Vous êtes sur la page 1sur 88

1

Droit des sociétés, L3S5

Introduction
4 points à envisager à titre liminaire :
• Définition de la société (section 1)
• Histoire et évolution du cadre juridique (section 2)
• Fonctions de la société (section 3)
• Formes concurrentes de la société (section 4)

Section 1 – Définition de la société

La définition légale de la société est donnée par l'article 1832 C. civ.


qui dispose que :
« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui
conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise
commune des biens ou leur industrie en vue de partager le
bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte
de volonté d'une seule personne. »

Le principe est, qu’à l'origine de toute société, il y a un acte juridique,


le plus souvent un contrat, la possibilité de créer une société d'une
seule personne se présentant comme dérogatoire (« dans les cas prévus
par la loi »).
2

De ce fait et dès lors que les règles applicables à l'acte juridique


unilatéral sont en principe celles des contrats, les règles générales
régissant la conclusion des contrats vont trouver à s'appliquer et l'on
exigera donc les trois éléments essentiels à la validité de tout contrat
(consentement des parties ; capacité de contracter ; contenu licite et
certain).
Il faudra, en outre, pour que ledit contrat réponde à la qualification de
société, qu'il comporte les trois éléments spécifiques à ce type de
contrat, à savoir :
• Des apports réciproques,
• La participation aux résultats (lesquels peuvent
consister en une économie aussi bien qu'en un gain)
• La volonté de s'associer (« affectio societatis »).
Cette approche de la société sous l’angle purement contractuel
correspond à la vision traditionnelle de la société.

➢ La vision contractuelle de la société


Elle va culminer au XIXème siècle.
Cette conception repose sur l'idée que la création d'une société relève
par principe de la rencontre de plusieurs volontés.
C'est le dogme de l'autonomie de la volonté, érigé par les auteurs
classiques, qui se manifeste dans la théorie de la société-contrat.
Il ne peut y avoir de contrat sans volonté de contracter, il ne peut y
avoir de société sans volonté des associés de créer cette société.
Cette vision classique de la société se base sur le fait que la société
présente tous les éléments essentiels du contrat au sens du droit des
obligations tels qu’ils étaient énoncés par l’ancien art. 1108 C. civ :
capacité et consentements des parties, objet déterminé ou
déterminable, cause licite et sérieuse.
3

Si la société est un contrat, dans ce cas les futurs associés doivent


jouir de la liberté contractuelle.
Celle-ci doit s'exprimer à plusieurs niveaux :
• Choix de la forme sociale,
• Rédaction des statuts,
• Détermination de l'objet social,
• Conditions de prorogation ou de dissolution de la société.
Cependant, l'analyse contractuelle ne permet pas d'appréhender tout le
droit des sociétés et ne tient notamment pas compte de deux
évolutions majeures :
⋆ Évolution du cadre législatif qui est passé de la loi de 1867
largement supplétive à la loi de 1966 largement impérative, sans
compter la faculté reconnue dorénavant par la loi de créer une société
unipersonnelle qui résulte d'un acte unilatéral.

⋆ Évolution de la jurisprudence qui a progressivement reconnu


l’autonomie de l’intérêt de la personne morale (notion d’intérêt
social), notamment au travers de la théorie de l’abus de majorité qui
permet de sanctionner le comportement des majoritaires qui
sacrifieraient l’intérêt de la société et des minoritaires afin de servir
exclusivement leur propre intérêt (théorie consacrée dans l’arrêt
Fruehauf rendu par la cour d’appel de Paris le 22 mai 1965)

Cette thèse contractuelle a donc, à partir de la 2eme moitié du XXe


siècle, été combattue par une autre analyse :

➢ La vision institutionnelle de la société


4

Elle trouve ses racines dans le Droit public et son système


institutionnel et elle est développée notamment par le doyen Hauriou.
L'institution est un ensemble de règles qui organisent de façon
impérative et durable un groupement de personnes autour d'un
but déterminé.
Dans cette théorie, les droits et intérêts privés sont subordonnés au
but social qu'il s'agit d'atteindre.
Dès lors, dans l’analyse institutionnelle, la société, par sa personnalité
propre, déborde les personnes qui la composent en tendant vers un
intérêt "supérieur" auquel les volontés particulières se soumettent.
Cela permet donc de prendre en considération la promotion
jurisprudentielle de la notion d’intérêt social.
En outre, la nature impérative du cadre de l’institution permet
d’expliquer que la liberté contractuelle s'efface derrière l'ordre public
dans un mouvement qui va trouver son apogée dans la loi du 24 juillet
1966.
Ainsi, c'est le législateur qui règle de façon impérative :

• Le choix de la forme sociale qui est parfois imposée par la


loi
• Les formalités de constitution de la société, notamment les
conditions d'attribution de la personnalité morale.
• La rédaction des statuts qui se présentent le plus souvent
comme des modèles impérativement fixés par la loi
• Les organes nécessaires au fonctionnement de la société et
leurs pouvoirs tant internes que vis à vis des tiers.
En somme, l’idée fondant la thèse institutionnelle est que la théorie
contractuelle ne peut pas appréhender à elle seule la capacité de
jouissance et d'exercice de la société personnifiée, son autonomie
5

patrimoniale ou l'existence de représentants légaux disposant du


pouvoir légal de la société à l'égard des tiers.
La controverse entre les deux thèses est aujourd’hui généralement
considérée comme dépassée par la plupart des auteurs.
Dans toute société se retrouvent aussi bien des règles de type
contractuel que de type institutionnel, les aspects contractuels étant
plus marqués dans les sociétés de personnes et les aspects
institutionnels dans les sociétés de capitaux. De même, les notions de
contrat et d'ordre public ne sont pas nécessairement incompatibles et
peuvent coexister au sein de chaque forme sociétaire.
La doctrine contemporaine se détourne de cette discussion théorique.
Elle considère que la société naît d'un contrat par lequel les fondateurs
concluent un acte de société et qu'elle devient ensuite une institution
dont l'organisation et le fonctionnement sont régis par des règles
auxquelles ses membres ne peuvent échapper.
En outre, toute tentative de classification générale d’une société dans
un cadre purement contractuel ou purement institutionnel se heurte :

- À la faveur de la jurisprudence pour les pactes d'actionnaires qui


participent à l'assouplissement des règles trop contraignantes ;
- Au mouvement législatif entamé à la fin des années 1990, début
des années 2000, et visant à réintroduire une certaine liberté
contractuelle : création de la Société par Actions Simplifiée
(SAS) par la loi du 3 janvier 1994

Section 2 - Histoire et évolution du cadre juridique

Les formes les plus anciennes de sociétés remontent à l’Antiquité


romaine où il existait des groupements, permettant à plusieurs
individus de s’unir dans une entreprise commune :
6

• Exploitation en commun d’un esclave

• Perception en commun des impôts : sorte d’affermage collectif


2 points communs de ces groupements :

1- Ils ne disposaient pas de la personnalité morale : ils étaient


semblables à l’indivision actuelle de droit civil (815 C. civ.)
ou à la société en participation actuelle qui n’a pas la
personnalité juridique

2- Ils reposaient sur le Jus fraternitatis : littéralement droit de


la fraternité : associés se doivent la même confiance que des
frères. Si cette confiance est trahie, ils disposent d’une action
particulière : actio pro socio.
Le droit romain n’est pas allé très loin dans évolution du droit des
sociétés : commercer était réputé être une activité méprisable et seule
l’agriculture est une activité noble.
Dans les anciennes coutumes du nord de la France, on trouve
également des traces de groupements remplissant les fonctions
actuelles des sociétés coopératives agricoles : achat en commun de
matériel agricole dont l’usage est partagé entre les membres du
groupement (institution notamment connue en droit normand, qui
l’avait lui-même empruntée au droit scandinave).
Au Moyen Âge, malgré le redémarrage du commerce et la naissance
d’un droit commercial international avec les foires médiévales de
Flandres, Champagne et Italie du nord, le concept de société ne se
développe pas véritablement.
Les foires sont organisées autour des corporations (sortes de syndicats
de commerçants) qui reposaient sur l’exercice individuel d’une
activité. Dans un cadre juridique qui ne connaît pas la notion de liberté
du commerce et la liberté de la concurrence, elles entravent le
7

développement en commun afin de maintenir un équilibre entre les


membres en place.
Les sociétés trouvent cependant à l’époque médiévale un cadre très
particulier propice à leur développement.
En effet, le droit canonique (droit de l’Église) prohibe le prêt à intérêt
car il est contraire à ses préceptes religieux
Dès lors, l’époque connaît le développement de techniques destinées
à contourner cette prohibition. L’une de ces techniques est le recours à
la Commenda ou société en commandite : au lieu de prêter de
l’argent, le capitaliste (commanditaire) forme avec le marchand
(commandité) une société.
Il se trouve donc associé aux bénéfices et peut, grâce aux dividendes,
être progressivement remboursé non seulement du capital investi dans
la société mais surtout percevoir sous cette forme de dividende des
intérêts.
Le véritable décollage des sociétés intervient au 17°s avec la naissance
des premières grandes compagnies. Elles correspondaient à des
sociétés qui avaient pour objet le commerce maritime international
avec les colonies des puissances européennes.
Ce mouvement est en lien avec le développement de la banque
d’affaire à Amsterdam, Venise, Londres qui permet le regroupement
des capitaux et donc la réalisation, d’investissements importants.
Il existe trois illustrations majeures de ce développement :

➢ La Compagnie néerlandaise des Indes orientales


(VereenigdeOost-Indische Compagnie, ou VOC, littéralement
Compagnie unie des Indes Orientales) est une compagnie de
commerce créée par les Provinces-Unies (Pays-Bas actuels) en
1602. Elle est restée célèbre pour avoir été l’une des entreprises
8

capitalistes les plus puissantes qui aient jamais existé,


contribuant fortement à l'histoire des bourses de valeurs.
Sa naissance procède de considérations à la fois politiques, militaires
et commerciales tenant à la rivalité entre les Provinces-Unies et
l’Espagne ou le Portugal à la fin du 16°s, début 17°s. Les Provinces
unies veulent s’emparer des routes et des comptoirs commerciaux que
les Espagnols et les Portugais ont commencé à mettre en place dans
les Indes orientales (Indonésie actuelle).
L’objet de la VOC est d’unir les flottes des 6 principaux ports des
Provinces unies au travers d’une organisation collégiale relativement
complexe qui présente deux traits qui seront ensuite repris comme
modèle d’organisation des sociétés de capitaux :
⋆ D’une part, la structure de la VOC est une structure pyramidale : à
la base se trouve une assemblée réunissant les membres détenant des
parts de la compagnie ; à l’étage intermédiaire se trouve une assemblée
de directeurs remplissant des fonctions équivalentes à celles d’un
conseil d’administration ; au sommet se trouve un organe de gestion et
de représentation chargé d’assurer la direction de l’entreprise.
⋆ D’autre part, la VOC disposait d’un capital considérable (6,5
millions de florins) qui était divisé en actions, ces actions étant cotées
en Bourse et donc librement négociables.

➢ La Compagnie britannique des Indes orientales (British


East IndiaCompany ou BEIC) est créée également au début du
XVIIe siècle.
Du point de vue juridique, la BEIC est organisée comme une «
regulated company ». Elle réunit des actionnaires qui renoncent à
agir seuls pour le même objet. Le capital est réuni pour le montant
que chacun veut verser et tous peuvent reprendre leur part à la fin de
chaque expédition. De ce fait, le capital (joint-stock) n'est pas fixe.
9

C'est une situation très différente du choix fait par la VOC


d'immobiliser un capital fixe, dont les parts (actions) sont librement
négociables en bourse.

➢ La Compagnie française pour le commerce des Indes orientales,


dite Compagnie des Indes orientales.
Il s’agit d’une compagnie coloniale française créée par
Colbert en 1664 dont l'objet était de négocier dans toutes les
Indes et mers orientales, avec monopole du commerce
lointain pour cinquante ans.
Le choix de la forme juridique est particulier puisque les statuts en
font non pas une société mais une manufacture royale. Le choix de
cette forme s’explique pour des considérations essentiellement fiscales
(exemption de taxes).
Après quelques succès modestes, la Compagnie stagne en raison de sa
taille trop modeste et de la rivalité avec d’autres compagnies. Après
avoir de nombreuses difficultés, elle ne parviendra pas à se rétablir et
disparaît à la Révolution dans un des procès les plus longs de
l’histoire.
En droit interne, le contexte dans lequel se sont développées les
premières sociétés va influencer la naissance des règles juridiques
destinées à les encadrer.
L’ordonnance de 1673 sur le commerce de terre, dite ordonnance
Savary, ne traite que très sommairement de la société et se contente de
formes relativement rudimentaires comme la société en participation
et la société en commandite

Société en commandite simple (SCS) :

La SCS est une société qui regroupe 2 types d’associés :


10

• Le commandité : ayant le statut de commerçant, il est


responsable de manière solidaire et indéfini des dettes de la
société dont il contrôle la direction et la gestion ;
• Le commanditaire : sa responsabilité est limitée au montant
de son apport au capital social de l’entreprise dont il peut
percevoir les dividendes. Il n’a pas de pouvoir de gestion.
Ce désintérêt du législateur pour les sociétés se poursuit avec la
législation napoléonienne

➢ Code civil de 1804. Consacre certaines dispositions au


contrat de société. Il s’agit du premier des petits contrats à
être exposé après les 4 grands contrats spéciaux (prêt ; vente
; échange ; bail).
Titre IX du Livre III du Code civil (Des différentes manières dont on
acquiert la propriété) : articles 1832 à 1873.

➢ Code de commerce de 1807.


