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I.

LA SPECIFICITE ORGANIQUE

La spécificité organique des autorités de régulation économique est d’être des


autorités administratives indépendantes qui ne sont soumises ni au pouvoir
hiérarchique ni à la tutelle des ministres ou de leurs subordonnés mais aussi au
fait qu’elles interviennent dans des domaines d’importance considérable pour
l’économie (B). Cependant, le statut de ces autorités de régulation n’échappe pas
aux voies de la légitimité démocratique, déterminées par la Constitution(B).

A. LE CADRE STATUTAIRE

D’abord cette spécificité est textuelle. En effet l’article premier de


la loi sur l’ARCOP (Autorité de Régulation de la Commande Publique) fait de
cette autorité de régulation une autorité administrative indépendante. Ce qui
constitue de notre point de vue une dérogation de l’article 61 de la constitution
du 2 juin 1991 qui met l’administration à la disposition du gouvernement.
Pour leur permettre d’assurer avec impartialité et efficacité leurs missions, la loi
confère à ces autorités une indépendance vis-à-vis du pouvoir politique mais
aussi des acteurs privés. Elles ne peuvent recevoir des instructions ni des ordres.
Il ne peut s’exercer sur elles aucun pouvoir hiérarchique ou de tutelle malgré le
fait qu’elles sont pour la plupart rattachées aux plus hautes institutions de l’Etat
(présidence, premier ministère).

Ensuite l’attribution de la personnalité morale à certaines autorités


de régulation (AMF, HADOPI, ARAF) constitue, indéniablement, un degré
supplémentaire dans l’autonomie reconnue aux autorités de régulation. A ce titre
elles bénéficient d’une autonomie budgétaire et ont la qualité d’ordonnateurs de
dépenses. Aussi certaines autorités de régulation économique bénéficient d’une
affectation de ressources propres (financement par taxes affectées : AMF,
ARCEP en France, recettes pout services rendus). Tous ces éléments participent
à garantir leur indépendance. La spécificité organique des autorités de régulation
est la plus remarquable. Il est bien connu que ces institutions sont à la fois des
autorités administratives et des autorités indépendantes, c’est-à-dire des autorités
qui exercent un pouvoir de décision de manière
autonome. En tant qu’autorités administratives, elles échappent donc à l’emprise
du pouvoir hiérarchique qui unifie l’appareil administratif sous la responsabilité
du
gouvernement. Le législateur a souhaité parfaire cette indépendance en
accordant à
certaines d’entre elles, qualifiées d’autorités publiques indépendantes, la
personnalité
morale. Cette attribution n’est pas cependant pas générale. Pourvues ou non de
la personnalité juridique, les autorités de régulation bénéficient d’une
indépendance qui demeure une singularité au regard de la séparation des
pouvoirs.
Plus que l’attribution de la personnalité morale, c’est l’autonomie budgétaire qui
apparaît révélatrice du lien entre les autorités de régulation et l’institution
étatique
Constituées par le législateur autour d’un domaine de compétence précis,
requérant des connaissances techniques et spécialisées, les autorités de
régulation assurent une mission qui est celle de procéder à l’organisation d’un
marché qui ne parvient au meilleur de son fonctionnement
qu’à travers un cadre institutionnel et réglementaire. Ainsi, la compétence des
autorités de régulation n’est pas générale, elle est toujours définie dans un
domaine particulier de l’économie (la concurrence, les marchés publics, les
télécommunications...)

Les autorités de régulation sont sans doute « indépendantes » à l’égard du


pouvoir politique ; mais de l’État, elles ne le sont nullement. Elles sont encore
dans l’État ; qu’elles aient ou non la personnalité, elles exercent un pouvoir
d’État. De même l’internationalisation de la régulation a exercé a exercé une
influence considérable sur le statut de ces dernières.

B. LA FRAGILISATION DE CE CADRE

Les autorités de régulation sont à la fois des experts et des gendarmes. Or la


singularité de leur statut semble aujourd’hui fragilisée.
Le gouvernement est historiquement la première autorité de régulation. S’il
n’apparaît plus comme l’organe principal de cette fonction, il demeure du moins
une autorité essentielle
Ses pouvoirs sont de deux ordres : ils interviennent dans la constitution de
l’autorité puis dans l’accomplissement de la fonction de régulation.

Dans la constitution de l’autorité, le pouvoir gouvernemental est essentiellement


un pouvoir de nomination. Certes, ce pouvoir est largement partagé avec
d’autres autorités étatiques ou des organes des secteurs professionnels
concernés; mais il demeure important.
Ainsi en France, qu’il s’agisse du collège ou de la Commission des sanctions des
différentes autorités de régulation (AMF, ACP, de l’ARAF,ARCEP…) le
pouvoir exécutif possède une prérogative importante dans la désignation des
membres.
L’autonomie de gestion des autorités ne fait pas obstacle, par ailleurs, au
pouvoir de nomination du ministre à l’intérieur même de leurs services : c’est
ainsi, en général, à ce dernier qu’appartient la désignation du responsable des
services de l’autorité et, dans certains cas, l’agrément de ses agents.

