publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
TRAVAUX DE GROUPE :
Membres du groupe :
BAMOGO Ezzedine
NABASSAGA Souleymane
TRAORE Yacouba
SOMMAIRE
1
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
INTRODUCTION
1
L’arrêt « Blanco » consacre à la fois le principe de la responsabilité de la puissance publique, mais aussi celui
de son autonomie au regard des règles consacrées par le Code civil.
2
Benjamin CIRHUZA NYAMAZI, De la responsabilité sans faute de l'administration en droits comparés
français, belge et congolais, Mémoire Licence en droit option droit privé et judiciaire 2007, Université de Goma
(RDC).
2
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
développement de la société industrielle a entraîné dans son sillage prouve cette évolution
vers une nouvelle conception de la responsabilité. Le problème trouve sa délicatesse quand on
aborde la notion de responsabilité sans faute des personnes publiques. Les régimes de
responsabilité sans faute présentent l’avantage de permettre l’indemnisation des victimes, sans
pour autant impliquer la recherche d’une faute par l’administration ou ses agents. La victime
doit seulement prouver l’existence d’un préjudice spécial et anormalement grave dans la
plupart des hypothèses envisagées, et d’un lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur
reproché à l’administration3. La personne publique est un terme générique désignant une
collectivité publique : Etat, collectivité territoriale, établissement public4.
Plusieurs cas témoignent cette nouvelle tendance, notamment quand il s'agit des
dommages de travaux publics, du risque exceptionnel qui est soit une responsabilité du fait
des activités dangereuses, la responsabilité sans faute en matière hospitalière, les accidents
survenus aux collaborateurs de l'Administration et tant d'autres etc. La France a même légiféré
dans le souci de garantir la sécurité juridique des administrés en engageant la responsabilité
de l'Administration sans aucune faute de sa part en ce qui concerne le risque professionnel, les
dommages causés par les attroupements et rassemblements, les dommages corporels
vaccinatoires, et tant d'autres encore.
Il faut rappeler que la responsabilité sans faute constitue une innovation du juge
administratif. Par l'arrêt du Conseil d’État du 21 juin 1895 Cames, le juge affirme que l'État
doit garantir ses ouvriers contre le risque résultant des travaux qu'il leur fait exécuter. Cette
théorie de responsabilité sans faute a également rompu avec le dogme de l'irresponsabilité
totale de l'Etat législateur. Cette responsabilité administrative étendue se fonde, sur l'idée
d'une obligation de sécurité que l'Etat doit garantir aux particuliers.
Dans l’analyse de cette théorie de responsabilité sans faute des personnes publiques,
nous analyserons l’originalité de cette matière spéciale du droit administratif (I), avant de
faire remarquer son élargissement constant remettant en cause le cadre traditionnel de cette
notion (II).
En se référant aux thèses civilistes, les tribunaux administratifs ont repris avec leurs
défauts, les fondements invoqués en droit privé pour expliquer la responsabilité civile des
particuliers. Les critiques furent les mêmes. C'est d'abord l'idée de faute, puis celle du risque
que l'on a reprise au droit civil pour essayer de fonder la responsabilité de l'Etat. Pour déclarer
l'Etat responsable, le conseil d'Etat exigeait au début, que soit prouvée la faute à l'origine du
dommage. Il a ainsi refusé d'admettre la responsabilité de l'Etat pour un dommage causé par
un agent dans l'exercice de ses fonctions, lorsqu’aucune faute n'avait pu être relevée. La
responsabilité administrative n'était engagée que par la faute administrative.
5
Benjamin CIRHUZA NYAMAZI, De la responsabilité sans faute de l'administration en droits comparés
français, belge et congolais, Mémoire Licence en droit option droit privé et judiciaire 2007, Université de Goma
(RDC).
