces marchandises,
il supporte seul la charge de ces risques s’il n’en a pas informé
l'acheteur.

ARTICLE 280- Si les marchandises vendues ne sont pas


individualisées, le transfert des risques s’effectue au moment de
leur identification qui emporte mise à disposition de l'acheteur.

TITRE V
INEXECUTION ET RESPONSABILITE

CHAPITRE I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

ARTICLE 281- Toute partie à un contrat de vente commerciale est


fondée à en demander au juge compétent la rupture pour
inexécution totale ou partielle des obligations de l’autre partie.
Toutefois, la gravité du comportement d’une partie au contrat de
vente commerciale peut justifier que l’autre partie y mette fin de
façon unilatérale à ses risques et périls. La gravité du motif de
rupture est appréciée par le juge compétent à la demande de la
partie la plus diligente.
Quelle que soit la gravité du comportement, la partie qui l’invoque
peut être tenue de respecter un préavis avant de notifier à l’autre
partie sa décision unilatérale. Faute de préavis suffisant, l’auteur

Annexes 191
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

de la rupture engage sa responsabilité même si la juridiction admet


le bien-fondé de la rupture.
La partie qui impose ou obtient la rupture du contrat peut obtenir
en outre des dommages- intérêts en réparation de la perte subie et
du gain manqué qui découlent immédiatement et directement de
l’inexécution.

CHAPITRE II
INEXÉCUTION DES OBLIGATIONS DU VENDEUR

ARTICLE 282- Si le vendeur ne paraît pas en mesure d’exécuter dans


les délais convenus l’intégralité de son obligation de livraison des
marchandises, en raison d’une insuffisance de ses capacités de
fabrication ou d’une inadaptation de ses moyens de production,
l’acheteur peut obtenir de la juridiction compétente, statuant à
bref délai, l’autorisation de différer l’exécution de son obligation
de payer. Cette autorisation peut être assortie de l’obligation de
consigner tout ou partie du prix.

ARTICLE 283- Si l’acheteur invoque dans les délais fixés aux articles
258 et 259 du présent Acte uniforme un défaut de conformité des
marchandises livrées, le vendeur a la faculté d’imposer, à ses frais
exclusifs et sans délai, à l’acheteur le remplacement des
marchandises défectueuses par des marchandises conformes.
En outre, l’acheteur peut convenir avec le vendeur d’un délai
supplémentaire pour le remplacement, aux frais exclusifs du
vendeur, des marchandises défectueuses par des marchandises
conformes.
L’acheteur ne peut, avant le terme de ce nouveau délai, invoquer
l’inexécution des obligations du vendeur et si le vendeur exécute
ses obligations dans ce délai, l’acheteur ne peut prétendre à des
dommages-intérêts.

ARTICLE 284- Passé le délai prévu aux alinéas 2 et 3 de l’article 283


ci-dessus le vendeur peut encore réparer à ses frais exclusifs tout
manquement à ses obligations mais l’acheteur, qui conserve alors le
droit de demander des dommages-intérêts, peut s’y opposer.

Annexes 192
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

CHAPITRE III
INEXÉCUTION DES OBLIGATIONS DE L’ACHETEUR

ARTICLE 285- Si l’acheteur ne paraît pas en mesure de payer


l’intégralité du prix, en raison de son insolvabilité ou de la cessation
de ses paiements ou encore de ses retards dans les échéances
convenues, le vendeur peut obtenir de la juridiction compétente,
statuant à bref délai, l’autorisation de différer l’exécution de ses
obligations de livraison.
Cette autorisation peut être assortie de l’obligation de consigner les
marchandises à ses frais avancés.

ARTICLE 286- Si le vendeur accorde un délai supplémentaire pour


le paiement du prix, il ne peut, avant le terme de ce nouveau délai,
invoquer l’inexécution des obligations de l’acheteur. Si l’acheteur
exécute ses obligations dans ce délai, le vendeur ne peut prétendre
à des dommages-intérêts.