Dans l’accomplissement de la fonction de régulation, la loi continue de


reconnaître au gouvernement des pouvoirs importants, même lorsqu’une
instance de régulation a été créée. En réalité, la constitution d’une autorité de
régulation dans un domaine donné ne dessaisit jamais totalement le ministre
responsable. Le pouvoir ministériel et le pouvoir de l’autorité de régulation sont
largement imbriqués, la fonction de régulation étant partagée entre eux.

Ainsi, en France, la nécessité d’une intervention urgente légitime l’action


gouvernementale en cas de carence de l’Autorité des marchés financiers. Ce
pouvoir de substitution d’action, dans des circonstances exceptionnelles, est
exercé par décret, après mise en demeure du ministre chargé de l’économie.

Enfin, c’est le pouvoir du ministre de déférer au juge les décisions des autorités
de régulation qui apparaît comme un élément essentiel de leur intégration
étatique. Ce droit de recours a un rôle crucial car, en cas de divergence entre le
ministre et l’autorité de régulation, il permet au juge de rétablir l’unité de la
volonté de l’État.
La possibilité pour le ministre de déclencher le contrôle de légalité est la
contrepartie de la disparition du pouvoir hiérarchique sur l’autorité de
régulation.
Par ailleurs, l’internationalisation des enjeux de la régulation et l’intégration
européenne, ont, elles aussi, contribué – et contribuent – à remettre en cause le
cadre de ces autorités en les plaçant à l’intersection d’exigences nationales et
internationales.
La spécificité contentieuse des autorités de régulation est également importante.
Ce qui va conduire le juge administratif à rendre des arrêts tendant à préciser
leurs pouvoirs et assurer l’équité.

Ainsi il est bien connu que, depuis l’arrêt d’assemblée Didier du 3 décembre
1999, le Conseil d’État accepte de soumettre les autorités administratives
indépendantes aux exigences de la Convention européenne sur le procès
équitable.
La jurisprudence a progressivement tiré les conséquences de cette application de
l’article 6-146 et le Parlement a été amené, par répercussion, à modifier
largement les statuts des autorités de régulation.
La généralisation du recours de pleine juridiction est une répercussion, dans
l’ordre juridique interne permet de sanctionner la violation des exigences du
respect des droits de la défense et du principe d’impartialité.
La croissance continue des pouvoirs reconnus aux autorités de régulation est
donc accompagnée par une augmentation parallèle des garanties offertes aux
Enfin, sur le plan organique, le cumul des fonctions de poursuites, d’instruction
et de sanction des autorités de régulation a été temporisé et réside désormais
dans la séparation entre le collège de l’autorité de régulation et la commission
des sanctions.
Désormais, les contrôles et enquêtes sont de la compétence des services du
collège aidés le cas échéant par des enquêteurs habilités appartenant à des corps
extérieurs et la décision d’engager des poursuites est prise, sur la base du rapport
établi par le collège de l’autorité.
La Commission des sanctions a seule le pouvoir de prononcer une sanction.

II. LES SPECIFICITES FONCTIONNELLES DES


REGULATEURS ECONOMIQUES
A tout point de vue, si l’on observe concrètement l’ensemble des systèmes de
régulation des relations économiques, l’on se rend compte que les organisations
juridiques régulatrices impliquent des spécificités liées à plusieurs éléments
fondamentaux. En effet, ces spécificités sont la plupart des cas liées à l’exercice
d’un pouvoir d’Etat(A) impliquant ainsi une quête de légitimité(B)

A) L’EXERCICE D’UN POUVOIR D’ETAT

Ce constat provient de la combinaison de la nature administrative et de


l’indépendance assurée aux régulateurs économiques.

Tout d’abord la nature administrative des régulateurs économiques relève de


plusieurs facteurs déterminants.

Le premier facteur est lié au fait que l’organe régulateur aura la charge de faire
respecter ,selon l’expression utilisé par le Professeur Claude
CHAMPAUD « une règle de jeu économique » .Pour ce faire, le pragmatisme
et la souplesse d’intervention paraissent nécessaires .Le rôle essentiel du
régulateur est donc de créer les conditions favorables au développement du
marché. C’est dans ce sens que Jean - Michel HUBERT relève que le
régulateur est a la fois un « catalyseur et le point d’équilibre du mouvement ».