4
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
Si la responsabilité pour risque n'a pas une portée générale en droit administratif
malgré son progrès constant, cela tient surtout à des raisons pratiques d'ordre financier : on
craignait en effet de voir les patrimoines administratifs affectés de trop lourdes charges. Dans
presque tous les cas où peut jouer la théorie du risque, la jurisprudence du Conseil d'Etat lie
l'application de celle-ci à l'existence d'une donnée exceptionnelle, anormale, qui n'est du reste
pas toujours la même. Elle exige tantôt un préjudice exceptionnel, tantôt un risque
exceptionnel, parfois même les deux ou encore la contrepartie d'une prérogative
exceptionnelle.
Mais, cette reconnaissance partielle de responsabilité civile de l'Etat sera très vite
handicapée par de sérieux conflits de compétence. La cour de cassation et les autres
juridictions judiciaires estimaient en effet, que lorsque la responsabilité civile de l'Etat était
admise, elles devaient être les seules juridictions compétentes et que seules devaient être
applicables les règles de droit commun de la responsabilité civile, en l'occurrence les articles
1382 et suivants du code civil. A l'opposer, le Conseil d'Etat, déclarait qu'en vertu de la règle
de la séparation des autorités administratives et judiciaires, il fallait rejeter les principes de
droit civil en matière de responsabilité publique ; l'Administration seule était compétente pour
connaître des litiges mettant en cause la responsabilité de l'Etat.
Les thèses publicistes sont d’abord fondées sur la théorie de l’Etat assureur. Cette
théorie considère que l'Etat doit pouvoir réparer tout dommage causé à ses administrés,
comme un véritable assureur. Comme il a reçu une prime constituée par une partie des impôts
versés directement ou indirectement par les citoyens, il doit assurer ceux-ci contre les
dommages provenant de l'activité étatique. Mais, on peut reprocher à ce fondement, de
reprendre une image incorrecte, celle du contrat d'assurance. Il n'y a pas de contrat d'assurance
entre l'Etat et les individus et on ne verrait pas sur quelle base les individus exigeraient
réparation de l'Etat, si l'on s'en tient à cette théorie.
Ensuite, on a la théorie de l'égalité des citoyens devant les charges publiques. L'idée
qu'elle reflète est que si la loi préconise l'égalité des citoyens aux fonctions, elle vise aussi
l'égalité devant les charges. Et le rôle des juridictions est alors de rétablir l'égalité entre les
citoyens qui ont souffert et ceux qui n'ont pas souffert de l'activité étatique, en allouant une
indemnité payée sur le budget de l'Etat aux victimes de préjudices subis indûment. Cette
théorie a été à son tour critiquée. On lui reproche de confondre la cause et l'effet de la
responsabilité de l'Etat. On fait remarquer à juste titre d'ailleurs, que « l'idée de l'égalité des
charges est la conséquence et non le fondement de la responsabilité de l'Etat. Le fondement de
la responsabilité ne peut pas trouver sa cause dans ce qui n'en est que l'effet. La réparation du
préjudice est une chose, la répartition de cette réparation en est une autre ».
5
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
l'organisation des sociétés et que l'Etat doit y veiller constamment. Ils comparent alors la
situation de l'Etat à celle d'un commettant de droit privé. Ils considèrent qu'il doit, tout comme
ce denier, répondre des dommages causés par ses agents dans l'exercice de leur fonction, non
pas parce qu'il a pu commettre quelque faute, créer un risque ou rompre l'égalité des charges
entre les citoyens, mais parce qu'il a l'obligation de garantir la sécurité des individus contre les
actes dommageables de ceux qui exercent une activité en son nom et pour son compte.
Sur la base du risque, il est possible de déterminer au moins trois (3) cas de responsabilité
sans faute de l’administration. Il s’agit de la responsabilité du fait des choses, des méthodes
ou situations dangereuses, la responsabilité du fait des collaborateurs du service public et la
responsabilité du fait des dommages de travaux publics ou ouvrages publics.