D’un côté, il constitue un progrès relatif en ce qu’il consacre des
formes plus modernes de société et principalement les sociétés en
commandite par action et les sociétés anonymes.
Mais, la législation nouvelle entrave le développement de ce type de
sociétés en soumettant leur création à une autorisation administrative.
Les quelques éléments qu’il contient en matière de droit des sociétés
sont très lacunaires (moins d’une cinquantaine d’articles pour tout le
droit des sociétés).
Ces lacunes ne seront comblées que sous le Second Empire, au
moment où se développe la révolution industrielle et où les acteurs
éprouvent le besoin d’avoir des cadres juridiques permettant d’avoir la
sécurité requise pour le développement de leur activité.
11

En un peu plus de 10 ans, sont prises plusieurs grandes lois dont la


plus importante est la loi 24 juillet 1867 relative aux sociétés.
Elle constitue le premier cadre d’ampleur des sociétés et réglemente
notamment la SA en supprimant définitivement toute autorisation
préalable.
Au milieu du 20e siècle, ce premier bloc de réglementation est apparu
insatisfaisant pour deux raisons essentielles :
1- Son ancienneté, l’essentiel datant de la 2 e moitié du XIXe ;

2- Son émiettement en une multitude de textes épars.

Dès le début de la 5e République, il est donc envisagé une réforme


d’ampleur du droit des sociétés qui devait se faire au travers de 3
grandes lois :

• Une sur les sociétés commerciales

• Une sur le droit commun des sociétés et les sociétés civiles

• Une sur les groupes de sociétés


Seules les deux premières ont vu le jour :

➢ La loi sur les sociétés commerciale est la loi du 24


juillet 1966, suivie de son décret d’application du 23
mars 1967
Cette loi importante rénove les formes de sociétés commerciales mais
son bilan est assez mitigé :

Ses innovations véritables sont peu nombreuses et se


limitent à deux éléments :
♠ Acquisition de la personnalité morale des sociétés
commerciales avec l’immatriculation au Registre du
commerce
12

♠ Création d’un nouveau type de SA à l’allemande


(directoire et conseil de surveillance à la place du
conseil d’administration et PDG)

A son actif, il faut quand même également placer


l’accroissement de la sécurité juridique :
♠ Sécurité des tiers en ce qu’elle détermine les
pouvoirs des représentants sociaux à l'égard des
tiers.
♠ Sécurité des associés en renforçant
considérablement leur droit à l’information
(communication des comptes sociaux,
assemblées annuelles) ainsi que les mécanismes de
contrôle de la gestion (commissaires aux comptes,
conseil de surveillance).

A son passif, il faut placer :

1- Accroissement du formalisme : en matière de


convocation et de tenue des assemblées ou des conseils
d’administration + formalisme de publicité dans les
rapports avec les tiers.

2- Rigidité de certaines règles nouvelles, assez


fréquemment assorties de sanction pénales

3- Caractère trop détaillé de la réglementation qui se perd


dans les détails.
13

➢ 2e grande loi contemporaine est la loi du 4 janvier 1978

Cette loi comporte 2 aspects :


♦ 1re aspect : Réglementation du droit commun des sociétés :
l’essentiel a consisté ici à s’inspirer des règles transversales
communes aux sociétés commerciales pour en dégager un tronc
commun applicable à toutes les sociétés, quelle que soit leur nature.
La principale nouveauté réside dans l’obligation d’immatriculer la
société au RCS pour qu’elle puisse acquérir la personnalité civile
(depuis la loi NRE du 15 mai 2001, même les sociétés antérieures à
1978 doivent être immatriculées)

♦ 2e aspect : réglementation de la société civile et de la


société en participation :
♠S’agissant de la société en participation, elle a comme
caractéristique de ne pas être immatriculée : elle n’a pas de patrimoine
propre et n’est pas propriétaire des biens apportés ou acquis. Ce sont
les associés qui sont propriétaires ou copropriétaires des biens utilisés
par la société (notion de société occulte).
Depuis ces deux grandes lois, le droit des sociétés a été très
régulièrement réformé mais par des textes d’ampleur beaucoup plus
modestes qui se contentent de modifier des règles techniques
particulières.
D’un point de vue formel aujourd’hui, l’essentiel des règles de droit
des sociétés se trouve partagé entre 2 codes :

➢ Code civil :
14

Contient réglementation de droit commun : naissance de la


personnalité morale, dissolution société, nullités (article 1832 à 1844-
17)
Réglementation propre à la société civile (1845 à 1870-1) et à la
société en participation (1871 à 1873)

➢ Code de commerce :
Le Livre II du Code de commerce est consacré aux sociétés. Il
reproduit les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés
commerciales + sociétés européennes + GIE et GEIE.
Comme l’a souligné la majorité des auteurs, ce code n’est en réalité
qu’une compilation à droit constant de lois existantes, sans qu’elles
n’aient été réorganisées
De nombreuses autres dispositions spéciales n’ont pas été intégrées
dans les codes historiques : c’est le cas notamment du droit des
établissements de crédit qui est aujourd’hui placé au sein du Code
monétaire et financier ou du droit des sociétés de promotion
immobilière qui est intégré au Code de la construction et de
l’habitation.
D’autres textes sont restés en dehors du processus de codification :
ex : loi du 31 décembre 1990 sur les sociétés d’exercice libéral (SEL).
De nombreux auteurs appellent à la création d’un véritable code des
personnes morales ou au moins un code des sociétés
NB : il existe chez la plupart des éditeurs juridiques des codes des
sociétés mais qui ne sont que des codes d’éditeur et non des codes à
valeur législative : ils rassemblent les textes des divers codes et lois.
15

Section 3 - Fonctions de la société

Le premier motif évident de toute société réside dans l’organisation


d’un partenariat. Cela résulte de la lettre même de 1832 C. civ. qui
évoque un groupement de partenaires qui conviennent de mettre
quelque chose en commun en vue de partager le bénéfice qui pourra
en résulter.
Au-delà de cette évidence, deux motifs principaux inspirent l'adoption
de la forme sociétaire :
1er motif : L’organisation du patrimoine
2ème motif : La recherche des avantages fiscaux et sociaux

§ 1 - 1er motif : l’organisation du patrimoine

La création d'une société ou la mise en société d'une entreprise


individuelle s'impose souvent, en particulier pour satisfaire des
besoins juridiques, financiers et fiscaux.
La constitution d’une société présente à cet égard 3 avantages
classiques :

➢ 1re avantage : La société offre une structure d'accueil à


l'entreprise par sa personnalité morale

Le concept d’entreprise est un concept économique et non pas


juridique. Dit autrement, le droit ne connaît pas l’entreprise et surtout
il ne lui confère pas la qualité de sujet de droit.
En effet, l'entreprise n'a pas la personnalité morale, elle n'a pas
de patrimoine, elle n'est ni créancière, ni débitrice.
16

Seules les personnes, physiques ou morales, peuvent avoir un


patrimoine. Le patrimoine est un attribut de la personnalité juridique.
Il est le gage des créanciers.
L’entreprise est donc dépourvue de cette individualité d'ordre
juridique qui lui permet d'être titulaire de droits et d'être tenue par des
obligations, c'est à dire d'avoir un actif et un passif, le premier
répondant du second.
C'est pourquoi, l'entreprise se moule dans la structure sociétaire qui lui
procure la capacité juridique qui lui manque.
La société constitue dans cette perspective une technique
d'organisation de l'entreprise, le droit des sociétés devenant le droit de
l'entreprise, le droit de la structure juridique de l'entreprise (thèse de
l’École de Poitiers, 1960s).

➢ 2ème avantage : La société est une source de


financement qui dépasse largement les possibilités
d'un seul individu

La création d'une entreprise ne nécessite pas au départ de gros


investissements. En revanche, son développement passe
nécessairement par une augmentation des sommes engagées et par un
recours au crédit bancaire.
Pour les entreprises, commerciales et industrielles, de grande
taille, qui ont besoin de capitaux considérables, la société par actions
notamment la SA, peut émettre des valeurs mobilières en faisant appel
public à l'épargne.
Elle peut également inviter les actionnaires et les tiers à souscrire
à une augmentation de capital, ou solliciter les épargnants pour qu'ils
lui prêtent de l'argent dans le cadre d'un emprunt obligataire contre
versement d'un intérêt annuel
17

Par ailleurs, depuis quelques années, des lois d’inspiration libérale ont
visé à faciliter la création de sociétés sans apport :
La loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique a ainsi supprimé
l'exigence d'un capital minimum pour la SARL et l’EURL, de sorte
qu'aujourd'hui il est possible - du moins en théorie - d'imaginer une
société instituée par une seule personne avec un seul euro.
Mais en pratique les prêteurs demanderont toujours des garanties
personnelles des associés.

➢ 3ème avantage : La société est une technique de


limitation des risques, par la séparation des
patrimoines

La création d’une société jouissant de la personnalité morale et, de ce


fait, dotée d’un patrimoine propre, distinct de celui de ses associés,
présente comme principal atout : la protection relative des
patrimoines.
Traditionnellement, dans le cadre d'une entreprise individuelle non
sociétaire, l'entrepreneur engage tous ses biens, privés comme
professionnels, alors qu’en principe, en société, sa responsabilité est
limitée à son apport.
L’engagement des biens personnels de l’entrepreneur est une
conséquence classique de l’application des règles de droit civil
contenues dans l’article 2284 C.civ. (Ancien art. 2092) qui précise
que « quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de
remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et
immobiliers, présents et à venir ».
18

Ce texte a donné naissance à la théorie du patrimoine. Dans cette


théorie classique du droit civil, le patrimoine est un cadre
théorique qui contient l’ensemble des biens d’une personne.
Il s’agit d’un tout, d’un ensemble de tous les biens et de tous les
rapports de droits qui ont une valeur pécuniaire.
Le patrimoine comprend à la fois un aspect actif, correspondant aux
biens que l’on détient (droits réels), aux créances que l’on nous doit
(droit personnel) et un aspect passif, lié aux obligations dont on est
tenu à l’égard d’autrui, aux dettes.
Dans cet ensemble, l’actif et le passif sont indissolublement liés
puisque le passif répond de l’actif et inversement.
Dans cette analyse, toute personne ne peut avoir qu’un seul
patrimoine.
Cela implique que si l’activité de l’entrepreneur vient à connaître des
difficultés, ce sont tous ses biens, personnels comme professionnels,
qui pourront être saisis par ses créanciers, ce qui peut entraîner de
graves conséquences (ex : saisie du logement familial acheté en
commun par l’entrepreneur et son conjoint).
Afin de tempérer la rigueur de cette solution, le législateur est
intervenu à plusieurs reprises.
D’abord, il a permis de rendre insaisissable la résidence principale
de l’entrepreneur individuel (art. 526-1 et s. C. com.).
Ce dispositif a été originellement un échec relatif pour 2 raisons :

- Il était mal connu des entrepreneurs


- Il ne permettait pas de protéger d’autres immeubles que la
résidence principale, or certains entrepreneurs sont locataires de
leur résidence principale et propriétaire d’une résidence
secondaire
19

Ce dispositif a donc été réformé afin d’une part de rendre insaisissable


de plein droit la résidence principale et, d’autre part, de permettre la
protection d’autres biens immobiliers n’étant pas affecté à un usage
professionnel, notamment la résidence secondaire, mais pour ces
biens, une formalité de déclaration est impérative.
Par ailleurs, la loi portant statut de l'entrepreneur individuel à
responsabilité limitée (l’EIRL), adoptée le 12 mai 2010 a créé un
dispositif qui s’adresse à tout entrepreneur individuel, qu’il soit
commerçant, artisan ou libéral.
L’EIRL permet la séparation du patrimoine de l’entrepreneur, entre
son patrimoine personnel et son patrimoine professionnel affecté à
l’exercice de son activité professionnelle.
Ce dispositif est une dérogation au principe de l’unicité du patrimoine
(création de ce que l’on dénomme un patrimoine d’affectation). Dans
ce cadre, les biens privés répondent seuls des dettes privées et les
biens professionnels répondent seuls de dettes liées à l’activité.
Ce dispositif de l’EIRL a été abrogé par la loi du 14 février 2022 (les
EIRL précédemment créées peuvent continuer à exercer leur activité)
et remplacé par un nouveau statut unique d’entreprise individuelle qui
limite la responsabilité financière de l’entrepreneur aux biens utiles à
l’activité professionnelle. Elle repose donc sur une séparation des
patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur qui opère de
plein droit (et non sur option de l’entrepreneur comme dans le régime
antérieur de l’EIRL).

En pratique, la séparation des patrimoines établie au travers de


l’institution d’une société n'est pas toujours efficace et cela pour trois
raisons.

♠1re raison : le rempart juridique, que constitue une société,


sera différent d'une structure à une autre et bien plus faible dans les
20

sociétés de personnes. Ainsi, dans une société en nom collectif (SNC),


chaque associé est solidairement et indéfiniment responsable avec la
société. En cas de difficultés financières, si les biens de la société ne
suffisent pas à désintéresser les créanciers, ceux-ci pourront faire saisir
les biens d'un ou de plusieurs associés, à charge pour ces derniers de
se faire rembourser en partie par leurs coassociés.
♠2e raison : Quel que soit le type de société choisi, le ou les
dirigeants sont garants de la bonne gestion de l'entreprise à l'égard de
leurs associés et des tiers. Si ces derniers sont en mesure de prouver
qu'ils ont commis des fautes de gestion se révélant être à l'origine des
difficultés financières de l'entreprise, ils pourront rechercher leur
responsabilité et intenter à leur encontre une action en comblement de
passif ou en faillite personnelle.
♠3e raison : Enfin, dès l'instant où la société demandera un
concours bancaire, il sera probable que l’établissement de crédit
réclamera la constitution de garanties (hypothèque/ cautionnement) sur
les biens personnels de certains dirigeants ou associés.

