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Introduction

Tous les Etats de langue anglaise ont un héritage juridique et judiciaire commun : la Common
Law. Ce droit est bien entendu administré en langue anglaise, malgré quelques rares
exceptions : le français au Canada, l’afrikaans en Afrique du Sud, l’hébreu en Israël. Il existe
une relation intime entre anglophonie et la Common Law, car tous les concepts et
constructions intellectuelles s’expriment dans cette langue. Pour les Français, la difficulté
commence par la question de la traduction de cette formule. Littéralement, elle signifie « droit
commun ». Mais, comme le relève justement Etienne Picard, dans l’entrée qui lui est
consacrée dans le Dictionnaire de la culture juridique, une telle traduction gommerait
«l’irrécusable spécificité de la notion anglaise et prêterait à de graves confusions ». Il s’avère
donc préférable d’utiliser en français la formule générale anglaise. Mais surgit alors une autre
difficulté : doit-on écrire la « Common Law » ou « le Common Law » ? Dans cette
expression, le mot Law veut dire « droit », de sorte qu’il est possible de ce point de vue de lui
appliquer le genre masculin, qui correspondrait mieux à cet objet.

Le féminin se justifie également, dans la mesure où Common Law vient de l’ancien français
« commune ley », expression qui a donné en français « loi commune ». A cet égard, et à la
suite de l’historien du droit Sir Fred erick Pollock et de Richard A. Cosgrove qui évoquaient
« our Lady, the Common Law », nous exploiterons le féminin dans le présent ouvrage.

L’expression Common Law peut renvoyer à plusieurs significations :v

- C’est d’abord le droit dispensé par les Cours royales siégeant à Westminster lorsque la
Monarchie anglo-normande, puis celle Plantagenêt et Tudor, tente d’unifier le
royaume au moyen du droit. Il s’agit alors d’un droit commun au royaume, par
opposition à la justice rendue par les seigneurs et les barons en province. Ce droit ne
fera que s’étendre à tout le royaume au cours des siècles, car la compétence des
juridictions royales viendra empiéter systématiquement sur celle des juridictions des
seigneurs ;
- En anglais courant, le terme renvoie à l’ensemble des décisions des cours de justice,
c’est-à-dire la jurisprudence par opposition à la loi ou au règlement. La Common Law
s’oppose alors au statute law. Il s’agit du droit élaboré par le parlement. Ce dernier
étant souverain, il est en droit, par ses Actes, de poser des règles qui peuvent modifier

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ou écarter plus ou moins la Common Law. Ces Acts forment ainsi le statue law. La
distinction ne doit néanmoins pas être exagérée, car les deux droits entremêlent
souvent leurs règles d’une façon ou d’une autre ; ou à tout le moins, ils se répondent
constamment l’un à l’autre dans un dialogue qui les constitue l’un et l’autre : nombre
de chartes, de bills proclamés autrefois par le parlement se sont incorporés depuis à la
common law ;
- L’expression peut signifier également le domaine du droit qui se distingue de celui de
l’equity ;
- Le terme peut aussi désigner l’ensemble du système né en Angleterre, il y a à peu près
mille ans, qui s’y applique toujours et qui, depuis lors, s’est répandu selon des
modalités bien diverses dans une grande partie du monde, celle qui correspond à
l’ancien Empire britannique. On oppose alors la Common Law au droit romano-
germanique. On retrouve ainsi la Common Law en Angleterre, au Pays de Galles, en
Irlande, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande, à Hong-Kong,
à Singapour, en Malaisie, en Inde, au Pakistan, dans quelques pays d’Afrique de
l’Ouest et de l’Est et dans quelques pays des Antilles. Bien entendu, dans les domaines
ou s’appliquent des principes communs, il est normal que les juges d’un pays se
réfèrent aux décisions judiciaires des autres juridictions nationales. On doit également
rappeler que le privy Council constitue le tribunal de dernier ressort pour les Antilles,
l’Ile Maurice et le Sri Lanka. Il existe bien des principes généraux de la Common Law
que l’on retrouve dans l’ensemble de ces Etats.

Notre étude s’articulera sur deux parties :

Partie 1 : le droit anglais

Partie 2 : le droit américain

Partie 1 : LE DROIT ANGLAIS

La Grande-Bretagne a possédé dans le passé un empire colonial et considérable et ses


anciennes colonies sont devenues des Etats riches et puissants, ce qui explique que la langue
anglaise soit devenue la langue dominante dans le monde depuis un demi-siècle. Elle a
développé un système juridique fort original par rapport à celui des autres pays
d’Europe, mais ce droit est si lié à la langue anglaise que son rayonnement n’excède guère
les limites des pays de langue anglaise.

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La Grande-Bretagne elle-même est aujourd’hui une puissance économique d’importance
moyenne, à peu près équivalente à celle de la France ou de l’Italie (c’est-à-dire derrière les
Etats-Unis, le Japon, l’Inde, et l’Allemagne) ; sa population est égale à celle de la France ou
de l’Italie.

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord n’est pas régi tout entier par le
droit anglais. Le droit anglais s’applique seulement en Angleterre et dans le Pays de Galles.
En effet, en vertu du traité d’Union de 1707, l’Ecosse a conservé son droit national : c’est
un droit qui a subi l’influence du droit romain avant le XVIIIe siècle, mais qui a été fortement
anglicisé depuis le XVIIIe siècle : c’est aujourd’hui un droit mixte.

Dans cette partie du cours nous verrons :

Chapitre 1 : les fondements du droit anglais

Chapitre 2 : les éléments du droit privé anglais

Chapitre 3 : les éléments du droit public anglais

Chapitre 1 : LES FONDEMENTS DU DROIT ANGLAIS

Contrairement aux droits romanistes, le droit anglais plonge ses racines dans un passé lointain
radicalement différent de celui de l’Europe. Il est en partie l’œuvre de juridictions supérieures
puissantes et prestigieuses. Il est caractérisé par une certaine égalité qui s’est établie entre un
droit écrit, purement législatif, et un droit non écrit, formulé par les juges supérieurs, la
Common Law complétée par l’equity.

Section 1 : HISTOIRE DU DROIT ANGLAIS

L’histoire du droit anglais commence lorsque Guillaume le Conquérant, duc de Normandie,


monte sur le trône du royaume d’Angleterre (1066).

Les grandes étapes de cette histoire sont : l’apparition de la Common Law, puis de l’equity,
les deux révolutions d’Angleterre (1642-1649 et 1688-1689), le triomphe des cours et de la
Common Law, puis la montée de la loi et le déclin corrélatif des cours.

§1- La naissance de la Common Law et de l’equity (1066-1600)

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A- La Common Law
 Les nouveaux rois d’Angleterre confient à des juges itinérants le soin de
trancher certains litiges qui intéressent au premier chef de la paix royale et
autorisent par des writs les plaideurs à saisir ces juges dans le cadre d’actions
en justice spécialisées.
 Ces juges royaux élaborent progressivement une jurisprudence (case Law)
uniforme dans l’ensemble de l’Angleterre (Common Law ou droit commun) et
parviennent à concurrencer efficacement les juridictions existantes qui sont de
caractère local : juridictions populaires (appliquant les coutumes) et juridiction
seigneuriales (appliquant le droit féodal).
 Ce droit jurisprudentiel, où se mêlent inextricablement règles de procédure et
règles de fond, est décrit dans des cours donnés par les praticiens du droit et
rédigés en français normand, les year books, de 1290 à 1536.
 partir de la fin du XVIIIe siècle, la common law tend à se stabiliser, puis à se
rigidifier dans le cadre d’actions en justice très étroites et sous l’effet d’un
respect scrupuleux des règles établies.

B- L’equity
 Comme la Common Law n’apporte plus de solution satisfaisante à certains
litiges, les plaideurs se mettent à saisir le chancelier, confesseur du roi, pour
qu’il statue lui-même en équité au nom du roi.
 Le chancelier, qui a généralement une formation de droit canonique, élabore,
à l’occasion des affaires qui lui sont soumises, des règles nouvelles plus
modernes que celles de la Common Law : la procédure suivie est plus simple
et plus juste et les règles de fond viennent corriger les injustices de la Common
Law.
C- Les crises du XVIIe siècle
Ces crises sont dues à l’évolution progressive de la monarchie anglaise vers la
monarchie absolue et à la volonté du roi d’asseoir son autorité sur l’appareil
judiciaire de son pays.
 Le roi soutient, en premier lieu, les juridictions de l’equity, plus proches de
lui, dans leur rivalité avec les juridictions de common law qui se sont
complètement détachées de lui et sont devenues indépendantes. Le conflit
atteint son paroxysme en 1616 et bien que le compromis imposé alors par

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Jacques 1er soit plutôt favorable aux juridictions d’equity, il donne, en fait, un
coup d’arrêt définitif au développement de l’equity. De fait l’equity devait
demeurer un corps de règles correctrices de la Common Law qui demeure ainsi
le fondement du droit anglais.
 Le roi crée, en second lieu, des juridictions royales nouvelles auxquelles il
réserve les litiges qui présentent le plus d’importance pour lui : les affaires
pénales et les affaires administratives. La plus célèbre d’entre elles fut la
Chambre étoilée (Star Chamber) qui n’était qu’une formation de jugement du
Conseil du roi et qui suivait une procédure inquisitoriale en matière pénale et
une procédure proche de celle des juridictions d’equity en matière
administrative : accusée d’être l’instrument du despotisme du roi et de priver
les sujets anglais des garanties de la Common Law, elle fut abolie sous la
pression du Parlement au cours de la première Révolution d’Angleterre.

§ 2- La période classique (1600-1914)


A- L’affermissement de la Common Law et de l’equity
1- L’indépendance des juges

L’acte d’établissement de 1700 (Act of Settlement) confère aux juges des cours de
Common Law et d’equity un statut très protecteur : ils ne peuvent être révoqués par la
Couronne qu’à la demande conjointe des deux Chambres du Parlement et dans la pratique, il
n’y eut que deux demandes en presque trois siècles.

Les juges jouissent alors d’un très grand prestige social : choisis parmi les meilleurs avocats,
ils sont très bien rémunérés et ont une grande indépendance d’esprit.

2- Le rapprochement de la Common Law et de l’equity


a) Le rapprochement concernait tout d’abord les méthodes : dès le XVIIIe, les juges
d’équité cessent de créer des règles nouvelles et se réfèrent de plus en plus aux
précédents.
b) Le rapprochement concerna ensuite la procédure : des lois de 1832 et 1852 abolirent
le système des actions en justice spécialisées et unifièrent les règles de procédure de
la Common Law. La procédure de Common Law se rapprochait ainsi sensiblement
de celle de l’equity, puisque, dans les deux systèmes de droit, règles de fond et règles
de procédure étaient désormais séparées (au moins en principe).

