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INTRODUCTION

AU DROIT PUBLIC

2016 - 2017
Introduction :
Le droit constitutionnel est une discipline du droit public. Il rassemble les règles relatives à
l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics. C’est aussi l’ensemble des règles relatives à
la proclamation et à la garantie des libertés fondamentales.

Il s’agit d’une discipline apparue assez tardivement, la première constitution date de 1791.
Avant 1791, qu’est-ce qui régissait le droit ? Les lois du royaume : de grands principes qui organisaient
la vie en société (ex : loi salique, loi de l’indisponibilité, loi de l’inaliénabilité).

Dans l’ancien régime, il y a déjà l’idée que le roi est soumis à un ensemble de coutumes et de
lois. L’idée que les règles extérieures s’imposent aussi au roi est déjà présente, mais c’est au siècle des
lumières que cette supériorité des lois est affirmée.

Les révolutions donnent naissance aux constitutions. Aux Etats-Unis, les 13 colonies
d’Amérique du Nord déclarent leur indépendance au terme d’une guerre après laquelle ils adoptent la
déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776. Puis les 13 colonies se regroupent en fédération et
adoptent une constitution en 1787.

En Angleterre, c’est la création d’un nouvel impôt sans le consentement du peuple qui va
déboucher sur l’adoption de la grande charte (magna carta) en 1215 et aboutira au Bill of Right (1689).
La révolution française s’embrase elle aussi à cause du non consentement à l’impôt. Suite aux
difficultés financières du pays, le roi convoque les Etats Généraux le 9 juillet 1789, les députés
s’autoproclament assemblée constituante (=assemblée qui écrit une constitution), en jurant de ne pas
se séparer tant que la constitution ne soit pas rédigée. Le 26 aout 1789 les députés adoptent la DDHC,
et la première constitution est adoptée en 1791.

Que retenir de ces révolutions ?

Aux Etats-Unis et en France, après les deux révolutions, l’origine du pouvoir ne réside plus dans
le roi ou dans le colonisateur mais dans le peuple à travers ses représentants.
Le passage à l’Etat moderne se traduit par une dépersonnalisation du pouvoir. C’est la fin du pouvoir
qui repose sur le charisme, la force, la tradition. Dans un Etat moderne, le gouvernement n’accède plus
au pouvoir par la force mais en fonction de règles qui organisent l’accession au pouvoir (comme les
élections).
C’est cet ensemble de règles qui forment la constitution d’un Etat moderne.

A partir de ces révolutions, le constitutionalisme va se propager, s’ancrer dans tous les pays
occidentaux. Ce constitutionalisme se propage avec une idée forte : le pouvoir ne peut pas se
concentrer dans les mains d’un seul homme : « Tout homme qui détient du pouvoir est porté à en
abuser » - Montesquieu, L’Esprit des Lois. Montesquieu propose donc trois grandes fonctions de l’Etat
moderne, trois organes distincts.

• Le pouvoir législatif : c’est le pouvoir de faire la loi, le pouvoir confié au parlement. Le


parlement est généralement bicaméral (chambre basse + chambre haute). La chambre basse
est directement élue par le peuple (Assemblée nationale) tandis que la chambre haute est soit
clairement aristocratique (chambre des Lords) soit constituée d’élus indirects (Sénat), soit elle
représente les Etats fédérés au sein d’un Etat fédéral (Etats-Unis).

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• Le pouvoir exécutif : c’est le pouvoir d’exécuter la loi. Il est confié soit au chef de l’Etat (La
reine en Angleterre, le président en France), soit au chef du gouvernement (le premier ministre
en France ou en Angleterre). S’il est confié aux deux on parle de pouvoir bicéphale.
• Le pouvoir judiciaire : c’est le pouvoir de sanctionner la violation du droit. En France, il existe
deux grands ordres juridictionnels :
o L’ordre judiciaire se compose de tribunaux de première instance, de grande instance,
de cours d’appel et de cours de cassation.
o L’ordre administratif se compose de tribunaux administratifs, de cours administratives
d’appel et du conseil d’Etat.

En France, il y a deux cours suprêmes, la cour de cassation et le conseil d’Etat. On ajoute à ces
deux ordres le tribunal des conflits, qui a pour mission d’arbitrer les litiges qui ne trouvent pas d’issue
entre les deux ordres (cour de cassation et conseil d’Etat).

Le conseil constitutionnel ne doit pas être considéré comme un troisième ordre de justice. Ce
n’est pas non plus une cour suprême qui coifferait les ordres de juridiction. Même depuis l’entrée en
vigueur de la question prioritaire de constitutionalité (QPC), le conseil constitutionnel n’est pas devenu
une cour suprême.

A toutes les juridictions il faut ajouter la cour de justice européenne et la cour européenne des
droits de l’Homme.

Le droit constitutionnel en Europe connait un avant et un après seconde guerre mondiale.


Avant 1945, la loi est au-dessus de tout. C’est le légicentrisme : la loi jouit d’une aura absolue, elle est
sacralisée. C’est à Jean Jacques Rousseau que l’on doit ce dogme de l’infaillibilité de la loi. Mais en
1940, les pleins pouvoirs sont donnés à Pétain, et quand la guerre se termine les français refusent ce
légicentrisme, Hans Kelsen dit qu’il faut passer d’un Etat légal à un Etat supra légal ou la constitution
serait au sommet de toute la hiérarchie.

Hans Kelsen est le premier à théoriser cette suprématie de la constitution. Cette théorie est
basée sur une construction intellectuelle, celle de la pyramide de la hiérarchie des normes. Selon cette
théorie, le système juridique est un ensemble de règles hiérarchisées. Chaque norme n’est valide que
parce qu’elle est conforme à une norme immédiatement supérieure. D’où la nécessité d’une cour
constitutionnelle pour contrôler que les lois soient bien conformes à la constitution. On a reproché à
Kelsen la chose suivante : pour être valide, de quoi la constitution doit-elle tirer sa conformité ? Pour
se faire, Kelsen a posé une hypothèse : la constitution est validée car elle est conforme à la grundnorm :
la norme hypothétique fondamentale.

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Partie I – L’encadrement juridique du pouvoir
de l’Etat : une approche globale du droit
constitutionnel

Il s’agit ici de définir les éléments classiques d’un Etat de droit : la constitution, l’Etat et la
justice constitutionnelle.

Titre 1 : La constitution, norme suprême de l’Etat.


Chapitre 1 : La notion d’Etat.
Historiquement, le terme Etat désigne la condition juridique d’une personne en tant que
membre d’une collectivité humaine. A l’époque, il y avait plusieurs Etats au sein d’une même
population puisque la population n’était pas considérée comme un ensemble mais comme une
superposition de classes. La signification actuelle du mot Etat n’apparait qu’au XIXe siècle où le mot
commence à désigner la forme d’organisation politique d’un pays.

Section 1 : les conceptions théoriques de l’Etat.


Paragraphe 1 : Les théories du contrat social
L’origine contractuelle du pouvoir est au cœur de certains penseurs du XVIe siècle mais ils dominent
au XVIIIe. Selon cette théorie, l’Etat ne proviendrait pas de la volonté divine mais d’un contrat de
plusieurs volontés humaines.

• Hobbes : Le première grande œuvre qui met au centre de la réflexion l’Etat, c’est le Léviathan
de Hobbes. Avant l’apparition de l’Etat, les individus vivent dans un Etat de nature : un Etat
anarchique, violent, chacun cherchant à être le plus fort. Pour Hobbes, la caractéristique de la
nature humaine est le désir de toute puissance. C’est donc pour échapper au chaos que les
hommes décident de se regrouper en société pour former un contrat social. Les hommes
décident de créer un tiers pouvoir qui va décider pour tous. Le contrat est donc dur car ils
abandonnent leurs libertés naturelles contre la sécurité physique. Le problème de ce contrat
est qu’il donne aux chefs un pouvoir omnipotent, une aliénation totale de l’homme. Ce
monstre totalitaire, Hobbes lui donne les traits d’un monstre biblique : le Léviathan.
• Locke : Contrairement à Hobbes, Locke soutient que contenir la société limite le pouvoir et ne
le rend pas surpuissant. C’est une vision plus optimiste de l’Etat. Dans « Essai sur le
gouvernement civil », 1669, Locke présuppose que dans l’Etat de nature, les hommes ne se
laissent pas dominer par la passion mais par la raison. Les hommes jouissent paisiblement de
leurs droits naturels mais il arrive que ces droits soient violés (ex. le droit de propriété). plutôt
que de se rendre justice eux même, les hommes décident d’abandonner l’Etat de nature pour
faire appel à une tierce personne : l’Etat.
• Rousseau : Pour J.J. Rousseau, les hommes sont de bons sauvages qui vivent heureux et libres.
« Du contrat social », 1762, explique que les rapports entre les bons sauvages vont se dégrader
à cause des inégalités entre eux. Pour vivre de nouveau heureux, les hommes concluent un
pacte entre eux par lequel ils s’engagent à obéir à la volonté générale qui s'exprime dans la loi.

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Paragraphe 2 : Les critiques de l’Etat au XIXe siècle
Dès que l’Etat est créé, il est critiqué. On peut évoquer deux critiques principales.

• L’Etat est un mal mais c’est un mal nécessaire. Dans cette perspective, il doit intervenir au
minimum et se contenter d’assurer une mission régalienne, on parle d’Etat gendarme :
courant libéral inspiré des Etats-Unis.
• L’Etat est un mal nécessaire destiné à disparaitre. Plutôt que de prôner sa suppression
immédiate, les marxistes léninistes veulent commencer par établir une dictature du prolétariat
pour vaincre le pouvoir bourgeois. Ce n’est que dans un second temps que les classes sociales
disparaitront et l’Etat avec elles.

La conception juridique de l’Etat n’apparait qu’à la fin du XVIIIe siècle. Désormais, l’Etat n’est plus
seulement une idée, c’est une entité et c’est à partir de là que Maurice Hauriou fonde sa théorie de
l’institution : le droit fait naitre des institutions avant tout. En France et en Allemagne, deux auteurs
contestent cette théorie institutionnelle de l’Etat : le bordelais Léon Duguit et l’allemand Max Weber.
Ils perçoivent le droit de manière beaucoup plus sociologique.

Section 2 : Les éléments constitutifs de l’Etat.


L’existence d’un Etat est normalement officialisée sur la scène internationale par sa reconnaissance
par les autres Etats. Pour qu’un Etat soit juridiquement reconnu, il faut qu’il puisse établir trois
éléments : territoire, population ; souveraineté.

Paragraphe 1 : Le territoire
Le territoire est l’élément qui cristallise le plus les conflits. Malgré les revendications qui sont
souvent à l’origine de guerres, c’est l’élément le plus objectif.

Le pouvoir de l’Etat s’exerce sur une population rassemblée sur un territoire délimité par des
frontières terrestres, maritimes, aériennes, qui peuvent être ou naturelles (ex. les îles) ou artificielles.
Il existe une grande variété de territoires, continus ou discontinus, gigantesques ou exigus (on les
appelle les micro-Etats, comme le Vatican, le Luxembourg, Monaco…). Il existe aussi des territoires
sans Etats (Antarctique, fonds marins, territoires extra-atmosphériques). Le territoire est souvent le
point de départ de conflits.

Paragraphe 2 : la population
Définition : Le pouvoir de l’Etat s’exerce sur un groupe humain, une population formée de
nationaux mais aussi d’étrangers que l’Etat accepte sur son territoire.

La difficulté surgit quand on compare cet élément à la nation. Il faut comparer, au préalable,
peuple et population.

Le terme population a une connotation mathématique, statistique alors que le peuple est plus est
plus étymologique, anthropologique.

Pendant longtemps, la constitution n’employait qu’un seul terme, celui de peuple. Dans une
célèbre décision du conseil constitutionnel (décision « statut du peuple corse »), il est rappelé
fermement que la constitution ne reconnait qu’un seul peuple : le peuple français. La constitution a
cependant été révisée en 2003 pour ajouter un volet relatif à l’outre-mer, qui reconnait l’existence de

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« populations d’outre-mer ». Par rapport au terme de peuple, celui de la nation opère un saut
qualitatif. Une nation n’est pas qu’une seule addition d’individus mais un corps uni par des valeurs
communes et un sentiment d’unité, d’appartenance à un seul corps. Historiquement, il existait deux
conceptions de la nation :

• La conception française qui mettait l’accent sur l’aspect subjectif, volontariste. La nation était
censée être une libre association d’individus qui voulaient vivre ensemble et qui acceptaient
un destin commun. On retient une définition célèbre d’Ernest Renan de 1982 : « la nation est
un vouloir-vivre collectif ». Cette conception française met en avant l’élément psychologique
l’adhésion à une nation c’est la conscience d’appartenir à une communauté unie et marquée
par ce désir de vivre ensemble.
• La conception allemande historiquement mettait l’accent sur l’aspect objectif : la race, la
langue, la religion et la culture. Selon cette conception la nation est un groupe homogène.
C’est ainsi que pendant la seconde guerre mondiale, des auteurs français ont justifié l’annexion
de l’Alsace et de la Lorraine en se basant sur les critères objectifs de la langue et de la culture
germanique.

Ces deux conceptions sont surtout théoriques mais elles ont eu des effets sur le droit positif. C’est ainsi
qu’en France a toujours prédominé le droit du sol.

Pendant longtemps, l’Etat et la nation coïncidaient. En France, il y a toujours eu une forte identification
entre les deux, l’Etat n’était perçu que comme la personnification juridique de la nation. Cet héritage
révolutionnaire a été fortement ébranlé par les attaques terroristes. Dans l’histoire contemporaine,
certaines nations se sont senties comme telles et se sont formées comme un Etat (ex : Italie et
Allemagne).
Aujourd’hui on parle beaucoup plus de la crise de l’Etat-Nation. On connait ainsi dans le monde des
nations sans Etats : les Kurdes, les tibétains, les arméniens, les palestiniens, les tchétchènes,…
Toutes ces nations ont été apatrides (sauf l’Arménie). La Palestine a un statut d’observateur à l’ONU.
La problématique actuelle est celle qui concerne les migrants.