Dans les cas où l’administration cause un dommage à autrui, par suite de l’utilisation de
choses dangereuses ou de méthodes dangereuses, sa responsabilité sans faute peut être
engagée. Cette situation a été reconnue à l’occasion de l’affaire du fort de la double couronne
à Saint-Denis, où un grand nombre d’explosifs avait été entreposés durant la première guerre
mondiale. Une violente explosion eut lieu causant la mort de 33 personnes et faisant 81
blessés. Le Conseil d’Etat français estima que l’administration militaire n’avait pas commis
de faute mais que ces opérations « comportaient des risques excédant les limites de ceux qui
résultent normalement du voisinage…et de nature à engager indépendamment de toute faute
la responsabilité de l’état » (C.E 28 mars 1919 REGNAULT DESROZIERS)6.
Cette jurisprudence a été par la suite étendue à des cas où l’administration utilise
directement des choses dangereuses proprement dites. Ainsi l’utilisation par la police d’armes
à feu fait courir aux tiers, étrangers à l’opération de police des risques tels que le régime
retenu sera celui de la responsabilité sans faute. Cette jurisprudence fut inaugurée par les
arrêts « Lecomte » et « daramy » 7. Dans la première affaire, une balle tirée par un policier à la
poursuite d’un véhicule suspect avait atteint le patron d’un café, tranquillement assis devant
6
Gilles DARCY, la responsabilité de l’administration, Dalloz 1996.
7
C.E 24 juin 1949 GAJA n°645
6
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
son établissement. Dans la seconde, à la suite d’une altercation à Bordeaux entre un chauffeur
de taxi et trois individus, un gardien de la paix, en poursuivant les agresseurs tua une passante.
Pour les agents permanents de l’administration victimes d’un accident au cours de leurs
services, le principe de responsabilité sans faute fut très tôt reconnu (CE 21 JUIN 1895,
CAMES). Cette jurisprudence a cependant perdu de son intérêt du fait du développement de la
législation en matière de droit de la fonction publique et du droit du travail .La jurisprudence
« CAMES » a trouvé une application inattendue à l’égard des collaborateurs non permanents
ou occasionnels de l’administration lesquels ayant prêté bénévolement leur concours, ne
peuvent pas supporter sans contrepartie les dommages qui pourraient en résulter. Mais la
8
C.E 3 février 1956 Thouzellier
9
Salif YONABA, La pratique du contentieux administratif en droit burkinabé : de l’indépendance à nos jours,
Imprimerie les Presses Africaines, 2é édition janvier 2008 p. 273-275
7
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
La jurisprudence définit le travail public, comme étant un travail immobilier effectué soit
pour une personne publique à des fins d’intérêt général 10, soit par une personne dans le cadre
d’une mission de service public, sur des biens appartenant à des particuliers 11. Le travail
public obéit au même régime juridique que l’ouvrage public ; l’ouvrage public étant défini
comme un travail public achevé. Ce régime de responsabilité est considéré comme un régime
qui trouve sa base dans les risques que le travail public fait courir aux particuliers par rapport
aux avantages que ces derniers peuvent en tirer. Lorsque la victime se trouve dans la situation
de tiers par rapport à l’ouvrage public, il s’agira d’un régime de responsabilité sans faute,
mais lorsqu’elle est dans la position d’usager par rapport à l’ouvrage public, il s’agira d’un
régime de responsabilité pour faute. Le tiers est celui qui ne participe pas à l’exécution du
travail public ou au fonctionnement de l’ouvrage public. C’est celui qui n’utilise pas cet
ouvrage public ou n’en tire pas profit. Dans ce cas, il lui suffit d’établir la preuve du lien de
causalité entre le travail public ou l’ouvrage public incriminé et le dommage invoqué. Par
contre, l’usager est celui qui use ou qui tire profit d’un ouvrage public ou d’un travail public
et en cas de dommage la responsabilité a pour fondement la faute présumée ou admise. Il
s’agira donc d’un régime de responsabilité pour faute.
