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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES


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LICENCE 1
SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
SEMESTRE 2

INITIATION AU DROIT COMMUNAUTAIRE

Par

Monsieur Mayatta Ndiaye MBAYE


Agrégé des Facultés de droit
Maître de Conférences de Droit privé

Année universitaire 2010-2011

1
INTRODUCTION GENERALE

L’union fait la force. Cet adage très connu du langage courant a toujours été utilisé pour
montrer les bienfaits de la synergie pour atteindre les objectifs fixés. Il peut être décelé
dans plusieurs domaines :

- Sur le plan des investissements, l’activité individuelle a tendance à laisser la


place à l’activité collective avec notamment la création de groupements
d’affaires.
- Sur le plan social, les intérêts même individuels des salariés sont protégés
notamment par les organisations syndicales.
- Sur le plan économique, l’étroitesse des marchés nationaux est aujourd’hui, pour
plusieurs Etats, remplacée par la mise en place de marchés communs plus larges
dans l’intérêt des consommateurs mais également des opérateurs économiques
qui renforcent leur compétitivité.
- Sur le plan juridique, cet adage se matérialise notamment par la recrudescence
des communautés d’Etats pour des raisons juridiques, politiques ou
économiques.

Dans le domaine de l’intégration juridique et économique, s’unir revient non seulement


à chercher la force mais également à mieux vivre en harmonie. C’est cette deuxième
finalité qui apparaît le plus au travers du droit communautaire.

I- Notion de Droit communautaire

Le droit communautaire s’appréhende fondamentalement à travers l’intégration, le


rapprochement, la coordination ou l’harmonisation des systèmes normatifs.

Droit communautaire et droit international public – Le droit communautaire se


distingue du droit international public qui analyse les collusions d’ordre juridique
connues comme des conflits de souveraineté. Cette branche du droit s’intéresse aux
rapports entre les Etats, et entre les Etats et les organisations internationales.

2
Droit communautaire et droit international privé - Le droit communautaire se
distingue également du droit international privé qui a émergé, dans sa dimension
conflictuelle, de la concurrence entre les ordres juridiques des différents Etats
composants la communauté internationale. Cette branche du droit se donne pour
mission de répartir, dans l’espace, les lois en présence qui se veulent applicables à la
même situation juridique internationale concernant des particuliers (personnes
physiques ou morales). Le droit international privé s’analyse comme une articulation de
systèmes distincts mais cohabitant sur la scène internationale. Chaque Etat continue à
définir l’étendue de son emprise sur les relations privées internationales mais prend
conscience qu’une loi de droit privé n’est qu’une réponse possible à des problèmes
universels. Le droit international privé a donc pour principal objet d’identifier le
système le plus apte à résoudre la question de droit résultant d’une situation juridique
internationale. Il marque une soumission de l’Etat à son environnement international ;
ce qui fait la convergence entre le droit international privé et le droit communautaire.

Droit communautaire – A côté du droit interne (droit d’un Etat donné) et du droit
international (qu’il soit public ou privé)1, le droit communautaire se veut être une
source du droit. Il ne s’incorpore ni au droit public, ni au droit privé. Il se distingue du
droit d’un Etat et du droit de tous les Etats. Il s’agit plutôt du droit de certains Etats.

La spécificité du droit communautaire est d’être « un système juridique propre, intégré


aux systèmes juridiques des Etats membres »2. Il s’applique immédiatement et confère

1
Comme précisé ci-dessus

2
CJCE, Arrêt Costa contre ENEL du 15 juillet 1964 qui consacre le principe de primauté du droit communautaire
sur les législations nationales. Au sujet de la nature juridique de la CEE, la Cour déclara qu' « à la différence des
traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE (aussi appelé traité CE ou Traité de Rome) a institué un ordre
juridique propre intégré au système juridique des États membres [...] et qui s’impose à leur juridiction. En instituant
une Communauté de durée illimitée, dotée d’institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d’une
capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d’une limitation de
compétence ou d’un transfert d’attributions des États à la Communauté, ceux-ci ont limité leurs droits souverains et
ont créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes ».

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aux particuliers des droits qu’ils peuvent invoquer en justice, éventuellement à
l’encontre d’une règle nationale ne respectant pas la règle communautaire. C’est une
source du droit théoriquement subsidiaire mais, dans la pratique, d’une primauté
incontestée.

Le droit communautaire s’intéresse à plusieurs domaines (politique, juridique,


économique). Mais, son développement se fait plus sentir dans les domaines juridique
et économique. D’ailleurs, ses objectifs semblent être essentiellement économiques si
l’on sait que la finalité économique apparaît dans la quasi-totalité des organisations
communautaires. Ces objectifs économiques sont réalisés par l’intégration juridique, le
droit apparaissant alors comme un instrument au service de l’économie. Aujourd’hui
encore, l’intégration régionale est une exigence. Elle permet d’assurer le rapprochement
des Etats membres dans le processus de mondialisation. Toutefois, la complexité des
liens entre la mondialisation et la régionalisation n’est pas à ignorer. En effet,
l’intégration régionale apparaît à la fois comme une réaction à la tendance d’unification
de la dynamique de la mondialisation et comme une condition nécessaire aux
mouvements de la mondialisation.

II- Historique du droit communautaire africain

L’histoire de l’intégration en Afrique est très ancienne.

L’intégration économique en Afrique de l’Ouest est, elle, aussi vieille que les Etats qui
composent cette région. La première convention d’union douanière entre les Etats de
l’Afrique de l’Ouest date du 09 juin 1959. Elle se bornait à perpétuer le territoire
douanier unique que formaient les territoires de l’Afrique de l’Ouest. En raison de son

La Cour conclut « que le droit du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir
judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit
mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même » et qu'ainsi « le transfert opéré par les États, de leur
ordre juridique interne au profit de l’ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux
dispositions du traité, entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait
prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de Communauté ».

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ineffectivité, elle a été remplacée par la convention du 3 juin 1966. Celle-ci a créé l’union
douanière des Etats de l’Afrique de l’Ouest (UDEAO). Cette union sera ensuite
remplacée par la CEAO créée le 21 Mai 1970 par le protocole d’accord de Bamako, mais
le véritable acte de naissance de la CEAO est le traité d’Abidjan du 17 avril 1973.

Bien qu’ayant abouti à des résultats probants, la CEAO a fini par échouer pour
mauvaise gestion. Aujourd’hui, deux traités visant l’intégration économique globale
coexistent en Afrique de l’Ouest : la CEDEAO dont le traité a été signé à Lagos le 28 Mai
1975 et révisée à Cotonou le 24 juillet 1993, ensuite l’UEMOA dont le traité a été signé à
Dakar le 10 janvier 1994 et révisé en 2003.

