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Semestre 4 Droit pénal spécial

Introduction

Tout Code pénal comporte, habituellement une partie générale qui traite des
questions intéressant toutes les infractions ou certaine d’entre elles (la tentative,
les causes de non responsabilité, la complicité, la théorie générales des peines,
etc) ainsi qu’une partie spéciale qui comprend toutes les infractions et les traite
séparément, chacune avec ses propres éléments constitutifs et peines.

La partie spéciale constitue ainsi le Droit pénal spécial que l’on peut définir
comme étant une branche du droit criminel consistant en un catalogue des
diverses infractions. Mais, doit-on se limiter à cette définition ? Le droit pénal
spécial est-il une simple branche du Droit Criminel qui se contente de décrire
techniquement chaque infraction ? Est-il une discipline sans portée générale,
sans principes directeurs ? Autrement dit, quels sont les intérêts de la matière ?

Les intérêts du Droit pénal spécial :

Intérêts théoriques :

 Le Droit pénal spécial est à la base du droit pénal général. En effet,


c’est seulement lorsque deux ou plusieurs infractions particulières
présentent un trait commun qu’apparaît le Droit pénal général. Ce dernier
n’est construit qu’à partir des incriminations particulières.
Historiquement, les pouvoirs publics ont commencé par prononcer des
interdits (ne pas voler, ne pas tuer,etc) et ce n’est que tardivement et peu à
peu qu’est né le Droit pénal général.

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 Le droit pénal spécial permet de saisir la politique criminelle du


législateur. Ainsi, sommes-nous renseignés sur le flux de criminalisation
et de décriminalisation. De même, la consultation des dispositions de DPS
renseigne sur les taux des peines et donc sur la hiérarchie des valeurs
protégées par le législateur ainsi que ses priorités que l’on peut apprécier
en examinant le plan de la partie spéciale d’une législation pénale. A titre
d’exemple, si la loi pénale traite des infractions contre la personne avant
les atteintes à l’Etat, cela marque évidemment la préférence du législateur
pour la personne.

Intérêts pratiques :

 En DPS, le concept clé est celui de qualification juridique d’un fait,


d’un acte ou d’une abstention. Tel geste peut-il être qualifié de vol ou
d’escroquerie ? sans qualification la poursuite est impossible.
 D’une part, la qualification influe sur la peine, car à chaque
qualification correspond une peine prévue par le législateur. Et c’est la
détermination de telle qualification qui entraîne l’application de telle
peine. Lorsqu’il ya concours de qualification, l’on retient la peine de la
qualification la plus sévèrement punie (principe de la plus haute
expression pénale). D’autre part, la qualification agit sur la procédure
en ce qu’elle détermine la compétence judiciaire - selon que les
magistrats retiennent une qualification criminelle ou correctionnelle, le
délinquant sera traduit devant une chambre criminelle près la Cour
d’appel ou devant un tribunal de première instance, et selon que
l’infraction est civile ou militaire, la compétence sera attribuée à la
juridiction ordinaire ou au tribunal militaire – et en ce qu'elle détermine
le régime de la poursuite, puisque certaines infractions font appellent à

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des règles procédurales spéciales. A titre d’exemple, le délit d’adultère ne


peut être poursuivi que sur plainte du conjoint offensé.

Les Sources du Droit pénal spécial :

Portalis écrivait : « En matière criminelle, il faut des lois et point de


jurisprudence ». Cependant la jurisprudence reste utile pour ramener de la
clarté à un texte vague ou équivoque.

Le Code pénal est la source principale du DPS ; il englobe la grande


majorité des infractions, surtout celles que l’on peut décrire de classiques.
Mais il ne faut pas croire que le Code pénal contienne toutes les
incriminations. Un nombre considérable d’infractions est prévu par des textes
spéciaux. Dans ce contexte, la multiplicité des sources législatives pose le
problème du regroupement de toutes les infractions dans le Code pénal. Ce
serait un travail de longue haleine, car il faudrait, dans la même occasion,
éliminer des doublons (une infraction prévue par différents textes).

Le Code pénal marocain du 26 novembre 1962 comprend une partie


générale et une partie spéciale beaucoup plus consistante (les articles 163
à 612). Il comporte trois livres. Un premier livre qui traite des peines et
mesures de sûreté ; un second livre qui traite de l’infraction et de la
responsabilité de l’auteur ; et un troisième livre inhérent aux diverses
infractions et leurs sanctions respectives.

Le rôle de la jurisprudence dans l’évolution du DPS. La jurisprudence fait


des constructions qui peuvent être prises en compte par la loi. Aussi, la
fonction interprétative de la jurisprudence permet de cerner le sens d’une
disposition pénale –le sens voulu par le législateur- lorsque celle-ci est vague
ou porte à ambiguïté. La jurisprudence peut même donner parfois naissance à

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un délit spécial de par la loi. Ainsi, en France, les décisions réprimant « les
agressions téléphoniques » ont donné naissance à un délit spécial, celui des
appels téléphoniques malveillants.

Les branches du Droit pénal spécial :

Le Droit pénal spécial est extrêmement vaste, et avec l’évolution technique,


économique et sociale, le nombre d’infractions ne cesse de s’accroître. En
effet, à côté « d’un droit pénal spécial général » où se regroupent les
infractions classiques comme les atteintes à la personne, à la famille, aux
mœurs, aux biens et à l’Etat, a surgi, surtout depuis le milieu du 20 ème siècle,
un droit pénal spécial « très spécial ». Les infractions classiques ou
naturelles constituent le noyau dur des infractions, comparéss aux infractions
artificielles, plus récentes, qui touchent notamment aux affaires, aux relations
du travail, à la circulation routière, à l’environnement, etc.

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Les crimes et délits contre les personnes

(Articles 392 à 448 du CP)

Introduction :

Le chapitre VII du Livre III du CP marocain recense la quasi-totalité des


infractions portant atteinte au corps humain. Ces infractions sont extrêmement
nombreuses.

 Les plus anciennes sanctionnent le plus souvent une atteinte avérée,


concrète, au corps de la victime. Cependant, avec celles qui sont apparues
ultérieurement, se manifeste une protection renforcée du corps, puisque
c’est souvent un simple risque d’atteinte qui est sanctionné. Il existe
ainsi, de nos jours, deux sortes d’atteintes au corps, celles qui sont réelles
et d’autres éventuelles.
 Le Code pénal distingue également entre les atteintes à la vie d’une part,
et les atteintes à l’intégrité physique ou psychique, d’autre part. Il
distingue également entre les agissements volontaires et ceux qui ne le
sont pas. Cette dernière distinction est essentielle, car, dans l’attitude de
l’agent, c’est l’élément psychologique plus que le résultat qui compte,
ce qui correspond bien à l’idée d’un droit pénal spiritualiste.
 Il nous revient ainsi, de distinguer au niveau des atteintes à la vie de
la personne, entre l’homicide volontaire et l’homicide involontaire.
Ces infractions sont traditionnelles en ce que les premiers Codes pénaux
les connaissaient déjà. Elles portent atteinte à la vie. La doctrine les classe
comme étant des infractions ordinaires contre la personne. Le Code pénal
présentes les textes correspondants à ces infractions avec un souci évident

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de netteté, allant du plus simple au composé, énonçant tout d’abord les


infractions de base, puis les circonstances qui les transforment en
infractions plus graves, ainsi que les faits atténuant la peine.

1ère partie: L’homicide volontaire/ Le meurtre :

Art 392 : « quiconque donne intentionnellement la mort à autrui est coupable


de meurtre et puni de la réclusion perpétuelle… »

I. Les éléments constitutifs du meurtre :

 L’élément matériel consistant en un acte positif de nature à donner la


mort. (donner la mort ne veut pas dire laisser mourir qui est une omission
de porter secours à une personne en danger) ;
 L’intention criminelle (conscience de l’agent) ;
 La personnalité de la victime.

Garraud définissait le meurtre comme « la destruction volontaire et injuste de la


vie d’un homme par le fait d’un autre homme »

A/ L’élément matériel :

Puisque le meurtre est la suppression de la vie d’un être humain, il suppose une
victime (b) et un acte homicide (a).

a. L’acte homicide :

La volonté de donner la mort ne constitue ni le crime ni la tentative. Il faut que


la volonté se soit manifestée par des actes. Les moyens employés sont
indifférents pourvu que l’acte ait entrainé la mort (l’usage d’une arme n’est pas
nécessaire). Ainsi, en premier lieu, l’acte doit être positif, car le meurtre est
une infraction de commission.

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On s’est parfois demandé si le meurtre pouvait résulter d’une simple omission


qui serait regardée comme équivalente à l’action. C’est la question de « la
commission par omission ». Dans ce contexte, la jurisprudence française n’a pas
admis que l’omission puisse être assimilée à l’action et la mort à l’abstention.
Cette position jurisprudentielle a été tempérée par le législateur français qui a
créé en 1945 le délit de défaut d’assistance à une personne en péril. Il s’agit là
d’un délit d’omission. Par ailleurs, la jurisprudence admet dans certains cas qu’il
ya meurtre ; il s’agit des cas où l’omission est précédée d’un acte de
commission. L’on cite, à titre d’exemple, le cas du maître nageur qui engage sa
victime sciemment à nager dans un endroit où elle doit nécessairement se noyer,
et qui ne fait rien pour lui prêter secours.

En second lieu, l’acte homicide doit être matériel. Par conséquent, il n’ya pas
« d’homicide moral », l’impunité s’expliquant car il est impossible de prouver la
relation de causalité entre les tortures morales et le décès. L’acte matériel
consiste en un ou plusieurs coups, à main nue ou à l’aide d’un objet quelconque.
Peu importe la nature de l’instrument ou du geste, sous réserve de l’application
de la qualification d’empoisonnement qui constitue un crime spécial.

