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La séparation des pouvoirs sous la 5ème

République

« Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la


disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » écrivait
Montesquieu en 1748 dans son ouvrage De l’esprit des lois pour
théoriser un système où le pouvoir ne serait pas dans les mains d’un
seul homme.
L’idée d’une séparation des pouvoirs date ainsi de plusieurs
siècles en France. Il est question de distinguer les différents pouvoir
qui font pression sur le Peuple et qui émanent d’une seule personne,
Montesquieu en distingue trois : le pouvoir judiciaire, le pouvoir
législatif et le pouvoir judiciaire. Aujourd’hui encore, sous la
cinquième République notre système puise ses racines dans cette
théorie.
Cependant, si nous élargissons notre regard à l’international,
nous constatons que nos voisins Anglais ont parlé de séparation des
pouvoirs encore avant Montesquieu. En effet, John Locke avait déjà
théorisé l’idée d’une séparation des pouvoirs à la fin du XVIIème
siècle.
La théorie du philosophe Anglais est publiée dans son ouvrage
Essai sur le Gouvernement où il y distingue également trois pouvoirs :
le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir confédératif.
Selon Locke, les pouvoirs législatifs et confédératifs doivent être
réunis mais les pouvoirs législatifs et exécutif doivent être séparés.
Le « philosophe des Lumières » va plus loin lorsqu’il expose sa
théorie quand il parle de séparation des pouvoirs. Contrairement à
Locke, il estime que la puissance législative et la puissance exécutives
ne doivent pas se trouver dans les mains d’une même personne
puisque « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser » et ainsi
éviter de faire des lois tyranniques et de les exécuter. Pour lui, la Trias
Politica doit fonctionner de concert : séparation organique mais non
fonctionnelle.
Sous une ère plus moderne, la Vème République nait en 1958 à la
suite de la rédaction de la Constitution par Charles de Gaulle pour
sortir de la crise qu’a connu la IVème République. Ce texte définit les
rôles et les pouvoirs des institutions de cette nouvelle République et
prône un partage des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif.
La séparation des pouvoirs est réellement un outil infaillible de
la constitution ?
Pour répondre à cette interrogation, il est intéressant de se
pencher sur la question de la séparation des pouvoirs sous la V ème
République (I) et la façon dont celle-ci est appliquée (II).

La séparation des pouvoirs sous la Vème République est


incontournable dans la mesure où la théorie de séparation des pouvoirs
est au fondement de la Constitution (A) et où cette même théorie est
indissociable de l’idée de constitutionnalité (B).
Outre le fait que la séparation des pouvoirs soit à l’origine de la
Constitution, la théorie est également une garantie de protection du
Peuple et de ses libertés. En effet, le fait que les pouvoirs ne soient pas
dans les mains d’une seule personne mais indépendant empêche les
glissements vers une tyrannie comme la France a pu en connaître
avant la Révolution française où une seule personne était arbitre, juge
et chef du Peuple. Les pouvoirs sont certes indépendants les uns des
autres, mais cela ne signifie pas qu’une symbiose entre eux n’est pas
nécessaire au fonctionnement du régime politique. Si le pouvoir
législatif fait les lois, les discute et les vote, le pouvoir exécutif est un
incontournable dans l’exécution des lois par son double rôle : celui
d’assurer la continuité de l’État et celui d’assurer le fonctionnement
régulier de l’État, son ordre et l’application des règles sur le territoire.
Par ailleurs, dans un souci d’équité face à l’application de la loi, le
pouvoir judiciaire trouve son importance dans cette symbiose par la
façon dont l’institution judiciaire jugera en fonction de la loi. Une
société où les pouvoirs seraient à la merci d’une même personne
pourrait être qualifiée de société tyrannique attendu que quiconque
possède tous les pouvoirs est amené à en abuser. Nous pouvons penser
à la monarchie absolue où le roi possédait les pleins pouvoirs et était à
la fois : à la rédaction des lois (qu’il pouvait modifier comme bon lui
semblait), juge face à ce qu’il pouvait interpréter comme un « écart de
conduite » de la part du Peuple, et faisait exécuter des peines
incomprises et appliquées de façon démesurer et totalement arbitraire.
Ce constat nous fait dire que la théorie de séparation des pouvoirs est
réellement incontournable dans une société de droit. En effet,
l’équilibre entre les pouvoirs permet au « Pouvoir d’arrêter le
Pouvoir » et ainsi de protéger les citoyens de la société à laquelle ils
appartiennent. Plus qu’au fondement de la Constitution, la séparation
des pouvoirs est indissociable de cette dernière.
Constitutionnalité et séparation des pouvoirs sont deux notions
qui vont de pair et sont même indissociables. En effet, lorsque la V ème
République est née en 1958, la Constitution rédigée (s’appuyant sur
celle ayant pris forme au lendemain de la Révolution française) a vu
de multiples évolutions au travers différents textes de lois venant
adaptée la Constitution pour qu’elle soit cohérente dans une société en
perpétuelle évolution tout en veillant au respect de la
constitutionnalité. Ce respect passe ainsi par l’indépendance des
différentes instances formant les pouvoirs. Si l’on prend l’exemple de
l’article 64 de la Constitution, stipulant que le Président de la
République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire et que
les magistrats du siège sont inamovibles, il faut entendre que l’autorité
judiciaire ne peut pas juger arbitrairement. Cela renforce ainsi
l’indépendance du pouvoir judiciaire dans la séparation des pouvoirs.
Elle est donc une caractéristique des constitutions dans la mesure où
certains pays fonctionnent de cette façon sans pour autant être au fait
de la constitution et de son fonctionnement officiel. Pour suivre
l’évolution de la société et faire en sorte que la séparation des
pouvoirs reste cohérente, cette dernière a connu des évolutions la
faisant apparaître comme un principe majeur. En effet, la séparation
des pouvoirs est un gage de protection pour le Peuple dans la mesure
où le régime ne risque plus de basculer vers une tyrannie. Par son
rapport avec l’État et les citoyens, la séparation des pouvoirs est
devenue « membre » des libertés fondamentales. La théorie est
plaisante, mais en pratique, elle n’est pas sans faille.