Il faut toutefois noter que la réunion de la conférence des chefs d’Etat et de


gouvernement de la CEDEAO tenue en décembre 1999, avait arrêté un plan d’action en
vue de l’accélération du processus d’intégration en Afrique de l’Ouest. Ce schéma
prévoyait la mise en place, en 2003, d’une deuxième zone monétaire en plus de la zone
CFA, puis d’une zone monétaire unique, en 2004, par la fusion des deux zones CFA et
CEDEAO.

Le rapide survol de l’histoire de l’intégration sous-régionale permet de mettre en


exergue les différences qui peuvent exister entre les niveaux d’intégration.

Dans un premier temps, selon le critère du domaine d’intégration, il est possible de


distinguer l’intégration juridique et l’intégration économique.

Dans un second temps, l’intégration à dimension économique présente plusieurs


variantes. On distingue ainsi la zone de libre échange de l’union douanière ou encore de
l’union économique et monétaire. L’union douanière traduit une volonté d’intégration
commerciale. Elle repose sur la libre circulation des marchandises entre les pays
membres et l’instauration d’un tarif douanier commun.

La zone de libre échange suppose la suppression des droits de douane et des


impositions équivalentes frappant les échanges commerciaux.

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Mais chaque participant conserve la maitrise de ses relations douanières avec les Etats
un tiers. L’union économique et monétaire va au-delà de l’union douanière. Elle
fusionne les territoires respectifs des Etats membres dans un espace unifié où
personnes, biens, services et capitaux circulent librement et ou les transactions sont
financées par un moyen unique de paiement, une monnaie commune. L’effectivité de
l’union monétaire est subordonnée à la bonne gestion de la monnaie commune. Les
Etats membres perdent toute souveraineté économique et monétaire au profit des
institutions communautaires. Les critères de l’union économique et monétaire sont donc
la coordination des politiques économiques et la monnaie unique.

L’intégration n’est pas seulement économique ou politique. Elle peut également être
juridique. De fait, le droit communautaire applicable dans l’espace ouest africain n’a
pas seulement pour source l’UEMOA ou la CEDEAO.

En effet, certaines matières relèvent de la compétence d’autres organisations


d’intégration juridique recouvrant un espace géographique plus ou moins large et
différents, d’abord dans le domaine des assurances : la règlementation applicable vient
du code CIMA (conférence interétatique des marchés des assurances). Cette
règlementation s’applique dans tous les Etas membres de la CIMA.

Dans le domaine de la propriété intellectuelle et industrielle, les dispositions applicables


viennent essentiellement de l’organisation de la propriété intellectuelle (OAPI).

Dans le domaine bancaire, les dispositions applicables et issues de l’Union Monétaire


Ouest Africaine (UMOA).

L’essentiel de ces règles sont contenus, au Sénégal, dans la loi n° 2008-26 du 28 juillet
2008 qui a abrogé et remplacé la loi n° 90-06 du 26 juin 1990. Il s’agit là d’une
disposition uniforme identique pour l’ensemble des Etats membres de l’UMOA. Le
dernier exemple d’intégration juridique est celle de l’OHADA (Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires).

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Cette communauté de 16 Etats s’intéresse au droit des affaires en général. Elle met en
place des règles communautaires dans le domaine des sociétés commerciales, des
sûretés et de leur réalisation, du transport de marchandises, etc.

Dans le cadre de notre cours, il sera essentiellement question, dans un premier temps,
de voir les généralités du droit commun.

Cette étude sera effectuée à travers notre Chapitre 1er intitulé : Le droit communautaire
en général.

Ensuite, l’étude spécifique sera effectuée sur le droit communautaire africain en général,
le droit communautaire ouest-africain, en particulier. Celle-ci se voit consacrer un
chapitre 2 sur le droit communautaire en Afrique de l’Ouest.

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Chapitre I – Le droit communautaire en général

L’étude du droit communautaire impose l’appréhension des mécanismes de


communautarisation du droit. Ceux-ci sont différents en raison du degré et de la place
du droit communautaire à des sources spécifiques d’inégale valeur, qu’il convient
d’étudier. L’étude du droit communautaire en général exige la détermination de ces
caractéristiques.

Section I – Les mécanismes de communautarisation du droit

La communautarisation du droit peut être effectuée selon des mécanismes différents.


En effet, plusieurs techniques de communautarisation existent de manière autonome,
de telle sorte que leur combinaison au sein d’un même texte est généralement
impossible. Ces mécanismes peuvent être classés en deux catégories.

D’abord, les mécanismes de réduction des différents cas entre les législations nationales.

Ensuite, les mécanismes d’extinction des différences entre les législations nationales.

§ I – Les mécanismes de réduction des différences entre les législations nationales

Deux mécanismes peuvent réduire les différences entre les législations. Toutefois, l’un
seul d’entre eux est un mécanisme de communautarisation du droit. Il s’agit de
l’harmonisation des législations. La coordination des législations, elle, est un faux
mécanisme de communautarisation du droit.

A- La coordination des législations : un faux mécanisme de communautarisation


du droit

La coordination des législations n’est pas un mécanisme de communautarisation du


droit. En effet, dans le cadre de la coordination des législations, les Etats ne mettent pas
en place une communauté déterminée. Il s’agit plutôt de procéder, par le biais de
rapports bilatéraux, à une réduction des différences entre les législations sur le plan de

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leurs conditions d’application. L’objectif est donc d’adopter un mécanisme pour avoir
une attitude commune notamment en ce qui concerne le traitement des étrangers. Il en
est ainsi notamment des conventions de double imposition qui ont pour but d’éviter la
double imposition de résultats aussi bien dans l’Etat d’obtention des revenus
imposables que dans celui de la nationalité du titulaire. C’est également ainsi des
conventions de coopération judiciaire qui ont pour but de faciliter notamment
l’extradition d’un prévenu ou encore l’exécution d’une décision de justice à l’étranger.

Etant entendu que la coordination n’a pas pour but l’élaboration d’une règle de droit
mais plutôt l’aménagement des modalités d’application d’une règle de droit, elle n’est
pas analysée comme un mécanisme de communautarisation du droit proprement dit.

B- L’harmonisation du droit

L’harmonisation des législations nationales qui couvre son terrain de prédilection dans
les rapports multilatéraux. En effet, elle est généralement adoptée dans le cadre de
communauté d’Etats pour la mise en place d’un droit communautaire. Elle réduit les
différences entre les législations nationales par le biais d’adoption de règles communes
sur quelques points d’un corps de règles déterminées.