Des difficultés d’ordre causal peuvent se présenter à ce niveau. En effet, en


cas d’acte unique, que décider si le décès ne survient pas immédiatement
après le coup ? Le juge décide librement s’il ya meurtre ou pas, en s’aidant du
rapport d’un expert qui établira s’il ya un rapport entre coup et mort. D’où
l’exclusion de la répression si la mort provient d’une cause étrangère à l’acte.
Par exemple, il n’ya pas de meurtre si la victime ayant reçue des coups décède
par l’effet d’une maladie préexistante ou par défaut de soins nécessaires. Qu’en
est-il du cas où il ya pluralité d’actes ? En cas de pluralité d’actes, c'est-à-dire,
si les coups ont été portés par plusieurs personnes et si seules certaines de ces
personnes ont porté un coup mortel, toutes seront poursuivies pour meurtre, à
condition qu’il soit impossible de rattacher à chaque participant le coup qu’il a

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administré, notamment, lorsqu’un meurtre est commis par deux individus tirant
en même temps sur une victime qui en décède, on admet que ce crime a été
commis par les deux agents.

b. La victime :

Le meurtre suppose une vie humaine, sans distinction de race, sexe, état de
santé, etc. toutes les personnes ont droit à la même protection. Il importe peu
que l’identité de la personne soit connue ou qu’elle n’ait pas été retrouvée, il
faut seulement qu’elle soit vivante au moment où le geste homicide a été fait.
Ainsi celui qui frappe un cadavre en sachant que c’est un cadavre n’est coupable
ni de meurtre, ni de tentative de meurtre.

Cependant, il importe peu que la victime ait été vivante au moment des
faits. On admet qu’il y a tentative de meurtre, la jurisprudence ayant fait
table rase de la vieille théorie du crime impossible. Dès lors, la tentative est
punissable si l’auteur a tiré sur la victime, alors qu’il ignorait que celle-ci était
déjà morte d’un coup de feu tiré par un agent. Le principe est donc
l’indifférence de la vie de la victime. Un cas jurisprudentiel français démontre
l’application de ce principe ; alors qu’un premier individu avait donné la mort à
la victime en l’assommant à coup de barre de fer, un second ayant appris le
lendemain que cette dernière serait en vie, décida de l’achever et lui asséna des
coups de bouteille. La chambre criminelle décida « qu’il importait peu, pour que
soit caractérisée la tentative d’homicide volontaire, que la victime soit déjà
morte, cette circonstance étant indépendante de la volonté de son auteur et les
violences exercées par lui constituant un commencement d’exécution… ». La
décision est raisonnable, car l’agent s’était bien heurté à une impossibilité de
commettre le crime et il est évidemment tenu compte de la volonté et de la
dangerosité de l’agent.

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En outre, la victime doit être une personne autre que l’auteur de l’acte homicide.
A ce titre, l’on soulève la question de l’impunité du suicide du fait de l’absence
de texte l’incriminant. Mais dans l’ancien droit pénal, la répression frappait celui
qui, voulant se suicider, se manquait. L’article 392 précise qu’il s’agit de donner
la mort à autrui. De cette règle résulte l’impunité du suicide, de la tentative de
suicide et de la complicité dans la tentative de suicide.

Cependant la loi réprime de par l’article 407 une sorte de complicité par aide et
assistance et fourniture de moyens, lorsque le suicide est consommé. Elle
réprime ainsi la complicité d’une infraction principale qui n’est pas punie
pénalement. Cela se justifie tout au moins par son établissement en complicité
spéciale.

Le législateur marocain n’admet pas l’euthanasie et ne prévoit aucune


exemption, ni même diminution de peine, même lorsque la victime du suicide
est une personne atteinte d’une maladie incurable et que l’agent agit par
compassion à la demande pressante de la victime.

B/ L’élément psychologique/ l’intention criminelle :

L’élément intellectuel du meurtre consiste dans la volonté de causer la


mort, et cet élément est fondamental car, lui seul permet de distinguer le
meurtre des coups mortels, où l’agent, en voulant les coups n’a pas voulu la
mort, et de l’homicide involontaire où l’agent n’a même pas voulu les coups.

La preuve de la volonté de donner la mort est toutefois difficile à rapporter


car les aveux, s’ils existent, sont rares. Les juges français vont, par conséquent,
déduire cette intention des circonstances, établissant de la sorte toute une
jurisprudence. Cette dernière présume l’existence de l’intention dans certains
cas. A titre d’exemple, l’intention sera censée exister lorsque l’agent a frappé sur

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une partie vitale du corps et avec une arme dangereuse ; ou s’il a procédé à des
tirs groupés ayant atteint la victime dans le dos ; ou s’il a frappé la victime avec
un marteau. L’examen de ces cas dévoile l’orientation des juges. En effet, les
juges assimilent à la volonté de donner la mort la conscience que les coups
devaient, selon un très haut degré de probabilité, procurer la mort. Il s’agit là
d’une extension du concept d’intention de tuer, dan la mesure où la
connaissance de l’effet mortel d’un acte volontaire vaut intention de tuer.
L’intention résulte donc, non seulement de la volonté d’obtenir le résultat
(la mort), mais aussi de la connaissance quasi certaine du résultat.

L’intention de l’auteur pose, par ailleurs, le problème de l’euthanasie,


faisant l’objet d’une controverse et d’un grand débat dans différents pays.
L’euthanasie se définie comme le fait de tuer sans souffrance et volontairement
un individu atteint d’une maladie incurable et souvent pour mettre fin à des
souffrances insupportables. Mais il faut dire que cette question de l’euthanasie
relève plus du mobile de l’agent qui reste indifférent en droit pénal. IL importe
peu que l’agent ait agi par intérêt financier, par vengeance, par fanatisme. Aucun
texte ne régit l’euthanasie au Maroc, ni d’ailleurs en France. Cette forme
d’homicide n’est pas admise par le CP marocain, tout au plus pourrait-elle
donner lieu à l’application de circonstances atténuantes par la juridiction de
jugement.

L’intention criminelle soulève également la question de l’erreur de fait.


Cette dernière exclut le meurtre et ne laisse subsister qu’un homicide
involontaire si une faute d’imprudence peut être reprochée à l’agent. Tel est le
cas du chasseur, qui croyant tuer un sanglier tue son compagnon qu’il prenait
pour un sanglier. Cependant, il y a des cas où l’erreur de fait est indifférente. Par
exemple, le dol indéterminé (jeter une bombe sans savoir qui sera atteint) est
assimilé au dol déterminé et considéré comme meurtre ; l’erreur sur la personne
(voulant tuer X, l’agent tue Y qu’il prend pour X) retenue comme meurtre et

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même sévèrement réprimée, car en cas de préméditation à l’égard de X, l’agent


subit l’aggravation s’il tue Y.

II. La répression du meurtre :

A/Le meurtre ordinaire (ou simple) :

C’est celui prévu par le 1 er alinéa de l’article 392 et puni de la réclusion


perpétuelle. C’est un meurtre sans circonstances aggravantes.

B/ Les meurtres aggravés punis de mort :

 Le meurtre prévu par l’article 392 al 2 ;


 Le meurtre commis avec préméditation ou guet apens (assassinat) art
393 ;
 Le parricide (art 396) ;
 L’infanticide avec les distinctions prévues aux art 392 et 393 ;
 Les tortures et actes de barbarie (à l’occasion d’un crime) ils n’entrainent
pas toujours la mort de la victime, cette dernière n’étant pas un élément
constitutifs de l’infraction (art 399) ;
 L’empoisonnement (art 398)

NB : l’empoisonnement, l’infanticide et le parricide sont des infractions


autonomes.

a. Le meurtre aggravé prévu par l’article 392 al2 :

Art 392 al 2 : « …le meurtre est puni de mort : lorsqu’il a précédé, accompagné
ou suivi un autre crime ; lorsqu’il a eu pour objet soit de préparer, faciliter ou
exécuter un autre crime ou un délit, soit de favoriser la fuite ou d’assurer
l’impunité des auteurs ou complices de ce crime ou de ce délit. »

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Il s’agit d’une aggravation par l’effet de circonstances punissables en elles-


mêmes. L’aggravation s’explique par la dualité d’infractions : le meurtre et une
autre, crime ou délit. Deux situations sont considérées par la loi, toutes les deux
illustrant le principe du cumul juridique.

 La première situation est celle de la concomitance du meurtre avec un


autre crime. « …lorsqu’il a précédé, accompagné ou suivi un autre
crime… ». l’aggravation dans ce cas dévoile, de la part du législateur, une
méconnaissance du principe de non-cumul des peines. Le texte suppose
deux conditions pour son application, inhérentes au temps et à la
nature de l’infraction. S’agissant de la condition de temps, il faut qu’il y
ait concomitance entre les deux faits, simultanéité ou quasi-simultanéité.
Exemples : l’auteur tue le bijoutier dont il dévalisait le magasin (au
moment même) ; l’auteur, alors qu’il venait de cambrioler une banque, tue
un policier qui tentait de l’arrêter (après) ; l’auteur tue le gardien d’une
propriété où il a l’intention de commettre juste après un vol (avant). Il
résulte de ces conditions deux conséquences : il n’y a pas aggravation si
les deux crimes ont été commis par un acte matériel unique ou si ces
derniers sont nettement séparés dans le temps au point qu’ils sont
indépendants. Concernant la nature de l’infraction, il faut qu’il y ait
concomitance avec un autre crime. A titre d’exemple, l’auteur, qui après
un vol en réunion, tue son complice au moment du partage du butin. Il est
à préciser que la loi n’exige aucune corrélation entre les deux crimes pour
l’application de cette première circonstance légale.
 La seconde hypothèse se rattache à la connexité du crime de meurtre
avec un crime ou un délit. « …le meurtre qui a eu pour objet, soit de
préparer, faciliter, ou exécuter un autre crime ou un délit, soit de favoriser
la fuite ou d’assurer l’impunité des auteurs ou complices de ce crime ou
de ce délit. » c’est le cas, par exemple, de l’agent qui tue le gardien d’un

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entrepôt pour y commettre plus aisément un vol. Dans cette hypothèse, la


loi exige une corrélation entre les deux faits, c'est-à-dire qu’ils soient liés
l’un à l’autre. Il ne suffit pas qu’il y ait concomitance, le meurtre doit
avoir servi à la commission du crime ou délit ou à l’impunité de son
auteur. Par conséquent, la simultanéité n’est pas nécessaire (temps et lieux
différents) et l’ordre des infractions est indifférent, le meurtre pouvant
intervenir postérieurement (crainte d’un témoignage).

b. Le meurtre commis avec préméditation ou guet apens :

Art 393 : « le meurtre commis avec préméditation ou guet apens est qualifié
assassinat et puni de la peine de mort ».

