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Dissertation droit constitutionnel : « L’exécutif sous la Vème République constitue-t-il en une

hiérarchie ou en une dyarchie ? »


« Notre constitution est à la fois parlementaire et présidentielle, à la mesure de ce que nous
commandent à la fois les besoins de notre équilibre et les traits de notre caractère » (Charles
de Gaulle, conférence de presse le 11 avril 1961). Ainsi, le régime politique français n’est ni
parlementaire comme ce fut le cas lors de la IIIème ou IVème république en France, ni
présidentiel comme aux Etats-Unis, mais semi-présidentiel. Le premier président de la Vème
république confirme le caractère présidentiel du régime en ajoutant que « un des caractères
essentiels de la constitution de la Vème République, c’est qu’elle donne une tête à l’Etat »
(Charles de Gaulle, Conférence de presse, 20 septembre 1962).
Ceci nous emmène à nous questionner sur le caractère présidentiel du régime politique
français, c’est-à-dire l’importance du rôle de l’exécutif ainsi que son fonctionnement à partir
de 1958.
L’article 2 de la constitution de 1958 pose l’importance du rôle du peuple au sein d’une
démocratie : « la démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple »
mais devant cependant être complété par le principe de représentation constitutionnellement
reconnu grâce au rôle du pouvoir exécutif. Celui-ci constitue l’un des trois pouvoirs, avec le
pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire au sein d’un Etat dans un régime démocratique
respectant la séparation des pouvoirs. La constitution de la Vème république est faite de sorte
à restaurer l’exécutif en mettant en place un pouvoir partagé entre le président de la
république et le premier ministre de manière hiérarchique ou dyarchique. La dyarchie ( venant
du grec duo signifiant deux et arkhê voulant dire pouvoir, commandement, autorité) est un
mode de fonctionnement d’une organisation dont le pouvoir est exercé conjointement par
deux dirigeants ou deux groupes ayant une position égale et une répartition de leur
attribution. A l’inverse, la hiérarchie constitue un classement selon une échelle ascendante
d’importance et de pouvoir entre les deux têtes de l’exécutif.
Le pouvoir exécutif a connu de nombreuses variations au cours des différents régimes
politiques antérieurs à la Vème République. L’acte de naissance de la république est la crise
du 16 mai 1977 où Mac Mahon fait des reproches au chef du gouvernement, en disant qu’il a
autant besoin du président que du parlement. Celui-ci essai alors de mettre en place un
régime dualiste où le président prétend avoir autant de pouvoir que le parlement. Lors du
régime de Vichy, la loi du 10 juin 1940 « donne tout pouvoir au gouvernement de la république
sous la signature du Maréchal Pétain à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une
nouvelle constitution ». Le 16 juin, De Gaulle prononce le discours de Bayeux dans lequel il
développe ses principales idées constitutionnelles, c’est-à-dire le renforcement de l’exécutif,
mais il ne fut cependant pas entendu. Le 13 mai 1958, le coup d’Etat des généraux d’Alger met
fin à la IVème République. Le 1er juin Charles De Gaulle devient président du conseil, à
condition de pouvoir établir une nouvelle constitution qui sera accepté par les français par
voie de référendum le 21 septembre 1958 qui sera promulguée le 4 octobre de la même année
donnant alors naissance à la Vème République. Ainsi, la constitution notre république actuelle
est marquée par le retour d’un exécutif fort étant partagé entre le Premier ministre et le
Président de la République. L’article 19 de cette constitution énumère les pouvoirs que
dispose le président de la République pouvant être exercé sans l’accord du gouvernement
(sans contreseing). Cependant, après avoir nommé le Premier ministre, le président de la
République partage un certain nombre de pouvoirs avec ce dernier. Ainsi, alors que la IIIème
République était incarnée par le Sénat, la Vème République donne plus de rôle au président
de la République : « Le régime apparait sous l’aspect d’un ensemble de satellites gravitant
autour d’une étoile de première grandeur » incarnée par le Président de la République
(Jacques Georgel).