§ 2 - 2ème motif : La recherche des avantages fiscaux et sociaux

En pratique, le choix de créer une société est fréquemment affecté par


deux facteurs :
• 1re facteur : le régime social de l'entrepreneur
Ce critère a longtemps été déterminant dans le choix de la structure
juridique.
En effet, certains créateurs n'hésitaient pas à constituer des sociétés
fictives pour être rattachés, en tant que dirigeant, au régime général
des salariés.
21

La législation a aujourd'hui largement évolué vers une harmonisation


des statuts.

• 2e facteur : Le régime fiscal de l'entrepreneur et de


l'entreprise

Les motifs fiscaux influent souvent sur le choix de la forme sociétaire


et, plus généralement, sur les montages en droit des sociétés.

Dans l'entreprise exploitée sous forme de société, le régime fiscal


varie suivant le type de société adopté et selon la structure choisie, les
bénéfices de l'entreprise seront assujettis à l'impôt sur le revenu ou à
l'impôt sur les sociétés.
Deux situations sont à distinguer :
♠ La première est la situation des sociétés de personnes, dites
sociétés transparentes soumises à l'IR

Il s'agit pour l’essentiel de sociétés à risque illimité :


• SNC,
• SCS pour la part de bénéfice revenant aux commandités,
• Sociétés civiles,
• Sociétés en participation, sociétés créées de fait...
Elles ont le même statut fiscal que l'entreprise individuelle et les
bénéfices réalisés sont directement imposés entre les mains des
associés selon la quote-part qui doit leur revenir.

♠ La deuxième situation est celle des sociétés de capitaux, dites


sociétés opaques, relevant de l'IS
22

Sont obligatoirement assujetties à l'impôt sur les sociétés :


• Les sociétés anonymes (SA) ;
• Les sociétés à responsabilité limitée (SARL) ;
• Les sociétés en commandite par actions (SCA) ;
• Les sociétés par actions simplifiées (SAS) ;
• Les sociétés d'exercice libéral (SEL, SELARL).

La société de capitaux a la qualité de redevable et acquitte elle-même


l'impôt sur les bénéfices qu'elle réalise.
Ces objectifs d’optimisation financière et fiscale peuvent donner lieu à
des dérives et des abus.
La pratique contemporaine des affaires, notamment inspirée par les
droits anglo-saxons, connaît aujourd'hui le développement des SPV :

Special Purpose Vehicle : ce sont des sociétés éphémères


créées pour une seule opération juridique (conclusion d’un contrat,
souscription d’un emprunt, réalisation d’un placement financier). Ces
sont des sociétés sans salariés, avec des dirigeants qui ne sont que des
prête-noms et généralement domiciliés dans des paradis fiscaux. Une
fois l’opération réalisée, la société disparaît. Ces sociétés sont parfois
qualifiées de zombies juridiques ne méritant pas la personnalité morale
et, si la volonté frauduleuse est démontrée, elles seront considérées par
les tribunaux comme des sociétés fictives devant être annulées.
Ex : Panama papers avril 2016

Section 4 - Formes concurrentes de la société


23

La société et l'association (§1)


La société et la fondation (§2)
La société et l'indivision (§3)
La société et la fiducie (§4)

§ 1 - La société et l'association

Le critère de distinction entre la société et l’association est


relativement simple :
L'association se différencie fondamentalement de la société
en ce que son but n'est pas de partager les bénéfices entre
les membres.
Dit autrement, la société est un groupement à but
lucratif (art. 1832) tandis que l’association poursuit un idéal
: typiquement le champ d’activité des associations concerne le
domaine religieux, philosophique, syndical, caritatif, sportif
etc….

Cela ne signifie pas pour autant que tout aspect financier soit exclu du
domaine de l’association.
Incontestablement, la loi du 1erjuillet 1901 qui régit l’association ne
l'empêche pas, afin de réaliser son objet, de se procurer les
ressources nécessaires par l'exercice d'activités lucratives :
organisation de kermesses, prestations de services, ventes d’articles.
Si l’association peut exercer une activité économique, elle ne peut
pas, contrairement aux sociétés, distribuer l’excédent qu’elle
24

s’est ainsi procuré : les profits accumulés ne sont pas distribuables


entre les membres du groupement.
Il faut donc bien faire la distinction entre, d'une part l'autorisation
de réaliser des bénéfices, et d'autre part la prohibition de partager
des bénéfices.

De ce point de vue, certains auteurs estiment que certaines formes


de sociétés sont en réalité plus proches de l’association que de
la société.
C’est le cas de toutes les sociétés coopératives.
Le statut de la coopération a été posé par la loi du 10
septembre 1947 qui a notamment créé la SCOP (société
coopérative de production).
Cette forme de société est ouverte aux activités commerciales,
industrielles, artisanales.
D’un point de vue formel, la SCOP est bel et bien une société
puisqu’elle peut prendre la forme :
D’une société anonyme (Sa),
D’une société à responsabilité limitée (Sarl)
D’une société par actions simplifiée (Sas).
Cependant, contrairement aux sociétés ordinaires qui poursuivent
exclusivement une finalité lucrative, la SCOP a également des
finalités sociales et morales.
Le rôle du capital y est secondaire par rapport à l’apport humain et
cela se traduit par 3 caractères originaux :
25

♠ 1re originalité : Dans la SCOP, les salariés ayant le statut


d'associé sont obligatoirement associés majoritaires de la société.
Ils possèdent donc au minimum 51 % du capital social. Tous les
salariés d'une SCOP n'en sont pas associés, mais ils ont
vocation à le devenir.

♠ 2eme originalité : La société coopérative de production


(SCOP) a comme particularité de disposer d'une gouvernance
démocratique. Les salariés-associés d'une SCOP détiennent 66 % des
droits de vote au conseil d’administration selon le principe 1
salarié = 1 vote, qu'importe le montant du capital social détenu par
chacun.
♠ 3e originalité : loi détermine les modalités de répartition des
bénéfices
Les bénéfices d'une société coopérative de production (SCOP) sont
redistribués de 3 manières :
• Une part pour tous les salariés qui complète leur rémunération,
sous forme de participation et d’intéressement (entre 45 % et
obligatoirement au moins 25 % du bénéfice).
• Une part pour les réserves de l’entreprise (entre 45 %, et au
minimum 15 % des bénéfices). La part attribuée aux réserves de
l'entreprise a vocation à assurer son développement en
renforçant ses fonds propres et en participant à sa pérennité.
• Une part pour les salariés-associés sous forme de dividendes
(en général entre 10 % et 15 % et obligatoirement inférieure à
la part « salariés » et la part « réserves »)
26

Par ailleurs, il est admis qu’une association puisse, pour remplir


son objet, faire appel à une ou plusieurs sociétés.
Ex : Habitat et humanisme : 55 associations de lutte contre le mal
logement qui ont créé une société en commandite par actions, (société
foncière d’habitat et humanisme) qui a pour objet la construction,
l’acquisition et la rénovation de logements afin de loger des personnes
en situation de précarité.

§ 2 – La société et la fondation

La Fondation a été consacrée par la loi du 23 juillet 1987 sur le


développement du mécénat.
Elle se définit comme l'acte par lequel une ou plusieurs personnes
physiques ou morales décident l'affectation irrévocable de biens,
droits ou ressources à la réalisation d'une œuvre d'intérêt
général et à but non lucratif.

La fondation diffère de la société quant à son but.


Elle ne se préoccupe pas de rechercher des bénéfices ou des
économies.
Elle se rapproche de l'association sans pour autant s'y assimiler. Il y a
en effet une différence importante entre les deux structures :
• alors que l'association est un contrat et représente un
groupement de personnes, la fondation naît d'une seule
volonté, celle du fondateur qui donne ou lègue des biens affectés à la
réalisation d'un objectif déterminé par lui.
Le système juridique des fondations s’est perfectionné pour intégrer
aujourd’hui des fondations parapluies (ex : la Fondation de France)
qui abritent plusieurs fondations, chacune d’entre elles étant dédiée à
27

une cause particulière. La Fondation parapluie a donc plusieurs


patrimoines qui sont soumis à un contrôle rigoureux.

§ 3- La société et l'indivision

L’indivision est une institution de droit civil régie par les articles 815
à 815-18 c. civ.
L’indivision correspond à l’hypothèse dans laquelle des personnes
sont, ensemble, copropriétaires d’un bien ou d’une masse de
biens.
Sa fonction traditionnelle en droit civil est de servir de structure
permettant de régir la situation particulière :
• Soit des héritiers entre le jour de l’ouverture de la succession et
celui du partage de la succession
• Soit des époux divorcés entre le jour de l’entrée en vigueur du
divorce et celui de la liquidation de leur ancien régime matrimonial
L’indivision se rapproche de la société en ce que les biens indivis
ressemblent aux apports et le partage des bénéfices est commun à
l'indivision et à la société.
Mais il y a entre elles deux différences essentielles :
• L’indivision n'a pas de personnalité morale, contrairement à
la société immatriculée. C’est pour cela qu’on la qualifie parfois de
groupement de biens et non de groupement de personne.
En pratique, cela implique qu’en présence d’une société dotée de la
personnalité morale, c’est la société qui est propriétaire des biens. A
l’inverse, dans l’indivision, ce sont les indivisaires eux-mêmes qui
demeurent propriétaire des biens.
28

• La société est un état voulu, un groupement organisé et


stable. A l’inverse, l’indivision est souvent un état subi et par
nature précaire.
Cela se traduit notamment par une différence majeure en matière
d’administration.
L’indivision se caractérisant par une gestion résolument
conservatoire, les décisions relatives aux biens doivent
traditionnellement être prises à l’unanimité.
A l’inverse, la société, ayant pour objet une gestion dynamique,
obéit par principe à la loi de la majorité.

§ 4 - La société et la fiducie

La fiducie a été consacrée par la loi du 19 février 2007 dont les


apports ont été codifiés au sein des articles 2011 et s. du C. civ.
La fiducie est légalement définie comme l'opération par laquelle un ou
plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés,
ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à
un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur
patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit soit
du constituant, soit d'un ou plusieurs bénéficiaires.
Cette institution est la transposition en droit français d’une institution
majeure des droits anglo-saxons : le Trust.
Le principe est le même : il s’agit d’une opération généralement
tripartite dans laquelle les biens qui sont confiés temporairement au
fiduciaire sortent du patrimoine du constituant, mais n'entrent pas
totalement dans celui du fiduciaire, car il doit les rétrocéder ou
retransmettre ultérieurement.
29

Il en résulte que le patrimoine fiduciaire est un patrimoine


d'affectation.
Aujourd’hui, c’est essentiellement, voire exclusivement, la fiducie
sûreté qui est mise en œuvre en pratique.
Selon certaines analyses, la fiducie apparaît comme une véritable
concurrente de la société car elle permet une gestion dynamique des
biens et offre une certaine liberté contractuelle.
En pratique cependant, il semble que le dispositif soit largement sous-
employé.

Annonce de plan :
Titre 1 La constitution des sociétés
Titre 2 Le fonctionnement des sociétés
Titre 3 La disparition des sociétés

Titre 1 La constitution des sociétés

Chapitre 1 Les conditions de fond


Chapitre 2 Les conditions de forme
Chapitre 3 La reprise des engagements
Chapitre 4 La sanction de la violation des conditions de formation
30

Chapitre 1er - Conditions de fond de constitution des sociétés

Le contrat de société (généralement représenté par les statuts) doit


satisfaire à certaines conditions qui ne diffèrent pas des dispositions
générales à tous les contrats (Section 1).
Le particularisme n'est pas pour autant absent, puisque s'appliquent
également des règles propres à la société et qui sont instaurées par les
articles 1832 et suivants du Code civil (Section 2)

Section 1 - Conditions générales à tout contrat

Comme tout contrat, le contrat de société suppose que soient remplies


les trois conditions énoncées par le Code civil :
▫le consentement à l'acte des parties qui s'obligent, c'est-à-dire les
futurs associés (§1)
▫la capacité juridique des intéressés (§2) ;
▫un contenu licite et déterminé (§ 3)

§ 1 Le consentement des futurs associés

La société étant traditionnellement rattachée à la catégorie des contrats


consensuels qui se forment par le seul accord de volonté des parties, le
consentement, expression de cette volonté, demeure un élément
essentiel de la naissance du groupement. Il doit exister (1°) et être
exempt de vices (2°).
31

1° Existence du consentement

Le contrat de société n'est valide que si les parties ont la volonté de


s'engager.
Celle-ci se matérialise par la signature des statuts par les associés
qui marque l'échange des consentements.
En application du droit commun (C. civ., art. 1129), il faut d’évidence
être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat.
Néanmoins, le contrat de société se forme rarement de façon
instantanée.
La formation de la société est en pratique toujours précédée d'une
période de gestation plus ou moins longue : c'est un projet qui
germe dans l'esprit de l'un ou de quelques-uns des fondateurs, qui peu
à peu prend corps et se traduit par des pourparlers visant à préciser les
contours et caractéristiques de la future société.
D'où l'importance de savoir à quel moment se forme le contrat de
société.
Les tribunaux distinguent en ce domaine 2 situations :

➢ 1re situation : le projet de société


Il y a projet de société lorsqu’un élément essentiel de la société
n'est pas déterminé.
Tel est le cas :
♦ quand il reste d’« importantes questions à régler » (CA
Versailles, 5 mars 1992)
♦que les parties envisagent d'affecter à leur entreprise commune des
apports pour l'instant « insuffisamment déterminés » (CA Paris, 21
mars 1989)
32

♦quand la convention ne comporte aucune précision sur l'objet


social ni sur les apports respectifs à fournir par les futurs associés,
(Cass. req. 15 déc. 1920)
Le principe est alors que le projet, parce que fait défaut un élément
essentiel, est dénué de toute valeur contraignante.
En effet, le projet ne lie pas définitivement les parties ; il se borne à
constater l'éventuelle création d'une société et ne fait donc pas état des
modalités nécessaires à l'établissement d'un contrat de société

➢ 2e situation : la promesse de société


Cette promesse est la convention par laquelle deux ou plusieurs
personnes s'accordent sur la constitution entre elles d'une
société et en déterminent les principaux éléments.
La promesse de société se présente comme un avant-contrat par
rapport au contrat de société
Il y a alors promesse de société lorsque l'accord des intéressés
portant sur :
La forme de la future société, son objet, l'importance et
la nature des apports respectifs de chaque membre (CA Paris,
25 janv. 1985)
Dès lors que la promesse doit contenir tous les éléments
constitutifs du contrat de société, on considère que la promesse
synallagmatique équivaut au contrat lui-même :
Promesse de société vaut alors société (Cozian)
33

Lorsqu’il s’agit de différencier la promesse du projet, peu importe le


titre donné à l'écrit (protocole d'accord, relevé de conclusions,
promesse de société) dans lequel les parties ont consigné leur accord.
En effet, la solution dépend de la volonté des parties qui abandonnée
à l'interprétation souveraine des juges du fond (Cass. 1re civ., 16
févr. 1977)

2° Intégrité du consentement

Par application des règles du Code civil au contrat de société, le


consentement de chaque associé doit pour sa validité être exempt
d'erreur(a), de dol(b) et de violence(c).
En pratique, les vices du consentement sont plus fréquemment
invoqués en matière de cession de parts ou d'augmentation de capital,
qu'à l'occasion de la constitution de la société.
Aussi, la nullité de la société n'est qu'exceptionnellement
encourue et fait souvent place à la mise en jeu de la responsabilité
des coassociés.

a) Erreur

Les articles du Code civil visent respectivement :


• L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant
Et
• L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation.

