Vous êtes sur la page 1sur 90

Faculté des sciences juridiques et politiques

Filière droit privé


Département des sciences juridiques

Module : Droit social (S3)

- Les aspects individuels


- Les aspects collectifs
- Le régime de la sécurité sociale

Pr. Abdelaziz EL IDRISSI

Année universitaire : 2021-2022

1
Introduction

Présentation générale : Aucun être humain ne peut se suffire à lui-même. Le besoin


de l’autre et la nécessité du travail sont deux impératifs sur lesquels se fonde toute civilisation
humaine, car ils obligent chaque individu à entrer en relation avec l’autre sous l’égide d’une
loi commune. Le travail, au sens le plus large du terme, désigne cette part de l’activité
humaine qui vise à faire œuvre utile, c'est-à-dire à produire des biens et services. Cette
production dépend du travail d’autrui. La division des tâches entre les sexes, les générations et
les groupes sociaux, ainsi que la répartition des richesses ont été toujours des questions
décisives pour l’organisation des sociétés.

Une lecture logique du travail permet de mettre en relief la notion de la population


active. Ainsi, on peut la définir comme l'ensemble des personnes en âge de travailler qui sont
disponibles sur le marché du travail, qu'elles aient un emploi (population active occupée) ou
qu'elles soient au chômage, à la différence de celles ne cherchant pas d'emploi, comme les
personnes au foyer.

Le droit du travail ne se confond pas avec l’histoire du travail, c'est-à-dire que le droit
du travail est un droit récent et évolutif. Son essor est lié à la naissance et au développement
du travail salarié dans les pays capitalistes dont l’économie repose sur la liberté du commerce
et de l’industrie. Contrairement aux autres branches de droit privé singulièrement le droit civil
ou le droit commercial qui trouvent leur origine dans les sociétés antiques, le droit du travail
est d’une apparition récente. Son domaine avait fait l’objet de plusieurs dénominations et on
l’appelait, jadis, « législation industrielle » ou « droit ouvrier ». En Europe, le droit du travail
est récent, moins de 100 ans. Les facteurs qui vont déclencher l’émergence de cette matière
c’est l’avènement de la révolution industrielle. C’est au 19 siècle que vont converger
plusieurs facteurs qui à terme vont favoriser l’émergence de ce qu’on appelle
aujourd’hui le droit social.

Au Maroc, le droit du travail est l’une des branches du droit social. Ce droit s’intéresse
à la fois à la sécurité sociale de l’individu contre les risques sociaux : maladies, vieillesse,
décès (droit de la sécurité sociale) et aux relations individuelles et collectives nées du contrat
de travail. Par ailleurs, le Maroc ne connaît pas réellement le droit de la protection sociale
comme c’est le cas des pays occidentaux. Dans cette perspective, le droit social ne se contente

2
pas de protéger les salariés contre les conséquences des risques sociaux mais de garantir un
revenu et des prestations minima en l'absence même de survenance d'un risque particulier.
Exemple : la simple constatation d'une insuffisance de ressources devrait entraîner le
versement de certaines prestations : le revenu minimum d’insertion ou le revenu de solidarité
active, les allocations de logement, etc. Ces régimes obligatoires devraient être complétés par
des régimes facultatifs, ayant également pour finalité de permettre aux individus de faire face
aux aléas de la vie. Ils sont mis sur le marché par le mouvement mutualiste et par les
compagnies d'assurances privées.

En effet, le droit du travail réglemente et régit les rapports collectifs et individuels,


entre employeurs et salariés, résultant d’un contrat de travail. Il suppose l’existence d’un lien
de subordination juridique, quels que soient la taille de l’entreprise, le type d’activité, la
qualité de l’employeur (associations caritatives ou sportives1, syndicats professionnels,
syndicat de copropriétaire…) que le salarié soit cadre, ouvrier, etc. Dans le même ordre
d’idées, sont exclus de la présente législation, les agents contractuels de la fonction publique.
Récemment, on assiste à l’émergence progressive d’un statut de « contractuel de la fonction
publique »2.

Pourtant, aucun texte de loi ne définit le contrat de travail. La jurisprudence ou la


doctrine le définit comme une : « convention par laquelle une personne physique s'engage à
mettre son activité à la disposition d'une autre personne, physique ou morale, sous la
subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération »3. Ce droit protecteur
du salarié a pour but l’amélioration des conditions du travail. La notion du travail est à la fois
une obligation juridique (contrat de travail) et un droit de valeur constitutionnelle : c’est ainsi
l’article 31 de la Constitution marocaine prévoit expressément que tout individu a droit au
travail et à l’appui des pouvoirs public en matière de recherche d’emploi ou d’auto-emploi.

Cette législation est essentiellement le droit du travail salarié. Elle ne régit pas en
principe les activités suivantes : le travail indépendant (médecin, agriculteur non-salariés…),
le travail dans la fonction publique ou le travail à titre gratuit (bénévolat). Il convient de

1
Arrêté du ministre de la jeunesse et des sports n° 1283-16 du 27 avril 2016 édictant les contrats sportifs types,
Bulletin officiel n° 6552 du 16 mars 2017, p. 205.
2
Voir : l’arrêté ministériel qui détermine les modalités du concours des agents contractuels de la fonction
publique, Bulletin officiel n° 6597, 21 août 2017, p. 4673.
3
J. PELISSIER, A. SUPIOT, A. JEAMMAUD, Droit du travail, Dalloz, 22ème éd., 2004.

3
distinguer le contrat du travail et le contrat de sous entreprise. Les éléments de réponse sont
prévus dans les articles 86 et 87 du Code du travail. Le contrat de sous-entreprise est un
contrat établi par écrit, par lequel un entrepreneur principal charge un sous-entrepreneur de
l'exécution d'un certain travail ou de la prestation de certains services. Il est fait recours au
contrat de sous-entreprise tant qu'il est en faveur de l'entreprise principale et ne porte pas
préjudice aux intérêts des salariés. Le sous-entrepreneur, en tant qu'employeur, est tenu
d'observer toutes les dispositions de la présente loi ainsi que les dispositions législatives et
réglementaires en matière de sécurité sociale, d'accidents du travail et de maladies
professionnelles.

- L’évolution du droit du travail au Maroc

Avant la colonisation, les relations du travail traditionnelles étaient déterminées par un


corporatisme de métiers hiérarchisé (apprentis, ouvriers, maître, amine, mohtassib) et d’un
secteur informel étendu. Les rapports du travail étaient régis par des usages, coutumes ou
mœurs qui échappaient au droit étatique ou positif. En d’autres termes, la réglementation du
travail dans le sens moderne de l’expression était absente (durées, contrats…) Le droit du
travail tel qu’il est conçu aujourd’hui n’avait pas encore au Maroc. L’économie du pays se
basait essentiellement sur l’agriculture, le commerce et l’artisanat. Les industries modernes
qui rassemblaient un grand nombre de salariés n’existaient pas encore. La population ouvrière
n’était pas encore formée excepté celle qui travaillait dans des corporations. Par conséquent,
le louage d’ouvrage était soumis à deux types de règles : le droit musulman et la tradition
corporative.

Le droit du travail au Maroc demeure caractérisé par sa dépendance normative vis-à-


vis du système français. L’influence française en matière du droit de travail a suivi
l’apparaission de plusieurs dispositions du droit de travail (dahir du 27 septembre 1921, 14
février 1925…). Mais cet arsenal juridique protégeait en priorité les travailleurs français et
européens. Après l’indépendance, le législateur de l’époque a étendu les normes minimales de
travail aux nationaux sans prendre en considération l’évolution constante de ce droit dans les
pays occidentaux. Par conséquent, la législation du travail n’a pas positivement évoluée. En
ce sens, les textes adoptés étaient très significatifs (dahir du 29 avril 1957, dahir du 24
décembre 1960…) Il fallait attendre quarante-sept ans pour l’adoption d’un Code du travail,
promulgué par dahir n°1-03-194 du 11 septembre 2003.

4
- Les sources du droit du travail

Les sources du droit de travail sont diverses et hiérarchisées. En premier lieu, il y’a les
sources internes classiques et en second lieu, les sources internationales.

- Les sources internes classiques : les sources du droit du travail seront présentées
selon la valeur juridique que le droit attache à chacune d'entre elles. Ainsi, on commencera
par la Constitution.

La Constitution : pose un certain nombre des droits inhérents au travail. L’article 31 pose la
règle générale : « L’Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales œuvrent à
la mobilisation de tous les moyens disponibles pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des
citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits au […] travail et à l’appui des
pouvoirs publics en matière de recherche d’emploi ou d’auto-emploi… ». De sa part, l’article
8 prévoit : « Les organisations syndicales des salariés, les chambres professionnelles et les
organisations professionnelles des employeurs contribuent à la défense et à la promotion des
droits et des intérêts socioéconomiques des catégories qu’elles représentent … ». Le droit de
grève est garanti… (Article 29).

Il convient de préciser que ces droits font partie intégrante du droit positif reconnu par
les différentes instances judiciaires. En revanche, l’article 35 affirme la liberté d’entreprendre
et la libre concurrence qui comprennent, pour l'entrepreneur, la liberté de gérer son entreprise
à sa guise. Mais, ce droit se trouve toujours confronté au droit reconnu « à tout travailleur » de
participer par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de
travail et à la gestion des entreprises. Néanmoins, il semble bien qu'une certaine hiérarchie
soit établie entre tous ces droits par la jurisprudence du Conseil constitutionnel français. Les
droits de l'homme semblent passer avant les droits économiques et sociaux.

La loi : Conformément aux dispositions de l’article 71 de la Constitution : « sont du domaine


de la loi, outre les matières qui lui sont expressément dévolues par d’autres articles… » La
législation du travail relève normalement de la compétence du parlement. Le Maroc n’a connu
véritablement un cadre juridique du travail que par le biais de la loi n° 65.99 relative au Code
du travail promulguée par le dahir n° 1. 03.194 du 11 septembre 2003 entrée en vigueur en
juin 2004. Récemment, le législateur a franchi le pas vers un nouveau cadre juridique
régulant les conditions de travail et d'emploi des travailleurs domestiques : la loi n° 19.12 sur

5
les conditions du travail domestique du 10 août 2016 qui est entrée en vigueur le 22 août
2017.

Par ailleurs, on notera que les interventions du gouvernement sont omni présentes à
travers un grand nombre de décrets d’application modifiant les formes législatives. Il en
résulte une diminution du rôle des assemblées parlementaires et une décodification
regrettable.

Le règlement : on dit souvent que le droit du travail est un droit réglementaire. En effet,
plusieurs administrations publiques interviennent très fréquemment dans le domaine du
travail : Ministère du travail, Institut national du travail et de la prévoyance sociale, Centres
d’information et d’orientation, inspection du travail… A cela s’ajoute les arrêtés et les
circulaires pris par voie réglementaire.

La jurisprudence : En droit du travail, la jurisprudence reste marquée par son importance


pratique dès lors que les juridictions compétentes ont à résoudre deux sortes de conflits : Des
conflits individuels et des conflits collectifs. Ces litiges jugés par les tribunaux en premier
ressort puis portés souvent devant les chambres sociales des cours d’appel et la Cour de
cassation, sont à l’origine de la formation d’une jurisprudence sociale.

- Les sources conventionnelles : Le droit du travail marocain se développe depuis quelques


années principalement sous forme d’accords négociés entre le patronat et la masse salariale.
On peut citer principalement le contrat de travail, les conventions collectives, les usages et le
règlement intérieur de l’entreprise.

Le contrat de travail : En tant que source spécifique du droit du travail, ce contrat présente à
l’heure actuelle une importance limitée et ce pour plusieurs raisons. D’abord dans plusieurs
secteurs d’activités comme l’agriculture la rédaction d’un écrit est peu fréquente. Dans le
secteur du bâtiment par exemple l’engagement se fait toujours verbalement. Ensuite sachant
que le contrat de travail est un contrat d’adhésion et qui par conséquent il se caractérise par
l’absence de discussions. Il est rare qu’un salarié parvienne à faire prévaloir ses conditions. Le
contrat restera alors à l’égard du salarié un facteur de complications plutôt qu’une source de
droits.

6
Les conventions collectives sont des accords conclus entre un employeur ou un groupe
d’employeur et un syndicat ou plusieurs syndicats des travailleurs afin de fixer les conditions
de travail. Ce droit permet aux acteurs concernés de déterminer d’eux même les règles qu’ils
entendent suivre. Il présente l’avantage de se substituer à la législation parlementaire jugée
très lente et rigide et de mettre en avant une technique plus souple. Actuellement, seules
quelques conventions et dans des secteurs bien déterminés ont été adoptés.

Dans le cadre du renforcement de la négociation collective et la promotion de la


conclusion des conventions collectives le législateur marocain a créé une nouvelle institution
auprès de l'autorité gouvernementale chargée du travail dénommée « Conseil de la
négociation collective ». Cette institution a substitué au conseil supérieur des conventions
collectives. Le Conseil de la négociation collective est régi par les articles 101 à 103 du Code
du travail et par les dispositions du décret n° 2-04-425 du 29 décembre 2004 fixant le nombre
des membres du Conseil de la négociation collective et les modalités de leur nomination et de
fonctionnement dudit Conseil.

Les usages issus de pratiques professionnelles sont évidemment en déclin parce qu’ils étaient
intégrés dans le Code du travail. Cependant, ils interviennent dans des domaines non réservés
à la loi afin de combler ses lacunes et dans des métiers traditionnels organisés en corporation
tel l’artisanat. En effet, les usages n’ont pas une grande valeur dans les activités modernes qui
restent soumises aux sources écrites du droit au travail.

Le règlement intérieur (articles 138-142 du Code du travail) : Au Maroc, l’employeur était


souverain dans l’entreprise pour inscrire son règlement influençant ainsi le statut du
travailleur (horaires du travail, sanctions des retards, règles d’hygiène et de sécurité…) La
situation est restée inchangeable même s’il y’a consultation des délégués des salariés ou le
représentant syndical. Normalement, le règlement intérieur ne devrait pas dans ces conditions
être retenu qu’après des négociations bilatérales et le vote des salariés ce qui n’est pas encore
le cas.

- Les sources internationales : le droit international de travail a connu une très grande
évolution à travers les traités et les conventions internationales. Le progrès social s’est très
rapidement développé pour franchir les frontières.

7
- Organisation internationale de travail : En droit du travail, au plan mondial, une
institution joue un rôle d’une extrême importance dont le siège est à Genève. L’OIT a été crée
en 1919 par le Traité de Versailles, au lendemain de la première guerre mondiale, avant même
l’élaboration d’un droit du travail digne de ce nom.
Dès cette époque est venue en effet l’idée d’unifier progressivement les droits sociaux
nationaux, en raison des flux de main d’œuvre. Les Etats membres convenaient d’adopter un
minimum de justice sociale, ce qui permettait d’établir une saine concurrence.
En 1936, 62 Etats en étaient membres. Aujourd’hui, ils sont 187. De nombreux Etats,
nouvellement constitués à l’est se sont joint à l’OIT. Sa remarquable longévité tient sans
doute à sa structure tripartite prémonitoire (comprenant des représentants des Etats, des
organisations nationales représentatives d’employeurs et de salariés). Les partenaires sociaux
sont en effet directement associés à l’élaboration des textes.

Les instruments juridiques utilisés par l’OIT sont :

- soit les conventions qui sont ratifiées par les Etats qui s’engagent à les appliquer et à
accepter un contrôle international: libertés fondamentales, emploi et chômage, conditions de
travail, relations professionnelles, inspection du travail, travailleurs migrants, sécurité sociale
- soit les recommandations qui sont des standards ou des orientations fixant des objectifs,
sources d’inspiration pour l’action.

- Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : adopté par
l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966 et entrée en vigueur le 3 janvier
1976. Ce Pacte, avec son homologue consacré aux droits civils et politiques est destiné à
mettre en œuvre les droits énoncés par la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. Il
engage les États parties à promouvoir et garantir une série de droits économiques, sociaux et
culturels, notamment : le droit à travailler dans des conditions justes et favorables, le droit à la
sécurité sociale, le droit à un niveau de vie décent, le droit de jouir du meilleur état de santé
physique et mentale possible…

Du point de vue de son contenu, ce texte est souvent plus complet et plus protecteur
que ne le sont les déclarations de droits françaises ou européennes, mais sa grande faiblesse
réside dans son système de contrôle de l'application. En effet, il n'y a pas de procédure

8
permettant d'admettre les plaintes individuelles ou collectives comme il en existe depuis 30
ans pour le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

- Les rapports individuels et collectifs du travail

La conclusion du contrat de travail fait naître des relations juridiques entre


l’employeur et le salarié. Celles-ci donnent lieu à des droits et des obligations réciproques
réglementés par le Code du travail. Les engagements juridiques individuels commencent dès
sa formation et son exécution y compris les clauses insérées dans le contrat. Ce lien de
subordination implique également des droits et des obligations à respecter par les contractants
qui prennent en principe fin en cas de licenciement.

Parallèlement, des rapports collectifs s’établissent, les travailleurs salariés comme les
employeurs sont en pratique organisés dans le cadre de leur profession. Ces syndicats
dialoguent et négocient avec la masse patronale. L’objet de leurs discussions tourne autour de
la détermination des conditions de travail et de salaire.

9
Partie 1 : Les aspects individuels du travail

Le droit du travail est né de l’inégalité qui est au cœur des relations du travail. Ce
dernier ne traite pas les employeurs et les salariés comme deux parties égales en droit, et ses
normes n’ont pas un caractère de réciprocité. Ainsi, la formation ou la résiliation du contrat de
travail n’est pas traitée de la même façon selon qu’elles proviennent de l’employeur ou du
salarié. Ainsi, la thèse de l’égalité des armes n’est pas respectée.

En effet, le contrat de travail a pour objet la mise à disposition d’une personne sous la
subordination d’une autre, afin d’exercer une activité rémunérée. Le critère de subordination
suppose l’exécution d’un contrat de travail pour le compte et sous l’autorité d’un employeur,
qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de
sanctionner les manquements de sa subordination.

Chapitre 1 : La formation du contrat de travail

L’approche civiliste de la relation de contrat est amplement confirmée par le Code du


travail en tant qu’un contrat d’adhésion. Non seulement ce texte fondamental a repris les
dispositions concernant le louage de services et d’ouvrages (articles 723 à 758 bis du dahir
formant Code des obligations et contrats) mais renvoie à d’autres règles toutes aussi
essentielles relatives aux conditions de validité du contrat sans tenir compte du déséquilibre
contractuel en fait et en droit entre les parties. Il en résulte compte tenu de la rareté de l’offre
d’emploi, les postulants ne sont guère en mesure de négocier les conditions de leur
recrutement (section 1). Ils ne peuvent que se plier à celles imposées par un employeur qui ne
tient compte que des intérêts égoïstes. De ce fait, les conditions de validité du contrat de
travail sont sensiblement renforcées par une inégalité entre les parties contractantes au profit
de l’employeur et par conséquent, cet accord mérite amplement sa qualification de contrat
d’adhésion.

10
Le contrat de travail affiche un certain particularisme dans son mode de formation
concernant les conditions de fond et de forme (section 2), il peut comporter une période
d’essai (section 3).

Section 1 : Le recrutement

Au moment de l'embauche, c'est la liberté qui est la règle. Des limites ont toutefois été
apportées. D'une part, l'employeur est tenu de respecter un certain nombre de règles ou de
procédés qu'il va mettre en œuvre pour choisir le futur salarié. D'autre part, ce choix ne doit
pas heurter les restrictions légales ou conventionnelles qui peuvent venir entraver sa liberté
d'embauche.

Le recrutement d'un salarié est un acte aussi important qu'incertain. Important parce
que toute erreur en la matière coûte cher, immédiatement et à terme (coût financier mais
également psychologique). Incertain parce qu'aucune entreprise n'a encore trouvé la formule
adéquate permettant de sélectionner le bon candidat, a fortiori depuis que les capacités du
candidat au changement sont devenues une vertu essentielle. L'embauche est avant tout un
pari sur l'avenir. Mais, cela ne justifie pas pour autant toutes les méthodes de recrutement.
Afin de lutter contre des pratiques de plus en plus douteuses émanant de certains cabinets de
recrutement, le droit du travail impose certains principes.

L’intermédiation au travail se définit comme toute opération ayant pour objet le


rapprochement de l’offre et de la demande en matière d’emploi (article 475). Les organismes
publics (ANAPEC) et privés peuvent être amenés à participer, de façon plus ponctuelle, au
service public de l'emploi. Il s'agit notamment des organismes de formation, des associations
et entreprises d'insertion par l'activité économique mais aussi des entreprises d'intérim.

Paragraphe 1 : Les offres d’emploi

Toute entreprise envisageant d’employer des salariés est tenu d’en faire déclaration
administrative à l’agent chargé de l’inspection du travail (article 135 et 136 du Code du
travail). Les conditions et formes relatives à cette déclaration ont été fixées par voie
réglementaire (décret n° 2-04-423 du 29 décembre 2004).

11
Par ailleurs, la rédaction des offres d'emploi s'effectue sous contrôle. En effet, si la loi
ne fixe pas de contenu obligatoire à l'annonce d'offre d'emploi, certaines mentions sont
cependant interdites.

D’abord, le contenu et la forme de l'offre sont laissés à l'appréciation de l'employeur


ou de son intermédiaire. Aucune mention, relative à la qualification, à la rémunération, au lieu
de travail, aux horaires n'est exigée. Il n'est même pas obligatoire de préciser le nom ou la
raison sociale de l'employeur qui recrute. Ensuite, la loi prévoit même expressément la
possibilité de faire paraître des annonces anonymes dans les journaux. Dans ce cas,
l’employeur est tenu de faire connaître son identifié au directeur de la publication ou au
responsable du moyen de communication mentionné.

Parallèlement, si certaines mentions ne sont pas obligatoires, un certain nombre de


mentions sont en revanche interdites :

Les mentions discriminatoires : Le Code pénal réprime la discrimination de


l’emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de mille deux cents à cinquante
mille dirhams…à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne (articles
431-1 et 431-2).

Le Dahir formant code des obligations et contrats interdit les annonces mensongères en
matière de travail. En effet, il est interdit de publier dans un journal ou de diffuser, par tout
moyen de communication accessible au public, une offre d'emploi comportant "des
allégations fausses ou susceptibles d'induire en erreur et portant sur l’existence, le caractère
effectivement disponible, l’origine, la nature et la description de l’emploi, la rémunération et
les avantages annexes ainsi que le lieu de travail. Le salarié qui aura contracté avec un
employeur sur la base d'une annonce mensongère pourra demander l'annulation de son contrat
de travail pour dol et obtenir en outre des dommages-intérêts pour le préjudice subi.

Paragraphe 2 : La sélection des candidats

Deuxième phase des opérations de recrutement : faire le tri parmi les candidats qui ont
répondu à l'offre d'emploi. Cette sélection s'effectue au vu du CV, puis au moyen d'entretiens,

12
questionnaires, tests ou essais professionnels. Cela nous amène à examiner la pertinence des
informations demandées et la pertinence des méthodes.

En vertu de l’article 507 du Code du travail : « Tout employeur recrute dont il a


besoin, conformément aux conditions prévues par le présent livre, en ne prenant en
considération, pour ce faire, que les qualifications, expériences et recommandations
professionnelles des demandeurs d’emploi ». Ces informations doivent présenter un lien
direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles.
Cette exigence s'applique à tous les supports de recherche d'information (tests, questionnaires)
mais aussi aux entretiens individuels.

Ainsi, parmi les questions permises :


* Sont permises les questions relatives à l'état civil du candidat, à ses diplômes, à ses
antécédents professionnels, sa situation professionnelle.

* L'employeur a le droit de savoir si le salarié est tenu ou non par une clause de non
concurrence. Le silence du candidat sur ce point sera susceptible de constituer ultérieurement
une faute grave justifiant son licenciement sans préavis ni indemnité.
Quant aux questions prohibées : sont interdites les questions d’ordre privé, l’employeur, n’a
pas à savoir par exemple si la candidate est enceinte, son origine, logement, l’appartenance
syndicale (article 9 du Code du travail),etc.