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c) Le rapprochement concerna enfin la juridiction elles-mêmes : les lois judiciaires de
1873 et 1875 (Judicature Acts) rassemblèrent toutes les juridictions de Common Law
et d’equity en une juridiction unique, la Cour suprême (Suprême Court of
Judicature), et autorisèrent les différentes formations de jugement de celle-ci à
appliquer indifféremment les règles de Common Law et les règles d’equity.
d) La création d’une juridiction unique n’a pas abouti cependant à une fusion complète
des deux systèmes juridiques, mais seulement à leur symbiose.
B- La fonction corrective de la loi
1- La souveraineté de la loi
 A l’issue des deux révolutions anglaises, le Parlement devient l’organe
souverain du Royaume : il n’est même pas tenu de respecter la Constitution
qui, en droit, n’est qu’un ensemble de règles qu’il peut changer à tout instant.
« Il peut tout faire sauf changer un homme en femme. »
 Les lois, œuvre du Parlement, l’emportent sur la Common Law et l’equity
et peuvent donc moderniser celles-ci comme l’avait fait l’equity à l’égard de la
Common Law dans les siècles précédents.
2- La loi, source de droit secondaire
 Bien que le législateur puisse bouleverser la Common Law et l’equity, il se contente
soit de les consolider soit de les corriger, tant est grand leur prestige.
 Le juge lui-même interprète les lois comme ayant pour seul objet d’apporter des
retouches limitées aux solutions antérieures sans remettre en cause les notions
principales ni les règles fondamentales.

§3- Les bouleversements du XXe siècle

A- Le développement du droit écrit


1- La loi
a) Les lois sont devenues beaucoup plus nombreuses. Elles sont intervenues soit dans
les branches traditionnelles du droit, telles que le droit du mariage ou le droit
immobilier ou même le droit de la vente, soit dans les branches nouvelles du droit qui
sont apparues avec le développement de l’Etat de providence.
b) Les lois sont animées d’un esprit nouveau, anti-individualiste, assez différent de celui
de la Common Law, et tendent à développer les pouvoirs du gouvernement et des
diverses collectivités publiques.
2- Les autres sources du droit écrit

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a) Le Parlement délègue fréquemment son pouvoir législatif aux ministres (législation
déléguée).
b) Le Parlement fait entrer dans le droit anglais les traités et les règles communautaires
qui utilisent les catégories juridiques des droits romanistes et qui, en cas de conflit,
l’emportent sur les lois britanniques (European Rights Act 1972) ; en outre, depuis une
loi de 1998 (Human Rights Act 1998), la convention européenne des droits de
l’homme a été incorporée dans le droit britannique et peut même conduire à
l’abrogation d’une loi britannique qui lui serait contraire.
B- La crise de la justice et ses remèdes
1- Les insuffisances des juridictions judiciaires
 La procédure suivie par les cours demeure complexe, coûteuse et souvent lente
malgré quelques réformes encore timides.
 Les règles dégagées par les juridictions dans le cadre de la Common Law et de
l’equity apparaissent de moins en moins adaptées à l’esprit social de la nouvelle
législation et à la nécessité de contrôler plus étroitement l’action des administrations.
2- L’apparition d’institutions rivales
 Dès le début de ce siècle apparaissent les Administrative Tribunals, sortes
d’autorités administratives indépendantes qui sont chargées de résoudre, selon une
procédure simplifiée, de nombreux litiges en droit du travail et en droit
administratif.
 Dans la seconde moitié du XXe siècle apparaissent des ombudsmen, compétents pour
régler les difficultés contentieuses nées du fonctionnement des administrations
ministérielles et locales et du service de la santé.
3- Une réorganisation partielle de la justice
 En 2000, une juridiction spécialisée dans les affaires administratives
(Administrative Court) apparait au sein de la Haute Cour (High Court).
 En 2005, le Chancelier (Lord Chancellor) cesse d’être à la fois le juge le plus élevé, le
président d’une des deux assemblées parlementaires (la Chambre des lords) et un
membre du gouvernement (une sorte de ministre de la justice). Surtout, la formation
de jugement de la Chambre des lords est remplacée par une Cour Suprême qui va
désormais siéger en dehors de Westminster. Cette dernière évolution s’est faite en
partie sous la pression de la Cour européenne des droits de l’homme.
C- La réforme de l’organisation territoriale
1- L’ancienne centralisation

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 Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord comportait depuis 1922
trois espaces juridiques distincts : l’Angleterre et le pays de Galles, qui forment une
unité depuis les statuts d’Edouard 1er (1536 et 1542), l’Ecosse, depuis le traité
d’Union de 1707, et enfin l’Irlande du Nord depuis le traité de 1922 avec la
République d’Irlande. De fait, des lois et des Common Law distinctes régissaient et
régissent encore dans les trois espaces juridiques, du moins dans certaines matières.
 Mais, toutes les parties composantes étaient dirigées par les pouvoirs siégeant à
Londres : le Parlement de Westminster pour la fonction législative, les Secrétaires
d’Etat pour le pays de Galles, l’Ecosse et l’Irlande (du moins depuis 1972) pour la
fonction administrative.
2- Les lois de dévolution de 1998
a) Le pays de Galles a, désormais, une assemblée ayant d’assez faibles compétences
(encore qu’elles aient été augmentées en 2006) et un gouvernement responsable
devant elle pour ses activités administratives, d’ailleurs également restreintes.
b) L’Ecosse a également son propre Parlement et son propre Gouvernement et
ceux-ci ont des compétences assez étendues, non seulement parce que ce pays a
conservé un droit propre, mais aussi parce que celui-ci aspire à une certaine
autonomie dans le domaine culturel, environnemental et même économique.
c) L’Irlande du Nord bénéficie d’un régime législatif et administratif assez
semblable, mais celui-ci a mal fonctionné jusqu’en 2007 en raison de la
persistance des troubles.

Section 2 : LA JUSTICE

L’organisation judiciaire anglaise (et même britannique) présente deux particularités


majeures :

- L’unité de juridiction : personnes privées et organismes administratifs sont soumis


fondamentalement au même juge ;
- L’unité du personnel judiciaire: praticiens et juges ont la même formation, en partie
universitaire, en partie professionnelle ; en effet, les juges ne sont que des praticiens
ayant réussi dans leur profession ;
- La séparation des juridictions inférieures et des juridictions supérieures : seules
les secondes ont une compétence générale et jouissent d’un statut exceptionnel qui
leur assure indépendance et prestige. Toutefois, la réforme de 1900 (Courts and Legal

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Services Act 1990) a eu pour effet d’attribuer une compétence générale à certaines
juridictions inférieures (les County Courts). De plus, sur un plan plus modeste, la
réforme de 2003 (Courts Acts 2003) a confié à une même administration la gestion
matérielle de toutes les juridictions depuis la justice de paix jusqu’à la Cour des
appels.

§ 1- Le personnel judiciaire

A- Les solicitors et les barristers


1- Les solicitors
 Ils sont des juristes généralistes : ils rédigent les actes juridiques, plaident devant les
juridictions inférieures et font les actes de procédure préliminaires devant les
juridictions supérieures. Depuis le Courts and Legal Service Act 1990, ils peuvent
plaider devant les juridictions supérieures, mais, jusqu’à présent, ils usent peu de leur
nouvelle prérogative.
 Ils sont admis à exercer leur profession par la Law Society qui leur dispense un
enseignement professionnel complémentaire de l’enseignement universitaire. Ils sont
environ 100 000.
 Un certain nombre d’entre eux devient membre des juridictions inférieures.
2- Les barristers
 Ils sont des juristes spécialistes : jusqu’en 1994, ils ont eu le monopole de la
rédaction des mémoires ampliatifs (pleadings) et des plaidoiries devant les juridictions
supérieures ; en 1994, ils l’ont perdu en droit, mais en fait, ils continuent de
monopoliser ces fonctions.
 Quatre collèges d’avocats (Inns of Court) et leurs organes communs assurent à la fois
le recrutement, la formation professionnelle et la discipline des barristers. Ils sont
environ 12 000 qui pratiquent ; un dixième d’entre eux obtient le titre envié de
conseiller de la reine (Queen’s Council ou QC).
 C’est parmi les meilleurs d’entre eux que sont recrutés les membres des juridictions
supérieures.
B- Les juges
1- Le faible nombre des juges
 Les juges anglais sont très peu nombreux : ils sont environ 2 000 si l’on ne compte ni
les juges à temps partiel (1 300 recorders), ni les juges de paix qui exercent leurs
fonctions à titre honorifique (30 000).

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 Ils sont peu nombreux parce qu’ils jugent seuls (sauf lorsqu’ils statuent en appel) et
qu’ils sont aidés dans leur tâches par les solicitors et les barristers (procédure dirigée
par les parties) et par de nombreux auxiliaires (les masters et aussi le district judges).
 Ils sont également peu nombreux parce que le coût des procédures et la minutie des
préliminaires conduisent soit la partie adverse à faire défaut (90% des cas), soit l’une
des parties ou les deux à arrêter le procès en cours d’instruction et en tout cas avant
l’audience finale (5% des cas).
2- L’indépendance des juges
 Les juges ne bénéficiaient traditionnellement d’aucun avancement, ce qui leur assurait
une indépendance aussi complète que possible ; depuis la réforme de 1990, ils peuvent
prétendre gravir la hiérarchie judiciaire dans une mesure limitée. Ils sont administrés
par le Chancelier qui est à la tête du département des affaires constitutionnelles depuis
la réforme de 2005. En revanche, la réforme de 2005 prévoit la création d’une
commission indépendante (Judicial Appointements Commission) pour proposer les
nominations de juges au Chancelier.
 Les juges supérieurs ne peuvent être révoqués qu’à la demande des deux chambres
du Parlement. Les juges inférieurs sont en principe nommés à vie et ne sont
révocables par le Chancelier qu’en cas de faute grave. Ils prennent leur retraite à 70
ans.

§ 2- Les juridictions inférieures

A- Les justices de paix


1- Organisation
 Les juges de paix (Justices of the Peace) sont des notables nommés à vie par le
Chancelier. Ils ne sont pas des juristes, mais sont assistés par un secrétaire qui est un
juriste. Ils exercent leurs fonctions à titre honorifique. Ils siègent au moins à deux et
exercent leurs fonctions à temps partiel.
 Dans les grandes agglomérations, ils sont remplacés par des juges de districts
(Districts Judges). Ils sont nommés à vie par la Couronne sur proposition du
Chancelier ; ils doivent avoir été barrister ou solicitor pendant au moins 7 ans. Ils
siègent seuls et sont juges à temps plein. Ils sont environ 300.
 Il y a environ 700 justices de paix (Magistrate’s Courts) et 30 000 juges de paix.
2- Attributions

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 Les compétences civiles sont aujourd’hui très limitées : certains litiges familiaux
(pension alimentaire, garde des enfants, voies d’exécution) ou administratifs.
 Les compétences pénales sont considérables :
- Ils jugent à charge d’appel les infractions les moins graves (petty offences) ainsi
que les infractions commises par les jeunes ; ils ne peuvent condamner à une peine
supérieure à six mois.
- Ils décident de l’accusation des personnes soupçonnées d’avoir commis une
infraction majeure (indictable offences), ce qui entraîne leur renvoi à la Crown
Court.
B- Les Cours de comté
1- Organisation

Créées par une loi de 1846, les cours de comté (County Courts) sont aujourd’hui régies par
une loi de 1984 modifiée en dernier lieu par la loi de 1990 sur les cours et les professions
judiciaires. Elles sont 216. Dans chaque cour de comté, il y a au moins un juge de
circonscription (circuit judge) et un juge de district (district judge).

