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Avant d’entamer tout recours, il est indispensable d’obtenir par écrit les motifs précis de l’éviction de la candidature
ou de l’offre de l’entreprise.
Pour les marchés passés selon une des procédures formalisées, l’article 80 oblige le pouvoir adjudicateur à aviser,
dès qu’il a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, tous les autres candidats du rejet de leur
candidature ou de leur offre, en indiquant les motifs de ce rejet.
Un délaid’au moins dix jours est respecté entre la date à laquelle la décision de rejet est notifiée aux candidats
dont l’offre n’a pas été retenue et la date de signature du marché
En cas d’urgence ne permettant pas de respecter ce délai de dix jours, il est réduit dans des proportions
adaptées à la situation. Ce délai n’est en revanche pas exigé dans les situations d’urgence impérieuse (article
Par ailleurs, le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours à compter de la
réception d’une demande écrite :
–à tout candidat écarté qui en fait la demande, les motifs détaillés du rejet de sa candidature ou de son offre ;
–et, à tout candidat dont l’offre était conforme, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue,
ainsi que le nom du ou des attributaires du marché (article 83 du Code des marchés publics).
La motivation du rejet d’une offre doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent
le fondement de la décision
. Une motivation reprenant les termes de la réglementation en vigueur sans expliquer son application au cas
particulier n’est pas suffisante (CE, 18 mai 1984,
Ne pas envoyer les motifs du rejet d’une candidature constitue une atteinte aux obligations de mise en
concurrence dont il appartient au juge de tirer les conséquences.
Dans un arrêt en date du 9 août 2006, le Conseil d'État a annulé une procédure de passation de marché portant
sur des travaux à réaliser sur la basilique Notre-Dame de la commune de Boulogne-sur-mer.
Le Conseil d'État fonde sa décision sur la violation de l’article 77 du Code des marchés publics (article 83 du
Code des marchés publics 2006) qui prévoit que la personne responsable du marché doit communiquer, dans
un délai de quinze jours à compter de la réception d’une demande écrite, à tout candidat à un appel d’offres
dont la candidature a été écartée, les motifs de ce rejet.
Cette obligation a pour objet de permettre à l’intéressé de contester le rejet qui lui est opposé. Le Conseil d'État
estime que la méconnaissance de cette obligation qui incombe à la personne responsable du marché constitue
une atteinte aux obligations de mise en concurrence dont il appartient au juge administratif de tirer les
conséquences (CE, 9 août 2006, commune de Boulogne-sur-mer).
Pour les modalités d’indemnisation du candidat irrégulièrement évincé lors de l’attribution d’un marché (CE,
27 janvier 2006, commune d’Amiens.
Le candidat évincé peut d’abord saisir l’administration d’un recours gracieux ou d’un recours hiérarchique :
–il s’agit de recours exercés devant l’autorité qui a pris la décision ou devant son supérieur hiérarchique ;
–ces recours revêtent un caractère entièrement facultatif. L’administration n’est pas obligée de répondre ;
–c’est souvent l’occasion pour un entrepreneur d’obtenir des informations utiles en cas de recours contentieux ;
Le juge de l’excès de pouvoir ne peut s’immiscer dans le contrat. Il ne peut connaître que des actes unilatéraux
détachables du marché.
Les tiers, à l’exception du préfet, ne peuvent obtenir que l’annulation de l’acte détachable. Mais ceci leur
permettra dans un second temps d’obtenir une indemnisation par le biais d’un recours devant le juge du plein
contentieux.
L’article L. 911-4 du Code de justice administrative, depuis le 1 er janvier 2001, en vertu de l’ordonnance 2000-
387 relative à la partie législative du Code de justice administrative, a renforcé le pouvoir d’injonction du juge
administratif en lui permettant notamment d’imposer à l’administration des mesures d’exécution découlant de
décisions juridictionnelles, et d’assortir une telle injonction d’une astreinte.
Cela devrait permettre aux tiers aux contrats de « forcer » l’administration à saisir le juge du contrat (ou à
résilier le contrat ou l’avenant) afin que l’annulation de l’acte détachable produise un effet sur le contrat lui-
même (cf. infra, partie 5.).