* Sur les antécédents judiciaires, les avis sont partagés. Certains auteurs pensent que
l'employeur peut demander au salarié de lui fournir un extrait de casier judiciaire. Il est vrai
qu'aucune disposition légale ne l'interdit ni ne le prévoit. D'autres en revanche estiment que
l'employeur n'a pas à demander au candidat ses antécédents judiciaires. Son silence sur ce
point ne saurait lui être reproché ultérieurement pour justifier un licenciement.

De son côté, le candidat est tenu de répondre aux questions "de bonne foi". Ce dernier
est tenu de fournir un curriculum vitae exact. L'usurpation de diplôme est une faute qui
justifie un licenciement. Mais, il appartient également à l'employeur de vérifier les dires du
salarié. Or, en ne le faisant pas, l'employeur commet une faute qui lui interdit de se prévaloir
d'une faute grave de la part de la salariée.

13
L’entreprise doit respecter d’autres règles pour le recrutement. Les articles 508 et 509
du Code du travail posent des priorités dans le recrutement des salariés. L’employeur recrute
par priorité, dans une spécialité donnée, les anciens salariés permanents ou, à défaut, les
salariés temporaires, les licenciés depuis moins d’un an par suite de la réduction du nombre
d’emplois dans la spécialité ou de cessation temporaire de l’activité. En outre, l’employeur
doit recruter des mutilés de guerre ou de travail, des salariés ayant la qualité de résistant ou
d’ancien combattant lorsque l’agent chargé de l’inspection du travail lui en fait la demande.

L’employeur désireux de recruter un salarié étranger doit obtenir une autorisation


préalable de l’autorité gouvernementale chargé du travail (article 516 du Code du travail).

Section 2 : Les conditions de fond et de forme

Un contrat de travail légalement valable doit respecter des conditions de fond prévues
par la législation civile et des conditions de forme liées à la forme et la nature du contrat de
travail. Leur respect constitue une garantie pour le salarié car un contrat de travail n’a des
effets juridiques à l’égard des parties que s’il respecte le cadre légal tracé par le législateur.

Paragraphe 1 : Les conditions de fond

Il y a lieu de souligner au préalable que les conditions de validité du contrat ne valent


principalement que pour le salarié. Si elles peuvent être opposées également à l’employeur,
celui-ci est censé les remplir du fait qu’il est propriétaire de l’entreprise. Il en va de même en
ce qui concerne la personne mandataire par l’employeur pour la gestion du personnel.

L’article 15 du Code du travail prévoit que « la validité du contrat est subordonnée


aux conditions relatives au consentement et à la capacité des parties à contracter ainsi qu’à
l’objet et à la cause du contrat, telles qu’elles sont fixées par le code des obligations et
contrats. » Le droit civil tente de protéger l’intégralité du consentement contre (erreur, dol,
lésion, violence) mais, il reste insuffisant en l’absence d’un formalisme.

14
Paragraphe 2: Les conditions de forme

Le Code du travail n’oblige pas l’employeur à conclure le contrat par écrit


conformément aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 15 du Code du travail : « En cas de
conclusion par écrit, le contrat de travail doit être établi en deux exemplaires revêtus des
signatures du salarié et de l’employeur légalisées par l’autorité compétente… » Autrement
dit, le contrat de travail résulte d’un accord consensuel et synallagmatique à exécution
successive. Le consentement n’implique, en principe aucune règle particulière puisque le
concours de deux volontés suffit. Il convient de préciser que la protection du salarié par le
respect du formalisme au stade de la formation du contrat est nécessaire surtout pour faciliter
les moyens de preuves. En revanche, si l’employeur opte pour la forme écrite, le contrat de
travail doit être établi en deux exemplaires revêtus des signatures du salarié et de l’employeur
légalisé par l’autorité compétente4. Le salarié en conservera l’un des deux exemplaires (article
15 du Code du travail)5. Il convient de préciser que les décisions de la Haute Cour ne
s’éloignent pas de cette grille de lecture pour juger qu’un contrat de travail signé par les
parties sans légalisation est nul de plein droit. Par conséquent, le salarié concerné ne peut se
prévaloir des dispositions du Code du travail.

Néanmoins, l’écrit est obligatoire dans certains cas spécifiques par le législateur.
Ainsi, l’article 167 du dahir 31-12-1919 formant Code de commerce maritime tel qu’il a été
modifié prescrit nettement que « Toutes clauses et stipulations du contrat d’engagement
maritime doivent, à peine de nullité, être constatés par écrit devant l’autorité maritime ». Il
en va de même en ce qui concerne le contrat de travail concernant des non nationaux qui doit
être non seulement être conforme au modèle arrêté par l’administration du travail, mais
encore être visé par le chef de cette administration6. Il en est de même pour le contrat de
travail conclu par un fonctionnaire de l’Etat, l’autorisation de l’administration à laquelle
appartient l’agent concerné est une condition obligatoire de la validité du contrat (voir l’article
15 Dahir n° 1-58-008 du 4 chaabane 1377 (24 février 1958) portant statut général de la
fonction publique tel qu’il a été modifié et complété)7. Il convient de préciser que la loi n°

4
Chambre sociale de la Cour suprême, Arrêt n° 523, Dossier n° 07/7 /37, Revue de la jurisprudence de la Cour
suprême, n° 71, 2009, p. 368.
5
Chambre sociale de la Cour suprême, Arrêt n° 636, Dossier social n° 07/1044, Revue de la jurisprudence de la
Cour suprême, n° 71, 2009, p. 378.
6
Chambre sociale de la Cour suprême, Arrêt n° 1006 du 23 septembre 2009, Dossier n° 2008/1/5/1256.Voir
également : Arrêt n° 570 du 24 avril 2013, Dossier n° 2013/1/5/262.
7
Chambre sociale de la Cour suprême, Arrêt n° 1330 du 02 décembre 2009, Dossier n° 2008/1/5/1326.

15
19.12 relative aux travailleurs domestiques dans son article 3 a précisé que le contrat doit être
conforme au modèle qui sera fixé par voie réglementaire (Voir le décret n° 2-17-355 du 31
août 2017 fixant le modèle du contrat de travail de la travailleuse ou du travailleur
domestique, Bulletin officiel n° 6632 du 21 décembre 2017).

C’est compte tenu du non-respect des diverses prescriptions inhérentes à la nécessité,


ou l’obligation d’un écrit pour justifier l’existence de la relation de travail, l’article 18 du
Code du travail dispose que le contrat peut être prouvé par tous les moyens. La jurisprudence
se fonde sur la simple déclaration des témoins8. Elle peut encore admettre l’existence d’un
commencement de preuve par écrit, en se basant par exemple sur la production du bulletin de
paie9, l’immatriculation à la CNSS, un certificat de travail. Mais dans tous les cas, il revient
au salarié de démontrer cette relation aux termes de l’article 399 du DOC : « La preuve de
l’obligation doit être faite par celui qui s’en prévaut ». La jurisprudence ne s’éloigne pas de
cette grille de lecture10.

De même, la relation de travail peut être prouvée au moyen d’une expertise ou d’une
enquête ordonnée, voire instruite par le juge. Afin d’éviter les abus en matière de témoignage
relatifs au contrat de travail, une Circulaire du 06 juillet 2013 émanant du Ministre de la
justice précise en ce sens que les juges chargés du contentieux devraient examiner et vérifier
chaque témoignage avec la réalité des faits.

S’agissant d’un contrat de travail conclu par voie électronique et sa valeur probante, la
Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que lorsqu’il est édité dans le cadre d’un litige
opposant l’employeur et le salarié, le contrat électronique est recevable pour justifier la
relation contractuelle de travail11. Il convient de préciser que la loi n° 53-05 du 30 novembre
2007 relative à l’échange électronique de données juridiques rend obligatoire les données
juridiques échangées par voie électronique, à l’équivalence des documents établis sur papier.

8
Chambre sociale de la Cour suprême, Arrêt n°186 du 11 février 2009, Dossier 2008/1/5//619.
9
Chambre sociale de la Cour suprême, Arrêt n° 1336 du 2 décembre 2009, Dossier n° 2008/1/5/1501.
10
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 654 du 25 avril 2013, Dossier social n° 2012/2/5/1013.
11
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 1687 du 26 décembre 2013, Dossier social n°
2012/2/5/1628, Recueil des arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation n° 13, 2014.

16
Section 3 : La période d’essai

L'essai professionnel est une épreuve de courte durée permettant à l'employeur de


vérifier la qualification professionnelle du candidat et son aptitude à occuper le poste. L'essai
professionnel ne se confond pas avec la période d'essai.

Le contrat de travail peut être assorti d’une période d’essai renouvelable une seule
fois. L’essai est une période probatoire au cours de laquelle chaque partie au contrat examine
si la relation contractuelle est en mesure de se prolonger. Il permet surtout à l’employeur
d’apprécier si le salarié est apte au poste proposé. Mais, les parties disposent d’un droit de
repentir, la rupture de la période d’essai n’est pas un licenciement.

Paragraphe 1: La mise en œuvre de la période d’essai

La période d’essai est une clause insérée dans le contrat qui implique un
commencement d’exécution du contrat de travail (salaires, durée du travail,...). Il en résulte
que la période d’essai n’est pas un avant contrat ou un contrat provisoire et préliminaire.

L’article 14 du Code du travail a fixé impérativement une durée maximale de l’essai


afin d’éviter les abus de l’employeur en la matière. Cette durée varie suivant les catégories de
salariés et du contrat à durée déterminée ou indéterminée.

La période d’essai en ce qui concerne les contrats à durée indéterminée est fixée à :
-Trois mois pour les cadres et assimilé ;
- Un mois et demi pour les employés ;
-Quinze jours pour les ouvriers ;

Pour les contrats à durée déterminée :


-Une journée au titre de chaque semaine de travail dans les limites de deux semaines lorsqu’il
s’agit de contrats d’une durée inférieure à six mois ;
-Un mois lorsqu’il s’agit de contrats d’une durée supérieure à six mois ;

17
Par ailleurs, pour atténuer le caractère impératif ou la rigueur de ces textes, peuvent
être prévues des périodes d’essai inférieures à celles légalement fixées (la convention
collective ou le règlement intérieur). Le renouvellement de la période d’essai doit être prévu
dans le contrat de travail ou la convention collective. Elle suppose ensuite l’accord du salarié
au cours de la période initiale d’essai.

Il ne peut y avoir de période d’essai en cours d’exécution du contrat, c'est-à-dire qu’il


n’est pas permis de soumettre le salarié à une nouvelle période d’essai alors qu’il a été
embauché et que la nature de son emploi n’a subi aucun changement. On peut par exemple
admettre que le passage d’un contrat temporaire ou d’un contrat à durée déterminée en un
contrat à durée indéterminée assorti de fonctions différentes.

Paragraphe 2 : La rupture de la période d’essai

L’alinéa 1 de l’article 13 du Code du travail prévoit que les parties peuvent rompre
volontairement le contrat de travail, sans préavis ni indemnités. Cette protection insignifiante
donne plus à l’employeur un pouvoir considérable au détriment du salarié pour mettre fin à
cette période. Le législateur accorde seulement après au moins une semaine de travail, un
délai congé et à condition qu’une telle rupture ne soit pas motivée par une faute grave de la
part du salarié. La justification de la motivation reste facile à prouver par l’employeur et
difficile à contrôler par les juges car l’employeur est seul juge des aptitudes professionnelles
de l’intéressé. Il revient donc au salarié à convaincre le tribunal que le patron a agi par
malveillance à son égard ou avec légèreté blâmable.

Chapitre 2 : Les clauses insérées dans le contrat

Il est fréquent que l’employeur propose des contrats types, dont les modèles figurent
parfois dans les conventions collectives. Mais, à côté, se développe des clauses plus
individualisées qui tiennent compte de la spécificité des emplois. Ces clauses renforcent les
obligations du salarié. C’est pourquoi les juridictions d’ordre judiciaire devraient se montrer
exigeantes quant à leur condition de validité.

18
Section 1 : Les clauses de confidentialité, de mobilité géographique et
d’objectif

Le développement de ces clauses prend sa source dans le principe de la liberté


contractuelle et le principe de l’autonomie de la volonté à condition de veiller à la sauvegarde
des droits et garanties des salariés. Rappelons que l’article 230 du DOC précise : « Les
obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de la loi à ceux qui les ont faites,
et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou dans les cas prévus par la
loi ».

L’employeur peut insérer des clauses afin d’assurer l’exécution du contrat de travail
dans les bonnes conditions. Nous retenons principalement quatre catégories de clauses.

Paragraphe 1 : La clause de confidentialité

La clause de confidentialité et/ou de discrétion figure parmi les clauses particulières


facultatives les plus courantes du contrat de travail. Elle peut être insérée dans n’importe quel
contrat de travail (CDD, CDI, contrat de travail à temps partiel). Elle concerne généralement
des renseignements sensibles sur l’entreprise tels que la santé financière, la stratégie
commerciale ou les secrets de fabriques, etc. La clause de confidentialité s’applique aussi
bien en dehors de l’entreprise qu’en interne : le salarié a alors l’interdiction formelle de
divulguer les informations considérées comme confidentielles à un tiers. En somme, cela
concerne des éléments dont les concurrents pourraient tirer profit.

Constituant une contrainte pour le salarié, la clause de confidentialité doit respecter


des conditions spécifiques pour être valable. En premier lieu, la clause de confidentialité doit
être formalisée par écrit. Si l’employeur souhaite que la clause de confidentialité continue de
courir après la rupture du contrat de travail, celui-ci devra en faire la mention expresse dans le
contrat de travail. À défaut, la clause de confidentialité s’appliquera uniquement durant
l’exécution du contrat de travail et l’obligation du salarié s’éteindra à son départ de
l’entreprise.

En second lieu, s’agissant des conditions de fond, la clause de confidentialité doit


mentionner la nature exacte des informations que le salarié s’engage à ne pas divulguer. À ce
titre, l’employeur a le choix : soit la mention concerne toute information générale susceptible

19
de nuire à l’entreprise, soit le contenu de la clause détaille les informations spécifiques à ne
pas divulguer (données financières ou documents confidentiels par exemple). Le non-respect
de la clause de confidentialité durant le contrat de travail peut justifier le licenciement du
salarié pour faute. Pour rappel, le licenciement pour faute grave ou pour faute lourde n’ouvre
droit à aucune indemnité de licenciement ni préavis. Le salarié s’expose également à des
sanctions civiles et pénales.

Paragraphe 2 : Les clauses de mobilité géographique

Ces clauses de mobilité sont intégrées dans le champ contractuel. Le salarié peut être
muté d’un chantier à un autre, être envoyé en mission, le cas échéant être détaché
temporairement à l’étranger. Ce dernier doit se déplacer pour l’accomplissement de son
activité salariale sauf si la décision de l’employeur est de faire jouer la clause pour des raisons
étrangères à l’intérêt de l’entreprise. Les juges devraient exercer un contrôle tant de l’excès
que des modalités dans l’exécution en se montrant particulièrement attentifs à la situation
familiale critique de l’intéressé, ainsi qu’à la précipitation abusive de la part du salarié.

On rappelle qu’une telle clause est sans effet à l’égard des représentants des salariés,
en raison de la primauté du statut sur le contrat. Ces derniers sont donc en droit de refuser
toute mobilité.

La jurisprudence a soulevé plusieurs critères pour contrôler l’étendue de l’application


d’une telle mesure.

1-Il en résulte que si le contrat mentionne clairement et précisément que le salarié


exécute son travail exclusivement dans le lieu indiqué, l'employeur ne peut modifier ce lieu
qu'avec l'accord explicite du salarié12. Il peut choisir d'anticiper le changement de lieu de
travail en insérant une clause de mobilité au contrat. Le salarié sera alors tenu de s'y
conformer, dans la mesure où la clause est licite et que la mutation demandée correspond bien
à ce qui était contractuellement envisagé. Une clause de mobilité peut être prévue dans le
contrat dès sa conclusion ou faire l'objet d'un avenant ultérieur. Dans ce dernier cas,

12
Chambre sociale de la Cour suprême, Arrêt n° 426 du 19 avril 2005, Dossier social n° 2005/90.

20
l'introduction d'une telle clause dans le contrat constitue une modification de celui-ci qui doit
être acceptée par le salarié13

2-La clause de mobilité du contrat de travail doit respecter les dispositions éventuelles
de la convention collective applicable dès lors qu'elles sont favorables au salarié. En l'absence
de clause de mobilité géographique insérée au contrat de travail du salarié, l'employeur ne
peut se prévaloir de l'existence d'une telle mobilité instituée de façon obligatoire par la
convention collective qu'à la double condition que le salarié ait été informé de l'existence de
cette convention au moment de son engagement et mis en mesure d’en prendre connaissance.
En revanche, dans le cas où l'engagement est antérieur à la convention, ladite convention ne
peut, sans modifier le contrat de travail du salarié, imposer à celui-ci une clause de mobilité
qui n'y figurait pas (cass. soc. 27 juin 2002, BC V n° 222).

3-La clause de mobilité doit fixer les limites géographiques dans lesquelles la mutation
du salarié peut intervenir. À défaut, la clause est nulle (cass. soc. 19 mai 2004, n° 1024 FD).

4- Les juges du fond devraient contrôler et analyser les circonstances dans lesquelles
l’employeur met en œuvre la clause. Les notions de bonne foi, d’abus de droit sont autant de
limites au pouvoir de l’employeur dans la mise en œuvre de la clause. En 2002, la Cour de
cassation française confirme : « qu’est sans cause réelle et sérieuse le licenciement d’un
salarié que l'employeur avait affecté à Pau, trois mois après la d'un nouveau contrat
comportant une clause de mobilité, alors qu'il travaillait depuis 1987 à Toulouse, sans
pouvoir justifier cette mutation par un motif objectif ». Dans une autre affaire, commet ainsi
un abus de pouvoir l’employeur qui fait muter une attachée commerciale dans un secteur sans
aucune perspective professionnelle (Cass. soc. 9 mai 1990). Les juges se servent également de
la notion de bonne foi dans l’exécution du contrat pour censurer des comportements
patronaux jugés excessifs. En l’espèce, un salarié, dont le contrat de travail comportait une
clause de mobilité, avait refusé de quitter sa femme enceinte de 7 mois. Pour ces motifs, il
avait été licencié pour faute grave. La Cour de cassation française considère en l’espèce que
« l’employeur, tenu d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, a fait un usage abusif de la
clause en imposant au salarié, qui se trouvait dans une situation familiale critique, un

13
Issam EL WARARI, Les limites au pouvoir de l’employeur de changement du lieu de travail du salarié à
travers la jurisprudence, Revue de la jurisprudence civile, n° 2, 2010, p. 103. Voir : Chambre sociale de la Cour
suprême, Arrêt n° 284 du 26 mars 2005, Dossier social n° 05/151.

21
déplacement immédiat dans un poste qui pouvait être pourvu par d’autres salariés. » (Cass.
soc. 18 mai 1999).

Paragraphe 3 : Les clauses d’objectifs

Les objectifs peuvent être définis unilatéralement par l’employeur, dans le cadre de
son pouvoir de direction. En effet, les clauses d’objectifs, fréquentes dans les emplois
commerciaux, se sont développées dès lors qu’il a été demandé au salarié une plus grande
initiative, assortie d’une certaine indépendance dans l’exécution de sa mission.

En revanche, certaines d’entre elles peuvent être redoutables ou excessives, dans la


mesure ou le fait pour le salarié de ne pas atteindre les objectifs fixés risque de s’analyser en
une inexécution du contrat de travail justifiant un licenciement. C’est pour cette raison les
juges du fond devraient en limiter la portée. Tout d’abord, les objectifs doivent être réalistes
ou raisonnables, ce qui veut dire que les juges sont en droit de les apprécier, et ensuite, un
salarié ne peut être licencié que si les mauvais résultats lui sont imputables, par suite
d’insuffisance professionnelles ou d’agissement fautif. Ainsi, la seule insuffisance de résultats
ne peut, en soi, constituer une cause de licenciement.

Ces clauses opèrent un transfert des risques économiques sur le salarié, faisant
dépendre son emploi ou sa rémunération de critères économiques dont il n’a pas toujours la
maîtrise. Le non-respect des objectifs commerciaux est devenu le mode de rupture du contrat
de travail "habituel" aux cadres commerciaux ou technico-commerciaux. La motivation
intellectuelle en est que le "cadre commercial" qui ne vend pas n'a plus sa place dans
l'entreprise, à ce poste. Cette justification est-elle conforme à la réalité juridique ?

Le principe dégagé par la Cour de Cassation en la matière est que les parties (surtout
l'employeur) peuvent consentir une clause d'objectif minimal, ou de résultat, lors de la
conclusion du contrat. Cependant, la Cour considère que cette clause ne doit jamais être
invoquée comme seule cause au licenciement du salarié. Cass. Soc. 16 janvier 1992, Affaire
Smadja c/ Rea. Confrontée à des situations très variées d'utilisation de cette clause, la haute
juridiction a eu l'occasion de préciser son régime d'utilisation. Est sanctionnée la cour d'appel
qui, pour débouter un salarié retient que les objectifs signés en connaissance de cause n'ont
pas été réalisés, ce qui caractérise le manque de résultats reproché dans la lettre de

22
licenciement. Il est reproché à la Cour d’appel de n’avoir pas vérifié si les objectifs définis
étaient raisonnables et compatibles avec le marché (Cass. soc.30 mars 1999 n°107).

Section 2: La clause de non-concurrence et la clause d’exclusivité

Un certain nombre de clauses sont destinées à produire effet lors soit de l’exécution du
contrat de travail soit de la rupture du contrat tel est le cas de la clause de non concurrence qui
a fait couler beaucoup d’encre dans les législations étrangères et n’en finit pas de nourrir le
contentieux. Selon cette clause, le salarié s’engage à ne pas exercer d’activité concurrente à
compter de la rupture du contrat, à la différence de la clause d’exclusivité qui porte sur la
situation des parties en cours d’exécution du contrat. Il s’engage au-delà de l’obligation légale
de ne pas faire de concurrence déloyale. La clause de non concurrence est particulièrement
redoutable, puisqu’elle réduit les chances de retrouver un emploi dans le même secteur
d’activité. La jurisprudence devrait intervenir pour délimiter le champ d’application de ces
clauses.

Paragraphe 1 : Les limites de l’application de la clause de non-


concurrence

La clause de non concurrence produit des effets de droit précisément au moment ou les
obligations contractuelles sont éteintes. Peut importe les motifs qui ont donné lieu à la rupture
du contrat de travail (licenciement, démission).

La clause de non concurrence porte atteinte à la liberté contractuelle. En conséquence,


la clause n’est licite que si elle est limitée dans le temps et l’espace et conforme aux intérêts
légitimes de l’entreprise. Autrement dit, l’employeur devrait justifier devant le juge en quoi il
était indispensable pour l’entreprise d’apporter une restriction à la liberté du travail, compte
tenu des fonctions exercées par le salarié. Pour autant, la clause doit comporter une
contrepartie pécuniaire assimilée au salaire soumis au contrôle du juge.

Au Maroc, la clause de non concurrence est régie par le Dahir formant code des
obligations et contrats. L’article 758 bis se limite à souligner la responsabilité d’un nouvel
employeur en cas de débauchage, en le considérant comme solidairement responsable avec le
salarié impliqué du dommage causé à l’ancien employeur, mais seulement lorsque le nouvel

23
employeur a embauché un travailleur qu’il savait déjà lié par un contrat de travail, ou quand il
a continué à occuper un travailleur après avoir appris que celui-ci est encore lié à un autre
patron par un contrat de travail. De même, l’alinéa 2 de l’article 109 du DOC marocain
dispose : « Cette disposition ne s’applique pas au cas ou une partie s’interdirait d’exercer
une certaine industrie, pendant un temps ou dans un rayon déterminé ». La Cour suprême (de
cassation) dans une décision du 17 décembre 2002 (Arrêt n° 1114, dossier n° 182/2001) a
considéré que le salarié qui ne respecte son engagement de ne pas travailler chez un autre
employeur exerçant la même activité, dans la même ville que son ancien employeur, pour une
période déterminée, viole les clauses du contrat, ce qui donne lieu au dédommagement de
l’employeur.