En ce qui concerne la rupture de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, l’idée
est que les particuliers tirent profit des activités de l’administration et ils doivent donc en
contrepartie, en supporter les inconvénients, mais lorsque les inconvénients dépassent un
certain seuil de gravité pour un particulier, il y a rupture de l’égalité des citoyens devant les
charges publiques. Dès lors l’administration doit réparer au moins en partie le dommage
qu’elle a causé à l’administré. Trois(3) situations peuvent être distinguées qui ne présentent
pas de risques ou de dangers en elles-mêmes mais qui peuvent causer des dommages ouvrant,
dans certains cas, droit à réparation aux victimes :
10
CE 10 juin 1921 commune de Monségur.
11
TC 28 mars 1955 Effimief
8
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
Ces principes, valables pour les lois, furent étendus aux conventions internationales (CE
« Compagnie générale d'énergie radio électrique » 30 mars 1966): il faudra donc que la
12
CE 3 juin 1938, société cartonnerie saint Charles ; CE 28 octobre 1949, société ateliers cap Janet ; CE 4
octobre 1978 Braut.
13
CE « Coopérative agricole Ax'ion » 2 novembre 2005
9
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
Les travaux publics étant exécutés dans l’intérêt général, si les préjudices qui en résultent
présentent un caractère de spécialité et d’anormalité, la responsabilité de l’auteur des travaux
est engagée pour rupture de l’égalité devant les charges publiques. La victime est alors
indemnisée sans avoir à prouver que le dommage a été causé par une faute. Cette hypothèse
de responsabilité sans faute a été reconnue pour la première fois dans l’arrêt Commune de
Vic-Fezensac en 1931. Les dommages permanents de travaux publics ont ensuite donné lieu à
une abondante jurisprudence. Ainsi, le Conseil d’état relevé deux types de dommages pouvant
résulter de la construction d’un ouvrage public : le trouble de jouissance (un voisin ne peut
profiter normalement de sa propriété) et la dépréciation de la valeur de la propriété (la
construction d’un ouvrage bruyant et/ou polluant et/ou inesthétique peut faire chuter la valeur
des propriétés ou des immeubles voisins).
De même, le juge retient le dommage permanent de travaux publics lorsque des travaux
occasionnent une gêne, un trouble dans l’activité des commerçants voisins. Ainsi, un
cordonnier a été indemnisé pour perte substantielle de recette occasionnée pendant près de
deux ans par des travaux de voirie (CE, 6 mars 1970, Ville de Paris)14.
Qu’elle soit engagée pour faute ou sans faute, la responsabilité administrative exige la
réunion de quatre éléments suivants, dégagés par la Chambre administrative de la Cour
suprême dans un arrêt du 25 mars 1977 ; il faut : que le préjudice soit certain ; qu’il existe un
élément considéré comme la source du préjudice ; qu’il existe un lien de causalité et le
préjudice ; que le fait, source du préjudice soit imputable à la puissance publique15.
14
Philippe FOILLARD, Droit administratif, Edition Paradigme, 14é édition 2009.
15
Nia Gustave MILLOGO, Cours de contentieux administratif, école nationale d’administration et de
magistrature (ENAM), Cycle A 2014
16
Salif YONABA, La pratique du contentieux administratif en droit burkinabé : de l’indépendance à nos jours,
Imprimerie les Presses Africaines, 2é édition janvier 2008 p. 273-275
10
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
Le législateur français est intervenu pour rétablir l'égalité devant les charges publiques.
Nous ne saurons pas énumérer tous les cas où le législateur français intervient pour
réglementer une de responsabilité sans faute ; en voici quelques-uns notamment :
Le risque professionnel
Il faut évoquer un régime particulier de responsabilité pour risque établi par la loi : celui
de la réparation des dommages causés par des rassemblements ou attroupements dangereux.
Apres avoir pesé sur les commune, cette responsabilité incombe à l’Etat depuis la loi du 7
janvier 1983 (son contentieux a été transféré à la juridiction administrative par la loi du 9
janvier 1986). Concrètement, il s’agit de faire assumer par la collectivité les dommages causés
par des attroupements ou des rassemblements. La jurisprudence apprécie de façon stricte la
notion d’attroupement17. C’est de sa concrétisation dans une affaire que dépend l’application
de ce régime de responsabilité. Cette responsabilité se caractérise par son champ d’application
particulièrement large18 : peu importe que le dommage ait été causé par les manifestants ou
par les forces de l’ordre19, peu importe que les victimes aient été ou non étrangère à la
manifestation, enfin peu importe la nature du dommage. Le CE estime en effet que la loi
n’énonce « aucune restriction quant à la nature des dommages indemnisables20».