La responsabilité de la collectivité territoriale est alors engagée sur le terrain de la faute Celle-ci sera facile à
démontrer grâce à l’annulation de l’acte détachable du marché.
L’entreprise sera indemnisée de son manque à gagner à condition de pouvoir démontrer la perte d’une chance
sérieuse d’emporter le marché.
Un candidat n’est pas indemnisé s’il n’avait aucune chance sérieuse d’emporter le marché, même
irrégulièrement évincé d’une procédure de marché public, dans l’hypothèse où l’offre présentée ne respectait
pas les prescriptions du règlement de la consultation (CE, 11 septembre 2006, commune de Saran).
5. Injonctions et astreintes
Les articles L. 911-1 à L. 911-10 du Code de justice administrative mettent en place un système d’injonctions et
d’astreintes, celles-ci pouvant être à la fois réclamées a priori et a posteriori.
–soit, lorsque la décision de la juridiction administrative implique nécessairement que soit prise une mesure
d’exécution dans un sens déterminé, le Juge administratif peut prescrire, par la même décision, cette mesure
assortie le cas échéant d’un délai d’exécution (article L. 911-1 du CJA) ;
–soit, lorsque la décision de la juridiction administrative implique nécessairement qu’une décision soit prise
après une nouvelle instruction, la juridiction prescrit par la même décision juridictionnelle que cette nouvelle
décision doit intervenir dans un délai déterminé (article L. 911-2 du CJA).
Ces deux types d’injonction peuvent être assortis d’astreintes (article L.911-3) à partir du moment où une date
a été déterminée.
Aux termes de l’article L. 911-4 du CJA, ces injonctions, le cas échéant assorties d’astreintes, peuvent être
demandées a posteriori
L’injonction permet donc, en particulier celle de l’article L. 911-1, de prescrire à l’administration la mesure
d’exécution.
Cette injonction, qui figure habituellement à l’article 2 du jugement, donne donc une force supplémentaire au
jugement qui ne se borne plus à annuler un acte, mais à prescrire à une personne donnée d’agir dans un sens
donné.
Si l’annulation de l’acte détachable du contrat n’entraine pas nécessairement sa nullité, il appartient au juge de
l’exécution, saisi d’une demande d’un tiers, d’enjoindre à une partie du contrat de saisir le juge compétent afin
d’en constater la nullité et de prendre en compte la nature de l’acte attaqué, ainsi que le vice dont il est entaché
(Conseil d'État, 10 décembre 2003, IRD)
Alors qu’un recours indemnitaire, ou qu’un recours pour excès de pouvoir de manière classique, se concentre
sur le fondement de la responsabilité ou sur les moyens d’annulation de l’acte, les articles L 911-1 et suivant du
CJA permettent à ceux qui rédigent les requêtes de se projeter au-delà de l’instance.
C’est le premier avantage du déféré préfectoral sur le recours en annulation exercé par les candidats évincés
qui ne peuvent obtenir que l’annulation des seuls actes détachables du marché :
– ce déféré conduit le juge à annuler, non seulement les actes détachables de ces contrats, mais encore les
contrats eux-mêmes ;
–le préfet défère au juge les actes qu’il estime illégaux. Il agit soit de sa propre initiative, c’est le déféré
spontané, soit à la demande des tiers intéressés
- un entrepreneur injustement évincé par exemple -, c’est le déféré provoqué qui permet à l’entreprise de
garder un certain anonymat ;
–la saisine du juge relève du pouvoir discrétionnaire du préfet, et son refus de déférer ne fait pas grief et n’est
donc pas susceptible de recours.
– la demande de sursis à exécution en matière de marchés publics formulée par le préfet dans les dix jours à
compter de la réception de l’acte entraîne la suspension du marché qui ne pourra donc pas être exécuté.
Si le tribunal n’a pas statué au terme d’un délai d’un mois à compter de la réception, l’acte redevient
exécutoire ;
–il en résulte que le déféré assorti d’une demande de sursis revêt un caractère suspensif pendant une durée
d’un mois en matière de marchés publics.