Paragraphe 2 : Le régime de l’application de la clause de non concurrence

La contrepartie financière est versée en principe chaque mois pendant la durée de


l’engagement. L’employeur peut être tenté d’échapper au paiement de la contrepartie en
prétendant que le salarié ne peut lui faire concurrence. Selon la jurisprudence, l’employeur ne
peut renoncer au bénéfice de la clause sans l’accord du salarié en raison des obligations
réciproques.

La violation ou le non-respect de cette obligation par le salarié, l’employeur est en


droit de demander des dommages et intérêts. Le versement de la contrepartie financière peut
être suspendu. Mais, il reste dû pour la période au cours de laquelle le salarié a respecté son
obligation. En revanche, si l’employeur refuse de payer la contrepartie, les juges peuvent
décider que le salarié se trouve libéré de son obligation.

En résumé, la clause de non-concurrence est une clause dont il faut se méfier et qui
mérite une attention particulière. Elle peut s’avérer contraignante tant pour le salarié que pour
l’employeur, d’autant que la clause de non-concurrence n’a pas un caractère indemnitaire
mais se révèle être une indemnité compensatrice de salaire ce qui veut dire sujette à l’impôt
sur le revenu et soumise à cotisations sociales…

24
Paragraphe 3 : La clause d’exclusivité

En l’absence de stipulations contractuelles particulières, le salarié est tenu pendant


l’exécution de son contrat de travail d’une obligation de loyauté et de fidélité lui imposant une
règle de discrétion et lui interdisant de se livrer à des activités concurrentes. Toutefois,
l’employeur peut être tenté d’aller plus loin et exiger du salarié qu’il consacre la totalité de sa
force de travail à l’entreprise.

Cela fait alors l’objet d’une clause d’exclusivité qui, selon le but poursuivi, peut avoir
une portée très large et interdire au salarié l’exercice d’une quelconque activité
professionnelle, salariée ou non, dans une autre entreprise ou pour son compte. La clause
d’exclusivité se distingue de la clause de non concurrence quant à sa nature et ses effets.
D’une part, c’est pendant l’exécution du contrat de travail et non après sa rupture qu’elle
reçoit application, d’autre part, les activités professionnelles qu’elle interdit au salarié
d’exercer ne sont pas nécessairement concurrentes à celles de l’employeur.

Cette clause d’exclusivité a d’abord été admise sans réserve. Dans le cas où le salarié
méconnaissait cette clause d'exclusivité et se faisait embaucher par un autre employeur, il
commettait à l'encontre du premier une faute grave susceptible de justifier son licenciement et
justifiant le dédommagement de l’employeur (Cass. soc. 11 juillet 1991, Thierry c/ Sté Roux).

A titre d’exemple, une faute grave avait été retenue à l'encontre d'un chef cuisiner dans
un restaurant qui, après la fin de ses heures de travail, avait exercé à plusieurs reprises une
activité professionnelle dans un petit restaurant géré par sa femme en méconnaissance de la
clause de son contrat de travail qui prévoyait qu'il devait consacrer tout son temps et toute son
activité au service de la société qui l'employait (Cass. soc. 1er avril 1992, Lo Sui Kay c/ Ste
Cyclo). Il est vrai que la jurisprudence se montrait moins sévère pour les activités bénévoles.
Jugé par exemple qu’une clause selon laquelle "le salarié devra tout son temps à la bonne
exécution de ses fonctions et réserver l'exclusivité de son activité professionnelle à son
employeur" n'interdit pas au salarié d'apporter une aide bénévole à l’organisation de
manifestations. Cette aide désintéressée ne peut être assimilée à une activité parallèle
susceptible d'avoir une influence préjudiciable pour l'employeur (Cass. soc. 15nov. 1984, Sté
Week End Publications c/ Chauffier et Cass. soc; 5 oct. 1995, Sté Sodilandes Leclerc c/
Lafaurie)). Mais, il faudra finalement attendre l’été 2000 pour que la Cour de Cassation

25
française affirme nettement sa position à propos des clauses d’exclusivité. Certes, la Cour se
prononce à l’occasion d’affaires mettant en cause des salariés à temps partiel qu’une clause
met dans l’impossibilité d’exercer « à temps plein » leurs activités professionnelles et surtout
de gagner normalement leur vie. Désormais, quelle que soit la nature du contrat de travail,
pour être opposable au salarié, la clause d’exclusivité devra répondre aux exigences requises
pour toute clause de nature à restreindre l’exercice par le salarié d’une liberté fondamentale :
elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, proportionnée
au but recherché et justifiée par la nature de la tâche à accomplir. (Cour de cassation, soc.25
février 2004, n° 01-43.392 (Recueil Dalloz 2004, Informations rapides, p. 923 et Cass. 11 mai
2005, n_ 03.40387) Si la clause ne figurait pas à l’origine dans le contrat de travail, le salarié
peut-il refuser l’ajout d’une telle clause ? La Cour de Cassation a répondu dans un arrêt du 7
juin 2005 (Cass.soc. 7 juin 2005, p. n° 3-42-080) : cela constitue une modification du contrat
de travail qu’il est en mesure de refuser.

Chapitre 3 : L’exécution du contrat de travail

L’exécution du contrat de travail est soumise à des obligations contractuelles et aussi


légales ou statutaires. La durée légale ou conventionnelle du travail, les congés, l’hygiène et la
sécurité… échappent à la volonté des parties contractantes. L’employeur peut modifier
l’exécution des conditions de travail mais il doit veiller aux règlements en vigueur. En ce
sens, la Cour de cassation avait jugé que toute modification ultérieure relative aux
changements essentiels des conditions de travail (fonctions, mutation) doit être approuvée par
le salarié14.

Le respect du contrat de travail implique des obligations contractuelles réciproques à


la charge de l’employeur et du salarié.

Section 1 : Les obligations contractuelles à la charge de l’employeur

Dans l’exécution du contrat de travail, l’employeur est soumis à certaines obligations.


Il s’agit essentiellement de verser une rémunération, mais aussi d’assurer la fourniture du

14
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 429 du 26 avril 2017, Dossier social n° 2016/2/5/1082.

26
matériel et l’exécution du contrat de travail dans le respect des normes légales et
conventionnelles. En revanche, le non-respect de ces engagements, entame la responsabilité
contractuelle de l’employeur devant les instances judiciaires. Dans ce sens, les tribunaux
considèrent que l’inexécution par l’employeur d’un certain nombre d’obligations entraîne
nécessairement un préjudice pour le salarié.

Paragraphe 1 : Les obligations de l’employeur

Le Code du travail contient un ensemble de normes, de mesures et de prescriptions


constituant des obligations pour l’employeur. La législation du travail constitue le cadre
protecteur contre les pouvoirs exorbitants de l’employeur au détriment du salarié afin de
limiter son exploitation d’une façon inhumaine. En effet, le patronat cherche à obtenir de plus
en plus des libertés dans le domaine du travail. C’est compte tenu de ces considérations et
bien d’autres que l’assouplissement du droit implique des obligations minimales pour les
employeurs. Le législateur prévoit dans l’article 24 du Code de travail : « D’une manière
générale, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin préserver la
sécurité, la santé et la dignité des salariés dans l’accomplissement des tâches qu’ils exécutent
sous sa direction et de veiller au maintien des règles de bonne conduite, de bonne moeurs et
de bonne moralité dans son entreprise ». Le deuxième alinéa du même texte ajoute, en
substance, que le contenu de la convention collective, le règlement intérieur, les horaires de
travail et modalités du repos hebdomadaire, les dispositions légales et mesures concernant la
santé, la sécurité et la prévention des risques liés aux machines ainsi que les dates, horaires et
lieu de paye, le numéro d’immatriculation à la Caisse nationale de sécurité sociale et la
compagnie d’assurance les assurant contre les accidents du travail et les maladies
professionnelles doivent être portés, par écrit, à la connaissance des travailleurs lors de leur
emploi et lors de chaque modification apportée à ces dispositions. Il en résulte que cet article
renvoie à d’autres dispositions du Code du travail :

1-Le respect des obligations contractuelles : le contrat de travail est une convention
synallagmatique ce qui signifie que l’employeur est tenu de respecter les termes du contrat au
même titre que le salarié. Par conséquent, l’employeur peut-il modifier ou rajouter les tâches
assignées au salarié ? La jurisprudence a en quelque sorte sacralisé certains éléments du

27
contrat de travail qui ne peuvent jamais être modifiés par l'employeur sans que celui-ci ait
préalablement reçu l'accord de son salarié15.

Il faut toutefois distinguer attribution et qualification du salarié. L’employeur peut


attribuer de nouvelles tâches à un salarié différentes de celles qu’il effectuait auparavant sans
que cela soit considéré comme modification de son contrat de travail. L'employeur, en ce
domaine, comme en tant d'autres, doit agir avec beaucoup de doigté. S'il peut imposer des
modifications de tâches, cela ne doit modifier la qualification du salarié. La direction de
l’entreprise dispose d'une certaine marge de manœuvre pour adapter les attributions de chacun
aux nécessités de fonctionnement de son entreprise.

2-Le règlement intérieur : L’article 138 du Code du travail prévoit que tout employeur
occupant habituellement au minimum dix salariés est tenu dans les deux années suivant
l’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement, d’établir, un règlement intérieur et de le
soumettre à l’approbation de l’autorité gouvernementale chargée du travail. Toute
modification ultérieure apportée au règlement intérieur est soumise aux formalités de
consultation et l’approbation de la même autorité. L’employeur est tenu de porter le règlement
intérieur à la connaissance des salariés dans un lieu habituellement fréquenté par ces derniers.
Ses dispositions s’imposent aussi bien à l’employeur qu’à tous les salariés de l'établissement,
que ceux-ci aient été embauchés avant ou après son entrée en vigueur. Il doit prendre la forme
d'un document écrit rédigé en arabe (Voir le modèle établi par le Ministère du travail et de
l’insertion professionnelle).

3-L’interdiction de travailler les mineurs : Les enfants ont les mêmes droits que les adultes,
mais faute d'avoir leur savoir, leur expérience, leur maturité, ils n'ont pas la capacité de se
défendre, d'où la nécessité d'une protection spécifique. Il est notamment interdit de les
astreindre à un travail qui met en danger leur santé, leur épanouissement, leur moralité.

Le principe de l'abolition effective du travail des enfants exige que chaque enfant, fille
ou garçon, ait la possibilité de pleinement développer son potentiel physique et mental.

15
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 514 du 28 mars 2013, Dossier social n° 2012/2/5/399.
Revue de la jurisprudence de la Cour de cassation n° 76, 2013, p. 259. Chambre sociale de la Cour de cassation,
Arrêt n° 429 du 15 avril 2009, Dossier n° 2008/1/5/827. Revue de la jurisprudence de la Cour de cassation n°
72, 2010, p. 266.

28
L'objectif est d'éviter aux enfants tout travail préjudiciable à leur éducation et à leur
développement. Cela ne signifie pas que tout travail est interdit aux enfants. Les normes
internationales du travail distinguent les formes de travail qui sont inacceptables pour les
enfants, selon leur âge, et celles qui peuvent être tolérées.

Sur le plan national, l’article 143 du Code du travail dispose : « Les mineurs ne
peuvent être employés ni être admis dans les entreprises ou chez les employeurs avant l’âge
de quinze ans révolus ». De même, l’article 179 du Code du travail prévoit : « Il est interdit
d’employer les mineurs de moins de 18 ans, les femmes et les salariés handicapés dans les
carrières et dans les travaux souterrains effectués au fond des mines »16.

Par ailleurs, l’embauche des salariés mineurs est soumise à d’autres règles
particulières prévues dans la législation du travail. En général, l’article 144 du Code du travail
précise : « « L'agent chargé de l'inspection du travail a, à tout moment, le droit de requérir
l'examen par un médecin dans un hôpital relevant du ministère chargé de la santé publique de
tous les mineurs salariés âgés de moins de dix -huit ans et tous les salariés handicapés, à
l'effet de vérifier si le travail dont ils sont chargés n'excède pas leurs capacités ou ne convient
pas à leur handicap. L'agent chargé de l'inspection du travail a le droit d'ordonner le renvoi
des mineurs et des salariés handicapés de leur travail, sans préavis, en cas d'avis conforme
dudit médecin et après examen contradictoire à la demande de leurs parents ». En particulier,
l’employeur doit avant toute embauche d’un travailleur domestique âgé entre 16 et 18 obtenir
une autorisation écrite et légalisée de son tuteur avant la signature du contrat de travail (article
6 de la loi n° 19-12 relative au travail domestique).

Malgré ces textes juridiques, le travail des enfants reste un fait d’actualité. Il affecte
notamment plus les garçons que les filles. Selon le rapport du Haut-commissariat au plan, ce
phénomène est beaucoup plus rural qu’urbain.

4- La protection de la femme salariée : L’article 19 de la Constitution prévoit que «


L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique,
économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les
autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux

16
Voir : décret n° 2-10-183 du 16 novembre 2010 fixant la liste des travaux auxquels il est interdit d’occuper
certaines catégories de personnes, Bulletin officiel n° 5906 du 06 janvier 2011, p. 5.

29
dûment ratifiés par le Royaume… » Dans le même cheminement d’idées, l’article 34 énonce
que « Les pouvoirs publics élaborent et mettent en œuvre des politiques destinées aux
personnes et aux catégories à besoins spécifiques. A cet effet, ils veillent notamment
à : Traiter et prévenir la vulnérabilité de certaines catégories de femmes et de mères, des
enfants et des personnes âgées… » Parallèlement à ces dispositions, il existe toute une série
de mesures du Code de travail destinées à protéger la salariée. De ce fait, sa protection
commence par le principe de l’égalité pour accéder au travail. Ainsi, aucune discrimination ne
doit avoir lieu aussi bien au moment du recrutement que lors de la rédaction du contrat de
travail. Au cours de l’exécution du travail la salariée bénéficie de la protection de maternité.
L’article 152 de la législation du travail dispose : « La salariée en état de grossesse attestée
par certificat médical dispose d’un congé de maternité de quatorze semaines, sauf
stipulations plus favorables dans le contrat de travail, la convention collective de travail ou le
règlement intérieur ». De sa part, l’article 153 prévoit : « Les salariées en couches ne peuvent
être occupées pendant la période de sept semaines consécutives qui suivent l’accouchement.
L’employeur veille à alléger les travaux confiés à la salariée pendant la période qui précède
et celle qui suit immédiatement l’accouchement ». L'état pathologique de la salariée peut
augmenter la durée de son absence.

Pour pouvoir élever son enfant, et pendant les premiers mois, la salariée bénéficie de
trois optiques juridiques (articles 156-157 du Code du travail) :

-S’abstenir de reprendre son emploi à l’expiration du délai de sept semaines suivant


l’accouchement à condition d’en aviser son employeur quinze jours au plus tard avant le
terme de la période du congé de maternité. Dans ce cas, la suspension du contrat ne peut
excéder quatre-vingt-dix jours.

– Elle peut aussi, en accord avec son employeur, bénéficier d’un congé non payé d’une année.
La mère salariée réintègre son poste à l’expiration de la période de suspension tout en
bénéficiant de tous les avantages qu’elle avait acquis avant la suspension de son contrat.

– Elle peut s’abstenir de reprendre son travail. Dans ce cas, elle doit adresser une lettre
recommandée avec accusé de réception à son employeur quinze jours au moins avant le terme
de la période de suspension de son contrat et cela, et c’est ici où réside l’avantage, sans
observer le délai de préavis et sans avoir à payer une indemnité compensatrice de rupture du

30
contrat de travail. D’ailleurs, cet avantage de quitter son employeur sans observer le préavis
lui est accordé dès qu’elle apprend qu’elle est enceinte.

Afin de protéger la salariée enceinte pendant la période de la suspension du contrat, la


jurisprudence a jugé que l’employeur n’avait pas le droit de licencier la femme salariée durant
le congé de maternité17. En effet, le licenciement discriminatoire en raison de l’état de
grossesse porte atteinte au principe d’égalité de droits entre l’homme et la femme, garanti par
la Constitution avec les conséquences que cela implique pour l'indemnité à laquelle peut
prétendre la salariée licenciée.

Il convient de préciser que le travail nocturne ou de nuit des femmes et des mineurs
est interdit sauf dans des exceptions qui prennent en considération l’état de santé et la
situation sociale du salariée (article 172 du Code du travail). Le décret n° 2-04-568 du 29
décembre 2004 fixant les conditions devant être mises en place pour faciliter le travail de nuit
des femmes impose trois mesures obligatoires :

- Mettre à leur disposition, en cas d'absence de moyens de transport publics, des


moyens de transport de leurs lieux de résidence vers le lieu de travail et vice-versa.

- Leur accorder un repos d'au moins une demie heure après chaque durée de travail
continu de quatre heures. La durée de ce repos est comptabilisée dans la durée du
travail effectif.

- Mettre à leur disposition des moyens de repos.

5- La rémunération : est le salaire que l'employeur doit verser au salarié en contrepartie de la


prestation fournie prévue lors de l'embauche. Le salaire de base est défini par le contrat de
travail et présente en principe, sous réserve de révision, un caractère de fixité à chaque
échéance. Il peut s'agir de primes ou de gratifications et des avantages en nature (logements,
voitures). Il convient de distinguer entre le salaire net et le salaire brut. Ce dernier c’est le
salaire avant déduction des retenues sociales obligatoires (cotisations sociales). En revanche,
le salaire net est celui que le salarié perçoit après déduction des cotisations sociales retenues
sur le salaire brut.

17
Mohammed Befkhir, Droit du travail et recueil de jurisprudence, Al Najah Al Jadida, 2² Édition, 2011,
p.p.85-86.

31
La rémunération est un élément essentiel de la validité du contrat de travail. Elle est
laissée à l’appréciation des parties au moment de la conclusion du contrat (article 345, 356,
360 du Code du travail). Dans tous les cas, le salaire versé y compris les pourboires et les
accessoires en espère en nature doivent respecter le SMIG (salaire minimum légal) calculé sur
la base du pouvoir d’achat permettant de suivre l’évolution du niveau des prix et de contribuer
au développement économique et social ainsi qu’à l’évolution de l’entreprise (article 358). Par
conséquent, est nul de plein droit tout accord individuel ou collectif tendant à abaisser le
salaire au-dessous du salaire minimum légal. Si le montant des pourboires est inférieur au
salaire minimum légal, l'employeur est tenu de leur verser la part permettant de compléter le
salaire minimum légal. Le paiement du salaire est interdit le jour où le salarié a droit au repos.

La jurisprudence interdit toute modification du salaire sans l’accord explicite du


salarié18. Peu importe que la modification apportée soit minime ou encore que le mode de
rémunération apparaisse plus favorable au salarié. En outre, l’article 346 du Code du travail
interdit la discrimination relative au salaire entre les deux sexes pour un travail de valeur
égale. Les différences de salaire entre employés d’une même entreprise ne peuvent être
fondées que sur le mérite et les compétences de chacun.

La majoration du salaire en fonction de l’ancienneté s’impose à l’employeur dont les


taux sont fixés en fonction d’un barème posé par l’article 350 du Code du travail.
- 5% du salaire versé, après deux ans de service.
- 10 % du salaire versé, après cinq ans de service.
- 15 % du salaire versé, après douze ans de service.
- 20% du salaire versé, après vingt ans de service.
- 25% du salaire versé, après vingt-cinq ans de service.

A cela s’ajoute que ce dernier est tenu de payer également les heures supplémentaires
accomplies au-delà de la durée normale de travail du salarié. Sur ce point, l’article 201 du
Code du travail précise : « Quel que soit le mode de rémunération du salarié, les heures
supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % si elles sont effectuées
entre 6 heures et 21 heures pour les activités non agricoles et entre 5 heures et 20 heures
pour les activités agricoles, et de 50 % si elles sont effectuées entre 21 heures et 6 heures

18
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 1/1126 du 12 décembre 2017, Dossier social n°
2017/1/5/1398.

32
pour les activités non agricoles et entre 20 heures et 5 heures pour les activités agricoles. La
majoration est portée respectivement à 50 % et à 100 % si les heures supplémentaires sont
effectuées le jour du repos hebdomadaire du salarié, même si un repos compensateur lui est
accordé ».

Pour la Chambre sociale de la Cour suprême (de cassation), le salarié est en droit de
refuser les heures supplémentaires sans donner lieu à aucune sanction de la part de
l’employeur19. Il en résulte que ce dernier ne peut en aucun cas imposer les heures
supplémentaires. En général, au moment du versement du salaire, un bulletin de paie doit être
remis à chaque salarié. Certaines mentions figurent obligatoirement dans ce document.

1. L’employeur (nom, adresse, numéro d’immatriculation, etc.)


2. Le salarié (nom, emploi occupé, etc.)

Au sens de l’article 371 du Code du travail chaque employeur est tenu d’avoir un live
de paye sous le contrôle des agents de l’inspection du travail et des inspecteurs de la CNSS.
Ce document retrace obligatoirement toutes les mentions portées sur les bulletins de paie des
salariés.

Par ailleurs, la promotion ou l’avancement de grade permet aussi d’augmenter le


salaire. Dans la fonction publique, l'avancement de grade est très strictement encadré. Dans le
secteur privé à l’inverse, les règles ne sont pas précisément fixées quant à l'avancement des
salariés. En effet, l’évolution de carrière de ses travailleurs dépend du libre pouvoir de
direction de l’employeur. Sur le principe, l’employeur est libre dans sa gestion de l'évolution
interne de ses salariés. Il est fondé à apprécier leurs progrès sans que sa décision puisse être
contestée. Cependant, cette appréciation doit se faire sur des critères légitimes, c’est-à-dire
qu’il doit se fonder sur des faits, des modalités objectives d’évaluation du travail, pour décider
d'accorder ou non une promotion.

6- La durée du travail : les dispositions concernant la durée et le temps du travail et les


temps de repos ont été introduites, à l'origine, dans une optique de protection du travailleur
contre d'éventuels abus de l'employeur. A côté de cela, la réglementation ne pouvait

19
Chambre sociale de la Cour de la Cour suprême, Arrêt n° 186 du 20 février 2008, Dossier 07/481, Rapport
annuel de la Cour suprême, 2008, p. 226.

33
cependant oublier la réalité économique et technique de l'entreprise. Elle se devait de trouver
un équilibre entre le respect des droits individuels des travailleurs et la possibilité d'améliorer
la capacité concurrentielle des entreprises par une organisation plus efficace du travail et de
promouvoir l'emploi. Tout contrat de travail est prévu pour une certaine durée. Le principe est
posé par l’article 184 du Code du travail qui affirme la durée normale est fixée à 2496 heures
par année pour les activités agricoles et de 2288 heures par année ou 44 heures par semaine
pour les activités non agricoles. En revanche, l’employer doit veiller à accorder
obligatoirement un repos hebdomadaire d’au moins vingt-quatre heures (article 205 du Code
travail). Il est également interdit aux employeurs d’occuper les salariés pendant les jours de
fêtes payés dont la liste est déterminée par voie réglementaire et pendant les jours fériés
(article 217 et suivants du Code du travail).

De manière générale, le changement d’horaire dans l’entreprise, n’est pas considéré


comme affectant un élément essentiel du contrat de travail. Cependant, le Code du travail
interdit, en principe, le travail par relais ou par roulement sauf si des raisons techniques liées à
l’organisation du travail justifient cette dérogation.

- Le travail par relais consiste à pratiquer des horaires différents à l’intérieur d’un
groupe de salariés ayant la même activité. Il peut s’agir :
-Soit d’un horaire décalé (équipes chevauchantes) de telle sorte que plusieurs équipes puissent
être occupées en même temps à une certaine période de la journée. Par exemple, une équipe
(A) travaille de 8 h 00 à 16 h 00, tandis qu’une équipe (B) travaille de 10 h 00 à 18 h 00.
-Soit du travail en équipe alternante qui consiste à faire travailler tour à tour plusieurs
équipes.
-Soit du travail en équipes tournantes ou volantes, une équipe étant destinée à remplacer les
autres pendant les temps de pause. Lorsque le travail par relais est autorisé, le travail de
chaque équipe doit être continu sauf interruption pour le repos.

- Le travail par roulement : consiste à attribuer des journées de repos hebdomadaire


différentes à des salariés ou des équipes de salariés exerçant la même activité.

Pour se protéger des crises périodiques passagères, l’employeur peut, après


consultation des représentants des salariés répartir la durée annuelle globale du travail sur
l’année selon les besoins de l’entreprise à condition que la durée normale du travail n’excède

34
pas dix heures par jour (article 185 du Code du travail). Cette mesure n’entraine aucune
réduction du salaire mensuel.

