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Les quasi-contrats sont définis par l’article 1371 comme les faits purement volontaires de
l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un
engagement réciproque des deux parties.
Ils se distinguent des actes juridiques, bilatéraux ou unilatéraux, qui sont des
manifestations de volonté en vue de produire des effets de droit. Cependant, ils se rapprochent du
contrat par leurs effets.
Il y a lieu de les distinguer soigneusement des délits et quasi-délits, même si tous deux
naissent de faits juridiques. En effet, les quasi-contrats naissent de faits licites tandis que les
délits et quasi-délits naissent de faits illicites. Ces derniers postulent toujours un dommage causé
à autrui dont ils se proposent d’assurer la réparation. Avec les quasi-contrats, c’est l’inverse : le
fait qui est au centre des rapports de deux individus, étrangers l’un à l’autre, est non plus un
dommage mais un avantage : le gérant d’affaires dans la gestion d’affaires, le solvens dans la
répétition de l’indu, l’appauvri dans l’enrichissement sans cause ont procuré un avantage1.
Les quasi-contrats traités par le Code civil sont la gestion d’affaires, la répétition de l’indu
et indirectement l’enrichissement sans cause. En conclusion, l’on notera qu’il s’est posé
récemment la question de l’existence d’une catégorie de quasi-contrats innommés.
La gestion d’affaires est le fait pour une personne, le gérant, d’accomplir des actes
d’administration dans l’intérêt d’un tiers, le géré ou maître de l’affaire, sans que ce dernier l’en
ait chargé et en dehors de tout pouvoir légal ou judiciaire. Les engagements pris par le gérant
obligent le tiers qui doit, en outre, si l’initiative est utile ou nécessaire, rembourser au gérant ses
dépenses. Ainsi, on est en présence de la gestion d’affaires lorsqu’une personne, le gérant, qui
n’est pas tenu d’agir en vertu d’un mandat, de la loi ou d’une décision de justice, accomplit
néanmoins un acte dans l’intérêt et pour le compte d’un tiers, le maître de l’affaire. Par ex., une
personne fait des réparations urgentes à l’immeuble d’un voisin qui n’est pas sur les lieux ou paie
les obsèques d’un ami qui décède sans héritier connu.
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La gestion d’affaires, régie par les articles 1372 et suivants du Code civil, est une source
d’obligations pour le maître de l’affaire qui devra indemniser le gérant mais aussi pour celui-ci,
qui en particulier est tenu d’accomplir la gestion en bon père de famille. Les obligations qui
résultent de ce quasi-contrat se rapprochent de celles qui découlent d’un mandat, aussi parle-t-on
de quasi-mandat.
Deux idées fondamentales caractérisent la gestion d’affaires :
- ne pas défavoriser les actes d’altruisme, autrement dit ne pas décourager les bonnes
volontés : en conséquence, le gérant doit au moins être indemnisé ;
- ne pas favoriser l’immixtion dans les affaires d’autrui : c’est ce qui explique que le
gérant peut se prévaloir des règles de la gestion d’affaires seulement si l’acte de
gestion a été utile pour le maître.
Il convient d’étudier succinctement les conditions de la gestion d’affaires puis ses effets.
A- Le gérant d’affaires
Il doit être capable de s’engager par contrat.
Son intervention doit être volontaire et spontanée, c’est-à-dire qu’il agit sans être tenu
d’une obligation préexistante, découlant d’un contrat (mandat), de la loi (par ex. dans le cadre
d’une tutelle) ou d’une décision de justice (par ex. en vertu d’une habilitation d’un époux à
représenter son conjoint lorsque celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté : CPF, art. 302 ).
Il doit avoir l’intention de gérer les affaires d’autrui : s’il croit agir pour son propre
compte, alors qu’involontairement il rend service à un tiers (par exemple, une personne répare un
immeuble en croyant qu’elle en a hérité), ce n’est pas une gestion d’affaires mais il peut dans un
tel cas faire jouer les règles de l’enrichissement sans cause. Dans ce sens, la Cour de cassation
française a décidé dans un arrêt du 25 juin 1919 que l’éditeur qui a exploité des œuvres littéraires
uniquement dans l’intérêt de son commerce personnel et sans volonté de gérer l’affaire d’autrui
ne peut pas invoquer l’action de gestion d’affaires pour se faire allouer par le tiers auquel cette
exploitation a profité une partie des sommes dépensées. C’est dire que la gestion d’affaires
suppose donc de la part du gérant un acte d’altruisme.