L’harmonisation du droit n’existe pas dans tous les domaines. Elle tient compte de la
souveraineté des Etats dans des domaines restrictifs, de telle sorte qu’il lui est difficile
de s’intéresser à des domaines réservés aux législations nationales. Dans tous les cas,
l’harmonisation a des fondements différents de la coordination.

1 - Les fondements de l’harmonisation du droit

L’harmonisation du droit est le mécanisme qui le plus utilisé dans le domaine de la


communautarisation du droit. Elle ne concerne pas tous les domaines et maintient une
part de souveraineté des Etats. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle est préférée
aux autres mécanismes. En effet, dans le cadre de l’harmonisation, seule une partie du
domaine concerné fait l’objet de dispositions communautaires. L’autre partie du

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domaine demeure dans le champ de compétence du législateur national. L’objectif de
l’harmonisation n’est donc pas de mettre en place un droit commun à l’ensemble des
Etats membres mais plutôt des dispositions communes à ces Etats membres.

Elle est appréciée comme un mécanisme de mise en place d’un droit communautaire
partiel. Il en est ainsi notamment du droit pénal dans le cadre de l’OHADA. Cette
matière est divisée en deux parties. Pour ce qui concerne les Actes Uniformes, la 1ère
relative à l’incrimination, c’est-à-dire à la considération d’un fait ou d’un acte en
infraction, est réservée au législateur de l’OHADA.

La seconde partie relative à la fixation de la sanction à infliger à l’infraction est réservée


au législateur national, d’où le caractère partiel du droit communautaire de l’OHADA
en ce qui concerne l’aspect pénal.

2 – Le domaine de l’harmonisation du droit

Bien qu’elle soit le mécanisme le plus utilisé pour la mise en place du droit
communautaire, l’harmonisation ne concerne pas pour autant tous les secteurs régis par
le droit.

En effet, il ne s’agit pas d’une technique générale dans la communautarisation du droit.


Certains domaines demeurent toujours la chasse gardée du législateur national.
L’harmonisation se heure donc à la souveraineté des Etats membres. Les domaines qui
souffrent de l’impossibilité ou de la difficulté d’harmonisation sont nombreux. Il en est
ainsi du droit du travail, de la famille, des personnes, d’une partie du droit pénal, etc.

Le critère d’exclusion d’un domaine du champ d’application de l’harmonisation est


essentiellement celui de la protection des valeurs et de l’intérêt public.

§ II – Les mécanismes d’extinction des différences entre législations nationales

Ils sont au nombre de deux : D’abord, l’uniformisation ; ensuite l’unification du droit.

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A – L’uniformisation du droit

Par le biais de ce mécanisme, les Etats membres mettent « l’uniforme » dans un secteur
déterminé.

Il s’agit pour les Etats membres de la communauté de mettre en place des dispositions
identiques dans un domaine déterminé. Le terrain de prédilection de l’uniformisation
est celui économique. Elle se retrouve généralement dans le domaine du droit des
affaires, encore appelé droit économique. Elle s’intéresse au droit dont on a la libre
disposition. La pratique de l’uniformisation découle donc sur des droits nationaux
identiques, de tells sorte qu’il y a une existence de conflits de lois dans le secteur
concerné. L’exemple le plus connu est celui du secteur bancaire.

Dans le cadre de l’UMOA, il existe, en effet une loi uniforme transposée dans
l’ensemble des Etats membres, constituant un droit interne, régissant le secteur
bancaire.

B – L’unification du droit

C’est le maximum, le degré le plus élevé dans la communautarisation du droit. Il s’agit


là d’une véritable renonciation de souveraineté venant des Etats membres. L’unification
du droit a le même domaine que l’uniformisation du droit.

Cette limitation est due au fait qu’elle enlève tout pouvoir aux législateurs nationaux.
Ceux-ci laissent leur place aux législateurs communautaires seuls aptes à adopter une
règle. Par l’unification, les Etats membres mettent en place un droit unique applicable
aussi bien sur le plan communautaire que sur le plan national.

Aucune transposition n’est effectuée par le législateur national. Les dispositions


adoptées par le législateur communautaire s’appliquent directement dans l’ensemble
des Etats membres.

Deux exemples d’unification du droit peuvent être cités.

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D’abord, dans le domaine du droit de la concurrence, les règlements n° 2, 3 et 4 de
l’UEMOA constituent le droit commun régissant les pratiques anticoncurrentielles.

Ensuite, dans le domaine des affaires, en général, les Actes Uniformes de l’OHADA
constituent le droit communautaire applicable aux sûretés, aux voies d’exécution, aux
commerçants, aux sociétés commerciales entre autres.

Section II – Les sources du droit communautaire

L’ordre juridique est un ensemble organisé et structuré de nombres juridiques,


possédant ses propres sources, et doté d’organes et de procédures aptes à les émettre, à
les interpréter et à en sanctionner les violations le cas échéant. Le droit communautaire
constitue un ordre juridique propre intégré au système juridique des Etats membres.
Les traités communautaires instituent donc un nouvel ordre juridique au profit duquel,
les Etats ont limité leur droit souverain, et donc les sujets sont non seulement les Etats
membres mais également leurs ressortissants.

Au regard des aspects essentiels de la définition, les communautés africaines,


notamment l’UEMOA et l’OHADA, constituent des exemples pertinents d’ordre
juridique communautaire.

Le droit communautaire comprend l’ensemble des règles de droit applicables dans


l’ordre juridique communautaire. Il est à la base du système institutionnel et régit les
rapports entre les institutions communautaires ainsi que leurs procédures décisionnels.

La notion de source juridique a une double acception.

Au sens premier du terme, il s’agit de la raison qui motivé l’émergence du droit. Selon
cette définition, la source juridique du droit communautaire est la volonté de créer un
espace commun de développement par des liens économiques étroits. Selon le langage
juridique, la source juridique est l’origine et la consécration du droit. C’est cette
deuxième conception qui nous intéresse.

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Les sources du droit communautaire sont classées en deux catégories. D’une part les
sources primaires et, d’autre part les sources dérivées.

§ I – Les sources primaires

La source première du droit communautaire est composée par les traités instituant les
organisations d’intégration économique ou juridique, y compris les annexes et les
protocoles qui leur sont joints. A ces sources, s’ajoutent leurs compléments et leurs
modifications ultérieures. En tant que droit directement créé par les Etats membres, ces
règles sont qualifiées de droit communautaire originaire dans le langage juridique.