7- Le congé payé annuel : toute entreprise a l’obligation d’accorder au salarié un congé


annuel payé après 6 mois de service continu dans la même entreprise ou chez le même
employeur. De ce fait, tout salarié a le droit, selon le Code du travail, de bénéficier de son
congé payé annuel, et ce, conformément au Chapitre IV du titre III du livre II du Code de
travail. A noter que le contrat de travail, la convention collective de travail, le règlement
intérieur ou des usages, pourraient prévoir une durée plus longue de ce qui est prévu dans le
Code de travail, dans ce cas c’est le contrat de travail, ou la convention collective de travail,
ou bien le règlement intérieur ou des usages, qui seraient applicables.
La durée du congé :
La durée du congé annuel est fixée à :
- Un jour et demi de travail effectif par mois de service, soit au maximum 18 jours de congés
payés. Le Code du travail prévoit également des congés supplémentaires accordés aux salariés
du fait de leur ancienneté, à raison d’un jour et demi de travail toutes les cinq années de
travail effectif et ce, sans que le total des jours de congés ne dépasse 30 jours.
- Deux jours de travail effectif par mois de service pour les salariés âgés de moins de dix-huit
ans.
Pour les contrats à durée déterminé, le salarié doit bénéficier de la totalité de son
congé annuel payé avant la date d’expiration de son contrat (article 233 du Code de travail).

8- Le certificat de travail (article 72 du Code du travail) : est un document remis par


l'employeur au salarié à la date de fin du contrat de travail. Il est dû au salarié pour tout type
de contrat de travail (CDI, CDD...), quel que soit le motif de la rupture (démission,
licenciement...). Le certificat de travail doit exclusivement indiquer la date de l'entrée du
salarié dans l'entreprise, celle de sa sortie et les postes de travail qu'il a occupés. Toutefois,
par accord entre les deux parties, le certificat de travail peut comporter des mentions relatives
aux qualifications professionnelles du salarié et aux services qu'il a rendus.

9-La carte de travail : en application de l'article 23 du Code du travail, l'employeur est tenu
de délivrer au salarié une carte de travail. Cette carte doit comporter les mentions fixées par
voie réglementaire et doit être renouvelée en cas de changement de la qualification
professionnelle du salarié ou du montant du salaire. Le décret d’application du Code du travail

35
n° 2-04-422 du 29 décembre 2004 a fixé les mentions que doit comporter la carte de travail et
ce, comme suit :
- La raison sociale de l’établissement ou les noms et prénom de l’employeur,
- Le numéro d’affiliation à la Caisse nationale de sécurité sociale,
- Le siège social de l’entreprise ou l’adresse de l’employeur,
- Les noms et prénoms, la date de naissance, la date d’entrée en fonction, la fonction, le
montant du salaire et le numéro d’immatriculation à la Caisse nationale de sécurité sociale du
salarié,
- La dénomination de la compagnie d’assurance.

10- Les conditions d’hygiène et de sécurité : « Pour bien travailler, il faut se bien porter ».
Le titre IV intitulé « De l’hygiène et de la sécurité des salarié » pose la règle générale : tout
employeur doit veiller à ce que les locaux soit tenu dans un bon état de propreté et présenter
les conditions d’hygiène et de salubrité nécessaires à la santé des salariés, notamment en ce
qui concerne le dispositif de prévention de l’incendie, l’éclairage, le chauffage, etc. Ces
moyens de prévention individuels ou collectifs permettent d’éviter les risques professionnels.
La jurisprudence récente considère que l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation
de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail. L’employeur ne
doit pas seulement diminuer le risque, mais l’empêcher. Le manquement à cette obligation est
une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience de l’importance
du risque auquel était exposé le salarié. L'employeur engage sa responsabilité, sauf s'il
démontre avoir pris les mesures générales de prévention nécessaires et suffisantes pour éviter
le risque.

Par ailleurs, la pandémie de covid-19 est l’un des plus grands défis auxquels sont
confrontées nos sociétés et les entreprises. Les employeurs sont dans l’obligation de réaliser
une évaluation des risques professionnels et de définir des mesures appropriées sur les lieux
de travail où les travailleurs sont susceptibles d’être exposés à un virus. Le plan de protection
et de prévention contre la covid-19 doit être mis en place dans chaque entreprise
conformément au Protocole avec la collaboration de plusieurs instances : délégués des
salariés, représentants syndicaux, le médecin du travail, etc.

A cet effet, l’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir en compte
des dispositions de précaution recommandées par les autorités compétentes en application du

36
décret-loi portant sur les dispositions relatives à l’état d’urgence sanitaire visant à limiter la
20
propagation de la pandémie du covid-19 . Le Protocole pour la gestion du risque de
contamination au covid-19 dans les lieux du travail élaboré conjointement par les ministères
du travail et de l’industrie et du commerce incite tout employeur à mettre en place des actions
sanitaires spécifiques au risque du covid-19 comme la distanciation physique, des actions
d’information et de sensibilisation des salariés ainsi qu’un protocole de prise en charge d’un
salarié contaminé ou présentant des signes de la maladie. A ce titre, il doit évaluer les
dimensions du risque de contamination de l’environnement de travail entre les salariés, les
sous-traitants, les usagers et les visiteurs.

Les mesures individuelles et organisationnelles d'hygiène en situation de pandémie ne


doivent pas être considérées ni, a fortiori, présentées au personnel comme de simples
recommandations mais bien comme des exigences et des consignes que les salariés ont
l'obligation d'appliquer au même titre que les autres règles de sécurité édictées par
l'employeur : ne pas respecter les consignes d'hygiène peut être considéré comme une faute
disciplinaire, car cela peut mettre en danger la vie des autres salariés. Ainsi, si le salarié
n'informe pas volontairement son employeur d'une raison possible d'envisager qu'il soit
contaminant (personne asymptomatique mais sachant qu'il a été proche d'une personne
porteuse du virus), ce comportement pourra être sanctionné, selon la gravité, d'un
licenciement pouvant aller jusqu'à la faute grave.

11- La médecine du travail : le Code du travail a consacré un chapitre, comportant 31


articles, aux services médicaux devant être installés dans les entreprises. Le principe consiste
à installer dans chaque établissement un service médical, ayant un rôle essentiellement
préventif, afin d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail,
notamment en surveillant les conditions d’hygiène du travail, les risques de contagion et l’état
de santé des travailleurs. En vertu des articles 304 et suivants, sont assujettis à cette obligation
les entreprises industrielles, commerciales et d’artisanat, ainsi que des exploitations agricoles
et forestières et leurs dépendances, lorsqu’elles occupent cinquante salariés au moins. Lorsque
ces entreprises emploient moins de cinquante salariés, elles doivent constituer soit des
services médicaux du travail indépendants ou des services médicaux communs dans les
conditions fixées par l’autorité gouvernementale chargée du travail.

20
Article 5 du décret-loi n° 2.20.292 portant sur les dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire et aux
procédures de sa déclaration du 23 mars 2020, Bulletin officiel n° 6867 bis du 24 mars 2020, p. 1782.

37
Le Code de déontologie des médecins pose comme obligation professionnelle le respect
du secret médical quel que soit le statut du médecin concerné. Les renseignements relatifs à
l’état de santé du salarié ne peuvent être confiés qu’au médecin du travail chargé de l’examen
médical qui est tenu par le secret professionnel. Le secret médical est surtout une obligation
légale et déontologique. Ces informations n’ont donc pas vocation à être portées à la
connaissance d'un employeur et ce dernier ne peut en aucun cas s'y immiscer. Ainsi, le
médecin du travail n'a pas à révéler la pathologie d'un salarié à l'employeur.

12- L’interdiction des économats : ils peuvent se définir comme des magasins annexés aux
établissements industriels où l’employeur vend plus au moins directement des denrées à ses
salariés. Dans un premier temps, cette institution a pu rendre de réels services aux salariés en
leur assurant une proximité des commerces et des prix inférieurs à ceux du marché. Ils
deviendront, dans bien des cas, des commerces voués au profit. Certains employeurs purent
profiter de ce monopole pour appliquer des tarifs prohibitifs ou vendre des produits de
médiocres qualités. L’article 392 du Code du travail interdit à tout responsable ayant autorité
sur les salariés le recours à cette forme de commerce sauf dans les exceptions posées par voie
réglementaire : la création d’économat est nécessaire à la vie quotidienne des salariés surtout
pour les chantiers de travail éloignés d’un centre de ravitaillement.

13-Le solde de tout compte (article 73 du Code du travail). : le solde de tout compte est un
document qui précise toutes les sommes versées au salarié au moment de la rupture de son
contrat et ce, quel que soit le motif (démission, licenciement, rupture conventionnelle, mise à
la retraite, fin de contrat, etc.) Il est établi et remis au salarié contre reçu (reçu pour solde de
tout compte). Juridiquement, le solde de tout compte présente surtout un intérêt pour
l'employeur : s'il ne remet pas ce document au salarié contre reçu, ce dernier peut contester le
montant des sommes versées : congés payés, heures supplémentaires, etc.

Cette énumération non exhaustive représente certes quelques-unes des obligations de


l’employeur, se traduisant pour autant de droits des salariés, mais leur respect scrupuleux
dépendra largement et d’abord de la connaissance de ces droits par les intéressés eux-mêmes.
Les salariés devraient prendre conscience de leur statut protecteur, puis agir en conséquence
pour mettre un terme aux atteintes de l’employeur devant l’inspection du travail ou les
instances judiciaires.

38
Mais le problème de l’analphabétisme quasi- généralisé dans le milieu ouvrier, altère
sensiblement le droit des travailleurs à l’information. Ce constat réduit les droits des salariés
et rend l’information de ces garanties aléatoires.

Paragraphe 2 : Les responsabilités de l’employeur

Les dispositions du Code du travail rappellent non seulement les obligations générales
de l’employeur, mais aussi que leur violation entraîne éventuellement sa condamnation à des
sanctions civiles ou pénales. Tout dépendra des possibilités de recours par la partie intéressée
aux autorités administratives ou judiciaires pour faire valoir le respect de ses obligations.
Dans ce sens, pour faciliter la mise en œuvre de la responsabilité de l’employeur, les juges
devraient normalement s’éloigner des conditions de la responsabilité civile du droit commun
en relevant que la simple inexécution par l’employeur d’un certain nombre d’obligations
entraîne nécessairement un préjudice pour le salarié.

Dans le but de protéger les travailleurs, les agents de l’inspection sont appelés à
prendre des mesures provisoires dans le cas de constatation des infractions, en attendant que
les juridictions répressives s’y prononcent (articles 539-545 du Code du travail). Le pouvoir
des agents d’inspection est dissuasif dont l’objectif attendu est rarement atteint.

Avant de dresser un procès-verbal, ces agents peuvent adresser des mises en demeure
ou des observations aux employeurs qui contreviennent aux dispositions législatives ou
réglementaires. En cas de violation aux règles relatives à la sécurité et à l'hygiène ne mettant
pas en danger imminent la santé ou la sécurité des salariés, l'agent chargé de l'inspection du
travail ne peut dresser un procès-verbal qu'à l'expiration du délai imparti par une mise en
demeure préalablement signifiée à l'employeur. Ce délai qui ne peut, en aucun cas, être
inférieur à quatre jours est fixé par l'agent chargé de l'inspection du travail, en tenant compte
des circonstances de l'établissement, à partir du minimum établi pour chaque cas par la
réglementation en vigueur.

En revanche, lorsque les actes ou négligences de l’employeur mettent en danger la


santé ou la sécurité des salariés, l’inspecteur du travail a le pouvoir de mettre en demeure des
employeurs, d’exécuter immédiatement les mesures nécessaires. Ce n’est plus un rôle
préventif de l’agent de l’inspection car il doit mettre un terme au danger. L’avertissement de

39
l’employeur a ici une force probante et le refus de se conformer aux prescriptions peut causer
la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement eu cas de danger imminent. La
fermeture s’avère une mesure extrême qui ne peut être prise que par un magistrat sur requête
de l’inspecteur du travail. C’est au président du tribunal de première instance en sa qualité de
juge de référés d’apprécier, suivants les faits de la cause établis par le procès-verbal
circonstancié de l’inspecteur du travail, si il s’agit vraiment d’un danger. L'employeur est tenu
de verser aux salariés qui ont cessé de travailler, en raison de la fermeture prévue au deuxième
alinéa de l'article 543, une rémunération pour la période de suspension du travail ou pour la
période de fermeture de tout ou partie de l'établissement.

Il convient de préciser que le changement de l’employeur n’a aucune conséquence sur


le régime de la responsabilité. L’article 19 du Code du travail dispose : « En cas de
modification dans la situation juridique de l'employeur ou dans la forme juridique de
l’entreprise, notamment par succession, vente, fusion ou privatisation, tous les contrats en
cours au jour de la modification subsistent entre les salariés et le nouvel employeur. Ce
dernier prend vis-à-vis des salariés la suite des obligations du précédent employeur,
notamment en ce qui concerne le montant des salaires et des indemnités de licenciement et le
congé payé ».

Section 2 : Les obligations contractuelles et légales à la charge du salarié

Le Code du travail détermine les devoirs du salarié. De ce fait, il est responsable dans
le cadre de son travail de son acte, de sa négligence, de son impéritie ou de son imprudence. Il
est soumis à l'autorité de l'employeur dans le cadre des dispositions législatives ou
réglementaires, du contrat de travail de la convention collective du travail ou du règlement
intérieur. Le salarié est également soumis aux dispositions des textes réglementant la
déontologie de la profession.

Le salarié s’engage à fournir un travail pour le compte de l’employeur auquel il est


subordonné, dans des conditions susceptibles d’adaptation, et en échange d’une rémunération.
La première obligation du travailleur salarié se ramène d’abord à l’exécution de la prestation
de travail, à laquelle se greffe une série d’obligations subséquentes de loyalisme et de non
concurrence vis-à-vis de l’employeur.

40
Paragraphe 1 : Les obligations professionnelles principales et accessoires

Par définition la nature de la relation individuelle entre l’employeur et le salarié, ce


dernier doit exécuter sa prestation de travail conformément aux instructions données par
l’employeur. Cette exécution doit être personnelle, consciencieuse et loyale.

1-La prestation doit être personnelle : Le Code du travail ne prévoit aucune disposition
expresse à ce sujet. Seul l’article 21 du Code du travail qui vise plus au moins explicitement,
l’obligation du travailleur est d’exécuter le travail pour lequel il a été embauché. C’est les
dispositions du Dahir formant code des obligations et contrats qui précisent d’une façon plus
claire les conditions de la prestation du salarié. En effet, l’article 736 de ce Code exige que la
prestation de travail soit personnelle, consciencieuse et loyale. L’obligation personnelle est
une obligation de faire, non susceptible d’exécution forcée. Le salarié doit accomplir
personnellement son travail sans se faire remplacer.

Par ailleurs, tout salarié a le droit d’être absent de son poste de travail dans des
conditions incluses dans le droit du travail. Tout naturellement, les congés payés annuels
rentrent dans ce cadre. La maladie ou l’accident également, mais sont soumis à la présentation
d’un justificatif à l’employeur dans les 48 heures. Si l’employeur a des doutes sur la véracité
des causes de l’absence notamment de la maladie, ou qu’il y a exagération ou abus de la part
du salarié, l’employeur peut déclencher la contre visite par un médecin de son choix et à ses
frais pendant la durée de l'absence fixée par le certificat médical produit par le salarié (article
271 alinéa 3). Le salarié ne peut pas s'opposer à une contre-visite médicale imposée par son
employeur, y compris à son domicile. S'il refuse de recevoir le médecin contrôleur sans
aucune justification ou s’il est absent, il perd le droit aux indemnités complémentaires versées
par l'entreprise. De plus la caisse de sécurité sociale peut suspendre les indemnités
journalières versées à ce salarié.

L’absence au travail du salarié peut aussi être due à une formation professionnelle en
cours, ou à des événements familiaux. Lors de son mariage, le salarié a droit à quatre jours
d’absence. Trois jours lui sont octroyés pour la naissance de son enfant et trois jours en cas de
décès de son conjoint (article 274 du Code du travail).

41
En revanche, l’absence du salarié, lorsqu’elle est injustifiée, peut être lourdement
préjudiciable pour l’entreprise. Elle donne lieu à un poste de travail inoccupé, pour lequel
l’employeur n’a pas pu anticiper de solution de remplacement, et qui peut porter atteinte à
toute une chaîne de production. L’absence du salarié peut se manifester ponctuellement sans
demande préalable ni justificatif. Un salarié ne réintégrant pas son poste à son retour de
congés payés ou un salarié prenant ses congés à une période qui n’aurait pas été acceptée par
l’entreprise sont également considérés comme des absences injustifiées.

La difficulté qui s’est posée devant les instances judiciaires concerne l’absence du
salarié dans les cas de détention pour des motifs pénaux donnant lieu à sa garde à vue voire à
sa détention préventive. Sur ce point, toutes les décisions de la Chambre sociale de la Cour de
cassation convergent pour considérer que l’absence du salarié 4 jours consécutifs pendant
l’année constitue une faute grave qui justifie le licenciement du salarié21. La preuve de
réintégrer son poste de travail par un huissier de justice au-delà de 4 jours ne justifie en aucun
cas ces absences22.

2- La prestation du travail doit être consciencieuse : Le salarié doit accomplir sa prestation


d’une façon consciencieuse. Ceci résulte des dispositions de l’article 231 du DOC, selon
lequel le travailleur doit exécuter son engagement de bonne foi ce qui implique encore
l’exécution loyale de la prestation du travail. Dans ce sens, le salarié a pour devoir d’adopter
une certaine éthique ou une morale professionnelle. Il devra faire preuve de comportements
d’ordre déontologique (article 21 du Code du travail). L’application de ce principe implique
plusieurs obligations professionnelles à la charge du salarié. Ce dernier est tenu de respecter la
clause d’exclusivité (obligation de ne pas faire concurrence tant que le contrat de travail n’a
pas été rompu), les heures du travail, les consignes de sécurité, etc. A juste titre, la Chambre
sociale de la Cour de cassation a jugé que la méconnaissance d’un salarié des consignes de
sécurité comme l’interdiction de fumer constitue une faute grave justifiant le licenciement de
ce dernier conformément à la législation du travail23. L’article 293 du Code du travail
prévoit : « Le fait pour les salariés, dûment informés selon les modalités prévues par l'article
289 ci-dessus, de ne pas se conformer aux prescriptions particulières relatives à la sécurité

21
Chambre sociale de la Cour suprême, Arrêt n° 1257 du 11 novembre 2009, Dossier n° 2008/1/5/1028. Recueil
des arrêts de la Cour suprême n° 7, 2011. Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 243 du 14 février
2013, Dossier social n° 2012/2/5/578, Recueil des arrêts de la Cour de cassation n° 13, 2014.
22
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 1864 du 27/09/ 2012, Dossier social n° 2012/5/463.
23
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 196 du 13 février 2014, Dossier n° 2013/1/5/607, Recueil
des arrêts de la Cour de cassation, n° 13, 2014.

42
ou à l'hygiène pour l'exécution de certains travaux dangereux au sens de la présente loi et de
la réglementation prise pour son application, constitue une faute grave pouvant entraîner le
licenciement sans préavis, ni indemnité de licenciement, ni dommages-intérêts ». Pour
compléter, l’article 309 du dahir du 6 février 1963 relatif à la réparation des accidents du
travail tel qu’il a été modifié énonce les fautes inexcusables à éviter par le salarié, parmi
lesquelles figure, le fait de provoquer un accident du travail.

L’état d’urgence sanitaire décrété par le gouvernement à cause du coronavirus a ajouté


d’autres obligations de sécurité à la charge des salariés. Ces derniers ont la responsabilité de
prendre soin de leur sécurité et de leur santé et de celles des autres personnes en lien avec le
travail. Dans ce contexte, ils doivent utiliser correctement les dispositifs de sécurité et les
équipements de protection, respecter les gestes barrières et informer leur employeur en cas de
suspicion de contact avec le virus.

Le seul fait de méconnaître ces obligations professionnelles, le salarié se trouve dans


la négligence jusqu’à l’acte intentionnel nuisible donnant lieu à son congédiement. La
jurisprudence tient compte de ce principe pour apprécier la faute du salarié en la situant dans
son contexte professionnel.

L’article 22 du Code du travail pose d’autres obligations professionnelles. Le salarié


doit veiller à la conservation des choses et des moyens qui lui ont été remis pour
l'accomplissement du travail dont il a été chargé. Il doit les restituer à la fin de son travail. Il
répond de la perte ou de la détérioration des choses et des moyens précités s'il s'avère au juge,
de par le pouvoir discrétionnaire dont il dispose, que cette perte ou cette détérioration sont
imputables à la faute du salarié, notamment par l'usage desdits choses et moyens en dehors de
leur destination ou en dehors du temps de travail. En cas de changement du lieu de résidence,
le salarié doit informer l'employeur de sa nouvelle adresse soit en main propre, soit par lettre
recommandée avec accusé de réception.

3- La prestation du travail doit être loyale : Aux termes des dispositions du DOC, les
conventions doivent être exécutées de bonne foi. Etant donné le caractère personnel des
relations de travail, la doctrine parle même du devoir de fidélité. L’engagement du salarié doit
respecter certaines obligations professionnelles tel que le respect du secret professionnel ou
encore la clause de non concurrence. La loyauté est appréciée également en cas de suspension

43
du contrat de travail imputable à l’une des parties. Dans cette phase, l’obligation de loyauté
demeure puisqu’il ne s’agit pas d’une rupture du contrat de travail.

Le "débauchage" est le vocable désignant la situation prévue par l'article 42 du Code


du travail. Ce mot qualifie l'action d'un salarié qui a rompu abusivement le contrat le liant à
son employeur pour accepter d'être engagé par une autre entreprise, généralement
concurrente.

Cette pratique, assez répandue pour des postes qui requièrent une forte technicité, à
connotation technologique ou encore dans des secteurs très concurrentiels, est tout à fait
légale. Elle est justifiée par le principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui induit le
droit pour un salarié de changer d’emploi. Toutefois, ce débauchage ne doit pas
s’accompagner d’actes de concurrence déloyale commis par le nouvel employeur ou le salarié
directement, voire les deux. Si tel est le cas, le débauchage devient alors sanctionnable.

En pratique, il convient de distinguer deux situations :

• Soit le salarié débauché n’est pas libre de tout engagement, c’est-à-dire qu’il doit
effectuer chez l’employeur « sortant » son préavis ou encore qu’il est lié à ce dernier
par une clause de non concurrence qui, prenant effet à la fin de son contrat de travail,
lui interdit de travailler chez son nouvel employeur. La concurrence déloyale est donc,
de fait, établie et le salarié et son nouvel employeur en sont conjointement
responsables.
• Soit le salarié débauché est libre de tout engagement et ce sont les méthodes de
débauchage du nouvel employeur qui sont susceptibles de relever de la concurrence
déloyale. Concrètement, il s’agit de manœuvres visant à inciter les salariés à quitter
leur employeur.

Dès lors que les emplois ne sont pas éligibles au télétravail, l'employeur peut-il exiger de
son salarié de le tenir informé de ce qu'il peut être en contact avec un cas source ou être déjà
contaminé ou probable contaminant pour éviter que d'autres salariés soient désormais des cas
exposés ? Si chaque salarié aura sans doute le sens du devoir et des responsabilités en alertant
sa hiérarchie dès qu'il présente des risques d'être contaminant ou contaminé, permettant à
l'employeur de prendre toutes mesures utiles à la protection de la santé des autres salariés,
qu'en est-il si le salarié concerné devait conserver le silence ? En effet, dans le cadre de cette

44
obligation de loyauté, non seulement le salarié doit s'abstenir de nuire mais aussi d'accomplir
tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et par extension à ses collègues.