La représentation correspond à l’idée qu’un représentant agit au nom et pour le compte d’un
représenté. La démocratie représentative est dualiste puisque l’on compte le rôle du peuple
comme fondement du pouvoir mais ce dernier étant complété par la représentation comme
mode d’exercice principal de ce pouvoir. Le terme dyarchie qualifie le fonctionnement de la
Vème république en France en période de cohabitation où l’on passe d’une relation de
subordination à une relation de coopération entre le premier ministre et le président de la
république. Le pouvoir exécutif reste fort au sein des textes constitutionnels malgré au
pouvoir législatif trop imposant menaçant la stabilité du régime notamment lors de la IIIème
et IVème République. La constitution de 1958 a instauré un régime parlementaire rationalisé,
avec un président arbitre et un Premier ministre chef de l’exécutif. Charles de Gaulle est alors
un arbitre, placé au-dessus des partis politiques, sans responsabilité politique et s’intéressant
aux intérêts supérieurs de la nation. Le rôle du premier ministre est en effet de mettre en
œuvre la politique du président de la République. Il s’agit de déterminer si le pouvoir exécutif
se partage entre ces deux derniers ou si à l’inverse, le régime est fait de telle sorte à établir
une échelle de pouvoir entre eux. En observant la constitution de la Vème République, on note
l’instauration d’un chef d’Etat (article 5) disposant de compétences réelles (article 19) et un
Premier ministre à la tête du gouvernement (article 21) conduisant et déterminant la politique
de la nation (article 20). Le texte constitutionnel conditionne alors le rapport entre ces deux
têtes créant alors un bicéphalisme équitable (dyarchique) ou non (hiérarchique). Le 15 mai
2017, E. Macron a nommé Edouard Philippe Premier ministre. Mais il faut s’interroger sur la
manière dont se partage le pouvoir entre le Président de la République et le Premier ministre.
Le président de la République aurait-il finalement tous les pouvoirs ? Le questionnement
s’établie également donc sur la nécessité légitime du Premier ministre sous la Vème
République ou encore sur le fait de savoir si le Président de la République est utile au sein d’un
régime parlementaire.
« Le bicéphalisme de l’exécutif sous la Vème République est-il un régime d’équilibre des
pouvoirs entre le président de la République et le Premier ministre ? »
Il sera alors envisageable de retenir d’une part que le bicéphalisme de l’exécutif tend vers le
modèle hiérarchisé en faveur du président de la République (I) mais d’une autre part, on
observe dans des séquences politiques plus réduites un partage des pouvoirs entre deux têtes
donnant ainsi une légitimité au Premier ministre (II).
I-) Un exécutif bicéphale hiérarchisé donnant un ascendant politique incontestable au
Président de la République
La responsabilité du président de la République est incontestable puisqu’il doit veiller au
respect de la constitution, assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et garantir
l’indépendance nationale et l’intégrité territoriale (A). Il possède ainsi des pouvoirs tant
propres que partagés démontrant ainsi qu’il est la source principale du pouvoir exécutif
français sous la Vème République (B).
A-) Le statut et la responsabilité du Président de la République sous la Vème République
comme incarnation principale du pouvoir exécutif de manière légitime
Le chef du gouvernement, qui antérieurement dépendait de l’investiture de la chambre basse,
procède désormais du seul président de la République, lui-même chef de la majorité à
l’Assemblée nationale. En 1958, le président de la République était élu par un collège électoral
composé par les membres du parlement. Ce collège désignait, pour sept ans, un président
indéfiniment rééligible, ce qui fur le cas le 21 décembre 1958 où le général Charles De Gaulle
obtient 78,5% des voix. Cependant l’élection au suffrage universel indirecte du chef de l’Etat
est contesté par ce président. En effet, ce dernier souhaite promulguer une révision
constitutionnelle le 6 novembre 1962 (selon la procédure de l’article 11 de la constitution)
afin d’instaurer l’élection du président au suffrage universel direct. Ainsi, cette réforme
permet d’accroitre la légitimité du président puisque qu’il accorde à la nation une « confiance
explicite ». On compte huit élections présidentielles au scrutin direct qui ont été organisées
depuis 1962 (décembre 1965, juin 1969, mai 1974, 1981, 1988, 1995, 2002, 2007, 2012, 2017).
