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Histoire de la justice

Plan du cours :
- comment la justice est rendue sous l’Ancien Régime
- la justice pendant la période révolutionnaire

Introduction:

La complexité des institutions judiciaires dans l’ancienne France (France d’ancien


régime avant la révolution) est un fait historique qu’il faut prendre en compte en vue de de
comprendre l’édification de notre système juridictionnel.

Institution juridictionnel : ensemble des juridictions nationales chargées de juger les


litiges des personnes privées et des personnes publiques, et de sanctionner les auteurs
d’infractions à la loi pénale.

Cette complexité institutionnelle n’est pas voulue, elle résulte de l’accumulation


d’institutions qui n’ont jamais été dépoussiérées/rénovées à un moment donné
A cet égard, l’esprit coutumier des institutions joue un rôle important car sous l’ancien
régime on pense que ce qui est bon/juste c’est ce qui est connu/usé depuis lgtps.

Sous l’ancien régime, le rapport au temps est différent.


Le roi de France dès le Moyen-Age (dès la mort d’Hugues Capet+bataille de Castillon) a
mis tout un système judiciaire lui permettant d’asseoir son autorité. Il existe :
- d’une part la Curia Regis (latin : la cour du roi) institution d’origine féodale qui se
compose de grands seigneurs laïcs et religieux, de familiers du roi mais aussi de légis
(juristes)
- d’autre part une justice déléguée c’est-à-dire celle qui est exercée par les officiers du roi
(fonction de juger).
Ces officiers ont des compétences universelles au départ (elles sont administratives, fiscales,
judiciaires et politiques)

Si le roi de France réussi à faire accepter son autorité de souverain, c’est parce qu’il
établi progressivement le lien entre justice et État. En effet, les légis travaillent au profits de
l’État en développant des maximes telles que « le roi est empereur en son royaume » et « le
roi est source de toute justice ».
De telles affirmations, si elles se détachent de toute réalité encore au 14è siècle, servent
l’image du roi législateur, image qui va dépasser celle du roi justicier. Le roi empereur en
son royaume peut légiférer et le pourra de plus en plus dans une certaine mesure.

Cette mesure dépend en particulier d’un autre principe : le roi doit conserver à
chacun son droit. Cet aspect demeure essentielle jusqu’à la fin de l’ancien régime car cela
signifie qu’il existe un ordre juridique pré existant à l’État que le roi a le devoir de respecter.
Le roi de France ne fait que prendre en compte la situation qui existe.
Ce dépassement de la passion justicière du droit se traduit pas l’édiction de normes
générales dont les avancées les plus significatives sont les ordonnances dites
«de réformation» au 16è siècle (notamment sur le fait de la justice) et les ordonnances dites
«de codification» à la fin du 16è siècle.

Différence entre ces ordonnances :


- réformation : répondre à des attentes. Les États généraux se réunissent et peuvent
demander de changer quelques normes qui existent déjà
- codification : compiler en fonction de thématiques précises la loi (ordonnance civile,
ordonnance criminelle…)

Il y a une progression: au Moyen-Age le roi n’intervient pas puis on le sollicite de plus en


plus.
Toutes les juridictions (royales ou non) à un moment donnée ont été concédées par le roi.
Cela concerne les justices ecclésiastiques et les justices .

Pourquoi ? Toutes les populations soumises à l’autorité du roi ont développé des institutions.
Les seigneurs ont développés des instances spécifiques.
Dire que toute justice émane du roi est faux. Bcp de juridictions existaient déjà avant.

Voilà la grande conception de l’État royale dès le règne de Louis XIV: vider de leurs
substances les juridictions qui n’ont pas été instituées par la monarchie.
Ce processus s’effectue grâce à différents procédés juridiques mais l’idée est tjrs la même à
savoir faire en sorte que la justice du roi prédomine car c’est celle du souverain. C’est le
souverain qui est titulaire du seul pouvoir légitime et reconnu (accepté comme tel par tous).

Une telle entreprise au Moyen-Age est tout à fait réussie au 18è siècle avec des
juridictions royales prédominantes et pour certaines très actives. Il faut distinguer au
sommet de l’État ce qu’il convient d’appeler « la justice retenue ». Cela signifie que le roi
peut intervenir dans le cours des procès soit pour statuer lui même soit pour confier ce soin
de décider à une juridiction déterminée. Dans ce cas il exerce une justice dite
«contentieuse».
Le roi peut modifier l’ordre des juridictions ou changer des décisions de justice (exercice
d’une justice gracieuse).

« justice déléguée » : le roi délègue son pouvoir à des juges qui le représentent en
permanence. Elle s’exerce par des personnes ordinaires (magistrats).
Ce sont des officiers de justice titulaires de charge de judicatures vénales et
patrimoniales.

Judicature = fait de juger


vénale = à prix d’argent
patrimoniale = rentrer dans le patrimoine d’une personne (peut céder cette charge à ses
descendants)
Ces charges sont transmises entre particuliers d’abord puis le pouvoir royal en a tiré profit.
Les officiers de justice se sont considérés comme très indépendants du pouvoir royal à
terme.
A cela s’ajoute que la rémunération des magistrats est liée à la vénalité des offices et les
magistrats dépensent des sommes pouvant être très élevé pour être revêtues de leur offices
.
Elle consiste alors en gages épices et vacations (élément de la rémunération d’un juge sous
l’ancien régime).
- Gages : intérêt de la somme que le juge a versé au trésor royal (somme versée
annuellement).
- Épices : ce que le juge va percevoir des justiciables
- vacations : somme versée par les justiciables. Elles sont dues au magistrat qui va rapporter
sur le dossier.

Au sein de la justice déléguée existe tant bien que mal des juridictions de droit commun et
des juridictions d’exception au sens de juridiction d’attribution. Dans l’ensemble de ces
juridictions on pourrait distinguer :
- juridictions dites « inférieures »
- juridictions dites « souveraines » (juridictions qui prononcent en dernier ressort)

Les parlements occupent une place particulière (juridictions de droit commun). Il y


en a 12, ils remplissent le rôle de juridiction d’appel et participent aussi à la fonction
législative de même qu’à l’administration du royaume. Les Parlements sous l’ancien régime
produisent de la norme à valeur législative et du règlement.
Sous l’ancien régime, le parlement est une juridiction souveraine.

Dans le courant du 18e siècle, les Parlements prenant exemple sur le Parlement de
Paris veulent jouer un rôle politique majeur, ils entrent en conflit avec la royauté ce qui
marquera les esprits. On parle du mouvement de rébellion des cours souveraines. Les
Parlements estiment être titulaires ensemble de l’autorité judiciaire suprême et ce à l’égard
de tous et surtout à l’égard du roi.
Problème : le roi n’approuve pas vraiment car il a toujours été dit souverain.

Louis XV décide de répondre à cette rébellion en tenant les lits de justice le 3 mars
1766 au Parlement de Paris et celui de justice est connu sous le nom de « séance de la
flagellation ».
« La magistrature ne forme point un corps ni un ordre séparé des trois ordres du royaume »
(clergé, noblesse, tiers État)…comme si il était permis d’oublier que c’est en ma personne
seule que réside la puissance souveraine, que c’est de moi seul que mes cours tiennent leur
existence et leur autorité»
De tels propos traduisent bien la condition monarchique de l’État mais la violence de la lutte
entre Parlements et monarchies illustrent le décalage qui se creuse entre l’État royal, ses
plus hautes instances juridictionnelles et les sujets du roi de France. Entre le lit de justice de
1766 et la convocation des États généraux en 1789, c’est une génération qui a vu grandir ce
décalage.
Ainsi, au système judiciaire de l’ancienne France qui se caractérise par la lourdeur et une
relative d’inefficacité doit sans doute se substituer un système plus rationnel et c’est la
Révolution qui rendra le changement possible, changement possible par Napoléon
Bonaparte.

Raison pour laquelle on envisagera la simplification de l’appareil de justice sous la


Révolution et l’Empire.
Les bases de la nouvelle justice étant posées, il apparaît inévitable que celle-ci évolue et elle
va évoluer à la faveur des bouleversements du 19e et 20e siècle.
Dans une 2nde partie, il s’agira d’étudier la justice renouvelée, de la Restauration à la fin de
la 2nde GM.

Partie I : L’appareil de justice simplifiée sous la Révolution et l’Empire

Au 18e siècle, la multiplicité des institutions judiciaires les rends peu lisibles pour le
grand public. Les juges et le personnel judiciaire inspirent bcp de jalousie et de critiques car
ils s’enrichissent grâce au fait de rendre la justice et grâce aux justiciables.
En outre, la complexité du droit est dénoncé car les juristes ont pris goût au « code » mis en
place par Colbert.
→En effet n’est-il pas plus simple, plus logique d’appliquer à tout le monde les mêmes
règles ?
La justice en son ensemble mérité l’uniformisation si bien que la rationalisation est attendue
et elle trouvera son expression la plus complète dans l’œuvre napoléonienne qui dans son
principe est restée en l’état dans la société française.

Chapitre I : Une justice à uniformiser

Selon l’auteur du rapport sur l’organisation du pouvoir judiciaire communiqué à


l’Assemblée Nationale le 17 août 1789 « il est indispensable qu’une révolution absolue
s’opère dans le système de nos tribunaux ».

Ce sont les abus de l’ancien régime qui rendent nécessaire l’évolution de la justice. De
façon significative, le vocabulaire employé et celui du registre de la décomposition (ordre
ancien) montre que l’ordre ancien est un ordre dégénéré et dans ces conditions seul la
Révolution permettra de réédifier une justice résolument moderne, humaniste et rationnelle.

Section 1ère : la nécessaire Révolution de la justice

Le désir de réforme se ressent dès le milieu du 18e siècle avec à la fois des projets de
réformes et des réformes parfois importantes qui sont mises en place par le pouvoir royal.

Ce sont bien les cahiers de doléances qui témoignent au mieux de ces inspirations nouvelles
sachant que des difficultés émergent au sein même de ces cahiers.

§: le désir de réforme : réalisations et critiques au 18e siècle

I- les réformes avortées

- la réforme menée par le chancelier Daguesseau : après enquête auprès des juridictions du
royaume, il propose à Louis XV de supprimer les juridictions de moindre importance et de
mettre en place des juridictions ayant des compétences élargies.
Cpdt ce projet est abandonné car : mécontentement des Parlements et une telle réforme ne
pourrait être mise en place que si le pouvoir royal rachète les offices ou remboursent les
officiers des sommes versées pour être titulaires de leurs offices.

- la réforme menée par le chancelier Maupeou dans les années 1770/1771 : gérer l’affaire
«La Chalotais » du nom du procureur général du Parlement de Bretagne qui a été l’un des
parlementaires les plus virulents dans le mouvement de rébellion des cours souveraines.
Au regard du désordre induit pas cette affaire, il faut désormais panser autrement la justice
afin de rétablir l’ordre.
Aussi une réforme d’envergure est adoptée :
- le gigantesque ressors du Parlement de Paris (aire géographique sur laquelle la
juridiction va exercer ses compétences)
6 circonscriptions divisées en 6 conseils supérieurs. Les ressors des Parlements
provinciaux sont peu touchés, essentiellement ceux de Toulouse et Rouen qui sont touchés

- dans les ressors de tous les Parlements, les juridictions parasites sont supprimées (les
juges seront remboursés de leurs offices)

- La vénalité des offices est abolie : il ne sera plus question de payer pour devenir juge.
Cette abolition s’accompagne d’un statut moderne de la haute magistrature : les nouveaux
magistrats sont inamovibles, désignés librement pas le pouvoir royal mais ils ne seront plus
propriétaires de leurs charges (qu’ils ne peuvent ni vendre, ni transmettre) et les juges
nommés ne perçoivent que les traitements versés par l’État

- la justice est rendue gratuite, les épices sont supprimées.

La réforme est mise en route mais Le décès brutal de Louis XV (1974) lui est fatal. Son
successeur Louis XVI annule la réforme et rappel les anciens Parlements dans leurs formes
antérieures.