A – Les traités constitutifs

Au regard des différentes organisations d’intégration, deux traités peuvent retenir notre
attention : le Traité de Dakar du 10/01/1994 instituant l’UEMOA et modifié le
29/01/2003 et le Traité de Port-Louis signé le 17/10/1993 instituant l’OHADA.

Les Traités fondateurs ainsi que leurs modifications et compléments contiennent à la


fois :

- des règles juridiques de base relatives aux objectifs (préambule et disposition


liminaire) ;

- des règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des institutions


communautaires contenues dans des clauses appelées clauses institutionnelles ;

- des règles de droit économique contenues dans des clauses matérielles ;

- enfin, des dispositions finales relatives aux modalités d’engagement des parties,
à l’entrée en vigueur et à la révision des traités fondateurs forment donc le cadre
constitutionnel des organisations qui traitent que les institutions

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communautaires doivent ensuite le remplir dans l’intérêt de l’organisation grâce
à leur pouvoir législatif et administratif.

En tant que sources primaires, ces traités échappent à tout contrôle juridictionnel et
priment sur l’ensemble des actes des institutions communautaires.

B – Les actes et protocoles additionnels

Ce sont les actes qui complètent ou modifient les traités constitutifs. Ils viennent
s’incorporer à ces derniers mais ne valent que pour l’avenir. En effet, les actes et
protocoles additionnels ne sont pas rétroactifs même s’ils constituent une partie
intégrante du traité constitutif qu’il modifie ou complète. Ils ont la même force
obligatoire que le traité constitutif lui-même.

§ II – Le droit dérivé

Le droit communautaire dérivé est constitué par un corps de règles élaboré par les
institutions communautaires, selon les procédures prévues par le traité constitutif en
application, ou pour application de celui-ci. Il s’agit d’actes unilatéraux pris par les
institutions communautaires, la plupart étant décisoires ou contraignants. En tant
qu’acte juridique contraignant, le règlement, la décision ou encore l’avis constituent les
éléments les plus marquants du droit communautaire dérivé. Il faut cependant relever
que certains éléments du droit communautaire dérivé, notamment les
recommandations, ont une force relative eu égard aux pouvoirs dont disposent les Etats
membres pour les adopter ou les refuser.

A – Le règlement

Les règlements ont une portée générale. Ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et
son directement applicables dans tout Etat membre. Le règlement contient des
prescriptions générales et impersonnelles. En raison de son caractère essentiellement
normatif, il est applicable non pas à des destinataires limités et identifiables, mais à des

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catégories envisagées de manière abstraite et globale. Le règlement a donc un caractère
normatif erga omnes. Il ne peut faire l’objet d’une application incomplète par les Etats.
Son application directe et automatique lui fait produire des effets juridiques
considérables dans l’ordre juridique interne des Etats.

B – La directive

La directive communautaire repose sur une répartition des tâches et une collaboration
entre les instances communautaires et les autorités nationales. Les directives lient tout
Etat membre quant aux résultats recherchés. Elle fixe des résultats obligatoires pour les
Etats mais leur laisse une marge de manœuvre quant à la forme et au moyen de
l’instrument de réception. Les Etats disposent d’une certaine liberté dans le choix de
l’aide juridique de transposition de la directive. A ce titre, la directive apparaît comme
un instrument de rapprochement d’harmonisation des législations. C’est ce qui le
diffère du règlement qui unifie ou uniformise le droit. La directive ne bénéficie pas
d’une applicabilité directe. Les Etats doivent la transposer en vue de son application.
Elle n’a pas de portée générale sauf si elle est adressée à tous les Etats membres. C’est
donc un procédé de législation indirecte.

C – La décision

C’est un acte obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu’il désigne. La
décision peut être un acte individuel ou collectif et n’a pas de portée générale.
Lorsqu’elle est adressée à un particulier, elle vise à l’application des règles du traité à un
cas particulier. Elle peut cependant s’adresser aux Etats membres à l’égard desquels elle
ne produit d’effets directs puisque ces Etats doivent prendre des mesures d’application
comme pour les directives. Toutefois, les Etats ne conservent pas le choix des formes
juridiques de la mise en œuvre dans l’ordre national.

D – Les avis et recommandations

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Ils n’ont pas d’effets contraignants ou décisoires. Ils formulent de simples propositions
sans pouvoir exprimer des prescriptions. A ce titre, ils ne sont pas considérés comme de
véritables sources du droit. Cependant, il faut reconnaître que, pour une application et
une interprétation uniforme des textes communautaires, les autorités nationales ont
tendance à respecter les avis et recommandations communautaires.

E – Une source dérivée particulière : les Actes Uniformes

L’OHADA utilise un instrument particulier de législation : l’Acte Uniforme. Les Actes


Uniformes sont directement applicables dans les Etats parties. Leur application ne
nécessite aucune intervention législative ou réglementaire nationale. De même, ils sont
obligatoires dans tous les Etats parties et s’imposent sur toute disposition de droit
interne, même postérieure à leur entrée en vigueur. Les Actes Uniformes sont donc
supra législatifs. La concession de souveraineté par les Etats membres est telle qu’en
lieu et place d’une harmonisation ou d’une uniformisation, nous sommes devant une
unification du droit. La difficulté d’appréciation des Actes Uniformes est liée à
l’ambiguïté des termes utilisés dans l’intitulé de l’organisation, les Etats parties utilisent
le terme d’harmonisation.

Dans la dénomination des textes dérivés, le législateur utilise la notion d’acte uniforme
et donc d’uniformisation. Or le contenu et la valeur des textes montrent l’utilisation de
l’unification du droit. Même appréciée comme particuliers, les Actes Uniformes
constituent des règlements communautaires.

Section III – Caractères du droit communautaire

Les caractères du droit communautaire posent le problème de l’articulation du droit


national et du droit communautaire.

Cette étude n’est compréhensible qu’à travers les multiples difficultés rencontrées dans
l’application concomitante des droits national et communautaire. Le droit issu des
sources communautaires n’est ni dans le droit étranger ni dans le droit extérieur. Il est

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le droit propre de chacun des Etats membres. Cela se traduit par les caractères
d’immédiateté, d’applicabilité directe et de primauté.

§ I – L’applicabilité immédiate

Dire que le droit communautaire est immédiatement applicable, c’est lui reconnaître un
statut de droit positif dans l’ordre interne des Etats membres.