L’adoption du quinquennat en 2000 (selon la procédure de l’article 89 de la constitution)
proposé à l’origine par G. Pompidou en 1973 puis relancé par V.G d’Estaing permet de limiter
les cohabitations puisque le président est élu pour la même durée et la même période que
l’Assemblée ayant donc pour conséquence à la chambre basse une majorité disposée à
soutenir ce dernier. Ainsi ces deux révisions constitutionnelles confèrent au président de la
République une plus grande légitimité au sein du pouvoir exécutif et pouvant alors assurer de
nombreuses responsabilités à la fois devant le peuple mais également en matière pénale.
Le président de la République possède une large responsabilité politique puisqu’il peut
engager explicitement son mandat lors d’un référendum comme ce fut le cas en 1962 et en
1969 par le général Charles de Gaulle. L’article 68 de la constitution de 1958 dispose que le
président de la république est jugé par la Haute cour de justice en cas de haute trahison mais
que E. Macron souhaite aujourd’hui supprimer. Les dispositions des articles 67 et 68 de la
constitution ont été interprétées de manière divergente entre 1999 et 2001 par le conseil
constitutionnel et la cour de cassation. La révision constitutionnelle du 23 février 2007 a
confirmé l’immunité traditionnelle dont bénéficie le président de la République pour les actes
commis dans l’exercice de ses fonctions et a instauré une inviobalité temporaire concernant
tous ses autres actes (article 67 de la constitution). Depuis 1789, seuls Louis XVI en 1793 et
Pétain en 1945 ont été condamnés. Depuis la révision constitutionnelle de 1999, le président
peut être déféré devant la CPI (cour pénal internationale) si celui-ci a commis un crime contre
l’humanité.
Issu de la seule volonté du président, renforcée par son élection au suffrage universel directe
en 1965, le Premier ministre, en dépit de l’article 8 al 2 de la constitution, est le plus souvent
conduit à composer une équipe gouvernementale sous la tutelle présidentielle. On observe
alors un système hiérarchique, pyramidal où le président de la République se dresse au-dessus
du Premier ministre au point de parler de « gouvernement présidentiel ». En effet, lorsque N.
Sarkozy parlait de « parlementarisme moniste inversé », puisque le rôle principal du Premier
ministre est de mettre en œuvre la politique définie par le Président de la République. De plus
l’article 21 de la constitution française dispose qu’il est impossible pour le Premier ministre de
poursuivre son action si le Chef de l’Etat est en désaccord avec ce dernier. Ainsi, plusieurs
Premiers ministres ont été emmenés à démissionner ou à rester selon la volonté du Président
de la République, ce qui traduit une situation de subordination entre les deux têtes de
l’exécutif.
Le président de la République possède ses propres pouvoirs mais également d’autres qu’il se
doit de partager avec d’autres organes afin de garantir une réelle séparation des pouvoir
comme souhaité à l’article 16 de la constitution de 1958. « On ne saurait accepter qu’une
dyarchie existait au sommet. Mais justement, il n’en est rien. En effet, le président de la
République est évidemment le seul à détenir et déléguer l’autorité de l’Etat » (Charles De
Gaulles).
B-) Les attributions du président de la République créant un partage des pouvoirs de l’exécutif
au profit de ce dernier
Au sein de la constitution de 1958 de nombreux articles énumères les pouvoirs du président
faisant de ce dernier l’incarnation du pouvoir exécutif principal. L’article 5 décrit le rôle du
président qui est de veiller au respect de la constitution, d’assurer le fonctionnement régulier
des pouvoirs publics et la continuité de l’Etat, de garantir l’indépendance nationale, l’intégrité
du territoire et le respect des traités internationaux.
En juillet 1997, J. Chirac définissait un certain nombre de domaines dont le président devait
être le gardien tels que la place de la France dans le monde (sécurité, défense, parts de
marché), l’acquis européen, la modernisation (ex : enseignement, haute technologie) et
l’équilibre de la société (solidarité…).