- Dernière réforme tentée fin 18e siècle: réforme élaborée par le garde des sceaux
Lamoignon (1787/1788) : cette réforme humanise la procédure criminelle en abolissant la
torture (question préalable) et instaure un délai d’un mois entre le prononcé d’une sentence
capitale et son exécution (un mois pour demander la grâce royale). L’objectif est de
simplifier le système judiciaire
Un certain nombre de juridictions spécialisées seraient supprimées et on voit la
création de 47 tribunaux d’appel « grands bailliages » qui divisent des ressors des
Parlements. Ces bailliages rapprochent la justice des justiciables. Ces tribunaux doivent
juger en dernier ressors de toutes les affaires civiles jusqu’à un plafond de 20000 livres ainsi
que de toutes les affaires criminelles sauf celles des clercs et des gentils-hommes.
Une cour plénière est créée, elle a pour rôle de traiter les questions politiques qui relevaient
autrefois du Parlement.
Cette juridiction est présentée comme la résurrection de la Curia Regis ce qui constitue une
réponse à la mythologie historico-politique des Parlements.
La cour plénière est chargée de l’enregistrement des lois générales applicables à tout
le royaume quand au Parlement il ne conserve que l’enregistrement des textes particuliers à
leur ressors.
Le roi préside la cour plénière, elle comprend la grande chambre du Parlement de
Paris, les princes de sang royal, les pairs de France (grands seigneurs), les grands officiers
de la couronne, des membres de l’Épiscopat (Église), des maréchaux et des gouverneurs,
des membres des Conseils du roi, des membres de la Chambre des Contes, de la Cour des
aides de Paris et des membres des Parlements provinciaux.

Louis XVI annonce dans le même temps une réforme globale de la procédure criminelle par
forme d’États généraux de la justice.

Depuis les années 1760, l’opinion public s’est émue de plusieurs scandales
judiciaires dénoncés par Voltaire. En effet, à partir de 1762, Voltaire fait figure de champion
de la justice en menant une campagne très active contre l’intolérance religieuse et contre
l’état de la justice.

L’affaire Calas (la plus célèbre) : éclate à Toulouse en 1761. On a retrouvé le jeune Marc
Antoine Calas mort dans sa propre maison. La rumeur publique accuse vite son père Jean de
l’avoir assassiné pour l’empêcher de devenir catholique. Il crie son innocence mais il est
condamné à mort alors que dans le procès tout semble accuser la famille (sa femme est
acquittée, son fils est condamné à une peine de bannissement et ses filles sons condamnées à
être enfermées dans des couvents).
Voltaire va vouloir obtenir la réhabilitation de Calas. L’affaire connaît un grand
retentissement médiatique car le philosophe publie toute une série de libelles (récits courts)
ayant pour vocation à établir l’innocence de Calas en soulignant l’unité familiale y compris
celle de la servante catholique de la famille Calas.

Dans son traité sur la tolérance, publié en 1763, Voltaire dénonce le fanatisme et
réussi à obliger le Parlement de Toulouse à communiquer sa procédure et il obtient la
cassation de la décision en 1764.
En 1765, le Conseil du roi se prononce sur la réhabilitation de Calas mais Voltaire saisie
d’autres occasions de redresser les injustices.
De la même façon, après 9 ans de lutte, il obtient l’acquittement des Sirvens à Castres, il
s’agit alors de protestants injustement accusés d’avoir précipité leur fille dans un puits.

En 1766, le chevalier de la Barre âgé de 18 ans est accusé sans preuve d’avoir mutilé un
crucifix. Il est donc condamné à avoir le poignet droit tranché puis exécuté. Son cadavre
sera brûlé avec un exemplaire du dictionnaire philosophique de Voltaire.

Dans son dictionnaire philosophique et dans son essai sur la probabilité aux faits de
justice (1972), Voltaire n’a de cesse de dénoncer les vices de la justice. Pour lui, les juges
qui achètent leurs charges n’offrent pas toutes les garanties de compétence, d’intelligence ou
d’impartialité. Les juges se contentent de préjugés, de convictions personnelles.
Voltaire cpdt fait valoir qu’avant de condamner un Homme, il est indispensable d’établir la
preuve complète de sa culpabilité.

Dans le même esprit, tout jugement devraient s’accompagner de motifs et les peines
devraient être proportionnelles aux crimes commis.
§2- la conscience des difficultés : bilans et perspectives dressés par les cahiers de
doléance

Les cahiers de doléance étaient rédigés en vu des États généraux. La manière dont ils
ont été rédigé n’est pas homogène. Malgré tout, il est permis de penser que les cahiers de
doléance expriment assez bien l’opinion commune à la veille de la Révolution et non une
opinion uniquement forgée par les intérêts réels de chaque ordre. Au sein de ces cahiers, la
justice occupe une place très inégale et le Tiers État est l’ordre qui s’y intéresse le plus ce
qui peut être corrélé avec le grand nombre de juristes s’occupant de cette rédaction pour le
tiers.
D’une façon générale, on remarque que les villes les plus actives accordent un vif
intérêt au fait économique tandis que les zones les plus déshéritées s’attachent plutôt aux
différentes façons de combattre la misère.
Ce sont des critiques le plus souvent formulées contre la justice, critiques qui reprennent
celles qui avaient été formulées dans le passé par les États généraux eux mêmes. Ces
critiques tiennent au fait que la justice est perçue comme trop complexe, trop chère et trop
distante des justiciables. A celles-ci s’ajoutent des considérations nouvelles puisque certains
s’interrogent sur la rénovation du droit applicable ou même sur ce que devrait être la
désignation des magistrats.
Une chose réunit tout le monde, à savoir la nécessité de limiter la durée des procès et limiter
les frais qu’ils engendrent.

→Quelles sont les idées présentées ?


- Une idée présente est de faire disparaître les justices seigneuriales qui subsistent. Ce
sont des vestiges médiévaux et ces justices résultent de l’usurpation des droits de puissance
publique par le pouvoir seigneurial.
- Une autre idée est celle de la suppression des tribunaux d’exception (juridictions
spécialisées dans un contentieux particulier). Ces juridictions se sont multipliées hors de
raison et cela a multiplié les risques accrues de conflits entre juridictions.

En 1788, la royauté a prévu de remédier aux problèmes existants et, de façon notable, l’un
des édits de mai 1788 prévoit la disparition de juridictions d’exception. Cpdt, ces
avancées ne paraissent pas suffisantes. Les cahiers de doléance vont plus loin en
s’interrogeant souvent sur les moyens de rapprocher les justiciables de leur « juge naturel »
et de leur assurer une justice plus rapide.

→Pourquoi cette expression de « juge naturel » ?


On cherche à se rapprocher de la nature, il y a une idée de logique. Privilégier le juge
naturel d’un justiciable c’est privilégier un juge de droit commun à qui l’on peut s’adresser
aisément.

Parmi les propositions les plus fréquentes figure celle d’établir un Parlement dans
chaque province en particulier dans les provinces dépendantes du ressors du Parlement
de Paris (qui couvre à lui même 40% du royaume). Il s’agit aussi de limiter les degrés de
juridiction (2 degrés de juridiction suffisent) en même temps qu’il s’agirait d’élever le taux
des décisions rendues en dernier ressors pour rendre difficile les manœuvres dilatoires
(celles qui font perdre du temps). Il faut donc qu’un procès soit réglé le plus rapidement
possible).
A travers l’ensemble des cahiers, la préoccupation est de rendre la justice accessible à tous.

→Pourquoi ?
On estime que trop souvent les habitants des campagnes, du fait de leur ignorance et de leur
pauvreté, se trouvent privés de recours effectifs. Cette réflexion non limitée aux cahiers du
tiers en induit une autre relative aux professions judiciaires. Tous les cahiers demandent
l’établissement de tarifs, la taxation des procédures et la suppression des épices.
Le droit à l’aide judiciaire est formulée selon des modalités variables. Il pourrait s’agir d’un
conseil que le Tribunal accorderait gratuitement aux pauvres ou encore d’un véritable
bureau constitué en vue de faire obtenir justice « aux malheureux qui seraient dans
l’impossibilité de se la procurer ».

Extrait d’un cahier de doléance de la noblesse du Périgord :


« En outre, il devient évident que n’importe qui ne doit plus pouvoir acheter le droit de
juger ses semblables. La vie ou les biens des citoyens n doit pas tomber entre des mais trop
jeunes sans expérience ou peu morales. »

L’idée la plus fréquente semble celle de l’élection comme mode de désignation des
magistrats, élection de personnes ayant au moins 25 ans et ayant une expérience judiciaire.
D’une façon générale est attendu de juges un désintéressement total ce qui signifie le rejet
d’une quelconque rémunération.
Par ailleurs, l’amélioration de la formation des juges intéresse car de leurs formations
dépend l’amélioration de la justice.
L’attente est immense lors de la tenue des États généraux et dans cet esprit les constituants
auront pour tâche d’édifier une cité nouvelle bâtit sur le modèle de l’Homme juste. Au sein
de celle-ci, une justice naturelle, familière qui aura vocation à se déployer.

Section 2nde : la justice réédifiée

La nouvelle justice doit se construire en contrepoint de ce qui existait sous l’Ancien


régime. La complexité de l’ancien système judiciaire était source d’inégalités ce qui
explique que la préoccupation nouvelle tienne à l’institution d’une justice simple et proche
du peuple. Le peuple doit s’approprier sa nouvelle souveraineté ce qui aura une traduction
judiciaire.
1789/1790/1791 régime monarchique mais le peuple est titulaire de la souveraineté
nouvelle.
1791 : 1ere Constitution en France
Dans cette traduction judiciaire, il n’est pas question de recréer un pouvoir judiciaire. Aussi,
c’est un ordre judiciaire qui sera établi.

§1- de nouveaux fondements : égalité des droits et justice populaire

L’égalité des droits résultera de l’éradication des causes d’injustice telles qu’elles ont été
formulées dans les cahiers de doléance. Après cette éradication, une nouvelle justice est
fondée sur la raison (ce qui n’est pas d’ordre religieux).
La déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (août 1789) exprime fortement la
volonté de lutter contre les manifestations de l’arbitraire royal. La place accordée aux
principes de droit pénal est très grande car le droit pénal touche à la liberté d’aller et venir.
- L’article 8 de la déclaration pose la légalité des délits et des peines
- L’article 7 stipule que ce sont les arrestations et emprisonnements arbitraires qui sont
interdits.
- La DDHC pose un principe essentiel : celui de la présomption d’innocence (article 10 de
la Déclaration qui traduit l’importance accordée à la liberté de l’individu).
La proclamation de la liberté d’opinion ou de la libre communication des pensées participe
de cette lutte contre les manifestations de l‘arbitraire.
Les Parlements constituent un autre mal qu’il s’agit d’éradiquer car ils concentrent sur eux
les reproches formulées à l’encontre de l’ancienne justice. Leur opposition au roi tout au
long du XVIIIe siècle fait craindre qu’ils ne s’opposent à l’Assemblée de la même façon.
Le 3 novembre 1789, l’Assemblée prononce la mise en vacances du Parlement pour une
durée limitée (= suppression).
Cette mesure est adoptée brutalement. La perspective de la rentrée judiciaire est la crainte
que les Parlements ne veuillent s’ériger en puissance rivale.

Toutes les juridictions spéciales de l’Ancien régime doivent être supprimées. Elles
frappent par leur caractère irrationnel dans la mesure où leurs compétences sont mal définies
et leurs ressors ne sont pas suffisamment délimités.

→Dans ces conditions reste à savoir quelle est la manière d’assurer une vraie justice simple
et efficace.
Pour un grand nombre de députés, l’idéal serait d’instituer une juridiction compétente pour
tous les procès et ce dans chaque circonscription.
L’unité juridictionnelle se révèle difficile à réaliser et rapidement on exclue du champ de
compétence de la juridiction de droit commun les procès administratifs et commerciaux.

S’agissant de la juridiction de droit commun, l’idée qui anime les constituants est de
créer autant de tribunaux que nécessaire mais pas plus que ce nécessaire :
→Quelle est la bonne circonscription ? Quel est l’idéal de justice ?
Dans cet esprit sont institués les tribunaux de districts qui se répartissent dans les 553
circonscriptions correspondantes (territoire français divisé en 553 circonscriptions). Le but
est de rapprocher la justice des justiciables mais aussi d’éviter la reconstitution de
grands corps judiciaire.
Les tribunaux de districts de composent de 5 juges, auprès desquels se trouve un officier
faisant fonction de ministère public. Les juges de districts connaissent en 1 er et dernier
ressors de toutes les affaires personnelles et mobilières jusqu’à un plafond de 1000 livres et
ils connaissent des affaires réelles jusqu’à un plafond de 50 livres. Pour toutes les autres
affaires (celles qui excèdent les plafond), l’appel est possible.

« Plafond » : On va estimer que lorsqu’une affaire va concerner quelque chose qui va


correspondre à un prix de 800 livres par exemple, c’est un cause importante mais pas
suffisante pour justifier un 2nd degré de juridiction (le 1er juge saisi sera le dernier à se
prononcer sur l’affaire).