Il existe aussi des Etats plurinationaux. L’exemple le plus parfait est celui de l’ex URSS. Il comprenait
plusieurs nations, plusieurs cultures, plusieurs langues, etc… C’est le cas encore aujourd’hui le cas en
Asie et en Afrique, continents qui après la décolonisation ont souffert de tracés de frontières très
arbitraires. Les nouvelles frontières ont ignoré le facteur ethnique (ex, il y a 54 ethnies au Vietnam…).
Autre élément, le premier ennemi de l’Etat nation c’est le communautarisme (régional, religieux,
linguistique) y compris dans un pays comme la France. L’Espagne constitue un bon exemple, ainsi, les
statuts de la Catalogne s’ouvre par la phrase suivante « il existe une nation Catalane ». Autre exemple,
le cas du Royaume-Uni. Le R-U est un pays régional très ébranlé par le référendum écossais (septembre
2014). Tous ces problèmes évidents d’identification de la nation, ne remettent toutefois pas en cause
le droit international public qui considère que la population, qu’elle soit ou non une nation unie, est
un critère indispensable de l’Etat.

Paragraphe 3 : le pouvoir souverain

Définition : « L’Etat n’est un Etat que s’il a la compétence de la compétence. » – Jellinek

Cela signifie que c’est l’Etat qui a le monopole du pouvoir mais aussi de la contrainte. L’Etat doit être
obéi par tous, il est la puissance souveraine qui s’exerce sur tout le territoire d’un pays et sur toute sa

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population. Il est la première personne morale d’un pays. La souveraineté d’un Etat peut se définir de
deux manières.

Selon une définition positive, c’est le caractère suprême d’une puissance qui n’est soumise à aucune
autre puissance.

Selon une définition négative, ce caractère suprême se définit par l’absence de limites. L’Etat n’est
subordonné à personne d’autre, il ne dépend de personne d’autre.

Il existe donc deux types de souveraineté : souveraineté interne et externe. La souveraineté externe
signifie donc que l’Etat est indépendant, qu’aucune autre organisation ou puissance ne peut s’ingérer
dans ses affaires. L’Etat est cependant lié par des obligations sur la scène internationale. Ainsi, l’Etat
français est engagé dans le processus de la construction européenne, il doit appliquer directement les
règlements de l’Union Européenne et transposer les directives européennes.

Section 3 : La souveraineté dans l’Etat


Pb : Qui détient le pouvoir dans un Etat ?

C’est l’Etat qui détient la souveraineté. Au nom de qui ? Qui est à l’origine du pouvoir d’un Etat ?

C’est de la réponse à cette question que découle le choix du mode d’expression de la souveraineté.

Paragraphe 1 : Les théories démocratiques de la souveraineté


(réf, Jean Bodin)

L’élaboration du concept de souveraineté remonte à la fin du Moyen-Age, notamment à Jean Bodin


qui a systématisé la notion dans « les six livres de la République » - 1576. Grace à Bodin, on passe d’une
conception théocratique à une théorie démocratique qui domine de nos jours dans les régimes
occidentaux. Pour Saint Thomas d’Aquin, c’est Dieu qui choisit directement le monarque, choix
symbolisé par la cérémonie du sacre. Saint Thomas va insister sur l’importance de la volonté humaine.
C’est avec la révolution française que vont triompher les théories démocratiques. Etymologiquement,
une théorie démocratique signifie que le pouvoir vient du peuple, mais il veut mieux retenir que le
pouvoir vient de la collectivité. Cette théorie fait l’objet de deux variantes. Soit, on estime que le
pouvoir vient de la nation (A), soit qu’elle vient du peuple (B).

A – La souveraineté nationale

Cette souveraineté nationale a été conceptualisée par l’Abbé Sieyès, député à l’époque. Selon cette
conception, la souveraineté appartient à la nation, entité abstraite qui existe indépendamment des
individus qui la composent. En conséquence, le pouvoir va s’exercer par l’intermédiaire des
représentants qui sont titulaires du pouvoir au nom de la nation. C’est donc le fondement du régime
représentatif. Dans ce régime-là domine ce que l’on appelle du point de vue de l’électorat, la théorie
de l’électorat-fonction. Selon cette théorie, le vote n’est pas un droit absolu. Des restrictions au droit
de suffrage sont admises. La dernière conséquence de la souveraineté nationale est l’interdiction du
mandat impératif. Article 27 de la constitution : « tout mandat impératif est nul ». Le représentant en
France représente la nation, pas les électeurs. Il n’est pas donc pas obligé de tenir ses promesses

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électorales. Il n’existe pas en France de procédé permettant aux électeurs de révoquer un élu avant la
fin de son mandat.

B – La souveraineté populaire

La souveraineté populaire a été théorisée par JJ Rousseau dans "Du contrat social". Le principe : chaque
citoyen est détenteur d'une parcelle de souveraineté qu'il ne peut pas aliéner. La souveraineté est
donc partagée entre tous les citoyens. "Si un Etat a dix-mille citoyens", chaque citoyen détient un dix-
millième de la souveraineté. En conséquence la souveraineté populaire donne lieu à un régime de
démocratie directe. Régime de démocratique dans lequel tous les citoyens s'expriment (à travers le
référendum). Compte tenu des difficultés pratiques et du caractère utopiste de cette souveraineté,
Rousseau admet la possibilité de désigner des délégués. C'est pour cette raison qu'aujourd'hui dans le
monde il n'existe pas de démocratie directe. Seule la Suisse constitue une démocratique semi-directe.
En vertu de cette souveraineté populaire l'électorat n'est pas qu'une fonction mais un droit. Par
conséquent le mandat est impératif. Les citoyens doivent pouvoir renverser le délégué qui ne respecte
pas la volonté du peuple.

Paragraphe 2 : Les modes d'exercice de la souveraineté


A. La démocratie directe

Définition : il s'agit d'un régime dans lequel le peuple exerce directement la souveraineté et prend lui-
même toutes les décisions relatives à la vie de l'Etat. C'est l'idéal de Rousseau (qui admet que ceci ne
peut marcher que pour les pays de petite taille). Il a d'ailleurs rédigé les constitutions de la Pologne et
de la Corse. Athènes laissait s'exprimer les citoyens sur la place publique mais étaient exclus de cette
place publique les esclaves, les métèques et les femmes. Il existe en Suisse aujourd'hui le système de
Landsgemeinde. Il existe seulement dans trois cantons. Il s'agit d'une assemblée délibérante qui réunit
tous les citoyens du canton une fois par an pour voter sur les décisions à prendre. En réalité, c'est un
système en voie de disparition, le vote se fait à main levée. En revanche, si la suisse peut être qualifiée
d'être une démocratie semi-directe, c'est pour l'importance primordiale qu'elle accorde au
référendum.

B. Le régime représentatif

Ce régime est la conséquence de la théorie de la souveraineté nationale. Il est de très loin la forme de
régime la plus répandue dans le monde. Ce régime part du constat suivant: il est matériellement
impossible que le peuple exerce directement sa souveraineté. Il en confie donc l'exercice à des
représentants à travers l'élection (élections libres). Dans ce régime le mandat n'est pas impératif, et à
l'inverse des théories originelles, les vraies démocraties n'autorisent plus la restriction du droit de vote.
Le suffrage est universel (encadré malgré tout, il existe des conditions relatives à l'âge, à la nationalité
et capacité). En France, les femmes n'ont obtenu le droit de vote qu'à partir d'une ordonnance du
général de Gaulle du 21 avril 1944. En France les suffrages universels n'ont été acquis que très
tardivement. Le suffrage masculin universel n'a été pratiqué la première fois sous la seconde
république puis sous le second empire puis sous la troisième république. Aujourd'hui, le suffrage
universel est garanti par l'article 3 alinéa 3 de la constitution. Le suffrage est universel et égal. Chaque
vote a la même valeur. Chaque personne n'a droit qu'à une seule voix. En France il a existé la technique
du vote plural sous la Restauration. Il existait un double vote aux personnes les plus fortunées. En
Belgique, jusqu'en 1921, un homme chef de famille pouvait voter autant de fois qu'il avait d'enfants.

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C. Le régime semi-représentatif

Définition : Ce régime consiste à introduire des éléments de démocratie directe dans un régime à
dominance représentative. On confère donc un pouvoir décision de direct au peuple par le biais de
techniques de démocratie directe : référendum et élections du président de la république, au suffrage
universel direct. La technique la plus répandue dans le monde est celle du référendum.
Définition : le referendum consiste à organiser une votation par laquelle le peuple décide ou est
simplement consulté sur un point précis.

Typologie : il faut distinguer les référendums selon leur objet (a) et selon l'autorité qui en a l'initiative
(b).

a. Les types de référendums selon l'objet

Le référendum peut être soit simplement consultatif soit décisionnel. Le référendum est toujours une
question posée par laquelle le peuple répond oui ou non.
On parle de référendum consultatif lorsqu'on sollicite l'avis du peuple sur l'opportunité d'un texte,
d'une réforme, de travaux publics, etc. Dans cette hypothèse le résultat ne lie pas les pouvoirs publics.
Le référendum décisionnel est beaucoup plus important puisque le but est l'adoption d'un texte ou
d'une réforme. Si la majorité répond oui la norme est adoptée, si elle répond non, la norme est rejetée.
Le référendum peut être législatif ou constitutionnel.

b. Les types de référendum selon l'autorité qui en a l'initiative.

Globalement dans le monde deux autorités essentiellement peuvent être à l'origine du référendum.
Soit les autorités publiques soit le peuple lui-même, soit parfois les deux (ensemble ou
successivement). En France, c'est le président de la République, sur proposition du gouvernement ou
sur proposition conjointe des deux assemblées qui peut être à l'initiative d'un referendum législatif
(article 11 constitution 1958). C'est le président encore, sur proposition du premier ministre et des
parlementaires qui a l'initiative d'un referendum constitutionnel (article 89). Enfin, l'initiative
appartient également aux collectivités territoriales (article 72-1 de la constitution 1958).

Dans le cas où le peuple est à l'origine du referendum, celui-ci peut être de plusieurs types.
Premièrement il peut s'agir d'un referendum abrogatif. Ce referendum-là permet d'abroger une loi
déjà existante. En Italie, 500000 électeurs ou 5 conseils régionaux peuvent demander la tenue d'un
referendum abrogatif.

Deuxièmement, il peut s'agir d'un veto populaire. Apres leur adoption mais avant leur entrée en
vigueur, dans certains pays, les textes adoptés par le parlement peuvent être soumis à un referendum
à la demande d'une partie du corps électoral. C'est le cas en Italie, seulement pour les lois
constitutionnelles (différentes des lois organiques, qui complètent la constitution). Un tel referendum
existe en Suisse pour les lois ordinaires, il s'écoule un délai de 90 jours pendant lequel la loi est
suspendue et n'entre pas encore en vigueur. Pendant ce délai, 50000 électeurs ou 8 cantons peuvent
demander la tenue d'un veto populaire.

Troisièmement, il peut s'agir d'un referendum d'initiative populaire. Les citoyens proposent un
referendum et un texte qui sera voté. Ce type de referendum existe en Suisse, aux Etats-Unis mais au
niveau de l'Etat fédéré. En France, la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a entendu intégrer
un tel referendum dans l'article 11 alinéa 3. Il s'agit en réalité d'un referendum d'initiative
parlementaire avec soutien populaire, ce nouvel alinéa permet en effet un referendum initié par un
cinquième des parlementaire et soutenu par un dixième des électeurs.

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Enfin, le recall. C'est une technique de révocation d'un élu qui existe aux Etats-Unis au niveau de l'Etat
fédéré. Le recall est possible car le mandat est impératif. Un certain nombre d'électeurs peut
demander le recall, c’est-à-dire l'organisation d'une nouvelle élection avant l'échéance normale du
mandat de l'élu. La technique est très critiquée, très peu utilisée car les citoyens doivent repayer
l'élection. Dans certains Etats, la technique peut être aussi utilisée pour les juges.

Paragraphe 3 : La conception de la souveraineté sous la Vème République française


Dans l'histoire constitutionnelle française, globalement, la conception de la souveraineté nationale a
toujours prévalu.

Selon l'article 3 de la DDHC de 1789, "le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la
nation". La souveraineté populaire n'a été proclamée que deux fois : dans la constitution de 1793 qui
n'a jamais été appliquée, et dans la constitution de la IIème république en 1848.

La constitution de 1958 a quant à elle choisi la formule du compromis puisque selon l'article 3 alinéa
Ier de la constitution, "la souveraineté nationale appartient au peuple, qu'il exerce par ses
représentants et par la voix de ses représentants". A priori, on pourrait y voir une contradiction. En
pratique, il y a conciliation des deux souverainetés. La souveraineté est nationale en France. Elle est
toujours conçue comme indivisible. Le mandant des parlementaires est bien représentatif et non
impératif (article 27 de la constitution). La référence au peuple signifie que cette représentation de la
nation par le parlement n'a pas le monopole d'expression de la souveraineté. Le peuple intervient
directement au travers de deux techniques, essentielles : le referendum et depuis 1962 l'élection du
président de la République au suffrage universel. Cette révision de 1962 a réellement bouleversé le
visage du régime. Depuis, le régime de la Vème République n'est plus totalement un régime
parlementaire, il n'est pas non plus un régime présidentiel. En 1958 le referendum a très mauvaise
réputation car par tradition, il y avait une hostilité très forte à l'égard du referendum qui était confondu
avec le plébiscite. La distinction est délicate car l'opération est la même mais l'utilisation différente.
Définition : le plébiscite est un procédé de pouvoir personnel. Techniquement, c'est un referendum
mais il ne sert en pratique qu'à conforter le pouvoir d'un seul homme. Le plébiscite a été l'apanage des
deux empereurs français napoléoniens.
Définition : le referendum prend place dans un cadre démocratique respectueux de la liberté
d'expression du suffrage.
On peut néanmoins parler du caractère plébiscitaire d'un referendum quand en réalité l'autorité
publique le conçoit comme une question de confiance posée au peuple. Le président de Gaulle
considérait le référendum non comme un plébiscite mais comme un moyen de revigorer sa légitimité.
Il a d'ailleurs démissionné suite au "non" au referendum de 1969 concernant la réforme du Sénat et
des collectivités territoriales.
La France est restée très marquée par les plébiscites napoléoniens qui ont servi à légitimer les coups
d'Etats et à cautionner les régimes autoritaires. Il n'y a d'ailleurs pas eu de referendums sous la IIIème
République. La IVème République est née par trois referendums. Le 21 octobre 1945 il est demandé aux
français s'ils veulent revenir à la IIIème République ou s'ils veulent changer de régime. Par le deuxième
referendum, le peuple rejette le premier projet de constitution et enfin troisième referendum en
octobre 1946 le peuple accepte le projet de constitution de la IVème République.