La constitution de la Vème République confère au président des pouvoirs propres qui, selon
l’article 19, sont dispensés du contreseing ministériel, lui permettant d’agir seul. Les pouvoirs
du président qu’il ne partage avec personne sont édictés aux articles 8 (pouvoir de nomination
du Premier ministre), 11 (Référendum sans l’accord des députés) , 12 (pouvoir de dissoudre
l’Assemblée Nationale), 16 (pouvoirs exceptionnels permettant au président de devenir
temporairement dictateur), 18 (le droit au message devant le parlement, c’est-à-dire aux
présidents des deux chambres), 54 (droit de saisine du conseil constitutionnel afin de vérifier
la constitutionnalité des traités), 56 (pouvoir de nomination des membres du conseil
constitutionnel) et 61 (droit de saisine du conseil constitutionnel) de la constitution.
Le président possède des pouvoirs particuliers que n’a pas le Premier ministre énumérés aux
articles 15 (chef des armées), 14 (nommer les ambassadeurs et les émissaires auprès des pays
étrangers) et 52 (droit de négocier et ratifier les traités).
Le président est également emmené à partagé ses pouvoirs avec le parlement comme le
démontrent les articles 10 al 1 (permettant de promulguer par décret la loi qui a été voté par
le parlement dans les 15 jours suivant le vote), 10 al 2 (pouvoir de demander une nouvelle
délibération de la loi étant perçu comme un droit de véto qu’il faut faire contresigner par le
Premier ministre), 30 (pouvoir de convocation du parlement en session extraordinaire par la
demande du Premier ministre ou de la majorité des députés), et 89 (pouvoir d’initiative de la
révision constitutionnelle).
Le président partage aussi ses pouvoirs en relation avec l’autorité judiciaire comme le montre
l’article 17 (le droit de grâce qui est la remise de peine totale ou partielle).
Cependant, il faut remarquer le même si le gouvernement possède a priori moins de pouvoirs
que le président de la République, les deux têtes de l’exécutif s’en partagent. En effet, ils ont
tous les deux le pouvoir de nommer des ministres, ministres délégués et secrétaires d’Etat
(article 8 al 2), mais également celui de signer des actes réglementaires, c’est-à-dire des
ordonnances ou décrets délibérés au conseil des ministres (article 13-1), puis de nommer les
hauts fonctionnaires (article 13 al 2) et enfin de nommer le défenseur des droits étant une
personne mais surtout une institution à part entière incarné par Jacques Toubon de 2014 à
2020 (article 71-1).
Ainsi, les pouvoirs partagés deviennent, en période de fait majoritaire, la marque d’une
capacité d’action et d’initiative politique renforcée, donnant lieu à un Président étant à la fois
un initiateur et un acteur politique, disposant de pouvoirs et d’une légitimité. Malgré les
dispositions de l’article 20 de la constitution qui prévoit que le gouvernement détermine et
conduit la politique de la nation, le Président de la République en fixe cependant les grandes
orientations. Donc ces pouvoirs partagés et actes signés seraient une manière d’équilibrer les
pouvoirs entre le Premier ministre et le Président de la République.
Cependant, par le rôle du gouvernement et surtout du Premier ministre, cette hiérarchie tend
à se nuancer. En effet, dans les situations de « cohabitation », c’est-à-dire lorsqu’une majorité
hostile à la politique du président de la république est élue à l’Assemblée Nationale, le chef
du gouvernement doit choisir le Premier ministre en son sein pour que le gouvernement
dispose du soutien de l’Assemblée. Les pouvoirs du président de la République et donc la
nature du régime dépendent ainsi de la situation politique au sein de l’Etat. Ainsi le Premier
ministre ne serait-il que « le premier des ministres » ?
II-) L’évolution du pouvoir exécutif bicéphale tendant vers un modèle dyarchique pour un
meilleur équilibre des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre mais
remis en cause par des relations en tensions entre ces deux derniers
« Quand le Premier ministre existe trop, il inquiète, s’il n’existe pas, il manque » (Pierre Avril).