Ce 1er niveau de justice déterminé, il reste à construire la hiérarchie judiciaire. La pensée


dominante est favorable à la suppression des voies de recours qui existaient sous l’Ancien
régime. Le constituant se méfie du pouvoir accordé au juge. D’autres part, rien ne prouve
qu’un 2nd juge serait meilleur que le 1er.. En instituant des juges compétents en appel, il ne
faudrait pas reconstruire une haute magistrature différemment comme sous l’Ancien régime.
Si on maintient la possibilité de l’appel, on risque de se retrouver devant une hiérarchie
judiciaire

La solution à ces problèmes est trouvée avec le système de l’appel circulaire : l’appel sera
porté devant l’un des 7 tribunaux de district territorialement les plus proches de celui qui a
rendu le jugement. Il n’y aura donc pas de hiérarchie judiciaire.

→Qu’en est-il de la Cassation ?


La loi des 27 novembre et 1er décembre 1790 établit un tribunal de Cassation qui sera
auprès du corps législatif avec l’idée que la puissance du tribunal de Cassation doit être
limité afin d’éviter de reconstituer un Conseil du roi.
Le tribunal de Cassation est donc conçu comme le gardien suprême de la loi et chaque
année, il doit rendre compte de ses décisions au corps législatif qui est le seul détenteur
du pouvoir d’interpréter la loi.

Les autres juridictions sont inférieures au Tribunal de Cassation mais celui-ci ne peut
connaître des affaires au fond et a l’obligation de renvoyer la cause devant un autre tribunal
en cas de Cassation (nécessité de rejuger l’affaire).
Lorsqu’il y a cassation à deux reprises dans une affaire, le tribunal de cassation doit en
référer au pouvoir législatif.
Le tribunal de Cassation conserve certains principes d’Ancien régime. Ainsi, un bureau des
requêtes reçoit pour rôle d’examiner et de juger l’admissibilité des pourvois.

La nouvelle justice doit exprimer la souveraineté populaire car il s’agit du fait


politique majeur de la période.
La justice, pour que le peuple se l’approprie, doit être simple, rapide et peu coûteuse (en
matière civile cela signifie que peuvent coexister procédures judiciaires et procédures
parajudiciaires). On estime que bcp de causes peu importantes n’appellent pas
véritablement de règlements judiciaires. Pour ces causes, il faut faire confiance à des
Hommes du peuple vertueux.

Dans cet esprit, la loi des 16 et 24 août 1790 indique que l’arbitrage est « le moyen le plus
raisonnable de terminer les contestations entres les citoyens ». La loi prévoit la désignation
d’arbitres qui seront des particuliers. Ils pourront connaître des intérêts privés « dans tous
les cas et en toute matière sans exception ».
Ces arbitres proposeront des compromis (décisions) fondés sur l’équité. Ces compromis
seront exécutoires sur simple ordonnance du tribunal de district. Le recours à l’arbitrage
reste facultatif sauf dans les affaires de famille. L’appel de la décision arbitrale n’est pas
prévue sauf si les parties le prévoient. La même loi prévoit l’institution de juges de paix à
condition que ces derniers soient âgés de 30 ans au moins.
Le législateur attend de ces Hommes qu’ils aient une bonne connaissance des mœurs
locales.
Les juges de paix devant être « des Hommes de bien, amis de la justice et de l’ordre ».
Les juges de paix ont une compétence judiciaire et connaissent en dernier ressors de
certaines causes civiles. Les juges de paix siègent dans le canton et pour les matières qui
excèdent leurs compétences, ils forment un bureau de paix avec des assesseurs et l’instance
en question est désignée comme « instance de paix et de conciliation ».

La loi prévoie qu’aucune demande ne peut être admise au tribunal de district si il n’y
a pas eu auparavant saisine (saisir une juridiction) du bureau de paix en vue d’une
conciliation.
Comme pour les arbitres, l’appel de leur décision relève du tribunal de district. En
outre, la question de la souveraineté populaire connaît une traduction éclatante avec
l’institution du jury. Le jury composé de jurés pourrait fonctionner en matière civile et
criminelle.
Le jury présente pour avantage complémentaire d’abaisser le magistrat puisque dans une
procédure le jury détermine les faits tandis que le juge applique mécaniquement le droit.
Cpdt, même si le principe de jury populaire est retenu le 30 avril 1790, assez rapidement
on écarte le jury de la matière civile.

→Pourquoi ?
On craint de reconstituer une nouvelle forme d’aristocratie judiciaire et plus largement une
relative instabilité judiciaire du fait des changements de jury. Si bien que le principe du jury
ne trouvera à s’appliquer qu’en matière criminelle.

La procédure devant le tribunal criminel est orale, contradictoire, publique et accusatoire.


Càd autant de caractéristiques qui la distingue de la procédure criminelle suivie sous
l’Ancien régime.
Après avoir délibéré sur les questions de fait, est ce qu’il y a des éléments qui peuvent être
relevés contre l’accusé ? Le jury se prononce sur la culpabilité.

Les jurés doivent se décider en fonction de leur intime conviction car celle-ci est un système
qui n’apparaît pas comme rationnel et car le législateur part de l’idée que les jurés ignorent
les règles juridiques ou procédurales. Il s’agit de leur laisser une entière liberté de juger.

L’image de la souveraineté populaire se retrouve en matière correctionnelle. En effet, la loi


des 16 et 22 juillet 1791 crée des tribunaux de police correctionnel pour le jugement des
délits n’emportant pas peine afflictives ou infamantes.
Ces tribunaux se composent selon le cas de 3 juges et d’un assesseur dans les villes dotées
de plus d’une justice de paix. Dans les autres villes, le juge de paix assorti de 2 assesseurs
forment le tribunal et l’appel doit être porté devant le tribunal de district jugeant alors en
dernier ressors.

§2- institution d’un ordre judiciaire : sa signification politique

Dans l’esprit des Lumières, l’idée d’une séparation des pouvoirs correspond à une
séparation absolue caractérisée par la spécialisation et par l’indépendance des pouvoirs.
Cela signifie sous la Révolution qu’il doit exister un pouvoir judiciaire ce qui est le
cas sur le plan formel. Cpdt, le pouvoir judiciaire, dans la mesure ou il rappelle les
parlements d’Ancien régime, ce qui fait peur. La Constitution de l’an 8 (sous Napoléon)
oublie toute référence au pouvoir judiciaire mais elle évoque l’autorité judiciaire. Dans ces
conditions, la mise en place d’un ordre judiciaire signifie qu’on rejette le pouvoir judiciaire.

Cela signifie aussi que les juges doivent être abaissés. La mise en place d’un jury
populaire en matière criminel participe de l’abaissement de la magistrature. L’existence de 3
pouvoir distincts dans l’État aboutirait à faire en sorte que chacun d’eux tire son institution
de la souveraineté nationale. Cela apparaît impossible car serait reconstitué de cette façon
un corps aussi fort que le Parlement.

Le rejet du pouvoir judiciaire se ressent dans la façon de concevoir le rôle du juge. En


effet, les juges ne doivent exercer qu’une stricte fonction juridictionnelle. La fonction de
juger doit être subordonnée au législateur aussi le juge voit-il son rôle confiné à
l’application de la loi (sens strict).
Dès lors, si l’expression «pouvoir judiciaire figure expressément dans les textes
constitutionnels, elle se révèle vide de sens.
On peut remarquer que la DDHC dans son article 16 évoque le principe de séparation des
pouvoirs sans précision sur l’équilibre dans cette séparation. Quant à la Constitution de
1791, elle comprend un chapitre consacré au pouvoir judiciaire mais elle précise que les
tribunaux ne peuvent ni s’immiscer dans l’exercice du pouvoir législatif ni suspendre
l’application des lois.
La Constitution de l’an 3 contient un chapitre consacré au pouvoir judiciaire.
Dans ces conditions, le pouvoir judiciaire se réduit à une fonction : celle de juger en
appliquant mécaniquement la loi. Ce pouvoir est conçu de façon négative (ne pas faire le
droit la place du législateur, ne pas opprimer). Le seul élément à contrebalancer cette
approche négative est que les deux autres pouvoirs ne peuvent exercer en aucun cas le
pouvoir judiciaire.

De plus, l’exercice du pouvoir judiciaire est entendu puisque aucune immixtion du


juge ne peut avoir lieu en matière administrative. Le législateur révolutionnaire estime que
l’efficacité administrative sera que si l’administration ne connaît pas d’entraves.
L’administration ne dépend que du pouvoir législatif et exécutif.
De ce point de vue, la constituante ne change pas l’esprit des règles prévalentes en matière
administrative sous l’Ancien régime puisque Richelieu sous l’édit de St Germain de 1641
sépare la justice de l’administration et ses successeurs s’appuieront sur cette décision
aboutissant à une dualité juridictionnelle.

Par ailleurs, le rejet d’un pouvoir judiciaire s’exprime à travers la désignation des juges.
L’adoption du principe de jury populaire en avril 1790 l’a montré. La question de la
qualification professionnelle du juge est relayé à un 2nd plan.

Le décret des 5 et 11 août 1789 supprime la vénalité des charges en même temps qu’il
proclame la gratuité de la justice. Après bcp de discussions sur la meilleure façon de
rendre la justice, est adopté le principe de l’élection directe des juges par le peuple.
Ce principe est confirmé par la loi des 16 et 24 août 1790 qui prévoit : « la vénalité des
offices de judicature est abolie pour toujours ». Les juges rendront gratuitement la justice
et seront salariés par l’État.
Le choix de l’élection a une signification optique, c’est la solution qui s’accorde le mieux
avec le principe de souveraineté populaire. Il a déjà été prévu que les administrateurs de
districts et de départements seraient élus.

En parallèle, la réflexion touche la question de la durée de fonctions de juge. L’idée


prédominante est d’éviter que les juges n’exercent leur fonction pdt lgtps. On considère que
le long exercice de fonction juridictionnelle présente comme risque d’encourager les juges à
la routine.
→Est ce que les juges pourront être reconduits dans leur fonction ?
Les constituants s’arrêtent à une durée de 6 ans, les juges pouvant être reconduits dans leur
fonction, il s’agira d’Hommes de loi de 5 ans d’expérience réunissant certaines conditions
de fortune.

Les juges ne doivent rien à l’exécutif, ils sont donc en harmonie avec une conception
de la justice proche des citoyens et placé sous leur contrôle. Cpdt, dans la pratique, on
observe que les pro du droit vont rester présents dans les instances judiciaires sous la
Révolution. En 1792, la convention par les décrets des 22 et 25 septembre stipule que
« les corps administratifs municipaux et judiciaires, les juges de paix et leurs greffiers
seront renouvelées en leur entier sauf la faculté de réélire ceux qui auront bien mérité de la
patrie »
Par décret du 25 octobre 1792, la Convention supprime pour l’élection des juges
les conditions de capacité professionnelle.
Dans le même temps, la convention use de son caractère souverain pour destituer les juges
qui ne conviennent pas et désigne elle-même de nouveaux juges sans tenir compte des
élections.
Quant à la Constitution de l’an 3, elle va maintenir l’âge de 25 ans comme condition
d’éligibilité.

De fait, les temps républicains et napoléoniens correspondent à une période charnière du


droit et de la justice.

Chapitre II- l’œuvre républicaine et impériale (1792-1814)

La Convention à partir de 1792 (désigne le régime politique et l’assemblée même)


conserve les cadres territoriaux (départements/districts) et une grande part des institutions
établies en 1789. Les conventionnels agissent sans plan préconçus sous la pression des
évènements. De cette manière s’organisent des tribunaux révolutionnaires qui inaugurent
une longue série de justice d’exception (justice qui sort du droit commun).

Le directoire (entre 1795 et 1799) aura à cœur d’atténuer les rigueurs de la


Convention mais il inaugure une politique différente de la constituante en systématisant les
interventions de l’exécutif dans l’administration de la justice.
Cette pratique tente à habituer les justiciables à l’idée de nomination des magistrats qui fait
son chemin.
Un pas décisif est franchis en matière judiciaire avec la Constitution de l’an 8 qui a
pour but de « doter la France d’institutions stables et fores » exprimé par les consuls. Ces
institutions garantissent les droits du citoyen et les intérêts de l’État.
C’est la raison pour laquelle il faut distinguer les transformations des institutions léguées par
la constituante et les institutions napoléoniennes.