➢ Erreur sur les qualités essentielles de la prestation


34

Cette erreur n'emporte nullité de la convention que si elle porte sur la


substance même de la chose.
Elle revêt différentes modalités en matière de société :

♠ L'erreur peut porter sur l'appréciation de la qualité d'un


apport, en particulier lorsque le bien apporté ne permet pas de
réaliser le but poursuivi. Pour autant, l'erreur sur l'estimation
effectuée d'un apport n'est pas prise en compte (C. civ., art. 1136).
♠ L'erreur peut également consister en une erreur sur la nature
du contrat conclu. C'est la situation d'une personne qui pense
conclure un contrat de société, alors que l'autre croit s'engager dans un
contrat de prêt ou un contrat de travail avec participation aux
bénéfices.

♠ Il peut s'agir également d'une erreur sur la forme de la


société : un associé est convaincu d'entrer dans une société de
capitaux, alors qu'en réalité il adhère à une société civile où son
engagement est illimité.

➢ Erreur sur la personne


Cette erreur réside dans la fausse appréciation des qualités
substantielles (moralité, compétence) d'un associé.
L’article 1134 du Code civil exclut l'erreur sur la personne des causes
de nullité, sauf si la considération de cette personne constitue la cause
principale de la convention (contrat intuitu personae) .
Elle ne se conçoit donc que dans les sociétés de personnes, sociétés
en nom collectif, sociétés civiles et sociétés en participation, où
les qualités de compétence ou de solvabilité de certains associés ont
pu inciter les autres à contracter.
35

Elle est au contraire écartée dans les sociétés à risque limité,


SARL et sociétés de capitaux dans lesquelles la personne des
associés importe peu en principe.

b) Dol

L'article 1137 du Code civil considère comme cause de nullité


d'une convention :

♠ d’une part, des manœuvres ou des mensonges de l'un des


contractants pour obtenir le consentement de l'autre ;

♠ d'autre part, la dissimulation intentionnelle par l'un d'eux,


d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre
(réticence dolosive).
Selon la jurisprudence, le dol suppose l'existence de manœuvres
frauduleuses, en particulier d'agissements trompeurs, de
déclarations mensongères, de dissimulations destinées à donner
une vision positive de la situation sociale et, par conséquent, à
faire croire aux chances de succès de la société.
Conformément au droit commun, les manœuvres doivent notamment
avoir été déterminantes du consentement de l'autre partie, de sorte
qu'en leur absence, la victime n'aurait pas contracté.
Le caractère déterminant doit s'apprécier en fonction des
personnes et des circonstances dans lesquelles le consentement a été
donné (appréciation in concreto).
Outre l'annulation du contrat de société, la victime d'un dol peut
mettre en cause la responsabilité extracontractuelle de son auteur
(C. civ., art. 1240) et lui réclamer des dommages-intérêts, sous réserve
de démontrer que le dol se situe bien à l'origine du préjudice invoqué
par elle.
36

c) Violence

Bien que très peu fréquente dans le droit commun des contrats et en
droit des sociétés, on l'évoque traditionnellement sous la forme de
l'état de nécessité qui peut amener un individu à donner son accord à
un contrat de société afin d'échapper à une menace.
Est également l'auteur d'une violence, la partie qui abuse de l'état de
dépendance, notamment économique, dans lequel se trouve
l'autre afin d'obtenir d'elle un engagement qu'elle n'aurait pas souscrit
en l'absence d'une pareille contrainte et d'en tirer un avantage excessif
(C. civ., art. 1143). Une telle hypothèse peut trouver notamment à
s’appliquer dans les relations entre donneur d’ordre et sous-traitant.

§ 2 Capacité des associés

Avant toute chose, il convient de souligner que les règles énoncées ci-
dessous ne concernent que les personnes physiques ou morales
françaises.
La capacité de l'étranger personne physique dépend de sa loi
nationale et non de la loi française.
Ainsi, pour savoir si une personne de nationalité
allemande peut être membre d'une société régie par le
droit français, c'est à la loi allemande qu'il convient de se
reporter pour déceler les éventuelles incapacités faisant échec à
son acquisition de la qualité d'associé.
En droit interne, le principe est que toute personne qui n'est pas
déclarée incapable par la loi est apte à contracter ; elle bénéficie
donc de la capacité juridique (C. civ., art. 1145).
37

En revanche, le législateur considère comme incapables les mineurs


non émancipés (a) et les majeurs protégés au sens de l'article 425 du
Code civil(b) (C. civ., art. 1146).

a) Mineurs

Le mineur est d’un point de vue civil frappé d’une incapacité générale
d’exercice : il détient des droits mais ne peut pas les utiliser lui-même
: c’est son représentant légal ou judiciaire qui agit à sa place.
Par ailleurs, le mineur est également frappé en droit commercial d’une
incapacité spéciale de jouissance : les articles 413-8 du Code civil et
L. 121-2 du Code de commerce font défense à tout mineur d'être
commerçant.
En instaurant cette interdiction, le législateur a voulu soustraire les
personnes sans expérience aux risques générés par une telle activité.

L’articulation entre ces deux incapacités produit une double


conséquence :
⋆ 1re conséquence : Incapacité du mineur à faire partie d’une
société requérant la qualité de commerçant
Un mineur ne peut faire partie d'une société dont les membres
sont commerçants.

♠ Il ne peut pas appartenir à une société en nom


collectif pour laquelle l'article L. 221-1 du Code de commerce
dispose que les associés ont tous la qualité de commerçant,

♠ Il ne peut pas être commandité d'une société en


commandite (simple ou par actions) auquel l'article L. 222-1 de
ce code confère le statut d'associé en nom collectif.
38

⋆ 2e conséquence : capacité du mineur d'être associé non


commerçant
L'interdiction faite à un mineur d'être commerçant ne l'empêche pas
d'accéder à certaines formes sociales, celles où la capacité
commerciale n'est pas requise.
Il s'agit essentiellement :

- Des sociétés civiles,


- Des sociétés à responsabilité limitée,
- Des sociétés anonymes,
- Des sociétés par actions simplifiées
- Des sociétés en commandite dans lesquelles le mineur peut
être commanditaire.
L’engagement du mineur dans la société est alors réalisé par
l’intermédiaire de son représentant légal ou judiciaire (parent ou
tuteur).

b) Majeurs incapables

Les majeurs protégés regroupent :


• Les majeurs sous sauvegarde de justice, non déclarés
incapables par la loi, mais protégés par des mesures qui rendent
plus précaires les opérations consenties par eux ;
• Les majeurs en curatelle qui sous soumis à une demi-
incapacité et ne peuvent accomplir les actes les plus graves
qu’avec l'assistance du curateur ;
39

• Les majeurs en tutelle qui relèvent d’une incapacité


générale et sont assujettis à un régime de représentation
complète à l'instar du mineur non émancipé.

➢ S’agissant du majeur sous sauvegarde de justice :


Selon l'article 435, alinéa 1er du Code civil, ce majeur
conserve l'exercice normal de ses droits.
Il peut donc accéder à une société, peu importe la forme du
groupement, la qualité des associés et la portée de ses
engagements.

➢ S’agissant du majeur sous curatelle


Ce majeur est soumis à une incapacité réduite :

♦ Il peut accomplir seul les actes susceptibles d'être


effectués par le tuteur sans l'autorisation du conseil de
famille (actes conservatoires et d’administration).

♦ En revanche, ce majeur ne peut faire qu'avec


l'assistance du curateur les actes qui requièrent dans le régime
de tutelle l'autorisation du conseil de famille (actes de
disposition).
Cela implique qu’il ne peut pas par principe exercer une activité
commerciale, dans la mesure où le majeur en tutelle ne le peut et
qu'aucune habilitation ne peut être donnée au tuteur.

Néanmoins, à l'ouverture de la curatelle ou ultérieurement, une


décision de justice peut énoncer certains actes que l'incapable peut
accomplir seul ou, au contraire, pour lesquels l'assistance du
40

curateur s’impose (C. civ., art. 471). C'est dire que l'existence d'une
curatelle ne suffit pas pour rendre définitivement compte de la
capacité de la personne qui en fait l'objet. Il faut se prononcer au cas
par cas en fonction de l’ordonnance rendue par le juge du contentieux
de la protection (ancien juge des tutelles).

➢ S’agissant du majeur sous tutelle


Le majeur sous tutelle se trouve dans une situation identique à
celle du mineur sous tutelle.
Les règles relatives à la participation du mineur au contrat de
société lui sont transposables.

§ 3 Objet social

a) Notion
b) Fonctions
c) Caractères

a) Notion

L'objet social est une notion à laquelle font référence de manière


incidente de nombreux textes et notamment les articles 1833 et 18
447 du Code civil.
La difficulté provient du fait que l'article 1832 du Code civil qui
définit le contrat de société, ne traite pas de l'objet social.
Dans le silence du législateur, on considère traditionnellement que
l'objet de la société ou objet social est le type d'activité déterminé
par le pacte social et que la société envisage d'exercer, afin de
réaliser les bénéfices ou l'économie escomptés.
41

L'objet social doit être distingué de 3 notions voisines :

➢ Il se distingue de l'objet du contrat de société


Celui-ci traduit l'objet de l'obligation de chacun des
associés, à savoir la mise en commun de biens ou d'activités en
vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui
pourra en résulter, autrement dit, les apports et la participation
aux résultats de l'exploitation.

Celui-ci est le même pour toutes les sociétés.

➢ Il se distingue également de l'intérêt social qui est à la fois


l'intérêt des associés et de la personne morale (C. civ.,
art. 1833).

La conformité à l'objet social tient uniquement à la nature


de l'acte, tandis que la conformité à l'intérêt social dépend
de l'utilité de l'acte et de son opportunité vis-à-vis de la
société et de ses membres.

Il en découle qu'un acte peut être profitable à la société,


tout en excédant les limites de l'objet social.

Inversement, un acte quoique conforme à l'objet social


peut nuire à la société.

➢ Il se distingue enfin de l'activité sociale.


42

L’activité sociale est la mise en œuvre de l'objet social,


c’est-à-dire l'activité réellement exercée par la société.
Il peut y avoir discordance, l'activité de la société
s'opposant à l'objet social, ou tout au moins le dépassant.
Dans cet antagonisme, la jurisprudence accorde la
prééminence à l'activité conduite par la société. C'est au
regard de l'activité effectivement développée par la société que
s'apprécient les caractères possibles et licites ou non de son
objet.

b) Fonctions

L’objet social remplit en droit des sociétés deux fonctions


importantes.
D’une part, il sert à cerner l’étendue des pouvoirs des dirigeants
dans leurs relations avec les tiers.
Le principe est que la société est automatiquement obligée par
tout acte accompli par eux en conformité à l'objet social.
Lorsque l’acte ne relève pas de cet objet, il faut distinguer selon la
nature de la société :

➢ Si on est présence d’une société de personnes (société


civile. –société en nom collectif), alors l’acte dépassant
l’objet social n’engage par la société.

Cette limitation des pouvoirs des dirigeants aux seuls actes


conformes à l’objet social s’explique par l'étendue des
engagements des associés dans les sociétés de ces types.
43

La prudence commande alors de ne pas définir


démesurément l'objet social, afin de restreindre par là même
les prérogatives des représentants sociaux.

➢ S’il s'agit d'une SARL ou d'une société par actions,


l'objet social ne constitue pas une limite apportée aux
pouvoirs des dirigeants.

Par exception, la société n'est cependant pas tenue, si elle


prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou
qu'il ne pouvait l'ignorer, compte tenu des circonstances.
Les textes précisent que la seule publication des statuts ne
suffit pas à constituer cette preuve (C. com., art. L. 223-18)
Le dirigeant répond vis-à-vis de la société de ses
agissements irréguliers.
La nullité de l'acte critiqué ne pouvant pas le plus souvent être
prononcée dans l'intérêt des tiers, sa responsabilité est mise en
cause.