Ainsi les deux têtes de l’exécutif doivent tous deux avoir des pouvoirs répartis équitablement
(A) et non pas laisser le gouvernement devenir la source principale du pouvoir exécutif afin de
ne pas créer des relation en tension entre ce dernier et le président de la République (B).
A-) Les attributions du président de la République à l’égard du gouvernement donnant ainsi
plus de pouvoirs à la deuxième tête de l’exécutif
« Le Président de la République doit laisser le Premier ministre gouverner et le Premier
ministre doit laisser le président présider » (Jacques Chirac).
Le gouvernement n’est que l’un des titulaires ou des acteurs du pouvoir gouvernemental. Pour
De Gaulle, celui-ci est « un organisme de prévision, de préparation et d’exécution » et non de
décision.
Le Président de la République nomme le Premier ministre ce qui est un pouvoir propre exercé
sans contreseing. Il nomme aussi, sur proposition du premier ministre, les membres du
gouvernement. Les « conseils de cabinet » organisés sous la présidence du Premier ministre
ont été supprimés et il a fallu attendre la « cohabitation » pour voir réapparaitre des
« réunions de ministres », ces dernières organisées par exemple par E. Balladur, A. Juppé, L.
Jospin et J-P Raffarin. A travers les situations qui se sont succéder jusqu’en 1986, le premier
ministre apparait comme « le chef de l’Etat-major du Président de la République » où il
interprète, exécute la volonté du chef de l’Etat. Cependant « Le Premier ministre participe à
la conception, organise la préparation et dirige l’exécution » (Charles De Gaulle). Il arrive
également que la popularité du Premier ministre soit supérieure à celle du Président de la
République (ex : F. Fillon et N. Sarkozy en 2010).
La nomination du Premier ministre dépend principalement de la majorité à l’Assemblée
nationale, différente donc de celle du Président de la République. En effet, les périodes de fait
majoritaire imparfait à la suite d’élections législatives défavorables au président de la
République, au milieu des années 1980, ont contribué à une lecture plus parlementariste de
la constitution. Ainsi, les nominations de J. Chirac et E. Balladur par F. Mitterrand (en 1986 et
1993) puis celle de L. Jospin par J. Chirac (en 1997) illustrent bien ce phénomène. Le premier
Ministre dirige l’action du gouvernement (article 21 de la constitution), la conduite et la
détermination de la politique de la nation est confiée à ce dernier (article 20) illustrant ainsi
la dyarchie au sein du pouvoir exécutif.
Le premier ministre n’est pas celui du président de la République mais celui de la majorité de
l’Assemblée nationale devant laquelle il est responsable politiquement. Le Président de la
République ne peut pas faire pression sur le Premier ministre pour forcer ce dernier à
démissionner. Ainsi, même si le président de la République nomme le Premier ministre, son
pouvoir est contraint par ce dernier. Au Royaume-Unis, la reine nomme le Premier ministre
mais cette dernière possède un pouvoir exécutif inférieur à ce dernier.
La constitution de 1958 énumère les différents pouvoirs mis en œuvre par le Premier ministre
(ou par le gouvernement) tels que le pouvoir réglementaire de droit commun (article 21), le
pouvoir de nomination délégué (article 13 et 21), le pouvoir de direction de l’administration
(article 20), la responsabilité de la défense nationale (article 21), l’initiative législative (article
39), la mise en œuvre du parlementarisme rationalisé (articles 40, 41, 44, 45 et 48), la question
de confiance (article 49 al 1 et 3) et la saisine du conseil constitutionnel (articles 37, 54 et 61).
Ainsi le pouvoir exécutif français de la Vème République n’est ni monocéphale comme dans
un régime présidentiel (Etats-Unis), ni faussement bicéphale comme dans les régimes
parlementaires européens, mais bicéphale comme dans la tradition orléaniste. En effet, le
président de la République arbitre (article 19), agissant en cas de blocage du système politico-
institutionnel ou de crise grave, tandis que le Premier ministre gouverne, celui-ci agissant au
quotidien en menant la politique de la nation. Le partage, au sein de l’exécutif, entre la
fonction arbitrale et la fonction gouvernementale est donc bien définie.