L'hypothèse d'une obligation contractuelle justifiant celle d'une sanction disciplinaire,


voire d'un licenciement pour faute (dès lors qu'elle serait par nature intentionnelle), suffirait à
convaincre le salarié d'avoir à informer son employeur de toutes maladies infectieuses
contractées ou d'avoir été en contact avec des personnes contaminées.
Toutefois, le respect de la vie privée, principe à valeur constitutionnelle, revêt lui aussi une
importance telle qu'il prime sur l'obligation générale d'avoir à exécuter le contrat de travail de
bonne foi. Dans le cadre général d'une politique de prévention, l’employeur peut dès lors, en
raison de motifs plausibles de soupçonner des symptômes du covid 19, tels que fièvres ou
toux persistantes, solliciter de la médecine du travail une visite médicale pour le salarié en
dehors des cas périodiques prévus par la loi. En effet, les entreprises sont tenues de prendre
des mesures de prévention pour éviter la contamination de leurs collaborateurs et faire en
sorte que l'entreprise ne devienne pas un outil de transmission et de propagation de l'épidémie.

Elles sont à ce titre tenues de préparer un plan de prévention et de protection de leur


personnel, un « plan de continuité d'activité » abordé en concertation avec les organes internes
de l’entreprise, comme pour toute modification importante de l'organisation du travail, non
seulement parce que l'employeur a une obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés, mais
aussi pour permettre de poursuivre leurs activités normales en limitant le nombre de
personnes tombant malades. De même, l'employeur doit se tenir au courant des
recommandations émises par les autorités sanitaires et gouvernementales et les appliquer dans
l'entreprise selon les niveaux d'alerte.

Paragraphe 2 : Les responsabilités du salarié

En général, la responsabilité contractuelle du salarié est régie à la fois par les


dispositions du DOC et celle du Code du travail, dont la similitude est manifeste. Pour se
limiter à la responsabilité civile, qualifiée de délictuelle ou quasi délictuelle, l’article 20
reprend les mêmes termes de l’article 737 du DOC à savoir que le salarié répond de son fait,
de sa négligence, de son imprudence. Exemple : détérioration ou perte des outils de travail.
En général, seule la faute lourde ou la faute grave (faute intentionnelle) donne lieu à la
réparation civile du dommage causé à l’employeur.

45
Il convient de signaler que l’employeur dispose également d’un pouvoir disciplinaire à
l’encontre du salarié fautif qui peut être exercé simultanément avec l’action judiciaire.
L’article 37 du Code du travail prévoit plusieurs catégories de sanction disciplinaire telles
que : l’avertissement, le blâme, la mise à pied pour une durée n’excédant pas huit jours.

Chapitre 4 : La cessation de la relation du travail

L’employeur et le salarié peuvent rompre unilatéralement le contrat de travail. Le


salarié qui décide de quitter l’entreprise peut présenter sa démission. L’employeur qui rompt
le contrat licencie le salarié. Le droit du licenciement est toujours lié au droit du travail, car il
n’y a pas de protection du salarié dans sa vie professionnelle, sans encadrement du droit de
licencier. En effet, toute rupture du contrat de travail, doit respecter des conditions de forme et
de fond imposées par le législateur. A partir de cette double exigence, le salarié peut agir pour
la défense de ses droits. Un formidable contentieux s’est effectivement développé autour de la
rupture du contrat à durée indéterminée. Il a suscité une intense œuvre de la part des
juridictions d’ordre judiciaire qui forge les contours de la relation de travail.

Section 1 : Le droit de licenciement individuel

L’article 35 du Code du travail pose le principe suivant lequel : « Aucun licenciement


ne devra intervenir sans qu’il existe un motif valable lié à l’aptitude ou à la conduite du
salarié…ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise ». Si l’employeur
estime que le salarié méconnaisse ses obligations professionnelles, la législation du travail
prévoit des règles procédurales à respecter par l’employeur pour mettre fin au contrat de
travail sous le regard vigilant de la justice. Ce formalisme est nécessaire pour aviser ou
prévenir le salarié conformément aux articles 33 et suivants du Code du travail.

Paragraphe 1 : La procédure du licenciement

Avant d’étudier les autres motifs du licenciement, il convient de signaler que le


licenciement pour faute grave, le salarié peut être licencié sans préavis ni indemnités ni

46
versement de dommages intérêts conformément aux dispositions de l’article 39 et 61 du Code
du travail.

Pour les contrats à durée déterminée, la relation individuelle du travail prend fin au
terme fixé par le contrat. Le contrat de travail à durée déterminée peut être conclu dans les cas
où la relation de travail ne pourrait avoir une durée indéterminée. L’article 16 du Code du
travail précise que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que dans les cas
suivants :
- le remplacement d'un salarié par un autre dans le cas de suspension du contrat de travail de
ce dernier, sauf si la suspension résulte d'un état de grève;
- l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise;
- si le travail a un caractère saisonnier. Le contrat de travail à durée déterminée peut être
conclu dans certains secteurs et dans certains cas exceptionnels fixés par voie réglementaire
après avis des organisations professionnelles des employeurs et des organisations syndicales
des salariés les plus représentatives ou en vertu d'une convention collective de travail.

Exceptionnellement, le contrat à durée déterminé peut être prolongé lors de l'ouverture


d'une entreprise pour la première fois ou d'un nouvel établissement au sein de l'entreprise ou
lors du lancement d'un nouveau produit pour la première fois, dans les secteurs autres que le
secteur agricole, il peut être conclu un contrat de travail à durée déterminée pour une période
maximum d'une année renouvelable une seule fois. Passée cette période, le contrat devient
dans tous les cas à durée indéterminée. Toutefois, le contrat conclu pour une durée maximum
d'une année devient un contrat à durée indéterminée lorsqu'il est maintenu au-delà de sa
durée. Dans le secteur agricole, le contrat de travail à durée déterminée peut être conclu pour
une durée de six mois renouvelables à condition que la durée des contrats ne dépasse pas deux
ans. Le contrat devient par la suite à durée indéterminée (article 17 du Code du travail).

Avant l’expiration de ce délai, le licenciement du salarié par l’employeur ne suit


aucune règle de procédure particulière sauf si ce contrat est renouvelé ou renouvelable. Le
Code du travail se contente de préciser que la rupture avant la fin du contrat du travail à durée
déterminée provoqué par l’une des parties et non motivée par la faute grave de l’autre partie
ou par un cas de force majeure donne lieu à dommages intérêts (article 33 alinéa 2 du Code du
travail).

47
Pour les contrats à durée indéterminée, le Code du travail prévoit une procédure à
respecter par l’employeur. En ce sens, ce dernier doit respecter la procédure de convocation
ou d’entretien et la durée du préavis sauf en cas de faute grave du salarié (article 61 du Code
du travail). Concernant, la promesse d’embauche, lorsque son choix est fait, l'employeur
notifie au candidat sa décision. La jurisprudence a considéré que lorsque l'entreprise précise
dans une lettre "qu'elle s'engage à embaucher" un salarié à compter d'une date précise et pour
un salaire déterminé il y a promesse d’embauche. La rupture par l'employeur d'une promesse
d'embauche a d’abord constitué une rupture abusive du contrat de travail génératrice pour le
salarié d'un préjudice qui doit donner lieu aux dommages et intérêts.

1- La procédure de convocation et d’entretien

Concernant la procédure à l’entretien, l’article 62 du Code du travail dispose qu’avant


le licenciement du salarié, il doit pouvoir se défendre et être entendu par l’employeur ou le
représentant de celui-ci en présence du délégué des salariés ou le représentant syndical dans
l’entreprise qu’il choisit lui-même dans un délai ne dépassant pas huit jours à compter de la
date de constatation de l’acte qui lui est imputé. Au cours de cet entretien, l’employeur expose
les motifs du licenciement envisagés, puis il entend les explications fournies par le salarié.
Suite à cet entretien, l’administration de l’entreprise dresse un procès-verbal signé par les
deux parties, dont une copie est délivrée au salarié. Dans ce cas l’employeur devrait remettre
au salarié intéressé en mains propres contre reçu ou par lettre recommandé avec accusé de
réception dans un délai de 48 huit heures de la décision de licenciement. La Chambre sociale
de la Cour de cassation a jugé récemment que la procédure de convocation et d’entretien
s’applique aussi bien aux contrats à durée indéterminée qu’aux contrats à durée déterminée24.

2- Le régime juridique du délai congé ou du préavis

Le délai de préavis est réglementé par les textes législatifs et réglementaires, le contrat
de travail, la convention collective de travail, le règlement intérieur ou les usages mais il ne
peut en aucun cas être inférieur de 8 jours. Le décret n° 2-04-469 du 29 décembre 2004 pour
la rupture unilatérale du contrat de travail à durée indéterminée prévoit en ce sens:

Pour les cadres et assimilés, selon leur ancienneté:

24
Arrêt n° 430 du 18 avril 2017, Dossier social n° 2015/1/5/2318, Revue de jurisprudence de la Cour de
cassation n° 84, p. 193.

48
- moins d'un an.................. un mois;

- un an à 5 ans................... deux mois;

- plus de 5 ans.................... trois mois;

Pour les employés et les ouvriers, selon leur ancienneté:

- moins d'un an.................. 8 jours;

- un an à 5 ans.................. un mois;

- plus de 5 ans................... deux mois;

En revanche, pendant cette durée, l’employeur et le salarié sont tenus au respect de


toutes les obligations réciproques qui leur incombent. En l’occurrence, en vue de la recherche
d’un autre emploi, le salarié bénéficie pendant cette durée des permissions d’absence
rémunérées comme temps de travail effectif effectué par le salarié (article 48 du Code du
travail). Les permissions d'absence prévues à l'article 48 ci-dessus sont accordées à raison de
deux heures par jour sans qu'elles puissent excéder huit heures dans une même semaine ou
trente heures dans une période de trente jours consécutifs. Cependant, si le salarié est occupé
dans une entreprise, établissement ou sur un chantier situé à plus de dix kilomètres d'une ville
érigée en municipalité, il pourra s'absenter quatre heures consécutives deux fois par semaine
ou huit heures consécutives une fois par semaine, durant les heures consacrées au travail dans
l'entreprise, l'établissement ou le chantier. Les absences sont fixées d'un commun accord entre
l'employeur et, le salarié et, le cas échéant, alternativement au gré, une fois du salarié, une fois
de l'employeur. Le droit de s'absenter prend fin dès que le salarié trouve un nouvel emploi, ce
dont il doit aviser l'employeur sous peine d'interruption du préavis. Il en est de même, lorsque
le salarié cesse de consacrer les absences à la recherche d'un emploi (article 49 du Code du
travail).

Cette période peut être suspendue dans deux cas : d’une part, pendant la période
d’incapacité temporaire, lorsqu’un salarié est victime d’un accident de travail ou atteint d’une
maladie professionnelle ou d’autre part, pendant la période qui précède et suit l’accouchement
dans les conditions prévues par les articles 154 et 156 ci-dessous.

Le délai de préavis commence à courir le lendemain de la décision de mettre à terme


au contrat. La lettre de licenciement doit obligatoirement énoncer les motifs du licenciement.

49
Une fois rédigés, ces motifs fixent définitivement le cadre du litige éventuel et le chef
d'entreprise ne pourra les remettre en cause. Selon la Cour de Cassation : "le juge ne peut
retenir d'autres griefs" et la loi indique qu'en cas de doute, il profitera au salarié. L'employeur
ne pourra par exemple : alléguer ultérieurement devant le juge des absences fréquentes du
salarié pendant son service, son absence de conscience professionnelle et son manque d'ardeur
au travail, dès lors que ces griefs ne figurent pas dans la lettre de licenciement. Le législateur
marocain ne s’éloigne pas de cette grille de lecture. En effet, l’article 64 alinéa 3 du Code du
travail dispose : « Le tribunal ne peut connaitre que des motifs mentionnés dans la décision de
licenciement et des circonstances dans lesquelles elle a été prise ». Il convient de préciser que
l’article 65 du Code du travail précise : « Sous peine de déchéance, l’action en justice
concernant le licenciement doit être portée devant le tribunal compétent dans un délai de 90
jours à compter de la date de réception par le salarié de la décision de licenciement ».

La jurisprudence vérifie que ces mentions ont été respectées. A défaut de l’absence
d’énonciation des motifs dans la lettre de licenciement, les juridictions judiciaires conclues
que celle-ci était dès lors privée de cause réelle et sérieuse. Le juge doit donc vérifier que la
lettre a été suffisamment motivée et il incombe ensuite à l’employeur de prouver ces motifs.
A titre d’exemple, la Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que le licenciement est
abusif lorsque l’employeur a fondé sa décision de mettre fin au contrat de travail sur de
simples accusations de vol sans les démontrer25. Autrement dit, une imprécision de motifs
équivaut à une absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Est assimilé à un licenciement abusif, le fait pour le salarié de quitter son travail en
raison de l’une des fautes énumérées par l’article 40 du Code du travail (l’insulte grave, la
pratique de toute forme de violence ou d’agression dirigée contre le salarié, le harcèlement
sexuel, l’incitation à la débauche).

Par application des articles 51 et 59 du Code du travail, toute rupture sans préavis et
motifs sérieux donne lieu au versement de dommage-intérêts et à une indemnisation de non-
respect du préavis (brusque rupture) qui vont se cumuler avec l’indemnité de licenciement.

25
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 928 du 20 juin 2013, Dossier n° 2012/2/5/1398, Recueil des
arrêts de la Cour de cassation, n° 13, 2014.

50
-L’indemnité du préavis est égale à la rémunération qu’avait perçue le salarié s’il était
demeuré à son poste. Donc, l’indemnisation du salarié correspond à la durée du préavis (8
jours ou plus).

-Les indemnités de licenciement abusif : l’article 53 du Code du travail détermine le


montant pour chaque année ou fraction d'année de travail effectif est égal à :
- 96 heures de salaire pour les cinq premières années d'ancienneté.
- 144 heures de salaire pour la période d'ancienneté allant de 6 à 10 ans.
- 192 heures de salaire pour la période d'ancienneté allant de 11 à 15 ans.
- 240 heures de salaire pour la période d'ancienneté dépassant 15 ans.

Le salaire entrant en ligne de compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement ne


peut être inférieur au salaire minimum légal. En outre, l'indemnité de licenciement est
calculée sur la base de la moyenne des salaires perçus au cours des cinquante-deux semaines
qui ont précédé la rupture du contrat.

-Les indemnités de perte d’emploi qui seront versées par la Caisse nationale de la sécurité
sociale pour une période ne dépassant 6 mois.

Paragraphe 2 : Les règles de fond inhérentes au licenciement

Toute faute ne peut justifier une sanction quelconque sans la référence aux différentes
obligations professionnelles. Encore faut-il que l’obligation ait un caractère licite. En d’autres
termes, certains comportements, jugés fautifs par l'employeur, ne peuvent pas faire l'objet de
sanctions disciplinaires à partir du moment où ils ne trouvent pas leur source dans le cadre de
l'exécution de la prestation de travail. Par exemple 1 : un salarié qui bénéficie d'un logement
de fonction, c'est à dire fourni par l'employeur et qui gêne les autres locataires ne devrait pas
pouvoir être licencié pour cette faute qui est sans lien avec sa prestation de travail. Exemple
2 : un employeur ne peut licencier un salarié parce qu’il a un problème avec les membres de
sa famille.

Le législateur marocain dans les dispositions du Code du travail distingue les fautes
disciplinaires et les fautes graves. Pour les premières, l’article 38 prévoit que « l’employeur

51
applique les sanctions disciplinaires graduellement. Lorsque les sanctions disciplinaires sont
épuisées dans l’année, l’employeur peut procéder au licenciement du salarié. Dans ce cas, le
licenciement est considéré comme justifié ». Ces sanctions disciplinaires pour faute non grave
sont énumérées expressément par l’article 37 du Code du travail : l’avertissement, le blâme,
un deuxième blâme ou la mise à pied, un troisième blâme ou le transfert à un autre service ou
le cas échéant à un autre établissement, etc. L’article 63 du Code du travail précise que la
sanction doit être notifiée par écrit (lettre recommandée ou remise en mains propres contre
décharge) et elle doit également être suffisamment motivée pour permettre au salarié de
connaître la nature des faits qui lui sont reprochés. La Chambre sociale de la Cour de
cassation a jugé que le salarié ne peut en aucun faire l’objet de deux sanctions disciplinaires
pour les mêmes faits26. Le fondement de cette décision est basé sur le principe de
proportionnalité entre la faute et la sanction applicable.

Concernant les fautes graves donnant lieu au licenciement du salarié, sont énumérées
par l’article 39 du Code du travail. A titre d’exemple, on peut citer : le vol, l’insulte grave, la
détérioration grave des équipements, l’inobservation par le salarié des instructions à suivre
pour garantir la sécurité du travail ou de l’établissement, etc. Cette liste non exhaustive ne
limite pas toutes les fautes donnant lieu au licenciement.

Par contre, l’article 36 du Code du travail énonce les motifs qui ne peuvent en aucun
cas donnés lieu au licenciement tels que l’affiliation syndicale, le fait d’avoir déposé une
plainte ou participé à des actions judiciaires contre l’employeur dans le cadre des dispositions
de la présente loi, la race, la couleur, etc. Tout licenciement doit avoir un motif sérieux et réel
liée à l’aptitude professionnelle et le comportement du salarié au sein de l’entreprise. La
légalité de ces motifs est contrôlée par les juges du fond qui devraient en fonction des faits
constatés et les moyens de preuves apportés par les parties juger s’il s’agit de l’abus de droit
avec l’intention de nuire ou s’il s’agit d’un licenciement motivé.

En cas de rupture du contrat de travail, la partie lésée a le choix entre la voie judiciaire
et la rupture conventionnelle du contrat de travail. Par conséquent, l'article 41 du Code du
travail prévoit que "les parties ne peuvent renoncer à l'avance au droit éventuel de demander
des dommages et intérêts résultant de la rupture du contrat; qu'elle soit abusive ou non". Il

26
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 159 du 20 février 2008, Dossier n° 07/531, Revue de la
jurisprudence de la Cour suprême, n° 70, 2008, p. 310.

52
est en revanche possible de négocier à l'amiable les conditions de règlement du litige grâce à
un accord transactionnel.

Au Maroc, afin de prévenir tout différend, ou de les régler à l'amiable le cas échéant,
les parties ont la possibilité de conclure une transaction par laquelle elles mettent fin à toute
contestation. Ce sont les articles 1098 à 1116 du droit des obligations et des contrats qui
encadrent cette procédure. L'accord transactionnel doit être signé et légalisé par les deux
parties.

Parallèlement, l’article 41 de la législation du travail permet aussi au salarié licencié


pour un motif qu’il juge abusif de recourir à la procédure de conciliation préliminaire
diligentée par l’inspecteur au travail aux fins de réintégrer son poste ou d’obtenir des
dommages-intérêts. L'accord obtenu dans le cadre de la conciliation préliminaire est réputé
définitif et non susceptible de recours devant les tribunaux.

Section 2 : La démission du salarié

Le régime juridique de la démission est essentiellement construit par la jurisprudence,


en l’absence de définition de cette notion et de détermination de ses cas et de ses effets par le
législateur. Le Code du travail ne dispose que de l’exigence de la légalisation de la signature
du salarié et du respect du préavis envers l’employeur. Ainsi, la Chambre sociale de la Cour
de cassation avait jugé qu’une démission signée et non légalisée par les autorités compétentes
n’avait aucun effet juridique sur les parties27.

Paragraphe 1 : La notion de la démission

La démission est un acte juridique unilatéral émanant du salarié, qui suppose une
manifestation claire et non équivoque de la part de son auteur de mettre fin au contrat28. Il en
résulte qu’en l’absence d’une claire volonté du travailleur la rend donc dénuée de toute valeur
juridique. Autrement dit, la lettre de démission doit être intitulée « démission » pour mettre
fin au contrat de travail et le salarié doit également connaître réellement le contenu de la

27
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 1228 du 15 juin 2016, Dossier n° 2015/1/5/2799, Revue de
la jurisprudence de la Cour de cassation, n° 81, 2016, p. 214.
28
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 631 du 29 mars 2012, Dossier n° 2010/1/5/1712, Revue de
la jurisprudence de la Cour de cassation, n° 76, 2013, p. 252.

53
lettre. Un document intitulé démission rédigé en français par un salarié ignorant totalement
cette langue, est sans valeur tant qu’elle n’ait pas été reçue par qui de droit en vertu de
l’article 427 du DOC.

Paragraphe 2 : Les effets juridiques de la démission

La lettre de démission entraîne évidemment la rupture du contrat de travail à condition


que le salarié ait manifesté sa liberté de mettre fin au contrat. Par ailleurs, il arrive souvent
que la démission soit remise à l’employeur sous les pressions de ce dernier. En d’autres
termes, la démission ne doit pas être un licenciement déguisé. Il a été jugé qu’une démission
imposée au travailleur équivaut à un licenciement injustifié (décision du tribunal de première
instance de Casablanca. Jugement n° 1123 du 10 juin 1982). Ainsi, d’après la Cour suprême
(de cassation) la contrainte exercée par l’employeur suppose des faits de nature à produire
chez celui qui en est l’objet une souffrance physique ou un trouble moral profond ou la crainte
de s’exposer à un danger grave. Dans une autre affaire, la Chambre sociale de la Cour de
cassation a jugé que la démission signée par un salarié alors qu’il était en garde à vue suite à
une plainte de son employeur pour abus de confiance est une démission altérée par un vice du
consentement à savoir la violence29.

En revanche, il arrive que le salarié abandonne son poste pour exprimer sa démission.
Dans ces conditions, le salarié est considéré fautif ce qui peut constituer une faute grave. Il
convient donc de rappeler ici que le refus par le salarié d’exécuter son travail, l’abandon de
poste ou encore l’absence injustifiée ne sauraient être regardés, en principe, comme une
démission. Par ailleurs, il convient de préciser que dans certains cas le salarié est considéré
comme étant démissionnaire. L’article 272 du Code du travail prévoit lorsque le salarié est
absent voire inapte pour maladie ou accident autre qu’une maladie professionnelle ou accident
du travail supérieur à 180 jours au cours d’une période de 365 jours, l’employeur peut le
considérer comme démissionnaire de son emploi.

Le régime juridique applicable à la démission diffère selon la nature du contrat de


travail. Pour les contrats à durée déterminée, le salarié peut démissionner sans aucune
obligation légale à respecter. Par contre pour les contrats à durée indéterminée, l’article 34

29
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 1244 du 26 septembre 2013, Dossier social n° 2012/2/5/993,
Recueil des arrêts de la Cour de cassation, n° 13, 2014, p. 75.

54
alinéa 2 prévoit : « Le contrat de travail peut cesser par la volonté du salarié au moyen d’une
démission portant la signature légalisée par l’autorité compétente. Le salarié n’est tenu à cet
effet que les dispositions prévues à la section III ci-après relatives au délai de préavis ».

Par conséquent, l’acceptation de l’employeur de la démission n’exempte pas le salarié


lié par un contrat à durée indéterminé de l’obligation au respect du délai de préavis. La
Chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé que le délai de préavis doit être respecté
par les deux parties sans prendre en considération l’accord de l’employeur pour la démission
du salarié30.

Enfin, les délais de prescription pour saisir la chambre sociale du tribunal de première
instance sont relativement courts (2 ans). Ce délai équivaut au laps de temps que la partie
dispose pour défendre ses droits ou s’en prévaloir. Passé ce délai, l'action est prescrite. La
prescription biennale a un effet extinctif c'est-à-dire que le salarié ne pourra plus se prévaloir
de ses droits et intenter d'action judiciaire contre l’employeur (article 395 du Code du travail).

30
Chambre sociale de la Cour suprême, Arrêt n°263 du 24 mars 2004, Dossier ° 03/731, Rapport annuel de la
Cour suprême, 2004, p. 110.

55
Partie 2 : Les aspects collectifs du contrat de travail

L’entreprise n’est pas fondée exclusivement sur des relations individuelles entre le
salarié et l’employeur. Elle est le lieu des rapports collectifs entre le chef d’entreprise et
l’ensemble des salariés dont l’expression est essentiellement assurée par les institutions
représentatives. L’étude concrète des rapports collectifs dans l’entreprise doit permettre de
dégager les trois éléments fondamentaux du droit collectif. Ce dernier repose sur la
négociation collective, qui ne se conçoit pas sans un droit syndical et qui n’exclut pas les
conflits collectifs.

