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RANDRIAMAHAZAKA CMT 12 – Groupe A

Zo

Dissertation : L’effectivité du référendum d’initiative partagée

Au début du mois de juillet 2020, une pétition fut lancée par le journaliste Hugo Clément,
la navigatrice Marie Tabarly ainsi que 26 organisations afin de pousser à l’organisation d’un
référendum d’initiative partagée sur la maltraitance animale. En moins de deux mois, celle-ci a
réuni près de 600 000 signatures. Bien que bénéficiant d'un soutien important au sein de la
population française, l'initiative reçoit, au 14 octobre 2020, l'appui insuffisant de 141
parlementaires sur les 185 nécessaires pour l'organisation du référendum.
Pour comprendre ce qu’est un référendum d’initiative partagée, il nous faut au préalable définir
un référendum. Le référendum est une procédure exceptionnelle par laquelle les citoyens sont
appelés à se prononcer directement par un vote sur un projet de loi organique ou ordinaire, ou sur
un projet de révision de la Constitution en répondant à une question posée par "oui" ou par
“non". Il peut être organisé au niveau national ou au niveau local.
Il existe différents types de référendum. Selon l’article 89 de la Constitution, le référendum
constituant est à l’initiative du président de la République ou des assemblées et permet la
révision de la Constitution. Le référendum législatif, quant à lui, est prévu à l’article 11 de la
constitution et permet au président de la République, sur proposition du Gouvernement ou
proposition conjointe des deux assemblées, de soumettre au peuple un projet de loi qui peut
porter sur différents sujets. En France, il n’existe pas de référendum d’initiative populaire (ou
d’initiative citoyenne) mais celui-ci existe en Italie, en Suisse, en Autriche. Cependant, il existe
en France la possibilité de recourir à un référendum d’initiative partagée. Entré en vigueur le 1er
janvier 2015, il a été prévu par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, et est introduit à
l’article 11 alinéa 3. Cette nouvelle forme de référendum repose sur une initiative parlementaire
soutenue par les citoyens. Elle comprend deux phases distinctes que nous détaillerons plus tard
dans notre analyse. Tout d’abord, l’initiative citoyenne est placée sous le contrôle étroit de divers
acteurs politiques. Puis, avant l’organisation d’un référendum par le Président, un nombre élevé
de signatures est à recueillir. Même après cela, la tenue du référendum reste
hypothétique puisque le seul examen du texte par les chambres suffit à empêcher.
Enfin, l’effectivité renvoie à ce qui produit un effet réel, c’est l’aspect d’une action envisagée
comme aboutissant à un terme. Si l’on inscrit la notion d’effectivité au cœur de la problématique
des effets du droit, elle peut alors définie comme la production, par la norme juridique, d’effets
compatibles avec les finalités que celle-ci poursuit. Il peut s’agir d’effets concrets ou
symboliques, d’effets juridiques ou extra-juridiques, d’effets prévus ou non, désirés ou non,
immédiats ou différés..
Ce sujet est à étudier dans le cadre de la Vème République française. En 1993, le Comité
consultatif pour la révision de la Constitution présidé par Georges Vedel avait proposé
l’instauration d’un référendum d’initiative minoritaire qui reposait également sur une
combinaison de l’initiative des parlementaires et des citoyens. Plus largement, les discussions sur
question du champ d’application des référendums, de ses modalités de déclenchement et surtout
de leur contrôle ont commencé dès 1962. Pour rappel, cette année-là, le président de la
République Charles de Gaulle, avait proposé un référendum un projet de loi permettant d’élire le
Président de la République au suffrage universel direct. Cependant, les deux assemblées étaient
hostiles à un tel projet et conformément à l’article 89 de la Constitution, le chef de l'État ne peut
procéder à cette révision sans l’accord des deux chambres sur le projet de loi constitutionnelle.
Ainsi, il avait décidé de recourir au référendum prévu par l’article 11. Cela avait a provoqué
de vives protestations et des accusations de pratiques présidentialistes. Depuis, plusieurs
réformes ont été adoptées dans le souhait d’une plus grande participation des citoyens aux
affaires publiques. Le référendum d’initiative partagé est né dans le contexte d’une crise de la
représentation où les citoyens réclament une démocratie plus participative. Il semble ainsi être
une des solutions pour redonner la parole au peuple français.