 Les juges de circonscription (circuit judges) sont appelés ainsi parce qu’ils
rendent la justice dans plusieurs villes d’une même circonscription judiciaire.
Au nombre d’environ 600, ils sont nommés à vie par la Reine sur proposition
du Chancelier parmi les barristers ayant plus de dix ans de pratique
professionnelle, les juges à temps partiel des courts de compté (recorders) et,
depuis la réforme de 1990, parmi de nombreuses personnes (notamment les
solicitors) ayant un certain nombre d’années de pratique. Ils peuvent être
révoqués par le Chancelier pour incapacité ou mauvaise conduite. Ils jugent
seuls.
 Les juges de district (district judges) ont remplacés les juges-greffiers
(registrars) ; contrairement à leurs prédécesseurs, ils ont surtout des fonctions
judiciaires. Leur activité est néanmoins confinée au jugement des affaires de
moindre importance (moins de 5 000 livres) et à une activité mi-conciliatrice
mi-judiciaire dans le cadre de la procédure dite des petites demandes en justice
(small claims procedure). Au nombre d’un peu plus de 400, ils sont nommés
parmi les personnes ayant eu le droit de plaider devant une juridiction
inférieure.

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2- Attributions
Les cours de comté ont des compétences exclusivement civiles.
 Jusqu’à la réforme de 1990, elles étaient des juridictions d’attribution
même si, dans les faits, elles jugeaient déjà 90% des procès civils. Depuis
cette réforme, elles sont devenues des juridictions de droit commun et
seules les affaires d’un montant élevé (50 000 livres ou parfois 30 000
livres) leur échappent (sauf accord des deux parties).
 Depuis la réforme de 1990, la Cour de Comté et la Haute Cour ont des
compétences concurrentes. Mais la loi autorise la High Court à pénaliser
le demandeur qui aurait porté sans justification son affaire devant elle en ne
lui permettant pas de recouvrer la totalité des dépens (qui sont très élevés
en Angleterre).

§ 3- Les juridictions supérieures

La réforme judiciaire de 1873-1875 a fusionné cours de Common Law cours


d’equity et institué deux niveaux, la Haute Cour (High Court) qui statue normalement
en première instance, mais parfois aussi en appel, et la Cour des appels (Court of
Appeal) qui statue exclusivement en appel.

La réforme judiciaire de 1971 a remplacé les juridictions pénales locales auxquelles


participaient les juges de la Haute Cour, par une juridiction pénale unique, la Cour de
la Couronne (Crown Court) : elle est aussi une juridiction supérieure.

Depuis la réforme du 24 mars 2005, ces trois hautes juridictions sont appelées Cours
supérieures d’Angleterre et du pays de Galles (Senior Courts of England and Wales).

A- La Haute Cour
1- Les juges de la Haute Cour
a) Les juges de la Haute Cour, qui sont une centaine, portent le titre de Justices ; choisis
parmi les barristers ou, depuis 1994, parmi les solicitors ayant plus de dix ans
d’ancienneté, ils sont nommés à vie par la Reine sur proposition du Chancelier. Ils
exercent leurs fonctions jusqu’à l’âge de 75 ans et ne peuvent être révoqués qu’à la
demande des deux chambres du Parlement.
b) Les présidents des trois divisions composant la Haute Cour portent respectivement les
titres de vice-Chancelier (Division de la chancellerie), de Lord Chief Justice (Division de

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la Reine) et de Président (Division de la famille). Ils ont le même statut que leurs
collègues à une exception près : ils sont nommés par la Reine sur proposition du Premier
ministre.
2- La compétence de la Haute Cour
a) La Haute Cour a une compétence générale de première instance en matière civile
et administrative. Dans la pratique, seules les affaires sont portées devant elle.
b) La Haute Cour a une compétence d’appel limitée à certaines affaires civiles (jugées
par les juges de paix, en particulier) et certaines affaires pénales (jugées par les juges
de paix et même parfois la Cour de la Couronne).
3- L’organisation de la Haute Cour
a) La compétence de première instance est exercée par la Cour de la chancellerie
(Chancery Court) en matière de propriété immobilière, de trusts et de successions, de
sociétés et de faillite. Elle est exercée par la Division du banc de la Reine (Queen’s
Bench Division) en matière de contrats et de responsabilité ainsi qu’en matière
maritime et commerciale. Au sein de celle-ci, il existe aussi une Cour administrative
réunissant les juges qui se sont spécialisés dans les questions de contrôle juridictionnel
de l’action des administrations publiques.

Elle est exercée par la Division de la famille en matière matrimoniale et d’enfants. De plus,
en 1975, une division de la Haute Cour appelée Tribunal d’appel du travail (Employment
Appeal Tribunal), a été créée ; elle est juge d’appel dans les litiges du travail.

Les juges de la Haute Cour statuent seuls en première instance et peuvent rendre la justice non
seulement à Londres, mais aussi dans l’un des 27 centres judiciaires de l’Angleterre et du
pays des Galles.

a)La compétence d’appel est exercée par deux ou trois juges de la Division du banc de la
Reine ou de la Division de la famille siégeant à Londres.

b) La compétence de révision juridictionnelle des décisions administratives (judicial


review) est exercée collégialement par plusieurs juges de la Cour administrative
(Administrative Court), formation appartenant à la Division du banc de la Reine.

B- La Cour de la Couronne
1- Les juges de la Cour de la Couronne

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 Les juges de la Cour de la Couronne ayant les responsabilités majeures appartiennent à
la Haute Cour ; ils sont au nombre de 12. Les autres juges de la Cour sont soit des
juges de circuit (Circuit judges), soit des juges à temps partiel nommés à vie parmi les
solicitors ou les barristers ayant dix ans d’ancienneté (recorders).
 Dans un certain nombre de cas, les juges de la Cour ne siègent pas seuls et sont
assistés par deux ou quatre juges de paix.
 Dans tous les cas, les juges de la Cour sont assistés par un jury de douze personnes.
2- Les compétences de la Cour de la Couronne
 La Cour de la Couronne a une compétence exclusivement pénale : elle juge les
infractions les plus graves dont la saisissent les juges de paix ; elle est également juge
d’appel vis-à-vis des jugements des juges de paix.
 Les juges de la Couronne sont des juges itinérants : ils rendent la justice dans 90
villes environ, regroupées dans six régions judiciaires.
C- La Cour des appels
1- Les juges de la Cour des appels
 Les juges de la Cour des appels sont au nombre de 37 et portent le titre de Lords
Justices. Ils ont le même statut que les juges de la Haute Cour.
 Le président porte le titre de Master of Rolls ; il préside en fait la Division civile.
2- La Division civile
 Elle statue valablement lorsqu’elle est composée de deux juges ou d’un nombre impair
de juges au moins égal à trois. Chaque juge rédige son opinion à l’appui de la
décision.
 Elle a une compétence générale pour juger les appels dirigés contre les jugements des
Cours de Comté et de la Haute Cour.
3- La Division criminelle
 Elle statue en général avec la composition suivante : un juge de la Cour des appels et
deux juges de la Haute Cour. La présidence est pratiquement assurée par le Président
de la Division du banc de la Reine.
 Elle a une compétence générale pour juger les appels formés contre les jugements de
condamnation (et exceptionnellement d’acquittement) de la Cour de la Couronne.

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§ 4- La Cour suprême du Royaume-Uni

En vertu de la loi de réforme constitutionnelle de 2005, la Chambre des lords perd ses
attributions judiciaires et, en conséquence, n’a plus en son sein de formation de
jugement, ce qui met le droit public britannique plus en harmonie avec le principe de
la séparation des pouvoirs. Elle est remplacée à partir de 2009 par la Cour suprême du
Royaume-Uni qui, comme son nom l’indique, est compétente, comme d’ailleurs la
Chambre des lords précédemment, à l’égard de toutes les juridictions du Royaume-
Uni (Angleterre, Ecosse, Irlande du Nord).

A- La composition
a) La Cour suprême comprend 12 juges appelés juges de la Cour suprême (Justices of
Supreme Court). Pour l’instant, ces 12 juges sont les 12 lords qui étaient membres de
la formation de jugement de la Chambre des lords.
b) Ces juges seront nommés, comme précédemment les lords judiciaires, parmi les
barristers ayant quinze ans d’ancienneté ou parmi les juges des cours supérieures. Ils
seront proposés par une commission indépendante selon une procédure complexe
définie par la loi de 2005.
c) Ils sont nommés à vie ; ils cessent leurs fonctions soit en démissionnant, soit après
constatation de leur maladie ou incapacité.
d) Les formations de jugement sont normalement composées de cinq juges.

B- Les compétences
a) En matière civile et administrative, la Cour suprême connait des appels dirigés non
seulement contre les jugements rendus par les juridictions supérieures d’Angleterre
(en principe, seulement la Court of Appeal, mais aussi exceptionnellement, depuis
1969, la High court), mais encore ceux rendus par les juridictions supérieures
d’Ecosse (Court of Session) et d’Irlande du Nord (Court of Judicature of North
Ireland). Les appels doivent être autorisés par celles-ci et sont très peu nombreux
dans la pratique : l’ancienne formation de jugement de la Chambre des lords rendait
environ 60 jugements par an.
b) En matière pénale, la Cour suprême n’est juge d’appel qu’à l’égard des juridictions
supérieures d’Angleterre et d'Irlande du Nord (et non à l’égard de la juridiction
supérieure d’Ecosse).

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c) En matière constitutionnelle (au sens matériel du mot), la Cour suprême a reçu en
2005 les compétences relatives à la répartition des compétences entre le Royaume-Uni
et ses composantes (Ecosse et Irlande du Nord) ; cette compétence était exercée
précédemment par le Conseil privé de la Reine (organe judiciaire compétent à l’égard
des juridictions supérieures de certains Etats membres du commonwealth).

Section 3 : LES SOURCES DU DROIT

Bien que la loi l’emporte en cas de conflit, la Common Law et l’equity demeurent la
source du droit la plus importante dans la mesure où elles fournissent les catégories
juridiques fondamentales et les principes généraux du droit anglais.

§ 1- La Common Law et l’equity

A- Le rôle créateur de la jurisprudence


1- La règle du précédent
 La règle du précédent est apparue au début du XIXe siècle lorsque le besoin de
sécurité juridique est devenu particulièrement grand et l’apparition d’une véritable
hiérarchie judiciaire et l’amélioration de la publication des principales décisions l’ont
rendue techniquement possible.
 Selon ce principe, t boute règle de droit énoncée dans une décision de justice à
l’occasion d’une affaire semblable doit être considérée comme s’imposant aux
juges de même rang ou de rang inférieur.
 La règle du précédent est apparemment paradoxale : comment le juge peut-il créer
une règle nouvelle puisqu’il doit respecter les règles précédemment dégagées par lui ?
La réponse se trouve dans la définition du précédent et, dans une moindre mesure,
dans l’existence d’une hiérarchie des précédents et la liberté que s’est reconnue la
Chambre des lords (aujourd’hui la Cour suprême) en matière de précédents.
2- La notion de précédent
 La règle posée dans une décision antérieure ne peut lier le juge que si elle se
rapporte à des faits analogues. Il est donc permis au juge d’écarter l’effet obligatoire
de cette règle en déclarant que les faits de l’affaire qui lui est soumise sont différents
de ceux de l’affaire précédemment jugée : c’est le procédé de la « distinction ».
 Même si les faits sont analogues, le juge peut estimer qu’il n’est pas lié par une
règle énoncée dans une décision antérieure, si celle-ci ne constitue pas le motif
déterminant, c’est-à-dire la ratio decidenti. Il en est ainsi en particulier lorsque le motif
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est superflu (obiter dictum), lorsqu’il figure dans une opinion dissidente (dissenting
opinion) ou encore lorsqu’il énonce une règle dont la portée dépasse le cadre de
l’affaire à juger.