Chapitre 1 : La représentation salariale

Il faut constater que l’hostilité des employeurs à l’égard d’une représentation du


personnel dans l’entreprise a profondément marqué le 19ème siècle. Cette représentation du
personnel est le résultat de conflits sociaux parfois très durs qui ont donnés lieu à des
modifications législatives. Le Code du travail a instauré des organes intermédiaires qui
agissent pour le compte de tout travailleur. Cette organisation de la représentation élue des
salariés dans l’établissement appelle d’une part, l’étude du cadre de cette représentation puis
la procédure de sa mise en place, d’autre part.

Section 1 : Le délégué des salariés et le comité d’entreprise

L’article 430 du Code du travail détermine d’emblée les professions et activités


concernées par l’institution de la représentation élue. Ce texte de loi régit les délégués des
salariés dans tous les établissements industriels, commerciaux, agricoles, dans les professions
libérales ainsi que les sociétés civiles et groupements de quelque nature que ce soit. Ainsi, les
salariés, peuvent être représentés dans toutes les entreprises, quelle que soit la nature de leur
activité ou leur forme juridique. Il en va de même, les articles 464 et suivants du Code du
travail instituent le comité d’entreprise en tant que conseil chargé d’assurer les activités
sociales et culturelles de l’entreprise.

56
Paragraphe 1 : Le statut du délégué des salariés

Avant d’examiner le statut des représentants du personnel, il convient d’étudier les


conditions et la mise en place de la représentation du délégué des salariés. Pour que le
personnel d’un établissement soit représenté, il faut que celui-ci emploie au moins dix salariés
permanents et même parfois moins comme le prévoit l’article 431 du Code du travail. Dans ce
cas, il faut un accord écrit entre les salariés et l’employeur.

L’application de ce texte exclut ou écarte les micros et petites entreprises. Même les
grandes entreprises peuvent échapper à l’application du système des délégués des salariés en
engageant en majorité des travailleurs temporaires, avec une minorité de permanents en
dessous du quota légal. Par ailleurs, le nombre des délégués augmente proportionnellement au
nombre des salariés dans l’entreprise. La loi impose des conditions d’électorat et d’éligibilité
à respecter.

- Pour les conditions d’électorat : sont des électeurs, les salariés des deux sexes âgés de 16
ans, ayant travaillé six mois au moins dans le même établissement et n’ayant encouru, sous
réserve de réhabilitation, aucune condamnation sans sursis prononcée pour crime ou délit.

- Pour les conditions d’éligibilité : le candidat doit être âgé de vingt ans et avoir travaillé de
façon continue dans l’établissement depuis un an au moins. A l’instar des électeurs, la
condition de nationalité marocaine est également exigée. Par ailleurs, le candidat ne doit pas
avoir un lien de parenté avec l’employeur (ascendants, descendants, frères, sœurs). La
suspension de la relation de travail pour cause de maladie, accident ou maternité ne doit pas
constituer un empêchement.

Le législateur a réglementé toutes les modalités de candidature et le déroulement du


scrutin. En premier lieu, la candidature pour le poste de délégué est libre. C'est-à-dire tout
salarié qui remplit les conditions précitées peut se porter candidat. En second lieu, c’est le
chef d’établissement qui est tenu d’établir et afficher les listes électorales. Toutefois, pour
éviter les abus de sa part, le salarié qui n’a pas été inscrit sur ces listes peut demander son
inscription dans le délai de huit jours qui suit l’affichage des listes. De même un travailleur
déjà inscrit peut réclamer dans le même délai, soit l’inscription d’un électeur omis, soit la

57
radiation d’une personne indûment inscrite. Une fois les listes sont correctement établies, les
élections et les votes doivent avoir lieu en principe dans les deux mois du lieu de
l’établissement en dehors des heures de travail, sauf impossibilité ou accord avec la direction.
Une ou plusieurs commissions électorales sont constituées qui ont pour obligation de
s’assurer de l’identité des électeurs, pointent leur nom sur un double de la liste et fait émerger
les électeurs sur cette pièce. Après la clôture du scrutin secret, ils procèdent au dépouillement
et affichent les résultats.

Le délégué des salariés est élu pour une durée de six ans. Pendant son mandat il va
jouer le rôle d’un intermédiaire au quotidien entre le chef d’entreprise et les salariés. Sa
mission consiste également de transmettre les réclamations individuelles ou collectives. Ce
dernier peut saisir l’inspection du travail de toutes les réclamations et observations relatives à
l’application des prescriptions légales et réglementaires.

Le chef d’entreprise doit faciliter les réunions plus au moins périodiques entre les
délégués et les travailleurs en mettant à la disposition de ces représentants le local nécessaire
pour leur permettre de remplir leur mission. Parallèlement, le chef d’entreprise doit rencontrer
la délégation des salariés à l’occasion de réunions périodiques au moins une fois par mois ou
exceptionnellement et sur demande en cas d’urgence.

Pour accomplir leur mission contre les pouvoirs exorbitants de l’employeur, voire pour
entourer l’institution de la représentation élue de garanties sûres et certaines, une protection
des délégués des salariés est indispensable. La liberté de déplacement dans l’entreprise est
essentielle à l’exercice de sa mission. Ce dernier peut user une partie de son temps de travail
(15 heures par mois) pour exercer sa mission, sans retenue sur salaire. Une utilisation non
conforme à sa mission constitue un agissement fautif susceptible d’être sanctionné à ce titre,
dans la mesure où le délégué reste en état de subordination.

L’article 457 du Code du travail précise que le licenciement ou l’une des mesures
disciplinaires indiquées ne doivent être prononcés que sur décision de l’agent chargé de
l’inspection de travail. Il s’ensuit que la décision de l’employeur est conditionnée par le
contrôle a priori de l’inspecteur du travail. L’article 58 du Code du travail dispose que les
indemnités dues au délégué du salarié injustement licencié au cours de son mandat sont
majorées à 100 %.

58
Paragraphe 2: Le comité d’entreprise

Le Code du travail pose le statut général du Comité d’entreprise. L’article 464 pose la
première condition pour la constitution d’un comité d’entreprise :« Il est crée au sein de
chaque entreprise employant habituellement au moins cinquante salariés un comité
consultatif dénommé comité d’entreprise ». Contrairement, à la représentation salariale par le
délégué des salariés, la législation du travail n’exige pas la qualité de salariés permanents afin
probablement de favoriser la création d’un comité d’entreprise. Dans une autre hypothèse,
l’employeur qui possède deux ou plusieurs entreprises employant chacune plus que cinquante
travailleurs, la direction est également tenue de créer des comités dans chaque établissement.
Ce comité d’entreprise comprend d’une part, l’employeur ou son représentant et d’autre part,
deux délégués des salariés élus par les délégués des salariés et un ou deux représentants
syndicaux (article 465 du Code du travail).

Les attributions de cette institution sont assez réduites, l’article 466 du Code du travail
prévoit que le comité d’entreprise a un rôle consultatif sur certaines questions limitées : les
transformations structurelles et le bilan social lors de son approbation, la stratégie de
production de l’entreprise, l’élaboration de projet social, etc. Pour exercer ces attributions
l’employeur a pour obligation de mettre à la disposition des membres du comité toutes les
données et tous les documents nécessaires en l’occurrence ils sont tenus de respecter le secret
professionnel (article 468 du Code du travail). Sur tous ces aspects, le comité d’entreprise ne
donne que des avis ou des propositions sans pouvoir les imposer à la direction. L’absence de
la personnalité morale le prive de toute autonomie vis-à-vis du chef d’entreprise. En outre, les
règles relatives à son fonctionnement montrent que ses réunions sont assez décalées dans le
temps, soit tous les six mois, soit chaque fois que cela s’avère nécessaire (article 467 du Code
du travail). Dans le second cas de figure, il n’est pas prévu que cet organe peut exiger cette
réunion.

59
Section 2 : La représentation syndicale

Le syndicalisme au Maroc est passé par une longue évolution historique. Après
l’indépendance le premier texte qui avait reconnu formellement à tous les citoyens la liberté
d’adhérer à toute organisation syndicale était la constitution du 14 octobre 1962 dans son
article 9 : « la liberté d’association et la liberté d’adhérer à toute organisation syndicale et
politique de leur choix ». Ce même texte a été reconduit par les constituions successives de
1970, 1972, 1996. Sur ce point, l’article 29 de la Constitution de 2011 a également affirmé le
même principe : « Sont garanties les libertés […] et d’appartenance syndicale et politique. La
loi fixe les conditions d’exercice de ces libertés ».

Actuellement, le titre IV du Code de travail intitulé « Les représentants des syndicats


dans l’entreprise » pose une série de dispositions qui précisent les conditions de la mise en
place d’un bureau syndical dans l’entreprise ainsi que les attributions du représentant
syndical. A côté de ce dispositif interne, le droit international du travail contribue de sa part à
renforcer ce cadre légal existant. Ainsi, les instruments internationaux du travail les plus
importants ayant un contenu normatif et institutionnel d’un système de relations
professionnelles sont : la Convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit
syndical du 09 juillet 1948 entrée en vigueur le 04 juillet 1950 (non ratifiée par le Royaume
du Maroc), la Convention n° 98 du 01 juillet 1949 entrée en vigueur le 18 juillet 1951 sur le
droit d’organisation et de négociation collective. On peut également ajouter la Convention n°
154 du 03 juillet 1981 entrée en vigueur le 11 août 1981 sur la promotion de la négociation
collective.

Paragraphe 1: Les conditions de la mise en place du bureau syndical

Le Code du travail reconnaît la présence des syndicats au sein des entreprises. Il fixe
les conditions qui leur permettent d'accéder au rang d'organisations syndicales des salariés les
plus représentatives. L'article 470 du Code du travail institue auprès des entreprises ou des
établissements qui occupent plus de 100 salariés. Le nombre des représentants syndicaux
augmente proportionnellement en fonction d’un barème fixé par le même texte. Le bureau
syndical est composé d'un seul représentant syndical lorsque le nombre de salariés est de 100
à 250, de 2 entre 251 et 500, de 3 entre 501 et 2000, de 4 entre 2001 et 3500, de 5 entre 3501
et 6000, de 6 entre 6001 et plus.

60
Il convient de préciser que lorsqu’il existe un ou plusieurs syndicats, un bureau
syndical est composé par un ou plusieurs membres désignés par le syndicat le plus
représentatif ayant obtenu le plus grand nombre de voix lors des dernières élections
professionnelles.

Paragraphe 2 : Les attributions du représentant syndical

D’une manière générale, les syndicats professionnels ont pour vocation la défense des
intérêts collectifs de la masse salariale. Ils contribuent à l’étude de la promotion des intérêts
économiques sociaux, moraux et professionnels, individuels et collectifs, des catégories qu’ils
encadrent ainsi que l’amélioration du niveau d’instruction de leurs adhérents. Ils participent
également à l’élaboration de la politique nationale dans les domaines économiques et social.
Ils sont consultés sur tous les différends et questions ayant trait au domaine de leur
compétence (article 396 du Code du travail).

En particulier, la mission du bureau syndical est fixée par l'article 471 du Code du
travail consiste à présenter à l'employeur le dossier revendicatif, à défendre les revendications
collectives et engager des dialogues à leur sujet et à participer à la conclusion de conventions
collectives. Le représentant syndical bénéficie de la même protection accordée par l'article
457 du Code du travail aux délégués des salariés.

Chapitre 2 : Les conflits collectifs du travail

Les conflits du travail naissent dans le cadre des relations du travail, c'est-à-dire à
l’occasion de l’exécution du travail. Ils peuvent être des conflits individuels qui opposent un
salarié à son employeur ou des conflits collectifs dont sont impliqués un groupe de
travailleurs et un ou plusieurs employeurs. En général, il n’y a pas de définition législative du
conflit collectif du travail. Des éléments d’ordre doctrinal et jurisprudentiel ont permis
l’élaboration d’une définition du conflit du travail qui sera reproduite par le législateur. Deux
éléments caractérisent les conflits collectifs : l’objet et les parties; le conflit ne peut être
qualifié de collectif que s’il met en jeu un intérêt qui présente lui-même un tel caractère entre

61
deux parties à savoir l’employeur et les salariés (Décision de la Cour suprême n° 2247 du 24
septembre 1990).

Les conflits collectifs du travail dont les grèves constituent les formes extrêmes de
revendications dans l’ensemble des relations collectives du travail. Le conflit est au cœur des
relations professionnelles. Il constitue l’un des éléments de la manifestation du pouvoir des
salariés et de leurs syndicats. En dépit, des effets négatifs qu’il génère, le conflit favorise le
changement et l’évolution des rapports du travail. Actuellement, les Etats ont
institutionnalisés le traitement des conflits de travail par le développement en concomitance
de la négociation sous le contrôle de certaines instances étatiques. Outre les procédés
judiciaires de règlements des conflits collectifs du travail, la législation du travail établit une
configuration générale de procédés amiables de résolutions des conflits : négociations
directes, la conciliation, la médiation et l’arbitrage.

Section 1 : Le système de résolution des conflits collectifs dans le Code du


travail

Les conflits du travail peuvent être d’ordre juridique c'est-à-dire avoir pour motif la
revendication de l’application de la législation du travail, du règlement intérieur, du statut
particulier de la convention collective. Ils peuvent être également des conflits d’intérêt ou des
conflits économiques qui tendent à modifier les règles régissant les relations du travail pour
améliorer la situation matérielle des travailleurs.

Un conflit d'intérêts naît d’un différend portant sur l’établissement de nouveaux droits
et obligations, et il est le plus souvent la conséquence de l'échec d'une négociation collective.
Il n’est pas lié à un droit existant, mais plutôt à l'intérêt que pourrait représenter, pour l’une
des parties, l’établissement dans une convention collective d’une nouvelle prérogative, et à
l'intérêt que pourrait avoir l'autre partie à ne pas l’accorder. La nature des conflits détermine
dans une large mesure les modes de leur règlement. Ces conflits génèrent des répercussions
négatives sur le plan économique et social. Dans le cadre du dialogue social, plusieurs
organes ad hoc peuvent intervenir afin de résoudre les conflits collectifs. Deux modes de
règlement sont crées par le Code dans son livre VI intitulé « Du règlement des conflits
collectifs du travail ». La Chambre sociale de la Cour de cassation accorde à ces procédures la

62
priorité pour résoudre les conflits collectifs. De ce fait, les voies judicaires ne doivent être
entamées, en principe, qu’après l’échec des systèmes de résolution des conflits collectifs31.

Selon l’Organisation internationale du travail, les différends et les conflits du travail


sont inhérents à tous les systèmes de relations professionnelles. Ils sont la conséquence d’un
blocage du processus de négociation collective qui mène généralement, s’il n’est pas dépassé,
à une action collective telle que la grève. L’établissement d'un système de prévention et de
règlement des conflits est donc un pilier de relations professionnelles solides et durables. Un
système efficace de règlement des différends du travail contribue à maintenir le conflit dans
des limites acceptables sur le plan économique et social, et à favoriser un climat de paix
sociale. En retour, il contribue à l’établissement d’un contexte économique favorable au
développement, à l’efficacité économique, et à la justice sociale.

Le règlement des différends du travail est étroitement lié à la promotion du droit de


négociation collective. Les deux sont fondés sur la même démarche et requièrent les mêmes
compétences. La structure des systèmes de règlement des différends vise en général à
promouvoir la négociation collective, en exigeant des parties, par exemple que soient utilisées
toutes les possibilités de parvenir à une solution négociée ou que soient épuisées toutes les
procédures de règlement des différends prévues dans les conventions collectives, avant d'avoir
accès aux procédures qui sont proposées par l'Etat. L’expérience dans de nombreux pays
montre que les systèmes de règlement des conflits proposés par l’Etat se construisent autour
des procédures de conciliation/arbitrage, destinées à aider les parties à parvenir à un
règlement négocié dans des conditions les plus proches possibles de celles issues des
procédures normales de négociation. Les systèmes de règlement des conflits peuvent
également être au service de la négociation collective, lorsque les accords issus de telles
procédures ont la même valeur juridique que les accords conclus par la négociation collective.

Paragraphe 1 : La conciliation des conflits collectifs du travail

Le chapitre II du livre VI a pour titre « De la conciliation » alors que sa section I a


pour titre « Tentative de conciliation au niveau de l’inspection du travail». Cette
différenciation terminologique n’a pas d’effet sur les mécanismes conçus pour la solution des

31
Chambre sociale de la Cour de cassation, Arrêt n° 209 du 01 mars 2017, Dossier social n° 2016/2/5/704.

63
litiges sociaux. La conciliation est effectuée à plusieurs niveaux : l’agent chargé de
l’inspection du travail, le délégué chargé du travail, la commission provinciale d’enquête et de
conciliation et la commission nationale d’enquête et de conciliation.

Quel est le genre de conflit qui peut faire l’objet de la conciliation ? Et quelle est la
procédure à suivre dans cette conciliation ?

1- La nature du conflit et les organes chargés de la conciliation

Pour répondre à la première question, il convient de s’interroger sur la typologie des


différents conflits collectifs. Ainsi, le conflit peut être soit un conflit sans grève soit un conflit
avec grève. L’article 551 du Code du travail tient en compte que le premier cas de figure
« Tout différend de travail susceptible d’entraîner un conflit collectif fait l’objet d’une
tentative de conciliation … » En vertu de cet article, tout conflit même s’il est individuel qui
pourrait entraîner un conflit collectif fait l’objet de la conciliation. Il semble que la législation
de travail réserve la procédure de conciliation pour prévenir l’aggravation des problèmes
individuels de travail en des litiges accompagnés de grèves, etc.

Le Code du travail établit quatre niveaux de la conciliation par différents organes.


Cette catégorisation prend en compte l’ampleur du conflit pour déterminer l’organe compétent
(conflit concernant une seule entreprise, plusieurs entreprises à l’échelle provinciale ou
nationale).

Niveau 1 : L’article 552 du Code du travail affirme dans son deuxième alinéa que « si un
conflit collectif ne concerne qu’une seule entreprise, la tentative de conciliation a lieu devant
l’agent chargé de l’inspection du travail ».
Niveau 2 : Le même article dispose : « lorsque le conflit collectif concerne plus d’une
entreprise, la tentative de conciliation a lieu en présence du délégué chargé du travail auprès
de la préfecture ou province ».
Niveau 3 : La commission provinciale d’enquête et de conciliation est crée par l’article 557
auprès de chaque préfecture ou province. Cette commission est paritaire. Elle comprend des
représentants de l’administration, des organisations professionnelles des employeurs et des
salariés les représentatives et elle présidé par le gouverneur.

64
Niveau 4 : La conciliation par la commission nationale d’enquête et de conciliation est
instituée par l’article 564 du Code du travail auprès du Ministère chargé du travail. Cette
commission également est paritaire présidée par le ministre chargé du travail ou son
représentant.

2- La procédure de la conciliation

Le Code du travail a institutionnalisé la procédure de la conciliation notamment en ce


qui concerne la saisine, le délai, les recours, l’organisation de la conciliation…Il convient de
souligner que les parties ne sont pas obligées de recourir aux organes de conciliation.
Cependant, si une partie engage la procédure de conciliation, celle-ci devient obligatoire. En
application de l’article 553 du Code du travail : « Il est procédé immédiatement à la tentative
de conciliation, soit à l’initiative de la partie diligente qui présente une requête ou elle fixe les
points du différend, soit à l’initiative du délégué chargé du travail auprès de la préfecture ou
province ou à celle de l’agent chargé de l’inspection du travail au sein de l’entreprise ».
Selon le texte, la partie diligente n’est pas définie. S’agit-il du syndicat encadrant les
travailleurs et déclenchant le conflit ou autre partie ? La réponse est donnée par un autre texte
de la législation du travail à savoir l’article 549 qui n’exige pas pour résoudre un conflit
collectif la condition de la présentation syndicale. Il en résulte qu’un groupe quel que soit sa
forme peut saisir l’agent chargé de l’inspection du travail pour la conciliation.

Les éléments de la réglementation de la procédure de conciliation sont régis


principalement par les 558, 559 et 560 applicables à tous les niveaux de la conciliation. Le
délégué chargé du travail saisi convoque les parties au conflit par télégramme dans un délai ne
dépassant pas quarante-huit heures à compter de la date de sa saisine. Les parties doivent
comparaître en personne ou se faire représenter par une personne habilitée à conclure
éventuellement l’accord de conciliation. Au cours de la conciliation, chacune des parties peut
présenter au délégué chargé du travail et également à l’autre partie un mémoire écrit
comportant ses observations. Dans un délai ne dépassant pas de six jours, le délégué rédige un
procès-verbal ou sont consignés soit l’accord total ou partiel, soit la non conciliation voire le
cas échéant la non comparution des parties. Dans le dernier cas, le délégué chargé du travail
doit soumettre dans les trois jours le conflit collectif à la commission provinciale d’enquête et
de conciliation. En vertu de l’article 561, cette commission a « de larges pouvoirs pour
enquêter sur la situation des entreprises et celle des salariés concernés par le conflit du

65
travail. Il peut ordonner toutes enquêtes et investigations auprès des entreprises et des
salariés qui y travaillent et demander aux parties de produire tous les documents ou
renseignements, de quelque nature que ce soit, susceptible de l’éclairer. Il peut également se
faire assister par des experts ou toute autre personne dont l’aide lui paraît utile ». La même
procédure se répète : convocation, comparution…Si l’accord de conciliation est soldé par un
échec ou si le conflit s’étend à plusieurs préfectures, provinces ou à l’ensemble du territoire
national, la commission provinciale transmet l’affaire à la commission nationale d’enquête et
de conciliation qui suit également les mêmes règles régissant le fonctionnement de la
commission provinciale.

Paragraphe 2 : L’arbitrage

L’arbitrage est défini comme étant une procédure facultative des conflits collectifs du
travail qui consiste à confier à un tiers (l’arbitre) librement choisi ou désigné par les parties
pour la solution du litige. L’arbitre est une personne privée chargé d’instruire et de juger un
conflit qui lui est soumis à la place du juge judiciaire. Le recours à l’arbitrage peut être soit
facultatif ou obligatoire mais la sentence arbitrale rendue dans la solution des litiges est
obligatoire car elle est fondée sur le droit et l’équité. Le principe est posé par l’article 567 du
Code du travail : « Si les parties ne parviennent à aucun accord devant la commission
provinciale d’enquête et de conciliation et devant la commission nationale d’enquête et de
conciliation ou si des désaccords subsistent sur certains points ou encore en cas de non
comparution de toutes ou de l’une des parties, la commission concernée peut soumettre le
conflit collectif à l’arbitrage après accord des parties concernées ». A cet effet, le président
de la commission nationale d’enquête et de conciliation soumet le dossier relatif au conflit
collectif avec le procès-verbal dressé par ladite commission à l’arbitre dans les quarante-huit
heures.

1- Le cadre de l’exercice de l’arbitrage

Conformément aux dispositions de l’article 568, l’arbitrage est confié à un arbitre


choisi en commun accord par les parties au conflit sur une liste fixée par arrêté du Ministre
chargé du travail. Cette liste est révisée tous les trois ans et elle est établie sur la base des
propositions des organisations professionnelles des employeurs et des organisations
syndicales des salariés les plus représentatives. Si pour des raisons quelconques, les parties ne

66
parviennent pas à se soumettre d’accord sur la désignation de l’arbitre, le Ministre chargé du
travail procède à la désignation d’un arbitre parmi ceux figurant sur la liste dans un délai de
quarante-huit heures (article 569 du Code du travail). Sur le plan procédural, la sentence
arbitrale se déroule comme pour la commission provinciale et nationale d’enquête et de
conciliation. A l’issue de cette procédure, l’arbitre statue conformément aux règles de droit
concernant les conflits collectifs ayant pour objet l’interprétation ou l’application des
dispositions législatives, réglementaires ou contractuelles. Dans les autres conflits qui ne sont
pas de nature juridique ou pour lesquels il n’y a pas de solution de droit, l’arbitre statue sur la
base de l’équité.

En application de l’article 574 du Code du travail, l’arbitre se prononce sur le conflit


dans un délai ne dépassant pas quatre jours à compter de la comparution des parties devant
lui. Sa décision doit être notifiée aux parties dans les vingt-quatre heures suivant la date à
laquelle elle a été prononcée par lettre recommandée avec accusé de réception.