Pourtant, et c’est ici que se situe l’un des intérêts de ce sujet, de nombreux parlementaires ont
exprimé des réserves sur ce référendum et sur sa faisabilité, les conditions étant nombreuses et
difficiles à atteindre. Notre régime politique s’enfonce dans une crise profonde posant la question
de la valeur démocratique réelle du système représentatif, comme en témoigne le mouvement des
Gilets Jaunes qui réclame un référendum d’initiative citoyenne. Cependant, cette crise de la
représentation concorde avec la méfiance, toujours plus présente des politiques envers les
procédés de démocratie directe. Cette méfiance remet en cause la volonté réelle de mettre en
œuvre des procédés plus démocratiques, et pose la question suivante : le référendum d’initiative
partagé serait-il un alibi démocratique? L’intérêt est ici de déterminer les différences entre
apparence et réalité. Certes depuis quelques années on a pu constater de plus en plus de réformes
permettant plus de référendums mais dans les faits, on constate une baisse de leur pratique, c’est
un paradoxe qu’il nous faut aussi expliquer.
Ainsi, il s’agira de se questionner sur la portée réelle du référendum d’initiative partagée. Est-il
une procédure réellement applicable? A-t-il été introduit dans le but d’être un véritable
instrument du peuple, ou produit-il une simplement illusion démocratique?
En théorie, le référendum d’initiative partagée est un moyen de redonner la parole aux citoyens
et est donc un réel instrument démocratique. Or, dans les faits, c’est une procédure extrêmement
coûteuse et dont les conditions d’application trop exigeantes remettent en cause sa capacité à se
mettre en œuvre. En outre, la méfiance des politique à son égard insinue une volonté réduite d’en
faire un réel instrument démocratique.
Dans une première partie, il s’agira d’analyser cette procédure lourde ainsi que les débats et
difficultés d’application que ses conditions drastiques impliquent. Ensuite, il sera démontré que
le référendum d’initiative partagée s’apparente plus à une illusion démocratique qu’à un réel
instrument du peuple mais qu’il est possible, et souhaitable de le réformer afin de le rendre plus
efficace.

I) UNE PROCEDURE LOURDE ET CONTROVERSEE


Le référendum d’initiative partagée est destiné à l’organisation éventuelle d’un référendum ainsi,
cela pourrait justifier le développement d’exigences spécifiques. En effet, il est complexe de
concilier l’initiative citoyenne qui est la raison d’être d’une telle réforme et les nécessaires
garanties dont il convient de l’entourer afin d’éviter les excès de toute nature. Cependant la
rigueur de l’encadrement constitue une réelle barrière à son utilisation..

A) Un contrôle drastique de l’initiative citoyenne

Il est d’abord nécessaire d’énoncer les étapes de cette procédure.


Le dépôt de la proposition de loi se fait par les parlementaires et celle-ci nécessite la signature
d’un cinquième d’entre eux. Ensuite, le Conseil Constitutionnel procède à l’examen de la
proposition de loi. Une fois ces conditions approuvées, vient la période durant laquelle des
soutiens peuvent être recueillis auprès du public. Le Conseil constitutionnel doit veiller à la
validité du nombre de soutiens. Les assemblées ont six mois pour examiner la proposition et s’il
n’y a pas d’examen, il revient au président de la République d’organiser un référendum. Enfin, le
Conseil constitutionnel veillera à la régularité des opérations de référendum et en proclamera les
résultats.
Ainsi, avant de procéder au recueil des soutiens des citoyens, le projet de loi est placée sous le
contrôle de divers acteurs politiques ou juridictionnels. Nous détailleront ce contrôle en illustrant
notre propos par le cas de la proposition de référendum d'initiative partagée sur les aéroports de
Paris (ADP) lancée en 2019. Ce fut la première fois depuis sa création en 2008 que cette
procédure a été engagée pour s’opposer à la privatisation du Groupe ADP.