Un autre facteur est celui de d’une l ’exercice d’une délégation régalienne. En


réalité c’est dans la théorie de délégation de pouvoirs publics que l’autorité de
régulation trouvera la source de son autorité. En effet, l’autorité régulatrice
détient dans bien de cas un pouvoir normatif par délégation législative ou
règlementaire. Elle peut donc édicter des normes générales, de nature juridique
et opposables ergaomnes. Dans ce sens et pour reprendre l’idée du Professeur
CHAMPAUD « l’autorité régulatrice ne fait pas qu’appliquer la règle du jeu
définie par la loi, par décret ou par arrêté ministériel. Elle en précise la portée
et l’énoncé de normes additives et interprétatives … » . Ce qui caractérise la
reconnaissance d’un pouvoir normatif au régulateur d’une façon ou d’une autre
même si ce pouvoir n’est pas tout à fait accepté par certains auteurs. C’est le
cas de Jean-Michel HUBERT par exemple d’autant plus qu’il soutient que
réguler ce n’est ni règlementer ni légiférer. Pour lui la régulation est «  une
fonction technique, économique, voire sociale, d’adaptation permanente d’un
secteur d’activité économique… » . Dans tous les cas,
On peut également noter qu’en plus de tous ces pouvoirs et toujours du point
de fonctionnel, le régulateur doit régler des conflits par la négociation ou par
l’arbitrage ce qui suppose une certaine indépendance .Toujours selon Jean-
Michel HUBERT « l’indépendance s’attache au rôle d’arbitre reconnu au
régulateur ». Cette indépendance signifie de façon concrète que le régulateur
ne reçoit pas de directives ou d’instructions dans l’exercice de sa fonction.

Certains auteurs reconnaissent même aux régulateurs un rôle de nature


juridictionnelle (CHAMPAUD par exemple) . En réalité même si certains
organes de régulation n’ont pas forcement le caractère juridictionnel d’autres
par contre réunissent tous les éléments constitutifs permettant de les qualifier
de juridiction(cas de l’ARCEP au Burkina Faso).

On se rend alors compte que la plupart des autorités de régulation ont


effectivement pour objectif la recherche d’un équilibre certain entre les acteurs
économiques. En ce sens on lie donc inévitablement pouvoir
pédagogique ,pouvoir «  règlementaire », pouvoir de juger et pouvoir de
sanction ce qui bouscule les idées reçues de Montesquieu sur la séparation de
pouvoir.

Les régulateurs économiques obéissent à un principe d’efficacité qui soulève


cependant une question de légitimité.

B) DE LA QUETE DE LEGITIMITE

Cette quête de légitimité a trait à la responsabilité et la compétence du


régulateur vis-à-vis des différents acteurs. En effet pour Gérard TIMSIT le
dispositif de régulation doit être complété par des autorités de contrôle et
d’application des règles ; ce qui permettra d’offrir aux différents acteurs les
garanties de neutralité, d’impartialité et de transparence.

Sur ce point Jean-Michel HUBERT dira que cette responsabilité est « 


fonctionnelle  » du moins à l’égard des consommateurs et des opérateurs pour
ce qui concerne les téléphonies mobiles par exemple. Il faut noter que les
acteurs sont donc à la recherche du bon fonctionnement du marché. Chacun
doit y trouver son compte. Les consommateurs mettent donc en avance la
qualité, le meilleur tarif dans le choix de leur opérateur. Quantaux opérateurs,
leur intérêt passe par l’existence d’une concurrence loyale, équitable et
durable. C’est dans ce sens que l’ARCEP essai d’assainir le marché de la
communication à travers des sanctions qu’elle inflige aux différents acteurs.
En réalité la fonction première du régulateur c’est de faire obstacle aux
comportements opportunistes en contraignant toutes les parties à respecter les
engagements initialement établis.

Egalement, les questions de compétences jouent un rôle capital dans recherche


de la légitimité du régulateur. En effet, le régulateur est souvent mieux placé
que les pouvoirs publics pour faire cette distinction. En ce sens, le partage du
pouvoir de décision est une réalité que toutes les parties intéressées ont intérêt
à cerner avec précision. C’est ce qui ressort du document de référence n°2011-
03 issu de la table ronde du 2 et 3 décembre 2010 le Forum International des
Transports qui est intitulé « De meilleures régulations économiques : le rôle du
régulateur ».

L’efficacité du régulateur apparait donc capitale pour pouvoir asseoir sa


légitimité.

Enfin et toujours dans la même logique, l’on note que les autorités de
régulation sont appelées dans certains cas à légitimer des décisions
impopulaires. Ce fut le cas au Royaumes Unis en ce qui concerne la
privatisation des compagnies d’eau (à expliquer).(expliquer aussi le cas de la
France avec l’Union Européenne)

En ce sens, il est évident que les régulateurs doivent jouir d’une légitimité
certaine pour mieux exercer son pouvoir.

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