ARTICLE 287- Passé le délai prévu à l’article 289 ci-dessus,


l’acheteur peut encore exécuter ses obligations mais le vendeur, qui
conserve alors le droit de demander des dommages-intérêts, peut
s’y opposer.

ARTICLE 288- En cas de défaut de conformité des marchandises,


que le prix ait été ou non déjà payé, l'acheteur peut réduire le prix
du montant de la différence entre la valeur que des marchandises
conformes auraient eu au moment de la livraison et la valeur que
les marchandises effectivement livrées avaient à ce moment.

ARTICLE 289- Si le vendeur ne livre qu'une partie des marchandises


ou si une partie seulement des marchandises livrées est conforme,
l’acheteur qui a accepté d’en prendre livraison ne peut invoquer la
rupture du contrat et ne peut prétendre qu’à des dommages-
intérêts se rapportant à la partie manquante ou non conforme.

Annexes 193
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

ARTICLE 290- Si le vendeur livre les marchandises avant la date


fixée, l'acheteur a la faculté d'accepter ou de refuser d’en prendre
livraison.
Si le vendeur livre une quantité supérieure à celle prévue au contrat,
l'acheteur a la faculté d’accepter ou de refuser de prendre livraison
de la quantité excédentaire.
Si l'acheteur accepte tout ou partie de l’excédent, il doit le payer
au tarif du contrat.
CHAPITRE IV
INTERETS ET DOMMAGES-INTERETS

ARTICLE 291- Tout retard dans le paiement du prix oblige au


paiement des intérêts calculés au taux de l'intérêt légal et ce, sans
préjudice des dommages-intérêts éventuellement dus pour autre
cause.
Les intérêts courent à compter de l'envoi de la mise en demeure
adressée par le vendeur à l’acheteur par lettre recommandée avec
avis de réception ou tout autre moyen équivalent.

ARTICLE 292- Lorsque le contrat est rompu et que l'acheteur a


procédé à un achat de remplacement, il peut obtenir des
dommages-intérêts correspondant à la différence entre le prix de
l’achat de remplacement et le prix convenu au contrat, ainsi que
tous autres dommages-intérêts dus pour autre cause.
Lorsque le contrat est rompu et que le vendeur a procédé à une
revente des marchandises, il peut obtenir des dommages-intérêts
correspondant à la différence entre le prix convenu au contrat et le
prix de revente, ainsi que tous autres dommages-intérêts dus pour
autre cause.

ARTICLE 293- La partie qui invoque une inexécution des obligations


du contrat doit prendre toutes mesures raisonnables, eu égard aux
circonstances, pour limiter sa perte, ou préserver son gain.
Si elle néglige de le faire, la partie en défaut peut demander une
réduction des dommages-intérêts égale au montant de la perte qui
aurait pu être évitée et du gain qui aurait pu être réalisé.

Annexes 194
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

CHAPITRE V
EXONERATION DE RESPONSABILITE

ARTICLE 294- Une partie n'est pas responsable de l'inexécution de


l'une quelconque de ses obligations si elle prouve que cette
inexécution est due à un empêchement indépendant de sa volonté,
tel que notamment le fait d'un tiers ou un cas de force majeure.
Constitue un cas de force majeure tout empêchement indépendant
de la volonté et que l’on ne peut raisonnablement prévoir dans sa
survenance ou dans ses conséquences.

ARTICLE 295- Lorsque l'inexécution par l'une des parties résulte du


fait d'un tiers chargé par elle d'exécuter tout ou partie du contrat,
elle n'est pas exonérée de sa responsabilité.

CHAPITRE VI
RUPTURE DU CONTRAT

ARTICLE 296- La rupture du contrat libère les parties de leurs


obligations mais ne les exonère pas des dommages-intérêts
éventuels.
Elle n'a pas d'effet sur les stipulations du contrat relatives au
règlement des différends ou aux droits et obligations des parties en
cas de rupture.