L'objet social a en outre longtemps joué un rôle essentiel comme


critère de distinction entre les sociétés civiles et les sociétés
commerciales :
• Étaient civiles les sociétés dont l'objet était civil
• Étaient commerciales celles dont l'objet était l'exercice
d'activités commerciales.
La jurisprudence s’était cependant progressivement écartée de ce
principe en recourant à la notion de commercialité par la forme.
44

Arrêt de principe : Cass. com. 4 nov. 1957, ayant affirmé


que, si la société était une coopérative ayant pour objet la construction
d'HLM pour le compte de ses membres (objet civil), elle a néanmoins,
ayant été constituée sous forme de société anonyme, le caractère
de société commerciale, ce qui rendait la juridiction consulaire
compétente pour statuer sur un litige survenu entre ladite société et
l'un de ses membres

La loi du 24 juillet 1966, parachevant cette évolution, a sérieusement


réduit la portée du critère de l'objet en généralisant la notion de la
commercialité formelle.

En application de l'article L. 210-1 du Code de commerce le


caractère commercial d'une société est déterminé par sa forme ou
par son objet.
Sont commerciales à raison de leur forme, quel que soit
leur objet :

- Les SNC (sociétés en nom collectif)


- Les SCS (sociétés en commandite simple)
- Les SARL (sociétés à responsabilité limitée)
- Les sociétés par actions (SA / SAS/ SCA)

En pratique, il n'est pas rare qu'une distorsion soit observée entre


l'objet et la forme : ainsi, de nombreuses sociétés commerciales
par la forme ont une activité qui est uniquement civile.
L’enjeu de la qualification se situe sur le terrain de la compétence
juridictionnelle.
45

La solution de principe privilégiée par la jurisprudence


consiste en ce qui a pu être dénommé le caractère « mécanique » de
la commercialité formelle :

→Si une société a une forme commerciale, même si elle a un


objet civil, ce sont les tribunaux de commerce qui sont
compétents.

Cette solution est cependant parfois écartée par la loi elle-même :


Ainsi, la loi du 31 décembre 1990 relative aux professions
libérales autorise, en vue de leur exercice, la constitution - sous le
nom de sociétés d'exercice libéral – de :
- Sociétés à responsabilité limitée (SELARL),
- De sociétés anonymes (SELAFA)
- De sociétés en commandite par actions (SELCA)
Lorsque la question de la juridiction compétente pour connaître du
contentieux intéressant les sociétés d'exercice libéral a été posée à la
Cour de cassation, elle a décidé que les tribunaux civils sont seuls
compétents pour connaître des actions en justice dans lesquelles
l'une des parties est une société constituée conformément à la loi du
31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des
professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire
ou dont le titre est protégé (Cass. 2e civ. 6 mai 1997).

c)Caractères

L’objet social doit présenter trois caractères : être déterminé (1),


possible (2) et licite (3)
46

Si l’un quelconque de ces trois caractères n’est pas respecté, la


sanction réside dans le prononcé de la nullité de la société.

1 - Objet déterminé

L'objet social doit être déterminé dans les statuts (C. civ., art.
1835. – C. com., art. L. 210-2)

Cette détermination se fait au travers de la description de la future


activité de la société.

Sous réserve du respect de l'ordre public et des bonnes mœurs,


les associés disposent d'une grande liberté dans la détermination de
l'objet statutaire.

Ils doivent toutefois veiller à ce que la détermination de l’objet social


ne soit pas trop vague (d'où l'exclusion d'une formulation vague visant
par exemple « toutes opérations commerciales, industrielles ou
financières » sans autre précision) ni trop étroit

Ex ; de difficultés lorsque l'objet social a été défini de manière étroite :


les avatars de la Compagnie universelle du canal de Suez après 1956
(T. com. Seine, 22 juin 1959).
D'où l'habitude qui s'est répandue de faire figurer après la
définition de l’objet sociale une formule du type : « … et plus
généralement toutes opérations commerciales, industrielles et
financières, mobilières et immobilières pouvant se rattacher,
directement ou indirectement, à l'objet social ci-dessus défini ».
47

2 - Objet possible

La société n'a d'existence effective que dans la mesure où l'objet


statutaire est possible.
La loi distingue ici deux hypothèses
• Une société dont l'objet n'est pas réalisable dès
l'origine, se trouve entachée de nullité.
• Si un objet social possible lors de la constitution, devient
impossible à la suite d'un événement survenu en cours de vie sociale,
cet événement va entraîner la dissolution de plein droit de la
société (article 1844-7, 2° du Code civil “la société prend fin (...)
par la réalisation ou l'extinction de son objet”).

Bien évidemment, les associés, par une modification des statuts,


peuvent choisir un nouvel objet social, avant que le précédent
devienne impossible.
En pratique, une détermination suffisamment large de l'objet
statutaire, dès l'origine ou en cours de vie sociale, empêche presque
toujours son impossibilité ultérieure

3 - Objet licite

L'objet social doit être licite (C. civ., art. 1833), c'est-à-dire être
conforme aux lois, aux bonnes mœurs et à l'ordre public.
Cette exigence résulte de l'application au contrat de société de la règle
générale posée par l'article 6 du Code civil.
Toute activité qui serait illicite pour une personne physique l'est
également pour une société.
48

Est illicite toute activité prohibée par une loi impérative, par
l'ordre public ou les bonnes mœurs.
Tel est le cas d'une société constituée :

- Pour l'exploitation d'une maison de tolérance (Cass. req. 16


août 1864, S. 1865.1.23)
- Pour la gestion d’une maison de jeux non autorisée (Cass.
req. 24 mars 1913, DP 1916.1.264),
- Pour la contrebande (Cass. req. 25 août 1834,
S. 1835.1.673 ; CA Douai, 11 nov. 1907, DP 1908.2.15)

Il est à noter que des activités, bien que licites, ont pu être interdites
sous forme de sociétés.
C'était le cas des professions de notaire ou d'avoué, qui
traditionnellement, devaient être exercées à titre individuel
(aujourd’hui elles peuvent être exercées sous la forme de sociétés
civiles professionnelles ou de sociétés d'exercice libéral).

Parallèlement, certaines activités licites sont interdites sous des


formes particulières de sociétés.
C'est le cas des entreprises d'assurances, de capitalisation et
d'épargne qui ne peuvent fonctionner sous la forme de SARL.
Dans le même ordre d’esprit, certaines activités sont formellement
réservées par la loi à un type particulier de société.
Ex : les sociétés à objet sportif doivent obligatoirement revêtir la
forme de société anonyme.
49

Section 2 Règles propres au contrat de société

Selon une définition traditionnelle, le premier élément nécessaire dans


le contrat de société reste l'existence effective d'apports (§ 1).
Il faut ensuite que le contrat vise à permettre la participation de
chacun des associés aux résultats de l’activité, donc aux bénéfices
et aux pertes (§ 2).
Enfin, il faut également que soit présente l’intention de s’associer
ou affectio societatis (§ 3)

§ 1 La mise en commun d’apports

L’exigence légale de mise en commun d’apports s’explique, d’une


part, dans l’ordre interne afin de donner à la société les moyens de
fonctionner et, d’autre part dans l’ordre externe par le fait que si les
associés n'effectuaient pas d'apport, la société ne disposerait d'aucun
capital social et n'offrirait donc aucune garantie aux créanciers
ainsi privés de tout gage.
Le Code civil a donc imposé aux futurs associés de réaliser des
apports (I) dont l’objet est légalement réglementé (II)

I – Une obligation de l’associé

L'engagement de réaliser un apport doit être pris par chaque associé.


Cette règle était antérieurement explicitement prévue par l’ancien
article 1832 du Code civil mais son énoncé a disparu avec la loi du 3
janvier 1978
50

Il n’en demeure pas moins qu’elle subsiste, notamment au travers des


dispositions de l’article 1843-3 du Code civil qui énonce
expressément que chaque associé est débiteur envers la société de
tout ce qu'il a promis de lui apporter.
Il faut donc envisager d’abord la nature juridique de l’acte d’apport
(A) avant de se tourner vers les principes généraux qui le régissent
(B).

A – La nature juridique de l’acte d’apport

A titre liminaire, il faut souligner que le droit distingue la promesse


d'apporter un bien à la société et la réalisation effective de cette
promesse.
• La promesse s'appelle la souscription,
• La réalisation de la promesse s’appelle la libération.
L'intérêt de cette distinction tient à l'absence de concomitance
obligatoire entre la souscription et la libération.
Par l'apport, le bien qui en est l’objet quitte le patrimoine de
l'apporteur pour garnir celui de la société.
Par principe, pour les sociétés pourvues de personnalité morale
qui obtiennent le transfert de la propriété du bien, elles deviennent
titulaires de l'ensemble des droits détenus par l'associé sur ce bien.

Ce transfert n'intervient qu'à compter de


l'immatriculation qui donne naissance à la personne morale et lui
permet d'être titulaire autonome de droits et obligations.
Jusqu'à l'immatriculation, le bien apporté reste dans le
patrimoine de l'apporteur qui doit en assurer la conservation et
supporter les risques de sa disparition (C. civ., art. 1614, al. 1er).
51

Aussi longtemps que la société n'est pas immatriculée, l'associé


se trouve dans la situation d'un vendeur qui n'a pas délivré la
chose vendue.
Conformément au droit commun des obligations, la promesse suffit
à engager son auteur et, en cas d'inexécution volontaire de son
obligation, le promettant défaillant peut y être contraint par ses
coassociés ou dans les sociétés par actions, par la société elle-
même.
L'apport représente la limite de l'obligation de l'associé envers la
société :
En effet, l’associé ne peut pas être contraint d'accroître son
apport en cours de vie sociale (C. civ., art. 1836).
En conséquence, un associé n'est jamais tenu de souscrire à
une augmentation de capital qui serait décidée, et il ne peut pas
être déchu de son titre d'associé s’il refuse (Cass. com., 7 mars
1989, n° 87-12.882).

B- Les principes généraux régissant les apports

Les apports sont régis par 3 principes essentiels :


►1er principe : la nécessité d’une évaluation des apports
Pour fixer la valeur des parts sociales ou actions dévolues à
l'apporteur, l'objet de l'apport doit pouvoir être évalué pécuniairement.
Dans les SARL et les sociétés par actions, cette évaluation
est soumise à une procédure spéciale qui implique l'intervention d'un
commissaire aux apports.
52

Elle doit être la plus exacte possible. Une surévaluation de


l'apport induirait les créanciers sociaux en erreur sur l'actif social et
accroîtrait indûment les droits sociaux de l'apporteur.
Cette surévaluation peut cependant être corrigée ultérieurement par
une réduction du capital social (Cass. req., 9 févr. 1903)
La sous-évaluation de l'apport présente également des dangers, car
elle peut occasionner un redressement fiscal et entraîner un
complément de perception de droits de mutation.
►2e principe : souplesse des conditions liées à la nature,
l’importance ou la provenance des apports
⋆ Il n'est pas nécessaire que les apports soient d'égale
importance :
La disproportion entre la valeur des apports
n'exclut pas, par elle-même, l'existence d'un contrat de
société (Cass. 1re civ., 28 févr. 1973)
⋆ Il n'est pas nécessaire que les apports soient de même
nature :
les apports peuvent avoir pour objet des biens
distincts ; l'apport d'un même associé peut comporter des
éléments de différentes qualités : droit au bail, somme
d'argent, immeuble.
⋆ Est également indifférente l'origine du bien
apporté, qui n’a aucune incidence sur la validité de l'apport
:
le numéraire apporté à la société peut provenir
d'un emprunt, à condition que celui-ci soit réel et non
simulé, et que le prêteur mette réellement les fonds à
la disposition du souscripteur
53

►3e principe : l’apport doit être réel et sérieux.


À défaut, de remplir ces différentes conditions, l'apport est fictif.
On considère notamment que l’apport est fictif lorsqu’il ne présente
aucune utilité pour la société.

A titre d’illustrations, ont été qualifiés de fictifs :


- apport d'un brevet périmé,
- apport d'une créance sur un débiteur d'ores et déjà
insolvable

Il est à noter que la fictivité des apports ne se confond pas avec


leur surévaluation :
- la fictivité de l’apport peut rendre nulle la société :
Cette sanction est prévue de manière générale par
l’article 1844-10 du Code civil mais elle neutralisée
pour certaines sociétés particulières :
C’est le cas des SARL et des sociétés par actions
pour lesquelles la nullité n’est encourue que si tous
les apports sont fictifs (C. com., art. L. 235-1, al. 1er)

- la surévaluation de l’apport ne légitime en principe


qu’une correction de la valeur de l’apport et n’entraine pas
la nullité, sauf en cas de dol ou de fraude (T. com. Paris, 24
juin 1974).
La jurisprudence a également précisé que le caractère fictif ou non de
l'apport s'apprécie au moment de la constitution de la société
54

(Cass. com., 18 juin 1974, n° 73-10.662), c'est-à-dire à la date de


signature des statuts.
En conséquence, la perte de valeur postérieure à l'apport ne
doit pas être prise en considération.
Exemple : n'est pas fictif l'apport d'un brevet régulièrement
pris et qui a fait l'objet d'expériences concluantes avant la
constitution de la société, mais dont l'exploitation n'a pas donné
les résultats escomptés (T. com. Seine, 2 mai 1910)

II-La réglementation légale des apports

S’agissant de la forme des apports, le principe est que peut être mis en
société, tout bien ou droit susceptible d'être l'objet d'une obligation,
dès lors que peut lui être conférée une valeur économique.
De manière classique, depuis 1804, le Code civil distingue 3 grandes
catégories d’apports

Les apports en numéraire (A)

Les apports en nature (B)

Les apports en industrie (C)

A Les apports en numéraire

Selon l'ancien article 1833 du Code civil, l'apporteur pouvait


apporter de l'argent à la société.
Le terme « d’argent » a été remplacé au sein de l'article 1843-3
du Code civil par le terme de “numéraire”
55

Ce changement de terminologie a été conçu pour permettre


d’apporter, à côté de l'argent liquide, des ressources par les
chèques, compte tenu de l'utilisation fréquente de cette monnaie
scripturale en matière commerciale.