3- La hiérarchie des précédents


 Les décisions des juridictions inférieures ne constituent jamais des précédents. Il
en est de même des décisions des juridictions d’Ecosse, d’Irlande du Nord ou de pays
étrangers appartenant à la famille de la Common Law, même si elles ont parfois une
force persuasive.
 Les décisions des juridictions supérieures lient, en principe, non seulement les
juridictions inférieures, mais encore les juridictions supérieures qui sont placées en
dessous d’elles (les juges uniques de la Haute Cour étant considérés à cet égard
comme placés en dessous des formations collégiales de celle-ci) et même celles qui se
trouvent au même rang qu’elles (et elles-mêmes bien entendu).
4- L’exception : La Cour suprême
 Jusqu’en 1966, la Chambre des lords s’estimait liée par ses propres décisions. Depuis
1966, elle ne s’estimait plus liée à ses propres décisions et pouvait donc renverser
non seulement la jurisprudence de toutes les juridictions qui lui étaient subordonnées,
mais encore sa propre jurisprudence. Elle avait donc la possibilité de faire évoluer la
Common Law et l’équité.
 Depuis la réforme de 2005, la Cour suprême remplace la Chambre des lords, mais,
comme elle est composée pour l’instant des anciens juges de la Chambre des lords,
aucun changement n’est à attendre. D’ailleurs l’évolution générale irait plutôt dans le
sens d’un certain assouplissement de la règle du précédent.
B- Les rapports de la Common Law et de l’équité
1- Les règles procédurales
 Toutes les juridictions autres que la Division de la chancellerie (Haute Cour) suivent
une procédure encore dominées par les principes de la Common Law, notamment
la direction du procès des parties (procédure accusatoire, même en matière pénale) et
le caractère oral, contradictoire et public de la procédure, y compris de
l’administration des preuves.
 La Division de la chancellerie continue encore de suivre une procédure conforme
aux principes de l’equity, caractérisée par le pouvoir du juge de prendre

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exceptionnellement des initiatives dans la conduite du procès (procédure semi-
inquisitoriale) et par la plus grande importance accordée aux pièces écrites (procédure
semi- écrite).
2- Les règles substantielles
 La Common Law et l’equity n’ont pas de domaine propre : même le trust est une
matière régie en partie par la Common Law et en partie par l’equity.
 En réalité, l’equity complète et corrige la common law sur certains points : par
exemple, les vices du consentement sanctionnés par l’equity s’ajoutent aux cas de
nullité des contrats résultant de la common law.
 Enfin, toutes les juridictions anglais peuvent désormais exercer les pouvoirs de
décision que s’était reconnus autrefois le juge de l’equity : en particulier, elles peuvent
adresser discrétionnairement aux défendeurs des injonctions de faire ou de ne pas
faire.

§ 2- La loi

A- La loi, œuvre du Parlement


1- La souveraineté de la loi
1. Le Parlement britannique est souverain depuis les révolutions anglaises du XVIIe
siècle : ses actes, ses lois, sont au sommet de la hiérarchie des règles de droit.
2. Il n’y a donc pas de distinction formelle entre la loi constitutionnelle et la loi
ordinaire : de ce fait, le contrôle de la conformité des lois à des règles
constitutionnelles, écrites ou non écrites, ne se pose pas. La Grande-Bretagne est à cet
égard l’un des rares pays occidentaux à ne pas pratiquer le contrôle de la
constitutionnalité des lois.
3. Il n’y a pas non plus, de distinction formelle entre le traité international et la loi :
de ce fait, la loi de 1972 introduisant les traités institutifs des Communautés
européennes dans le droit britannique se contente de déclarer que le droit
communautaire présent et à venir s’applique immédiatement sur le territoire
britannique et qu’il est réputé l’emporter sur une règle nationale contraire, mais cette
loi est une loi ordinaire qui peut être à tout instant contredite formellement par une loi
ultérieure. La même remarque vaut pour la Convention européenne des droits de
l’homme : la loi de 1998 a imposé au juge l’obligation d’appliquer les règles de la
convention. Cependant, elle ne l’a pas autorisé à écarter l’application d’une loi qui lui
serait directement contraire, mais seulement à en constater la contrariété, constatation
18
qui permet ensuite au ministre compétent de déclarer inapplicable la loi britannique ou
anglaise en question.
2- Le caractère technique de la loi
1. La loi conserve sa fonction corrective du droit en vigueur : au moins dans les
branches traditionnelles du droit, le législateur ne cherche pas à élaborer un système
de normes, à la fois complet et rationnel, qui se suffise par lui-même et remplace le
système antérieur.
2. La rédaction de la loi est méticuleuse : les définitions préliminaires sont
nombreuses ; les conditions d’application de chaque règle sont définies avec minutie,
les conséquences attachées à chaque cas sont également déterminées avec un grand
luxe de précisions.
3. La structure de la loi est complexe : les sanctions sont assez longues et comportent
de nombreux renvois ; le texte de la loi comporte d’importantes annexes également
subdivisées en sections.
3- Les différentes sortes de lois
 Du fait que l’Ecosse a conservé une partie de son droit traditionnel et que l’Irlande est
régie par une législation qui lui est propre, le Parlement de Westminster est parfois
amené à adopter pour une même question trois lois : l’une pour l’Angleterre et le
pays de Galles, l’autre pour l’Ecosse et une troisième pour l’Irlande du Nord.
Dans certaines matières, les Parlements d’Ecosse et d’Irlande du Nord peuvent
également édicter des lois.
 Le législateur adopte parfois des lois qui reprennent l’ensemble des textes législatifs
antérieurs relatifs à une même matière : ces compilations législatives s’appellent lois
de consolidation.
B- L’interprétation de la loi par le juge
1- L’attitude du juge à l’égard de la loi
 Le juge considère la loi comme l’ordre d’un organe qui lui est supérieur, le
Parlement ; il a donc le souci de respecter scrupuleusement la loi.
 Mais, en même temps, il considère la loi comme un texte qui a seulement pour objet
d’apporter des retouches à un droit que ses prédécesseurs ont eux-mêmes élaboré et
dont il se considère le gardien, du moins dans les branches traditionnelles du droit : il a
donc tendance à interpréter la loi de façon à ce qu’elle bouleverse le moins
possible l’état antérieur du droit.

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2- Les règles d’interprétation de la loi
 Le juge anglais applique selon le degré d’ambigüité du texte à interpréter :
- Soit la règle de l’interprétation littérale : la loi est interprétée exclusivement à partir
du texte de loi, c’est-à-dire du texte de la disposition en cause et non de contexte
(c’est-à-dire les autres sections de la loi à l’exception des annexes, lesquelles ont une
autorité moindre) ;
- Soit la règle de l’interprétation en considération du mal auquel la loi a entendu
remédier (mischief rule) : le juge tient compte du but visé par le législateur ;
- Soit une règle intermédiaire, dite règle d’or (golden Rule), selon laquelle le juge doit
s’en tenir à la lettre de la loi sauf si cela aboutit à un résultat absurde ou injuste que n’a
certainement pas voulu le législateur.
 En principe, le juge anglais ne tient compte que du texte et ne doit pas se référer aux
circonstances de son élaboration et spécialement aux travaux préparatoires. Cependant
cette règle semble être appliquée de moins en moins strictement, du moins dans
certains cas.
 Pour interpréter la loi, le juge utilise également un certain nombre de
présomptions :
- Le législateur est présumé avoir voulu modifier le moins possible le droit antérieur
(spécialement la common law) ;
- Le législateur a entendu ni imposer une obligation sans faute, ni priver une personne
d’un droit existant, ni exclure le pouvoir de contrôle des juges.
3- L’interprétation de la loi du précédent
 En principe, le juge considère que la règle du précédent s’applique même aux
décisions des juges supérieurs qui ont interprété une disposition légale.
 La portée de ce principe résulte des deux règles suivantes :
- L’interprétation judiciaire de mots identiques utilisés dans une partie de la loi ayant
un autre objet ne lie pas le juge ;
- L’interprétation judiciaire de mots identiques utilisés dans une partie de la loi ayant
le même objet et le même but lie le juge, règle qui s’applique en particulier dans les
cas où la loi à interpréter n’est qu’une loi de consolidation de la loi antérieure (le
législateur est censé n’avoir pas voulu changer le sens des mots).
4- L’interprétation de la loi et du droit européen

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 En vertu de la loi sur les Communautés européennes de 1972, le juge anglais est
amené à appliquer le droit communautaire. Bien évidemment, il ne peut l’appliquer
qu’en l’interprétant selon les méthodes de la Cour de justice des Communautés
européennes, c’est-à-dire en appliquant de préférence la méthode téléologique et non
la méthode littérale. La même remarque vaut pour l’interprétation de la Convention
européenne que le juge anglais est tenu d’appliquer en vertu de la loi sur les droits de
l’homme de 1998.
 Même dans les litiges où le droit européen n’est pas applicable, le juge anglais a
tendance à utiliser de plus en plus ces méthodes d’interprétation qui sont étrangères au
droit anglais traditionnel.

Chapitre 2 : ELEMENTS DE DROIT PRIVE ANGLAIS

Les branches du droit privé anglais étudiées sont le résultat d’une combinaison inextricable de
règles d’origine diverses (Common Law, equity, loi) portant sur les délits civils, les contrats,
les biens et les trusts et reposent sur des notions originales. Le lien qui uni pendant longtemps
le droit substantiel aux règles de procédure justifie que la procédure civile soit également
étudiée.

SECTION 1 : LE DROIT CIVIL ANGLAIS

Le droit civil anglais n’a pas de théorie générale des obligations, car il distingue deux
grandes matières : les délits (torts) et les contrats. Quant au droit des biens, il a un champ plus
vaste qu’en droit français puisqu’il s’étend à la location, au prêt et surtout au trust.

§ 1- Les délits (torts)

Deux systèmes coexistent : le système traditionnel constitué par une série de délits qui
reposent généralement sur la notion de violation du droit ou de la morale et le système
moderne constitué par un seul délit, la négligence, qui peut être définie comme la violation
d’une obligation générale de diligence.

Nous ne présenterons pas ici les législations spéciales, notamment la loi sur la responsabilité
du fait des produits (Consumer Protection Act, 1987) qui institue une responsabilité sans faute
conformément à la directive communautaire ayant imposé l’harmonisation des droits
européens sur ce point.