Notre constitution prévoit six types de referendums.

• Le referendum législatif de l'article 11


• Le referendum constituant, pour demander au peuple si l'on peut réviser ou non la
constitution, celui de l'article 89

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• Le referendum de consultation des populations de l'article 53. Si la république veut se délester
d'une partie d'un territoire, il faut au préalable demander aux populations intéressées si elles
veulent leur indépendance.
• Le referendum d'initiative parlementaire avec appui populaire (article 11 alinéa 8).
• Depuis 2003, existe un referendum local seulement consultatif (article 72-1). Dans ce même
article, on trouve le sixième referendum
• Le referendum local décisoire/décisionnel ou normatif. L'autorité est obligée de suivre le
résultat du referendum

Chapitre 2 : La notion de constitution


Section 1 : Définitions
Pour bien saisir la notion de constitution, il faut au préalable confronter certaines notions de
constitution. Ainsi, quatre oppositions de définition sont nécessaires.

Paragraphe 1 : Constitution matérielle et constitution formelle


Aborder une notion juridique à partir d'un critère matériel ou substantiel revient à s'intéresser à son
objet, son fond, son contenu. La constitution matérielle est l'ensemble des règles aménagent
l'organisation du pouvoir (comment parvient-on à ces fonctions? Qui les exerce? Le fonctionnement
du pouvoir? Les règles aménageant les relations entre gouvernant, gouverné). Toutes les règles
relatives à ce triptyque sont matériellement constitutionnelles. Tout Etat a nécessairement une
constitution matérielle, qu'elle soit écrite ou non.

Aborder une notion juridique à partir d'un critère formel revient à s'intéresser à sa forme extérieure,
mais aussi à sa procédure c’est-à-dire au caractère extérieur de l'acte, c’est-à-dire à l'autorité qui l'a
édicté.

Définition constitution formelle : les règles relatives à l'organisation du pouvoir, au fonctionnement du


pouvoir et aux relations gouvernant-gouverné sont formalisées dans un texte ou un ensemble de
textes portant expressément le nom de constitution. Toutes les constitutions qui sont formellement
des constitutions sont matérielles. En revanche, il peut arriver que soient inscrits dans les constitutions
formelles des éléments qui ne sont pas matériellement constitutionnels c’est-à-dire qui n'ont rien à
voir avec le triptyque. Exemple : aux Etats-Unis, le 18ème amendement (qui a été supprimé) prohibait
la vente, le transport et la production d'alcool. Cet amendement n'était pas matériellement
constitutionnel.

Paragraphe 2 : Constitution coutumière et constitution écrite


Définition constitution coutumière : les règles du triptyque sont fixées non dans un texte écrit mais par
un ensemble de coutumes. Les règles coutumières en droit résultent d'un ensemble d'usages, de
traditions, développées progressivement et qui ont fini par former un droit constitutionnel coutumier.
Pour qu'il y ait coutume en droit, il faut deux éléments. Premièrement, il faut la répétition d'un
comportement pendant une période suffisamment longue et sans exception. Ce premier élément est
appelé élément objectif de la coutume. Deuxièmement, il faut que les acteurs aient le sentiment que
cette coutume est effectivement obligatoire, qu'elle correspond à une vraie règle juridique alors même
qu'elle n'est pas écrite. C'est l'élément subjectif ou psychologique de la coutume. Exemples : dans le

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monde, il existe très peu de constitutions coutumières. L'exemple le plus célèbre est celui du Royaume-
Uni.

Définition constitution écrite : Les règles du triptyque sont fixées dans un document écrit officiel. Il
faut rendre hommage à la constitution des Etats-Unis (1787), une des plus anciennes, toujours en
vigueur. La formalisation d'une constitution est un acte très fort puisque à chaque fois qu'un pays
devient indépendant, il se dote d’une nouvelle Constitution écrite.

Cette opposition est à relativiser. D'abord, aucune constitution n'est entièrement coutumière. Il est
faux de dire que le Royaume-Uni n'est doté d'aucun texte constitutionnel. Au contraire, le droit
constitutionnel britannique se fonde sur une panoplie de très grands textes :

• La magna carta (1215) : charte concédée par le roi Jean sans-terres à ses barons. On trouve le
principe du consentement à l'impôt.
• La pétition des droits (1628)
• L'habeas corpus act (1679), il certifie le droit pour le citoyen de ne pas faire l'objet d'une
arrestation ou détention arbitraire. On le traduit aujourd'hui par la sureté.
• Le Bill of Rights (1689)
• Act of union (1707) sur la réunion de l'Angleterre et d'Ecosse.

On ajoute à ces textes toute une série de lois, beaucoup plus récentes qui forment la constitution
coutumière du Royaume Uni (lois de dévolution, loi sur la réforme de la chambre des lords, le Human
Rights Act de 2008, …).

De même, sous l'empire de constitutions écrites, il peut y avoir le maintien de coutumes fortes
appelées coutumes constitutionnelles. Elles sont soit praeter legem soit contra legem.

Définition : les coutumes praeter legem sont des coutumes qui vont dans le sens de la constitution, qui
la complètent. Exemple : sous la troisième république française, il existe un premier ministre alors que
la constitution ne le prévoit pas.

La coutume contra legem contredit la constitution, elle s'y oppose. Exemple 1 : la pratique des décrets
lois sous la IVème République. Elle est contra-legem car la constitution de 1946 interdisait formellement
les décrets lois, pourtant le parlement va prendre l'habitude de déléguer son pouvoir législatif au
gouvernement. Exemple 2 : Parfois, le pouvoir constituant peut intervenir pour réviser la constitution
pour empêcher qu'une coutume soit violée. Aux Etats-Unis existait une coutume fermement établie
selon laquelle les présidents ne pouvaient pas exercer plus de deux mandats. Tous les présidents vont
s'y conformer jusqu’à Franklin Roosevelt qui s'est fait élire quatre fois d'affilé. La constitution a été
amendée en 1951 pour limiter le nombre de mandats à 2.

Paragraphe 3 : Constitution souple et constitution rigide


Cette distinction entre constitution souple et rigide n'a trait qu'au mode de révision des constitutions

Une constitution souple est une constitution qui peut être révisée très facilement sans procédure
particulière par une simple loi ordinaire. C'est le cas des constitutions coutumières (ex : constitution
britannique). Une constitution est rigide lorsqu'elle ne peut être révisée que par le biais d'une
procédure spéciale. Cette procédure peut faire intervenir des organes différents. Exemple : Le peuple
à travers un referendum constituant. Ce peut être aussi en France le cas du congrès (assemblée
nationale et sénat réunis à Versailles pour réviser la constitution). Par ailleurs, pour réviser une
constitution rigide, les délais sont plus longs que pour l'adoption d'une simple loin, et la majorité est
qualifiée, plus difficile à obtenir qu'une majorité simple. Il peut s'agir d'une majorité des deux tiers, ou

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les trois cinquièmes, d'où la nécessité pour un pouvoir exécutif nouvellement élu de gouverner non
seulement avec la majorité mais aussi avec une majorité forte au parlement.

En général, cette distinction concorde avec la précédente, une constitution coutumière est toujours
souple tandis qu'une constitution écrite est pratiquement toujours rigide, et elle contient toujours un
titre relatif à sa propre révision.

Paragraphe 4 : Constitution classique et constitution moderne


Une constitution classique se borne à décrire le triptyque constitutionnel (organisation,
fonctionnement, relation gouvernant-gouverné). Une constitution moderne, en plus du triptyque,
proclame des droits fondamentaux. La plupart des constitutions européennes après la seconde guerre
mondiale contiennent toutes un catalogue de droits fondamentaux. Ces constitutions modernes, en
même temps qu'elles proclament les droits fondamentaux, ont créé une cour constitutionnelle qui
veille au respect par la loi des droits fondamentaux. Nous verrons plus loin dans le cours que la
constitution actuelle de 1958 est classique au sens strict, si on ne prend en compte que le texte de
1958 mais moderne au sens large, c’est-à-dire avec le bloc de constitutionnalité (avec la DDHC de
1789).

Section 2 : Elaboration et révision de la constitution


Celui qui élabore une nouvelle constitution nouvelle est appelé le pouvoir constituant originaire. Celui
qui révise la constitution est appelé pouvoir constituant dérivé.

Paragraphe 1 : L'élaboration de la constitution


Le pouvoir constituant originaire est à l'origine du pouvoir dans l'Etat. Mais qui détient cette
souveraineté? Qui décide de la nouvelle constitution à créer?

A – Les procédés non démocratiques

Le premier des procédés est la charte octroyée. Dans ce cas, l'élaboration de la constitution se fait sans
aucune participation populaire. Il s'agit d'un octroi unilatéral d'un texte par le monarque. Exemple : le
cas en France de la première charte, celle de 1814.

Le second procédé est la charte négociée. Dans ce cas, le pouvoir constituant originaire est partagé
entre le monarque et le peuple, mais pas directement. Le peuple est représenté par une petite
assemblée. Ce fut le cas en France de la seconde charte de 1830.

B – Les procédés démocratiques

Dans cette hypothèse-là, le pouvoir appartient au peuple, c'est lui qui est le souverain et qui décide de
se doter d'une constitution. La participation du peuple à l'écriture d'une nouvelle constitution est plus
ou moins directe, elle peut se faire à travers deux moyens : Referendum, assemblée constituante (voire
les deux).

L'assemblée constituante est la voie par laquelle les constitutions ont été adoptées le plus
fréquemment (ex : constitution de 1791, 1848, 1875, …). Mais l'adoption d'une constitution peut aussi
se faire par une assemblée constituante et un referendum. Dans ce cas, l'assemblée constituante
prépare et vote un projet mais qui n'est adopté que par referendum. Ce fut le cas en France en 1793,
1946 et 1958. Il existe une autre voie, c'est l'élaboration d'une constitution par un comité très restreint
suivi d'un referendum. A priori, le procédé semble démocratique mais en réalité, ce procédé masque

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une personnalisation du pouvoir et le referendum a des allures de plébiscite. Ce fut le cas pour les deux
coups d'Etat en 1799 et 1852.

Paragraphe 2 : La révision de la constitution


Ce n'est pas qu'une hypothèse d'école, à titre d'exemple, la constitution française a été révisée plus
d'une quinzaine de fois. Certaines réformes ne sont que des 'réformettes', d'autres sont des réformes
de grande envergure (révision du 23 juillet 2008).

A – Comment révise-t-on la constitution?

Cette question-là renvoie à la question entre constitution souple et rigide. Sous l'empire d'une
constitution souple, le pouvoir constituant dérivé est exercé par l'organe législatif habituel. Quand le
parlement révise la constitution, il le fait à une majorité qualifiée, renforcée. Les constitutions
spécifiques prévoient une procédure spécifique. Exemple de la constitution française : comment
révise-t-on la constitution en France

L'article 89 de la constitution distingue 3 étapes.

1ère étape : l'initiative. Cette initiative appartient concurremment aux membres du parlement auquel
cas on parle de proposition de loi constitutionnelle, et au président de la république sur proposition
du premier ministre, auquel cas on parle de projet de loi constitutionnelle.

2ème étape : le vote, par les deux chambres. Qu'il s'agisse d'un projet ou d'une proposition, on ne fait
pas de distinction, le texte doit être voté par les deux chambres en termes identiques, car le bi
parlementarisme en France doit être égalitaire.

3ème étape : l'adoption. S'il s'agit d'une proposition, le texte doit être soumis au referendum.
S'il s'agit d'un projet, le président de la république a le choix entre le referendum et la réunion du
congrès à Versailles. Le congrès doit adopter le texte à la majorité des 3/5èmes des suffrages exprimés.

Exemple : Suite à l'échec du "non" au traité établissant une constitution européenne, le président
Nicolas Sarkozy pour le traité de Lisbonne, a préféré passer par le congrès pour sa ratification.

B – Existe-t-il des limites à la révision de la constitution?

La réponse est affirmative. Il y a des limites à la révision. Il existe deux types d'interdictions. Les
interdictions temporelles et les interdictions substantielles.

Les interdictions temporelles : la constitution française prévoit trois interdictions temporelles. On ne


peut réviser la constitution pendant trois périodes particulières.

Première interdiction : alinéa 4 de l'article 89, on ne peut pas réviser la constitution quand il est porté
atteinte à l'intégrité du territoire (pas de révision en temps de guerre). Il faut entendre guerre au sens
international, quand un parlement déclare la guerre à un Etat.

Deuxième interdiction : article 7 dernier alinéa. On ne peut pas réviser la constitution en période
d'intérim (période pendant laquelle le président du Sénat assure les fonctions du président en cas de
décès ou démission du président de la République).

Troisième interdiction : elle ne figure pas dans la constitution mais découle de la jurisprudence du
conseil constitutionnel : on ne peut pas réviser la constitution en période d'application des pleins
pouvoirs de l'article 16.