ARTICLE 297- La partie qui a exécuté totalement ou partiellement


ses obligations peut obtenir la restitution par l'autre partie de ce
qu'elle a fourni ou payé en exécution du contrat.

ARTICLE 298- L'acheteur ne peut obtenir la rupture du contrat ou


exiger la livraison de marchandises de remplacement s'il lui est
impossible de restituer les marchandises dans l'état où il les a
reçues, et si cette impossibilité est due à un acte ou une omission
de sa part.

ARTICLE 299- L'acheteur qui a perdu le droit de déclarer le contrat


rompu ou d'exiger du vendeur la livraison de marchandises de

Annexes 195
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

remplacement en vertu de l'article précédent, conserve le droit de


se prévaloir de tous les autres droits qu'il tient du contrat.

ARTICLE 300- Si le vendeur est tenu de restituer le prix, il doit payer


des intérêts sur son montant à compter du jour où il a reçu le
paiement.
Si l'acheteur doit restituer tout ou partie des marchandises, il doit
payer au vendeur tout ou partie du montant du profit qu'il en a
retiré.

CHAPITRE VII
PRESCRIPTION

ARTICLE 301- La prescription des actions en matière de vente


commerciale est soumise aux dispositions énoncées au chapitre IV
du Livre I du présent Acte uniforme, sous réserve des dispositions
suivantes.
Le délai de prescription en matière de vente commerciale est de
deux ans sauf dispositions contraires du présent Livre.

ARTICLE 302- Si le vendeur a donné une garantie contractuelle, le


délai de prescription de l’action visée à l'article 259 ci-dessus
commence à courir à partir de la date d'expiration de la garantie
contractuelle.

Annexes 196
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

ANNEXE II
Les usages commerciaux

Document 1 : Importance des usages commerciaux :

« Les règles du code civil sont applicables à la vente commerciale


quand il n’y est pas dérogé par des textes spéciaux ou par l’usage.
Le titre du code de commerce consacré aux achats et aux ventes ne
contient qu’un seul texte, relatif à la preuve (article 109). Mais
d’innombrables lois modernes […] réglementent des aspects
particuliers du contrat et constituent autant de dérogations qui
contribuent à renouveler le droit commun de la vente. […]

Les usages ont conservé une certaine importance en cette matière.


La loi du 13 juin 1866 les a codifiés, en recueillant neuf usages d’une
portée générale et des usages spéciaux à certaines catégories de
marchandises. Ceux qui sont ainsi consacrés par la loi en ont pris
une valeur légale.

Il existe enfin, pour beaucoup de professionnels, des types de


contrats arrêtés par les organisations syndicales ou les unions
industrielles. Ces contrats définissent des conditions générales de
vente dont certaines clauses peuvent être jugées excessives
lorsqu’elles sont pratiquement imposées à des clients non avertis ».

G. Ripert et R. Roblot, Traité de Droit commercial, L.G.D.J., Tome


2, 11ème édition.

« Le droit commercial a été pendant longtemps un droit purement


coutumier sans qu’il ait eu aucune rédaction de cette coutume.
Même quand il a été codifié, il a conservé une place assez large aux
usages, car la réglementation légale était insuffisante notamment
en ce qui touche les contrats. L’usage ne se forme que dans un lieu
circonscrit ou dans un milieu étroit et pour cette raison il y a peu
d’usages en matière civile. La formation et la conservation de
l’usage sont plus faciles en matière commerciale. Toutefois, ces
usages tendent à disparaître parce que le commerce n’est plus

Annexes 197
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

confiné dans une place et aussi parce que la loi écrite étend son
empire à toutes les questions. […]

Citons simplement les suivants : solidarité présumée entre débiteurs


commerciaux, contrairement à l’article 1202 du code civil
[Solidarité présumée des codébiteurs commerciaux : en matière
civile, la solidarité ne se présume pas et doit être expresse], mise
ne demeure sans acte extrajudiciaire [mise en demeure sans forme
particulière en matière commerciale (une simple lettre avec accusé
de réception suffi) : en matière civile, la mise en demeure se fait
par voie d’huissier.] contrairement à l’article 1146 du code civil…
[…]

Un usage ne saurait faire échec à l’application d’une loi impérative.