La séparation des pouvoirs présente des limites lorsqu’il est


question de la mettre en œuvre. En effet, la séparation des pouvoirs
n’est pas réellement « absolue » (A) et elle peut, dans des cas
exceptionnels, être mise de côté (B).
En effet, certains théoriciens remettent en cause la théorie
évoquée par Montesquieu. Lorsque ce dernier a pensé et rédigé cette
théorie, les partie politiques n’existaient pas. Par ailleurs, le système
politique moderne n’a rien à voir avec le système politique classique
dans la mesure où aujourd’hui il est structuré et hiérarchisé. D’autres
comme Maurice Duverger, repensent la séparation des pouvoirs en
proposant une « véritable séparation des pouvoirs » qui se ferait entre
la majorité et la minorité. Ainsi, au sein de chaque institution, le parti
politique qui détient la majorité fait passer ses décisions alors que la
minorité tente de les bloquer. Cette minorité doit disposer
d’instruments pour demander des comptes pour contrer les actions de
la majorité si cette dernière va trop loin. Cependant, dans certains cas,
le Président de la République doit disposer des pleins pouvoirs pour
gagner du temps et ne pas se heurter aux procédés devant se soumettre
au contrôle des différents organismes en situation de crise.
À ce titre, la séparation des pouvoirs peut être mise de côté de
façon transitoire et exceptionnelle. En effet, l’article 16 de la
constitution prévoit que le Président de la République peut s’arroger
des pouvoirs exceptionnels lorsque « les institutions de la République,
l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution
de ses engagements internationaux sont menacés ». Dans cette
situation de crise, le Président possède les pleins-pouvoirs. Une limite
a été posée pour contrer cet article, pour éviter qu’il ne soit utilisé à
des fins malsaine par le Président en place, mais l’on peut constater
que la séparation des pouvoirs est « abolie » et cela même
transitoirement. Depuis juillet 2008, l’article a été revu et l’article 16
de la constitution prévoit désormais que le Conseil constitutionnel
contrôle la nécessité de maintenir en vigueur les pouvoirs
exceptionnels du Président pour n’éviter que ce ne soit le début d’une
nouvelle ère monarchique. Par ailleurs, certaines lois peuvent être
adoptés sans passer par l’étape du vote. Aujourd’hui, notre première
ministre a déclenché a plus de 6 reprises l’application de l’article 49.3
de la constitution pour faire adopter une loi finance. L’application de
cette disposition est également limitée à 5 applications, sauf pour les
lois finances, pour éviter un basculement dans une société tyrannique.

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