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A- Les délits traditionnels
1- Délits consistants en une violation du droit
a) L’agression (trespass) est le plus ancien délit : elle consiste soit en des menaces ou
voies de fait contre la personne (assault and battery), soit dans le fait de troubler
injustement une personne dans la possession de sa terre ou de ses meubles (trespass
to land, to goods) ; ce délit existe même s’il n’est la source d’aucun dommage et il est
établi dès lors que l’auteur ne peut pas se justifier.
b) La nuisance (nuisance) peut être publique ou privée. La nuisance publique, qui est en
même temps un délit pénale, est le fait de troubler la sécurité ou le confort d’une partie
de la population (par exemple, occupation abusive d’une voie publique) : toute
personne subissant un préjudice spécial peut en obtenir réparation. La nuisance privée
consiste en un trouble de voisinage, permanent ou non.
c) La règle contenue dans l’arrêt Rylands C/Fletcher (1868) impose une
responsabilité sans faute à l’usager d’un terrain sur lequel étaient cumulées des choses
qui s’en sont échappées et ont ainsi causé un dommage (par exemple, des infiltrations
d’eau provenant d’un barrage).

2- Délits consistant en une violation de la morale


 La diffamation (defamation) est le fait de rendre publiques des affirmations
susceptibles de nuire à la réputation d’une autre personne. Si la diffamation est écrite,
il n’est pas nécessaire de prouver un dommage ; si la diffamation est orale, la règle
inverse s’applique. Si le défendeur prouve la vérité des affirmations, il est dégagé de
sa responsabilité. La loi de 1952 sur la diffamation a permis au diffamateur de bonne
foi de se soustraire à l’obligation de verser une indemnité en offrant de rectifier ses
déclarations.
 Bien d’autres délits traditionnels existent :
- La calomnie (malicious falsehood) ;
- La plainte pénale abusive (malicious prosecution) ;
- L’intimidation (intimidation) ;
- La conspiration ou entente illicite (conspiracy)
- L’ingérence dans les relations contractuelles (interference with contractual relations).

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B- La négligence (negligence)

La négligence peut être définie comme la violation de l’obligation de prendre soin de ne pas
causer de dommage.

1- L’obligation de diligence
 Selon la formule utilisée par lord Atkin dans la célèbre affaire Donnoghue
C/Stevenson (1932), l’obligation de diligence existe à l’égard « des personnes qui sont
affectées par mes actes de façon si directe que je dois raisonnablement prévoir les
conséquences de mes actes ». Ainsi, dans cette affaire, le producteur de bouteilles de
bière qui avait rendu malade la plaignante avait l’obligation de produire de la bière de
telle façon qu’elle ne puisse nuire à l’un de ses consommateurs.
 Cette obligation prend des formes variées : devoir du producteur de fabriquer des
produits sains, devoir du conseiller de donner des conseils exacts, devoir du
conducteur d’automobile de ne pas blesser les autres participants à la circulation,
devoir de l’occupant d’un local de ne pas causer de dommage à ses visiteurs, devoir
de l’employeur de veiller à la sécurité de ses employés. Elle dépend du type de
relations existant entre les deux protagonistes.
2- La violation de l’obligation de diligence
 Le standard exigé est le comportement de l’homme raisonnable placé dans des
circonstances semblables à celle de l’espèce.
 Les qualités exigées de l’homme raisonnable varient selon l’activité de l’auteur du
dommage : le juge est plus exigeant à l’égard du professionnel que de l’amateur, à
l’égard de celui qui exerce une activité dangereuse que celui qui exerce une activité
ordinaire.
 La violation de l’obligation de diligence varie également selon les circonstances,
telles que la difficulté de prendre des précautions nécessaires (notamment en matière
de sécurité du travail) et la possibilité de la survenance du dommage (notamment en
matière de surveillance d’enfants).
3- L’imputabilité
 Alors que le rapport de cause à effet entre le délit traditionnel et le dommage n’a fait
généralement pas de doute, le rapport de cause à effet entre la violation d’une
obligation de diligence et le dommage exige souvent de délicates appréciations.

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 En principe, la prévisibilité du dommage est le critère majeur ; mais parfois, l’idée
de risque encouru permet d’admettre le rapport de cause à effet, surtout quand l’acte
dommageable est un acte positif et non une simple abstention.
C- Règles communes aux différents délits
1- Autres conditions de l’obligation de réparer
1. La responsabilité du fait des préposés obéit en Common Law à une règle très
simple : les employeurs sont responsables des délits de leurs employés dès lors qu’ils
ont été commis dans l’exercice de leurs fonctions.
2. La responsabilité est généralement écartée dans les trois cas suivants :
- Etat de nécessité de l’auteur du délit (notamment légitime défense) ;
- Acceptation du risque par la victime ;
- Force majeure exceptionnelle (Act of God).
3. La responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle ne sont pas aussi
nettement séparées qu’en droit français : la responsabilité délictuelle n’est pas
nécessairement écartée en cas de relations contractuelles (par exemple, dans les
relations entre employeur et employés).
2- La réparation du préjudice
1. L’attribution de dommages-intérêts (damages) était la seule réparation possible en
Common Law et elle demeure la règle. Les dommages-intérêts peuvent être
équivalents du dommage direct, mais ils peuvent être symboliques (nominal damages)
ou, au contraire, exemplaires (vindictive damages) lorsque l’auteur du délit a eu un
comportement particulièrement répréhensible.
2. Le juge peut également émettre une injonction pour empêcher le renouvellement d’un
délit ou la continuation d’un délit (notamment d’une nuisance ou d’une diffamation).
Comme l’injonction est un moyen relevant de l’equity, le juge dispose d’un pouvoir
discrétionnaire de l’accorder ou de la refuser.
§ 4- Le contrat
A- Notions générales
1- Histoire
a) Les cours de Common Law ne sanctionnent pas, à l’origine, le manquement à une
promesse ; puis elles l’assimilèrent à un délit, le trespass. Aujourd’hui, la violation
d’un contrat n’est plus considérée comme un délit, mais elle continue de n’être prise
en considération que s’il y a un préjudice pour l’autre partie. De plus, aujourd’hui

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encore, le cumul de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle est
admis.
b) Les cours de l’equity corrigent les lacunes de la Common Law en développant les
vices de consentement et en acceptant de condamner le débiteur à exécuter le contrat
en nature dans certains cas.
c) Le législateur a apporté à ce droit des contrats d’importantes retouches, soit pour
certains éléments de la théorie générale (par exemple, loi de 1943 sur l’impossibilité
d’exécuter, loi de 1967 sur les allégations inexactes, loi de 1999 sur les droits des tiers
à un contrat), soit pour certaines catégories de contrats (par exemple, loi de 1957 sur la
location de logement, loi de 1979 sur les ventes d’objets, loi de 2002 sur les contrats
avec les consommateurs).
2- Contrat sous sceau et contrat simple
a) Un contrat sous sceau (Contract under seal) est un contrat établi par écrit, signé,
scellé (l’apposition d’une petite pastille rouge suffit). Cette forme est nécessaire pour
les contrats qui ne peuvent être des contrats simples, ainsi que pour les transferts de
droits réels portant sur un immeuble ; elle peut utiliser pour les autres contrats.
b) Un contrat simple (simple contract) est un contrat sans forme (sauf lorsqu’une loi
exige un écrit), mais comportant une contrepartie (consideration) pour celui qui
s’est engagé. Cette contrepartie est normalement une promesse de l’autre partie de
faire quelque chose à laquelle il n’était pas tenu auparavant (une contrepartie fournie
antérieurement ne suffit pas). L’exigence d’une contrepartie emporte plusieurs
conséquences. En premier lieu, un acte à titre gratuit ne peut jamais être un contrat.
En second lieu, une promesse au profit d’un tiers ne peut pas être une contrepartie : la
stipulation pour autrui ne crée donc aucun droit au profit du bénéficiaire (sauf dans
les cas prévus par la loi de 1999 sur les droits des tiers à un contrat). La notion de
« contrepartie » est proche de la notion française de cause, mais elle ne lui est pas
identique, ni dans son contenu, ni dans ses effets.
3- Offre et acceptation

a)L’offre n’a pas tout à fait le même sens que la plupart des droits romanistes. Ainsi
l’exposition de marchandises dans une devanture de magasin n’est jamais considérée comme
une offre, mais est une simple invitation à négocier. De même l’offre faite pour un temps
déterminé peut être retirée avant l’expiration du délai.

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b) L’acceptation obéit également à quelques règles différentes des droits romanistes ou du
droit américain. Ainsi l’acceptation lie en principe son auteur dès qu’il l’a communiqué à
l’offrant, même si celui-ci ne la reçoit effectivement (contrairement aux droits romaniste et au
droit américain). L’acceptation doit en principe ne contenir aucune contre-proposition ;
toutefois, le juge anglais admet parfois que l’offrant a accepté implicitement les conditions
générales d’affaires de l’acceptant s’il n’a pas protesté à la réception de l’acceptation.

B- Conditions de validité

1- Les vices de consentement


a) L’erreur entraîne des effets différents en Common Law et en equity
 Selon la Common Law, l’erreur est une cause de nullité du contrat dans deux
séries de cas :
- En cas d’erreur mutuelle, c’est-à-dire de malentendu fondamental sur ce que chacun
voulait dire ;
- En cas d’erreur commise par une seule des parties lorsqu’elle porte sur les qualités
essentielles de l’objet du contrat (à condition que l’autre partie en ait eu
connaissance) ou encore quand elle porte sur l’identité de la personne (mais non sur
ces qualités substantielles).
 Selon l’equity, l’erreur entraîne des effets nuancés en raison du caractère
discrétionnaire des pouvoirs du juge : celui-ci peut choisir entre le maintien en
vigueur, la rectification ou la résiliation du contrat en fonction des circonstances.
Pour cette raison, le juge n’applique pas les règles de l’equity aux contrats conclus
entre des entreprises commerciales.
b) L’allégation inexacte (misepresentation) entraîne des effets différents selon les
circonstances :
- Si elle est frauduleuse, la victime peut obtenir des dommages-intérêts (car c’est un
délit) et la résolution du contrat (car c’est un vice de consentement) ;
- Si elle est faite de bonne foi, mais est due à une négligence, la victime peut
discrétionnairement remplacer la résolution par l’attribution de dommages-intérêts
supplémentaires (la négligence est également un délit) ; noter qu’en vertu de la loi de
1967 sur les allégations inexactes (Misrepresentation Act, 1967), la négligence est
présumée et c’est à l’auteur des fausses allégations de prouver qu’elle n’a pas commis
de négligence ;

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- Si elle est faite de bonne foi et n’est pas due à une négligence, le contrat est
pleinement valable.
c) La contrainte (duress) et l’abus d’influence (undue influence), qui sont
respectivement des notions de la common law et de l’equity, vicient également le
contrat ; l’abus d’influence se rencontre surtout dans les relations fondées sur la
confiance, notamment entre époux, entre un banquier et son client (en cas de sûreté
abusive).
2- Les contrats illicites
 Les contrats sont illicites, soit parce qu’ils sont interdits par la loi (par exemple
les lois de 1845 et 1892 sur le jeu), soit parce qu’ils sont contraires à la morale
ou à l’ordre public, tels que l’entend la common law. Ils sont en principes nul.
 Parmi les contrats contraires à l’ordre public, les plus nombreux sont les contrats
limitant la liberté de l’industrie et du commerce et spécialement la libre
concurrence.
3- Les clauses abusives
 La common law fut lente à réagir contre la pratique des clauses abusives. C’est
pourquoi le législateur est intervenu à deux reprises, d’abord en 1977 (Unfair contract
Terms Act 1977), puis sous la pression des directives communautaires en faveur
des consommateurs en 1994 et 1999 (Unfair Terms in Cunsumer Contracts
Regulations 1999).
 La définition de la clause abusive a eu pour effet d’introduire dans le droit anglais la
notion de bonne foi en provenance des droits romanistes. Lorsque la clause abusive
est interdite par les textes, elle est réputée non écrite.