[…] L’existence d’un usage commerciale contraire à la règle de la
loi civile établit l’incompétence de cette loi pour régler l’opération.
L’usage commercial peut alors jouer son rôle supplétif. Aussi ne
pourrait-on pas admettre la valeur de l’usage contre une loi
commerciale qui aurait un caractère impératif.

G. Ripert et R. Roblot, Traité de Droit commercial, L.G.D.J., Tome


1, 13ème édition.

Document 2 : Quelques dispositions légales ou jurisprudentielles


sur les usages commerciaux

1°) L’article 239 de l’Acte uniforme OHADA relatif au droit


commercial général révisé :
« Les parties sont liées par les usages auxquels elles ont
consenti et par les pratiques qui se sont établies dans leurs relations
commerciales.
Sauf conventions contraires des parties, celles-ci sont
réputées avoir adhéré aux usages professionnels dont elles avaient
connaissance ou auraient dû avoir connaissance et qui, dans le
commerce, sont largement connus et régulièrement observés par
les parties à des contrats de même nature dans la branche d’activité
concernée. »

Annexes 198
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

2°)- Motif de la CCJA en date du 19 juillet 2007 :

« Attendu qu’en application du Règlement d’arbitrage de la


Cour de céans, en son article 17 auquel les parties avaient convenu
de soumettre leur litige, l’arbitre tiendra compte des usages de
commerce dans tous les cas, c’est-à-dire même lorsque les parties
ont expressément désigné la loi devant s’appliquer au différend ;
Qu’en l’espèce, en référant aux usages du commerce, dont
l’existence n’est pas contestée par la requérante, le Tribunal
arbitral a statué en droit ainsi qu’il en avait l‘obligation… ».

3°)- Cour de cassation française en date du 6 juillet 1967 (J.C.P.


1967.2.15747) suivante :

La Cour ; - Statuant sur le pourvoi de la Banque Populaire du Berry-


Orléanais, contre un arrêt de la Cour d’appel de Bourges du 28 avril
1966 qui a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile à
l’encontre de Dubots Pierre, condamné pour émission de chèque
sans provision ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de
cassation, pris de la violation des articles 17, 23 et 66 du décret-loi
du 30 octobre 1935, 1982 du Code civil, 2, 3 et 593 du Code de
Procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux
conclusions visées, manque de base légale, renversement de la
charge de la preuve, « en ce que l’arrêt attaqué a déclaré
irrecevable la constitution de partie civile de la banque
demanderesse, aux motifs qu’à défaut de convention contraire, il
est d’usage que l’inscription par une banque du montant d’un
chèque au crédit du compte courant de celui qui le lui remet n’est
faite que sauf bonne fin, que cette réserve a pour effet nécessaire
de conférer à l’opération de remise le caractère d’un mandat, que
la mention « en compte » qui a accompagné les endos signés par la
dame Dubots sur les chèques remis par elle à la banque ne saurait
constituer une preuve qu’en l’espèce un accord contraire serait
intervenu à leur sujet, que la banque n’est donc pas devenue
bénéficiaire de ces chèques, alors que l’inscription au compte
courant du bénéficiaire du montant d’un chèque, endossé sans