SECTION 1ere – les transformations de l’œuvre de la constituante

Les 1eres élections judiciaires ne sont pas expulsées et il faut vite procéder à des
élections complémentaires en raison de l’éparpillement du corps électoral. Au moment où se
tiennent ces élections se produit un évènement terrible pour l’ensemble de la nation :
l’arrestation du roi et de sa famille à Varennes le 21 juin 1791.
Ce moment constitue un tournant dans la législation royale car il donne corps à la notion
de trahison qui jusque là semblait un risque théorique.

De cette façon, Varennes marque le moment à partir duquel l’idée de République fait
son chemin. La République est proclamée le 22 septembre 1792. La République doit être
préservée des dangers extérieurs/intérieurs ce qui impliquera la mise en place d’une justice
spéciale. Par ailleurs, les institutions républicaines ayant été sauvées de toute sorte a justice
retrouvera un mode de fonctionnement ordinaire ce qui sera le cas sous le directoire.

§1- les excès de la convention : épuration de la magistrature et tribunaux


révolutionnaires

Le renversement de la monarchie le 10 août 1792 s’effectue avec des


affrontements très durs opposant les gardes du roi aux émeutiers. Robespierre exprime la
volonté que de nouveaux juges crées pour la circonstance punissent les gardes qui ont fait
couler le sang du peuple.
Dès le 17 août, est mise en place une juridiction d’exception (tribunal
extraordinaire) destinée à endiguer la violence populaire avec pour mission « de juger les
crimes commis dans la journée du 10 août et autres crimes relatifs circonstances et
dépendances ».

Le tribunal extraordinaire du 17 août se compose de 8 magistrats et 15 jurés élus


par les membres des sections révolutionnaires de Paris et il est actionné par deux
accusateurs publics. La procédure expéditive est susceptible de conduire à l’échafaud en une
journée. Cpdt, ce tribunal ne condamne à mort que « 25 accusés sur 62 » ce qui satisfait peu
l’opinion publique. Il sera supprimé le 29 novembre 1792.
Entre le 2 et le 7 septembre 1792 la foule se déchaîne dans les prisons de Paris où la moitié
des détenus est exécuté après des jugements. Le même type de comportement s’observe en
province, on parle de septembriseurs qui considèrent que leur devoir est d’égorger les
célérins, seul moyen de sauver la patrie en danger.
Les 22 et 25septembre 1792, la Convention décide de procéder à de nouvelles
élections judiciaires puis supprime les conditions de capacité professionnelle.
La Convention conduit en parallèle une épuration des juges. Il s’agit d’écarter des
fonctions juridictionnelles ceux qu’elle trouve trop tièdes par rapport au nouveau cour de la
Révolution. Ce sont les représentants en mission qui s’occupent de cette épuration. Ils se
rendent partout en France et décident du remplacement des juges.
Au delà de cette pratique, la Convention annule des jugements lrsq des décisions ne
lui conviennent pas. La surveillance exercée par l‘Assemblée est constante et pesante
partout en France.
Par ailleurs, le 11 décembre 1792, après une instruction longue de plusieurs mois,
Louis XVI est traduit (accusé) devant la Convention. L’ancien roi comparait devant une
instance extraordinaire, instance politique représentant la nation et exerçant le pouvoir
judiciaire. Louis XVI bénéficie d’une défense parlementaire avec des membres de la
Convention qui refusent d’être ses juges mais aussi d’une défense classique avec des
avocats qui s’expriment à la barre en sa faveur. Parmi ses avocats il y avait Malesherbes De
Seize et Tronchet.
Les conventionnels se décident pour la mort du roi après plusieurs votes et plusieurs jours et
la décision est acquise le 20 janvier 1793, Louis XVI sera exécuté dès le 21 janvier 1793.
Il prononcera ces paroles « peuple, je meurs innocent, je souhaite que mon sang puisse
cimenter le bonheur des français ».

Par ailleurs, un tribunal révolutionnaire est crée par la loi du 10 mars 1793. Il s’agit du
tribunal extraordinaire de Paris.
Celui ci se compose de 5 juges, d’un accusateur public et de 2 substitues, 12 jurés désignés
par la Convention.

Il y a bien prédominance du caractère politique de la juridiction étant entendu que la


procédure est expéditive puisque la décision du tribunal révolutionnaire est rendue sans
recours possible et exécutée immédiatement selon le mot de Danton « soyons terribles pour
dispenser le peuple de l’être ».
Le champ de compétence du tribunal révolutionnaire est très large, il connaît « de
toute entreprise contre révolutionnaire, de tous les attentats contre la liberté, l’égalité,
l’unité, l’indivisibilité de la République, la sûreté intérieure et extérieure de l’État de tous
les complots tendant à rétablir la royauté ».

Fin 1793, la compétence du tribunal révolutionnaire est élargie et le tribunal connaît


tout et n’importe quoi. La procédure devient de plus en plus expéditive et les effectifs du
tribunal deviennent plus importants. Le tribunal révolutionnaire à l’origine exclusivement
parisien se retrouve décliné dans certains départements.
La 1ere présidence du tribunal révolutionnaire de Paris reste modérée mais à partir
de septembre 1793, les créatures de Robespierre bâclent les jugements.
L’accusateur public est le fameux Fouquier-Tinville (exécutant servile de la politique de
la terreur)
Les prévenus comparaissent et sont jugés par fournées même si les délits commis n’ont rien
de commun. D’une manière générale, sous la terreur on estime qu’environ 16600 personnes
ont été exécutées et le seul tribunal révolutionnaire de Paris se prononce sur le sort de 5300
personnes et condamne à mort 2800 d’entre elles.
Quant à la répartition sociologique des condamnés à mort, 20% sont des nobles, 9% sont
issus du clergé et 70% du Tiers-Etat.

80% des condamnés le sont sous l‘accusation de « complots, d’attitudes, de sentiments ou


d’écrits contre révolutionnaires ». La simple détention d’un crucifix chez soi est susceptible
de conduire à la guillotine sous l’accusation de fanatisme religieux.
Le tribunal révolutionnaire, après avoir fonctionné à plein, n’est plus regardé comme
satisfaisant, au contraire, il inquiète de plus en plus le public et les dirigeants qui craignent
de déplaire à Robespierre. Au final, le tribunal révolutionnaire est supprimé le 31 mai 1795
après avoir renvoyé Fouquier-Tinville à l’échafaud.
Enfin, la suppression de ce tribunal à lieu après le 9 thermidor 2, le 27 juillet 1794 (chute de
Robespierre).
§2- le retour au calme sous le directoire

La Constitution de l’an 3 revient au principe de la séparation des pouvoirs mais


conserve à la fonction juridictionnelle un rôle secondaire. L’exécutif nomme et révoque un
commissaire du directoire exécutif auprès de chaque juridiction pour surveiller et assurer
l’exécution des lois. Malgré ces éléments, les thermidoriens (ceux qui ont voulu la chute de
Robespierre) entendent restaurer la dignité du pouvoir judiciaire.
Un ministère de la justice est rétabli en octobre 1795 ce qui traduit la volonté de
réorganiser et rationaliser la matière. Un code des délits et des peines est promulgué le 3
brumaire de l’an 4 (25 octobre 1795). Ce code va s’appliquer jusqu’à l’instauration du
code d’instruction criminelle et du Code pénal en 1810. La Constitution de l’an 3 apporte
des changements dans l’organisation judiciaire car elle supprime le district et le tribunal de
district, les tribunaux de famille et l’arbitrage forcé.

A la place du tribunal de district, on voit apparaître un tribunal de départements en


matière civile. Chaque département dispose en son chef lieu 2 tribunaux, l’un pour la
justice civile et l’autre pour la justice criminelle. Le prestige de la justice s’en trouve
rehaussé. En même temps, la justice s’éloigne des justiciables. Les tribunaux civils de
départements sont des corps importants comprenant 20 membres au moins voire plus.
Il se divise en sections dont chacune nomme son président. L’appel est possible avec le
même système d’appel circulaire.
Par ailleurs, des progrès sont accomplis en faveur du tribunal de Cassation. Celui-ci
ne se trouve plus auprès du corps législatif et on augmente son effectif.
En matière de justice pénale, est maintenue la procédure avec double jury (accusation et
jugement), une plus grande place est faite au droit de la défense, au niveau inférieur, le juge
de paix peut juger des contraventions de police.
Au niveau de l’arrondissement, le tribunal correctionnel juge des délits.
Dans chaque département existe un tribunal criminel, on y trouve 4 juges, 12 jurés, un
accusateur public et un commissaire du directoire exécutif.

Les jugements rendus par ces tribunaux le sont en matière de vols qualifiés mais les
tribunaux acquièrent une réputation d’indulgence en prononçant environ 50%
d’acquittement. La justice criminelle sous directoire ne donne donc pas satisfaction
puisqu’on l’accuse de faiblesse, de crainte vis-à-vis des criminels.

La justice, telle que réorganisée sous le directoire fait figure de justice de transition. La
justice napoléonienne, par sa simplicité laisse dans l’ombre tout ce qui la précède. La
Constitution de l’an 8, loin de s’embarrasser du pouvoir judiciaire, ne traite dans son titre 5
que « des tribunaux ».

SECTION 2- les institutions judiciaires napoléoniennes


L’ordre judiciaire s’adapte aux structures administratives que sont le département,
l’arrondissement et le canton (reconnues par le 28 pluviôse de l’an 8)
L’ordre judiciaire napoléonien empreinte à l’Ancien régime l’idée de hiérarchie tandis qu’ils
conservent de la Révolution l’idée de rationalisation. Structurellement, l’édifice
juridictionnel conserve depuis la distinction entre la justice civile et pénale.
§1- la justice civile : justice de droit commun et justice spécialisée

La réorganisation judiciaire prend place au sein d’une vaste entreprise de


centralisation et d’uniformisation. Ainsi, le consulat ouvre des écoles de droit à finalité
professionnelle. Ces écoles vont renouer avec l’héritage des facultés de droit après
l’établissement de l’Université impériale.
La loi du 12 mars 1804, exige la licence en droit pour pouvoir plaider devant les
tribunaux.
Pour en revenir à la Constitution de l’an 8, son titre 5 renvoie à la loi pour sa mise en œuvre.
Le texte constitutionnel maintient dans les cantons les juges de paix élus, demeurant chargés
de pratiquer la conciliation et inciter les parties à choisir l’arbitrage.

Au dessus des juges de paix se trouvent les tribunaux civils que la loi du 27 ventôse
an 8 (18 mars 1800) prévoit au nombre d’un tribunal par arrondissement. Ils sont
composés de 3 juges et disposent une compétence générale en 1er instance et connaissent en
appel des jugements rendus par les juges de paix.
A travers la France, on en dénombre 400. Ce niveau de décision va perdurer jusqu’en 1900.
La même loi prévoit l’appel et abandonne le système d’appel circulaire. 28 tribunaux
d’appel sont mis en place et ont un ressors s’étendant sur au moins 3 départements. Les
tribunaux d’appel se trouvent en des lieux où exerçaient les anciennes juridictions
souveraines.
A cet égard, le 3e consul Lebrun joue un rôle important dans cette nouvelle carte
judiciaire car il avait été le secrétaire du chancelier Maupou lors de l’élaboration de la
grande réforme de 1770.
Les tribunaux d’appel se transforment en Cour d’appel en 1804. Elles seront des Cours
impériales en 1810.
La similitude avec les magistrats d’Ancien régime est recherché car les juges d’appel
portent le titre de conseillers et portent une robe rouge.
Ces magistrats sont compétents pour connaître des jugements rendus par des tribunaux
civils et des tribunaux de commerce.
Le principe est donc posé, l’appel doit être examiné par des juridictions différentes que celle
compétente en 1ere instance.

Enfin au sommet de l’édifice juridictionnel, le tribunal de Cassation devient Cour


de Cassation en 1804. Le tribunal de Cassation ne décide pas sur le fond des affaires. La
Constitution indique que la Cour de Cassation prononce « sur les demandes de Cassation
contre les jugements en dernier ressors rendus par les tribunaux sur les demandes e renvoi
d’un tribunal à un autre pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique ».
Elle prononcera sur les prises à partie contre un tribunal entier. On observe que le
référé législatif prévu précédemment suite à deux cassations est supprimé.
Il est prévu une décision solennelle rendue par les sections réunies par la Cour de Cassation.