Ainsi « il n’y a pas de domaine de la politique française où le Président de la République aurait
le dernier mot » (L. Jospin) mais la répartition des pouvoirs entre les deux têtes de l’exécutif
peut s’avérer être source d’incompatibilité.
B-) Les incompatibilités entre les deux têtes de l’exécutifs donnant lieu à des relations en
tensions et finalement à un déséquilibre des pouvoirs
En théorie, c’est le Premier ministre dans la constitution qui doit se charger de la politique
nationale mais ce n’est pas le cas en pratique. Ainsi, on note un décalage entre la théorie
constitutionnelle et la pratique réelle de la constitution et du pouvoir exécutif. Les relations
du Président avec le gouvernement varient selon que l’on se trouve en période de
cohabitation ou non. Lorsque les majorités présidentielle et parlementaire sont identiques, le
chef de l’Etat joue un rôle décisif. Il décide des grandes orientations, le Premier ministre
mettant en œuvre le programme présidentiel. Or, en période de cohabitation, le Premier
ministre retrouve toutes ses prérogatives alors que le Président de la République ne conserve
un rôle actif qu’en ce qui concerne la politique étrangère et de défense. Le Président ne
renonce pas à ses compétences constitutionnelles mais il laisse le gouvernement gouverner
l’Etat tel que le lui autorise la constitution (« Rien que la Constitution mais toute la
Constitution » F. Mitterrand, 1986). A l’occasion des deux autres cohabitations, si des tensions
ont bien lieu (surtout la troisième ayant duré cinq ans), le Premier ministre a pu mener sa
propre politique et agir conformément aux souhaits des électeurs. Ainsi l’expérience a donné
raison au président de la République, moins au Premier ministre, mais l’objectif a surtout été
d’éviter de nouvelles cohabitations pourtant appréciées par l’opinion publique (selon des
sondages) car ce serait finalement le fruit d’un exercice du pouvoir plus équilibré.
Le chef de l’Etat peut agir au sein de certains domaines réservés au gouvernement, empiétant
alors sur le rôle du chef du gouvernement. La présidence du conseil des ministres permet au
chef de l’Etat d’exercer des prérogatives à l’égard du gouvernement. Sa signature doit être
apposée au bas des décrets et des ordonnances délibérés en conseil des ministres. Celui-ci
peut également refuser de signer des ordonnances (ex de la première cohabitation). Ainsi, le
Président peut intervenir ponctuellement dans le champ de compétences du gouvernement
à l’instar de F. Mitterrand lors de la première cohabitation. En effet, celui-ci a pu contrarier la
nomination de certains ministres, refuser de signer des décrets et des ordonnances et refuser
de mettre en œuvre l’article 30 (concernant l’ouverture d’une session extraordinaire du
Parlement souhaité par J. Chirac).
Au sein de la constitution de 1958, on note quelques confusions concernant l’attribution de
certains pouvoirs au Président de la République ou au Premier ministre. On note, par exemple,
que dans le domaine de la défense nationale, le président de la République et « chef des
armées » tandis que le Premier ministre est « responsable de la défense nationale ». Ceci a
été relevé dans l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant sur l’organisation de la défense
nationale. Le conseil constitutionnel relève finalement qu’en pratique, et même en période
de cohabitation, le rôle du chef de l’Etat en matière de défense est toutefois prédominant.
Le partage des pouvoirs entre le Président et le Premier ministre dans le domaine de l’exécutif
peut également faire l’objet de critiques quant au renforcement du pouvoir du second en ce
qui concerne l’article 49 al 3 de la Constitution (permettant d’adopter sans vote le premier
volet de la réforme des retraites). « Le 49 al 3 est le résultat désolant d’une mauvaise réforme
et de l’obstruction de certains groupes » ( Annie Genevard, députée). Ainsi cet exemple lourd
d’actualité démontre bien une montée de l’exécutif, dominé par le président de la République
épaulé par un premier ministre, agissant sous son autorité ayant pour conséquence un
parlement soumis à l’exécutif.

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