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Il existe en revanche une seule interdiction substantielle, de fond, qui figure à l'alinéa 5 de l'article 89.
Il est impossible de toucher à la forme républicaine du gouvernement. Cela n'empêche pas une VIème
République. Cette limitation est introduite sous la IIIème République et est très courante dans les
constitutions dans le monde. Il existe dans d'autres constitutions qui ont des interdictions
substantielles particulières. Ainsi, en Allemagne, la loi fondamentale énonce dans son article 1 §1 : la
dignité de la personne humaine est inviolable. Cela signifie que ce principe est supraconstitutionnel, il
ne peut pas faire l'objet d'une révision (cette loi est adoptée au lendemain de la seconde guerre
mondiale).

C – Qui contrôle les lois constitutionnelles, le pouvoir constituant?

Que faire si malgré l'interdiction du dernier alinéa de l'article 89, un referendum au peuple français
posait la question suivante : Souhaitez-vous le rétablissement de la monarchie? Si le oui l'emportait, la
loi constitutionnelle adoptée à la suite du referendum serait contraire à la constitution. On pourrait
imaginer à l'instar de ce que fait le juge constitutionnel allemand, que le conseil constitutionnel
sanctionne cette loi référendaire pour violation de l'article 89. Or, le conseil constitutionnel depuis la
décision Maastricht n°2 de 1992, le conseil constitutionnel refuse d'opérer un contrôle de
constitutionnalité des lois constitutionnelles qu'elles soient adoptées par referendum ou par congrès
à Versailles. Cela pour deux motifs : premièrement le conseil constitutionnel n'a qu'une compétence
d'attribution, il n'est compétent que dans les matières énumérées dans les textes, or aucun texte ne
dit qu'il est compétent pour contrôler les lois constitutionnelles. Le conseil constitutionnel rappelle
qu'une loi référendaire est l'émanation directe du peuple. Ce n'est pas le conseil constitutionnel qui a
le dernier mot en France, c'est le pouvoir constituant.

Section 3 : Le bloc de constitutionnalité


Au sens strict, si on lit les 89 articles, la constitution de 1958 est une constitution classique, qui ne
comporte pas de catalogue de droits fondamentaux. Or, la constitution de la Vème République ne doit
pas se réduire au seul texte de 1958. Grace à une construction jurisprudentielle du conseil, la
constitution s'est enrichie d'autres textes. On doit à Louis Favoreu l'expression de "bloc de
constitutionnalité"

Paragraphe 1 : le contenu du bloc de constitutionnalité


A – Les normes incluses dans le bloc de constitutionnalité

Une décision du conseil constitutionnel va révolutionner le contentieux constitutionnel et le droit des


libertés. Il s'agit de la décision "liberté d'association" du 16 juillet 1971. A l'origine de cette décision,
une loi adoptée par le Parlement veut modifier la loi sur la liberté d'association de 1901. La
modification opérée allait dans un sens très restrictif puisque certaines associations étaient soumises
à un contrôle à priori de l'autorité judiciaire. Le Conseil constitutionnel a été saisi et pour sauver la
liberté d'association se référer au préambule pour déclarer comme inconstitutionnelle cette loi. Le
préambule revoie lui-même au préambule de 1946 et à la DDHC de 1789. Le Conseil constitutionnel
par cette décisions ca donc pouvoir :

S'appuyer sur le préambule de 1958 donc sur celui de 1946 et la DDHC pour les autres textes
Eriger comme principe à valeur constitutionnelle la liberté d'association en le qualifiant de PFRLR
(Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République).
Par cette décision, le Conseil constitutionnel crée un bloc de constitutionnalité et enrichit
considérablement ses normes de référence. Il transforme donc considérablement son rôle. D'un simple
"chien de garde du législatif", il devient un protecteur des libertés.

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Pour qu'un principe puisse être érigé en PFRLR, il faut que ce principe :
• soit énoncé dans une loi (un règlement ne peut donc pas être un PFRLR)
• que cette loi soit républicaine
• que cette loi soit antérieure à 1946
• qu'il n'y ait jamais eu d'exception au principe instauré par cette loi

Sont donc inclus dans le bloc de constitutionnalité :


• La constitution de 1958
• Le préambule de la constitution de 1946
• La DDHC de 1789
• La charte de l'environnement de 2004
• Les PFRLR

Il y a pour l'instant 9 PFRLR :


• la liberté d'association (1971)
• les droits de la défense (1976)
• la liberté d'enseignement (1977)
• l'indépendance de la juridiction administrative (1980)
• l'indépendance des professeurs d'université (1988)
• l'autorité judiciaire comme gardienne de la propriété privée immobilière (1989)
• la compétence exclusive de la juridiction administrative pour annuler des actes de la puissance
publique (1996)
• l'adaptation de la responsabilité pénale à l'âge des délinquants (2002)
• l'existence d'un droit local alsacien-mosellan (2011)

La dernière composante du bloc de constitutionnalité est la Charte de l'environnement qui est même
entrée dans le bloc de manière explicite puisque le pouvoir constituant l'a fait apparaître explicitement
dans préambule de 1958. Cette charte proclame certains droits comme celui à un environnement sain,
mais aussi et surtout des devoirs (ce qui est nouveau en matière constitutionnelle) comme le principe
du pollueur-payeur.

B – Les normes exclues du bloc de constitutionnalité

La question s'est posée pour trois types de normes à chaque fois le Conseil constitutionnel a refusé de
les intégrer dans ses normes de référence. La question s'est posée pour les lois organiques, les
règlements des assemblées et les traités internationaux.

• Une loi organique est supérieure à une loi en ce sens qu'elle complète la Constitution.
Lorsqu'une loi organique est adoptée, le Conseil constitutionnel doit obligatoirement se
prononcer sur la conformité de celle-ci à la Constitution. Donc, bien que la loi organique soit
supérieure à celle ordinaire, elle n'a pas valeur constitutionnelle.
• Les règlements des assemblées sont des actes adoptés par chacune des deux assemblées qui
ont pour objet d'organiser le fonctionnement interne des assemblées. C'est une sorte de
règlement intérieur. Tout comme les lois organiques, les règlements lorsqu'ils sont modifiés
doivent être contrôlés par le Conseil constitutionnel qui doit vérifier si les modifications sont
conformes à la constitution. Ce sont donc des textes importants mais qui n'ont pas pour autant
une valeur constitutionnelle.
• La question des traités est plus délicate. En vertu de l'article 55 de la Constitution, les traités
ont une autorité supérieure à celle des lois. Tout le titre 15 de la Constitution intitulé "De

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l'Union européenne" prouve bien que la France, en acceptant l'intégration européenne,
accepte aussi l'existence d'un ordre juridique où les traités européens ont une importance
aussi fondamentale que la constitution. Pour qu'un traité entre en vigueur en France, il faut
qu'il soit ratifié par le Président de la République (article 52). Mais pour les traités les plus
importants, le Parlement doit voter une loi d'autorisation de ratification. Pour que le traité soit
supérieur à la loi française, il doit :
o Etre régulièrement ratifié et approuvé
o Etre publié
o Etre appliqué par l'autre partie

Régulièrement les autorités qui saisissent le Conseil constitutionnel, surtout les


parlementaires, lui demandent de déclarer une loi contraire à un traité international et de
manière générale, la doctrine plaide dans sa majorité pour l'inclusion des traités dans les
normes de référence. Or, le conseil constitutionnel a toujours refusé les traités dans son bloc
de constitutionnalité depuis la décision IVG du 15 janvier 1975. Les parlementaires auteurs de
la saisine à l'époque estimaient que la loi qui dépénalisait l'avortement voilait le droit à la vie
de l'embryon. Or, le droit à la vie ne figurait nulle part dans le bloc de constitutionnalité mais
il figurait dans la CEDH. Le Conseil a refusé d'intégrer la CEDH et donc d'une manière générale
les traités dans le bloc de constitutionnalité. Il a précisé qu'il n'opérait qu'un contrôle de
constitutionnalité et non de conventionalité de la loi, c’est-à-dire le contrôle de conformité
d'une loi à un traité. Implicitement, le Conseil invite les juges ordinaires à opérer un tel contrôle
de conventionalité. La cour de Cassation a suivi cette indication dès la même année. Par contre,
il a fallu attendre 1989 pour que le conseil d'Etat en fasse de même (arrêt Nicolo). Les juges
administratifs et judicaires peuvent écarter l'application d'une loi contraire à un traité mais ne
peuvent pas l'annuler.

Titre II – La garantie de la suprématie constitutionnelle :


La justice constitutionnelle
La justice constitutionnelle est l'ensemble des institutions et des techniques grâce auxquelles est
assurée la suprématie de la Constitution. Il ne suffit pas d'assurer la primauté de la Constitution, mais
il faut la garantir. La garantie la plus efficace est assurée par un juge. Un juge peut donc avoir pour
mission de contrôler la conformité des lois à la constitution. Mais à quel juge va-t-on confier cette
mission?

Pendant longtemps, la réponse à cette question se situait dans l'opposition entre deux modèles : le
modèle américain et le modèle européen de justice constitutionnelle. Aujourd'hui, cette distinction
est insuffisante car d'une part les principales caractéristiques de la justice constitutionnelle américaine
peuvent se retrouver dans d'autres pays européens (Portugal, Grèce, Suisse), d'autre part, les
différences en Europe sont telles qu'il est faux de parler d'une modèle européen.

La seule distinction valable est la suivante : soit le contrôle ne peut être exercé que par la cour
constitutionnelle spécialement crée à cet effet, soit il peut être exercé par tous les juges du fond.

Chapitre 1 : Les différentes formes de justice


constitutionnelle
16 - 35
Si aux Etats-Unis, comme Tocqueville l'a démontré, la justice constitutionnelle est différente
qu'ailleurs, c'est avant tout en raison de facteurs culturels. En effet, l'affirmation de la suprématie
constitutionnelle apparait dès l'indépendance. Cette suprématie va rapidement entrainer l'apparition
du contrôle de constitutionnalité. La constitution étant l'acte suprême, tout tribunal doit l'appliquer
de préférence à un acte inférieur qui lui serait contraire.

En Europe, le contrôle de constitutionnalité est arrivé plus tardivement. Plusieurs d'acteurs permettent
d'expliquer ce retard. Premièrement, le légicentrisme considérait la loi comme la norme supérieure.
Deuxièmement, la spécialisation des juges est grande en France (aux Etats-Unis, chaque juge est
compétent pour tout). Enfin, il y avait une certaine méfiance envers les juges surtout au XXème siècle
dans l'Italie fasciste et l'Espagne franquiste.

Mais au XXème siècle, l'idée va émerger grâce à Hans Kelsen et à l'effondrement du culte de la loi.
Progressivement, tous les pays vont se doter d'une cour constitutionnelle qui surveillera le pouvoir du
parlement.

Section 1 : Le contrôle de constitutionnalité aux Etats-Unis


Paragraphe 1 : Les origines de ce contrôle aux Etats-Unis
Le contrôle de constitutionnalité n'est pas prévu par la constitution américaine de 1787. Il résulte d'un
arrêt de 1803 qui intervient dans un contexte favorable.

A – Le contexte intellectuel et institutionnel

Sur le plan des idées, le contexte est très différent du contexte européen. Il n'y a pas de révérence
envers la loi. En effet, les colonies britanniques ont subi les excès du parlement anglais avant d'accéder
à l'indépendance notamment en matière fiscale, et la Constitution de 1878 a été sacralisée dès la
départ puisque c'est notamment la Constitution d'un nouvel Etat indépendant. Ce contexte intellectuel
était favorable à l'idée qu'un juge puisse écarter une loi contraire à la constitution.

S'ajoute à cela un contexte institutionnel favorable puisque les tribunaux ne sont pas spécialisés par
affaire. La Cour suprême des Etats Unis n'est pas une Cour constitutionnelle, elle est la cour qui se situe
au sommet de toutes les cours fédérales.

B – L'arrêt Marbury vs Madison (1803)

L'arrêt se situe dans le cadre d'un changement de Président, John Adams passant la main à Thomas
Jefferson. Avant de quitter la présidence, Adams nomme W. Marbury comme juge fédéral mais celui-
ci ne reçoit pas la lettre de nomination. Le nouveau président entre en fonctions et son ministre de la
justice, Madison n'envoie pas la nomination. Marbury saisir la cour suprême et lui demande d'obliger
l'administration à installer ses fonctions. Marbury est débouté de sa demande car la cour suprême
estime que la loi permettant la nomination n'est pas conforme à la constitution et ne doit pas être
appliquée.

L'essentiel de l'arrêt n'est pas dans sa solution mais dans sa portée. Pour la première fois, on pose le
principe d'un contrôle judiciaire de constitutionnalité des lois. La constitution est une norme
contraignante supérieure à toutes les autres. En cas de conflit entre une loi et la constitution, c'est la
constitution qui doit prévaloir. Tous les juges peuvent mais aussi doivent écarter une loi contraire à la
constitution, "il est de notre devoir de dire ce qu'est le droit".

Voilà comment cet arrêt marque la naissance du contrôle de constitutionnalité des lois aux Etats-Unis.

17 - 35
Paragraphe 2 : Les caractéristiques du contrôle de constitutionnalité des lois aux Etats-
Unis
• C'est un contrôle diffus. Tout tribunal de l'Etat fédéral ou fédéré, quel que soit son rang dans
la hiérarchie juridictionnelle peut effectuer un contrôle de constitutionnalité. Ceci est rendu
possible par l'absence de spécialisation des juges. Que le procès soit pénal, fiscal, civil, … s'il
pose un problème constitutionnel, c'est au juge d'y répondre.
• C'est un contrôle par voie d'exception. A l'occasion d'un procès, l'une des parties soulève
l'exception de constitutionnalité, c’est-à-dire qu'elle fait valoir que le texte est contraire à la
constitution.
• C'est un contrôle à postériori et concret. Il est toujours à posteriori, la question se pose donc
toujours pendant un procès. Il n'est pas abstrait (détaché d'un procès).
• C'est un contrôle qui conduit à des décisions jouissant de l'autorité relative de la chose jugée.
L'effet de l'inconstitutionnalité d'une loi est inter partes et non erga omnes. La loi en question
n'est donc pas annulée, elle est seulement écartée du procès en cours. Mais, avec le principe
du précédent, les décisions postérieures doivent respecter la décision prise. Aussi, les
décisions de la cour suprême rayonnent au-delà du cas d'espèce et la jurisprudence a un effet
harmonisateur.