Enfin, par une loi du 16 septembre 1816, l’Empereur dispose du pouvoir


d’interpréter la loi par voie de règlement d’administration public et ce après 2
cassations.
La cour de cassation matérialise l’idéal de fusion entre l’Ancien régime et la Révolution, le
Sénat choisissant ses 48 juges entre 3 candidats présentés par le 1er consul.
La justice spécialisée se réduit à la question des conseils de Prud’homme étant
donné que les tribunaux de commerce (conservés par la loi des 16/24 août 1790) sont repris
à l’identique dans le Code de commerce de 1807.
Les conseils de Prud’homme répondent au principe révolutionnaire de la justice rendue par
les proches (il faut être semblable au demandeur/défendeur pour rendre une justice
convenable).
Ils sont fondés en 1806, d’abord à Lyon, le nom même de conseil de Prud’homme
ayant été proposé par la chambre de commerce de Lyon.
Il s’agit d’une résurgence d’une ancienne institution (le bureau commun de la grande
fabrique).
L’idée est de donner une façade démocratique à une institution vue avant tout
comme une concession faite aux notables patronaux.
Cette institution connaîtra des litiges entre «employeurs »/« salariés » (ces termes sont
empruntés à la langue d’aujourd’hui), c’est-à-dire en réalité des litiges entre les
marchands/chefs d’ateliers, contre-maîtres/ouvriers.

La loi de 1806 est applicable à titre expérimentale à Lyon et le succès de cette institution
dans la ville conduit à multiplier l’expérience : entre 1807 et 1809, 10 autres conseils de
Prud’homme sont crées en France, sachant qu’ils sont 32 à la fin du 1er Empire.
Les Prud’homme Napoléoniens sont des instances représentatives mais non paritaire dans
lesquelles les notables sont prépondérants.
Ainsi, les fabricants doivent avoir un représentant de plus que les chefs d’ateliers.
Il faut attendre la Révolution de 1848 pour que ces conseils deviennent des instances
paritaires.

Le contrat de travail en tant que tel n’existe pas. Les articles 1779 à 1781 du Code
civil sont ceux s’appliquant à la relation de travail comme aujourd’hui. Ce sont des articles
concernant des contrats de louages de services.
S’agissant du différend relatif à la fin, l’article 1781 du Code civil indique que « le maître
est cru sur son affirmation, pour la quotité des gages, pour le paiement du salaire de
l’année échue et pour les acomptes donnés pour l’année courante ».
→ Explication : Il n’est pas obligatoire de payer régulièrement le salarié. C’est au bon
vouloir du maître.

Pour autant, la spécificité des conflits du travail se trouve reconnue et en tant que tel, cela
signe l’échec de l’utopie révolutionnaire qui voulait qu’un seul tribunal soit compétent pour
juger de tout.
§2- la justice pénale

Les transformations en matière de justice pénal s’échelonnent entre 1800 et 1810. Ces
transformations affectent tant le jugement des contraventions et des délits que le jugement
des crimes.
- Pour les contraventions/délits, jusqu’en 1811 (jusqu’à l’entrée en application du Code
d’instructions criminelles = Code de procédure pénale), c’est le juge de paix qui est
compétent en matière de simple police.
- Les tribunaux civils de 1ère instance jugent en matière correctionnelle et cela
correspond aux délits forestiers et aux délits dont la peine excède 5 jours
d’emprisonnement et 15francs d’amende.
- Le ministère public se voit alors attribuer un rôle décisif dans la poursuite à travers la
mise en mouvement de l’action publique et la recherche des infractions.

Toutefois, l’instruction des dossiers n’incombe plus au ministère public mais un nouveau
magistrat du siège qui n’est autre que le juge d’instruction.
Enfin, en vertu de l’article 6 du Code pénal, les peines criminelles sont soit afflictives et
infamantes soit infamantes (mort, travaux forcés, déportation, détention, réclusion). Les
peines les plus graves sont celles cumulant ces deux caractéristiques et sont définies à
l’article 7 du Code pénal.
Il faut ajouter à ces peines celle de la marque et la confiscation générale jusqu’en 1832
(la monarchie de juillet en termine avec ces peines).

- Le jugement des crimes est lui aussi modifié par Napoléon Bonaparte car le jury
d’accusation est supprimé.
Sous le directoire, le jury n’a pas bonne presse, on estime que le jury d’accusation ne fait
qu’alourdir la procédure pénale.
Si bien que seul le jury de jugement subsiste, l’empereur acceptant de le conserver sur
l’insistance du Conseil d’État.
L’empereur veut tout de même pouvoir choisir les jurés.
- le conseil d’État est aussi une instance politique

Modalités de désignation des jurés : Napoléon va s’appuyer sur le maillage en France pour
sélectionner les personnes dont on peut attendre des prises de responsabilité.

Les Cours d’assise sont mises en service à partir du 1er janvier 1811. Elles
remplacent les anciennes cours de justice criminelles. Il en existe une par département et
elles siègent une fois par trimestre. Ces Cours se composent de 3 juges (choisis à la Cour
d’appel), de 12 jurés à l’époque et d’un parquet. Le modèle napoléonien reste tel quel
jusqu’à la fin du XXe siècle.
Les jurés se prononcent à la majorité simple sur les faits selon leur intime
conviction. Les juges appliquent le droit c’est-à-dire la peine prévue par le Code.

Cpdt, il existe une originalité dans le Code d’instruction criminel (de 1808) , en effet selon
l’article 1762, les juges, lorsqu’ils sont tous convaincus que les jurés tout en observant les
formes se sont trompés sur le fond en reconnaissant l’accusé coupable, les juges peuvent
décider de surseoir à statuer (ils ne donnent pas de décision le jour prévu pour l’issue du
procès).
La Cour ne peut ordonner cette surséance que d’office, immédiatement après que la
déclaration du jury a été prononcée publiquement. L’affaire est ainsi renvoyée à une
prochaine session de la Cour d’assise mais elle sera jugée par un jury recomposé. Après
cette 2nde décision, la Cour ne peut renouveler la décision de surseoir à statuer.

Les importantes réformes de l’an 8 marquent la fin de la Révolution politique ainsi


que la fin de la Révolution judiciaire. Une nouvelle période va s’ouvrir avec la déchéance de
Napoléon Ier prononcé en 1814 par le Sénat impérial. Sur la longue durée, cette nouvelle ère
se révèle propice au renouvellement de la justice étant entendu que celle-ci reste fixée dans
ses structures.
Partie 2 : Une justice renouvelée de la Restauration à la fin de la 2nde
Guerre Mondiale

Le XIXe siècle est marqué socialement par la domination des notables. Les « couches
bourgeoises » (expression de Gambetta), se trouvant de plus en plus aux postes clefs de la
société, tentent à faire pénétrer dans les institutions l’idée de liberté notamment sur un plan
économique. Cpdt, cette idée tente aussi à restreindre celle relative au rôle de l’État car il
s’agit de faire triompher des formes d’individualisme.
Cette tendance se révèle beaucoup moins nette dans la 1ère moitié du XXe siècle, c’est-à-
dire à une époque où l’on s’interroge sur la protection à accorder à l’individu.

Depuis l’installation de la République, les libertés individuelles/collectives font l’objet d’un


regard d’intérêt.
Ex : loi du 30 juin 1881 instaurant la liberté de réunion et la loi du 29 juillet 1881
instaurant la liberté de la presse.
En 1884, est reconnue la liberté d’association professionnelle (on peut former des
syndicats) et la même année est autorisé le divorce.

Aux années républicaines, correspondent des innovations importantes même si d’anciennes


problématiques ne sont pas réglées. Ainsi, l’emprise du gouvernement sur la justice s’est
lentement déserté depuis 1814. L’ordre judiciaire a retrouvé l’intégralité du pouvoir
d’interprétation de la loi (depuis 1837) puis placé sur un pied d’égalité avec l’ordre
administratif avec en 1872, la création du tribunal des conflits.

Pour autant, la République ne parvient pas à supprimer tout lien entre politique et justice. De
même, une autre problématique se révèle récurrente :
→ Quel moyens accorder à la justice ?

Chapitre I – justice et politique : un lien durable


Le XIXe siècle est un siècle de grandes mutations sociales mais aussi d’instabilité politique.
Entre le Consulat et la IIIe République, 9 régimes politiques se succèdent qui se veulent
différents les uns des autres.
Cpdt, dans le même temps, la justice est utilisée comme le « bras armé du pouvoir ».
Elle apparaît en effet comme un élément essentiel de la définition et de la préservation du
modèle social.
La justice apparaît aussi comme un support efficace pour accélérer/protéger/promouvoir le
modèle politique du moment.

Reste que, à la charnière des 2 siècles, l’affaire Dreyfus coupe la France en deux. La
bataille fait rage pendant une dizaine d’années et son écho dans toute la France ne doit pas
être sous-estimé. Léon Blum, dans son livre « Souvenirs sur l’affaire » écrit : « On se
battait pour ou contre la République ». Au fond, réside le changement essentiel, à savoir
l’installation définitive de la République qui doit relever la tête malgré les guerres et les
scandales de la 1ère moitié du XXe siècle.

SECTION 1ère- l’empreinte des changements de régime


De façon récurrente, les régimes politiques qui s’installent prévoient la mis en place de
justice d’exception afin de solder les régimes qui les ont précédé.
Des justiciables particuliers sont visés par ce type de juridiction, sachant que les juges eux-
mêmes peuvent faire les frais d’un changement de régime.

§1- le recours aux justices d’exception

La renaissance des justices d’exception concernent au 1er chef les justices politiques.
Elles ont pour justiciables de hauts personnages de l’État qui se retrouvent accusés de
trahison à la faveur du changement de régime.
De telles accusations révèlent la volonté de vengeance du nouveau régime politique qui
s’installe.
La restauration monarchique d’après les Cents jours offre un 1er exemple de cette
justice de circonstances avec l’arrestation du maréchal Ney au début du moi d’août 1815.
Il doit être jugé pour atteinte à la sûreté de l’État puisque c’est un militaire. Il devrait être
jugé par un conseil de guerre mais il était pair au moment des faits, si bien qu’il réclame
d’être jugé par la Chambre des pairs. Il est donc poursuivi et condamné à mort convaincu du
crime de haute trahison et d’atteinte à la sûreté de l’État.

La compétence de la Chambre des pairs en réalité est prévue en 3/4 par la Charte
constitutionnel de 1814 :
- article 33 « La Chambre des pairs connaît des crimes de haute trahison et des attentats
contre la sûreté de l’État qui lui serait déférés par la loi »
- article 34 « La chambre des pairs a pour vocation de juger ses propres membres »
- article 56 « La chambre des pairs peut juger les ministres sur accusation de la Chambre
des députés »

Le moment venu, ces dispositions permettront aussi de juger les ministres de Charles X. Il
leur est reproché en 1830 d’avoir contresigné les ordonnances ayant suscitées le
soulèvement de la population. Ainsi, les ministres de Charles X (partisan du retour aux
institutions de l’Ancien régime) ont inutilement fait couler le sang. Le procès de ces
ministres clôture la Révolution de 1830 même si il ne fait pas taire l’agitation sociale.

La Cour des pairs fait l’objet d’une autre convocation en 1834 à propos de la révolte
républicaine contre l’adoption des lois d’exception.
Outre les justices politiques, les Cours prévôtales de la Restauration sont aussi des
juridictions d’exception.
Ces cours sont instituées par la loi du 20 décembre 1815, texte voté sans véritable débat à
la Chambre des députés.
Cette institution ne manque pas de surprendre car la Charte constitutionnelle prohibe dans
son article 63 les juridictions d’exception mais elle précise qu’il ne faut pas comprendre
sous cette dénomination les Cours prévôtales si leur rétablissement était jugé indispensable.
3 éléments rendent nécessaire cette remise en place :
- Des milliers d’Hommes errent à travers la campagne après la défaite de Waterloo
- La famine sévit en 1816/1817 entraînant une hausse des prix (crise économique)
- Le sentiment anti-bonapartiste se manifeste dans certaines régions (notamment dans le
Sud de la France)
Ces éléments sont avancés par Louis XVIII et son gouvernement.
D’une manière générale, c’est la lutte contre la délinquance de droit commun qui
conduit au rétablissement des Cours prévôtales dans un esprit répressif.
Les Cours prévôtales se composent de 5 magistrats civils et militaires. Au
minimum, il faut 1 militaire ayant grade de colonel appelé « prévôt » ou « grand prévôt ».
Ses fonctions se limitant à l’instruction du procès. Il faut ensuite 4 magistrats civils pris au
sein du tribunal local de 1ere instance.
Ces cours se mettent difficilement en place car chez les magistrats civils, peu
nombreux sont ceux voulant se prêter à des fonctions militaires.
La compétence des Cours prévôtales comprend les crimes de rébellions armées fait
de réunions séditieuses (réunions d’individus) décriés de discours séditieux et s’étend au fait
d’arborer « un drapeau autre que le drapeau blanc » (le drapeau de la monarchie de la
Restauration est un drapeau blanc avec une fleur de lys).