11.2.3. Litiges portant sur la passation des marchés : le référé précontractuel L. 551-1 du CJA
Le juge administratif est doté d’un instrument de contrôle a priori.
Le référé précontractuel permet de faire sanctionner les irrégularités qui entachent la passation ou les clauses
d’un marché public, et spécialement celles qui résultent de la violation des règles de concurrence.
– Les marchés publics soumis au Code des marchés publics sans condition de seuil.
649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au
Code des marchés publics (organismes privés d’HLM, SEM, EDF, GDF, SNCF, aéroports de Paris, RATP,
etc.).
Le juge administratif, saisi au titre des articles L. 551-1 et R. 532-1 du Code de justice administrative ( ex. L.
22), contrôle les règles de passation au regard de l’impératif de publicité et de concurrence.
• injonction de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de
20 jours ;
La finalité de libre concurrence autorise le juge, quelles que soient les conclusions du requérant, à utiliser les
moyens les plus efficaces propres à prévenir les atteintes à la concurrence. Il peut ainsi choisir d’exercer
pleinement ses pouvoirs diversifiés en écartant la suspension au profit de l’annulation aux effets plus radicaux
(CE, 20 octobre 2006, commune d’Andeville).
Le référé précontractuel ne peut être valablement introduit que si deux conditions d’ordre public se trouvent
réunies.
–Les entreprises :
En revanche, une fin de non-recevoir doit être opposée aux personnes qui ne se trouvent pas en situation de
conclure le contrat litigieux :
–contribuables locaux ;
–conseillers municipaux ;
Le préfet peut également engager la procédure de l’article L. 551-1 à l’égard de la passation des marchés
locaux et conventions locales de délégation relevant de son contrôle de légalité ; cependant les préfets ne font
pratiquement aucune utilisation de cette nouvelle arme contentieuse.
Il est nécessaire que le recours soit introduit, et même jugé, avant la conclusion du contrat.
Dès lors que le contrat est conclu, la procédure instituée par l’article L. 551-1 ne peut plus être mise en jeu, elle
disparaît, et par conséquent, les pouvoirs du juge des référés prennent fin.
Le référé précontractuel a le caractère d’une procédure purement préventive destinée à corriger des
irrégularités tant qu’il est temps, et non à réparer les illégalités consommées.
Cette condition de recevabilité contribue à réduire l’efficacité de la procédure du référé précontractuel. Elle
peut inciter l’administration, une fois informée d’un risque de contentieux, à conclure le contrat au plus vite, et
parfois de façon irrégulière.
De plus, la signature d’un marché préalablement à l’information des candidats évincés du rejet de leur offre
prévue par l’article 76 du Code des marchés publics (80 du Code des marchés publics 2006) n’entraîne pas
l’inexistence de cette signature. En d’autres termes, la méconnaissance de cette garantie, essentielle pour les
soumissionnaires évincés (respect des 10 jours entre la date à laquelle la décision de rejet est notifiée aux
candidats dont l’offre n’a pas été retenue et la date de signature du marché), n’a pas pour effet de conserver la
compétence du juge du référé précontractuel : ce dernier ne peut que prendre acte de la signature du contrat et
prononcer un non-lieu à statuer (CE, 7 mars 2005, société Granjouan-Saco).
Toutefois, depuis le 1er janvier 2001, l’article L. 551-1 précise que « dès qu’il est saisi, il [le juge] peut enjoindre
de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de 20 jours ».
Il s’agit d’une mesure a priori dissuasive puisque la plupart des collectivités s’abstiennent de signer jusqu’à ce
que le juge ait rendu son ordonnance, et cela même si le délai de 20 jours est arrivé à expiration.
La violation d’une injonction de différer, prise en application des dispositions législatives de l’article L 551-1 du
CJA, permet de considérer la signature comme inexistante et le contrat subséquent comme nul et non avenu.
Le référé précontractuel peut donc prospérer. Voir une ordonnance du président du tribunal administratif
d’Orléans (5 juillet 2005) par laquelle, pour la première fois, le juge du référé précontractuel accepte d’écarter
la signature d’un contrat au motif de son inexistence.