Le contrôle de constitutionnalité est donc un système hérité de l'histoire américaine. Un grand nombre
de pays voisins se sont inspirés de ce modèle (Canada, Brésil, Argentine, Mexique, pays scandinaves,
…). Toutefois, dans le monde le modèle le plus répandu est celui de l'existence d'une cour
constitutionnelle.

Section 2 : Le contrôle de constitutionnalité en Europe


La principale caractéristique du contrôle de constitutionnalité en Europe est l'existence d'une
juridiction spécialisée qui a le monopole du contrôle. Mais ce trait commun mis à part, on constate
une grande diversité dans le fonctionnement des cours constitutionnelles en Europe.

Paragraphe 1 : Un contrôle concentré exercé par une cour constitutionnelle


Définition cour constitutionnelle : il s'agit d'une juridiction spécialement créée pour opérer un contrôle
de constitutionnalité, contrôle dont elle a le monopole.

Dans ce but-là, elle doit être indépendante des pouvoirs publics mais aussi des autres ordres
juridictionnels. En quelque sorte, la cour constitutionnelle forme à elle seule un ordre juridictionnel
(d'où la différence avec la cour suprême qui elle coiffe les autres ordres juridictionnels).

Les juges constitutionnels ne sont pas des juges de carrière, ce ne sont ni des juges administratifs, ni
des magistrats,… Ils sont nommés par les autorités politiques dans la plupart des pays européens. Ainsi
en Allemagne, 8 membres sont élus par la chambre basse et 8 autres par la chambre haute mais il y a
des conditions pour être nommé. Il faut être magistrat pour être juge constitutionnel. En Italie, le
président de la République en nomme 5, le parlement 5 et les cours suprêmes 5. Là aussi,
contrairement à la France, la nomination est suspendue à des conditions : il faut être juriste c'est-à-
dire soit professeur de droit, soit avocat, soit magistrat. En Espagne, le roi en nomme sur proposition
des chambres, il en nomme 2 sur proposition du gouvernement et 2 sur proposition du conseil général
judiciaire (équivalent conseil magistrature). Il faut également être juriste. Au Portugal, l'assemblée de
la République (chambre basse) en propose 10 et 3 sont cooptés. Là aussi, la condition est qu'il faut être
juriste.

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Le statut des cours constitutionnelles est garanti par la constitution.

Le contrepoids à la nomination par les autorités politiques est l'indépendance dont jouissent les
membres des cours constitutionnelles. Le statut des juges constitutionnels est garanti par la
constitution. Les juges constitutionnels sont irrévocables. Quelles que soient les opinions émises, on
ne peut pas les démettre de leurs fonctions. Les juges sont souvent nommés pour des mandats longs
et non renouvelables (mandat de 9 ans en France, Italie, Portugal, Espagne, 12 ans en Allemagne, et
en Autriche jusqu'à la retraite).

Paragraphe 2 : Les modalités de saisine des cours constitutionnelles


A – La saisine par les autorités politiques ou publiques

En Europe, la saisine par voie d'action est possible contrairement aux Etats-Unis. Certaines autorités
défèrent une loi au juge constitutionnel pour qu'il se prononce sur sa constitutionnalité. Il peut s'agir
de parlementaires (exemple français : 60 députés ou 60 sénateurs depuis une réforme
constitutionnelle de1974), des chefs d'Etats ou de gouvernements (cas en France), des présidents des
assemblées, mais aussi d'autorités locales (en Italie, la région peut déférer une loi de l'Etat qui
empièterait sur ses compétences tout comme le gouvernement national peut déférer une loi régionale
qui empièterait sur sa compétence) (En Espagne, outre les autorités classiques, le défenseur du peuple
peut saisir le tribunal constitutionnel).

B – La saisine sur renvoi de tribunaux ordinaires : la question préjudicielle de constitutionnalité

Au cours d'un procès, un acte pose un problème de constitutionnalité. Le juge ne peut pas trancher
lui-même le litige. Le juge doit sursoir à statuer et soulever la question préjudicielle constitutionnelle.
La question préjudicielle existe depuis longtemps en Europe, en France, elle existe seulement depuis
mars 2010 (révision 2008), sous le nom de QPC. Le Portugal et la Grèce font figure d'exception en
permettant dans certains cas un contrôle diffus à l'américaine.

C – La saisine directe par les citoyens

Il n'existe en Europe que deux recours constitutionnels directs, en Allemagne et en Espagne.

En Allemagne, ce recours est prévu dans la Loi fondamentale. Tout individu peut saisir la cour
constitutionnelle de tout acte (loi, acte administratif, décision de justice) portant une atteinte
personnelle actuelle et immédiate. En réalité, ces recours ont très peu de chances d'aboutir en raison
des filtres mis en place. En moyenne, plus de 90% de rejets par an.

En Espagne, le recours d'Amparo est ouvert aux individus, au défenseur du peuple, et au ministère
public en cas de violation des droits fondamentaux, seulement ceux entre l'article 14 et 30 de la
constitution espagnole de 1978. Mais le recours d'Amparo n'est pas possible contre une loi, mais
seulement contre un acte administratif ou une décision de justice.

Contrairement aux Etats-Unis, les décisions des cours de constitutionnalité bénéficient de l'autorité
absolue de chose jugée, elles ont un effet erga omnes.

19 - 35
Chapitre 2 : La justice constitutionnelle en France
Le Conseil Constitutionnel français actuel est la première expérience effective du contrôle de
constitutionnalité en France mais ce n'est pas le premier projet. Sous la révolution, Sieyès avait émis
la proposition d'un jury constitutionnaire. C'était un jury qui devait être constitué de 108 membres,
eux-mêmes anciens membres des assemblées nationales. Ce jury aurait eu la compétence d'annuler
les actes contraires à la Constitution. Ce projet a toutefois été rejeté et par la suite des embryons de
contrôle de constitutionnalité ont relevé de la compétence du Sénat. Sous le Premier Empire (1799),
le Sénat avait la possibilité d'annuler des lois mais le système ne fonctionna pas du tout puisque le
Sénat était sous la dépendance de l'Empereur. Le Second Empire (1852) rétablit à peu près le même
système qui va échouera pour les même raisons. Il faut attendre 1946 et la IVème République pour que
réapparaisse l'idée d'un contrôle de constitutionnalité lié à la création d'un comité constitutionnel. Le
comité était composé du Président de la République, des présidents des deux chambres, de 10
personnalités élues par les chambres (7 par la chambre basse et 3 par la chambre haute). Ce comité
n'a jamais fonctionné mais sert de précédent justificateur à l'instauration du Conseil Constitutionnel
en 1958.

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Partie II : L'organisation du pouvoir au sein
de l'Etat

Dans toute société démocratique, le pouvoir n'est jamais concentré dans les mains d'une même
personne, d'un même organe. Le pouvoir est toujours partagé de manière horizontale ou verticale.

Le droit constitutionnel est né en particulier de l'idée selon laquelle les grandes fonctions de l'Etat
doivent être confiées à des organes distincts. C'est ce que l'on appelle la séparation horizontale des
pouvoirs.

La séparation des pouvoirs verticale signifie que le territoire doit se séparer territorialement pour aller
au plus près des citoyens.

Titre I : La séparation horizontale des pouvoirs


Introduction générale
Paragraphe 1 : L'élaboration de la théorie de la séparation des pouvoirs.
A – Les racines britanniques

Au Royaume-Uni, la séparation des pouvoirs est le fruit d'une lente évolution historique. Dès la grande
charte de 1215, le parlementarisme émerge déjà avec l'idée du pouvoir législatif. Dès le XIVe siècle,
existent déjà les deux assemblées du futur parlement britannique, la chambre des communes et le
grand conseil. Peu à peu, ces deux chambres vont s'affirmer face au pouvoir royal et émerge alors
l'idée d'une séparation entre l'exécutif et le législatif. C'est beaucoup plus tard que va apparaitre l'idée
d'un troisième pouvoir indépendant (le pouvoir judiciaire), au XVIIIe. Le premier ouvrage marquant qui
va évoquer l'idée de séparation des pouvoirs est "Essai sur le gouvernement civil" – John Locke (1690).
Il distingue le pouvoir de faire les lois d'exécuter les lois et le pouvoir de mener les relations
internationales (pouvoir fédératif).

B – La conceptualisation française

Le premier qui théorise la trilogie des pouvoirs est Montesquieu, dans "De l'Esprit des lois" – 1748.
Tout part de l'observation d'une dictature, le sultanat de Turquie. La préoccupation principale de
Montesquieu est de garantir la liberté politique. Il part donc à la recherche, comme l'avaient fait
Cicéron, Platon, Aristote, de la meilleure forme de gouvernement possible. Il constate que les trois
formes classiques de gouvernement comportent toutes des germes de dérives, de perversion. Ainsi la
monarchie peut déboucher vers l'absolutisme, l'Aristocratie peut déboucher sur l'oligarchie, et la
démocratie peut déboucher sur le despotisme du peuple. Pour éviter ces dérives Montesquieu
propose que le pouvoir soit partagé, ainsi, le pouvoir arrête le pouvoir. La force du pouvoir judiciaire
est quasi-nulle. Cette théorie de Montesquieu va servir de base aux juristes du XIXe siècle pour établir
une classification des régimes politiques en distinguant le régime parlementaire et présidentiel.
L'influence de Montesquieu est immense tant aux Etats-Unis dans "le fédéraliste", qu'en France :
article 16 de la DDHC de 1789.

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Paragraphe 2 : La remise en cause du principe de la séparation des pouvoirs
A – La confusion des pouvoirs au profit du législatif

Définition : un régime parlementaire qui dérive vers un régime d'assemblée est un régime dans lequel
la ou les assemblée(s) finissent par avoir tous les pouvoirs. Dans ce cas-là, le pouvoir exécutif n'est
réduit qu'à un rôle très protocolaire. Le fondement peut paraitre plus honorable qu'une dictature de
l'exécutif, mais il s'agit tout de même d'une dictature. En France, cette dérive est vécue en 1792, en
1793 puis sous les IIIe et IVe Républiques. C'est le cas de nombreux pays de l'est (ex-URSS) et des pays
communistes d'Asie comme le Vietnam.

B – La confusion des pouvoirs au profit de l'exécutif : le totalitarisme

La confusion dérive sur un régime très autoritaire qui peuvent naitre d'une révolution, d'un coup
d'Etat, mais aussi par des voies légales (1933). Le régime autoritaire peut évoluer vers le totalitarisme.
Il s'agit d'un terme inventé au XXe pour décrire les spécificités de certaines dictatures : les régimes
nazis, staliniens, franquistes et fascistes.

C – La confusion des pouvoirs au profit du judiciaire : le gouvernement des juges

L'expression "gouvernement des juges" est celle d'Edouard Lambert qui décrit de ce qu'il a observé au
retour d'un voyage aux Etats-Unis en 1921. Il est vrai qu'aux Etats-Unis, le pouvoir des juges est
immense comme nulle part ailleurs.

Conclusion : cette théorie de la séparation des pouvoirs a d'immenses implications pratiques. Quand
la séparation des pouvoirs est souple c’est-à-dire quand les pouvoirs collaborent, on est en régime
parlementaire (Chapitre 1). Quand la séparation est un peu plus stricte, on est dans un régime
présidentiel (Chapitre 2). Attention ceci-dit aux caricatures. En réalité, la séparation des pouvoirs n'est
jamais très stricte y compris aux Etats-Unis.

Chapitre 1 : Le régime parlementaire


Section 1 : Eléments d'identification
Paragraphe 1 : Définition du régime parlementaire
Le régime parlementaire est un régime dans lequel la séparation des pouvoirs est effective mais
aménagée de façon souple. Souplesse 'organique' et souplesse 'fonctionnelle'. Au niveau organique,
cela signifie que les pouvoirs peuvent collaborer, cela signifie que la frontière entre les trois pouvoirs
n'est pas étanche, il existe des moyens d'action réciproques, ces moyens d'action peuvent être des
moyens de destruction. La souplesse fonctionnelle signifie qu'il y a de nombreux moyens de
collaboration institutionnalisés mais aussi officieux entre les pouvoirs.

A – Les moyens d'action du législatif sur l'exécutif

Il faut ici distinguer les moyens de simple collaboration et les moyens de destruction.

Parmi les moyens de collaboration les plus répandus dans les régimes parlementaires, il y a notamment
: la procédure d'investiture du premier ministre, la possibilité offerte aux parlementaires de poser des
questions aux ministres, la confirmation par les parlementaires de certaines nominations
présidentielles.

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Les moyens de destructions du législatif sur l'exécutif sont à prendre au singulier, en régime
parlementaire, la seule arme de destruction que détient le parlement est la mise en jeu de la
responsabilité politique de l'exécutif. En régime parlementaire, l'exécutif est toujours bicéphale : d'un
côté le chef de l'Etat qui est soit un président soit un monarque, et de l'autre un chef du gouvernement
dont les termes diffèrent selon les pays (premier ministre, chancelier, président du conseil, …). En
régime parlementaire, le chef de l'Etat est politiquement irresponsable. La responsabilité politique ne
pèse que sur le gouvernement. Il peut en revanche être pénalement responsable (cf. 2 nd semestre).
Concrètement, c'est la raison pour laquelle la plupart des actes du président de la République sont
contresignés par le premier ministre qui endosse ainsi la responsabilité politique du gouvernement.
Attention, la responsabilité du gouvernement en France est collégiale. Le premier ministre pour
gouverner doit avoir la confiance du parlement. Si cette confiance n'existe pas ou plus, alors le
parlement peut renverser le gouvernement. Dans les régimes parlementaires, il existe deux
procédures qui diffèrent par l'autorité qui en l'initiative. Premièrement, la question de confiance posée
par le premier ministre, deuxièmement, la motion de censure posée en principe par la chambre basse.
En cas d'échec, c'est le gouvernement entier qui démissionne. Quand le parlement est bicaméral, le
gouvernement n'est responsable que devant la chambre basse, jamais devant la chambre haute.