Annexes 199
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

mention impliquant un simple mandat, a pour effet de conférer au


banquier la propriété dudit chèque, alors que si la preuve contraire
à cette règle légale peut être apportée par les parties, encore faut-
il que les juges du fond constatent que telle a été leur volonté en la
cause, que l’arrêt attaqué, en prenant comme règle de droit un
usage purement conventionnel et en déclarant que la preuve
contraire n’avait pas été rapportée, a inversé la charge de la
preuve, alors au surplus, que l’arrêt attaqué a arbitrairement
attribué à la clause « sauf bonne foi » un sens qu’elle ne comporte
pas, sans justifier ses affirmations par une analyse de la volonté des
parties, qu’il est au contraire admis que cette clause, sans faire
échec au principe de l’acquisition de la propriété de la provision par
le banquier, lui donne seulement la faculté d’opérer une contre-
passation, faculté dont il n’est pas constaté qu’il ait usé en
l’espèce » ; - Vu lesdits articles ; - Attendu qu’aux termes de
l’article 17 du décret du 30 octobre 1935, l’endossement transmet
tous les droits résultant du chèque, et notamment la propriété de la
provision ; qu’il n’en va autrement, selon l’article 23 du même
décret, que si l’endossement contient la mention « valeur en
recouvrement, pour encaissement, par procuration » ou toute autre
mention impliquant un simple mandat ; - Attendu qu’il résulte des
constatations de l’arrêt attaqué que Dubots Pierre a émis, sur son
compte à la Banque Hervet à Ecueille, sept chèques barrés d’un
montant total de 55 350 francs, à l’ordre de sa belle-sœur, la femme
Dubots ; que celle-ci a endossé les chèques à l’ordre de sa propre
banque, la Banque Populaire du Berry-Orléanais à Vatan, laquelle,
sans attendre le paiement effectif des chèques, a crédité
immédiatement le compte de la femme Dubots de leur montant ;
que la femme Dubots a remis alors, aussitôt, à son beau-frère
plusieurs chèques au porteur qui, tirés par elle sur son compte à la
Banque Populaire du Berry-Orléanais, ont permis à Dubots de se
faire verser par cette banque une somme égale à celle que
représentaient les chèques émis par lui ; - Attendu, cependant, que
présentés à l’encaissement, les chèques émis par Dubots n’ont pas
été payés faute de provision ; que Dubots ayant été poursuivi et
condamné pour infraction à l’article 66 du décret du 30 octobre
1935, les juges du fond ont déclaré la Banque Populaire du Berry-

Annexes 200
Alla Etienne Contrats et usages commerciaux

Orléanais à l’ordre de qui les chèques avaient été endossés,


irrecevable en sa constitution de partie civile, au motif qu’en vertu
d’un usage prétendument constant, une banque ne deviendrait pas,
par l’endossement, la bénéficiaire des chèques que ses clients lui
remettent pour créditer leur compte et ne les porterait en compte
que sauf bonne foi ; - Mais attendu que les prescriptions impératives
de la loi ne peuvent être mises en échec par un usage, même en
matière commerciale ; que l’arrêt attaqué n’indique pas que les
endossements aient contenu une mention impliquant un simple
mandat, mais bien au contraire, constate que la formule
d’endossement contenait la mention « en compte » ; que, dès lors,
en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a méconnu et par
là même violé les dispositions des articles 17 et 23 du décret du 30
octobre 1935 ;
Par ces motifs : - Casse et annule, mais dans ses seules dispositions
relatives à la recevabilité de la Constitution de partie civile de la
Banque Populaire du Berry-Orléanais, l’arrêt de la Cour d’appel de
Bourges du 28 avril 1966, et, pour qu’il soit statué à nouveau,
conformément à la loi dans les limites de la cassation prononcée,
renvoie devant la Cour d’appel de Poitiers.

Annexes 201
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ANNEXE III
Ordonnance n° 2013-662 du 20 septembre 2013 relative à la
concurrence

Annexes 202
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Annexes 203
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Annexes 204
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Annexes 205
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Annexes 206
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Annexes 207
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ANNEXE IV
Décret n° 70-06 du 7 janvier 1970 sur le crédit-bail ou leasing

Annexes 208
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Annexes 209
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Annexes 210
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Annexes 211
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Annexes 212
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Annexes 213
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Annexes 214
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Annexes 215
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Annexes 216
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Annexes 217
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Annexes 218
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Annexes 219
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Annexes 220
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Annexes 221
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Annexes 222
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Annexes 223
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