B- Le maître de l’affaire
Aucune condition de capacité n’est exigée du maître de l’affaire.
Il ne faut pas qu’il ait donné son accord, sinon on serait en présence du véritable mandat.
Il ne doit pas non plus avoir exprimé son opposition au gérant : en effet, celui qui gère les affaires
d’une autre personne, en dépit de l’opposition de celle-ci, commet une faute ou un délit civil qui
engage sa responsabilité (art. 1382) et ne peut pas de ce fait se prévaloir des règles de la gestion
d’affaires.
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SECTION II : LES EFFETS DE LA GESTION D’AFFAIRES
Les obligations qui naissent peuvent être regroupées en trois catégories.
Le principe de la restitution de l’indu est énoncé dans l’art. 1235, al. 1er : « Tout paiement
suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition », c’est-à-dire à
remboursement.
Le régime du paiement de l’indu est précisé dans les articles 1376 et s. : celui qui a reçu le
paiement (accipiens) est tenu de rembourser la somme perçue à celui qui a payé à tort (solvens) :
c’est une sorte de quasi-prêt.
Le fondement du paiement de l’indu est :
- soit la théorie de la cause : le paiement indu n’a pas de cause et doit être annulé ;
- soit, d’après l’opinion dominante aujourd’hui, plutôt dans la théorie de
l’enrichissement sans cause, dont le paiement de l’indu serait une application soumise
à des règles particulières.
Les conditions et les effets du paiement de l’indu appellent des précisions.
Section I : Les conditions du paiement de l’indu
Le solvens doit prouver que le paiement était indu.
1) Le paiement, au sens juridique, est le plus souvent la remise d’une somme d’argent,
mai il peut s’agir exceptionnellement d’une prestation quelconque.
2) Concernant le caractère indu du paiement, plusieurs cas se présentent.
- Il s’agit d’abord de l’indu objectif : La dette n’existe pas ou n’existe plus (indu
objectif) ou, plus souvent, le solvens a trop payé (indu relatif).
- Il s’agit ensuite de l’indu subjectif : La dette existe mais pas dans les rapports entre le
solvens et l’accipiens : il y a erreur sur la personne du créancier ou du débiteur. Il n’y
a pas d’indu si le solvens s’acquitte volontairement d’une dette naturelle, d’une dette
non encore échue (puisqu’elle existe bien) ou lorsque le paiement avait été fait en vue
d’une libéralité ou d’une transaction (par ex. parce que la dette était douteuse).
3) Le solvens doit-il avoir payé par erreur ?
- Pendant longtemps, la jurisprudence exigeait en principe que le solvens prouve son
erreur. Actuellement, elle distingue deux situations, dont la première a une portée
générale.
Dans tous les cas où celui qui a reçu paiement n’était pas créancier, parce que la dette
n’existait pas ou parce que le solvens était bien débiteur mais d’une autre personne, les articles
1235 et 1376 n’exigent pas d’autre condition que le paiement indu. Pourquoi ? Parce que le droit
au remboursement découle uniquement du caractère indu du paiement : le fondement de
l’obligation de restituer réside dans l’absence de cause du paiement et non dans un vice du
consentement (erreur) du solvens. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation française en a
conclu que le solvens n’a pas à prouver son erreur : dès lors que le paiement était indu, le solvens
« est en droit, sans être tenu à aucune autre preuve, d’en obtenir la restitution ».
- Dans l’hypothèse où l’accipiens était bien créancier, celui qui a payé sans être débiteur
doit prouver son erreur. Cette condition est requise dans ce cas particulier par l’art. 1377
(« Lorsqu’une personne qui, par erreur, se croyait débitrice »).
Justification : si quelqu’un règle une dette en sachant qu’il n’en est pas le débiteur, son
acte s’explique par l’intention d’accorder un prêt au véritable débiteur ou de lui faire
indirectement une donation en payant à sa place. ; de plus, comme de son côté le créancier
attendait le paiement, il a pu l’accepter d’une autre que son débiteur en pensant que le règlement
était effectué pour le compte de celui-ci. Par conséquent, pour exiger la restitution, le solvens doit
démontrer qu’il a payé sans être animé par le souci de gérer l’affaire d’autrui ni par une intention
libérale, c’est-à-dire que c’est bien par erreur qu’il a effectué le paiement.