C – Effets de l’inexécution

1- En cas de violation du contrat

La victime a le choix entre les solutions suivantes :

 dénoncer le contrat (repudiation), c’est-à-dire refuser l’exécution ultérieure du


contrat et demander le remboursement de ses propres frais. Ce droit peut être exercé
seulement si la prestation était défectueuse et que la qualité de la prestation était une
« condition » posée explicitement ou non par les parties, et non une simple

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« garantie » (warranty) dont le non-respect pourrait raisonnablement être compesensé
par des dommages-intérêts ;
 demander au juge des dommages-intérêts (damages) : fondé sur la Common law,
leur octroi est un droit même s’il n’y a aucun préjudice (dans ce cas, versement de
dommages-intérêts symboliques) ; en revanche, le montant des dommages-intérêts
peut être réduit si la victime n’a pas pris de mesures pour limiter le dommage ;
 demander au juge qu’il ordonne au cocontractant l’exécution en nature de ses
engagements de faire ou de donner (specific performance) ou qu’il lui enjoigne de
s’abstenir de quelque chose conformément à ses engagements (injunction) : fondée sur
l’equity, cette décision du juge est discrétionnaire et de telles demandes sont
généralement rejetées lorsqu’elles sont difficiles à surveiller ou attentatoires à la
liberté individuelle.

Toutefois, la transposition des directives communautaires relatives à la protection des


consommateurs a eu pour effet de donner au consommateur d’autres possibilités : demander
une réduction du prix ou obtenir le remplacement ou la réparation de la chose défectueuse
(Sale and Supplys of Goods to Consumers Regulations 2002).

2- En cas de force majeure


 Il y a force majeure quand l’exécution du contrat est devenue impossible en raison
d’un évènement imprévisible et insurmontable : par exemple, la chose a disparu ou
a été détruite ou la personne devant fournir une prestation spécifique est malade ou
encore la prestation n’a pas pu être fournie le jour convenu pour une cause qui n’est
pas imputable au débiteur.
 Les effets de la force majeure sont régis par une loi de 1943 sur la force majeure
(Frustated Contracts Act 1943) ; il est mis fin au contrat, les sommes versées sont
remboursées et, éventuellement, une action pour enrichissement sans cause peut être
engagée.

D – Règles particulières à la vente de marchandises

1- Moment du transfert de propriété

Comme en droit français et contrairement au droit allemand, la propriété des marchandises est
transférée à l’acheteur dès la conclusion du contrat s’il s’agit de choses certaines et
seulement dès qu’elles ont été individualisées s’il s’agit de choses fongibles (art. 16 à 20 de la

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loi de 1979 modifiée en 1995 sur les ventes de marchandises). En conséquence, le risque de
destruction ou de détérioration de la chose passe également à l’acheteur. Toutefois, lorsque la
vente est faite à un consommateur, le risque n’est à la charge de l’acheteur qu’à partir du jour
de la livraison (depuis la modification apportée à la loi précitée par un règlement pris en 2002
à la suite d’une directive communautaire de 1999 sur les contrats avec les consommateurs).

2- Possibilité de différer le transfert de propriété

Les parties peuvent convenir que ka propriété de la chose vendue et livrée ne sera transférée à
l’acheteur qu’au jour du paiement de la vente. Cependant l’acheteur peut revendre la chose
avant d’en avoir eu la livraison. En outre, il supporte les risques de la chose à compter de sa
livraison. Une telle clause est opposable aux tiers bien qu’elle ne fasse l’objet d’aucune
publicité (art. 19 et 20 de la loi de 1979).

§ 3- Les biens et le trust

Le droit anglais des biens et du trust est une excellente illustration de l’application successive
des règles de Common Law et d’equity à un même bien.

Il se caractérise par une très grande complexité : au droit de propriété des pays romanistes
s’opposent l’extrême variété des droits de toute sorte portant sur les biens.

A- Les immeubles
1- Absence de distinction entre droits réels et personnels

En droit anglais, tous les droits relatifs à un immeuble relèvent du droit des biens. Par
exemple, le droit du locataire sur une maison qu’il loue est un droit immobilier au même
titre que le droit le plus complet qui puisse exister sur un immeuble, le droit de possession
absolue (fee simple absolute in possession).

2- Coexistence de plusieurs droits portant sur un même immeuble


1. La seule exception est le cas où le titulaire d’un droit de possession absolue (fee
simple absolute in possession) n’a concédé aucun droit sur son immeuble.
2. La coexistence peut résulter de la juxtaposition simultanée de plusieurs droits
partiels :
- Premier exemple : droit du bailleur et droit du locataire d’un immeuble ;
- Deuxième exemple : droit du débiteur hypothéqué et droit du créancier hypothécaire
relatifs à l’immeuble.

29
3. La coexistence peut résulter de la succession dans le temps de plusieurs droits tels
que le droit de l’usufruitier (life intérêts) et le droit du nu-propriétaire (remainder).
Mais la Common Law, puis la loi se sont opposées à ce que la succession de ces droits
dans le temps soit organisée pour une trop longue durée.

3- Hiérarchisation des droits portant sur un même immeuble


1. Selon la loi de 1925 sur les immeubles, seuls deux droits sont des droits de Common
Law (legal estates) : le droit de possession absolue et le droit de bail. Tous les autres
sont des droits d’equity (equitable interests), notamment les servitudes et les
hypothèques.
2. Selon cette même loi, seuls les droits de Common Law peuvent être cédés purgés de
tous les droits d’equity qui les grèvent, ceux-ci étant alors réduits à une simple créance
d’argent ; seuls ils peuvent faire l’objet d’une cession ou être grevés d’une
hypothèque.
3. Absence d’un registre foncier exhaustif
 Jusqu’à la loi sur la registre foncier de 1997 (Land Registration Act 1997), toutes
les transactions foncières n’étaient pas portées sur le registre, mais seulement celles
concernant les immeubles ayant déjà fait l’objet d’un enregistrement ; pour les
immeubles non-inscrits sur le registre, l’existence d’un bail ou d’une hypothèque ne
pouvait être prouvée que par la production de documents et la certification d’un
solicitor.
 Depuis la réforme de 1997, il y a obligation d’inscrire au moins les transactions les
plus importantes relatives à un immeuble jusqu’alors non inscrit au registre. Doivent
dorénavant être enregistrées : vente, hypothèque de premier rang, emphytéose de plus
de 21 ans, bail de plus de 21 ans.
 Toute personne y ayant intérêt peut exiger que soient rectifiées les inscriptions
erronées ; mais dans ce cas, des dommages-intérêts doivent être versés à la personne
lésée par le Service du registre foncier.
B- Les meubles
1. Les meubles corporels (chattels), les créances et les droits intellectuels font l’objet
d’un régime juridique moins complexe du fait que la fragmentation des droits a été
moins poussée et que la loi de 1925 n’a introduit aucune hiérarchisation.
2. Les principaux droits relatifs aux meubles sont :

30
- Le droit de propriété (ownership) ;
- Le droit de détenir la chose d’autrui (bailment) lequel peut être fondé sur une
location, une location-vente, un contrat de transport, un dépôt ou un gage.

L’un et l’autre permettent l’exercice des actions possessoires.

C- Le trust
1- Histoire et définition

Le trust est une institution de l’equity : ce sont en effet des juges de l’equity qui ont imaginé
d’imposer des devoirs au titulaire de droits sur des choses, et spécialement des immeubles, de
limiter ses pouvoirs d’administration et de disposition et de reconnaitre ainsi aux bénéficiaires
de ces limitations des droits d’equity. Les règles de l’equity sont toutefois complétées et
corrigées par plusieurs lois, notamment la loi de 2000 sur l’administrateur du trust (Trustee
Act 2000).

Selon la définition du célèbre juriste Maitland, « lorsqu’une personne a des droits qu’elle
est tenue d’exercer dans l’intérêt d’une autre ou pour la réalisation d’un objet spécial donné,
on dit qu’elle a ces droits en trust pour cette autre personne ou pour cet objet et on l’appelle
un trustee ».

2- Différents types de trusts


a) Les trusts privés (private trusts) ont pour bénéficiaires des personnes privées
déterminées et sont de trois sortes :
 les trusts explicites, établis par le titulaire des droits originaires (ou settlor) sous la
forme d’un contrat sous sceau, d’un testament ou d’un écrit désignant de façon précise
les biens et les droits transférés, l’administrateur chargé de leur administration (ou
trustee) ainsi que les bénéficiaires (ou cestuique trust) ;
 les trusts présumés par les juges (resulting truts) : par exemple, si le bénéficiaire du
trust meurt, le constituant du trust est présumé devenir lui-même le bénéficiaire ou
encore si quelqu’un achète en son nom une propriété avec l’argent de son mandant, il
est présumé en être le trutee (fonction remplie en droit français par la gestion
d’affaires) ;
 les trusts imposés par le droit (construtive trusts) : par exemple, si une personne
acquiert un bien faisant l’objet d’un trust et si elle sait que cette aliénation constitue
une violation du trust, elle devient elle-même trustee ou encore si une personne

31
s’engage à vendre sa maison, elle devient le trustee de son acheteur jusqu’au jour où le
droit de possession absolue est effectivement transféré.
3- Les trusts publics ou collectifs (public or charitable trusts) ont pour bénéficiaires
une partie de la population et se caractérisent par leur objet : le soulagement de la
pauvreté, le développement de l’éducation, la propagation de la religion et toute
autre activité d’intérêt public (telle que la protection de l’environnement, par
exemple). Ces trusts sont ainsi des sortes de fondations.
3-Le statut de l’administrateur
a) Selon la Common Law, l’administrateur est pleinement titulaire des droits qui lui
ont été transférés et, par exemple, si le droit de possession absolue sur immeuble lui a
été transféré, il peut vendre cet immeuble, sauf clause contraire dans l’acte créant le
trust.
b) Selon l’equity, l’administrateur a deux obligations principales : administrer avec
diligence et prudence la masse de biens qui lui a été confiée et respecter strictement
les termes de l’acte créant le trust (qui ne peuvent être modifiés que dans des cas tout à
fait exceptionnels). Ces fonctions sont normalement gratuites (sauf clause contraire)
et toute violation de ces obligations entraîne, à la demande des bénéficiaires,
d’énergiques interventions du juge : injonctions, sanctions pénales (atténuées, il est
vrai, par la loi de 1925 sur les trusts).
4- La situation juridique du bénéficiaire
a) Selon la Common Law, le bénéficiaire n’a aucun droit.
b) Selon l’equity, le bénéficiaire a :
- Une action en exécution du trust ainsi que la possibilité d’engager des poursuites
pénales ;
- Une action en revendication des biens aliénés en violation du trust (s’il y a mauvaise
foi) ou des biens acquis grâce au produit de leur vente.