L’apport en numéraire présente classiquement deux avantages :

• Par sa nature, il ne soulève pas de question


d'évaluation.

• Il offre l'intérêt de ne pas être lié à une utilisation


spécifique.

Aussi, constitue-t-il l'apport le plus fréquent.

Juridiquement, il s'analyse en une promesse de paiement au


moment de la souscription et en un paiement au moment de la
libération.
L’apport en numéraire doit être distingué des apports en compte
courant :
Dans la pratique, il est fréquent, notamment pour permettre à la
société de répondre à ses besoins passagers de trésorerie, que les
associés, plutôt que de faire des apports complémentaires, lui
consentent des avances ou des prêts.
Ils versent des fonds dans la caisse sociale ou laissent à la
disposition de la société des sommes qu'ils renoncent
provisoirement à percevoir (rémunérations, dividendes...).
Il existe 2 différences majeures entre les apports en compte courant
et les véritables apports :
⋆ 1re différence : l’effet de l’opération
56

• l'apport en numéraire opère un transfert définitif de


propriété au profit de la société. L’argent devient
inconditionnellement le sien.
• l'apport en compte courant ne participe pas à la formation
du capital et confère à l'associé un droit de créance à l'égard de la
société. L’argent n’est que prêté à la société.

⋆ 2e différence : la nature et la source de l’opération

• la réalisation d'apports est légalement et


systématiquement obligatoire
• l'exécution d'apports en compte courant résulte de
dispositions statutaires qui peuvent les prévoir à titre facultatif ou
obligatoire.

S’agissant des règles de libération de l'apport en numéraire, elles sont


variables selon les sociétés :

• Parfois elles relèvent de la libre organisation des statuts


(sociétés civiles, en nom collectif, en commandite simple et en
participation)

• Parfois elles relèvent de la loi mais ici encore avec des


solutions diverses :

- Pour les sociétés par actions, la loi impose que le


versement de la moitié au moins de la valeur nominale des
actions de numéraire.

Le reliquat doit être libéré dans le délai maximal de


cinq ans à compter de l'immatriculation de la société au RCS,
en une ou plusieurs fois sur décision du conseil d'administration
ou du directoire
57

- Pour les SARL la loi exige la libération d'au moins un


cinquième (20 %) de leur montant.
La libération du surplus doit intervenir en une ou plusieurs
fois sur décision du gérant, dans un délai ne pouvant dépasser
cinq ans à compter de l'immatriculation de la société au Registre
du commerce

B Les apports en nature

Cet apport consiste en des biens meubles corporels (outillage,


matériel) ou incorporels (fonds de commerce) et des biens
immeubles corporels (bâtiments) ou incorporels (droits autres que
le droit de propriété portant sur une chose immobilière) susceptibles
d'une évaluation pécuniaire et d'une cession.
La variété des biens apportés est presque illimitée.
Parmi les plus fréquents figurent :
- des immeubles,
- des fonds de commerce,
- des créances,
- des marques et brevets d'invention,
- des véhicules automobiles, des navires et aéronefs,

L’article 1843-3, alinéa 3 du Code civil érige en principe la garantie


de l'apporteur envers la société comme un vendeur envers son
acheteur, en cas d'apport d'un bien en nature et en pleine propriété.

Celui qui réalise un apport en nature est donc tenu envers la société de
deux garanties, celle d'éviction et celle des vices cachés :
58

• La garantie d'éviction a comme rôle de préserver la société de


tout fait ou acte nuisible à la possession paisible du bien apporté (C.
civ., art. 1626). L’apporteur doit garantir la société contre toute
revendication de propriété de sa part comme de la part d’un tiers,
notamment lorsqu'un associé a apporté un bien qui ne lui appartient
pas ou plus (T. com. Lyon, 3 févr. 1949)
• La garantie des vices cachés protège la société contre les défauts
qui rendent le bien impropre à l'usage auquel il était destiné ou
diminuent tellement cet usage que la société ne l'aurait pas accepté ou
n'en aurait donné qu'une moindre rémunération si elle les avait connus
(C. civ., art. 1641). Comme en matière de vente, la garantie des vices
cachés peut être contractuellement écartée. Mais si l’apporteur est de
mauvaise foi (il connaissait le vice de la chose apportée), il ne peut
pas se prévaloir de cette exonération contractuelle. A noter que le
vendeur professionnel est réputé irréfragablement (sans possibilité de
rapporter la preuve contraire) être de mauvaise foi.

Il est à souligner que certains apports en nature sont assujettis à


des règles spécifiques liées à la nature du bien apporté :
C’est le cas notamment pour les fonds de commerce et les
immeubles dont l’apport doit faire l’objet de mesures de
publicité analogues à celles prescrites pour leur vente ou
leur cession.
Ainsi, l’apport d'un immeuble implique un acte passé en la
forme authentique (D. n° 55-22, 4 janv. 1955, art. 4)

C Les apports en industrie

L'apport en industrie est un apport de services.


59

Par cet apport l'associé met à la disposition de la société son activité,


ses connaissances professionnelles et techniques, son
expérience des affaires, ainsi que ses relations ou son crédit.
L’apporteur en industrie doit être distingué du salarié car il
existe entre eux 2 différences importantes :
• D’une part, l’apporteur ne se trouve pas sous la
subordination juridique de la société ou de ses
coassociés. Il possède en tant qu’associé, un droit
d'intervention dans les affaires sociales
• D’autre part, il n'est pas assuré d'une ressource
minimale puisque la rémunération qu'il perçoit est
fonction des résultats sociaux.
L'apport en industrie n'est pas permis dans toutes les sociétés et
on peut établir ici 3 catégories de sociétés :
⋆ 1re catégorie : celles où il est interdit de recourir à l’apport
en industrie.

Cela concerne :
• les sociétés par actions (C. com., art. L. 225-3, al.
4), sauf dans les sociétés par actions simplifiées

• la société en commandite simple mais


l’interdiction ne vaut que pour les commanditaires
qui ne peuvent faire de tels apports (C. com.,
art. L. 222-1, al. 2).

⋆ 2e catégorie : celles où il est librement permis de recourir à


l’apport en industrie

Cela concerne :
60

•les sociétés civiles, notamment les sociétés civiles


professionnelles,
• les sociétés en nom collectif
• la plupart des sociétés agricoles (sociétés
d'exploitation agricole (SEA), exploitations
agricoles à responsabilité limitée (EARL),
groupements agricoles d'exploitation en commun
(GAEC).
⋆ 3ecatégorie : celle où il est permis sous condition de recourir
à l’apport en industrie

Cela concerne :
•la SARL où il peut être procédé à de tels apports sous réserve
que les statuts le prévoient.
• la SAS qui obéit depuis la loi du 4 août 2008à un
régime spécifique permettant d’émettre des actions
inaliénables en rémunération d'apports en industrie

Le régime juridique de l’associé ayant exclusivement fait des


apports en industrie est particulier et connaît des spécificités.

⋆ Dans la mesure où il ne constitue pas le gage des créanciers qui ne


pourraient le saisir, l'apport en industrie n'est pas un élément de
composition du capital social (C. civ., art. 1843-2, al. 2).

⋆ Les parts représentatives d'un apport en industrie sont


incessibles et intransmissibles, cette solution étant justifiée par le
caractère intuitu personae de cet apport.
61

En contrepartie de ses droits, l'apporteur en industrie supporte deux


obligations spécifiques :

⋆ 1re obligation : elle est prévue par l'article 1843-3 du Code civil
qui prévoit que « l'associé qui s'est obligé à apporter son industrie à la
société lui doit compter de tous les gains qu'il a réalisés par l'activité
faisant l'objet de son apport ».
Il doit ainsi procurer à la société les services promis et lui
reverser tous les gains réalisés par l'activité faisant l'objet de son
apport (Cass. req., 16 juill. 1929)

⋆ 2e obligation : l'associé s'interdit pendant sa durée d'avoir une


activité concurrente de celle qu'il exerce au sein de la société.

Cette obligation de non-concurrence est valable pendant toute la


durée de la société, mais il est statutairement possible de prévoir
une période supérieure.

§ 2 La participation aux résultats de l'exploitation

L’idée d’une participation aux résultats impose d’envisager à la fois la


participation aux bénéfices mais également celle aux pertes

■ La vocation aux bénéfices et aux économies

Selon l'article 1832 du Code civil, l'une des conditions d'existence de


la société réside dans le but poursuivi par les associés de partager le
bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.
La répartition des bénéfices suppose 2 conditions :
62

➢ 1re condition : bien évidemment tout d’abord leur existence


Aucun dividende ne peut être réparti entre les associés, si les
comptes établis à la fin de l'exercice ne font apparaître aucun bénéfice
distribuable.
À défaut, ce dividende serait prélevé sur le capital social, au
détriment des droits des créanciers.
Cette protection des intérêts des créanciers conduit alors la loi à
interdire dans les sociétés commerciales ce qui est dénommé la clause
d'intérêt fixe (article L. 232-15 du Code de commerce). Il s’agit
d’une clause qui prévoit le versement d'un dividende même en
l'absence de bénéfice.
Un partage opéré en pareille circonstance constituerait une
distribution de dividendes fictifs.
Il s’agit d’une infraction pénale faisant encourir aux dirigeants
un emprisonnement de 5 ans et une amende de 375 000 euros (C.
com., art. L. 241-3, 2°, L. 242-6, 1°, art. L. 243-1).
Quant aux associés ou actionnaires ayant perçu des dividendes
fictifs, ils doivent les restituer à la société afin de reconstituer le
gage des créanciers sociaux.
Dans les sociétés anonymes, le remboursement n'a cependant
lieu que s'il est prouvé que les intéressés avaient connaissance de
l'irrégularité de la distribution au moment de celle-ci, ou qu'ils ne
pouvaient l'ignorer compte tenu des circonstances. Cela signifie qu'en
cas de bonne foi, ils peuvent conserver le dividende fictif.

➢ 2° condition : l’existence de modalités de répartition des


bénéfices.
63

En l'absence de disposition impérative, les associés déterminent


librement les modalités de répartition et de versement des
bénéfices
La part des associés dans les bénéfices et les pertes est
pratiquement toujours prévue dans les statuts.
Dans la presque totalité des cas, la part sociale est
proportionnelle à l'apport effectué par chaque associé. C'est
d'ailleurs la solution retenue par la loi dans le silence des statuts (C.
civ., art. 1844-1, al. 1er.)
Les associés ont cependant toute latitude pour choisir d'autres bases de
répartition des bénéfices.
Il est donc possible de prévoir par exemple dans les statuts un
partage égal des bénéfices et des pertes malgré une inégalité des
apports et inversement, un partage inégal des bénéfices et des pertes,
malgré une égalité des apports.
Cette rupture d'égalité en faveur de certains associés prend le
nom d'avantage particulier et fait l'objet dans les SARL et les
sociétés par actions, d'une procédure d'information des associés.
Pour autant, cette liberté ne saurait aller jusqu’à priver l'un des
associés de toutes parts dans les bénéfices, ou réduire cette part à une
portion insignifiante, ou encore l'exonérer de toute contribution aux
pertes (C. civ., art. 1844-1, al. 2).
L 'article 1844-1, alinéa 2 sanctionne en effet ce que l’on qualifie
de clause léonine :
Cette dénomination vient du latin « leo », le lion et désigne la
stipulation permettant littéralement à un associé de se tailler la part du
lion.
Il existe 4 variantes de la clause léonine :
64

♠ 1re variante : est léonine la clause qui attribue la


totalité des bénéfices à un associé
♠ 2e variante : est léonine la clause qui prive un associé
de tout profit
♠ 3e variante : est également léonine la clause qui exonère
un associé de toute contribution aux pertes
♠ 4e variante : est enfin léonine la clause qui fait peser
toutes les pertes sur un associé.

Le Code civil prévoit que ces clauses sont réputées non écrites, cette
sanction n'entraînant pas pour autant la nullité du contrat de
société.
La clause réputée non écrite étant dépourvue d'effet et la société
conservant sa validité, la répartition des bénéfices va s'opérer selon les
modalités supplétives de l'article 1844-1 du Code civil,

D’un point de vue pratique, la distribution des bénéfices suppose une


réunion en assemblée des associés afin de se prononcer sur
l'affectation des bénéfices réalisés.
Cependant, l'existence de bénéfices distribuables n'implique pas qu'il y
ait nécessairement distribution.
En effet, plusieurs solutions s'offrent aux associés :

♠ La première modalité consiste à distribuer intégralement les


bénéfices, comme l'implique l'article 1832 du Code civil qui fait du
partage des bénéfices un des objectifs du contrat de société. Cette
politique rémunère le capital et néglige l'autofinancement.
65

♠ La deuxième option réside dans la mise en réserve des


bénéfices sociaux. Cette stratégie est destinée à favoriser
l'autofinancement de tout ou partie des investissements.

♠ La solution intermédiaire consiste à combiner les deux


opérations précédentes.
La détermination de la juste mesure est difficile à mettre en
œuvre.
Enfin, il appartient à l'assemblée générale de fixer les conditions
et délais de paiement des dividendes votés par elle.
La loi impose seulement que la mise en paiement des dividendes
intervienne dans le délai maximal de neuf mois après la clôture
de l'exercice (C. com., art. L. 232-13, al. 1er).

■La contribution aux pertes


La contribution de chaque associé aux pertes subies par la société a
toujours été considérée comme l'un des caractères nécessaires du
contrat de société.
Il faut distinguer la contribution aux pertes et l’obligation aux dettes
sociales :

➢ La contribution aux pertes ne concerne que les rapports


des associés entre eux ou avec la société.