2- Les recours contre la sentence arbitrale

Le Code du travail prévoit par l’article 575 des recours contre les décisions arbitrales
rendues en matière de conflits collectifs du travail devant la Chambre sociale près la Cour de
cassation. Dans ce cas, elle se transforme en chambre d’arbitrage pour connaître à ce titre des
recours pour excès du pouvoir ou violation de la loi. Sur le plan procédural, les recours contre
les décisions doivent être formés dans un délai de quinze jours suivant la date de leur
notification. La Chambre sociale en tant que chambre arbitrale doit se prononcer dès les trente
jours à compter de la date de la saisine. Si la chambre arbitrale annule en tout ou partie la
décision, elle renvoie l’affaire devant un nouvel arbitre et désigne un rapporteur parmi ses
membres en vue d’effectuer une enquête complémentaire.

Paragraphe 3 : La valeur juridique des accords de conciliation et des


sentences arbitrales

L’article 581 de la législation du travail prévoit « L’accord de conciliation et la


décision d’arbitrage ont force exécutoire, conformément aux dispositions du Code de
procédure civile ». Ces décisions ont une valeur juridique quasi judiciaire à l’instar des
décisions de justice. Pour assurer le respect des règles régissant la conciliation et l’arbitrage,

67
les articles 583 et 584 du Code du travail établissent une série de règles pécuniaires
sanctionnant la non comparution des parties et la non présentation des documents demandés
par les présidents des commissions et les arbitres.

Section 2 : Le licenciement pour motifs technologiques, structurels ou


économiques

La sécurité de l’emploi peut être affectée lorsque l’employeur prend une mesure de
fermeture et de licenciement contre plusieurs salariés pour des motifs économiques,
structurels et technologiques. Cette mesure doit être distinguée du lock-out qui signifie la
fermeture par un ou plusieurs employeurs de leurs entreprises du fait d’un conflit collectif qui
les oppose à une partie ou à l’ensemble des salariés (article 549 alinéa 2 du Code du travail).
Il s’agit d’exercer une pression sur les travailleurs afin de briser le mouvement salarial
(grève). Pour mieux appréhender ces différentes formes de cessation collective d’emploi, il
convient d’examiner les fondements du licenciement collectif puis la procédure à respecter
près l’instance administrative.

Paragraphe 1 : Les fondements du licenciement collectif

Le licenciement collectif peut être justifié par plusieurs difficultés diverses


limitativement déterminées par la législation du travail. Les motifs d’ordre économique
s’expliquent par une mauvaise conjoncture commerciale nationale ou internationale analysée
à travers l’augmentation ou l’épuisement des matières premières, la concurrence, la
diminution de la clientèle, le ralentissement du carnet de commandes, etc. Le Code du travail
a ajouté la notion de motifs technologiques pour prendre en considération les innovations
technologiques pour assurer une grande productivité. La machine remplace dans ce cas les
salariés et justifie par conséquent le licenciement de ces derniers. Le dernier motif met en
avant les raisons structurelles comme par exemple les changements touchant l’organisation,
les méthodes du travail ou les procédés de fabrication, la restructuration de l’entreprise
menant à la suppression de plusieurs postes, etc.

Il convient de préciser que la fermeture partielle ou totale des entreprises ainsi que les
licenciements collectifs ne peuvent être justifiés et autorisés par des motifs autres que ceux
prévus dans les dispositions de l’article 66 sauf dans le cas ou il devient impossible de

68
poursuivre l’activité de l’entreprise. Dans cette hypothèse les mêmes procédures devraient
être respectées conformément aux dispositions de l’article 69 du Code du travail.

Paragraphe 2 : La procédure de licenciement collectif

Les articles 66 et suivants du Code du travail imposent à tout employeur avant de


licencier l’ensemble des salariés de suivre deux procédures obligatoires afin de contrôler la
portée réelle de cette décision. Pour la procédure interne, l’article 66 impose à tout
employeur d’aviser où de communiquer ladite décision au moins un mois avant de prendre sa
décision de licenciement, soit aux représentants des salariés et le cas échéant les représentants
syndicaux, soit au comité d’entreprise. Il doit encore déterminer le choix des travailleurs qui
seront visés voire la fermeture de l’entreprise. A cet effet, il doit fournir également les
informations nécessaires sur les motifs du licenciement. La participation de la représentation
salariale lors de la première phase de la procédure est obligatoire durant laquelle l’employeur
est appelé à consulter ces représentants puis à négocier avec eux les modalités de la fermeture
de l’entreprise ou de licenciement du personnel. Suite à ces concertations, la direction de
l’entreprise établit un procès-verbal consignant les résultats des négociations, signé par les
deux parties dont un exemplaire est remis aux représentants des salariés et l’autre est adressé
au délégué provincial chargé du travail. Le non-respect de cette procédure donne lieu à des
sanctions judiciaires sous forme d’amendes qui varient de 10 000 à 20 000 Dirhams (article
78 du Code du travail).

Parallèlement, la procédure externe du licenciement collectif se caractérise par


l’intervention des pouvoirs publics. Ainsi, l’employeur est tenu de présenter au délégué
provincial chargé du travail une demande d’autorisation accompagnée de tous les justificatifs
nécessaires (article 67 du Code du travail) :
- Un rapport comportant les motifs économiques nécessitant l’application de la
procédure de licenciement.
- Un état de la situation économique et financière de l’entreprise
- Un rapport déposé par un expert-comptable ou par un commissaire aux comptes.
- Un procès-verbal des concertations entre l’employeur et la représentation syndicale.

L’objectif est de vérifier d’une part, si l’employeur a déjà respecté la première procédure
interne et d’autre part, ces documents permettront au délégué provincial chargé du travail

69
d’entreprendre les investigations qu’il jugera utiles avant d’adresser le dossier dans un délai
maximum d’un mois à dater de la réception de la demande aux membres de la commission
provinciale présidée par le gouverneur. Cette instance a un délai maximum de deux mois pour
prendre sa décision motivée. Même s’il s’agit d’un acte administratif accordant ou non
l’autorisation, les voies de recours doivent être déférées non pas devant le tribunal
administratif mais devant la chambre sociale du tribunal de première instance. Les salariés
bénéficient des indemnités de préavis et de licenciement en cas de l’obtention ou non par
l’employeur de l’autorisation de licenciement en prenant en considération l’ancienneté, la
valeur professionnelle et les charges familiales (article 71 du Code du travail). A cela s’ajoute
la priorité de réembauchage dans les conditions prévues à l’article 508 de la présente
législation. Cependant, les salariés ont le droit de demander et de cumuler les dommages
intérêts pour les licenciements sans autorisation administrative avec les autres indemnités
(article 70 du Code du travail).

Le décret n° 2-04-514 du 19 décembre 2004 fixe le nombre des membres de la


commission provinciale chargée d’examiner et de statuer sur les demandes de licenciement
collectif et de la fermeture partielle ou totale des entreprises :
1° En qualité de représentants de l’administration :
• un représentant de l’autorité gouvernementale chargée du travail;
• un représentant de l’autorité gouvernementale chargée du commerce et de l’industrie;
• un représentant de l’autorité gouvernementale chargée des finances;
• un représentant de l’autorité gouvernementale concernée selon la nature du secteur;

2° En qualité de représentants des organisations professionnelles des employeurs :


• 5 représentants des organisations professionnelles des employeurs les plus représentatives,
mandatés par ces organisations.

3° En qualité de représentants des organisations syndicales des salariés :


• 5 représentants des organisations syndicales des salariés les plus représentatives, telles que
prévues par l’article 425 du Code du travail, mandatés par ces organisations.

Les membres prévus aux paragraphes 2 et 3 ci-dessus sont nommés par décision du
président de la commission pour une durée d’un an. Le délégué du ministère chargé du travail

70
est chargé du secrétariat de la commission provinciale et de la préparation des procès-verbaux
de ses réunions.

Section 3 : La grève et le lock-out

Les positions sont contradictoires pour définir la nature et l’exercice de la grève.


Certains y voient une pratique négative notamment les partisans des théories économiques
classiques qui estiment que ce droit constitue une entrave au développement économique.
D’autres voient dans l’exercice de ce droit une pratique positive ayant deux portées
fondamentales : une portée sociale qui associe les salariés à la prise de décisions intéressant
l’établissement et une dimension économique visant à renforcer le pouvoir d’achat des
salariés, ce qui contribuera à la relance économique.

Abstraction faite de ces deux visions opposées, il n’y a pas de définition législative de
la grève. La doctrine et la jurisprudence en donnent des définitions qui se rapprochent dans
leur fond. Certains auteurs la définissent comme « Le refus collectif et concerté de travail,
manifestant l’intention des salariés de se placer progressivement hors contrat, afin d’assurer
le succès de leurs revendications». De sa part, la commission d’experts de l’Organisation
internationale du travail estime que tout arrêt de travail, si bref et limité fût-il, peut
généralement être considéré comme une grève.

Plus que jamais, la grève constitue de nos jours un moyen de communication parmi
d’autres et doit, à juste titre, s’intégrer dans les rapports sociaux du travail. Au Maroc, elle est
parmi les moyens privilégiés de lutte ouvrière. En tout état de cause, les grèves portent en
elle-même un message de protestation et de refus. Au regard du syndicalisme marocain, ce
mouvement est toujours ressenti comme un moyen de pression que ce soit pour faire valoir
ses revendications sociales ou pour tempérer l’audace et la fermeté du patronat.

Au Maroc, la grève est passée par plusieurs étapes. Sous le protectorat, elle était
conçue comme une arme utilisée principalement pour mettre fin contre les attitudes
discriminatoires du colonisateur et plus spécialement les patrons français de l’époque qui
plaçaient les travailleurs marocains au bas de la hiérarchie parmi le personnel de l’entreprise.
Durant l’après-guerre, la grève allait changer d’orientation pour prendre les formes des grèves
politiques pour revendiquer l’indépendance du pays. Des agitations étaient dirigées contre des

71
employeurs européens même contre la résidence générale. Avec l’indépendance du Maroc et
même dans la période actuelle, la grève est largement utilisée pour des fins économiques et
sociales. Parfois, de vives tensions l’accompagnent avec de grandes brutalités.

La grève est devenue un droit de valeur constitutionnelle, consacrée expressément par


l’article 29 de la Constitution marocaine : « Le droit de grève demeure garanti, une loi
organique précisera les conditions et les formes dans lesquelles ce droit peut s’exercer ». En
droit international, la grève a acquis une place importante dans plusieurs instruments
internationaux et régionaux. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels affirme dans l’article 8 que les Etats parties à ce pacte s’engagent à assurer entre
autres « …le droit de grève, exercé conformément aux lois de chaque pays ». A l’échelon
régional, à titre d’exemple : la Charte sociale européenne de 1961 et la Charte internationale
américaine reconnaissent dans ses articles 6 et 27 le droit de grève.

Certains pays comme l'Allemagne et les pays scandinaves parviennent à anticiper les
actions de grève, grâce notamment à l'institution d'un mode de régulation normative qui
privilégie les conventions collectives comme mode de négociation directe entre les acteurs
sociaux. Ce faisant, la négociation est considérée comme une valeur juridique primordiale qui
impose aux parties les règles du jeu (le cas allemand tout particulièrement).

Paragraphe 1 : Le droit de grève dans la législation nationale

Pendant la durée de la grève, le contrat de travail des salariés grévistes est suspendu.
Chaque partie se trouve donc momentanément dispensée d'exécuter ses obligations : le salarié
ne fournit plus sa prestation de travail et l'employeur ne verse plus la rémunération
correspondante.

La suspension du contrat de travail permet aux employés de conserver leur ancienneté


sans qu'il puisse y avoir une conséquence quelconque sur leur contrat de travail (mutation,
rétrogradation, modifications du contrat de travail...). Elle ne suspend pas les mandats des
représentants des salariés ceux-ci pouvant avoir une action utile dans la négociation mais
provoque la suspension du lien de subordination entre employeur et salarié. De ce fait , le
salarié victime d'un accident pendant une grève ne pourra profiter du régime avantageux
accordé aux accidents du travail.

72
La grève ne peut être un motif de licenciement, à moins qu'il ne soit justifié par une
faute grave. Dans le cas contraire et si la grève est licite, l'employeur prononce un
licenciement illégal dont la sanction est la nullité. Le salarié réintègre donc automatiquement
l'entreprise. C'est à l'employeur de prouver que son licenciement a une autre cause que la
grève. La faute grave peut être une de ces causes même s'il s'agit d'un salarié protégé.
Constituent des fautes graves l'entrave à la liberté du travail, les violences physiques, la
rétention de véhicules ou de documents, l'obstacle à l'entrée dans l'établissement.

La grève a pour conséquence directe le non versement du salaire pendant la période


d'arrêt de travail. C'est l'effet synallagmatique du contrat de travail. La retenue sur salaire
s'applique donc que la grève soit licite ou non. La règle est différente pour les salariés non-
grévistes qui n'ont pas pu accomplir le travail normal. Si ceux-ci ont tout fait pour rester à la
disposition de l'employeur (et même si celui-ci a été empêché de leur fournir du travail) le
salaire reste dû.

En droit comparé, l’étendue et les modalités du droit de grève sont différemment


reconnues. Généralement, il est affirmé dans les constitutions et acquiert sa place parmi les
droits économiques et sociaux des travailleurs. Au Maroc, le droit de grève a connu une
consécration constitutionnelle depuis 1962. Mais, la problématique qui se pose c’est que les
conditions de son exercice par une loi organique n’ont jusqu’ présent pas vu le jour. Ce cadre
inachevé est complété par l’apport de la jurisprudence qui dans beaucoup de pays a joué un
rôle important dans la réglementation du droit de grève. Il semble que la justice marocaine, en
dépit du fait que la loi organique relative à l'exercice du droit de grève n'ait pas encore été
adoptée, a réduit le champ de l’exercice du droit de grève et ne reconnaît sa légalité que dans
des cas rares et limités. En effet, les juges du fond ont rendu des décisions qui se résument
dans la condamnation de certaines formes de grève.

La notion de l’abus du droit de grève était affinée au fur et à mesure des affaires dont
les juges ont eu à connaitre. La jurisprudence a très rapidement estimé que lorsque la grève
avait pour conséquence de désorganiser l’entreprise, il y avait abus du droit de grève. Cette
jurisprudence n’est pas sans engendrer des conséquences graves pour les salariés, puisque le
fait de participer à un mouvement de grève illicite permet à l’employeur de sanctionner les
salariés concernés, alors que si le mouvement de grève est licite, le salarié est protégé contre
le licenciement et les sanctions, du fait de l’exercice d’un droit à valeur constitutionnel.

73
Le Tribunal de première instance de Hay Mohammadi de Casablanca dans le dossier
n° 1232/98 du 2/12/1998 a jugé que « l’occupation des locaux constitue une violence
illégitime qui prive l’employeur de son droit de propriété sur son fonds de commerce. Elle
constitue une atteinte à des droits consacrés par la constitution, le droit au travail et le droit
de propriété ». Dans cette décision, les juges censurent le caractère illicite de l’occupation et
considèrent indirectement que la grève se traduit par l’interruption du travail mais non par
l’occupation des locaux32. A cet effet, la grève avec occupation des locaux porte atteinte
d’une manière flagrante aux droits d’autrui : droit de propriété de l’employeur et entrave à la
liberté du travail des non-grévistes (article 288 du Code pénal).

Une autre décision s’était rangée dans cette perspective, l’ordonnance n° 139/909 du
04/08/1995 dossier référé n° 911/95 du Tribunal de première instance de Hay Mohammadi
Ain Sebaâ, le juge du référé a statué sur l’empêchement de la sortie de la marchandise des
locaux de l’usine par les grévistes en motivant sa décision « attendu que quelle que soit la
nature du litige opposant l’entreprise à ses salariés et bien que ceux-ci exercent un droit
constitutionnel qu’est le droit de grève, ceci peut en aucune manière constituer une entrave à
l’activité de l’entreprise et paralyser ses engagements envers les tiers avec ce que cela
suppose de pertes matérielles pour elle-même et pour l’ensemble des salariés de
l’entreprise… » Dans une autre affaire similaire, la Chambre sociale de la Cour de cassation
a jugé que la grève est un droit reconnu par la Constitution mais elle a considéré que le fait de
bloquer la sortie des véhicules de l’entreprise par les salariés grévistes constitue en soi acte
illégitime33.

Etant un droit fondamental, le droit de grève n’est pas pour autant un droit absolu. Il
doit s’exercer dans le respect de la légalité afin de défendre les intérêts légitimes des ouvriers
grévistes (Arrêt de la Chambre sociale de la Cour suprême n° 559 Du 09 avril 1996 : Dossier
n° 8224/1994).

32
Voir également l’affaire Royal Air Maroc, Décision de la Chambre sociale de la Cour suprême du 9 juin 1998,
dossier n° 4973/98.
33
Arrêt n° 1244 de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 23 octobre 2014, Bulletin des arrêts de la
Chambre sociale de la Cour de cassation n° 19, 2015, p. 31. Voir également : Chambre sociale de la Cour de
cassation n° 1245 du 23 octobre 2014, Dossier social n° 2013/1/5/758, Revue de la jurisprudence de la Cour de
cassation, n° 79, 2015, p. 342.

74
La jurisprudence de la Cour de cassation interdit également une autre forme de grève
(Chambre sociale de la Cour suprême, décision n° 190 du 14/03/2000, Dossier n° 651/99). Il
s’agit en l’espèce d’une grève de solidarité qui a été déclenchée pour soutenir un salarié
suspendu de son travail. La haute instance a considéré que ce mouvement « n’a aucun intérêt
général pour les grévistes et partant leur mouvement est illégitime ». En pareil cas, les juges
ont considéré que la grève de solidarité constitue une faute lourde justifiant le licenciement de
chacun de ces grévistes.

Ce bilan jurisprudentiel n’est guère satisfaisant car les décisions prononcées jusqu’à
présent sont orientées dans la limitation et la restriction du droit de grève sans pour autant
déterminer les conditions légales pour l’exercer. Ne faudrait-il pas au lieu d’interdire la grève
de l’occupation des locaux de poser les conditions de cette occupation : le caractère
symbolique de celle-ci sans compromettre la liberté du travail, elle doit être conduite sans
violence…? Ne faudrait-il autoriser également la grève de solidarité qui constitue un moyen
de lutter en principe contre l’injustice afin de contrecarrer le pouvoir exorbitant de
l’employeur ? D’autres questions peuvent être posées : peut-on imposer un arbitrage
obligatoire en cas de grève ? Est-il légitime de remplacer les grévistes par de nouveaux
salariés pendant la grève ? Comment et dans quelles situations, il faudrait organiser le service
minimum en cas de grève ? Cette situation génère des répercussions négatives sur l’économie
en général et les travailleurs en particulier.

Paragraphe 2 : Vers une refonte du droit de grève

La finalité de la réglementation de l’exercice du droit de grève réside dans la volonté


de concevoir un cadre légal, de respecter la légalité, de sauvegarder les droits et les
obligations des parties dans les relations du travail, etc. La réglementation de l’exercice du
droit de grève couvre un domaine large des questions liées à son exercice. Celles-ci
concernent d’abord le but des grèves. Doit-il être professionnel ou politique ? Ensuite, elle
convient de classer les différentes formes de grève licites ou légitimes. La reconnaissance du
droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être
apportées à ce droit comme à tout autre, en vue notamment d'en éviter un usage abusif ou
contraire aux nécessités de l'ordre public.

75
Pour répondre à toutes ces problématiques, il faut se référer aux dispositions
internationales ainsi qu’aux solutions réservées par le droit comparé. Selon les conditions
posées par l’Organisation internationale de travail une grève n’est licite ou raisonnable que si
elle respecte les conditions suivantes :

- L’obligation de donner un préavis de grève


- L’obligation de recourir avant de déclencher la grève aux procédures de conciliation et
d’arbitrage
- L’obligation d’avoir l’accord d’une certaine majorité de travailleurs pour déclencher
la grève
- L’obligation d’assurer un service minimum
- L’obligation de respecter la liberté du travail des non-grévistes

Les revendications que les travailleurs peuvent chercher à appuyer par la grève sont de
trois sortes : celles de caractère professionnel, celles de caractère syndical et celles de nature
politique. Les revendications des deux premiers types ne soulèvent pas de questions
particulières. Restent les revendications de nature politique. Il faut distinguer en outre les cas
où les salariés font grève au nom de revendications, quelles qu’elles soient qui les concernent
de façon directe et immédiate et ceux où tel n’est le cas. C’est ainsi que la grève doit se
limiter toutefois à l’expression d’une protestation sans viser à troubler la tranquillité publique.

La grève perlée est également interdite car elle se traduit par un ralentissement volontaire
de l'activité. Ce n'est pas une grève au sens juridique du terme, mais une inexécution de ses
obligations contractuelles de la part du salarié. Dans le cadre du déroulement de la grève, la
mise en place de piquets de grève est acceptée lorsque ceux-ci sont pacifiques et n’entravent
pas la liberté du travail.

Le droit de grève est un des moyens de revendication salariale qui servent pour défendre
leurs intérêts professionnels économiques et sociaux. Il est devenu un droit fondamental
reconnu dans la plupart des Etats de la communauté internationale. Le Maroc devrait franchir
le pas vers une réglementation claire et précise du droit de grève car ce tâtonnement actuel du
législateur ne fait que porter préjudice aux intérêts de la société marocaine. Cette
réglementation devrait être neutre dans le ce sens qu’elle ne devrait ni vider le droit de grève
de sa substance ni favoriser son usage abusif de la part des salariés.

76
Paragraphe 3 : Le lock-out

Le lock-out est la fermeture de l'entreprise par l'employeur à l'occasion d'un conflit


du travail. L'intégralité des salariés n'a donc plus accès aux locaux de travail et n'est plus
rémunérée. L'objectif du lock-out peut être double : mettre fin à un fonctionnement de
l'entreprise qui est gravement perturbé par la grève et tenter de faire pression sur les grévistes.

Le lock-out est en principe une action irrégulière car il est une suspension unilatérale des
contrats de travail et donc une faute contractuelle. La rémunération doit donc être payée aux
salariés non-grévistes. Ce point de vue strict est toutefois atténué dans certaines circonstances
particulières mais sans pour autant que la jurisprudence en ait affirmé la licéité. Selon la
doctrine, trois cas sont tolérés :

• L'impossibilité absolue d'assurer le fonctionnement de l'entreprise pour raison de force


majeure.
• L'impossibilité de maintenir l'ordre et la sécurité. Cette mesure procède des devoirs
d'un employeur soucieux d'assurer un minimum de sécurité et d'ordre dans son
entreprise. L'employeur a donc le droit de fermer son entreprise lorsqu'il craint des
dégradations de matériel.
• L'exception d'inexécution : l'employeur peut recourir au lock-out en cas de grève
illicite c'est à dire lorsque les grévistes ont des revendications manifestement
illégitimes ou utilisent des modes d'action prohibés34.

34
Bouchra NADIR, L’essentiel du droit de travail et de la protection sociale, 2 Edition Bouregreg Impressions,
2018, pp. 274-275.

77
Partie 3 : Le régime de la sécurité sociale

La sécurité sociale est définie tantôt par référence aux institutions chargées d’assurer
des prestations à caractère social aux travailleurs et à leurs familles, tantôt par rapport à
l’objectif de protection de la population contre les risques de détérioration de santé et de perte
de revenus. Les deux sens se complètent en fait, pour désigner le droit conféré à chaque
personne de jouir de la protection contre les aléas économiques dans le cadre des solidarités
sociales protégées par l’Etat. Ce droit jouit d’une reconnaissance relative sur le plan
internationale à travers divers textes internationaux notamment l’article 22 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, la Convention n°102 de
l’Organisation du travail concernant la norme minimum de la sécurité sociale du 28 juin 1952
et plusieurs autres textes formant ce qu’on appelle actuellement les normes internationales de
la sécurité sociale.

Les origines du système de sécurité sociale marocain remontent à l’époque du


protectorat qui a introduit pour la première fois un système de sécurité sociale moderne basé
sur l’assurance sociale au profit uniquement des travailleurs français détachés au Maroc. Les
premières actions du protectorat en matière de sécurité sociale ont porté sur instauration d’un
régime de réparation des accidents de travail et des maladies professionnelles par le dahir du
25 juin 1927 pour la zone du sud. Les dispositions de ce texte furent étendues, à la suite de
l’entrée en vigueur du dahir du 21 mai 1943, aux maladies professionnelles.