5- Principales applications du trust


a) Le trust permet, comme dans le passé, de réaliser des arrangements de famille entre
vifs ou de caractère testamentaire, spécialement en faveur des enfants. C’est surtout en
ce domaine que joue l’interdiction des trusts perpétuels : en principe, le trust ne peut
pas durer plus de 21 ans après la mort du constituant du trust (règle dégagée par la
jurisprudence dès le XVIIe siècle et précisée par la loi de 1925, elle-même modifiée
sur ce point par celle de 1964).
32
b) Le trust est utilisé également comme un moyen technique permettant de réaliser des
opérations de brève durée telles que :
- Une vente (trust for sale) ;
- La liquidation d’une succession par un administrateur (personale representative).
c) Le trust est utilisé en matière financière : pour gérer des emprunts ou l’épargne des
particuliers dans des conditions de souplesse et d’efficacité très supérieures aux
SICAV françaises (investments trust).
d) Le trust permet de faire fonctionner des fondations dans toutes sortes de domaines :
fondations charitables, universités et recherche, fondations religieuses, fondations pour
la protection de l’environnement, etc.

SECTION 2 : PROCEDURE CIVILE ET PREUVES

Le procès civil anglais se caractérise par le caractère oral et accusatoire de la procédure (un
peu moins marqué devant la Chancery Division) et par la complexité des règles de procédure.

Les règles sont principalement codifiées dans les lois de 1995 sur la preuve et de 1997 sur la
procédure civile et dans le règlement de procédure de 1999 (Civil Procedure Rules).

Les règles étudiées sont celles applicables devant la Division du banc de la Reine en raison
de leur caractère exemplaire.

§ 1- Procédure civile
A- De la citation du défendeur à l’échange des conclusions
1- La citation
 Le demandeur engage l’action en sollicitant une ordonnance de comparution (writ
of summons) qui s’analyse en un ordre de la Reine adressé au défendeur et lui
demandant de comparaitre, ou du moins de répondre, dans un délai de quatorze jours.
Les faits et l’objet de la demande doivent être indiqués de façon brève.
 Si le défendeur ne comparait pas, ou ne présente pas de défense, à la suite de la
notification de la notification de l’ordonnance de comparution, cette ordonnance est
transformée automatiquement en un jugement par défaut qui vaut titre exécutoire.
La plupart des affaires se terminent ainsi.
2- L’échange des conclusions (pleadings)

33
 Si le défendeur a fait savoir qu’il contestait la demande, le solicitor du demandeur doit
adresser dans les quatorze jours (délai généralement prolongé avec l’accord du
défendeur) un exposé de la demande (statement of claim).
 Dans les quatorze jours qui suivent, le solicitor du défendeur doit répondre par un
mémoire en défense (defense) et éventuellement une demande reconventionnelle
(counterclaim).
 L’un et l’autre de ces documents doivent exposer avec précision les faits ainsi que les
décisions que le juge est prié de prendre.
B- De l’échange des conclusions au jugement
1- La préparation de l’audience
 Les solicitors des deux parties adressent leurs requêtes à un auxiliaire du juge de la
Haute Cour (High Court) qui s’appelle master ou registar, selon qu’il siège à Londres
ou en province, et qui peut rendre des jugements avant dire droit.
 Bien que les parties ne soient pas tenues, en principe, de révéler avant l’audience les
moyens de preuve qu’elles entendent utiliser devant le juge, elle sont souvent
obligées, soit par la loi, soit par décision de l’auxiliaire du juge, de révéler une grande
partie de leurs moyens de preuve.
 En particulier, depuis une réforme réalisée en 1964, les parties doivent révéler
l’existence (discovery), et permettre à leurs représentants de prendre connaissance
(inspection), des documents auxquels elles se réfèrent dans leurs conclusions et qui
sont en leur possession ou dans celle de la partie adverse.
 De même, depuis la loi de 1962 sur la preuve, les parties sont tenues de révéler
l’existence et de permettre à la partie adverse de prendre connaissance des expertises
qui seront invoquées à l’audience.
 Enfin l’auxiliaire du juge peut autoriser des interrogatoires préliminaires, des saisies
de biens… afin que l’audience ne porte que sur des questions les plus controversées.
2- La décision du master ou du registar
 Le master ou le registar statue lui-même si :
- Les arguments du défendeur paraissent très faibles (jugement sommaire) ;
- Les parties sont tombées d’accord (arrangement ou settlement).
- Le master ou registar détermine, dans le cas contraire, le lieu et la date de l’audience
et définit les questions qui feront l’objet des débats à l’audience.
3- L’audience

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 L’audience se déroule devant un juge de la Haute Cour (High Court) en présence
des barristers des deux parties (assistées de leurs solicitors). La procédure suivie a été
sensiblement modifiée par la réforme de 1997-1999.
 L’avocat (barrister) du demandeur commence par exposer les faits, puis lit les
dépositions écrites des témoins qu’il a suscitées et communiquées à la partie adverse
(y compris le demandeur lui-même) avant qu’ils ne soient contre-interrogés (cross-
examination) par l’avocat du défendeur.
 Puis l’avocat (barrister) du défendeur procède de même.
 En principe, le juge intervient peu, même si ses pouvoirs de direction de la procédure
ont été légèrement augmentés par la réforme de 1997-1999 : il veille seulement à la
clarté et à la loyauté des débats ; en particulier, il ne pose lui-même aucune question
aux témoins ; tout au plus peut-il exiger des preuves supplémentaires.
4- Jugement

En principe, le juge rend son jugement sur-le-champ.

Il donne d’abord son opinion au sujet de chacun des points controversés (qui est prise en
sténo), puis il rend son jugement proprement dit (order).

§ 2- Preuves

Le droit de la preuve a été très développé en Angleterre à l’époque où les faits devaient
être établis par un jury avant que le juge ne statue. Bien que le jury civil ait pratiquement
disparu, les juges anglais continuent de suivre des règles précises en matière de preuve en
raison du caractère accusatoire de la procédure ; ces règles tendent toutefois à s’assouplir.

Ce droit de la preuve contient des règles relatives à la charge de la preuve (peu différentes
de celles des autres droits), aux faits qui peuvent être prouvés (par exemple la réputation
des plaideurs est considérée comme une question sans rapport avec le procès) et aux moyens
de preuve. Seules les dernières règles seront étudiées.

A- La preuve orale
1- Principes généraux
a) La preuve orale est normalement apportée par des témoins ayant prêté serment.
b) La preuve orale est considérée comme la seule décisive : les autres moyens de preuve
doivent souvent être renforcés par un début de preuve orale.

35
c) En matière civile, le juge ne peut jamais contraindre une personne à témoigner, ni
même contraindre l’une des parties à citer un témoin : les témoins sont toujours cités
par l’une des parties.
d) Exceptionnellement le témoignage oral peut être remplacé par une déposition écrite
sous serment (affidavit).

2- L’interrogation des témoins


a) L’interrogatoire principal (examination-in-chief), qui a lieu en premier, est toujours
effectué par le représentant de la partie ; il doit respecter les trois règles suivantes :
- Il ne faut pas poser des questions qui suggèrent une réponse dans un certain sens ;
- Il ne faut pas poser plusieurs fois la même question ;
- La partie qui a cité le témoin ne peut pas contester son témoignage sauf si le juge
admet que celui-ci est hostile.
b) Le contre-interrogatoire (cross-examination), qui a lieu en second, est toujours
effectué par le représentant de la partie adverse ; il obéit à des règles moins strictes :
- Il est possible de poser des questions suggérant une réponse dans un certain sens en ce
qui concerne les faits litigieux ;
- Il est possible de poser des questions tendant à mettre en doute la crédibilité du
témoignage (par exemple sa mémoire est souvent défaillante) et même d’exiger du
témoin qu’il apporte des preuves de son aptitude à fournir un témoignage valable ;
- Il est possible de poser des questions tendant à jeter le discrédit sur la personne du
témoin (par exemple, son caractère, ses convictions), mais sauf exceptions, les
réponses à de telles questions ne sont pas susceptibles d’être mises en doute ;
c) Le ré-interrogatoire (re-examination), qui peut alors avoir lieu, peut être effectué par
le représentant de la partie qui a interrogé le témoin à titre principal ; il peut seulement
avoir pour but d’obtenir la réaffirmation de ce qui a déjà été dit, sans qu’aucune
question suggestive ni aucune question nouvelle ne puisse être posée.

3- L’exclusion des ouï-dire et des opinions


a) Seuls les témoignages directs sont admis : le témoin ne peut faire état de ouï-dire
(hearsay). Cependant la loi de 1968 sur la preuve civile autorise la preuve par ouï-
dire lorsque celui-ci est de première main (celui qui témoigne l’a entendu se la bouche

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d’un témoin oculaire) et la Common Law l’autorise lorsque le témoin direct est
décédé.
b) Seuls les témoignages portant sur des faits sont admis : l’opinion d’un témoin n’est
pas prise en considération. Cette règle est appliquée de façon moins stricte aux experts
sauf si l’appréciation se réfère à des notions juridiques.
4- Le droit de ne pas divulguer certains faits
a) Le droit de ne pas divulguer certains faits relatifs aux particuliers (private
privilège) est reconnu dans deux cas principaux :
- Un témoin peut refuser de révéler des faits susceptibles d’entrainer des poursuites
pénales contre lui ;
- Un témoin peut refuser de révéler des faits dont il a eu connaissance dans le cadre de
relations professionnelles couvertes par le secret (en particulier, privilège des
hommes de loi).
b) Le droit de s’opposer à la divulgation des faits relatifs à l’Etat (State privilege) est
reconnu aux ministres si celle-ci est de nature à mettre en cause la sécurité nationale
ou le bon fonctionnement d’un service public, spécialement de la police ; le juge peut
rejeter cette prétention, mais il le fait rarement.
B- Les autres moyens de preuve
1- La preuve par écrit
 La preuve par écrit ou preuve documentaire (documentary evidence) est toute
preuve apportée par un document écrit ou audiovisuel.
 La preuve par écrit n’est admise qu’avec restriction : l’original du document doit être
produit et l’authenticité du document doit être prouvée par un témoin ou établie par un
expert. De plus, les règles excluant le ouï-dire et les opinions sont applicables.
2- La preuve réelle
 La preuve réelle (real evidence) est toute preuve apportée par un objet autre qu’un
document et présenté au juge. Elle peut consister soit dans la présentation de biens
corporels (échantillons, armes, etc…), la comparution physique d’une personne
(pour apprécier sa ressemblance avec une autre personne ou le préjudice esthétique
subi) ou encore la visite de lieux.
 La preuve réelle peut toujours être remplacée par une preuve orale ou même
documentaire (photographie, par exemple).