Dans les faits, les cas prévôtaux se révèlent divers et en définitive, ils s’inscrivent
dans la droite ligne des Cours prévôtales de l’Empire et donc traitent des assassinats, des
vols avec porte d’arme, des violences commises et des vols commis par des militaires en
activité ou congédiés depuis 1 an.
La compétence des Cours prévôtales connaît un développement original avec la matière
douanière grâce à une loi du 28 avril 1816 dont l’objectif est de réprimer la contrebande
présentant des caractères de violence publique.

→ Pourquoi une répression aussi rude ?


La contrebande est un système organisé visant à transporter illégalement des
marchandises/personnes au travers des frontières et a toujours été vue comme mettant en
péril l’économie nationale.

La procédure observée devant les juridictions prévôtales obéit à un impératif de


célérité. La Cour prévôtale statue sur sa compétence sachant que l’accusé à droit à un
conseil mais en cas de condamnation, la sentence rendue en dernier ressors ne peut faire
l’objet d’un pourvoi en Cassation. La sentence est exécutoire dans les 24 heures à moins
d’une recommandation du condamné à la clémence du Roi. Les Cours prévôtales vont
réprimer les crimes commis par les vagabonds, par les militaires, les contrebandiers et les
bandits de grand chemin.

On s’aperçoit en définitive que les affaires politiques qui, à l’origine, avaient suscité
la mise en place des institutions prévôtales ne concernent que 10% des causes traitées par le
tribunal. Dans ces 10%, il s’agit de cris et de discours séditieux, des écrits séditieux et du
fait d’arborer le drapeau tricolore.
La Commune de Paris donne une dernière fois l’occasion de recourir à des
juridictions d’exception. Ces juridictions sont présentées comme des Cours martiales mais
elles fonctionnent en réalité comme des Cours prévôtales, condamnent à mort mais aussi à
des peines de déportation en Nouvelle-Calédonie.
Au XXe siècle, ce sont les justices politiques qui font figure de justice d’exception.
La fin de la 1ere GM se révélant propice à de nouveaux procès. Ils concernent Joseph
Caillaux poursuivit devant la haute Cour de justice pour avoir informé l’ennemi et de Jean-
Louis Malvy (ministre de l’intérieur en 1917 à l’origine de l’impôt sur le revenu)
accusé lui aussi d’avoir informé l’ennemi et d’avoir encouragé les grandes mutineries de
1917.
Les lois constitutionnelles de 1875 sont 3 lois qui vont servir pendant la IIIe République :
les ministres peuvent être mis en accusation par la Chambre des députés lorsqu’il y a
atteinte à la sûreté de l’État ou lorsque des crimes ont été commis dans l’exercice de leur
fonctions. Ils sont jugés par le Sénat constitué en haute Cour pour l’occasion.

Quelques années plus tard, la haute Cour de justice se réunit à la suite d’un scandale
politico-financier, l’affaire Oustric. Cette affaire met en cause le ministre de la justice
Raoul Péret. Ancien avocat qui s’est occupé de la banque Oustric, il ne s’est pas séparé de
ce rôle de conseil lorsqu’il est devenu ministre de la justice.
En particulier, ce ministre a cherché à entraver le cour de la justice pour épargner son
client Oustric.
D’ailleurs, Péret (ancien ministre des finances) avait autorisé Oustric à émettre des actions
sur le marché français et ce contre l’avis des services du ministère des finances. Le scandale
éclate car les sociétés d’Oustric font faillite.
La mise en cause de Péret paraît inévitable et est déféré devant la haute Cour de justice.
En 1931, la haute Cour de justice prononce un acquittement général, faute de preuves
suffisantes. La haute Cour se contente « de constater avec un profond regret les pratiques
déplorables qui ont été révélées ».

§2- l’épuration de la magistrature

Entre 1810 et 1908, pour être nommé magistrat, il suffit d’être citoyen français,
d’avoir 25 ans, être licencié en droit et d’avoir fait un stage de deux ans au barreau. Le
décret du 13 février 1908 instaure un examen professionnel d’entrée dans la
magistrature qui revêt les caractéristiques d’un véritable concours. Malgré tout, un
recrutement latéral est prévu.
S’agissant des justices de paix, elles n’obéissent pas aux mêmes conditions de
recrutement. Il faut attendre la loi du 14 juin 1918 pour que le recrutement des juges de
paix soient analogues à celui des autres magistrats.
De plus, jusqu’en 1946, les juges de paix comme les magistrats coloniaux ne bénéficient
pas de l’inamovibilité.
Pour la 1ere fois, l’ordonnance du 22 décembre 1958 envisage l’unité du corps judiciaire
par l’unification du régime de recrutement et de formation. Elle prévoit aussi la
simplification de la hiérarchie et l’amélioration de la situation matérielle des juges.

Aucun régime politique depuis la Révolution française ne s’est accommodé d’une


justice stable et indépendante du pouvoir. Dans ces conditions, l’épuration semble inévitable
même si depuis la 2nde Restauration se dégage une véritable théorie de l’inamovibilité.
L’inamovibilité des juges est antinomique du concept d’épuration (dégagement d’un corps
administratif ceux qui n’apparaissent pas assez enthousiastes par rapport au régime politique
en place).
Il apparaît sous la monarchie que l’inamovibilité doit avoir une durée limitée dans le
temps, limite résultant de la durée du règne. La pratique du serment à cet égard permet aux
magistrats les plus hostiles de quitter leur poste.
L’inamovibilité concerne la durée du régime politique mais elle ne concerne pas l’ensemble
du personnel judiciaire. La magistrature debout (parquet) peut être facilement congédiée.
En revanche, dans les débuts de la IIIe République, il devient important de trouver un
prétexte admissible pour procéder à la mesure politique de congédiement des juges hostiles.
Le principe de l’inamovibilité a fait son chemin mais reste cpdt très discuté. Pour ses
détracteurs, la forme même du régime politique ne saurait s’accommoder de l’inamovibilité.
On estime que prévoir les choses à vie est une caractéristique de la monarchie.
De plus, l’inamovibilité n’est pas un principe constitutionnel.
Les républicains se montrent méfiants à l’égard de la magistrature qu’il s’agisse de la
magistrature judiciaire ou administrative.

Le 2nde Empire est encore trop proche dans les esprits pour que soient oubliées les
attitudes politiques des uns et des autres, certains magistrats n’ayant pas hésité « à traîner
leurs robes dans la boue du 2 septembre ».
Il est vrai que le sentiment anti-républicain chez les magistrats, n’hésite pas à se manifester
soit dans le cadre de l’activité professionnelle soit en dehors de cette activité.
Les juges sont accusés de s’ériger en 3ème pouvoir et d’usurper les prérogatives de
l’exécutif et du législatif.
Dans ces conditions, la magistrature est regardée avec bcp de sévérité à tel point que se pose
la question de sa suppression.
Jules Grévy lance l’idée en 1878 alors qu’il est président de la Chambre des députés :
« Je ne connais qu’une réforme à réaliser dans la magistrature, c’est sa suppression ».

Ces éléments permettent de comprendre les raisons de l’adoption de la loi du 30 août 1883.
Dans les faits, elle suspend le principe d’inamovibilité pour une durée de 3 mois. Il s’agit
de supprimer autant de postes qu’il existe de magistrats indésirables. En ce sens, la loi
se contente de déterminer des minimums en terme de nombre de magistrats nécessaires pour
rendre valablement des décisions que ce soit en 1ere instance ou en appel.
La seule règle à respecter pour le pouvoir exécutif est de ne pas éliminer plus de magistrats
que le nombre total de sièges supprimés sachant que les éliminations porteront sur
l’ensemble du personnel indistinctement.
Ex : Il suffit de ne pas avoir salué le préfet ou ne pas avoir assisté régulièrement aux offices
religieux pour faire l’objet de sanctions.
Les victimes de l’épuration peuvent faire valoir leur droit à la retraite.

Le sentiment anti-républicain chez les magistrats en particulier n’hésitait pas a se


manifester au cours de l’activité professionnelle ou en dehors de celle-ci.
La magistrature est regardé avec bcp de sévérité. La loi du 30 août 1883 suspend le principe
d’inamovibilité pour une durée de 3 mois, le législateur se contentant de déterminer des
sommes minimums en terme de nombre de magistrats nécessaires pour rendre une décision.
Cette loi va conduire à une plus vaste épuration de la magistrature dans l’Histoire. A
l’époque, il apparaît qu’il s’agit du seul moyen propre à garantir la solidité du régime.
Par la suite, la magistrature est de nouveau visée en 1939 juste après la déclaration de guerre
par la suspension de l’établissement du tableau d’avancement et ce pour toute la durée des
hostilités.
Une importante épuration va se dérouler à l’hiver 1940 sous le Gouvernement de
Vichy. Une 2nde épuration aura lieu juste avant la chute du régime.
Ces épurations, sans surprise, revêtent un caractère idéologique et raciste. En effet, la chasse
aux étrangers est ouverte (aux métèques) ce qui veut dire que l’on entend chasser des rangs
de la magistrature les naturalisés et ceux qui composent « l’anti-France ».
De fait, l’inamovibilité des magistrats est supprimée pendant l’occupation à la suite de
l’adoption de la loi du 17 juillet 1940 (suppression de l’inamovibilité). Cela aboutit à
relever de leurs fonctions une 100aine de magistrats et ensuite grâce à des lois spécifiques
(relatives aux juifs notamment), 200 magistrats en plus sont relevés de leurs fonctions.

La légalité républicaine est rétablie par l’ordonnance du 9 août 1944 qui abroge
tous les actes législatifs et réglementaires de Vichy. Dès l’automne 1944, la magistrature
fait l’objet d’une épuration sévère et dès avant la Libération, 3 ordonnances prises à
Alger préparer cette épuration. Le Gouvernement provisoire de la RF pouvant déplacer,
rétrograder ou suspendre les magistrats du siège et du parquet.
La Constitution du 27 octobre 1946 réaffirme l’inamovibilité des magistrats du siège et on
considère que l’épuration est clause en 1948.

Section 2nde - la place du juge dans les Institutions

En dépit des différentes vagues d’épuration, la magistrature parvient à conquérir une place
importante au sein des institutions. Cela s’observe sous la IIIe et la IVe République, tandis
que depuis le début du XXe siècle, différents évènements ont remis en cause l’équilibre
social.
De ce point de vue, l’affaire Dreyfus constitue un pt de rupture essentiel et sert en définitive
l’image de la magistrature judiciaire. Au delà, au sein d’une République bien installée, il va
s’agir de conférer une stabilité à la magistrature ce dont témoigne la reconnaissance
progressive de son indépendance.

§1- L’affaire Dreyfus, séisme judiciaire et politique

Le 15 octobre 1894, le Capitaine Alfred Dreyfus est arrêté au ministère de la guerre.


Il y achève alors un stage et son arrestation a été décidée par le ministre de la guerre en
personne (Général Mercier). Il a 35 ans et dès le moi de décembre 1894, il est condamné à
Paris par un Conseil de guerre pour crime de haute trahison. L’affaire a été réglée très vite
car Dreyfus présente un profil atypique : il est juif et d’origine alsacienne, de plus, il sort
de l’école polytechnique.
Le crime de haute trahison est naturellement d’une gravité particulière dans une France
hantée par la défaite de 1870 face à la Prusse donc par l’idée de revanche face à
l’Allemagne.
Cependant, ce crime est attribué à Dreyfus à la suite d’une machination à la fois
militaire, policière, judiciaire et rendue possible par l’indifférence des pouvoirs légaux.
L’accusation repose sur le fait que l’écriture de Dreyfus aurait été reconnue sur un bordereau
non signé accompagnant l’envoi de documents secrets interceptés au sein de l’ambassade
d’Allemagne dans le bureau de l’attaché militaire.
La France soudoyait la femme de ménage s’occupant de ces bureaux, ils ont donc pu
avoir les informations.
L’identification n’est pas le fruit du hasard, elle est le résultat de faits solennels qui se sont
montrés hostiles à Dreyfus pendant le déroulement de son stage.