On dit alors parfois que la contribution aux pertes est une


notion relevant des rapports internes, c’est-à-dire les
rapports entre associés.
Cette notion n’entre en jeu qu’en fin de vie sociale, lors
de la liquidation de la société :
66

À la dissolution de la société, après


paiement de tout le passif, il y a perte dès que la situation nette
est inférieure au montant du capital et que, par suite, les associés
ne peuvent reprendre la totalité des valeurs mises par eux
dans la société.
En cours de vie sociale, les pertes constatées sont imputées
sur des réserves disponibles et se traduisent pas une diminution
des capitaux propres, et donc de la valeur des titres détenus par
les associés

➢ l'obligation aux dettes concerne les rapports des


associés avec les tiers.
L’obligation aux dettes, qui pèse sur les associés de certaines
sociétés (notamment les sociétés civiles et les SNC), signifie que les
créanciers de la société peuvent agir contre les associés.
On dit alors que l’obligation aux dettes intéresse les rapports
externes entre associés et créanciers sociaux.
Les pertes annuelles n’ont pas, en principe, à être supportées par les
associés, sauf dans les sociétés de personnes qui ne protègent pas le
patrimoine personnel de leurs associés.

§ 3 L’intention de s’associer

L’intention de s’associer est couramment désignée sous l’appellation


d’affectio societatis.
L'affectio societatis est un élément intentionnel auquel fait
indirectement référence l'article 1833 du Code civil.
67

Cet article dispose notamment que : « toute société doit […]


être constituée dans l'intérêt commun ».
Selon les tribunaux, l’affectio societatis réside dans une volonté de
collaborer de façon effective à une entreprise dans un intérêt
commun et sur un pied d'égalité avec un ou plusieurs coassociés
pour participer aux bénéfices comme aux pertes (Cass. com. 3 juin
1986)
Cette notion joue un rôle variable selon la nature de la société :

➢ Elle n'a presque aucune signification dans les sociétés


par actions de dimensions importantes. Enfin, elle est
réduite à néant dans les sociétés unipersonnelles (EURL,
EARL, SASU).

➢ A l’inverse, elle est très présente dans les sociétés où


les membres courent d'importants risques
patrimoniaux (sociétés et groupements de personnes)
ainsi que dans celles où les associés sont unis par des liens
conjugaux ou familiaux.
Dans ce dernier type de sociétés, la mésentente entre associés entraîne
la disparition de l’affection societatis et peut conduire à la dissolution
judiciaire de la société si le fonctionnement de celle-ci est paralysé par
le conflit entre ses membres (C. civ., art. 1844-7).
Pour éviter une telle extrémité, les tribunaux ont mis en place des
mécanismes d’intervention judiciaire :
♦ le mandat hoc : le juge nomme un tiers pour enquêter sur les causes
du conflit ou pour tenter de concilier les associés en conflit
68

♦ l’administration provisoire : le juge nomme un mandataire de


justice qui dessaisit les dirigeants de la gestion de la société. Il s’agit
d’une solution d’attente dans l’espoir d’un retour à la normale. Si cette
mission échoue, la dissolution judiciaire constitue la seule issue à la
crise.

Chapitre 2 Les conditions de forme

La loi pose diverses règles de forme applicables à l'ensemble des


sociétés, civiles comme commerciales, du fait de leur insertion dans les
dispositions générales applicables aux sociétés figurant aux articles
1832 à 1844-17 du Code civil.
Ces conditions de forme poursuivent trois finalités :
• les unes servent à fixer entre associés la portée des
engagements réciproques et passent par l’exigence d’un écrit (Section
1)
69

• les autres servent à éclairer les tiers avertis du projet des


associés par un avis de constitution (Section 2)
• les dernières servent à donner naissance à la personne
morale au travers de l’immatriculation (Section 3)

Section 1 L’exigence de statuts écrits

L'article 1835 pose une règle générale valable dans toutes les sociétés
civiles ou commerciales (sauf la société en participation) :
« Les statuts doivent être établis par écrit »
Cet article énumère ensuite les mentions obligatoires :
• apports de chaque associé,
• forme de la société
• objet social
• appellation
• siège
• capital
• modalités de fonctionnement
• durée
La durée de la société, qui doit apparaître dans les statuts, ne
peut excéder quatre-vingt-dix-neuf ans (C. civ., art. 1835)
La durée de la société peut également dépendre d’un terme
incertain (en fonction de l’objet social ou d’un évènement
extérieur), sans que ce terme puisse avoir pour effet de donner à
la société une durée supérieure à quatre-vingt-dix-neuf ans
70

La durée posée par les statuts court à compter de


l’immatriculation de la société et non pas à compter de la
signature des statuts
Cette durée est modifiable dans un sens ou dans l’autre :
La durée initialement choisie peut être prorogée grâce à la
procédure applicable aux modifications statutaires. En sens
contraire une modification statutaire peut réduire la durée d’une
société sans être pour autant une décision de dissolution (Cass.
com., 28 nov. 2018, n° 16-29.053)
Le greffier doit rejeter toute demande d'immatriculation considérée
comme irrecevable, en l'absence de statuts ou en présence de
statuts ne contenant pas toutes les mentions exigées.
Si l’exigence d’un écrit n’est pas respectée, le groupement n’est
qu’une société créée de fait.
Privée de personnalité morale parce que non immatriculée, la
société « verbale » n'est pas nulle pour autant.
La sanction du défaut d’écrit réside en effet dans une
action spécifique : l'action en régularisation qui est ouverte à
tout intéressé, comme au ministère public (C. civ., art. 1839)

Ce principe d’un caractère écrit des statuts soulève 2 questions


classiques :

➢ 1re question : forme de l’écrit


En principe, les parties ont le choix entre l'acte sous signature privée
(anciennement dénommé acte sous seing privé) et l'acte authentique.
Toutefois, la forme authentique est obligatoire dans certains cas :
71

Ainsi l'apport d'un immeuble est assujetti à la publicité


foncière, ce qui nécessite la rédaction d'un acte notarié ou tout au
moins le dépôt de l'acte au rang des minutes d'un notaire.

Lorsque les statuts sont sous seing privé, l'article 7 du décret du 3


juillet 1978 déroge à la règle dite des doubles originaux :
Ce texte exige simplement le dépôt d'un exemplaire au siège social et
pour l'exécution des diverses formalités (enregistrement, publicité,
immatriculation) ;

➢ 2e question : contenu de l’écrit


S’agissant de leur contenu, il est acquis que la rédaction des statuts doit
être conforme aux dispositions d’ordre public applicables à la
société en question
Ainsi, sont prohibées et réputées non écrites, les mentions
contraires aux prescriptions de la loi du 24 juillet 1966 et du décret du
23 mars 1967 ainsi qu’aux dispositions impératives du Code civil (C.
civ., art. 1844-10).

Les futurs associés doivent signer l'acte original des statuts. Leur
signature révèle l'accord donné à la création de la société.
Le contrat de société qui révèle l'échange de consentement entre les
associés, est conclu au jour de la signature des statuts.
C'est donc à cette date qu'il faut se référer pour se prononcer sur
l'existence des conditions de validité du pacte social et des éléments
constitutifs du contrat de société.
72

Section 2 L’avis de constitution

Le décret du 3 juillet 1978 prévoit après la signature des statuts


l'insertion d'un avis dans un journal habilité à recevoir les
annonces légales dans le département du siège social.
Cet avis est signé par l'un des fondateurs ou premiers associés ayant
reçu pouvoir spécial.

Cet avis doit comporter des mentions obligatoires qui concernent :


1o la raison ou la dénomination sociale, suivie, s'il y a lieu, de
son sigle ;
2o la forme ;
3o le montant du capital, avec indication du minimum dans le
cas de capital variable ;
4o le siège social ;
5o l'objet social ;
6o la durée (qui ne peut être supérieure à quatre-vingt-dix-neuf
ans) ;
7o le montant des apports en numéraire ;
8o la description sommaire des apports en nature ;
9o l’identification des associés tenus solidairement du
passif;
10o et 11o l'identification des personnes ayant le pouvoir
d'engager la société envers les tiers ;
12o le greffe du futur tribunal d'immatriculation ;
73

Il n'est pas imparti de délai pour accomplir cette formalité (pas plus
que pour la demande d'immatriculation et pour les mêmes raisons).
L'intérêt évident de la société est de hâter la formalité, source de la
personnalité morale.
Le rôle de cet avis est essentiellement de prévenir les tiers de la
naissanceà venir de la société

Section 3- L’immatriculation

L'immatriculation est indispensablepour les sociétés car, depuis la loi


du 4 janvier 1978, c’est l’inscription au RCS qui confère la
personnalité morale à l'entreprise sociétaire, qu’elle soit civile ou
commerciale
C. civ., art. 1842 : les sociétés […] jouissent de la
personnalité morale à compter de leur immatriculation

L'immatriculation fait naître une personne juridique nouvelle.


Sauf stipulation contraire, elle opère le transfert à la société de la
propriété des apports et détermine le moment à partir duquel les
associés peuvent recevoir des parts ou actions.

Cette immatriculation est indispensable même pour les sociétés


constituées avant le 1er juillet 1978 (date d’entrée en vigueur de la
loi du 4 janvier 1978).

La déclaration à fin d'immatriculation est présentée et signée par


l’un des associés ou fondateurs ayant reçu pouvoir spécial
d’accomplir les formalités.

Aucun délai n'est imparti aux fondateurs ou aux membres des


sociétés qui ont signé l'acte de constitution pour réaliser les formalités
74

d'inscription au registre du commerce et des sociétés (C. com., art. R.


123-32).
Les textes énoncent simplement qu'une pareille immatriculation est
demandée au plus tôt après l'accomplissement des formalités de
constitution et de publicité.
La demande d'immatriculation est établie en trois exemplaires sur les
formules fournies par le greffier :
♠ un des exemplaires est ultérieurement restitué au
déposant, après obtention du numéro d'immatriculation,
♠ un autre sera transmis au registre national (Institut
national de la propriété industrielle)
♠ le dernier est conservé par le greffier.
Les énonciations que doivent porter les demandes d'immatriculation
des sociétés sont énumérées aux articles R. 123-53 et suivants du code
de commerce.
Elles sont relatives notamment :
• à l'activité exercée,
• aux gérants et autres personnes ayant le pouvoir
général d'engager la société envers les tiers (nom, prénoms,
domicile, date et lieu de naissance, nationalité),
• à la dénomination sociale,
• au montant du capital,
• au siège social,
• à la durée de la société,
• à la date de l'avis de constitution.
75

Outre la demande, le requérant remet diverses pièces justificatives


énumérées par les textes.
Avant d'accepter la déclaration, le greffier procède à un contrôle
portant sur la concordance de celle-ci avec les pièces justificatives.

Dans les huit jours de l'immatriculation, le greffier doit faire


insérer un avis de constitution au BODACC (Bulletin officiel
des annonces civiles et commerciales).

Cet avis, effectué aux frais de la société, comporte les principales


mentions portées dans la demande d'immatriculation et indique le
numéro attribué à la société au registre.

Chapitre 3 La reprise des engagements souscrits au nom de la


société en formation

Il est acquis que la société qui n’est pas encore immatriculée n’a
pas la personnalité morale (Cass. com., 21 févr. 2012, n° 10-
27.630)
Ainsi que le prévoit l’article 1842 du Code civil, jusqu'à
l'immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le
contrat de société.
Pour autant, avant que la société soit définitivement constituée et ait
acquis la personnalité morale par l'immatriculation, diverses
opérations peuvent avoir été accomplies pour le compte de la
société en formation :
• acquisition ou prise en location d'un local, de matériel,
• mise sur pied d'un secrétariat,
• frais de publicité etc..
76

Certaines de ces opérations peuvent même être antérieures à la


signature des statuts.
En l'absence de texte régissant spécifiquement cette situation, les
tribunaux avaient recours à la théorie de la gestion d'affaires.
La gestion est d’affaires est traditionnellement regardée comme étant
un quasi-contrat dont les effets sont proches du mandat et qui est
destinée à régir la situation dans laquelle une personne (le gérant
d’affaires) vient gérer utilement les affaires d’autrui (le maître de
l’affaire) sans avoir de mandat pour le faire de la part du propriétaire
des biens.
Cette théorie consiste à considérer que, d’un côté, celui qui, sans
y être tenu, gère sciemment et utilement l’affaire d’autrui, à l’insu ou
sans opposition du mâitre de cette affaire est soumis à toutes les
obligations du mandataire et, d’un autre côté, que le maître de l’affaire
doit remplir les engagements utilement contractés dans son intérêt par
le gérant (C. civ., art. 1301 à 1301-2).

Le Code civil, modifié par la loi du 4 janvier 1978, contient désormais


des règles spécifiques qui consistent à distinguer deux hypothèses :

➢ 1re hypothèse : la société régulièrement immatriculée


reprend les engagements souscrits pendant qu'elle n'était
qu'en formation.
Cette reprise peut être réalisée de 3 manières :
♠ Elle peut d’abord résulter de la seule signature des
statuts si on leur avait annexé un état des divers actes,
avec indication pour chacun d'eux de l'engagement qui en
résulterait pour la société. Dans ce cas, la reprise sera
effective dès l'immatriculation.
77

♠ Elle peut ensuite résulter, malgré l'absence d'état


annexé, si, dans les statuts ou dans un acte séparé, les
associés avaient donné à l'un ou à plusieurs d'entre eux un
mandat suffisamment précis.
♠ Enfin, si les deux premières procédures n’ont pas été
employées, la reprise peut encore résulter, après
l'immatriculation de la société, d'une délibération prise à
la majorité des associés, sauf clause particulière des
statuts prévoyant une majorité plus forte voire
l'unanimité.
En cas de reprise, la société est tenue, les personnes ayant agi
en son nom sont déchargées de la dette et la société est censée
avoir conclu l'engagement dès son origine (Cass. 3e civ., 7 avr.
2016, n° 15-10.881).