B – Les moyens d'action de l'exécutif sur le législatif

La principale collaboration de l'exécutif au législatif permet au gouvernement d'être à l'initiative des


lois. Le gouvernement est à l'origine de presque 90% des lois dans les régimes parlementaires. Les
ministres peuvent assister aux séances parlementaires et prennent même part au débat.

L'exécutif possède une arme de destruction massive : la dissolution. Définition : la dissolution est la
possibilité pour l'exécutif de mettre fin au mandat des parlementaires avant leur échéance normale.
Quand le régime est bicaméral, il n'y a que la chambre basse qui peut être dissoute.

Paragraphe 2 : parlement dualiste et parlement moniste


Quand le régime parlementaire est dualiste, le gouvernement est politiquement responsable à la fois
devant la chambre et devant le chef de l'Etat. Dans un régime parlementaire moniste, le gouvernement
n'est politiquement responsable que devant la chambre basse.

A – Le régime parlementaire dualiste

Dans ce régime-là, le chef de l'Etat n'a pas qu'un rôle protocolaire, il joue un rôle politique très actif,
c'est lui qui exerce les attributions importantes du pouvoir exécutif : nomination et révocation des
ministres (et du premier), la dissolution de la chambre basse, il est le chef des armées. Il en résulte que
le gouvernement doit agir avec une double confiance : celle du chef de l'Etat et celle de la chambre
basse. Cela signifie que le gouvernement peut être renversé par le parlement ou remercié (poussé à la
démission) par le chef de l'Etat. Historiquement, le régime parlementaire a surtout été dualiste : au
départ au Royaume-Uni, les ministres pouvaient être révoqués par le roi. Les prérogatives royales sont
devenues de plus en plus symboliques si bien qu'aujourd'hui, la première ministre britannique n'est
responsable que devant la chambre des communes : c'est donc un régime moniste. En France, les
premières expériences du parlementarisme sont dualistes, sous la Restauration, puis sous la
monarchie de juillet avec Louis Philipe d'Orléans. C'est la raison pour laquelle en France, le synonyme
de régime dualiste est régime orléaniste. Aujourd'hui, la France est un exemple très classique de
dualisme.

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B – Le régime parlementaire moniste

Ce régime est né de l'effacement du chef de l'Etat. Dans ce type de régime, c'est le gouvernement qui
a la plénitude du pouvoir exécutif. C'est lui qui gouverne seul avec la confiance du parlement. Le chef
de l'Etat n'a qu'une fonction de représentation, cette forme de parlementarisme est la plus répandue
dans le monde. Exemple : l'Espagne, le Royaume-Uni, L'Italie, l'Allemagne, et les pays scandinaves en
Europe.

Paragraphe 3 : La rationalisation du parlementarisme


A – Définition du régime parlementaire rationnalisé

Le régime parlementaire rationnalisé n'est pas un nouveau modèle de régime parlementaire, il n'en
est qu'une variante. Tous les éléments de définition classique du régime parlementaire lui sont
applicables. Pourquoi alors vouloir rationnaliser un régime parlementaire?

La rationalisation est née de la tendance à la prépondérance du régime législatif surtout en cas de


monisme et à l'instabilité gouvernementale qu'elle entraine. Elle est un remède à l'instabilité
gouvernementale. Elle consiste à introduire des techniques visant à renforcer la place de l'exécutif face
au parlement. La rationalisation s'est surtout développée en Europe de l'Ouest et après la seconde
guerre mondiale en France, en Italie et en Allemagne.

B – Illustrations

En France, suite à l'expérience dramatique de l'instabilité gouvernementale sous la IIIème République,


la constitution de 1946 a tenté d'introduire une technique de rationalisation, mais la IVème République
va échouer en tombant exactement dans les mêmes écueils. La constitution de 1958 va aller encore
plus loin sur la rationalisation du parlementarisme. On parlera alors de régime mi- parlementaire mi-
présidentiel.

La seconde illustration est le régime parlementaire allemand. La loi fondamentale de 1949 a mis en
place des techniques de rationalisation très originales. Dans le cas allemand, ces techniques ont été
mises en place pour tenter de remédier à l'instabilité gouvernementale qui avait caractérisé la
République de Weimar. L'Allemagne est un régime parlementaire moniste, le Président n'a qu'un rôle
très effacé par rapport au chancelier. Le parlement est bicaméral avec le Bundestag (chambre basse)
et le Bunderstag (chambre haute) responsable des Lander.

Le chancelier n'est responsable que devant le Bunderstag. Quand il entre en fonction, il doit être
individuellement investi par la chambre basse; Le président de la république propose un candidat qui
doit être élu à la majorité des membres qui composent la chambre basse. Si le candidat n'est pas élu,
le Bunderstag a un délai de 14 jours pour élire son propre candidat à la majorité absolue de ses
membres. Si les membres ne sont toujours pas d'accord, il y a un troisième tour de scrutin. Si un
candidat est élu à la majorité absolue pendant ce troisième tour, le président est obligé de le nommer
chancelier. En revanche, s'il est élu à la majorité relative, le président peut soit le nommer soit
dissoudre le Bunderstag.

Le but de cette procédure est de faire en sorte que le chancelier bénéficie du plus large consensus
possible pour ainsi éviter l'instabilité gouvernementale.

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Section 2 : La pratique du régime parlementaire
La pratique de constater une tendance au déplacement du pouvoir : soit on assiste à la prépondérance
des chambres qui aboutit à la déviation du régime parlementaire vers un régime d'assemblée (exemple
: IIIème et IVème Républiques en France), soit on assiste à une revalorisation de l'exécutif (exemple :
Royaume-Uni).

Paragraphe 1 : La tendance à la prépondérance du pouvoir législatif : La IIIème et la


IVème République
Les IIIème et IVème Républiques étaient des régimes purement représentatifs. Le referendum est
totalement discrédité par l'expérience des plébiscites napoléoniens. Il n'y a pas de contrepoids du côté
du peuple, et il n'y en a pas non plus du côté de l'exécutif. Le droit de dissolution existait bien dans la
constitution de la IIIème République mais il est tombé en désuétude. Le gouvernement pouvait donc
être renversé mais il ne disposait pas en contrepartie de l'arme de la dissolution. On assiste donc à un
blocage qui entraine une grande instabilité gouvernementale d'autant plus qu'à l'époque les deux
chambres pouvaient renverser le gouvernement (principe du bicaméralisme égalitaire). Finalement,
de 1871 à 1940, plus de 100 gouvernements se succèdent. Les chambres sont toutes puissantes mais
n'ont pas de contrepoids. Malgré les tentatives de la Constitution de 1946 pour redonner des armes à
l'exécutif, la situation redevient vite la même et la durée de vie des gouvernements est d'environ six
mois.

Paragraphe 2 : La revalorisation de l'exécutif sous l'influence du fait majoritaire :


L'exemple du Royaume-Uni
A – Le Royaume-Uni : berceau du parlementarisme

Le Royaume-Uni est le pays où nait le parlementarisme à mesure de l'affirmation de la séparation des


pouvoirs. Le parlement est bicaméral.

• La chambre basse est la Chambre des communes. Elle est composée de 659 membres élus au
scrutin uninominal majoritaire à un tour. Ce type de scrutin favorise le bipartisme. Le mandat
des membres de cette chambre est de cinq ans et elle est présidée par le speaker.
• La chambre haute est la Chambre des Lords. Elle a encore la particularité de nos jours d'être
constituée de membres non élus malgré la réforme de 1999. Avant cette réforme, la Chambre
des Lords est composée de Lords héréditaires (plus de 600), de Paires nommés à vie par la
Reine (plus de 400), de Lords spirituels (archevêques et évêques, environ 30) et de Law Lords.
La loi du 11 novembre 1999 supprime la catégorie des Lords héréditaires. Plus tard, une
seconde réforme supprime les Lords judiciaires pour mieux respecter la séparation des
pouvoirs, et une cour suprême est créée la même année.

Le parlement britannique vote la loi et le bicaméralisme britannique est de ce point de vue très
inégalitaire. La chambre des Lords a progressivement perdu beaucoup de pouvoir au profit de la
Chambre des communes, la seule qui peut renverser le gouvernement.

L'exécutif est bicéphale. Le chef de l'Etat est un monarque héréditaire (Elisabeth II). Elle prononce le
discours du trône au début de chaque session parlementaire annuelle, discours rédigé par le premier
ministre pour exposer son programme. Elle nomme le premier ministre mais en réalité c'est toujours
le chef du parti majoritaire de la chambre des communes. Elle promulgue la loi mais il s'agit d'une
signature formelle, elle n'a pas de droit de veto. Elle exerce en somme un rôle de "magistrature
morale".

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Le gouvernement est la clé de voute du système britannique. Le premier ministre nomme et révoque
ses ministres choisis parmi les membres de la chambre des communes. Le gouvernement,
contrairement à la France, est un organe très lourd qui comporte une centaine de membres. A
l'intérieur du gouvernement, chaque cabinet est composé d'une vingtaine de membres, comprenant
notamment le premier ministre, le ministre des finances, de l'intérieur, affaires étrangères, le garde
des sceaux. Ce cabinet a l'initiative des lois et peut dissoudre la chambre des communes. Les
institutions britanniques illustrent parfaitement le régime parlementaire. Il existe des moyens de
collaboration et d'actions réciproques. Mais du fait des circonstances politiques, le fonctionnement du
régime a permis à l'exécutif d'affirmer son leadership. On pourrait presque parler de
présidentialisation du régime, bien qu'il n'y ait pas de président.

B – L'affirmation du leadership de l'exécutif

Cette affirmation est telle qu'il est plus exact de parler de régime primo ministériel que de régime
parlementaire. Deux facteurs ont permis cela : le mode de scrutin (système majoritaire à un tour) et le
bipartisme.

Le bipartisme est un système de parti dans lequel seulement 2 d'entre eux ont vocation majoritaire et
alternent plus ou moins régulièrement au pouvoir. Il s'agit d'un mode de gouvernement parlementaire
assuré par un parti mais sous le contrôle d'un autre parti et l'arbitrage des électeurs. Depuis les années
1930, les deux partis majoritaires au Royaume-Uni sont les Conservateurs et les Travaillistes, ce que
les Anglais appellent le two-party system. Ce bipartisme assure au gouvernement une forte majorité,
une forte stabilité parce que le Royaume-Uni est marqué par une forte discipline partisane. En régime
parlementaire, la responsabilité politique est censée marquer une certaine primauté de la chambre
puisque cette chambre est élue au suffrage universel direct et que le gouvernement n'en est qu'une
émanation. En pratique, c'est plutôt l'inverse qui se produit au Royaume-Uni. L'exécutif affirme son
leadership et conduit sa politique avec l'appui d'une majorité docile.

Il y a deux conséquences à cet état de chose :

• Les moyens d'action réciproques entre les pouvoirs au départ conçus pour régler les éventuels
conflits entre eux, perdent cette signification originelle. La responsabilité politique du
gouvernement au Royaume-Uni est en voie de disparition. En définitive, ce n'est pas le
Parlement mais les électeurs qui sanctionnent ou non la politique d'un cabinet. Le droit de
dissolution est très peu utilisé.
• La vraie ligne de séparation n'est pas entre l'exécutif et le législatif, mais entre la majorité et
l'opposition. Opposition qui au Royaume-Uni est très institutionnalisée, le Chef du parti
minoritaire aux Communes reçoit le titre de Leader de l'opposition de sa Majesté et reçoit
depuis 1997 une indemnité à ce titre. Le Leader de l'opposition réunit autour de lui le Shadow
Cabinet, une équipe prête à prendre le pouvoir en temps voulu.

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Chapitre 2 : Le régime présidentiel
Le régime présidentiel est caractérisé par une séparation dite stricte des pouvoirs. De ce point de vue,
le seul véritable régime présidentiel est celui des Etats-Unis. Cit : "le système américain est le seul
membre de cette classe de sorte que lorsque l'on veut analyser le système présidentiel, c'est le
système constitutionnel des Etats-Unis que l'on décrit" – Michel Troper. Cette séparation n'est pas
vraiment stricte car il y a en pratique une collaboration entre les pouvoirs indispensable à l'équilibre
du régime.

Section 1 : Eléments d'identification


Paragraphe 1 : Définition du régime présidentiel
La séparation des pouvoirs est à la fois organique et fonctionnelle. Alors que dans un régime
parlementaire, le gouvernement reflète la majorité parlementaire, l'exécutif dans un régime
présidentiel est indépendant et pleinement indépendant du pouvoir législatif. Il n'y a pas de lien
organique entre les deux. L'exécutif est monocephale, on peut dire que les deux pouvoirs s'empêchent
mutuellement mais ne peuvent pas se détruire.

C'est pour cela qu'on appelle cette séparation stricte et c'est la raison pour laquelle elle se distingue
de la séparation souple dans laquelle on retrouve la dissolution et la motion de censure. La séparation
fonctionnelle n'est pas aussi rigide qu'on pourrait le penser, et ce en raison d'un système appelé
"checks and balances". (Freins et contrepoids).

Paragraphe 2 : les institutions américaines


Le pouvoir législatif appartient au Congrès qui est bicaméral : la chambre des représentants et le Sénat.
Le chambre des représentants représente le peuple, le nombre de représentants dépend par définition
de la population de chaque Etat. Le mandat est de deux ans seulement avec un renouvellement se
faisant tout le temps à mi-mandat.