17
La notion de rassemblement en matière de responsabilité de l'Etat du fait des attroupements, disponible sur
www. FallaitPasFaireDuDroit.fr
18
Philippe FOILLARD, Droit administratif, Edition Paradigme, 14é édition 2009.
19
TC, 2 juin 1945, Epoux Cuvillier, Rec. p.276
20
CE, avis 6 avril 1990, Sté Cofiroute et SNCF
11
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
Les seules restrictions tiennent à la nature des actes commis par les manifestants à leur
lien avec les dommages. La responsabilité de l’Etat ne peut être engagée que si les dommages
sont la conséquence directe et certaine d’actes de violence graves, constitutifs de crimes ou de
délits commis par des rassemblements ou attroupements précisément identifiés.
La loi française, en cette matière prévoit la réparation intégrale des préjudices matériel et
moral causés par la détention. L'indemnisation est allouée par le premier président de la cour
d'appel dans le ressort de laquelle a été prononcée la décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement. L'appel est possible devant une commission nationale d'indemnisation placée
auprès de la Cour de cassation.
12
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
C'est une jurisprudence spécifique à la garde d'un mineur, que l'on peut aisément
associer aux activités dangereuses. En effet, on a là un régime de responsabilité pour risque
inspiré de la responsabilité civile du fait d'autrui lorsque le gardien n'est pas une personne
privée mais une personne publique.
La notion de garde est posée par l’article 1384 du Code civil. Elle signifie que les
personnes, assumant la garde de mineurs, tels que les parents sont responsables des actes
dommageables de ceux-ci. Le 29 mars 1991, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a,
par l’arrêt Blieck, posé un principe général selon lequel les dommages causés par un mineur
placé par le juge des enfants dans un établissement privé engagent la responsabilité de ce
dernier sur la base de la garde. Ces principes valent que le mineur relève du régime de
l’assistance éducative ou de celui de l’enfance délinquante. Cette position du juge judiciaire
s’inspirait directement de la jurisprudence administrative en matière de risque spécial de
dommage. C’est par un mouvement inverse que le Conseil d’Etat a transposé en droit
administratif la notion civiliste de garde.
21
Claire LANDAIS, Frédéric LENICA, une responsabilité sans faute fondée sur la notion de garde, AJDA 2005
p.663
13
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
On retrouve la même solution mot pour mot étendue aux mineurs délinquants:
responsabilité de l'association qui en a la garde des dommages qu'ils causent à des tiers sans
faute (CE « MAIF » 1er février 2006) ; mais l'arrêt précise que cela ne fait pas obstacle à ce
que soit recherchée parallèlement la responsabilité de l'Etat à raison du risque créé par la mise
en œuvre d'une des mesures de liberté surveillée prévue par l'ordonnance de 1945. Ce cumul
de responsabilité présente plusieurs inconvénients dans la mesure où, l'Etat étant plus
solvable, c'est la jurisprudence Thouzellier qui sera la plus invoquée; jurisprudence pour
risques exceptionnels qui ne se justifie plus forcément et qui, si on prend en compte le fait que
le gardien du mineur délinquant reçoit une rémunération de l'Etat comprenant le cout des
cotisations d'assurances pour les dommages causés, revient à faire payer l'Etat deux fois.
L’arrêt Lauze de 2008 précise sur deux points la jurisprudence de 2005 : d’abord sur la
notion de garde, ensuite sur la nature du préjudice. Un arrêt rendu l’année suivante étend le
champ d’application de ce régime s’agissant des victimes.