Il s’agit d’une aggravation par l’effet de circonstances non punissables en


elles-mêmes.

 La préméditation : l’aggravation tient à l’intention de l’auteur. La


préméditation fait du meurtre un assassinat. En l’ayant affirmé ainsi, le
législateur n’essaie pas de faire de l’assassinat un crime sui generis mais
seulement un crime aggravé. Le législateur définis la préméditation dans
l’art 394 du CP comme étant « le dessein formé avant l’action ». Elle
suppose deux éléments : le 1er élément est la volonté criminelle mûre
et réfléchie ; il faut que l’agent ait conçu à l’avance son acte et établi un
plan après y avoir réfléchi. La préméditation existe non seulement
lorsque la victime est déterminée par l’agent, mais tout individu qui « sera
trouvé ou rencontré ». l’on cite à titre d’exemple, le malfaiteur qui part
dans une forêt avec l’intention de tuer quelconque promeneur pour le
dévaliser. Le second élément est la volonté formée un certain temps
avant l’action. Il ne s’agit nullement d’un intervalle de temps
considérable entre le dessein formé et sa réalisation, mais le temps
nécessaire pour préparer l’acte et se procurer les moyens de le réaliser. Il
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existe un troisième élément, c’est lorsque la réalisation du dessein dépend


d’une circonstance ou condition. Ex : un braconnier se munit d’un fusil de
chasse pour tuer le garde si celui-ci vient à l’interpeller au moment de sa
tournée.
Définitions doctrinales : GARRAUD : « c’est une forme de volonté
persistante et résolue et dont le signe caractéristique est le calme et le sang
froid de l’agent ». ALIMENA : « la réflexion qui appelle le calme de
l’âme, l’intervalle de temps entre la conception et l’exécution ».
La preuve de la préméditation : il revient au ministère public d’établir
la préméditation et il appartient aux juges d’analyser les faits qui ont
accompagné l’acte. (Achat d’une arme quelques jours avant le crime
projeté ; les menaces réitérées ; le fait de charger une personne de suivre
la victime et de rapporter à l’agent tous les détails de ces déplacements et
habitudes. Il est à préciser, par ailleurs, que la préméditation est une
circonstance aggravante réelle et donc et donc applicable aux complices
même si l’auteur principal est inconnu.
 Le guet apens : En droit français, le nouveau Code s’en est tenu à la
préméditation, consacrant ainsi la tendance jurisprudentielle qui veut qu’il
n’y a pas de guet apens sans préméditation, l’incluant ainsi dans celle-ci.
Le Code pénal marocain prévoit l’aggravation par guet apens et la définit,
mais ça suppose tout de même une préméditation.

c. Le parricide :

Au Maroc, le parricide est un crime spécial, autonome, réprimé par l’art 396
du CP, tandis qu’en France, la qualité de la victime constituant le parricide, est
considérée comme circonstance d’aggravation non punissable en elle-même.

Les éléments constitutifs du parricide selon l’art 396 sont :


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 Un homicide volontaire (donne intentionnellement la mort) ;


 L’intention criminelle (intentionnellement) ;
 Le rapport de famille unissant le criminel à la victime (père, mère
ou tout aitre ascendant).

L’énumération du texte est limitative : ne constitue pas un parricide le meurtre


de son beau père ou de sa belle mère par le gendre ou la bru.

L’article 422 annonce que le parricide n’est jamais excusable.

Le texte français vise « l’ascendant légitime ou naturel » ou « les père ou mère


adoptifs ». il s’agit de l’art 221-4 CP qui vise des personnes spécialement
protégées. Il découle de la disparition d crime de parricide en Droit pénal
français la conséquence que, désormais, en cas de parricide, il doit être posé à la
Cour d’assises deux questions : celle du meurtre d’abord et celle spéciale sur la
circonstance aggravante de parenté, au lieu d’une seule question.

NB : le lien de filiation peut être tranché par le juge, lorsqu’il y a un problème à


ce niveau.

d. L’infanticide :

L’infanticide est puni de la réclusion perpétuelle, et en cas de préméditation ou


des cas de dualité d’infractions tels que prévus à l’art 392 al 2, de la peine de
mort.

Les éléments constitutifs de l’infanticide sont :

 Un homicide volontaire (donne intentionnellement la mort) :


 L’intention criminelle ;
 La qualité de la victime : un enfant nouveau-né.

Peut être considéré comme nouveau-né, un enfant qui a été tué avant
l’expiration du délai imparti pour la déclaration de naissance. (Cette déclaration
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devant être faite à l’officier de l’état civil, dans le mois de l’accouchement). Il


faut, bien entendu, déterminer les causes de la mort, apprécier cette qualité de
nouveau-né exigée par le législateur, s’assurer que l’enfant est né vivant, etc.

Un second alinéa de l’art 397 constitue, en faveur de la mère, une sorte


d’excuse atténuante. Les motifs de cette relative indulgence tiennent à
l’élément psychologique de la mère. En effet, le crime d’infanticide, lorsqu’il est
commis par la mère, l’est souvent sous l’empire de l’affolement, notamment
dans le cas d’une mère célibataire qui n’a pas toujours une volonté libre et
consciente pour déterminer son acte, ou encore une mère qui se trouve sous
l’empire de la démence, mais dans ce dernier cas, se sont les causes subjectives
de non responsabilité qui rentrent en jeu. Cette atténuation de la peine est
réservée uniquement à la mère. Cette faveur légale ne bénéficie nullement aux
complices ou coauteurs. Il arrive que par dérogation à l’art 130 du CP, les
complices encourent une peine plus élevée que l’auteur principal. C’est le cas
lorsque cet auteur est la mère.

En France, le crime d’infanticide a également disparu. Le texte de l’art 221-4


vise les mineurs de 15 ans.

e. Les tortures et actes de barbarie à l’occasion d’un crime :

Il ne s’agit pas d’une infraction autonome mais d’une circonstance


aggravante d’un fait qualifié crime. En France, le législateur de 1994 a créé
une nouvelle infraction, celle de tortures et actes de barbarie. Ainsi, ils
continuent à constituer des circonstances aggravantes de certaines infractions
(lors d’un viol, d’un vol, d’une séquestration, etc.) et deviennent une infraction
autonome.

Les éléments constitutifs pour l’application de l’art 399 sont :

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 Les éléments constitutifs du crime de base ;


 La circonstance que l’auteur du crime a, pour son exécution, employé des
tortures ou actes de barbarie.

Ces actes ne sont pas définis par la loi et laissés à l’appréciation du juge.

Définition des notions : la distinction entre tortures et actes de barbarie est


impossible car trop ténue et sans intérêt. Il y a là-dessus accord entre les auteurs
de doctrine et ceux ayant participé aux travaux préparatoires du CP français de
1994.

De façon globale, ces actes sont ceux par lesquels « le coupable extériorise une
cruauté, une sauvagerie, une perversité qui soulèvent une horreur ou une
réprobation générale… Par son comportement, l’auteur de tels actes exprime un
mépris profond des valeurs ordinairement reconnues, une absence totale de
respect pour la sensibilité, l’intégrité corporelle et même la vie
d’autrui ».Cependant, la convention de l’ONU sur la torture s’efforce de
distinguer entre les deux notions. Elle indique que « le terme torture désigne tout
acte par lequel une douleur ou des souffrances aigues, physiques ou mentales,
sont intentionnellement infligées à une personne » par ailleurs, il a été précisé
lors des travaux préparatoires du CP français que les tortures, pour être
qualifiées, doivent consister en des agressions corporelles. Ainsi, des tortures
morales, ne supposant aucun sévice peuvent-elles être assimilées aux tortures ?

Elément matériel : il consiste dans la commission d’un acte procurant à la


victime une vive douleur. La jurisprudence française offre des exemples
horribles : le fait pour l’agent d’avoir tailladé au moyen d’un couteau le visage,
les bras et les poignets de sa victime après l’avoir rouée de coups de poing. Ou
encore, les malfaiteurs, qui pendant plus de cinq heures ont flagellé les pieds de
la victime, lui ont fait ingurgité une grande quantité d’eau salée, lui ont serré la
gorge avec vigueur et enfoncé une serviette dans la bouche.

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L’état d’esprit du coupable : l’agent doit avoir la volonté de faire souffrir sa


victime, de lui causer des souffrances aigues et non seulement le résultat qui en
découle. A défaut de cette intention précise, il ne peut y avoir que violences.

Le texte français parle de « soumettre » une personne à des tortures ou actes de


barbarie. Tandis que le texte marocain utilise dans sa rédaction le
terme « emploie » des tortures ou actes de barbarie. La volonté de faire souffrir
y est moins apparente, comparée à la rédaction française.

Indifférence du mobile : qu’il ait agi soit pour contraindre la victime à révéler
un fait ou à faire un acte, soit par simple perversité. (ex : un prévenu qui invoque
le fait que les tortures qu’il pratiquait sur la victime étaient infligées non à ladite
victime, mais au démon logé en elle.