Le Sénat représente les Etats fédéré avec deux représentants par Etat. Le mandat des sénateurs est de
6 ans renouvelable par tiers tous les deux and en même temps que la chambre des représentants. Le
Sénat est présidé par le vice-président des Etats-Unis.

Le congrès élabore et vote la loi. Les deux chambres ont une importance équivalente, avec un léger
avantage au Sénat avec deux raisons principales : le Sénat autorise la ratification des traités
internationaux, aussi le Sénat donne les nominations aux emplois fédéraux.

Le président détient le pouvoir exécutif. Il a un mandat de quatre ans renouvelable une fois. Le
président est à la fois chef de l'Etat et chef du gouvernement. Le président nomme avec l'accord du
Sénat une quinzaine de secrétaires d'Etat qu'il peut révoquer discrétionnairement. Le gouvernement
n'est pas collégial et juridiquement, toutes les décisions sont prises par le président, les secrétaires
d'Etat ne sont que des collaborateurs. Il est le chef de l'administration fédérale, il nomme tous les juges
fédéraux. Il est commandant en chef des forces armées et maitre de la politique étrangère. Il n'est pas
responsable politiquement devant la chambre basse. Le président est élu au terme d'un processus
d'environ un an. Deux phases à distinguer : phase partisane et élection stricto sensu.

La phase partisane : les deux grands partis vont désigner leur candidat respectif. Le candidat est
désigné lors d'une convention nationale du parti qui réunit les délégués les délégués de chaque Etat
fédéré.

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La toute première étape consiste donc à désigner au niveau des Etats fédérés qui peut se faire selon
deux systèmes, selon les Etats

Premièrement : le système des primaires : les délégués sont désignés par le peuple américain. Les
primaires peuvent être ouvertes ou fermées : fermées : réservées aux membres du parti, ouvertes : à
tous.

Deuxièmement : le système de caucus : la désignation des délégués se fait à l'intérieur de la machine


politique du parti. C'est son comité directeur au niveau local qui désigne les délégués. Une fois que les
délégués sont nommés, se tiennent des conventions nationales des partis, les délégués des 50 Etats
s'y réunissent pendant l'été.

C'est un suffrage indirect. Ce sont les grands électeurs qui élisent le président. L'élection des grands
électeurs se tient toujours le mardi suivant le premier lundi de novembre. Le scrutin est à un seul tour.
Les élections se trouvent dans chaque Etat fédéré. Chaque Etat dispose d'autant de sièges de grands
électeurs qu'il a de représentants à la chambre des représentants. Dans chaque Etat la totalité des
sièges des grands électeurs va au parti qui obtient la majorité à l'Etat en question. Il peut donc y avoir
des distorsions, ex : cette année. Les grands électeurs ont un mandat impératif : ils doivent voter pour
le candidat pour lequel ils ont fait campagne. Les grands électeurs le lundi qui suit le deuxième
mercredi de décembre. Dans le cas où un candidat n'a pas la majorité, c'est la chambre des
représentants qui désignera le président parmi les trois premiers candidats. Le dépouillement des
votes a lieu le six janvier et le président prend ses fonctions le 20 janvier.

Les pères fondateurs ont appliqué la séparation des pouvoirs d'une façon très stricte en s'inspirant de
Montesquieu

Paragraphe 3 : le système de checks and balances


Il n'y a pas de moyens d'action réciproque mais les deux pouvoirs ont mutuellement la faculté de
s'empêcher. De ce point de vue intervient aussi le rôle déterminant de la cour suprême.

A – Les facultés d'empêcher du congrès vis-à-vis du président

1. Le vote du budget

En effet, la Constitution américaine confère au Congrès des pouvoirs très étendus en matière du
budget, et ce aussi bien en matière de recette que de dépense. Le Congrès possède le monopole du
contrôle du budget fédéral et aucune somme ne peut être tirée du trésor public sans d'abord avoir fait
l'objet d'une loi. En 1974, une commission pour le budget a été créée dans chacune des deux chambres
et ce de manière à pouvoir contrôler scrupuleusement chacun des projets du pouvoir exécutif. Cette
faculté d'empêcher est particulièrement efficace, cela permet au Congrès d'infléchir la politique
budgétaire de l'exécutif en amputant certains choix de dépense publique.
2. L'engagement des troupes armées
En théorie, c'est le Congrès qui déclare la guerre mais en pratique cela est souvent détourné. En effet,
le président doit théoriquement solliciter l'avis du Congrès avant l'engagement de troupes armées à
l'étranger. Le Congrès a dans ce cas la possibilité d'autoriser ou de refuser l'engagement. Mais il existe
une procédure de contournement en raison d'une urgence, le président peut engager des troupes à
l'étranger sans passer par le Congrès. Dans ce cas, le Congrès aura, dans les 90 jours suivant
l'engagement, la possibilité dans se prononcer. Dans les faits, pour des questions de sécurité nationale,
il est très difficile pour le Congrès de demander à ce que les troupes engagées dans un conflit soit
retirées. Généralement aussi, le président le fait avec l'accord de la nation. Par exemple, après les
attentats du 11 septembre, le Congrès n'a pas été consulté pour l'engagement des troupes en Irak.

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3. L'approbation des nominations aux emplois fédéraux
Les fonctionnaires fédéraux sont nommés par le président avec l'accord du Sénat : les juges de la Cour
suprême, diplomates, ambassadeurs (les hauts fonctionnaires en France). Aux Etats-Unis, cette
approbation du Sénat n'est pas du tout une approbation de complaisance, le Sénat va mener des
enquêtes approfondies sur la personne qui va être nommée, va auditionner publiquement la personne
et va possiblement rejeter le candidat. Ce n'est pas le cas pour les secrétaires d’État qui appartiennent
au choix discrétionnaire du président.
4. Les commissions d'enquête mises en place par le Congrès
Ces commissions ont pour but de mener des enquêtes approfondies sur l'action menée par
l'administration, elles ont un champ d'action relativement large puisqu'elles peuvent enquêter
simplement pour affiner un projet de loi (quelle est la volonté politique, contrôle d'ordre politique) ou
sur des accusations portant sur les agissements d'un membre de l'exécutif. Cependant, la Cour
suprême a mis un frein à ces commissions en précisant que celles-ci ne pouvaient pas avoir pour seul
but de « dénoncer pour dénoncer » et de freiner l'action de l'exécutif.
5. L'impeachment
Aux Etats-Unis, il n'existe pas de responsabilité politique de l'exécutif car c'est un régime présidentiel.
Seule existe la responsabilité pénale de l'exécutif (à l'inverse de la France). C'est uniquement par le
prisme de la responsabilité pénale que le Congrès peut renverser le président. L'impeachment est donc
une arme politique. En réalité, aux Etats-Unis, la responsabilité pénale est un palliatif à
l'irresponsabilité politique. Cette procédure va entraîner une destitution pour des cas de hautes
trahisons, de corruption, crimes ou délits majeurs. Il faut préciser que cette procédure touche le
président, le vice-président, les hauts fonctionnaires et les juges fédéraux.
La procédure se déroule entièrement devant le Congrès. La Chambre des représentants doit
d'abord adopter le principe de mise en accusation, en somme il s'agit de se mettre d'accord sur la
qualification des faits reprochés à la personnalité. Cette mise en accusation est adoptée à une majorité
simple. Ensuite, le Sénat réuni en haute cour (avec comme président le président de la Cour suprême)
va se prononcer sur les charges retenues à une majorité des deux-tiers des sénateurs présents. Si la
procédure arrive à terme, elle va entraîner la destitution de la personne concernée et l'interdiction
d'occuper tout emploi public à vie.
L'impeachment est à modérer car il est déjà arrivé à terme pour des hauts fonctionnaires et
des juges fédéraux mais jamais pour des présidents. Cette procédure a été déclenchée trois fois contre
un président américain :
• En 1868 contre Johnson, mais l'impeachment rate à deux voies près.
• EN 1974 contre Nixon dans l'affaire du Watergate, la procédure n'a pas eu le temps d'arriver
au Sénat que Nixon a démissionné.
• En 1999 contre Clinton. Il est mis en accusation devant la Chambre des représentants pour des
questions de parjures et d'obstruction à la justice puisqu'il avait publiquement juré qu'il n'avait
pas eu de relations sexuelles avec Monica Lewinsky. La question que l'on s'est posée était celle
de savoir s'il s'agissait réellement du domaine pénal ou si la procédure n'avait pas été utilisée
pour le destituer pour motifs politiques. Finalement, le Sénat n'a pas retenu les charges.
B – Les facultés d'empêcher du président cis à vis du Congrès

L'arme principale dont dispose le président est le veto. En latin, le mot veto signifie « j'interdis ». Le
droit de veto est la faculté offerte au Chef de l’État de s'opposer à l'entrée en vigueur d'une loi adoptée
par le Congrès. Le veto doit être motivé par le président qui a un délai de 10 jours après le vote du
texte par le Congrès pour renvoyer le texte dans les chambres pour qu'il soit réexaminé. Le veto ici

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n'est pas absolu, il est suspensif car il ne met pas fin définitivement à l'existence du texte, il le suspend
le temps du nouveau vote. Le nouveau vote doit se faire aux deux-tiers devant les deux chambres.
Dans la plupart des cas, le veto ne peut pas être surmonté par le Congrès en raison de l'absence de
majorité.
Il existe un deuxième veto, le pocket veto ou veto de poche. Il n'est pas prévu par la
Constitution, il joue sur le fonctionnement même des institutions. Il faut savoir que le président aux
Etats-Unis n'a pas à contresigner un texte pour lui donner une valeur définitive, il doit le contresigner
mais s'il ne le fait pas, le texte aura tout de même une valeur définitive dans les dix jours. Cela permet
au président de signifier qu'il n'est pas d'accord avec le texte sans bloquer le processus démocratique.
Il existe des sessions parlementaires. Si le président refuse de contresigner un texte de loi dans les 8
ou 9 derniers jours de la session parlementaire, le texte de loi ne pourra pas devenir définitif, il est
bloqué entre les deux sessions (deux mois).
Enfin, il existait jusque dans les années 2000 un item veto, veto sélectif. Le président pouvait
s'opposer à certains articles du texte de loi et non pas la loi dans son entier. Cela lui permettait de
s'opposer à beaucoup plus de textes de loi avec une procédure bien moins lourde. Dans un arrêt
Clinton vs ville de New York en 1998, la Cour suprême a déclaré ce veto comme inconstitutionnel car
ce veto plus facilement utilisable déséquilibrait clairement les jeux de pouvoirs entre l'exécutif et le
législatif.
C – La faculté d'empêcher du pouvoir judiciaire

Aux Etats-Unis, il existe deux pouvoirs judiciaires : le pouvoir judiciaire fédéral d'une part et celui des
États fédérés d'autre part. Il se structure de la même manière dans chacun des États fédérés et au
niveau de l’État fédéral : première instance, appel et cour suprême. La Cour suprême des Etats-Unis
est la détentrice du pouvoir fédéral, ses décisions sont imposées sur l'ensemble du territoire américain.
Les 50 cours suprêmes fédérées rendent des décisions obligatoires uniquement pour l’État dans lequel
elles siègent.
Le pouvoir judiciaire aux Etats-Unis a une importance assez inédite. Les juges de la Cour
suprême des Etats-Unis sont des contre-pouvoirs importants car ils sont des interprètes de la
Constitution. Les juges fédéraux ont un rôle très politisé. Il n'a pas été rare que par des revirements de
jurisprudence, ces juges aient fait basculer le cours des choses. Par exemple, dans les années 1950, la
Cour suprême va déclarer inconstitutionnelle la ségrégation par une nouvelle interprétation
constitutionnelle, la ségrégation va alors être interdite sur l'ensemble du territoire.

Section 2 : la pratique du régime présidentiel


Le régime américain est viable depuis plus de deux siècles grâce à une adaptation du régime aux
institutions. Il a permis d'éviter un présidentialisme tutélaire. Pour éviter les risques de paralysie
institutionnelle, il faut une collaboration au sein du régime. En théorie, la séparation des pouvoirs est
stricte mais en pratique, les négociations sont permanentes. Cette collaboration officieuse est possible
grâce aux spécificités de la vie politique américaine, d’où la spécificité de transposer ce modèle à
l'étranger. Cette entente entre les pouvoirs repose sur le système des partis (démocrate/républicain).
Leurs programmes sont relativement proches, le clivage est plus idéologique, plus partisan entre les
conservateurs et les libéraux. Comme l'avait souligné Tocqueville, les Etats Unis sont traversés par un
grand pragmatisme. C'est ainsi qu'un président peut faire adopter de grands projets par un congrès
d'un autre bord (ex : présidence Clinton). Ce système de checks and balances fonctionne car il est
inséparable de l'histoire, de la culture américaine. Voilà pourquoi de nombreux pays étrangers ont
échoué dans leur tentative de transposer ce modèle à leur système. En effet, ce modèle a d'abord été

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imité par l'Amérique latine. Sont ainsi des régimes présidentiels le Brésil, l'Argentine, le Costa Rica,
mais aussi des pays africains qui sont des régimes présidentiels devenus présidentialistes. Au départ,
il y a une volonté de renforcer l'exécutif pour cimenter la nation, néanmoins, la pouvoir va se
personnaliser et à engendrer des régimes autoritaires.

Titre II : La séparation verticale des pouvoirs


La séparation horizontale nous a conduit à nous interroger sur les formes des régimes politiques :
présidentiel ou parlementaire La séparation verticale quant à elle renvoie à la question des délégations
de pouvoirs à des échelons infra-étatiques. Pendant longtemps, cette question renvoyait à l'étude de
deux modèles principaux d’État : l’État unitaire et l’État fédéral. Mais plus récemment est apparu un
troisième modèle, sorte de modèle intermédiaire, l’État régional.