Cela signifie d’abord que le droit communautaire est intégré de plein droit dans l’ordre
interne des Etats, sans qu’il soit nécessaire de prendre une quelconque formule spéciale
d’introduction. Il n’y a donc ni réception ni transformation ; ensuite que les normes
communautaires prennent leur place dans l’ordre juridique interne en tant que droit
communautaire ; il n’y a donc pas de nationalisation. Enfin, les juges nationaux ont
l’obligation d’appliquer le droit communautaire.

La reprise des différentes sources communautaires, notamment celles dérivées, fait


apparaître que la réception des règlements est non seulement superflue mais également
interdite. Les directives et les décisions exigent quant à elles des mesures nationales
d’application qui sont des mesures d’exécution et non de réception. Celles bénéficient
de l’applicabilité immédiate par le seul effet de leur publication communautaire ???

§ II – La primauté

Le droit communautaire prime sur le droit national. C’est le principe de la primauté du


droit communautaire. Celui-ci implique que les autorités nationales fassent prévaloir le
droit communautaire sur toute disposition nationale antérieure ou postérieure.
L’autorité chargée d’appliquer le droit commun doit donc d’office laisser inappliquée
toute disposition nationale lorsqu’il existe une disposition communautaire. IL y a donc
une prohibition de plein droit d’appliquer une disposition nationale incompatible avec
le droit communautaire.

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Ce principe est encore appelé principe de supranationalité du droit communautaire sur
le droit national.

§ III – L’effet direct

L’effet direct signifie qu’immédiatement intégré dans l’ordre interne des Etats, le droit
communautaire possède une application générale à y compléter directement le
patrimoine juridique des particuliers. Autrement dit, c’est le droit pour toute personne
de demander au juge de lui appliquer le droit communautaire.

C’est également l’obligation pour le juge de faire usage du droit communautaire quelle
que soit la législation du pays dont il relève. L’effet direct est donc pour le droit
communautaire à être une source de légalité en vigueur dans l’ordre juridique national.

La notion d’applicabilité directe est relative au caractère autosuffisant de la norme


communautaire, à sa capacité intrinsèque à jouer dans le droit interne en l’absence de
toute mesure de concrétisation.

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Chapitre II – Le droit communautaire en Afrique de l’Ouest

L’étude du droit communautaire ouest-africain laisse apparaître une pluralité


d’organisations utilisant des mécanismes différents dans des domaines plus ou moins
différents. La communautarisation du droit s’intéresse à l’intégration politique, à
l’intégration économique et à l’intégration juridique proprement dite. Les organisations
existantes, même si elles ont un objectif principal, s’intéressent à la mise en place de
règles communes concernant d’autres secteurs. C’est ainsi que la CEDEAO qui, pendant
longtemps, s’est occupée de l’intégration politique, empiète aujourd’hui sur
l’intégration économique. De même, l’UEMOA qui s’est, pendant longtemps, occupée
de l’intégration économique, s’est lancée, depuis 2000, dans l’intégration juridique.
Quant à l’OHADA, depuis sa création en 1993, elle continue dans le seul domaine de
l’intégration juridique tout en se préoccupant de son objectif essentiellement
économique. L’implication de ces normes communautaires différentes pose le problème
de leur coexistence. En effet, dans certains secteurs, les normes communautaires de
l’UEMOA, de l’OHADA et, dans une certaine mesure, de la CEDEAO, entrent en
conflit.

L’étude du droit communautaire en Afrique de l’Ouest s’intéresse aux deux


organisations les plus proches de l’intégration juridique, à savoir l’UEMOA et
l’OHADA.

Dès lors, le droit communautaire sera étudié d’abord dans le cadre d’une organisation
d’intégration économique (l’UEMOA), ensuite dans le cadre d’une organisation
d’intégration juridique (OHADA).

Section I– L’application du droit communautaire à l’intégration économique :


l’UEMOA

L’UEMOA est une union née en 1994 et donc le Traité a été modifié en 2003 pour la
dernière fois. Elle se compose d’institutions communautaires différentes avec des

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compétences déterminées et un objectif bien fixé. Elle a mis en place un certain nombre
de normes qui méritent d’être appréhendées.

Dès lors, l’étude des institutions communautaires de l’UEMOA sera suivie de celle du
matériel de l’UEMOA.

§ I – Les institutions communautaires de l’UEMOA

Elles sont énumérées par l’article 16 du Traité de Dakar. Aux termes de cet article : « les
organes de l’Union sont constitués par :

- d’abord la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement ;


- ensuite le Conseil des ministres.

Par ailleurs :

- le Commission ;
- le Parlement :
- la Cour de Justice ;
- la Cour des Compte.

A ces organes, il faut ajouter les institutions spécialisées et les organes consultatifs,
notamment la BECEAO et la BOAD.

A – La conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement

C’est le principal organe de direction politique de l’UEMOA. Elle regroupe les plus
hautes autorités des Etats membres en ce sens qu’y siègent les Chefs d’Etat et de
gouvernement. Son rôle consiste en la définition des orientations de la politique de
l’UEMOA. A ce titre, elle fixe les grandes lignes de la politique d’intégration ainsi que le
calendrier de réalisation. Ses réunions sont préparées par le Conseil des ministres. Sa
présidence est à tour de rôle ainsi que le lieu des réunions.

20
B – Le Conseil des ministres (organe de décision)

En raison de la spécialité par portefeuille ministériel, sont retenues comme parties au


Conseil des ministres, le ministre chargé des finances et de l’économie. Le Conseil des
ministres incarne les intérêts nationaux. Il se présente dans l’aménagement
institutionnel comme l’organe représentatif des Etats membres. Il exprime la légitimité
étatique et joue un rôle essentiel dans l’élaboration du droit communautaire.

En effet, dans l’adoption des textes communautaires, la Commission propose et le


Conseil des ministres dispose. De par ses attributions, il apparaît comme le législateur
de l’Union.

1 – Composition et fonctionnement du Conseil des ministres

L’orientation économique de l’intégration impose que le Conseil des ministres regroupe


les ministres chargés de ces questions dans les différents Etats membres. Cependant, il
faut relever que cette composition n’est pas stricte.

En effet, lorsque les décisions à prendre ne portent pas sur des questions économiques
ou financières, le Conseil des ministres réunit les ministres compétents. Toutefois, les
décisions prises par le Conseil ainsi composé ne deviennent définitives qu’après
vérification de leur compatibilité avec la politique de l’union par les ministres en charge
de l’économie.

La présidence du Conseil est assurée par le ministre de l’Etat dont le Chef d’Etat ou de
gouvernement assure la présidence de la Conférence des Chefs d’Etat.