2ème partie : L’homicide et les blessures involontaires :

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Semestre 4 Droit pénal spécial

(art 432 à 435)

Le Code pénal utilise l’adjectif « involontaires » pour parler des homicides et


blessures qui n’ont pas été voulus par l’agent.

C’est oublier, cependant,, que s’il n’ y a certes pas intention, il y a souvent , à


l’origine du dommage, un acte volontaire, comme le montre l’exemple du
chauffeur qui transgresse un panneau de signalisation routière. Il convient
mieux, par conséquent, de parler d’infractions d’imprudence et de négligence.
Le terme involontaire voulant simplement dire que le résultat n’a pas été voulu
par l’agent.

Ces infractions constituent un contentieux de masse. Ce sont évidemment les


accidents routiers qui se taillent la part du lion.

Art 432 : « quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou


inobservation des règlements, commet involontairement un homicide ou en est
involontairement la cause est puni de l’emprisonnement de 3mois à 5ans et
d’une amende de 250 à 1000 dirhams ».

I/ Le rapport avec l’homicide volontaire :

Les conséquences sont les mêmes que ce soit dans l’homicide volontaire ou
l’homicide involontaire, il s’agit de la perte d’une vie humaine.

Par contre, la différence est importante, en raison du fait que l’acte homicide,
quelles que soient les circonstances, n’a pas été voulu par l’auteur. L’absence de
l’intention criminelle est primordiale en ce qu’elle influe grandement sur le taux
de la peine.

II/ Les éléments constitutifs de l’homicide involontaire :


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Semestre 4 Droit pénal spécial

 Un fait matériel d’homicide (commet un homicide) ;


 Une faute de l’auteur (involontairement) :
 Une relation de cause à effet entre cette faute et l’homicide.

NB : une formule analogue est adoptée par le CP pour les diverses sortes de
blessures involontaires (art 433), avec le remplacement du terme « homicide »
par « coups et blessures ou maladies ».

La formule utilisée par le législateur dans l’infraction d’homicide et blessures


involontaires nous fait penser au quasi-délit du droit civil, car ladite
incrimination fait appel aux notions

 de faute ;
 de préjudice (décès/ blessures) ;
 et de lien de causalité entre la faute et le préjudice.

A/ La faute pénale :

On l’appelle faute pénale pour l’opposer à la faute civile. Elle constitue


l’élément le plus important, car il est chronologiquement le premier à devoir
constater et le plus délicat à prouver, aussi implique-t-il des analyses
psychologiques et sociologiques.

Il appartient à la partie poursuivante de prouver la faute puisqu’il n’existe pas de


présomption de faute en droit pénal comme il en existe en droit civil. Mais il
revient également aux juges de déduire l’existence de la faute de toutes les
circonstances de fait.

a. Définition de la faute pénale :

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Semestre 4 Droit pénal spécial

La loi ne définie ce qu’est la faute, mais l’on peut y voir la négligence de l’agent
de respecter les règles de prudence nécessaires et de prendre les précautions
qu’il aurait dû prendre.

La doctrine distingue deux sortes de fautes :

 la faute ou imprévoyance consciente : l’agent est conscient d’avoir pris un


risque, mais il compte sur les circonstances pour considérer qu’il ne se
produira pas.
 La faute inconsciente : l’agent n’a pas prévu la possibilité du préjudice,
mais a commis un oubli. Dans ce cas la faute est le fruit du hasard, il n’y a
nullement conscience d’une quelconque prise de risque.

NB : la gravité de la faute n’a pas d’effet sur la constitution de l’infraction.


Toute faute, même très légère est punie dès lors qu’elle a entrainé un
préjudice. La différence résidera dans le taux de la peine.

b. Les diverses formes de fautes prévues par la loi :

La loi ne définit pas de façon générale la faute, elle en énumère diverses formes.
Quoiqu’elle paraisse limitative, l’énumération est large de par l’utilisation de
formules vagues. Ainsi, les juges peuvent retenir un nombre considérable de
fautes. On se trouve, en effet, en présence d’une ‘’incrimination ouverte’’.

 Maladresse, imprudence, inattention et négligence : les deux premiers


consistent généralement en actes positifs, alors que les deux derniers sont
le plus souvent des actes négatifs, des omissions.
La maladresse est un défaut de dextérité manuelle. E.GARCON cita
l’exemple du maçon qui, du haut d’un échafaudage, laisse tomber un
outil, ce qui occasionne le décès d’un passant.

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Semestre 4 Droit pénal spécial

L’imprudence est la méconnaissance des règles de prudence qui entraine


la prise d’un risque dangereux malgré l’éventualité prévisible d’un
dommage.
L’inattention est la légèreté, l’étourderie de l’agent, qui dénote un
manque de concentration sur la tâche à exécuter.
La négligence est le fait d’omettre de prendre les précautions nécessaires
par laisser-aller. A titre d’exemple, le médecin qi, avant traitement ou
intervention, omet de procéder à des examens qui s’imposent.

 Inobservation des règlements : le terme règlement est entendu au sens


large. Le manquement peut s’appuyer sur n’importe quelle règle
normative. L’inobservation des règlements constitue une infraction pénale
dès lors qu’il ya homicide ou blessures. Cette règle appelle certaine
précisions.
La répression est possible même si le règlement n’est pas en lui-même
assorti d’une sanction pénale. A contrario, même si le règlement est
assorti d’une sanction pénale, il peut ne pas être effectivement prévu dans
la poursuite, car l’homicide ou blessures involontaires peuvent être
poursuivis sans que le poursuivant n’ait à viser l’inobservation d’un
règlement ou s’il se trouve dans l’impossibilité de la viser, notamment
pour cause de prescription ou encore parce que le paiement de l’amende
sanctionnant la contravention a éteint l’action publique.

c. Appréciation du critère de faute par le juge :

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Comment le juge doit-il apprécier le critère de faute ? Doit-il procéder à une


application in concreto, par rapport à la condition propre du prévenu ? Ou bien
s’en tenir à une application in abstracto, par comparaison avec l’attitude
qu’aurait eu dans les mêmes circonstances le fameux « bon père de famille » qui
est en réalité un individu qui ne se trompe jamais ?

L’appréciation in abstracto est maintenue malgré la prise en compte du cas


d’espèce, car celle-ci porte non pas sur les facultés personnelles du prévenu
mais, il est plutôt question de « diligences normales », ce qui évoque
évidemment un modèle abstrait.

La faute peut donc être définie comme étant, en général, le non accomplissement
des diligences normales.

B/ Le préjudice :

Le préjudice consiste soit dans le décès de la victime (dans l’homicide


involontaire), soit dans une incapacité totale de travail pour une durée
déterminée (blessures involontaires correctionnelles ou contraventionnelles).

Le mot blessures doit être interprété au sens large. Lésions, maladies,


blessures, handicap.

La victime doit être vivante au moment du préjudice, lors des faits. Cette
condition pose le problème des blessures qui entrainent l’expulsion prématurée
du fœtus et la mort de celui-ci. La tendance jurisprudentielle, sur ce point, n’est
pas stable. Un arrêt avait décidé qu’il y a homicide dans la mesure où le fœtus
était parvenu à terme et viable. Par conte, un autre arrêt avait décidé l’absence
d’homicide, ayan jugé nécessaire l’existence d’un être vivant dont le cœur bat à
la naissance.

Le préjudice est nécessaire : sans dommage, il n’y a pas d’infraction


d’homicide ou de blessures involontaires.

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C/ Le lien de causalité :

« …est involontairement la cause… ». Cette nécessité découle de la lettre


même du Code. Ce rapport de causalité doit être certain. S’il n’y en a pas ou s’il
est douteux, l’acquittement s’impose.

La jurisprudence française décide que la causalité peut ne pas être


immédiate et directe, ni qu’elle soit exclusive. Les juges adoptent donc une
attitude répressive.

Ainsi, l’auteur indirect est autant responsable que l’auteur direct. Cas fréquents
en matière d’accidents de travail : un employeur qui laisse agir sont préposé sans
un suivi pour savoir s’il respecte les règles d’hygiène. Il y a là punition d’une
faute lointaine.

L’existence d’une faute d’un tiers ou de la victime n’exclut pas la causalité.

 La faute d’un tiers : le problème qui se pose est de savoir qui a causé le
dommage en cas de fautes simultanées. Surtout que le principe selon
lequel nul n’est responsable que de son fait personnel s’impose.
Exemple : deux automobilistes circulant à une vitesse excessive et se
suivant à courte distance roulent sur le corps d’un piéton renversé par le
premier, sont condamnés tous les deux pour homicide involontaire car il
s’est avéré impossible de savoir lequel des deux chauffeurs avait causé la
mort.
 Faute de la victime : la faute de la victime laisse subsister celle du
prévenu. Le seul effet est sur la répression qui sera réduite (réduction de la
peine infligée au prévenu car il y a partage de responsabilité). Exemple :
le passager n’ayant pas attaché sa ceinture de sécurité, blessé lors d’un
accident de route. Il a là répression d’une faute partagée.

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Les crimes et délits contre les biens


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(Articles 505 à 607 du C.P)

Introduction :

La doctrine distingue classiquement deux sortes d’atteintes aux biens : les


atteintes matérielles qui s’attaquent à la substance même de la chose (par
dégradation ou destruction) et les atteintes juridiques, qui sans porter atteinte à
la substance de la chose, tendent à faire passer illégitimement sa propriété des
mains du propriétaire à celles de l’usurpateur. (Vol, escroquerie, recel, abus de
confiance, etc.) Il s’agit d’appropriations frauduleuses.