Ce texte constituait une révolution en la matière car il a soumis l’employeur à une


responsabilité du fait personnel sans faute. Ainsi, il a libéré les salariés victimes d’accident de
travail ou de maladie professionnelle d’apporter la preuve d’une faute de leur employeur. En
contrepartie de ce régime, les salariés victimes ne recevaient qu’une réparation forfaitaire.
L’employeur n’avait aucune obligation de s’assurer auprès d’une compagnie d’assurance.

A la même époque, les allocations familiales étaient servies, pour la première fois, par
l’Etat. Le premier organisme qui s’occupait de cette action était l’Office des familles
nombreuses, crée en 1928. Ces mesures en faveur des familles nombreuses se sont beaucoup
plus intensifiées dans les premières années de la seconde guerre mondiale avec l’adoption
d’une politique contingente visant à stimuler la natalité. Les prestations servies dans ce sens
étaient constituées par des allocations familiales et des indemnités de maternité. Elles étaient

78
assurées par la Caisse d’Aide Sociale créée en avril 1942. Les allocations servies par la C.A.S
n’étaient pas les mêmes pour tous les affiliés. Les salariés marocains bénéficiaient d’un
montant inférieur aux allocations servies aux travailleurs européens. Ce régime double a été
unifié par l’arrêté du 4 octobre 1950 afin que le système institué par le dahir du 22 avril 1942
puisse être appliqué de façon uniforme. Cependant, les travailleurs français qui étaient
détachés de la métropole notamment des services publics, y maintenaient parfois les
cotisations sociales. La plupart d'entre eux n'envisageaient probablement pas de rester
indéfiniment dans le pays pour s'engager dans un régime d'assurance vieillesse.

C'est sans doute pour ces raisons que les premières actions de prévoyance sociale qui
ont été organisées par les milieux professionnels l'ont été dans le domaine des soins médicaux
exclusivement sous forme de sociétés mutuelles. Ce mouvement connaîtra plus tard un essor
formidable surtout dans le secteur public. Dans le secteur privé des initiatives similaires ont
pu être développées mais assez timidement à cause de l’absence d’un secteur privé
suffisamment développé. Le cas de figure le plus connu est la Caisse interprofessionnelle
marocaine de retraites, créée en 1949.

Cette évolution a abouti à un système de sécurité sociale marocain fortement


hétéroclite avec une couverture insuffisante et inégalitaire des risques sociaux. Les défis
actuels du système sont énormes et suscitent beaucoup de débats et interrogations sur l’avenir
même du système. Ils sont entre autre l’extension de la couverture des soins de santé à travers
l’assurance maladie obligatoire (AMO), l’équilibre budgétaire des régimes de retraite et la
bonne gouvernance du système dans son ensemble. Toutefois, ce qui nous semble primordiale
c’est de poser un diagnostic sérieux de l’état actuel du système marocain de sécurité sociale.
Mais en attendant, l’organisation actuelle de la sécurité sociale au Maroc est assez composite
avec un cadre réglementaire hétéroclite et une structure institutionnelle diversifiée remettant
en cause la cohérence du système.

Chapitre 1 : L’organisation administrative de la sécurité sociale

L'organisation actuelle du régime général résulte de plusieurs textes juridiques qui


instaurent la séparation de la sécurité sociale en branches autonomes : la branche maladie, la
branche retraite, la branche famille et la branche recouvrement. Les administrations de
sécurité sociale sont une composante des administrations publiques et regroupent l'ensemble

79
des entités juridiques et institutionnelles chargées du service public de la sécurité sociale et
l’encadrement et la régulation du système de l’assurance maladie obligatoire. Ces
administrations assurent la gestion des risques sociaux des travailleurs salariés. Elles ont en
charge le recouvrement des cotisations et le versement des prestations prévus par le Code de
la sécurité sociale. Elles sont qualifiées d'administration parce que l'État leur a confié la
gestion d'une mission de service public, celui de la sécurité sociale.

Toutefois, des personnes morales de droit privé peuvent également intervenir pour
gérer certains aspects liés à la sécurité sociale des salariés comme les compagnies d’assurance
pour les accidents de travail et les maladies professionnelles et la Caisse interprofessionnelle
marocaine de retraites.

Par ailleurs, il convient de préciser que les travailleurs indépendants non-salariés


exerçant une activité libérale sont soumis à un autre régime de sécurité sociale instauré par la
loi n° 98-15 du 23 juin 2017.

Section 1 : La Caisse nationale de la sécurité sociale

La Caisse nationale de la sécurité sociale est un organisme public doté de la


personnalité civile et de l’autonomie financière. Elle gère depuis 1961 le régime de sécurité
sociale institué par le dahir 1-59-148 du 31 décembre 1959. Ce régime couvre les salariés de
l’industrie, du commerce et des professions libérales ainsi que ceux de l’agriculture et de
l’artisanat. Il assure à ces salariés une protection contre les risques de suppression de revenu
en cas de maladie, de maternité, d’invalidité ou de vieillesse. Il leur sert aussi des allocations
familiales et fait bénéficier leurs ayants droit d’une pension de survivants et d’une allocation
au décès. Par ailleurs, le travailleur qui cesse d’être assujetti au régime obligatoire de la
sécurité sociale, peut continuer à cotiser à la CNSS en souscrivant une assurance volontaire en
vue de sauvegarder ses droits aux prestations.

Paragraphe 1 : L’organisation administrative

Elle s’articule sur les structures suivantes : le Conseil d’administration est composé de
24 membres titulaires, nommés pour trois ans, ainsi répartis : 8 représentants de l’Etat; 8
représentants des employeurs; 8 représentants des salariés nommés sur proposition des

80
organisations professionnelles les plus représentatives. Ce Conseil d’administration détermine
les grandes lignes de la politique sociale de la caisse, il relève toutes les attributions de la
CNSS. Il se réunit aussi souvent que les besoins de la caisse l’exigent au moins deux fois par
ans. Le Directeur général de la CNSS nommé par dahir : Exécute les décisions du conseil
d’administration et assure la gestion de l’ensemble des services de la CNSS et coordonne
leurs activités.

Le Directeur général de la CNSS est assisté par : une structure de pilotage composée
de l'Inspection générale des services, de la direction de la stratégie et de la direction de l’audit,
du contrôle de gestion et de l’organisation; un pôle Métier qui regroupe trois directions à
savoir la direction des affiliés, la direction des assuré et la direction inspection et contrôle; un
pôle recouvrement; un pôle ressources regroupant toutes les directions supports : moyens
généraux, ressources humaines, finances et comptabilité et système d’information; un pôle
unités médicales; un réseau de 09 directions régionales gérant 56 agences.

Paragraphe 2 : Les ressources financières

Les ressources de la CNSS sont constituées principalement par : Les cotisations,


majoration et astreintes dues en application du dahir du 27 juillet 1972 relatif à la sécurité
sociale tel qu’il a été modifié. La Caisse nationale de sécurité sociale est dotée de la
personnalité civile et de l’autonomie financière. Elle peut notamment :
-Recevoir de l’Etat ou des autres collectives publiques, des avances et des subventions.
-Acquérir conserver tous biens meubles et, sous réserve de l’autorisation conjointe du ministre
de l’emploi et du ministre chargé des finances, tous biens immeubles.
-Contracter des emprunts auprès des établissements bancaires, après accord du ministre de
l’emploi et du ministre chargé des finances.
-Conclure des conventions relatives à des immeubles pour les besoins de ses services.

Section 2 : L’Agence nationale de l’assurance maladie

Afin de concrétiser l'engagement constitutionnel qui consacre le principe du droit à


l'accès aux soins et à la couverture médicale (article 31 de la Constitution), la loi n° 65-00 du
03 octobre 2002 constitue le parachèvement de l'expérience du Maroc en matière de
couverture médicale de base et consolide les droits acquis par les citoyens marocains

81
bénéficiant d'une assurance maladie. Cette assurance a été progressivement étendue à
l'ensemble des citoyens, toutes catégories sociales confondues. A cette fin, un système
obligatoire de couverture médicale de base est mis en place, en vue d'atteindre l’accès
universel aux soins y compris les personnes assujetties au régime de sécurité sociale et leurs
ayant droits ainsi que pour les titulaires de pensions du secteur privé.

Paragraphe 1 : L’organisation de l’ANAM

L’Agence nationale de l'assurance maladie est un établissement public marocain à


caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, et placé
sous la tutelle de l'État . Elle a été créée le 26 mai 2005, pour veiller à la bonne application de
la loi no 65-00, portant code de la couverture médicale de base. Elle est gérée par un directeur
qui détient tous les pouvoirs et attributions nécessaires à la gestion de lʼAgence.

LʼAgence est administrée par un conseil présidé par le chef du gouvernement ou


lʼautorité gouvernementale déléguée par lui à cet effet. Il comprend en outre : des
représentants de lʼadministration; des représentants des employeurs; des représentants des
assurés des secteurs public et privé désignés par les centrales syndicales les plus
représentatives; des représentants des organismes gestionnaires de lʼassurance maladie
obligatoire de base (CNSS).

Paragraphe 2 : Les missions de l’ANAM

L’ANAM a pour missions l’encadrement et la régulation du système de l’assurance


ainsi que la gestion des ressources du régime d’assistance médicale (RAMED). Toutefois, en
dépit de ces acquis, le défi principal auquel notre système est confronté est celui de la
réduction de la part des dépenses directes des salariés (frais médicaux). Parmi, les activités
principales confiées à l’Agence consiste d'assurer l'encadrement technique de l'assurance
maladie obligatoire de base et de veiller à la mise en place des outils de régulation du système
dans le respect des dispositions législatives et réglementaires s'y rapportant. A ce titre, elle
doit conduire, dans les conditions fixées par voie réglementaire, les négociations relatives à
l'établissement des conventions nationales entre les organismes gestionnaires d'une part, les
prestataires de soins et les fournisseurs de biens et de services médicaux d'autre part.
L’objectif est de proposer à l'administration les mesures nécessaires à la régulation du

82
système d'assurance maladie obligatoire de base et, en particulier, les mécanismes appropriés
de maîtrise des coûts de l'assurance maladie obligatoire de base et veiller à leur respect.

Chapitre 2 : Les prestations sociales de la CNSS

Le régime marocain de sécurité sociale assure les prestations suivantes : allocations


familiales, indemnités journalières en cas de maladie et de maternité, pensions d’invalidité, de
survivants, allocations en cas de décès. Le régime marocain ne comporte que des prestations
en espèces en cas de maladie et de maternité.

La législation marocaine impose à la fois à tout employeur au plus tard l’affiliation


dans les 30 jours à la CNSS et l’immatriculation à titre obligatoire des salariés embauchés
dans une entreprise industrielle, commerciale ou par un employeur exerçant une profession
libérale (avocats, notaires…) L’immatriculation se fait en principe, par l’employeur qui doit
en outre déclarer régulièrement à la CNSS le montant mensuel du salaire versé et le nombre
de jours travaillés. La personne qui a été assurée pendant 1080 jours consécutifs et cesse de
remplir les conditions d’assujettissement peut s’assurer volontairement dans les trois mois
suivant sa perte de qualité d’assurée.

Le régime de sécurité sociale de la CNSS assure à ses assurés : une protection contre
les risques de suppression de revenu et une action sanitaire par le biais d’un réseau de 13
polycliniques implantées à travers le Royaume et incessamment une couverture médicale de
base (assurance maladie obligatoire). A juste titre, depuis son entrée en vigueur le 1er mars
2006, la CNSS gère l'assurance maladie obligatoire (AMO) pour les salariés assujettis au
régime marocain de sécurité sociale qui ne disposaient pas d'une couverture d'assurance
maladie facultative au moment de l'entrée en vigueur de la loi 65-00 et les titulaires d'une
pension d'un montant minimum.

Section 1 : Les indemnités pour la perte d’emploi

En projet depuis plusieurs années, l’indemnité pour perte d’emploi (IPE) voit enfin le
jour. Celle-ci est entrée en vigueur à partir du mois de décembre 2014. Rappelons à ce sujet
que la loi n° 03-14 modifiant et complétant le dahir n° 1.72.184 du 27 juillet 1972 relatif au
régime de sécurité sociale, avait été publiée au Bulletin officiel n°6290 du 11 septembre

83
2014. Conformément aux dispositions législatives afférentes à l’IPE, l’allocation sera
également financée par l’employé et par l’employeur. Pour sa part, l’Etat participera au
financement sur 3 ans.

Paragraphe 1 : Les conditions d’éligibilité

Il convient de préciser que cette innovation majeure ne s’applique que si certaines


conditions sont remplies. Nous citons principalement :

- La perte d’emploi doit être involontaire (licenciement individuel ou collectif) ce qui


veut dire que lorsqu’un salarié démissionne ou quitte volontairement son poste de
travail perd son droit de percevoir des indemnités.
- Il faut être inscrit comme demandeur d’emploi auprès des services d’intermédiation
compétent (ANAPEC)
- Le salarié qui perd son emploi doit justifier auprès de la CNSS d’une période
d’assurance au régime de sécurité sociale d’au moins 780 jours durant les 3 dernières
années précédant la date de perte d’emploi dont 260 jours durant les 12 derniers mois.
Cette période de référence doit être justifiée pour bénéficier des indemnités.

Paragraphe 2 : La procédure pour l’octroi de l’IPE

Le législateur a instauré une procédure impérative à suivre par l’assuré sous peine de
forclusion (la perte du droit à l’indemnisation). La première démarche consiste à déposer dans
les 60 jours à partir du jour de la perte d’emploi une demande d’indemnisation pour la perte
d’emploi à la CNSS. Le demandeur d’emploi bénéficie pendant 6 mois de ces indemnités sauf
s’il trouve entre temps un autre emploi. Dans ce cas, il doit en aviser la CNSS dans un délai
de 8 jours à compter de la date ou il a trouvé un emploi pour suspendre les versements. En
revanche, l’assuré peut bénéficier d’une prolongation de la durée de l’indemnisation s’il
justifie, à nouveau, les conditions prévues initialement citées ci-dessus.

Le niveau de la prestation versée correspond à 70 % du salaire de référence c'est-à-dire


le salaire moyen déclaré des 36 derniers mois sans dépasser le montant du SMIG.

84
Section 2 : Les allocations familiales et au décès

Les allocations familiales sont des prestations d’aides sociales destinées aux salariés
immatriculés à la CNSS. Le dahir du 27 juillet 1972 relatif à la sécurité sociale tel qu’il a été
modifié détermine à la fois les conditions requises pour bénéficier de ces allocations ainsi que
les bénéficiaires de ces prestations. Par ailleurs, le même texte juridique vise à garantir aux
ayants droits une allocation après le décès du salarié assuré selon le régime de la sécurité
sociale.
Paragraphe 1 : Les prestations familiales

Pour bénéficier de ces allocations, la législation de la sécurité sociale exige une


cotisation de 108 jour pendant 6 mois civile d’immatriculation. L'assuré ne peut recevoir
d'allocation que pour 6 enfants au plus déclarés à l’état civils (300 dirhams pour chaque
enfant dans une limite de trois enfants). L’article 40 de la même législation précise que
lorsque le mari et la femme sont tous deux assurés et susceptibles de bénéficier des allocations
familiales, celles-ci sont versées exclusivement au mari. En cas de séparation des conjoints ou
de dissolution du lien de mariage, les allocations familiales sont, dans tous les cas, versées à la
personne à qui revient la garde des enfants.

L'âge limite des enfants bénéficiaires est en principe de 12 ans. Toutefois, le


service des allocations familiales est poursuivi :

- Jusqu'à 18 ans pour les enfants placés en apprentissage,

- 21 ans pour ceux qui poursuivent leurs études au Maroc ou à l'étranger,

- Les allocations familiales sont versées sans limite d'âge pour les enfants qui, par
suite d'infirmité ou de maladie incurable, sont dans l'impossibilité permanente de
se livrer à une activité lucrative.

Paragraphe 2 : Les allocations au décès

Le dahir du 27 juillet 1972 relatif à la sécurité sociale modifié par le dahir n°1-04-127
du 4 novembre 2004 portant promulgation de la loi n° 17.02 précise qu’une allocation est
accordée en cas de décès l’assuré (salarié) qui, à ce moment, bénéficiait d'indemnités

85
journalières ou remplissait les conditions requises pour y avoir droit, ou en cas de décès d'un
titulaire de pension d'invalidité ou de vieillesse.

L'allocation au décès est versée aux personnes qui, au jour du décès, étaient
effectivement à la charge de l'assuré Elle est répartie également entre les bénéficiaires de
même rang selon l'ordre suivant : 1. Conjoint survivant ou épouses survivantes; 2. A défaut,
descendants; 3. A défaut, ascendants; 4. A défaut, frères aux sœurs.

L'allocation est égale :

- En ce qui concerne les assurés, à soixante fois le salaire journalier moyen qui a servi ou
qui aurait servi de base au calcul des indemnités journalières dont l'assuré bénéficie ou aurait
bénéficié au moment de son décès, conformément aux dispositions de l'article 35.

-En ce qui concerne les titulaires de pensions, à deux fois le salaire mensuel moyen ayant
servi de base à la détermination de la pension conformément à l'article 50 ou à l'article 55.

Section 3 : Les pensions versées par la CNSS

Principalement, cet organisme verse trois catégories de pensions de nature permanente


ou à long terme. Il s’agit de la pension d’invalidité, de la pension de vieillesse et de
survivants. Cependant, le législateur exige de la part du salarié la totalisation d’un certain
nombre de jours déclarés. Parallèlement, le régime de retraite complémentaire n'a pas de
caractère obligatoire. L'adhésion à la Caisse interprofessionnelle marocaine des retraites
(CIMR) dirigée par une association patronale est facultative. Cette caisse fonctionne sur deux
principes, la répartition et la capitalisation. Tout employeur peut décider d'en faire bénéficier
son personnel à condition qu'il s'agisse de l'ensemble du personnel ou, au moins, l'ensemble
d'une catégorie déterminée. Ainsi, les compagnies d'assurances privées proposent des régimes
d'assurance retraite si l'employeur n'a pas opté pour la CIMR. Dans ce cas, la cotisation est
supportée en totalité par le salarié.

86
Paragraphe 1 : Les pensions d’invalidité

La pension d'invalidité est accordée à l'assuré âgé de moins de 60 ans (ou 55 ans
pour les mineurs justifiant de 5 années de fond) qui présente une invalidité présumée
permanente non couverte par la législation sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles et qui justifie d'au moins 1080 jours d'assurance dont 108 pendant les 12
mois civils qui précèdent le début de l'incapacité de travail suivie d'invalidité. L'invalidité
doit être dûment constatée par le médecin désigné ou agréé par la Caisse nationale de
sécurité sociale (cancer, maladie mentale, tuberculose…)

Pour bénéficier de la pension d'invalidité, l'assuré doit être totalement incapable


d'exercer une activité lucrative quelconque. Le montant de la pension d'invalidité est
déterminé en fonction du nombre de jours d'assurance accomplis par le travailleur et de
son salaire mensuel moyen de référence :

- Entre 1080 et 3240 jours d'assurance, il est égal à 50 % du salaire mensuel moyen
soumis à cotisation de l'assuré plafonné à 6000 DH.
- Au-delà de 3240 jours d'assurance, le taux de la pension est majoré de 1 % pour
chaque période d'assurance de 216 jours d'assurance en sus de 3240 jours, sans
toutefois dépasser 70 % du salaire mensuel moyen de référence plafonné à 6000
DH.

Si l'état de l'assuré requiert l'assistance d'une tierce personne, la pension est majorée
mensuellement d'une somme égale à 10 % du salaire de référence. Elle est remplacée par
une pension de vieillesse de même montant lorsque le bénéficiaire atteint l'âge ouvrant
droit à ladite pension.

Paragraphe 2 : Les pensions de vieillesse

Pour bénéficier d'une pension de retraite, l'assuré doit être âgé d'au moins 60 ans,
cesser toute activité salariée et justifier d'au moins 3240 jours d'assurance. Les mineurs
justifiant de 5 années de travail de fond bénéficient de la pension à 55 ans.

Pour l'assuré comptant au moins 3240 jours d'assurance, le montant mensuel de la


pension sera égal à 50 % du salaire moyen mensuel de l'assuré plafonné à 6.000 DH.

87
Le taux de la pension sera majoré de 1 % pour chaque période d'assurance de 216 jours
accomplie en sus de 3240 jours, sans toutefois dépasser 70 % du salaire mensuel de
référence (4200 DH). Elle ne pourra pas être inférieure à 1000 DH par mois. Le salaire
mensuel moyen n'est pris en compte que dans la limite d'un plafond de 6000 DH.

La pension de vieillesse prend effet à partir du premier mois civil qui suit la date de
cessation de travail à condition que la demande soit déposée dans les 6 mois qui suivent la
cessation d'activité.

Paragraphe 3 : Les pensions de survivants

La pension de survivants est accordée aux ayants droit d'un assuré pensionné ou qui
remplissait, à la date de son décès, les conditions requises pour bénéficier d'une pension ou
justifiait d'au moins 3240 jours de cotisation à la date du décès. Ils ont qualité d'ayants droit,
le conjoint à charge ou les épouses à charge, les enfants à charge ouvrant droit aux allocations
familiales.

En cas de remariage, le droit à pension est supprimé.

- Le conjoint, les épouses et les orphelins de père et de mère ont droit à la moitié de la
pension due à l'assuré décédé.

- Les orphelins de père ou de mère ont droit à 25 %.

Le montant total des pensions de survivants ne peut excéder le montant total de la


pension du défunt. Si la demande de pension est déposée dans un délai de 12 mois qui suit
la date du décès, elle prend effet à partir de la date du décès. Si elle est introduite après
l'expiration du délai, elle prend effet du 1er jour du mois suivant la réception de la
demande et ce pendant 5 ans.

Section 4 : Les prestations à court terme

Les prestations à court terme comprennent à la fois des indemnités journalières de


maladie et de maternité. En effet, une salariée enceinte a le droit à un congé de maternité payé
puisque son état de santé avant et après l’accouchement ne la permet d’exécuter
matériellement le contrat de travail. De même un salarié malade c'est-à-dire dans l’incapacité

88
physique de travailler a le droit de déposer auprès de la CNSS une demande d’indemnisation
correspondant aux arrêts maladie.

Paragraphe 1 : Les indemnités journalières de maladie

En cas d’incapacité physique dûment constatée par un médecin désigné ou agrée par la
CNSS, l’assuré peut bénéficier d’une indemnité journalière de maladie. Pour bénéficier aux
indemnités journalières lors d'un premier arrêt de travail, il faut justifier de 54 jours de
cotisations au cours des 6 mois civils précédant l'incapacité de travail. A la suite d'un premier
arrêt de travail, l'assuré ne peut prétendre de nouveau aux indemnités journalières qu'après
une autre période minimum de 6 jours de cotisations. Il convient de préciser que le salarié en
question doit suivre deux démarches pour en bénéficier de ses prestations. Il faut déposer
l’avis de l’interruption de travail signé par le médecin et l’employeur dans un délai de 30
jours et la demande d’indemnisation journalière de maladie dans un délai de 6 mois à compter
de la date de l’arrêt du travail.

Les prestations pécuniaires sont égales aux deux tiers du salaire journalier moyen sur
lequel les cotisations ont été versées durant les 6 mois qui précèdent le début de l'incapacité
de travail. Elles ne peuvent être inférieures à 2/3 du salaire minimum légal.

Paragraphe 2 : Les indemnités journalières de maternité

L'assurée qui justifie de 54 jours de cotisations pendant les 10 derniers mois civils
d'immatriculation précédant la date de l'arrêt de travail pour congé prénatal bénéficie
d'indemnités journalières pendant 14 semaines, dont 7 semaines minimum après la date de
l'accouchement. Les indemnités journalières sont égales à 100 % du salaire journalier moyen.
Le montant minimum de ces indemnités ne peut, en aucun cas, être inférieur au SMIG.
Lorsqu'une naissance survient dans un foyer, le père salarié a droit à un congé de naissance de
trois jours, remboursé directement par la CNSS à l'employeur. Cette indemnité ne doit, en
aucun cas, dépasser le montant maximum de 692,30 DH.

89
90

Vous aimerez peut-être aussi