Les délibérations du Conseil sont préparées par un comité des experts regroupant les
hauts fonctionnaires des Etats membres. La composition de ce comité varie selon les
questions, les membres du comité restent fonctionnaires de leur Etat et ne deviennent
pas fonctionnaires communautaires.

2 – Les attributs du Conseil

21
Le Conseil des ministres dispose avant tout d’un pouvoir normatif ou pouvoir de
décision.

Dans le cadre du Traité de l’UEMOA, le Conseil est la principale autorité disposant du


pouvoir de décision. Il a une compétence générale pour prendre des mesures dans tous
les domaines qui ne sont pas expressément attribués à la Commission de l’UEMOA. Il
lui appartient généralement, sur la proposition de la Commission, de délibérer et arrêter
les actes constituant la réglementation communautaire.

Aux termes de l’article 42 de l’UEMOA, « le Conseil édicte des règles qu’il s’agisse de
règlement, de directive ou de décision ; il peut également formuler des
recommandations ou des avis ».

Il exerce son pouvoir seul. Outre son pouvoir de décision, le Conseil des ministres
assure la coordination des politiques économiques. Ainsi, l’article 20 du Traité prévoit
qu’il assure la mise en œuvre des orientations générales définies par la Conférence des
Chefs d’Etat et de gouvernement. Ce qui constitue son pouvoir gouvernemental.

C – Commission de l’UEMOA (organe d’exécution)

1 – Composition et fonctionnement de la Commission

La Commission est composée de huit membres. Ce nombre peut être modifié par la
Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement. Chaque Etat membre est représenté
par un membre. Les membres de la Commission sont appelés commissaires. Ils sont
désignés par la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement pour un mandat de 4
ans renouvelable. Ils sont irrévocables sauf faute lourde ou incapacité. Les commissaires
ne représentent pas leur Etat membre. Ils doivent œuvrer dans l’intérêt
communautaire ; leur indépendance doit donc être envisagée à l’égard des Etats
membres. Aussi ils ne peuvent ni solliciter, ni accepter des instructions venant des Etats
membres.

22
La Commission est présidée par un président désigné pour un mandat de 4 ans
renouvelable par la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement. Il n’a qu’un rôle
administratif et protocolaire. La Commission fonctionne selon le principe de la
spécialisation des commissaires. Les tâches de la Commission, outre les domaines de
compétence, sont réparties entre les commissaires.

2 – Les attributions de la Commission

La Commission est principalement un organe d’exécution. Il est assimilable au


gouvernement de l’Union. Selon l’article 26 du Traité de l’UEMOA, « la Commission
exerce, en vue du bon fonctionnement et de l’intérêt général de l’Union, les pouvoirs
propres que lui confère le présent traité. A cet effet, elle :

- transmet à la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement et au Conseil des


ministres les recommandations et les avis qu’elle juge utile à la préservation et au
développement de l’Union ;

- exerce par la délégation expresse du Conseil et sous son contrôle, le pouvoir


d’exécution des actes qu’il prend ;

- exécute le budget de l’Union ; … ».

D – Le Parlement de l’UEMOA

Le Traité de l’UEMOA prévoit la création d’un Parlement dont les membres sont élus
au suffrage universel, selon une répartition des sièges entre Etats membres à
déterminer. En attendant la création de cet organe de contrôle, il est institué un Comité
interparlementaire de 40 membres dont 5 par Etat membre. Ce Comité a des
attributions très réduites. Il ne joue qu’un rôle symbolique de contrôle. Il s’agit plus
d’attribution consultative que d’un contrôle démocratique dans l’Union. Aux termes de
l’article 35 du Traité, « le contrôle démocratique des organes de l’Union est assuré par
un Parlement dont la création fait l’objet d’un traité spécifique. Le Parlement participe

23
au processus décisionnel et aux efforts d’intégration de l’Union dans les domaines
couverts par le Traité… ».

E – Les organes juridictionnels

Le contrôle juridictionnel est exercé par deux organes aux attributions très différentes. Il
s’agit de la Cour de Justice de l’UEMOA (CJ UEMOA) et la Cour des Comptes. Leurs
composition et attributions sont fixées par le Protocole additionnel N° 1.

1 – LA Cour de Justice de l’UEMOA

Elle est composée de 8 membres magistrats, à raison d’un membre par Etat. Ils sont
nommés pour un mandat de 6 ans renouvelable. Ils répartissent entre eux les fonctions
de juges et d’avocats généraux. Ils désignent en leur sein un président pour 3 ans. La
Cour nomme son greffier. En tant que juridiction permanente, elle exerce ses fonctions
en Assemblée plénière, c’est-à-dire en formation contentieuse composée de l’ensemble
des juges en présence et d’un avocat général. Elle peut également statuer en chambre du
conseil, c’est-à-dire en Assemblée constituée de la même manière que l’Assemblée
plénière lorsque la cause est de nature à compromettre l’ordre public, la tranquillité ou
la sécurité publique. La CJ UEMOA peut, en outre, se réunir en Assemblée générale
consultative pour exercer sa fonction consultative. Dans ce cas, elle se compose de
l’ensemble de ses Etats membres et son secrétariat est assuré par le greffier. Dans le cas
où elle se prononce sur son règlement administratif ainsi que sur les modalités
d’application de ses règlements généraux, elle se compose de l’ensemble de ses
membres auxquels peuvent être joints les membres du personnel ou leur représentant.

La CJ UEMOA est compétente pour connaître des recours ou manquement des Etats,
des recours en annulation des actes obligatoires des organes de l’Union, des recours en
responsabilité et, enfin, des recours à titre pré judiciaire. La Cour exerce par ailleurs une
fonction consultative au titre de laquelle, elle peut émettre des avis et recommandations
sur tout projet de texte soumis par la Commission. Elle peut émettre un avis sur toute
difficulté rencontrée dans l’application ou l’interprétation des actes relevant du droit

24
communautaire UEMOA. Elle est également compétente pour connaître du plein
contentieux de la concurrence. Autrement dit, elle peut se prononcer sur les décisions et
sanctions que la Commission de l’UEMOA a pu prendre contre des entreprises.

§ II – Le droit matériel de l’UEMOA

L’UEMOA crée un marché intérieur. Le marché intérieur est un grand marché unique
constitué par l’ensemble des marchés nationaux des Etats membres. Il est encore appelé
marché commun. Pour la réalisation du marché intérieur, l’UEMOA met en ^place la
liberté de circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux. Les
règles communautaires instaurent une non discrimination en fonction de la nationalité,
de la reconnaissance mutuelle des législations nationales et de la transposition des
directives communautaires.