Avant, le Code pénal connaissait pour l’essentiel la tétralogie traditionnelle du


vol, de l’escroquerie, de l’abus de confiance et du recel. Toute l’évolution
législative a consisté en la création de nouvelles infractions venant s’ajouter aux
vieilles, en raison des nécessités sociales et du principe de l’interprétation stricte
des lois d’incrimination. Aujourd’hui, il existe un grand nombre d’infractions
qui ne sont pas toutes dans le Code pénal.

Les trois infractions fondamentales sont : le vol, l’escroquerie et l’abus de


confiance.

Développements communs aux trois infractions :

Elles sont parentes par l’histoire puisque le droit romain ne connaissait qu’un
délit d’appropriation illicite de la chose d’autrui. Et ce n’est qu’à la fin du XVIII
siècle qu’est née la trilogie. Ce qui a fait naitre ces trois comportements
distincts, c’est une analyse précise du concept de la remise.

 Dans le vol, il n’y a pas de remise puisqu’il y a soustraction ;

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 Dans l’escroquerie, la remise existe mais elle est provoquée par l’emploi
d’un moyen frauduleux ;
 Dans l’abus de confiance, il y a une remise régulière, mais celle-ci est
suivie d’un détournement qui consomme l’infraction.

NB : parmi les manifestations de parenté entre ces trois infractions l’on cite
l’immunité familiale. Cette dernière est destinée à éviter un procès pénal entre
membres d’une même famille. Elle s’explique par l’idée de décence. C’est une
cause très particulière d’exclusion de l’action. Elle n’est pas un fait justificatif
puisque l’infraction subsiste, et que, par conséquent, des poursuites civiles
restent possibles. Elle est seulement une paralysie de l’action publique pour une
raison de cohésion familiale.

I/ Vols et extorsions : (art 505 à 539)

ART 505 : « quiconque soustrait frauduleusement une chose appartenant à


autrui est coupable de vol et puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une
amende de 120 à 500 dirhams. »

Les éléments constitutifs de l’infraction :

 Une soustraction ;
 Une intention ;
 Une chose appartenant à autrui.

Le vol est la dépossession d’autrui réalisée par l’appréhension par l’auteur de


biens appartenant à cet autrui.

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A/ L’objet du vol :

L’objet du vol est une chose appartenant à autrui.

a. Une chose :

Toute chose corporelle mobilière peut faire l’objet d’un vol. On peut voler
les choses les plus diverses, y compris une lettre, des copies de dissertations
rédigées par des candidats au baccalauréat, des documents. Une vielle
jurisprudence française avait même admis le vol d’électricité, consacré
maintenant par la loi.

Il importe peu que la chose, marchandise par exemple, soit illicite. C’est le cas
de l’agent qui dérobe des stupéfiants ; et il importe peu que la chose soit
dépourvue de toute valeur marchande (mais la rédaction arabe du texte laisse
entendre que la chose doit avoir une valeur marchande).

Seule une chose corporelle mobilière peut faire l’objet d’un vol, car seules
les choses mobilières peuvent être déplacées. Le vol n’existe que parce que la
chose soustraite a été appréhendée par le voleur et qu’elle est ainsi sortie de la
possession du légitime propriétaire. (La dépossession d’un bien immobilier peut
être réprimée par l’art 570). Cependant, si une partie est détachable de
l’ensemble (immeuble par destination), le vol de cette partie se conçoit. Ainsi,
on peut voler les divers matériaux que comprend un édifice : pierres, boiseries,
portes, fenêtres, glaces, statues, tuyauteries, le sable d’une carrière, les éléments
d’un pont en cours de démolition, etc.

Il n’y a pas de vol de services (ex : communications téléphoniques par


utilisation d’un cellulaire sans l’autorisation de l’abonné).

La conception matérialiste de l’objet du vol : il y a exclusion de la répression


du vol d’idées, d’informations. Le vol ne peut porter sur une information seule,
séparée de son support matériel (livre, papier, disquette). Toutefois, la

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Semestre 4 Droit pénal spécial

jurisprudence française se prononce de plus en plus en faveur de la théorie


nouvelle de dématérialisation de l’objet du vol. Exemple : l’emploi de
l’expression « vol du contenu informationnel de disquettes » dans l’arrêt
Bouquin, rendu par la chambre criminelle le 12 janvier 1989 constitue un léger
indice en faveur de la théorie du vol d’informations.

b. Une chose appartenant à autrui :

La chose soustraite ne doit pas appartenir à l’auteur de la soustraction.


Cependant, il n’est pas nécessaire que les juges déterminent l’identité du
propriétaire de la chose soustraite, considérant, notamment la mauvaise foi de
celui qui s’approprie sa propre chose sans savoir qu’elle lui appartient.

Deux cas de figures sont à distinguer :

 Les choses non appropriées (Res nullius) : il n’y a pas de vol si l’agent
s’approprie des choses non appropriées, c'est-à-dire à la disposition du
premier occupant. Ex : le gibier. Mais il y aura vol si l’agent abat un
sanglier pour se l’approprier alors que l’animal se trouve à l’intérieur
d’une chasse privée.
Les choses peuvent ne plus être appropriées. Ainsi, les objets
abandonnés par leurs propriétaires ne font pas l’objet d’un vol commis par
ceux qui les ramassent. Cependant, la chose n’est pas non appropriée si
elle a été perdue.
 Les choses appropriées :
Lorsque la chose appartient encore au « voleur », mais se trouve entre les
mains d’autrui, il n’y a certainement pas de vol. Il récupère sa chose.
Exemple : ne commet pas de vol, l’entrepreneur qui reprend dans la
maison inachevée, qu’il construit, un matériel sanitaire payé par lui et non
encore installé, ce matériel étant encore sa propriété.

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Semestre 4 Droit pénal spécial

Lorsque la chose appartient partiellement au voleur. Ainsi, l’agent qui


soustrait une chose indivise commet un vol au préjudice de ses
codivisaires
Lorsque la chose n’appartient plus au voleur. C’est le cas, notamment, du
vendeur qui, après une vente parfaite, reprend l’objet déjà vendu. Ou
encore, lorsqu’un prêteur s’empare d’une somme d’argent équivalente ou
d’une chose de même valeur que celle du prêt d’argent qu’il a consenti à
quelqu’un et qui ne lui a pas été remboursé.

B/ La soustraction :

La soustraction, interprétée strictement suppose l’enlèvement de la chose.


Toutefois, de nos jours, la soustraction n’exclut plus une certaine remise de la
chose.

L’idée générale : extension de la répression.

a. La conception traditionnelle :

La soustraction suppose l’enlèvement de la chose. Pendant longtemps, la


jurisprudence et la doctrine enseignaient que la soustraction est l’appréhension
ou enlèvement de la chose. Pour soustraire, il faut prendre, enlever, ravir une
chose à l’insu ou contre le gré du propriétaire. Le vol suppose une sorte
d’arrachement de la chose, l’exercice d’une certaine violence physique à
l’encontre du propriétaire.

NB : l’usage abusif n’est pas un cas de vol, mais dès qu’il y a intention
momentanée de se comporter en propriétaire, il y a vol.

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Semestre 4 Droit pénal spécial

b. La conception moderne :

La soustraction n’est pas incompatible avec la remise de la chose. Il existe des


situations dans lesquelles il n’y a ni manœuvres donc pas d’escroquerie, ni
détournement, donc pas d’abus de confiance, ni soustraction au sens
traditionnel, donc pas de vol. Mais les juges n’ont pas hésité à entendre
extensivement le mot « soustraction ». Ils ont jugé que la remise de la chose
n’est pas exclusive de la soustraction si l’agent a profité de la situation. Ainsi, la
détention matérielle non accompagnée de la remise de la chose n’est pas la seule
constitutive du vol. L’on distingue à ce niveau la remise volontaire de celle qui
n’a pas été voulue par la victime.

 La remise n’a pas été voulue par la victime :


La remise par contrainte: elle se rapproche de l’extorsion qui suppose une
violence, menace et contrainte. Ainsi, le vol peut être retenu en cas de
pression ne constituant pas de violence.
La remise par une personne déficiente : un enfant, une personne dont les
facultés mentales sont amoindries par l’âge. Dans ce cas la personne
intermédiaire n’est que l’instrument passif à l’aide duquel la personne qui
recevait la chose l’a en réalité appréhendé frauduleusement.
La remise par erreur : l’erreur doit être provoquée par un dol. Ex : lorsque
le directeur commercial d’une société commande un matériel pour le
compte de la société et le fait payer par la société, mais donne des
instructions à l’employé du fournisseur pour que ce matériel soit livré à
son domicile personnel et non au siège de la société.
 La remise volontaire mais effectuée à titre de détention précaire :
La remise de la possession exclut évidemment le vol, mais la remise de la
simple détention ou encore la remise provisoire laisse subsister le vol. La
victime, en communiquant l’objet à un tiers, n’a pas entendu s’en
dessaisir. Ex : la remise en communication d’un document à un individu

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Semestre 4 Droit pénal spécial

qui s’en empare indûment. Aussi, le cas de la remise à l’essai d’un objet
aux fins de sa vente éventuelle.
Il y a donc extension du champ de la répression.

C/ L’intention :

L’intention frauduleuse est nécessaire. Le juge doit en constater l’existence.


Elle consiste dans la conscience qu’a l’auteur d’enlever une chose appartenant à
autrui contre le gré de son légitime détenteur.

C’est la conscience de la propriété d’autrui.

L’erreur de fait supprime l’intention. Ex : l’agent qui, en sortant du


restaurant, s’empare d’un manteau qu’il confond avec le sien a commis une
méprise qui exclut l’intention.