Chapitre 1 : L'Etat fédéral


Section 1 : Les fondements de l'Etat fédéral
Paragraphe 1 : Définition de l'Etat fédéral
Un Etat fédéral est un Etat composé d'Etats. C'est une union volontaire entre Etats qui cesse de ce fait
d'être souverain au regard du droit international mais qui reste souverain en droit interne, l'Etat
fédéral ne faisant que se superposer à eux. Les Etats fédérés abandonnent donc certaines de leurs
compétences à des organes communs qui constituent l'Etat fédéral. Pour autant, ils conservent leur
propre constitution, législation, tribunaux. Sur la scène internationale, le seul sujet est l'Etat fédéral.

Paragraphe 2 : Distinction avec la confédération


La confédération est une association d'Etats qui reste totalement souverains mais qui décident de
coordonner leurs politiques dans un certain nombre de domaines. Aussi, le statut de la confédération
est fixé par un traité et non par une constitution et enfin le droit de la confédération est toujours
adopté à l'unanimité et nécessite une transposition. Exemple : le Common W. Ce n'est pas le cas de
l'UE car les fédéralistes souhaiteraient un Etat fédéral, et pour les anti-fédéralistes la confédération
serait une étape vers un Etat fédéral.

Paragraphe 3 : Les modes de formation de l'Etat fédéral


1. Le fédéralisme par association/intégration

L'Etat fédéral ici nait d'un rapprochement d'Etats. Ce rapprochement peut se faire pour des raisons
militaires, économiques, politiques, … Ces Etats vont estimer qu'ils n'assument pas pleinement leurs
compétences. Ils vont se regrouper au sein d'un Etat fédéral. En général, la fédération survient après
la confédération d'Etats. Exemple : Les Etats-Unis (au départ une confédération qui va durer jusqu'en
1787), ou la Suisse (fédération en 1948).

2. Le fédéralisme par dissociation

L'Etat fédéral nait de l'éclatement d'un Etat unitaire. Exemple : Autriche en 1918 qui va devenir un Etat
fédéral après la dislocation de l'empire austro-hongrois, l'Ex URSS, l'Ex-Yougoslavie et la Belgique
devenus Etats fédéraux. Souvent, l'éclatement a lieu à cause des pressions des minorités (ethniques,

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religieuses, linguistiques) qui a défaut d'obtenir leur indépendance obtiennent leur autonomie qui va
se traduire par la mise en place d'un Etat fédéré.

Section 2 : les principes d'organisation d'un Etat fédéral


Ils sont au nombre de 3

Paragraphe 1 : Le principe de superposition


Définition : l'Etat fédéral superpose deux ordres étatiques. En conséquence, la superposition est
d'ordre juridique. Cette superposition se traduit de trois façons :

• Deux ordres constitutionnels, la constitution fédérale va se superposer aux constitutions des


Etats fédérés. Pour chacune de ces constitutions, il y a une juridiction constitutionnelle.
• Deux ordres législatifs. En principe, la loi fédérale prime sur la loi des Etats fédérés. C'est la
clause de suprématie de l'Etat fédéral. Il y a cependant une exception : lorsque la constitution
fédérale fixe des domaines exclusivement réservés aux lois des Etats fédérés.
• Deux ordres juridictionnels : le pouvoir judiciaire fédéral et le pouvoir judiciaire des Etats
fédérés d'autre part.

Paragraphe 2 : Le principe d'autonomie des Etats fédérés


Les Etats fédérés jouissent d'une large autonomie normative. Cette autonomie est constitutionnelle et
législative. La plus problématique est celle législative. Cette répartition des compétences est opérée
dans la constitution fédérale. Trois manières de répartir les compétences :

• La constitution énumère les compétences de l'Etat fédéral. On considère donc que l'Etat
fédéral donne à l'Etat fédéré une compétence d'attribution. Il en ressort pour les Etats fédérés
une compétence de principe. Ce modèle s'applique aux Etats-Unis et en Russie.
• Au contraire, l'Etat fédéral a la compétence de principe et les Etats fédérés n'ont qu'une
compétence d'attribution. C'est notamment le cas du Canada.
• Technique du catalogue : on établit la liste de l'un et la liste de l'autre. Le problème est que la
répartition devient concurrente. Les deux niveaux peuvent intervenir sur une même matière.
En Allemagne, les compétences concurrentes sont au nombre de 26. Tant que l'Etat fédéral
n'est pas intervenu, l'Etat fédéré peut intervenir et vice versa. En cas de problème, c'est la cour
constitutionnelle qui tranche le débat.

Paragraphe 3 : Le principe de participation


Il signifie que les Etats fédérés doivent participer à l'élaboration du droit fédéral. Ainsi, la constitution
fédérale ne peut être modifiée qu'avec le consentement des Etats fédérés. Les Etats fédérés
participent aussi à l'élaboration du droit de l'Etat fédéral grâce à la seconde chambre (Sénat).

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Chapitre 2 : L'Etat régional
Dans cette forme d'Etat les régions ou communautés autonomes, ne vont pas jusqu'à constituer des
Etats. Elles sont tout de même dotées d'une plus grande autonomie dans un Etat unitaire.

Section 1 : La reconnaissance de l'autonomie politique des régions


Sont considérés comme des Etats régionaux aujourd'hui l'Espagne, l'Italie, mais également le Portugal
et le Royaume-Uni pour certains de leurs territoires. Dans l'Etat régional, l'autonomie des régions est
garantie par la constitution. Ainsi en Espagne, l'article 2 de la constitution indique qu'il existe deux
degrés d'autonomie : la plus poussée est accordée aux communautés historiques (Galice, Catalogne,
Pays Basque, Navarre, Andalousie), tandis qu'une autonomie plus réduite est accordée aux dix autres
communautés. Entre autre, deux communautés ont un statut intermédiaire : Valence et les Iles
canaries. Pour l'Italie, l'article 5 de la constitution établit la liste des régions et va fixer pour 5 d'entre
elles un statut spécial. Il s'agit de la Sicile, la Sardaigne, le Val d'Aoste, du Trentin et du Frioul. Les 15
autres régions ont un statut ordinaire. AU Portugal, seulement deux régions autonomes : Madère et
les Açores. Enfin, au Royaume-Uni, les lois dites de dévolution de 1997 ont accordé d'avantage de
pouvoir pour l'Ecosse et le Pays de Galle. L'Irlande du Nord a obtenu le même statut en 1998. Pour
autant, la répartition des compétences est opérée par des lois au Royaume-Uni.

Les Etats régionaux, d'un point de vue normatif sont entre l'Etat unitaire et entre l'Etat fédéral. Les
régions d'un Etat régional ont plus de pouvoir que les collectivités territoriales des Etats unitaires. Elles
ont le pouvoir d'adopter leurs propres lois. Cependant, les régions d'un Etat régional ont moins de
pouvoir qu'un Etat fédéré au sein d'un Etat fédéral car elles n'ont pas leur propre constitution. Les
régions sont dotées d'institutions politiques c’est-à-dire une assemblée délibérative élue au suffrage
universel qui détient le pouvoir législatif, et un exécutif régional qui a le pouvoir règlementaire. Les
régions ont donc leurs propres lois d'où les risques de conflits entre lois régionales, entre la loi
régionale et la loi nationale ou entre la loi régionale et la constitution nationale. La répartition des
compétences est toujours faite dans la constitution et les éventuels conflits sont toujours tranchés par
la cour constitutionnelle. Ainsi, dans son article 158, la constitution espagnole dresse une liste de 22
rubriques qui relèvent de la compétence des communautés autonomes. En plus de ce catalogue établi
dans la constitution, l'Etat peut lui-même décider de déléguer certaines de ses propres compétences
aux communautés autonomes. En Italie, depuis 2001, l'Etat n'a qu'une compétence d'attribution, ce
qui signifie que les régions ont la compétence de principe, d'où un rôle politique très fort des régions.

Section 2 : le maintien d'une certaine unicité de l'Etat


Les régions ont un rôle politique fort, mais elles n'ont pas de constitution. Les statuts doivent respecter
la constitution nationale. Ils sont préparés par les régions mais in fine doivent toujours être approuvés
par les autorités centrales. De leur côté, les lois régionales doivent être conformes à la constitution
nationale. Ainsi, le tribunal constitutionnel espagnol peut ainsi contrôler la constitutionnalité des lois
régionales, la cour constitutionnelle italienne a aussi cette compétence

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Chapitre 3 : L'Etat unitaire décentralisé
Section 1 : Définition
L'Etat unitaire est celui dans lequel il n'existe qu'une seule organisation juridique et politique dotée
des attributs de la souveraineté. Le pouvoir se centralise beaucoup dans la capitale. C'est l'Etat central
qui édicte les règles générales applicables à l'ensemble du territoire. C'est cet Etat central qui dispose
du pouvoir constituant mais aussi législatif. Dans les faits, un Etat n'est jamais complètement unitaire,
les collectivités infra étatiques bénéficient toujours au minimum du pouvoir règlementaire.

Un Etat unitaire est toujours au minimum déconcentré et au maximum décentralisé.

La déconcentration consiste à conférer un pouvoir de décision administrative à des autorités locales


nommées par les autorités centrales et subordonnées à leur autorité hiérarchique. Exemple : le préfet.

La décentralisation consiste à transférer des attributions administratives de l'Etat vers des autorités
élues et juridiquement distinctes de lui. Les collectivités territoriales françaises à savoir les communes,
les départements et les régions (et d'autres collectivités françaises à statut particulier) ont la
personnalité morale.

Section 2 : Le cas français


La France est fortement marquée par le jacobinisme. Elle est un Etat unitaire. L'article 1 de la
constitution précise qu'elle est indivisible. Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 est
ajoutée la mention suivante : "La république est indivisible. Son organisation est décentralisée". La
France a été pendant longtemps un Etat déconcentré, elle l'est toujours car le rôle du préfet est
toujours très fort, mais elle est aussi fortement déconcentrée.

Paragraphe 1 : La métropole
Le gouvernement actuel a ouvert l'acte 3 de la décentralisation.

L'acte 1 de la décentralisation correspond aux premières lois de décentralisation de 1982.

L'acte 2 correspond à la révision constitutionnelle de 2003 qui a considérablement modifié le titre XII
de la constitution appelé "des collectivités territoriales".

L'acte 3 s'est ouvert par une grande loi adoptée en 2014 créant notamment la métropole de Lyon et
le Grand Paris et s'est poursuivie par une loi sur la nouvelle carte des régions. La question de la
décentralisation est hautement politique et au grès des gouvernements, les collectivités ont plus ou
moins de pouvoirs. En France, les collectivités territoriales métropolitaines sont les communes
(anciennes et nombreuses), les départements, les régions mais aussi deux collectivités à statut
particulier : la Corse et depuis 2004 la métropole de Lyon.

A – Le principe de libre administration des collectivités territoriales

En vertu de l'article 72 alinéa 3 de la constitution, les collectivités territoriales françaises s'administrent


librement par des conseils élus. Cette élection est le critère principal de la libre administration.
Cependant, si l'on n'accorde pas aux collectivités des moyens juridiques et financiers, le principe de
libre administration n'est qu'une "coquille vide". Les collectivités depuis 1958 ont toujours bénéficié
du pouvoir règlementaire mais c'est notamment la révision constitutionnelle de 2003 qui a consacré
le principe de leur autonomie financière. Les collectivités territoriales ont des ressources propres
(exemple : taxe d'habitation, foncière, …).

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B – Le maintien de l'unicité de l'Etat

Même si elle est décentralisée, la France demeure une République indivisible, ce qui signifie que :

• Est indivisible la souveraineté


• Est indivisible le peuple : "il n'existe qu'un seul peuple, le peuple français" (même si la
population reconnait le peuple d'outre-mer depuis 2003).
• Est indivisible la langue française (raison pour laquelle la France a signé mais n'a pas ratifié la
charte européenne des langues régionales et minoritaires).

Paragraphe 2 : La spécificité de l'outre-mer


L'ancienne distinction entre DOM et TOM n'existe plus depuis la révision constitutionnelle de 2003. De
manière générale, on peut estimer que les anciens TOM sont devenus des COM (collectivités d'outre-
mer). La constitution pour désigner les deux (DOM et COM) parle de POM (Pays et Populations d'outre-
mer). La constitution reconnait même la "spécificité de l'outre-mer et leurs intérêts particuliers".
L'article 73 de la constitution énumère les départements d'outre-mer, l'article 74 énumère les
collectivités d'outre-mer et le Titre XIII isole la Nouvelle-Calédonie.

A – Les DOM

Les DOM sont au nombre de cinq. Ce sont les territoires qui ont voulu rester juridiquement proche de
la métropole, ils n'en sont que des départements. Il s'agit de la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique,
la Guyane et Mayotte (devenue DOM en 2011). Ces cinq DOM sont aussi des ROM (Régions d'outre-
mer). Les lois et les règlements de la République française sont en principe directement applicables
sur ces territoires mais la constitution précise qu'ils peuvent faire l'objet d'adaptations (article 73)
tenant aux caractéristiques du DOM sauf pour la Réunion.

B – Les COM

Sont des collectivités d'outre-mer la Polynésie française, Saint Pierre et Miquelon, Wallis et Futuna,
Saint Barthélémy et Saint Martin (ces deux derniers sont des COM depuis 2007). Il faut ajouter à ces
COM deux autres collectivités qui ont un statut particulier : les terres australes et antarctiques
françaises et l'île de Clipperton. Chacune de ces collectivités possède sa loi organique mais l'autonomie
la plus poussée revient à la Polynésie française.

C – La Nouvelle Calédonie

La Nouvelle-Calédonie jouit d'un titre spécifique dans la constitution (Titre XIII) car elle n'est pas une
collectivité territoriale. Son statut est dérogatoire et transitoire, il a été fixé dans les accords de
Nouméa (1998). Ces accords prévoient un transfert de compétence progressif jusqu'à la tenue d'un
referendum pour l'indépendance qui devrait avoir lieu en 2018. Le degré d'autonomie est tel que son
congrès vote ses propres lois appelées lois de pays.

En conclusion (section 2) : la constitutionnalisation de ces catégories n'est pas immuable, des COM
peuvent devenir des DOM et inversement.

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