Chapitre 3 : ELEMENTS DE DROIT PUBLIC ANGLAIS

37
Le droit public britannique ne comporte pas de droit constitutionnel au sens français du
terme : les règles qui gouvernent les organes suprêmes du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord sont des règles de la Common Law et des règles législatives qui n’ont
pas un rang supérieur à celui des règles régissant les autres branches du droit.

Plus précisément le droit constitutionnel britannique se ramène à une seule règle : le


Parlement est souverain c’est-à-dire qu’il ne peut pas se lier lui-même pour l’avenir et que
ses actes sont insusceptibles d’être contrôlés par une quelconque autorité britannique.

Le droit public britannique se réduit donc au droit régissant l’administration britannique.


En outre, ce droit n’est pas identique en Angleterre et en Ecosse. C’est pourquoi seuls seront
étudiés le droit administratif et le contrôle judiciaire de l’administration en Angleterre.

Section 1 : LE DROIT ADMINISTRATIF ANGLAIS

Le droit administratif anglais est caractérisé par :

- L’unité du droit et l’unité de juridiction ;


- L’absence des notions d’Etat et de personne morale de droit public ;
- L’importance des contrôles non judiciaires.

§ 1 – L’unité du droit et l’unité de juridiction

Dans la tradition anglaise, telle qu’elle s’est établie à la fin du XVIIe siècle et telle qu’elle
a été exaltée par Dicey à la fin du XIX e siècle, l’Angleterre s’enorgueillit d’avoir établi le
règne du droit (rule of law) ; la vérité est beaucoup plus nuancée.

A- L’unité du droit
1- En principe, les titulaires de fonctions publiques sont soumises aux mêmes règles que
les simples particuliers.
2- Toutefois, ils peuvent agir d’une façon dérogatoire au droit commun dans la limite
des habilitations accordées par le droit.
3- Ces habilitations sont souvent accordées par la loi (principe de l’habilitation légale),
mais elles le sont parfois par la common law, comme c’est le cas pour les prérogatives
de la Couronne (conduite des relations extérieures, pouvoir d’urgence, relations avec
les agents de la Couronne).

B- L’unité de juridiction

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1- En conséquence, les actes et agissement des titulaires de fonctions publiques sont
susceptibles d’être contestés par les particuliers de la même façon que les actes et
les agissements de simples particuliers. C’est-à-dire que le juge compétent est
normalement le juge de droit commun et que les voies de recours sont en principe les
mêmes.
2- Toutefois, une certaine spécialisation des juges est apparue depuis las années 1990 au
sein de la juridiction de droit commun par excellence, la Haute Cour. Elle a pris
successivement la forme d’une liste de juges spécialisés, puis celle d’une formation de
jugement spécialement, l’Administrative Court.
3- Quant aux voies de recours, certaines ont toujours été spécifiques aux actions dirigées
contre les autorités publiques et cette spécialisation a plutôt tendance à s’accentuer.

§ 2- L’absence des notions d’Etat et de personne morale de droit public

A- L’absence de la notion d’Etat


1- La notion d’Etat, définie comme une collectivité territoriale dotée des trois pouvoirs
classiques et de la personnalité morale, est une notion développée par les droits
romanistes : elle est absente du droit anglais.
2- En revanche, la common law admet que la Couronne et ses agents forment un
ensemble bénéficiant d’un statut spécifique, caractérisé notamment par un certain
nombre de règles dérogatoires. Le Gouvernement et les administrations placées sous
l’autorité directe des ministres sont les agents de la Couronne.

B- L’absence de la notion de personne morale de droit public


1- Tous les autres agents de l’administration dépendent de personnes morales soumises
au régime de droit commun : en droit, il n’y a pas de différences entre une collectivité
locale et une société.
2- Les principales personnes morales ayant des attributions administratives sont, outre les
collectivités locales, les divers établissements (corporations) créés spécialement par la
loi.

§ 3- L’importance des contrôles extrajudiciaires

A- Les contrôles exercés par les autorités administratives


1- Les contrôles exercés par les ministres

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 En qualité de responsable de son département, chaque ministre est tenu de contrôler
les agents placés sous son autorité.
 Ce contrôle est parfois organisé par la loi de façon précise. Par exemple, le ministre de
l’environnement est compétent pour statuer sur les recours administratifs (dénommés
appeals) dirigés contre les décisions prises par les autorités locales en matière
d’urbanisme ; ses collaborateurs peuvent ainsi développer toute une jurisprudence
dans ce domine. La procédure suivie est quasi juridictionnelle : par exemple, des
audiences publiques contradictoires peuvent être organisées dans le cadre des enquêtes
publiques (public inquiries).

Depuis une quinzaine d’années, dans le cadre de la « Charte des citoyens », les procédures
internes de réclamations contentieuses ont été multipliées.

2- Les contrôles exercés par les Administrative Tribunals


 Les Administrative Tribunals ne sont pas des juridictions, mais des autorités
administratives indépendantes de recours chargées de contrôler l’opportunité et la
légalité des décisions de certaines administrations à la demande des intéressés.
 Ils avaient été créés au cours de la première moitié du XXe siècle pour connaitre de
très nombreux litiges spéciaux : immigration et asile, impôts et expropriation,
sécurité sociale et pensions militaires, transports. Le bon fonctionnement de ces
organes contentieux était surveillé par le Council on Tribunals.
 La loi sur les autorités de recours, les cours et les voies d’exécution de 2007
(Tribunals, Court and Enforcement Act 2007) a regroupé ces autorités indépendantes
de recours dans une structure unique à deux niveaux. Celles qui statuent en première
instance ont été réunies dans un organe appelé First-tier Tribunal. Un appel sur les
points du droit est désormais possible en toute matière devant une autorité supérieure
de recours, le Upper Tribunal dont le statut est d’ailleurs très proche de celui d’une
juridiction. Il dispose du pouvoir de « révision judiciaire » (judicial review) et exerce
ainsi en partie une compétence qui appartenait précédemment à la Haute Cour.
Néanmoins, un appel est ensuite possible devant la Cour des Appels et éventuellement
à la Cour suprême.
B- Les contrôles exercés par le Parlement

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 Le contrôle parlementaire de l’action des ministres est une institution traditionnelle du
droit britannique ; il repose sur le principe de la responsabilité des ministres devant
le Parlement.
 En particulier, le Parlement est assisté dans cette tache par le Délégué parlementaire
pour l’administration (Parliamentary Commissioner for Administration). Celui-ci est
chargé par une loi de 1967 d’enquêter sur les réclamations des citoyens pour mauvaise
administration (maladministration) qui lui transmettent les membres du Parlement ; il
doit rendre compte de son action devant la Commission d’enquête de la Chambre des
communes.
 Le Parlement est également assisté depuis 1993 sans sa tache par le D2légué au
service de la santé (Health Service Commissioner) qui peut être saisi directement par
les usagers et est placé sous l’autorité de la même commission parlementaire.

Section 2 : LE CONTROLE JUDICIAIRE DE L’ADMINISTRATION

Conformément aux principes de la common law, la révision judiciaire (judicial review) est
exercée principalement par le juge civil de droit commun, la High Court.

Néanmoins des règles spécifiques de procédure et de fond se sont développées.

§ 1- Les voies de droit

A- La demande de révision judiciaire


1- Celui qui entend agir en justice contre une autorité administrative dispose tout d’abord
de recours qui peuvent être dirigés seulement contre la puissance publique. Ces
recours fondés sur la common law sont appelés brefs de prérogatives (prerogative
orders) et sont au nombre de trois :
- Le certiorari, action en annulation,
- La prohibition, action tendant à obtenir une injonction de ne pas faire,
- Le mandamus, action tendant à obtenir une injonction de faire.
2- Il dispose aussi de voies de recours qui sont des actions en justice du droit commun,
c’est-à-dire qui peuvent être dirigées indifféremment contre une personne privée ou
une autorité publique. Ces recours sont les suivants :
- L’injonction, action tendant à obtenir une injonction de ne pas faire ;
- La déclaration, action tendant à faire établir une situation juridique contestée.

41
3- Depuis la réforme de 1977-1981, une seule requête appelée demande de révision
judiciaire (application for judicial review) permet d’introduire un ou plusieurs recours
énumérés ci-dessus. Quelques règles de procédure sont devenues de ce fait communes
à ces recours : le délai pour agir est de 3 mois, l’intérêt légitime suffit pour agir.

B- Les autres voies de droit


1- Lorsque le particulier peut invoquer l’atteinte portée à un droit subjectif protégé par le
droit privé et non pas un simple intérêt légitime protégé par le droit public, il peut
utiliser aujourd’hui encore toutes les actions en justice de droit commun, notamment
l’injonction et l’action déclaratoire.
2- Lorsque le particulier réclame seulement la réparation du dommage subi, il peut
intenter une action en réparation, même dirigée contre la Couronne depuis une loi de
1947.
3- A l’encontre des décisions du ministre statuant en matière contentieuse et des
décisions rendues par les autorités administratives indépendantes de recours appelées
Administrative Tribunals, la loi a prévu une voie de recours spéciale, l’appel sur les
questions de droit (appeal on points of law), lequel doit être porté devant la Haute
Cour.

§ 2- Les moyens de droit

A- L’obligation de ne pas excéder les pouvoirs légaux


1- En vertu de la common law, une autorité administrative ne doit pas excéder les
pouvoirs que la loi ou la common law lui confère ; si non l’acte est entaché
d’excès de pouvoi (ultra vire). Lorsque les compétences sont fixées par la loi, le
juge tend à interpréter de façon stricte les attributions de compétences,
spécialement à l’encontre des autorités inférieures.
2- L’autorité administrative doit également exercer son pouvoir discrétionnaire de
façon raisonnable (reasonnable), ce qui implique notamment qu’elle se fonde sur
des faits exacts et ne se laisse pas conduire par des considérations étrangères à sa
mission ou suivre une ligne de conduite trop rigide. Si non elle commettrait un
abus de pouvoir discrétionnaire (abuse of discretion).
3- Contrairement à une tradition bien établie, les juges anglais examinent de plus en
plus la légalité des décisions administratives au regard des droits substantiels
invoqués par le requérant, ce qui les amène en particulier à appliquer le principe

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européen de la proportionnalité, c’est-à-dire à vérifier la balance entre les droits
et intérêts des particuliers et de l’administration.

B- L’obligation de respecter la justice naturelle


1- En vertu de l’equity, une autorité administrative a l’obligation de procéder selon les
principes de la justice naturelle (natural justice), même lorsqu’elle exerce la
prérogative royale ou un pouvoir discrétionnaire.
2- A ce titre, l’autorité administrative doit être impartiale, c’est-ç-dire ne pas avoir pris
position sur le problème ou ne pas y avoir un intérêt personnel.
3- Elle doit aussi suivre une procédure loyale (fairness) et le plus souvent respecter le
droit à être entendu.
4- En revanche, elle n’a pas en principe à motiver sa décision. Il existe toutefois une
exception notable : les ministres statuant au contentieux et les Administrative
Tribunals doivent motiver leurs décisions.

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