L’intention ne suppose pas le désir d’appropriation. On a jadis considéré que


le vol supposait la volonté de s’approprier la chose et donc la répression était
exclue lorsque l’agent avait soustrait la chose pour un moment plus ou moins
bref, c'est-à-dire sans intention de se l’approprier. Ex : « l’emprunt » d’un
véhicule automobile, à l’insu de son propriétaire, commis pour quelques heures
par un individu soucieux uniquement de faire une promenade en galante
compagnie, échappait à la répression. La jurisprudence a fini par réagir en
décidant qu’il y a vol lorsque l’appréhension a lieu dans des circonstances telles
qu’elles révèlent l’intention de se comporter, même momentanément en
propriétaire. Le vol d’usage est réprimé comme vol tout court.

Le mobile est indifférent : ainsi, le créancier ne peut voler un bien à son


débiteur pour se payer du montant de sa créance. Des ouvriers ne sauraient
vendre du bois appartenant à leur employeur pour se payer sur le prix de vente,
des salaires dont ils ont été privés durant une grève. Mais, les cas sont

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Semestre 4 Droit pénal spécial

divergents. Par exemple, en France, les juges ont relaxé un prévenu salarié
n’ayant agi que dans le seul but de préparer sa défense devant les prud’hommes,
son intention n’étant pas de porter préjudice à son employeur.

II/ La répression du vol : (vol simple/ vols aggravés)

Le vol peut être un crime, un délit, voire une contravention (art 518 et 519 :
emprisonnement de 15 jours).

A/ Le larcin : (art 506, al 1) délit de police

Le vol simple (ordinaire) est puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une
amende de 120 à 500 dirhams.

Par dérogation à ces dispositions, est qualifié larcin et puni de


l’emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 200 à 250 dirhams
la soustraction frauduleuse d’une chose de faible valeur appartenant à
autrui.

La difficulté d’application de ce texte résulte de l’appréciation de cette


« faible valeur », laquelle est laissée à l’appréciation du juge. Mais, peut-on
estimer que cette faible valeur échappe à l’arbitraire dès lors qu’elle est
appréciée par rapport au préjudice commis, lequel doit être estimé en fonction
de la situation du propriétaire dépossédé. Ex : peut être qualifié de larcin et puni
des peines atténuées de l’art 506, le vol d’un mouton commis au préjudice d’un
grand propriétaire, alors que le même fait doit être sanctionné des peines d’un
vol lorsque le propriétaire dépossédé est une pauvre femme dont l’animal était le
seul bien.

NB : l’intervention des circonstances aggravantes énumérées aux arts 507 à 510


transforment le délit de police en crime.

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Semestre 4 Droit pénal spécial

B/ Le vol simple : (art 505) délit correctionnel

Le vol est ordinairement un délit correctionnel puni de l’emprisonnement de un


à cinq ans et d’une amende de 120 à 500 dirhams, ainsi que l’interdiction de
certains droits prévue par l’art 40 du CP.

C/ Les vols aggravés : les vols criminels (dits qualifiés)

 Art 507 : la peine est la réclusion perpétuelle.

Il s’agit du vol avec port d’arme (port apparent ou caché), ou le port d’arme
dans le véhicule ayant servi à la fuite. (Définition de ce qu’est une arme à l’art
303 du CP).

L’on parle de « vol à main armée ». L’article suscité réprime le vol le plus
dangereux au regard du législateur marocain qui débouche trop souvent sur un
crime de sang au cas où la victime résiste ou crie pour provoquer l’intervention
des tiers. C’est le cas classique de dualité de crimes prévu par l’art 392 al 2.

Les éléments constitutifs de ce vol qualifié :

 Une soustraction frauduleuse ;


 Une chose appartenant à autrui ;
 L’intention criminelle ;
 La circonstance aggravante de port d’arme par les auteurs du vol ou l’un
d’eux, de manière apparente ou cachée.

 Art 508 : la peine est la réclusion de 20 à 30 ans.

Il s’agit du vol commis sur les chemins publics ou dans les véhicules servant
au transport des voyageurs, des correspondances, des bagages, ou dans
l’enceinte des voies ferrées, gares, ports, aéroports, quais de débarquement

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Semestre 4 Droit pénal spécial

ou d’embarquement, lorsque le vol a été commis avec l’une au moins des


circonstances visées à l’article suivant, c'est-à-dire à l’article 509.

La notion de chemin public : il est défini par l’art 516du CP comme étant le
chemin se trouvant hors des agglomérations. La notion a été précisée dans un
arrêt de la Cour de cassation française du 10 mars 1949 : « la circonstance
aggravante de chemin public ne s’applique pas aux rues, places et promenades
intérieures des villes. En conséquence, la constatation par la Cour que le vol a
été commis dans une ville exclut la circonstance aggravante de chemin public ».

Cela s’explique par le fait que l’aggravation est destinée à protéger les personnes
qui circulent hors des lieux habités et se trouvent de la sorte privés de
possibilités de secours.

NB : Pour l’aéronef en vol, voir art 607 bis et suivants.

 Art 509 : la peine est la réclusion de 10 à 20 ans.

Il s’agit du vol commis avec deux au moins des circonstances suivantes :

 Le vol commis avec violences, ou menaces de violences, ou port illégal


d’uniforme, ou usurpation d’une fonction d’autorité ;
 Le vol commis la nuit ;
 Le vol commis en réunion par deux ou plusieurs personnes ;
 Le vol commis à l’aide d’escalade, d’effraction extérieure ou intérieure,
d’ouverture souterraine, de fausses clés, ou de bris de scellés, dans une
maison, appartement, chambre ou logement, habités ou servant à
l’habitation ou leurs dépendances ;
 Si les auteurs du vol se sont assurés la disposition d’un véhicule motorisé
en vue de faciliter leur entreprise ou de favoriser leur fuite ;

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Semestre 4 Droit pénal spécial

 Si l’auteur est un domestique ou serviteur à gages, même lorsqu’il a


commis le vol envers des personnes qu’il ne servait pas, mais qui se
trouvaient soit dans la maison de son employeur, soit dans celle où il
l’accompagnait ;
 Si le voleur est un ouvrier ou apprenti, dans la maison, l’atelier, ou le
magasin de son employeur ou s’il est un individu travaillant
habituellement dans l’habitation où il a volé.

NB : la condition est la réunion de deux de ces circonstances.

Pour les violences et menaces, il n’est pas nécessaire qu’elles aient laissé des
traces de blessures ou de contusions. Ces violences peuvent être exercées avant
ou pendant le vol, ou même pour favoriser la fuite de l’auteur.

Le port illégal d’uniforme et l’usurpation d’une fonction d’autorité sont prévus


par les arts 380 et 382.

La circonstance de nuit est l’intervalle entre le coucher et le lever du soleil qui


peut varier selon les saisons.

Le vol en réunion par deux ou plusieurs personnes : ça suppose au moins deux


coauteurs, et non pas un auteur principal et des complices.

L’escalade est définie par l’art 513 : c’est une introduction en dehors des
passages affectés normalement à l’entrée. Il n’y a pas à chercher la nature de la
clôture, du moment qu’elle était destinée à fermer une propriété.

L’effraction est définie par l’art 512 : l’on distingue l’effraction extérieure de
l’effraction intérieure. Les deux se combinent généralement dans une opération
de cambriolage. Il n’est pas nécessaire que l’effraction intérieure soit pratiquée
sur place. Cette interprétation vise une pratique courante selon laquelle les
malfaiteurs s’emparent d’un coffre fort, et afin d’éviter le bruit de l’effraction,
emportent le coffre à l’extérieur pour pouvoir le forcer en toute tranquillité.

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Semestre 4 Droit pénal spécial

L’ouverture souterraine : c’est un mode d’effraction qui permet de s’introduire


dans les lieux en passant par les caves. Des cas récents survenus à l’étranger ont
eu lieu à travers des procédés particulièrement audacieux de la part des
malfaiteurs qui se sont introduits dans des banques en passant par le système des
égouts.

Les fausses clés sont définies par l’art 514 « … celui, qui pour ouvrir une
serrure se sert de la clé même de cette serrure qui avait été perdue par son
propriétaire et qu’il a trouvé est considéré comme faisant usage d’une fausse
clé ».

Le bris de scellés : c’est une infraction prévue par l’art 273 du CP. Il s’agit de
scelles apposés par ordre de l’autorité publique.

L’utilisation d’un véhicule motorisé : c’est une circonstance de moyen qui se


combine facilement avec d’autres circonstances prévues à l’art 509 (violences,
nuit, réunion, escalade).

D’autres circonstances ont trait à la qualité de l’auteur.

L’auteur est un domestique ou serviteur à gages : il s’agit du vol domestique. On


entend par domestique ou serviteur à gages toutes personnes qui sont attachées
au service personnel des maitres ou au service de la maison, qui vivent dans
cette maison et perçoivent un salaire.

Le voleur est un ouvrier ou apprenti : il importe peu que l’objet volé appartienne
ou non au maitre.

L’individu travaillant habituellement, dans l’habitation où il a volé : c’est une


question de fait laissée à l’appréciation des juges, notamment en ce qui concerne
l’habitude. Il ne parait pas nécessaire que le voleur soit employé constamment,
mais une certaine régularité suffise pour constituer l’habitude. Ex : une personne
qui vient faire régulièrement certains travaux ménagers.

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Semestre 4 Droit pénal spécial

 Art 510 : la sanction est la réclusion de 5 à 10 ans.

Il s’agit du vol commis avec une seule des circonstances énumérées par l’art
susmentionné. Ce dernier reprend les quatre premières circonstances de
l’article 509, sous réserve de la distinction inhérente au lieu. En effet, l’art 509
exige que ces opérations aient eu lieu « dans une maison, appartement, chambre
ou logement habités ou servant à l’habitation ou leurs dépendances », alors que
l’art 510 précise « même dans un édifice ne servant pas à l’habitation ».