Le profil de Dreyfus ne plaît pas au sein de l’armée et la pression pour le faire


condamner a été énorme. Ainsi, un dossier secret composé de fausses pièces à charge contre
le Capitaine Dreyfus est communiqué aux juges du Conseil de guerre pendant leur délibéré
(l’audience se tient, les juges sont à huit clos pour délibérer, un émissaire vient leur donner
le dossier secret pourtant c’est illégal, les juges le condamnent donc).
Dreyfus est condamné et dégradé publiquement dans la cour de l’école militaire, puis
déporté au large de la Guyane sur l’île du diable.
Il subit ici un traitement cruel mais qui ne vient pas à bout de sa détermination, pas plus que
de celle de sa famille.

Les premiers dreyfusards de même que quelques officiers de l’armée dont le nouveau
chef des services secrets (Lieutenant Colonel Picquart) s’emploient à découvrir la vérité.
Cpdt, ils sont contraints d’affronter la raison d’État et la violence des foules qui refusent
d’entendre parler d’une innocence de Dreyfus. De plus, les foules sont encadrées par l’idée
antisémite.
La France des années 1880/1890 est la France du boulangisme (aventures du Général
Boulanger), du scandale de Panama (des hommes politiques touchent des chèques pour
couvrir les montages financiers de la compagnie du canal) et des violences anarchistes
(bombe d’Édouard Vaillant qui éclate à Paris).

La République n’est pas parvenue à régler la question de la place de l’armée dans la


démocratie. Pas plus que la question de moralité du régime politique.

Pour couronner le tout, en 1886 est parue un ouvrage d’Édouard Drumont s’intitulant «
La France juive » qui diffuse l’idée d’un complot juif contre la France. Ce livre devient un
important succès de librairie.

En 1896/1897, après de longs mois d’enquêtes sous l’autorité de Picquart, certains


officiers de l’armée ont compris que le véritable coupable est le Commandant Esterhazy
qui était en justice. Cpdt, le Conseil de guerre qui le juge (début 1898) l’acquitte à
l’unanimité. Cette décision retarde encore plus les possibilités de révision du procès
Dreyfus.
Cette révision semble d’autant moins, à l’ordre du jour, que les gouvernements
républicains qui se succèdent jusqu’en 1898 refusent de prendre en compte les preuves de
son innocence.
Or , des intellectuels tels que le philosophe Émile Durkheim, l’écrivain Anatole
France mais aussi quelques hommes politiques comme Jean Jaurès et Georges
Clemenceau protestent contre les menaces portées contre les droits de l’Homme.

Dans ce contexte d’inertie politique, Émile Zola publie son article « J’accuse ! » dans
L’Aurore. Cet article va provoquer en janvier/février 1898 un procès retentissant contre
son auteur mais va permettre à la justice de se remettre en marche.
Émile Zola prend des initiatives et n’a pas peur, il a une audience médiatique phénoménale.

Ce texte s’adresse à Félix Fort, président de la République. Il se présente comme


un long réquisitoire visant à démontrer l’innocence du Capitaine Dreyfus mettant en
opposition son martyre et l’impunité offerte au véritable coupable. Zola met en avant les
responsabilités des institutions politiques ainsi que celle des journaux qui entretiennent la
haine dans une opinion publique complaisante. Il conclut son article par la mise en
accusation des principaux responsables qu’il vient d’identifier.
Par un acte révolutionnaire, Zola s’offre de passer en justice, ses accusations étant de
nature à le faire poursuivre devant une Cour d’assise pour diffamation (1881 : loi sur la
presse concernant les délits de presse).
Il va être contraint à l’exil en Angleterre.
Ce qui était désiré : l’affaire est relancée car il faudra examiner le fond du problème.
→ Les accusations de Zola sont-elles véridiques ?

La condamnation de 1894 est donc annulée par la Cour de cassation en juin 1899.
Dreyfus, est une nouvelle fois condamné par un Tribunal militaire à Rennes (Bretagne) en
1899. Dreyfus est acquitté, c’est un évènement mondial. Le scandale provoqué par cette
décision est telle que Dreyfus est gracié et libéré.
On considère que cette grâce est une victoire de la politique dite de défense républicaine
menée par Victor Rousseau, elle permet de contenir les poussées du nationalisme.
En 1906, après une longue procédure de révision, la Cour de cassation réhabilite Dreyfus
mettant un terme à la bataille judiciaire et illustrant la supériorité de la justice civile sur la
justice militaire.
Quelques jours plus tard, Dreyfus est promu dans l’ordre de la légion d’honneur, reste
toutefois que le temps de la déportation ne lui sera pas compté comme service actif alors
qu’il a été reconnu comme totalement innocent. Dreyfus n’atteindra malheureusement
jamais les plus hauts grades de commandements bien que ses notations lui auraient permis.
Il participera à la 1ère GM, finissant la guerre au-delà de la limite d’âge et décédera en
1935.
§2- l’indépendance en question

La 1ère GM est l’occasion de renouveler la réflexion sur la situation de la magistrature tant


la profession apparaît plus attractive alors même que le monde judiciaire s’est fait remarqué
par son fort patriotisme.
Il faut savoir que jusque là, l’avancement des magistrats dépendait du bon vouloir du
ministère de la justice. Cela signifie que toute sorte de recommandation officieuse influe sur
la nomination des magistrats.

Malgré tout, a été crée au moi d’août 1906 par un décret du 1er août 1906 le tableau
d’avancement de la magistrature à l’image de ce qui existe pour les autres
administrations.
Il faut attendre le décret du 21 juillet 1927 pour que soit définie la hiérarchie judiciaire
allant du juge suppléant au grade de président de chambre à la Cour d’appel de Paris.
(sachant que hors grade se trouvent les plus hauts magistrats)

A partir de 1927 est mieux prise en compte l’ancienneté car l’établissement du tableau
d’avancement désormais dépend de la décision d’une commission composée de magistrats
et de membres du ministre de la justice.
Nouveauté : prise en compte de l’opinion des magistrats sur leurs paires pour la progression
dans leur carrière, ces progrès sont minimes.
Dans l’entre deux guerres, la question de indépendance de la magistrature est soulevée à la
suite de scandales politico-financiers et l’affaire Stavisky en constitue un exemple
retentissant. Stavisky a fondé le crédit municipal de Bayonne à la demande du maire
Joseph Garat. Il a fait mettre par le crédit municipal des bons de caisse frauduleux ce qui
aboutit à sa faillite.
- Crédits municipaux = monts de piété : endroits où l’on dépose des objets de valeur en
échange de prêts (bonds de caisse = liasses de billets). Si le prêt n’est pas remboursé, les
objets de valeur sont pris par le crédit municipal.

Stavisky est arrêté mais parvient à s’évader puis disparaît. Au début du moi de janvier
1934, il est retrouvé suicidé lors de l’arrivée de la police dans un chalet de Chamonix où il
s’était réfugié.
→Le scandale est grand : s’est-il suicidé tout seul ou l’a-t-on aidé ? Les policiers l’auraient-
ils poussé ?

Le Président du Conseil Camille Chautemps (équivalent du 1er ministre) est compromis à


cause d’un magistrat (son beau frère), qui en sa qualité de procureur général aurait du
poursuivre Stavinsky. Il est contraint de démissionner et l’action française appelle à
manifester autour du Palais Bourbon (Assemblée nationale).

L’action française va s’emparer de l’affaire pour dire que la République est incapable de
donner un gouvernement digne de ce nom, et renverser le pouvoir. In fine, on se demande si
il ne va pas y avoir de coup d’État (février 1934). A la suite des émeutes se constitue l’idée
de fonder un front commun : à partir de là naît l’idée de front pour le pain et la liberté.

Quelques semaines après Stavisky, le magistrat en charge du dossier auprès du


parquet de Paris décède de façon anormale puisqu’il est pulvérisé par un train.
Par la suite, plusieurs propositions de lois sont formulées en vue de redonner au juge liberté
et prestige : cela signifie qu’il faudrait s’assurer d’un meilleur fonctionnement de la
commission d’avancement et de la formation des juges.
Reste que l’agitation sociale entretenue par les ligues d’extrême droite empêche de
procéder à une réforme profonde, il faudra attendre l’après 2nde GM pour que cette réforme
ait lieu. Il revient à la Constitution de 1946 de prévoir l’institution d’un Conseil
supérieur de la magistrature (réf texte constitutionnel de 1946 et 1958).

Chapitre II : les mutations de la vie juridictionnelle

Les bouleversements des 19e et 20e siècle sont d’ampleurs et appellent la modernisation de
l’appareil de justice qui témoigne d’une perméabilité aux évolutions sociales.

Section 1ère : la modernisation de l’appareil de justice

La modernisation de cet appareil au 19e comme au 20e siècle résultera de l’accès à la justice
facilité aux plus démunis des citoyens et ensuite du réaménagement de l’ordre judiciaire.

§1- L’accès à la justice facilité

Le combat pour l’assistance judiciaire a commencé avant même la Révolution de


1848 et dès son élection à la présidence de la République, Louis Napoléon Bonaparte
reconnaît devant l’Assemblée « la défense gratuite des indigents n’est pas suffisamment
assurée par la législation ».
La gratuité de la justice est un principe proclamé depuis 1790 mais il ne concerne que la
rémunération des juges.
Aussi bien, la loi relative à l’assistance judiciaire sera votée en 1851 et constituera
le socle de ce qui sera appelé « aide juridictionnelle » à partir de 1872.
La loi de 1851 prévoit les conditions d’octroi d’une faveur et non d’un droit, faveur à
destination des personnes démunies (esprit du paternalisme des institutions). Selon l’article
1er de la loi de 1851 « l’assistance judiciaire est accordée aux indigents dans les cas prévs
par la présente loi » ce qui tente à rapprocher l’assistance judiciaire de la bienfaisance
privée.

L’assistance est accordée par un bureau d’assistance judiciaire installée dans chaque
arrondissement : il est composé de 3 hommes de lois, 1 représentant du préfet et du délégué
du directeur de l’enregistrement.
Ce bureau se prononce sur l’indigence (réponse ou non des conditions) et sur la
pertinence de l’action judiciaire. Dans une certaine mesure, il peut faire fonction de
médiateur pour éviter l’action en justice. A bien des égards, il fait figure de « tribunal des
pauvres » dans l’intention du législateur. Il tranche souverainement : l’appel est impossible
même pour contester la qualité d’indigent. Le seul recours ouvert concerne le procureur
général pouvant demander la réformation d’une décision illégale.

Pdt lgtps, l’assistance judiciaire est trop rare pour influencer le volume des procès
mais on observe une montée en puissance des demandes d’assistance dans les années
1880. Sur le plan civil elle va approcher 10% des affaires traitées par les tribunaux civils
contrairement à 20% en 1892. Pour autant, une part plus importante des causes où l’une des
parties a bénéficié de l’assistance ne sont pas jugées.
On observe que l’assistance judiciaire est accordée généralement aux demandeurs, rarement
aux deux partis et presque jamais au seul défendeur.
Durant le 20e siècle, les demandes d’assistance judiciaire vont concerne plus souvent
les ménages désunis. Ainsi, à partir du rétablissement du divorce en 1884, de plus en plus de
demandes sont faites par des femmes qui espèrent obtenir cette assistance.
D’une manière générale, les demandes en la matière ont augmenté à partir des années 1860
et en parallèle, ce sont aussi les affaires de pensions alimentaires qui suscitent des
demandes.

C’est sur ce plan que les bureaux d’assistance parviennent à jour un rôle de
conciliation. Sur la longue période, ces évènements sont précis : amélioration de la
législation sur la séparation de corps en 1869, le divorce en 1884 ou l’amélioration de
l’accès à l’assistance judiciaire en 1901 qui donne de l’élan dont la croissance normale
semblait être de l’ordre de 2,25% par an.

§2- un ordre judiciaire réaménagé

Dès le début de la monarchie de Juillet, la volonté politique affichée est de réduire


des juridictions et un personnel jugé pléthorique (notamment les juges de paix). Il existe
alors 27 cours d’appel et 361 tribunaux d’arrondissement. Cependant cette volonté n’est
pas suivie d’effet, en raison de la crainte inspirée par la réaction que causerait un tel
bouleversement.
La 2nde République, eu égard aux nouvelles valeurs qu’elle véhicule, s’intéresse à son tour
à la « réforme de l’organisation judiciaire », à travers notamment la question du jury
criminel.
Cependant aucun grand projet de réorganisation judiciaire n’aboutit et les mesures qui ont
pu être adoptées sous la 2nde République sont rapportées par le IInd Empire.