Dans cette affaire, le jeune Lauze a été agressé par un mineur dont la garde avait été
confiée, sur la base de la législation en matière d’assistance éducative, au foyer d’action
éducative de Nîmes, établissement relevant de l’Etat. La particularité de cette affaire est que
l’agression a eu lieu non dans ce foyer, mais dans le lycée agricole de Rodilhan. La question
posée est donc de savoir si l’établissement assumant la garde de ce mineur est responsable,
même lorsque le dommage a été causé alors que le mineur était sous la responsabilité du lycée
et que le foyer d’action éducative n’en assumait pas la garde matérielle. Pour le ministre de la
justice, en pareille hypothèse, l’Etat ne saurait voir sa responsabilité engagée. Cette position
n’est, cependant, pas celle qui est, conformément aux conclusions du commissaire du
Gouvernement, retenue par le Conseil d’ Etat. En effet, ce dernier adopte une conception
extensive de la garde : ainsi, ce régime de responsabilité s’applique même si le mineur n’était
pas, au moment de la réalisation du dommage, sous la garde effective et matérielle de
l’établissement. En conséquence, la garde n’est forcément effective et matérielle ; elle doit
seulement être théorique, abstraite et juridique. Ce faisant, la Haute juridiction reprend à son
compte la conception civiliste de la garde s’appliquant aux parents : en effet, ces derniers sont
responsables des actes de leurs enfants même si au moment des faits, ils n’en assuraient pas la
surveillance matérielle. La seule possibilité pour l’Etat de se désister d’une partie de sa
responsabilité consisterait à se retourner contre un tiers qui aurait concouru au dommage ou
aurait manqué à ses obligations.
22
Les prolongements de la jurisprudence GIE Axa courtage (CE, 17/12/2008, Mr. Lauze), disponible sur www.
FallaitPasFaireDuDroit.fr
14
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
Cette affaire (CE, 13/11/2009, Ministre de la justice c/ Association tutélaire des inadaptés)
met en cause trois mineurs et un majeur. Les trois mineurs ont été placés en septembre 2005
au foyer d’action éducative de Niort sur la base de l’ordonnance relative à l’enfance
délinquante. Le majeur fait lui l’objet d’une mesure de protection judiciaire « jeune majeur ».
Les premiers ont, ainsi, agressé le jeune majeur. La particularité de cette affaire est donc que
tant les auteurs du dommage que la victime sont usagers du service public de la justice. Or, en
principe, la victime usager d’un service public relève normalement d’un régime de
responsabilité pour faute, dans la mesure où elle tire un bénéfice personnel du service. C’est
en tout cas la position défendu par le ministre de la justice pour justifier l’inapplicabilité de la
jurisprudence GIE Axa courtage. Une nouvelle fois, le Conseil d’Etat adopte une position très
favorable aux victimes.
La Haute juridiction pose le principe selon lequel la jurisprudence GIE Axa courtage est
applicable quelle que soit le statut de la victime : en d’autres termes, le régime de
responsabilité fondé sur la garde s’applique tant aux tiers par rapport au service public qu’aux
usagers. Cette position est confortée par deux arguments. Le premier implique de dire que
lorsque la victime du dommage est elle-même usager de la protection judiciaire de la jeunesse
; elle se trouve donc, tout comme les auteurs de l’agression, dans un état de vulnérabilité.
Imposer, en conséquence, un régime de responsabilité pour faute pourrait, alors, paraitre
choquant. De plus, la Cour de cassation a jugé que le régime basé sur la garde était applicable
à toutes les victimes, que ces dernières soient usagers ou tiers par rapport au service (C. Cass.,
20/01/2000, Topique). C’est cette position que prend le juge administratif, ce qui permet une
unification des régimes applicables devant les deux ordres de juridiction. En d’autres termes,
ce qui compte est le statut de l’auteur de dommage et non celui de la victime. Ainsi, que celle-
15
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
ci soit tiers ou usager par rapport au service, le régime de responsabilité fondé sur la garde
trouve à s’appliquer.