Cette notion de maison habitée est définie par l’art 511 : il doit y avoir maison
ou habitat assimilé et que la maison soit habitée ou destinée à l’habitation. Peu
importe qu’elle soit effectivement habitée au moment de l’intrusion, ou que
l’habitation ne soit pas permanente. Quant à la définition des dépendances,
l’énumération de l’art 511 n’est pas limitative et un bâtiment ne cesse pas d’être
considéré comme dépendance d’une maison habitée parce qu’il a une clôture
particulière, mais à la condition qu’il soit compris dans la clôture ou enceinte
générale.

En plus des quatre circonstances pré détaillées, l’art 510 prévoit comme source
d’aggravation le vol commis au cours d’un incendie ou après une explosion, un
effondrement, une inondation, un naufrage, une révolte, une émeute ou tout
autre trouble. Il s’agit du vol intervenant lors de certaines catastrophes,
provoquées soit par des accidents résultant du fait de l’homme ou par la nature,
soit par des troubles à l’ordre public. Le législateur retient également la
circonstance du vol qui a porté sur un objet qui assurait la sécurité d’un moyen
de transport quelconque, public ou privé.

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Semestre 4 Droit pénal spécial

Les crimes et délits contre les biens

L’escroquerie et l’abus de confiance

I/ l’escroquerie :

Art 540 : « Quiconque, en vue de se procurer ou de procurer à un tiers, un


profit pécuniaire illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par
des affirmations fallacieuses, ou par la dissimulation de faits vrais, ou exploite
astucieusement l’erreur où se trouvait une personne et la détermine ainsi à des
actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers est
coupable d’escroquerie et puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une
amende de 500 à 5000 dirhams. »

L’idée centrale à la base de l’escroquerie est le mensonge, la tromperie. Celle-ci


est réalisée à l’aide de certains moyens, tend à un but et est commise avec une
intention.

A/ Les éléments constitutifs de l’escroquerie :

 Les moyens de la tromperie : les moyens servant à induire astucieusement


en erreur une personne ;
 L’objet de la tromperie : le but de cupidité illégitime et le résultat obtenu ;
 L’intention de tromper.

a. Les moyens de la tromperie :

Il s’agit, selon les termes de la loi, d’induire astucieusement en erreur une


personne. Le CP français utilise le verbe « tromper », ce qui va dans le sens
même de la formule utilisée par le législateur marocain. Le recours aux
manœuvres frauduleuses peut revêtir diverses formes précisées par la loi. Toutes

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Semestre 4 Droit pénal spécial

ces manœuvres doivent être déterminantes de l’acte préjudiciable aux intérêts


de la victime ou à ceux d’un tiers. La loi cite les affirmations fallacieuses, la
dissimulation de faits vrais, ainsi que l’exploitation de l’erreur où se trouve une
personne.

 Les affirmations fallacieuses : il faut entendre par affirmations


fallacieuses le mensonge étayé par un fait extérieur qui le corrobore. Il
peut s’agir d’une mise en scène, de l’intervention d’un tiers, de la
production de faux documents.
Il y a par exemple mise en scène dans la simulation d’un cambriolage
pour bénéficier de la prime d’assurance, dans la remise à l’assureur de
certificats médicaux constatant des maladies simulées pour indemnité, etc.
L’intervention d’un tiers : à l’appui de son affirmation, l’auteur fait appel
à l’intervention d’un tiers pour la rendre plus crédible. Il s’agit là
essentiellement de témoin.
La production de faux documents : une fausse identité ou une fausse
qualité de l’escroc. La fourniture à des organismes de crédits de fausses
factures et des bons de livraisons fictifs faisant croire à l’existence de
matériel inexistant ou d’équipements neufs, par des individus qui n’ont
visé qu’à réapprovisionner leur trésorerie.
 La dissimulation de faits vrais : la manœuvre frauduleuse consiste à
cacher la vérité. C’est par exemple le fait pour l’escroc de dissimuler sa
véritable identité ou sa véritable qualité : pour bénéficier d’une mission
rémunérée, l’escroc se présente comme un expert alors qu’il est rayé de la
liste des experts ; ou la femme qui obtient d’un commerçant un crédit
important basé sur la solvabilité de son mari, en dissimulant sa qualité de
femme divorcée.
 L’exploitation de l’erreur de quelqu’un : c’est le fait pour l’escroc de
tirer profit de l’erreur dans laquelle se trouve la victime. Cette hypothèse

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Semestre 4 Droit pénal spécial

diffère des deux précédentes par le fait que ce n’est pas l’agent qui
provoque l’erreur chez la victime, il ne fait qu’exploiter l’erreur déjà
existante chez celle-ci. C’est l’exemple de l’escroc qui a été confondu par
la victime à l’un de ses clients et qui profite de cette confusion pour se
faire livrer la marchandise.

NB : les manœuvres frauduleuses supposent un acte positif de la part de l’auteur,


une omission ne saurait constituer la manœuvre frauduleuse.

b. L’objet de la tromperie :

IL ressort de l’art 540 du CP que les manœuvres frauduleuses ont pour objet de
déterminer la victime à accomplir des actes préjudiciables à ses intérêts ou aux
intérêts d’une tierce personne. C’est le résultat obtenu. Par conséquent, l’acte
préjudiciable à la victime doit être forcément postérieur à l’emploi de moyens
frauduleux, si l’emploi des moyens lui est postérieur, il n’y a pas d’escroquerie.

Par ailleurs, l’acte préjudiciable à la victime semble supposer l’existence


d’un préjudice pour elle et un profit pour l’escroc. Mais cela ne veut pas dire
que la victime ou le tiers doivent avoir effectivement éprouvé un préjudice.
Selon la jurisprudence, il suffit que les actes accomplis soient susceptibles de
causer un dommage à la victime ou à un tiers.

Une autre interrogation s’attache à la formule utilisée « et la détermine ainsi ».


Quand est-ce-que l’infraction sera consommée ? Le sera-t-elle après la remise
des fonds, par exemple, c’est-à-dire après la réalisation de la perte, ou bien à
compter de l’instant où la victime s’est déterminée à les remettre, avant même la
réalisation du préjudice ?

De plus, le préjudice doit-il être nécessairement pécuniaire ? En effet, bien que


l’article suscité vise expressément le préjudice pécuniaire, une partie de la
doctrine estime que le délit d’escroquerie est constitué même lorsque le

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Semestre 4 Droit pénal spécial

préjudice causé ou susceptible d’être occasionné à la victime ou à un tiers est


d’ordre moral.

D’autre part, l’escroquerie suppose un profit pour l’escroc. Mais l’expression


« en vue de se procurer ou de procurer à un tiers, un profit pécuniaire
illégitime » laisse entendre que l’escroquerie est indépendante du profit que
l’escroc peut en tirer. Autrement dit, il y a escroquerie même si l’auteur n’a pas
effectivement tiré profit des valeurs escroquées. Il suffit qu’il ait eu l’intention
de se procurer ou de procurer à un tiers un profit pécuniaire illégitime.
Autrement dit, le but de poursuivre un gain illégitime est indépendant de la
véritable réalisation de ce gain. Dans les deux cas, l’infraction est constituée.

Le législateur précise « un profit pécuniaire illégitime ». Faut-il en conclure que


si le dessein formé avait pour but l’obtention d’une chose due,
l’accomplissement d’une obligation, ou la réparation d’un préjudice, il ne
pourrait constituer le délit d’escroquerie ? Selon cette logique, ne constituerait
pas une escroquerie, le fait pour une personne, au moyen des actes matériels
suffisants pour caractériser éventuellement cette infraction, de se faire remettre
un objet lui appartenant, et dont elle n’arrivait pas à obtenir la restitution. En
bonne logique, l’art 540 parle de profit pécuniaire illégitime, ce qui veut dire
que si le profit est légitime, il n’y aurait pas d’escroquerie. L’article 540 du CP
« version arabe » qui d’après la Cour Suprême doit seul recevoir application, ne
permet pas cette analyse, vue que le terme « illégitime » qui figure dans la
version française a sauté, après traduction, dans la version arabe. Ce qui pose un
sérieux problème en Droit pénal marocain qui est celui du « bilinguisme face à
la légalité pénale ».

Toutefois, une partie de la doctrine qui s’appuie sur le principe selon lequel le
mobile est indifférent, pense qu’escroquer son débiteur pour récupérer une
créance, ou pour récupérer une partie du prix indûment perçu est délictueux.

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Semestre 4 Droit pénal spécial

La Cour de cassation française avait notamment décidé « que le créancier ne


peut puiser dans son droit de se faire remettre, à l’aide de manœuvres
frauduleuses, les fonds… que le débiteur ne lui eut pas délivrés autrement ».
Ainsi, l’absence de profit illégitime se trouve compensée par l’emploi de
moyens illégitimes. Mais, faut-il dire que tout dans cette matière sera d’ailleurs
cas d’espèce.

c. L’intention de tromper :

L’intention de tromper est nécessaire à la constitution du délit. Elle implique


tout d’abord la connaissance du caractère frauduleux des moyens employés,
d’où l’irresponsabilité de l’individu de bonne foi. Elle est ensuite la conscience
d’un préjudice éventuel ou réalisé pour la victime de la tromperie ou pour un
tiers.

B/ La répression de l’escroquerie :

L’escroquerie est toujours un délit et le législateur édicte les mêmes peines pour
les différentes incriminations de l’escroquerie. Toutefois, il a prévu un cas
particulier comportant des circonstances aggravantes et donnant donc lieu à des
peines supérieures à celles encourues en cas d’escroquerie simple.

a. L’escroquerie simple :

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La peine édictée par l’article 540 du CP pour l’escroquerie simple est


l’emprisonnement de 1an à 5 ans et une amende de 500 à 5000 dirhams.