Pour accompagner ce processus des règles en matière de concurrence ont été également
adoptées. Celles-ci optent pour une vision macroéconomique en ne réglementant que
les pratiques anticoncurrentielles.

A – La libre circulation dans l’espace communautaire

La création d’un marché commun basé sur la libre circulation constitue l’un des
objectifs de l’UEMOA. Le Traité de l’UEMOA affirme 4 libertés qui constituent les
piliers de la construction du marché intérieur. Il s’agit de la liberté de circulations des
marchandises, des personnes, des services et des capitaux. Au-delà de ces libertés,
l’UEMOA met en place des politiques lui permettant d’atteindre ses objectifs
macroéconomiques.

1 – La libre circulation des marchandises

Les marchandises constituent la première composante essentielle du marché commun.


La libre circulation de celles-ci est prévue par l’article 76 du Traité. Elle consiste à
éliminer sur les échanges entre les pays membres, les droits de douanes, les restrictions

25
quantitatives à l’entrée et à la sortie, les taxes d’effets équivalents et toute autre mesure
tendant à limiter les transactions.

2 – La libre circulation des personnes et droit d’établissement

Elle constitue la deuxième composante essentielle du marché commun. Elle est prévue
par l’article 91 du Traité de l’UEMOA qui affirme la liberté de circulation et de
résidence impliquant l’abolition de toute discrimination entre ressortissants d’Etat
membre fondée sur la nationalité. Dès lors, cette libre circulation concerne la recherche
et l’exercice d’un emploi à l’exception des emplois de la fonction publique et offre aux
ressortissants le droit de se déplacer, de séjourner et d’exercer une activité dans
n’importe quel Etat membre.

3 – La libre circulation des capitaux

Elle est prévue par l’article 96 du Traité. Elle consiste à anéantir les restrictions au
mouvement, à l’intérieur de l’Union, des capitaux appartenant à des personnes
résidant dans l’Union ou l’inverse.

Cette liberté est destinée à faciliter la réalisation des deux autres, beaucoup plus
essentiels, à savoir celle des marchandises et celle des personnes. Les mouvements de
capitaux concernent les investissements directs, les investissements commerciaux
notamment ceux immobiliers, les opérations sur titre bancaire, les emprunts, etc.

La libre circulation des capitaux postule la suppression de toutes les discriminations


fiscales fondées sur l’imposition du capital.

B – Les politiques de l’UEMOA

Le Traité de l’UEMOA définit un certain nombre d’actions que l’Union doit accomplir
pour réaliser les objectifs qui lui sont assignés. Ces actions s’articulent autour de
l’harmonisation des législations de certaines politiques communes et de politiques

26
sectorielles. Il affirme en son article 63 le caractère d’intérêt commun des politiques
économiques des Etats membres.

Dès lors, il fixe un mécanisme de coordination des politiques contrôlé par le Conseil des
ministres. Les politiques communautaires sont diverses. Celles communes concernent la
politique monétaire, économique et le marché commun. Quant aux politiques
sectorielles, elles s’intéressent au développement des ressources humaines (directive n°
3/2007 portant adoption du système LMD dans les Universités et établissements
d’enseignement supérieur au sein de l’UEMOA), à la politique agricole commune (Acte
additionnel N° 3/2001 du 19/12/2001 portant adoption de la politique agricole de
l’UEMOA, à la politique de l’environnement (Acte additionnel N° 1/2008 portant
adoption de la politique commune d’amélioration de l’environnement du 17/01/2008),
à la politique énergétique (Acte additionnel N° 4/2001 portant politique énergétique
commune de l’UEMOA du 19/12/2001). Outre ces secteurs, d’autres font l’objet de
politiques sectorielles. IL en est ainsi en matière industrielle, de télécommunications et
ne matière minière.

C – Le droit de la concurrence de l’UEMOA

Le droit communautaire de la concurrence est composé des règles de l’UEMOA mais


également l’OAPI (Organisation de la Propriété Industrielle). Ces dernières s’intéressent
à la protection de la loyauté de la concurrence et interdisent la concurrence déloyale et
la contrefaçon. Quant aux règles de concurrence de l’UEMOA, elles s’occupent
exclusivement de la protection du principe de la liberté de la concurrence. Elles sont
multiples et sont essentiellement issues du Traité modifié en 2003. Il s’agit :

- des Règlements : N° 02/2002 relatif aux pratiques anticoncurrentielles à


l’intérieur de l’UEMOA et N° 03/2002 relatif aux procédures applicables aux
ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’UEMOA ;
- du Règlement N° 04/2002 relatif aux aides d’Etat ;

27
- de la Directive N° 02/2002 relative à la coopération entre la Commission et les
structures nationales de concurrence des Etats membres ;
- du Règlement N° 09/2003 portant Code communautaire anti-dumping ;
- de la Directive N° 01/2006 relative à l’harmonisation des politiques de contrôle
et de régulation du secteur des télécommunications ;
- de la Directive N° 02/2006 relative à l’harmonisation des régimes applicables aux
opérateurs de réseaux et aux fournisseurs de services ;
- de la Directive N° 05/2006 relative à l’harmonisation de la tarification des
services de télécommunication.

Section II – Le droit communautaire de l’OHADA

L’organisation internationale qu’est l’OHADA a des organes spécifiques qui ont mis en
place un droit communautaire matériel issu essentiellement des Actes Uniformes.

§ I – Les institutions de l’OHADA

Le Traité initial du 17 octobre 1993 a fait l’objet d’une modification récente en 2009.
Cette modification qui a été adoptée le 17 août 2008, et entrée en vigueur en 2009
augmente le nombre d’institutions dans le cadre de l’OHADA. Le Traité modifié
impacte sur les articles 3, 4 7, 9, 14, 17, 27, 31, 39, 40 à 45, 49, 57, 59, 61 et 63 du Traité
initial.

Aujourd’hui, les institutions de l’OHADA sont la Conférence des Chefs d’Etat et de


gouvernement, le Conseil des ministres, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, le
Secrétariat permanent et l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA), la
nouveau institutionnelle est relative à la création de la Conférence des Chefs d’Etat et de
gouvernement.

A – La Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement

Elle est composée de l’ensemble des Chefs d’Etat et de gouvernement des Etats parties.
Elle est présidée par le Chef de l’Etat ou de gouvernement dont le pays assure la

28
présidence du Conseil des ministres. Elle ne se réunit pas périodiquement mais plutôt
sur simple convocation de son président. A compétence est limitée aux questions
relatives aux Traités.