4) Quelle est l’incidence d’une faute du solvens ?
Lorsque le solvens a commis une faute, notamment parce qu’il a payé sans prendre des
précautions élémentaires, un accipiens qui n’a fait que recevoir ce qu’un tiers lui devait (indu
subjectif), la Cour de cassation lui refuse en principe l’exercice de l’action en répétition.
Toutefois, dans certains cas, elle a admis cette action, mais en permettant à l’accipiens de faire
une demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 1382 (la faute du solvens cause un
dommage à l’accipiens en l’obligeant à restituer) : une compensation s’opère alors entre les deux
créances.
Le Code civil n’a pas prévu de règle à portée générale concernant l’enrichissement sans
cause, en vertu de laquelle celui qui s’est enrichi sans cause ou injustement au détriment d’autrui
serait tenu d’une obligation d’indemnisation. Seules des applications particulières sont envisagées
par le Code civil : par ex. l’art. 555, en cas de construction sur le terrain d’autrui ou sur les art.
1376 à 1381 relatifs au paiement de l’indu.
C’est la Cour de cassation qui a consacré en 1892, dans l’arrêt Julien Patureau contre
Boudier, le principe d’une obligation de restitution en cas d’enrichissement sans cause, en
reconnaissant à l’appauvri le droit d’exercer une action de in rem verso (c’est-à-dire en
restitution) « dérivant d’un principe d’équité qui défend de s’enrichir au détriment d’autrui ».
L’arrêt ajoutait que l’exercice de cette action « n’est soumis à aucune condition déterminée ».
Ultérieurement, la jurisprudence a assujetti cette action à des conditions strictes afin que l’équité
ne soit pas trop souvent facilement utilisée pour écarter les règles de droit et porter atteinte à la
sécurité des contrats.
Après l’examen des conditions de l’enrichissement sans cause, les effets de celui-ci seront
évoqués.
A- L’absence de cause
La cause est tout titre juridique qui justifie le déplacement de valeur : chaque fois
qu’une personne s’est appauvrie en vertu de la loi, d’un acte juridique (vente à vil prix, donation)
ou d’un jugement, elle ne peut pas exercer l’action de in rem verso. Toutefois, si elle s’est
appauvrie en fournissant à l’enrichi des prestations qui excèdent les exigences de la loi, d’un
contrat, d’une décision de justice ou d’un devoir moral, elle a la possibilité d’exercer cette action
(un époux qui est allé au-delà de l’obligation de contribuer aux charges du ménage ; l’enfant qui a
apporté à ses parents une aide et une assistance dépassant les exigences de la piété filiale).
La cause se présume : il appartient donc à l’appauvri de démontrer que l’enrichissement
n’a pas de cause.
Selon la jurisprudence, l’appauvri ne peut pas se prévaloir des règles de l’enrichissement
sans cause, même si son appauvrissement ne résulte pas d’un acte juridique, de la loi ou d’un
jugement, dès lors qu’il a agi :
- à ses risques et périls en vue d’obtenir un avantage personnel ;
- ou a commis une faute d’une certaine gravité (garagiste qui fait d’importants travaux qui
ne lui avaient pas été demandés) ; en revanche, une faute d’imprudence ou une simple négligence
n’empêche pas l’exercice de l’action.
Dans l’exemple des travaux, s’ils ont coûté 10 000 000 FCFA, mais coûteraient
12 000 000 FCFA au jour de la demande et 15 000 000 FCFA au jour du jugement, quelle somme
retenir ? Quant à l’enrichissement s’il a apporté à l’immeuble une plus-value de 7 000 000 FCFA
le jour des travaux, mais de 11 000 000 FCFA au jour de la demande en justice et de 13 000 000
FCFA le jour du jugement, quand se placer pour l’apprécier ? La jurisprudence considère que
pour apprécier l’enrichissement, il faut se placer au jour où l’action est intentée. Par contre, le
principe du nominalisme monétaire interdirait de réévaluer l’appauvrissement, qui doit être
apprécié le jour où il apparaît. Dans l’exemple ci-dessus, l’enrichissement serait de 11 000 000
FCFA et l’appauvrissement de 10 000 000 FCFA : l’indemnité serait donc de 10 000 000 FCFA.