L’extension trop poussée de cette notion a conduit à la remise en cause des cas
traditionnels de responsabilité sans faute.
L’arrêt GIE Axa Courtage, s'inspirant de la notion civiliste de garde, le Conseil d'État
a admis que la responsabilité de l'État pouvait être engagée même sans faute pour les
dommages causés par le mineur placé. Comme l'arrêt le précise expressément, il s'agit d'une
hypothèse de responsabilité sans faute. Et ce cas de figure ne s'insère guère dans la logique
classique de la responsabilité pour risque. Le commissaire du gouvernement Christophe
DEVYS, dans ses conclusions, soulignait en effet que la solution qu'il prône, et qui semble
avoir été entièrement reprise par la Section, « relève de la responsabilité pour risque ». Mais il
ajoute immédiatement que s'il s'agit « d'une responsabilité pour risque » elle est « d'une nature
différente de celles que vous retenez jusqu'ici » car « il n'y a plus de risque créé, mais
23
Fabrice MELLERAY, les arrêts GIE Axa Courtage et Gardedieu remettent-ils en cause les cadres
traditionnels de la responsabilité des personnes publiques ? Mélanges JEGOUZO 2009, p. 489
16
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
simplement un risque assumé, inhérent à la mission de garde dont est chargée l'administration
». Est-il toutefois possible de relever d'une même catégorie et d'être d'une nature différente ?
Cela paraît, sauf à diluer ladite catégorie et à lui faire perdre une grande partie de sa valeur.
Mesure-t-on d'ailleurs toutes les conséquences d'une telle évolution ? En effet, « plus qu'à une
extension, elle aboutirait à une dénaturation complète de la théorie du risque en droit
administratif… »
Selon l’arrêt Gardedieu, la responsabilité de l'État du fait des lois comprend donc
désormais, comme l'énonce le considérant de principe de cette décision, deux branches
complémentaires.
En toute hypothèse, qu'elle soit sui generis pour certains ou hybride pour d'autres, la
solution de l’arret Gardedieu peut sembler inclassable dans les cadres traditionnels de la
responsabilité des personnes publiques.
17
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
À rebours des développements qui précèdent, il a été soutenu que tant la responsabilité
du gardien que celle de l'État du fait des lois inconventionnelles peuvent l'une comme l'autre
s'insérer dans les catégories classiques.
La responsabilité du gardien
Nombre d'auteurs semblent avoir opté pour la première solution, affirmant que la
solution de l'arrêt de 2005 instaure une nouvelle hypothèse de responsabilité pour risque. Il a
également été soutenu que la faute est le « véritable fondement de la responsabilité du gardien
». Cette affirmation se heurte toutefois à la lettre même de l'arrêt GIE Axa Courtage qui
précise que la responsabilité du gardien est engagée « même sans faute ». Cette solution
repose clairement sur l'assimilation de la garde aux hypothèses classiques de responsabilité
sans faute puisqu'en matière de responsabilité pour faute il existe deux autres cas
d'exonération (le fait du tiers et le cas fortuit). Reste tout de même, élément en faveur de
l'assimilation entre la garde et la responsabilité pour faute, que tout préjudice semble
indemnisable alors qu'en matière de responsabilité pour risque ou pour rupture de l'égalité
devant les charges publiques la victime ne peut en principe être indemnisée que d'un préjudice
anormal et spécial. Et, si l'on suit la célèbre démonstration de Paul Amselek qui considère que
ce qui caractérise la responsabilité sans faute est l'anormalité du dommage, force est de
reconnaître que l'arrêt GIE Axa Courtage ne semble pas s'insérer dans cette logique. Mais il
ne s'inscrit pas davantage dans celle de la responsabilité pour faute caractérisée, toujours selon
Paul Amselek, par l'anormalité du fait générateur.