B – Le Conseil des ministres

Il est composé des ministres chargés de la justice et des finances des Etats parties. La
présidence est exercée à tour de rôle et par ordre alphabétique pour une durée d’un an
par chaque Etat partie.

Le président du Conseil des ministres est assisté par le Secrétaire permanent. Quant à sa
mission, le Conseil constitue l’organe d’adoption des dispositions communautaires.
Cela signifie qu’il est l’organe législateur de l’OHADA.

C – La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA)

Dans le Traité initial, sa composition était limitée à 7 juges. Aujourd’hui, avec le Traité
révisé, 9 juges la composent. Ce nombre maximum de juges peut être modifié par le
Conseil des ministres dans le sens d’une augmentation. Les juges de la CCJA sont élus
pour un mandat de 7 ans non renouvelable parmi les ressortissants des Etats parties. Ils
sont choisis parmi les magistrats de 15 ans d’expérience au moins, les avocats dans les
mêmes conditions ou les professeurs de droit. 1/3 des membres de la Cour doit dans
tous les cas appartenir à la catégorie des magistrats et des avocats.

La Cour ne peut comprendre plus d’un ressortissant d’un même Etat. Le président de la
CCJA est nommé parmi les membres et il lui appartient de nommer à son tour le
greffier en chef de la Cour. Ce dernier est choisi par les greffiers en chef de 15 ans
d’expérience au moins et présenté par les Etats parties.

Pour ce qui est des missions, la Cour a deux rôles essentiels :

- d’abord, interpréter uniformément les textes communautaires par le biais d’avis


demandés dans le cadre de l’élaboration ou de l’application des textes ;

29
- ensuite appliquer uniformément les textes communautaires lorsqu’elle est saisie
d’une affaire en cassation, soit par les parties, soit par la Haute Juridiction
nationale qui s’est déclarée incompétence.

Ces missions figurent dans les articles 14 et 15 du Traité.

Toutefois, si la première ne fait l’objet d’aucune difficulté, la seconde, elle, pose un


sérieux problème d’application. En effet, il résulte de l’art. 15 du Traité que la CCJA est
compétence pour connaître de toutes les affaires en cassation comportant une question
demandant l’application d’un Acte Uniforme. La CCJA en application de ce texte, est
amenée à appliquer non seulement les Actes Uniformes mais également le droit
matériel national des Etats parties.

D – Le Secrétariat permanent

Il est dirigé par un secrétaire permanent nommé par le Conseil des ministres pour une
durée de 4 ans renouvelable une fois et qui assiste le Président du Conseil. Il a son siège
à Yaoundé. Il jouit de l’immunité de juridiction et peut détenir ou transférer des fonds
d’un Etat à un autre. Le Secrétariat permanent a pour mission de proposer un
programme d’harmonisation du droit des affaires, de préparer des Actes Uniformes en
concertation avec les Etats parties, de réceptionner les observations des Etats, de
réceptionner les observations des Etats parties et de les communiquer à la CCJA, enfin
de mettre au point la version définitive du projet d’Acte Uniforme.

D’une manière générale, le Secrétariat permanent assure l’élaboration des textes


communautaires dans l’OHADA. Après adoption de ceux-ci, il est chargé de procéder à
la publication des textes adoptés au J.O. de l’OHADA et de veiller à leur publication au
JO des Etats parties.

E – L’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA)

Cette institution qui ne touche guère à l’élaboration ou l’adoption des textes, participe à
la bonne application des règles communautaires. Elle est basée à Cotonou et a pour rôle

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essentiel la formation des magistrats en service. En effet, il ne s’agit pas d’une Ecole de
la Magistrature supplémentaire qui vient concurrencer les Ecoles nationales. Il s’agit
plutôt d’une Ecole de renforcement des capacités des magistrats des Etats parties. Dès
lors, les auditeurs (Elèves magistrats) sont choisis par les Etats parties parmi leurs
magistrats, essentiellement du siège, pour une formation complémentaire dans le
domaine des Actes Uniformes.

Une telle formation permet d’assurer une plus grande crédibilité aux décisions
prononcées en application des textes communautaires.

§ II – Le droit matériel de l’OHADA

Il est composé du droit communautaire dérivé issu de l’application du Traité. Il est


composé de règlements et d’Actes Uniformes. Les règlements actuellement en vigueur
sont : le règlement de procédure de la CCJA qui organise le fonctionnement de la Cour
en tant que Cour de Cassation ; il comporte des règles qui ont pour équivalent en droit
interne le Code de Procédure civile, le règlement d’arbitrage de la CCJA qui organise la
procédure d’arbitrage institutionnelle du Centre d’arbitrage mis en place par la CCJA.
Au-delà de ces règlements composés des règles de forme, l’OHADA a adopté plusieurs
Actes Uniformes applicables directement dans les Etats parties et portant sur des
domaines divers du droit des affaires. En effet, l’article 2 du Traité de l’OHADA
détermine le champ d’harmonisation de manière large en permettant au Conseil des
ministres d’élargir librement le domaine de l’harmonisation. Aujourd’hui, outre les
Actes Uniformes existants, il est prévu depuis 2001 des textes communautaire en droit
du travail, en droit des sociétés coopératives et mutualistes ou encore du droit de la
concurrence, d’où le conflit éventuel possible entre les textes de l’OHADA et ceux de
l’UEMOA. Actuellement, les Actes Uniformes en vigueur sont :

- l’Acte Uniforme portant droit commercial général qui organise le statut du


commerçant ;

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- l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE qui organise
le statut des sociétés allant de leur naissance à leur disparition en passant par
leur fonctionnement ;
- l’Acte Uniforme relatif au droit des sûretés qui comporte le régime des sûretés
personnelles (cautionnement et lettre de garantie) et des sûretés réelles
(hypothèque, gage, nantissement et droit de rétention) ;
- l’Acte Uniforme portant comptabilité des établissements qui fixent les règles du
droit comptable ;
- l’Acte Uniforme portant droit de l’arbitrage ad hoc, c’est-à-dire celui qui se
déroule sans l’intervention d’une institution ;
- l’Acte Uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution qui porte sur les procédures à utiliser pour l’exécution forcée d’une
obligation ;
- l’Acte Uniforme en vigueur ; Acte Uniforme relatif aux procédures collectives
d’apurement du passif qui organise la prévention et le traitement des difficultés
des établissements ;
- enfin, l’Acte Uniforme relatif au transport de marchandises par route qui met en
place un régime juridique spécifique applicable à ce type de transport.

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