Avec l’avènement de la IIIe République, la loi impériale du 4 juin 1853 relative au


jury criminel est abrogée, au profit des dispositions de la loi de 1848. L’idée est d’attendre
une nouvelle réforme, avec comme principal sujet de réflexion le mode de désignation des
jurés, plus que leur rôle sur le fond.
Le comportement de Thiers a certes rassuré les notables, mais ces derniers ne veulent
confier des pouvoirs qu’à des hommes strictement sélectionnés. Cela explique que la loi du
21 novembre 1872 relative au jury criminel n’apporte en apparence que des retouches aux
dispositions du IInd Empire.

Au regard de la carte judiciaire, 2 décrets-lois sont pris le 3 septembre 1926. Ils


suppriment les tribunaux d’arrondissement, pour établir des tribunaux
départementaux. A l’intérieur de chaque tribunal départemental sont mises en place des
sections, destinées à remplacer les tribunaux d’arrondissement (suppression de 227
tribunaux sur 358).
Parallèlement, sont réunies les justices de paix. Il faut dire que si, jusqu’en 1926, le
personnel judiciaire avait pu être diminué, le nombre de juridictions était resté le même. Si
la réforme, brutale, a lieu en 1926, c’est que la crise du franc conduit à l’adoption de
mesures spectaculaires par Poincaré. Non seulement la réflexion a été menée en secret, mais
encore le décret-loi paraît le 3 septembre, soit presqu’à la veille de la rentrée judiciaire.
Le mécontentement du monde judiciaire et de la population est tel qu’une loi du 22
août 1929 institue autant de sections dans le tribunal départemental, qu’il existait
auparavant de tribunaux d’arrondissement (à l’exception de ceux qui n’étaient pas parvenus
à rendre une moyenne annuelle de 200 jugements).
En définitive, les tribunaux départementaux sont supprimés par la loi du 16 juillet
1930. Elle transforme leurs sections en tribunaux de première instance, qui restent en l’état
jusqu’en 1958.

Au regard de l’activité des juridictions, il faut souligner que leur grande stabilité,
notamment en matière pénale, ne doit pas dissimuler les grandes évolutions des XIXe-XXe
siècle. En effet, elles témoignent des changements de cap de la politique répressive.
Ainsi, dans les années 1820-1830, les délits ruraux et forestiers forment l’essentiel du
contentieux.
Il est vrai que le Code forestier de 1827 interdit certaines formes d’exploitation
traditionnelle de la forêt, ce qui prive les paysans de ressources. Ce changement radical
explique que 70% des affaires correctionnelles autour de 1830 soient constituées de ce
contentieux, qui dans les années 1850 représente encore 30% de l’activité des tribunaux
correctionnels.
S’il y a par la suite allègement sensible du contentieux forestier, c’est qu’une loi de
1859 autorise l’administration des forêts à transiger avant jugement. A côté des délits
forestiers, une part non négligeable des affaires correctionnelles réside dans le traitement
des infractions en matière de chasse et de pêche. Avec les progrès de l’industrialisation à
partir de la monarchie de Juillet, ce sont plutôt les vols, les atteintes aux bonnes mœurs et à
l’ordre public (vagabondage, mendicité), les coups et blessures qui deviennent une
préoccupation récurrente des tribunaux correctionnels, et ce, jusque dans les années 1960.
Un aspect important de la répression concerne cependant les infractions aux mœurs : cette
expression désigne, pendant longtemps, tout aussi bien les outrages publics à la pudeur, que
les attentats à la pudeur, les viols, ou encore l’adultère. Par « outrage public à la pudeur »,
on désigne au XIXe siècle surtout des exhibitions et agressions sexuelles, pouvant
comprendre des crimes qui seraient aujourd’hui qualifiés de viol ou de pédophilie.

Reste à signaler que le législateur de la IIIe République est obnubilé par le problème
de la récidive, l’objectif étant de séparer les délinquants occasionnels des délinquants
habituels. A destination des délinquants occasionnels, la loi du 14 août 1885 se penche sur
les moyens de prévenir la récidive, et celle du 26 mars 1891 institue le sursis à
emprisonnement.
En revanche, la loi du 27 mai 1885 permet de reléguer (Nouvelle-Calédonie, Guyane) les
petits délinquants récidivistes. Depuis le milieu du XIXe siècle, jusqu’à la seconde Guerre
mondiale, la durée de la détention est à peu près stable, de l’ordre de 4 mois. Néanmoins,
l’évolution du nombre de détenus est à la baisse, 3 à 4 fois moins, ce qui signifie que les
juges ont moins recours à de la prison ferme (jusqu’au milieu du XXe siècle !).

Section 2nde : la perméabilité aux évolutions sociales

La transformation majeure de la justice dans le courant de la IIIe République réside dans sa


laïcisation commencée dès les débuts du régime.

La justice n’attend pas la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État pour
connaître des bouleversements : le juge est avant tout un garant de l’ordre social et cet ordre
se veut à-religieux. Au delà, le métier et la dignité du magistrat connaissent une évolution
sensible, résultant des transformations sociales mais aussi des modifications du recrutement
des magistrats.
§1- La laïcisation de la justice

Depuis le Moyen-Age, le jour de la rentrée judiciaire se déroulait la messe rouge


(cérémonie) encore appelée messe du Saint-Esprit, célébrée par un évêque souvent à
l’intérieur des palais de justice en présence des magistrats. La messe terminée, les magistrats
tenaient l’audience solennelle de rentrée. Cet usage s’était répandu à partir d’une innovation
au 14e siècle par le Président du Parlement de Paris.

Cette messe est supprimée à l’occasion des révolutions (1789, 1830 et 1848).
Cependant, une fois les révolutions passées, la messe revient à titre d’usage : elle a encore
cour durant le 19e siècle avec les même règles.
Cette pratique perdure jusqu’en 1900 : pendant une grande partie du 19e siècle, l’alliance
du pouvoir politique et de l’Église permet au clergé d’exercer une influence directe sur les
nominations des magistrats (La conclusion du Concordat en 1516 symbolise cette union).
Il n’est pas rare sous la monarchie de juillet ou sous le 2nd Empire de voir des prélats
recommander des magistrats.

Réciproquement, un grand nombre de magistrat sollicite les ecclésiastiques pour


accélérer leur carrière. Du reste, à plusieurs reprises, le ministre de la justice étant aussi
celui des cultes, il apparaît aux ecclésiastiques de garantir l’autorité de leur tutelle. Avec la
victoire des républicains, le sentiment anti-clérical progresse. Les autorités ecclésiastiques
se sont affichées très tôt comme hostiles à la République.
Ainsi, l’idée selon laquelle la religion ne doit plus être une affaire relevant de la
compétence de l’État, elle relève de la sphère individuelle, si bien que dès 1869, Gambetta
demande la suppression du budget des cultes et la séparation des églises et de l’État.
S’agissant de la justice, l’entreprise de laïcisation doit être rapprochée de la problématique
de l’inamovibilité.

En effet, 2 décrets du moi de mars 1880 déclenchent le mouvement de laïcisation :


- le 1er prononce la déclaration de la suppression de la compagnie des jésuites
- le 2nd enjoint aux congrégations de demander au Gouvernement une autorisation dans un
délai de 3 mois.

Une circulaire du garde des Sceaux du moi de juin 1880 prescrit aux magistrats du
parquet de veiller à l’exécution des arrêtés de dissolution. Ces mesures déplaisent
fortement à un nombre de parquetiers et très rapidement, les démissions s’enchaînent
(plusieurs centaines de magistrats démissionnent entre 1880/1881). Le mouvement est
considérable. En 1883, se pose aussi la question Paris de savoir si la messe rouge
continuerait d’être célébrée.
Avec l’avènement de la République, on observe une diminution de cette pratique en
province.
La Cour de cassation et la Cour d’appel de Paris par 2 délibérations se prononcent
pour le maintien de la tradition. Cpdt, la pratique s’affaiblit et les hauts magistrats se
dispensent de plus en plus d’y assister : elle est abolie par une simple circulaire du
ministère de la justice du 22 décembre 1900.
La laïcisation de la justice va prendre un tourment particulier, autour de la loi de 1905,
même si en réalité, les mois précédant son adoption se révèlent riches en matière de relation
entre justice et Église.

En effet, dans le 1ers mois de 1904, la visite en Italie du président de la République


Émile Loubé se traduit par une dégradation des relations diplomatiques avec le Vatican. Le
Pape vient de changer alors que Léon XIII avait conduit l’Église à reconnaître le bien fondé
de la RF. Pi X se montre plus raide sur ce plan et n’apprécie pas que le président de la
République soit accueilli en Italie comme « le triomphateur de la raison théocratique ».
Les italiens louent les positions françaises sur la laïcité.

En riposte, le Pape, au mépris du Concordat de 1801 menace de sanction les prélats français.
C’est la rupture des relations diplomatiques avec le Saint siège.
Cependant, le Concordat de 1801 avait laissé subsister dans les salles d’audience des
emblèmes religieux (crucifix, tableaux religieux, statuts).
Aussi, une simple circulaire dite circulaire

« Vallé » expédiée aux parquets généraux ordonne la disparition de ces signes religieux
ostentatoires. Cette circulaire est expédiée le vendredi 1er avril 1904 (vendredi Saint).
La loi du 9 décembre 1905 dans les faits va poser problème aux catholiques en disposant
que « La République assure la liberté de conscience et qu’elle ne reconnaît, ne salarie ni ne
subventionne aucun culte ».
Dans les années suivants l’adoption de la loi, on constate un climat tendu dans les
régions restées très catholiques. L’application de la loi va engendrer des procès
correctionnels à la suite des opérations d’inventaires. De même, le retrait des emblèmes
religieux a pu poser problème même si en général, les magistrats ont cherché à jour
l’apaisement.

Ex : le chef de Cour de Toulouse fait installer un rideau pour faire disparaître aux yeux du
public une peinture religieuse qui se trouve dans une chambre de la Cour d’appel. A Paris,
on met dans les combles les crucifix et les tableaux.

§2- transformation des professionnels de la justice

La vie même du magistrat doit être un modèle d’ordre social ce qui justifie une vigilance du
ministère quant aux comportements des magistrats à la fois dans leur activité
professionnelle et en dehors de celle-ci.
Ex : cela explique que pendant lgtps, les séparations de faits entre époux n’est pas bien vu,
pas plus que les relations hors mariages.
En 1885, un Président de Tribunal est frappé d’une sanction pour avoir reçu à son cabinet du
Palais de justice des visites de femmes malfamées.

Il faut rappeler que jusqu’à la 1ère GM, les magistrats appartiennent à la France des
notables. Il s’agit pour eux d’une élite de propriétaire foncier. Ce n’est qu’à partir de la 2nde
GM que les choses changent puisqu’à l’occasion de la 1ere enquête réalisée sur les futurs
magistrats, seuls 8% sont des enfants de magistrats.
Le changement est notable car il avait été admis pdt le 19e siècle que priorité devait être
donnée aux fils de magistrats quand plusieurs candidats se présentaient pour un même
poste.

La IIIe République malgré tout renouvelle la dynamique sociale grâce à l’avènement des
«couches nouvelles» selon Gambetta (classes bourgeoises d’une grande diversité).
De cette manière, entre 1890 et 1920, les magistrats seront issus en 1er lieu de parents
fonctionnaires puis de professions judiciaires.
La loi du 28 avril 1919 relative au relèvement des traitements des magistrats a un exposé
des motifs significatif, elle dit que « peu à peu la magistrature a cessée d’être un privilège
de classe ».
En parallèle, l’entrée des femmes est discutée dans les années 30. A l’appui de cette
idée, les femmes peuvent accéder aux barreaux depuis la loi du 1er décembre 1900.
Dès 1908, elles peuvent être élues au Conseil de prud’hommes et depuis 1931, elles sont
éligibles au sein des Tribunaux de commerce. Malgré tout, cette entrée ne paraît guère
possible car les femmes n’exercent pas de droits politiques (pas de droit de vote), or, juger
est un attribut de la puissance publique.
Il faut attendre la loi du 11 avril 1946, votée par L’Assemblée nationale constituante
pour que les femmes accèdent aux fonctions de la magistrature.
Avec l’obtention du droit de vote par les femmes, se trouve levé l’obstacle principal à leur
entrée dans la magistrature. Dans les faits, il faudra attendre les années 1960/1970 pour que
la féminisation de la magistrature se produise véritablement.
(La 1ère femme qui préside la Cour de cassation a été Simone Rozès entre 1984 et 1988)

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