De plus, l’art 546 du CP précise que le coupable peut en outre être frappé pour 5
ans ou moins et 10 ans au plus de l’interdiction de séjour et de l’interdiction
d’exercer un ou plusieurs droits de citoyenneté (la nationalité), civiques (droit
d’être éligible ou électeur), civils (droit de diriger une école ou d’enseigner à
titre de professeur) ou de famille (droit d’être tuteur).

b. L’escroquerie aggravée :

C’est le cas particulier prévu par l’alinéa 2 de l’art 540 et qui concerne
l’escroquerie commise par une personne ayant fait appel au public en vue
de l’émission d’actions, obligations, bons ou titres quelconque, soit d’une
société, soit d’une entreprise commerciale ou industrielle. Dans ce cas, la peine
d’emprisonnement est portée au double « 2 à 10 ans » de celle prévue pour
l’escroquerie simple et le maximum de l’amende est élevé à 100.000 DHS. Dans
ce cas également, les interdictions de séjour et des droits prévues par l’art 546
du Code Pénal peuvent être prononcées.

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II/ L’abus de confiance :

Art 547 : « Quiconque de mauvaise foi détourne ou dissipe au préjudice des


propriétaires, possesseurs ou détenteurs, soit des effets, des deniers ou
marchandises, soit des billets, quittances, écrits de toute nature contenant ou
opérant obligations ou décharges et qui lui avaient été remis à la condition de les
rendre ou d’en faire un usage ou un emploi déterminé, est coupable d’abus de
confiance et puni de l’emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende
de 200 à 2000 dirhams… »

Cette infraction a de commun avec le vol et l’escroquerie qu’elle constitue une


atteinte à la propriété d’autrui. Mais l’abus de confiance, qui est la violation de
la foi contractuelle s’oppose à la fois au vol et à l’escroquerie. L’auteur de
l’abus de confiance ne soustrait pas la chose contrairement au voleur, puisque
cette chose lui est remise par la victime. Et l’auteur de l’abus de confiance, à
l’inverse de l’escroc n’obtient pas la remise de la chose par l’emploi de procédés
frauduleux, la chose est remise volontairement à l’auteur, lequel va intervertir de
mauvaise foi la possession précaire qui lui était confiée en une volonté de
s’approprier la chose.

L’abus de confiance suppose deux sortes de conditions :

 Des conditions préalables (la remise d’une chose en vertu d’un contrat
de détention précaire) ;
 Des éléments constitutifs (le détournement volontaire et au préjudice du
propriétaire).

Les conditions préalables appartiennent au droit civil (ou commercial) alors que
les éléments constitutifs ont un caractère pénal. Le créancier est protégé
civilement par la possibilité qui lui est conférée de mettre en jeu la
responsabilité contractuelle de son débiteur. Mais la loi pénale intervient aussi,

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Semestre 4 Droit pénal spécial

le cas échéant, en assortissant de sanctions pénales la violation de ses


obligations contractuelles par le débiteur.

A/ Les conditions préalables :

Le délit d’abus de confiance suppose, à titre de conditions préalables l’existence


d’un contrat par l’effet duquel une chose est remise à une personne, à charge
pour celle-ci d’en faire un usage déterminé. C’est dire qu’il s’agit de trois
conditions : un contrat, une chose et la remise de cette chose.

L’abus de confiance ne se conçoit que si le contrat à l’origine du


détournement comporte l’obligation de restituer la chose même qui avait été
confiée au prévenu ou d’en faire un usage déterminé. Il faut donc que celui qui
a remis la chose e soit resté propriétaire. Si, en revanche, l’accipiens ne doit
restituer qu’une chose semblable, mais autre (un équivalent), c’est qu’il est
devenu propriétaire de la chose remise en sorte qu’il n’y a pas d’abus de
confiance en cas de non-restitution de la chose remise ou de son équivalent. Le
magistrat aura à s’intéresser aux effets du contrat : si le contrat opère transfert de
propriété, il n’y a pas abus de confiance alors que s’il n’opère pas ce transfert, se
bornant à prévoir l’obligation de rendre ou restituer la chose, il peut y avoir abus
de confiance.

La chose : les choses remises sont énumérées par l’art 547. Par les termes
utilisés, il faut entendre le numéraire, les objets mobiliers susceptibles de faire
l’objet d’un commerce et tous les écrits contenant ou opérant obligation ou
décharge, les valeurs mobilières, les effets de commerce, soit tous les papiers
représentant pour la victime, une valeur appréciable en argent. Par conséquent,
le détournement d’écrits sans valeur commerciale ne rentre pas dans cette
catégorie d’incrimination.

La remise de la chose : la remise est nécessaire. Sans remise, il n’y a pas d’abus
de confiance. D’où par exemple la relaxe du fermier qui vend le fumier de

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l’exploitation alors qu’il aurait dû l’utiliser pour engraisser les terres, ce fumier
n’ayant pas été remis par le propriétaire. Sans remise, il peut en revanche y avoir
vol comme il a été déjà précisé. Cela dit, il importe peu que la chose ait été
remise à l’agent lui-même ou à un tiers qui la remet à l’agent. La remise est
ensuite volontaire, car sinon il pourrait y avoir escroquerie mais pas abus de
confiance. Dans ce dernier délit, en effet, la remise est purement volontaire,
alors que dans l’escroquerie, elle n’est qu’apparemment volontaire puisqu’elle a
été viciée par la mise en œuvre de moyens frauduleux. Elle est, enfin, précaire
car les objets ont été remis à la personne à charge « de les rendre ou d’en faire
un usage un usage ou un emploi déterminé ». Si la remise a été faite en
propriété, il ne saurait y avoir abus de confiance : ainsi en est-il lorsque,
l’intéressé, au lieu d’effectuer le travail convenu, a dissipé le salaire qui lui avait
été versé d’avance.

B/ Les éléments constitutifs :

L’abus de confiance est le détournement d’une chose au préjudice d’autrui, ce


qui fait apparaitre un acte de détournement, causant un dommage à un tiers.
En outre, s’agissant, d’un délit intentionnel, l’agent doit avoir eu l’intention de
disposer d’une chose qui ne lui avait été remise qu’à titre précaire. De la sorte,
l’abus de confiance comporte trois éléments constitutifs même si l’intention fait
presque corps avec le détournement.

Le détournement : E. GARCON parlait « d’interversion du titre », le détenteur


n’ayant de par la volonté des parties qu’une détention précaire qu’il transformait
unilatéralement en une possession véritable, privant ainsi de tout droit le
propriétaire.

De façon générale, l’acte de détournement résulte d’une utilisation de la chose


à des fins étrangères à celles qui avaient été stipulées. Techniquement, le

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détournement se réalise de diverses manières. Par un usage abusif, un retard


dans la restitution, une absence de restitution.

Il y a usage abusif constitutif de l’abus de confiance lorsque l’agent, pendant le


cours d’exécution du contrat, use de la chose d’une façon qui n’est pas conforme
aux stipulations des parties. Mais, l’abus doit être caractérisé et directement
contraire au contrat. C’est le cas du préposé qui utilise un véhicule appartenant à
l’entreprise à des fins personnelles. C’est le cas aussi du préposé qui se sert du
fichier de clientèle de sa société pour en aider une autre, concurrente.

Le retard dans la restitution devient délictueux si l’agent a l’intention


coupable de priver le propriétaire de son bien. L’on cite le cas de l’emprunteur
d’une motocyclette qui la détériore, l’abandonne chez un tiers. Ou encore, le cas
de l’organisateur d’une exposition qui, malgré mise en demeure, ne restitue pas
immédiatement les tableaux invendus confiés à lui par un peintre.

La non-restitution constitue le cœur du détournement. Il y a intérêt à distinguer


le refus de restitution de l’impossibilité de celle-ci. Le refus de restitution
apparait d’abord avec l’appropriation injuste : un syndic bénévole de propriété
s’alloue des honoraires sur les fonds de la copropriété ; un notaire effectue des
prélèvements sur des fonds remis à titre provisionnel par ses clients, etc. une
seconde forme de refus est la rétention injuste. L’agent, dans ce cas, n’entend
pas s’approprier l’objet, mais le conserver aussi longtemps qu’il n’aura pas
obtenu de son cocontractant un avantage déterminé. L’agent exerce une pression
sur le cocontractant. Concernant l’impossibilité de restitution, s’il s’agit de corps
certains, non fongibles, la restitution doit avoir lieu en nature de sorte qu’en cas
d’impossibilité, il y a détournement. S’il s’agit de choses fongibles, tout
dépendra des stipulations du contrat : si celui-ci prévoit une libre disposition de
la chose, l’impossibilité de restituer n’est pas un détournement au sens pénal ;
s’il dispose, en revanche, qu’il n’y a pas libre disposition de la chose,
l’impossibilité de restitution est délictueuse.
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Le préjudice : le préjudice est nécessaire mais il est entendu largement. L’abus


de confiance est réalisé dès qu’il y a privation du propriétaire de ses droits sur la
chose. Le préjudice peut être autant matériel que moral. Il est ordinairement
actuel, mais la répression est possible s’il est seulement éventuel. De plus, la loi
protège toute personne ayant un droit sur la chose (propriétaire, possesseurs,
détenteurs, etc). Enfin, le préjudice est réalisé même s’il est réparable ou si
l’agent a remboursé la victime.

L’intention : l’intention découle de la double conscience de la précarité de la


détention (découlant de l’obligation de restituer) et d’un comportement en
contravention de cette précarité, ce comportement allant de pair avec la
conscience de l’éventualité d’un préjudice. L’affirmation de la mauvaise foi est
nécessairement incluse dans la constatation du détournement, car l’intention
consiste dans la conscience qu’a l’agent de sa violation de l’engagement qu’il a
pris de restituer la chose qui lui a été confiée ou de lui donner l’affectation
convenue. Enfin, le mobile est, comme d’habitude indifférent. Par exemple, le
détournement de fonds au profit d’une œuvre caritative reste délictueux.

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