➢ 2e hypothèse : la société régulièrement immatriculée ne


reprend pas les engagements
Dans ce cas, les personnes qui avaient antérieurement traité au nom
de celle-ci sont seules tenues par les engagements. Ceux-ci ne
lient pas la société.

Chapitre 4 La sanction de la violation des conditions de


formation

Comme tout acte juridique mal formé, le contrat de société peut être
frappé de nullité.
Mais l’application de cette sanction classique fait l’objet d’importants
aménagement en droit des sociétés où
1rement les nullités sont encadrées (Section 1)
78

et
2ement leurs effets sont tempérés (Section 2).

Section 1 L’encadrement des nullités

Ainsi que le soulignent certains auteurs, le législateur a fait preuve


d’une certaine hostilité à l’égard des nullités pouvant frapper les
sociétés.
Cette hostilité se manifeste de 2 manières :
- d’une part au travers de l’encadrement des causes de nullité (§1)
- d’autre part au travers de l’encadrement de l’action en nullité (§
2)

§ 1 L’encadrement des causes de nullité

Le champ d'application de l'action en nullité de la société est


strictement limité par l'article 1844-10.
Ce texte prévoit que les seuls textes dont la violation entraîne la
nullité de la société sont les articles 1832, et 1833.
De l'article 1832, il résulte que la société doit, à peine de nullité,
comprendre au moins deux associés, chacun d'eux faisant un apport et
contribuant aux pertes et ayant droit à sa part dans le profit commun.
L'article 1833 enfin permet d'annuler la société dont l'objet est illicite
et celle qui n'a pas été constituée dans l'intérêt commun des associés,
c’est-à-dire celle où fait défaut l'affectio societatis.
Il est à noter cependant que l'article 1844-10 fait également un renvoi
aux « causes de nullité des contrats en général », ce qui permet ici aux
nullités de retrouver une occasion de s’appliquer
79

§ 2 L’encadrement de l’action en nullité

L'hostilité à l'égard des nullités se manifeste procéduralement par 2


éléments principaux:

➢ 1er élément : par l'abréviation du délai de la


prescription :
Les actions en nullité de la société (comme des actes ou
délibérations postérieurs à sa constitution) se prescrivent par
trois ans à compter du jour où la nullité est encourue (C. civ.,
art. 1844-14 ), au lieu des 5 ans de droit commun (C. civ. art.
2224).

➢ 2e élément : par deux obstacles principaux apportés, en


cours de procédure, au prononcé de la nullité :
• l'action en nullité est éteinte lorsque la cause de nullité
a cessé d'exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première
instance.
• le tribunal peut accorder un délai pour régulariser (art.
1844-13).

Section 2- Effets de la nullité

Les nullités des sociétés dérogent au droit commun des nullités car,
pour ce qui les concerne, la nullité ne rétroagit pas.
En droit commun, selon l’adage « ce qui est nul est de nul effet »
(quod nullum est nullumproduciteffectum), la société annulée serait
censée n'avoir jamais existé.
En conséquence, elle serait supposée :
80

- n'avoir reçu aucun apport,


- n'avoir aucun créancier ni débiteur,
- n'avoir pas réalisé de bénéfices. Ces derniers seraient
conservés sans cause par le gérant ou tout détenteur
occasionnel.

Ces conséquences sont écartées pour la société qui, nulle en droit,


a cependant fonctionné avant son annulation.
La règle est posée par l'article 1844-15 du Code civil qui prévoit que,
lorsque la nullité de la société est prononcée, elle met fin sans
rétroactivité à l'exécution du contrat.
A l'égard de la personne morale qui a pu prendre naissance,
elle produit les effets d'une dissolution prononcée par justice.
Entre associés, il s'agit simplement de procéder à la
liquidation de la société, comme faisant suite à une dissolution.
Les droits des tiers sont préservés par la règle selon laquelle
ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité
à l'égard des tiers de bonne foi. Les engagements pris devront être
tenus.

Titre 2 Le fonctionnement des sociétés

Le fonctionnement de la société implique la participation de 2 acteurs :


d’un côté, les associés (Chapitre 1), de l’autre les dirigeants (Chapitre
2)
81

Chapitre 1 Les associés

Sont à envisager successivement

- Le statut des associés (c’est-à-dire leurs droits et obligations


durant le temps de leur participation à la société) : Section 1
- Les hypothèses de sortie des associés de la société : Section 2

Section 1 Le statut des associés

Selon une présentation classique, le statut des associés est composé de


2 éléments essentiels

-des droits politiques (§ 1)

- des droits et obligations pécuniaires (§ 2)

§1- Les droits politiques

Les droits dits politiques des associés sont ceux qui leur permettent de
participer aux décisions collectives (I) et d’intervenir dans la vie du
groupement (II).

I - Droit de participer aux décisions collectives

Il faut d’abord envisager la forme des décisions collectives (A) avant


d’examiner les droits des associés (B).

A - Forme des décisions collectives

Il existe trois modalités permettant en droit des sociétés de parvenir à


une décision collective :
82

➢ 1re modalité : modalité de principe : la réunion d’une


AG
En général, les décisions collectives sont prises au travers de la
réunion d’une assemblée. Cette dernière est l’organe délibérant de la
personne morale c'est-à-dire que les actes collectifs pris en assemblée
deviennent l’expression de la volonté de la personne morale elle-
même.
L'initiative de convoquer l'assemblée relève en principe de la
compétence du dirigeant social.
En cas de pluralité de dirigeants, les statuts doivent préciser s'ils
doivent agir ensemble et indiquer la procédure à suivre.
Dans certaines sociétés commerciales (SARL, SA), un ou plusieurs
associés représentant une certaine fraction des parts sociales
peuvent demander la tenue d'une assemblée.
En cas de refus de la part de la direction, l’associé a la possibilité de
solliciter en justice la désignation d’un mandataire ad hoc
chargé de convoquer l’assemblée et de fixer son ordre du jour.
En cas de vacance de la direction (décès ou démission soudaine du
dirigeant), la loi peut permettre à tout associé de convoquer lui-même
l’assemblée avec comme seule question à l’ordre du jour l’élection
d’un nouveau dirigeant.
Le défaut de convocation d'un associé est une cause de nullité des
délibérations.
Afin de garantir que les associés votent de manière éclairée sur les
décisions, la loi pose 3 exigences communes à toutes les sociétés :
♠ la convocation doit comporter l’ordre du jour de
l’assemblée, cette dernière ne pouvant prendre de décision
valide que sur les seules résolutions figurant à son ordre du
jour. A titre dérogatoire et exceptionnel, l’assemblée peut
83

néanmoins prendre des décisions impromptues lorsque


s’applique la théorie dite des incidents de séance :
hypothèse dans laquelle, au cours de la réunion, survient un
fait majeur obligeant à prendre immédiatement une décision
non prévue à l’agenda de la réunion (ex : démission subite
du dirigeant social en cours d’assemblée alors qu’il n’est
pas prévu à l’ordre du jour d’élire des dirigeants).
♠ la convocation doit être accompagnée de tous les
documents propres à informer les associés sur les points qui
seront examinés par l’assemblée : documents comptables,
rapports divers (du commissaire aux comptes, du comité
d’entreprise, des dirigeants etc..), devis ou propositions de
contrats….
♠ les associés doivent disposer d’un temps de réflexion
suffisant entre l’envoi de la convocation et la tenue de
l’assemblée. Sauf urgence, l’assemblée ne peut par principe
se tenir lorsque moins de 15 à 21 jours se sont écoulés pour
la convocation

2e modalité : la consultation écrite


L’article 1853 du Code civil autorise ce procédé à propos des
sociétés civiles mais elle doit être expressément stipulée par les
statuts.
Elle est également admise pour certaines sociétés commerciales
comme la SNC ou la SARL mais elle ne peut pas concerner
l'approbation annuelle des comptes qui doit toujours se faire en
AG.
En revanche la consultation écrite est prohibée dans la SA.
84

➢ 3e modalité : l’expression du consentement des associés


dans un acte
L'article 1854 du Code civil prévoit ce mode d'expression des associés
dans la société civile de droit commun.
Pour les sociétés commerciales, la règle est la même que pour la
consultation écrite :
L’expression du consentement des associés dans un acte est possible
pour les SNC ou les SARL, sauf pour la décision d’approbation
des comptes
Elle est interdite pour les sociétés par actions.

B- Droits des associés dans l’expression des décisions


collectives

Le droit essentiel de l’associé est de voter aux assemblées.


Le principe est que tout associé dispose du droit de vote et ne peut
en être privé que dans les cas prévus par la loi.
C’est le cas principalement dans l’hypothèse d’une société en
redressement ou liquidation judiciaire :

L'article L. 653-9, alinéa 1er, du Code de


commerce dépouille du droit de vote les dirigeants frappés de
faillite personnelle ou d'interdiction de diriger.
En l’absence de disposition légale, aucune disposition statutaire
ou conventionnelle ne peut lui enlever ce droit.
L’exercice du droit de vote soulève 2 difficultés pratiques
concernant l’identification du titulaire du droit de vote :
85

♠ 1re difficulté : parts en indivision


Lorsque certaines parts sociales font l’objet d’une propriété
collective, lequel des copropriétaires de ces parts doit voter ?
Pour régler cette difficulté, l'article 1844, alinéa 2, du Code civil
prévoit que les copropriétaires d'une part sociale indivise sont
représentés par un mandataire unique choisi parmi les
indivisaires ou en dehors d'eux.
En cas de désaccord, le mandataire est désigné, à la requête de
l'indivisaire le plus diligent, par le président du tribunal de
commerce si la société est commerciale ou du tribunal judiciaire
dans les autres cas.

♠2e difficulté : parts faisant l’objet d’un usufruit


L’usufruit est un démembrement de la propriété conduisant à accorder
à une personne, l’usufruitier, l’usage et la jouissance du bien (usus et
fructus) et à une autre personne, le nu-propriétaire, le droit de
disposition du bien (abusus).
La solution retenue par le droit des sociétés consiste à considérer que
le nu-propriétaire qui, a la propriété des parts remises en
rémunération de son apport, se voit reconnaître le titre d'associé et
le droit de vote.
L'usufruitier ne dispose donc pas du droit de participer à
l'assemblée générale. Cependant, l'usufruitier a le droit de voter,
uniquement et exceptionnellement, sur les décisions portant sur
l'affectation des bénéfices car les dividendes sont considérés comme
des fruits civils (des revenus périodiques qui n’altèrent pas la
substance de la chose) relevant du droit de jouissance de l’usufruitier
(Cass. 3e civ., 15 sept. 2016, n° 15-15.172).
86

L’associé exerce librement son droit de vote mais ce droit n’est pas
sans limites : ce n’est donc pas un droit discrétionnaire car son
usage abusif peut être sanctionné :
Le principe est certes celui selon lequel les décisions de la
majorité régulièrement prises s'imposent à la minorité et à tous les
actionnaires absents.
Mais les tribunaux apportent un correctif au pouvoir de la
majorité au travers de la notion d’abus de majorité.
C’est la situation laquelle les actionnaires majoritaires ont adopté
une décision qui porte atteinte à l'intérêt social et entraîne une
rupture d'égalité entre actionnaires au profit des majoritaires.
La décision abusive est donc celle qui est réalisée au seul
bénéfice de la majorité et au détriment à la fois de la société et
de la minorité.
L’abus de majorité est susceptible de faire l’objet de 3
sanctions :

♦la nullité de la décision prise au cours de l'assemblée


générale
♦la mise en jeu de la responsabilité des majoritaires,
génératrice de dommages-intérêts au profit des minoritaires
♦ éventuellement, la dissolution de la société pour
mésentente entre associés.

L’abus de majorité a son corollaire : l’abus de minorité


Cela correspond à l’hypothèse d’une obstruction systématique et
injustifiée de la part des associés minoritaires empêchant
l’adoption d’une décision indispensable à la survie de la société.
87

Comme pour l’abus de majorité, il n’y a abus de minorité que si 2


conditions sont remplies :

1- La position du défendeur est contraire à l’intérêt de la


société en faisant obstacle à une opération essentielle pour
celle-ci

2- Cette position est motivée par la volonté de favoriser ses


propres intérêts aux dépens de ceux des autres
Illustration : opposition systématique d’un associé à une proposition
d'augmentation des fonds propres, alors que tous les associés avaient
refusé la dissolution anticipée de la société, de sorte que cette
augmentation, légalement requise dans les deux ans, était nécessaire à
sa pérennité (CA Paris, 11 avr. 2012, n° 11/12 550).
La sanction de l'abus de minorité ou d’égalité soulève une
difficulté : il ne peut pas y avoir nullité d'une décision qui n'a pas été
prise. En outre, la condamnation à des dommages-intérêts des
minoritaires ou égalitaires récalcitrants constitue une sanction le plus
souvent inadéquate.
La Cour de cassation (Cass. 3e civ., 16 déc. 2009, n° 09-10.209) a posé
alors 2 principes :

1- Il n’appartient pas au juge de réputer la décision


adoptée malgré l’opposition du minoritaire car le juge
ne peut se substituer à l’assemblée générale des associés.
2- Le juge a la faculté dedésigner un mandataire ad hoc se
substituant aux minoritaires fautifs pour voter en leur
nom dans une nouvelle assemblée conformément à l'intérêt
social.
88

L’associé minoritaire sanctionné n’a donc pas le droit de


participer à l'assemblée à laquelle il est représenté par le mandataire
judiciaire
Le juge ne peut pas fixer le sens du vote du mandataire qu'il
désigne (Cass. com., 4 févr. 2014, n° 12-29.348).

Vous aimerez peut-être aussi