Ne reste alors que la rupture d'égalité devant les charges publiques. L'auteur, reprenant
la dichotomie forgée par Charles Eisenmann et opposant le fondement immédiat (ou
condition) de la responsabilité à son fondement médiat, affirme que la garde est certes un
fondement immédiat original de la responsabilité sans faute des personnes publiques mais
n'en constitue nullement un fondement autonome dans la mesure où elle peut être, en tant que
fondement médiat, subsumée par le principe d'égalité devant les charges publiques qui est la
clef d'explication de la responsabilité sans faute dans son ensemble. Car il est un peu rapide
de soutenir « que les dommages causés par des mineurs placés auprès d'un organisme public
par une mesure d'assistance éducative sont toujours des dommages anormaux ».
La jurisprudence GIE Axa Courtage semble ainsi avoir un régime juridique hybride
irréductible aux catégories traditionnelles. Sans doute cela s'explique-t-il par les conditions de
sa naissance. Le juge administratif, souhaitant fort légitimement harmoniser sa jurisprudence
avec celle de la Cour de cassation, a été amené à emprunter au droit civil une construction qui
lui était propre. Et ce « corps étranger » n'était que partiellement assimilable par les cadres
18
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
Ne reste alors, sauf à plaider en faveur d'une solution sui generis ou à estimer qu'il
s'agit de l'avènement d'une nouvelle branche de la responsabilité sans faute, que la
responsabilité pour faute. Et, même si le Conseil d'État a soigneusement évité le mot « faute
», il semble qu'il s'agit véritablement d'une responsabilité pour faute qui ne dit pas son nom,
mieux encore qui ne veut pas dire son nom. Certes, on peut comprendre les ressorts «
politiques » de cette prudence, ultime vestige de la souveraineté parlementaire et de feu la
séparation des pouvoirs, et ce d'autant plus que le Conseil d'État était libre, du point de vue du
droit européen, de qualifier ou non le comportement du législateur de fautif.
René Chapus a, comme toujours, tout dit en peu de mots lorsqu'il écrit que « depuis le
revirement jurisprudentiel marqué par l'arrêt Nicolo de 1989, le juge peut [...] apprécier une
loi (ou l'absence de loi adéquate) comme incompatible avec les normes du droit international
et, notamment, du droit communautaire européen [...] Or apprécier une loi comme n'étant pas
compatible avec une norme qui lui est supérieure (et qu'elle devrait respecter), c'est en faire
ressortir l'irrégularité. En d'autres termes, c'est reconnaître que le législateur a commis une
faute. C'est ainsi que, dans l'hypothèse ici considérée, la consécration de la responsabilité de
l'État pour faute du législateur est concevable ».
Le régime issu de l'arrêt Gardedieu ressemble de surcroît à s'y méprendre à celui d'une
responsabilité pour faute : le juge doit établir que le législateur a violé une norme supérieure ;
il indemnisera tous les préjudices causés par cette inconventionnalité. Cette responsabilité
n'est pas d'ordre public. Le seul élément original de la responsabilité de l'État pour
19
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
inconventionnalité d'une loi est dès lors qu'elle forme une cause juridique particulière avec la
jurisprudence La Fleurette.
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LES OUVRAGES
20
Travaux de groupe séminaire droit administratif : la responsabilité sans faute des personnes
publiques. Master II Droit public fondamental UO2, 2014-2015. Enseignant : Pr Paul KIEMDE
LES ARTICLES
Claire LANDAIS, Frédéric LENICA, une responsabilité sans faute fondée sur la
notion de garde, AJDA 2005 p.663
Claire LANDAIS, Frédéric LENICA, la responsabilité sans faute du gardien public
d’un mineur délinquant, AJDA 2006 p.586
Denys de BECHILLON, la responsabilité de fait des attroupements et
rassemblements : conditions, Recueil Dalloz 2002 p. 527
Fabrice MELLERAY, les arrêts GIE Axa Courtage et Gardedieu remettent-ils en
cause les cadres traditionnels de la responsabilité des personnes publiques ?
Mélanges JEGOUZO 2009, p. 489
MEMOIRE ET COURS
SITE INTERNET
www.dalloz-etudiant.fr
www.FallaitPasFaireDuDroit.fr
www.e-monsite.com
21