La procédure du référendum d’initiative partagée est à l’initiative des députés et des sénateurs
qui choisissent le sujet et fixent les termes de la proposition de loi. Selon l’article 11 de la
Constitution, il doit s’agir d’au moins un cinquième des membres du Parlement. Dans le cadre du
référendum animal par exemple, il manquait une quarantaine de voix pour que la proposition soit
acceptée, tandis qu’elle bénéficiait d'un soutien important au sein de la population française.
Ainsi pour certains, l’instauration de cette condition peut être qualifiée de verrou parlementaire
et constitue dispositif évident de censure réduisant le référendum d’initiative partagée à un
simple gadget. Dans le cadre de la proposition de référendum d'initiative partagée sur les ADP,
cette étape a été validée puisque la proposition a été déposée par 248 parlementaires.

Ensuite, vient l’étape de l’examen de la proposition de loi par le Conseil constitutionnel, celle
que nous discuterons le plus car elle est la plus contestée. La compétence du Conseil
constitutionnel n’a cessé de se renforcer en matière de référendums, montrant à la fois la
méfiance suscitée par les référendums et la consécration progressive de la fonction du Conseil
constitutionnel comme gardien de la Constitution et de l’État de droit.
Ici, le Conseil constitutionnel se voit confier trois missions différentes.
Il dispose d’un mois pour procéder à sa première mission. Celle-ci consiste à s’assurer que la
proposition de loi est recevable, qu’elle a bien été signée par au moins un cinquième des
membres du Parlement. Il doit aussi veiller à ce qu’elle n’ait pas pour objet l’abrogation d’une
disposition législative promulguée depuis moins d’un an. Ensuite, elle ne doit pas porter sur un
sujet rejeté par référendum il y a moins de deux ans. Enfin, elle ne peut porter que sur les
domaines mentionnés par l’article 11 alinéa 1 (organisation des pouvoirs publics, réformes
relatives à la politique économique, sociale ou environnementale, ratification d’un traité.) En
1995, l’extension du champ d’application du référendum se voulait limitée pour éviter que le
référendum ne devienne un « instrument de démagogie », selon les termes de Jacques Toubon,
Ministre de la justice de l’époque. Ainsi, on souhaitait éviter qu’un référendum puisse porter sur
des sujets tels que la peine de mort ou encore l’avortement.
En plus de ce contrôle, le Conseil constitutionnel doit veiller à ce que la proposition soit
conforme à la Constitution. Pour les défenseurs de ce contrôle de constitutionnalité, il faut
s’assurer que ce type de procédure ne conduise pas à un référendum permanent et pousse au
populisme ambiant. Pour cela, il est essentiel que les propositions de loi référendaires ne puissent
pas être contraires à la Constitution. Le Conseil constitutionnel assure ainsi un double contrôle.
Cependant, le contrôle de constitutionnalité est vivement contesté, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il exercera un contrôle que jusqu’à présent il n’a jamais exercé sur les lois
soumises au référendum par le Président de la République. Ce contrôle de constitutionnalité
n’avait même pas été adopté après l’utilisation controversée de l’article 11 par De Gaulle pour
réviser la constitution au lieu du recours à l’article 89. Le Comité Vedel avait proposé
d’introduire dans l’article 11 un contrôle préalable et systématique du Conseil constitutionnel
mais au final cette proposition n’avait pas été adoptée. Lors de la révision constitutionnelle du 23
juillet 2008, la question de la modification de l’article 11 et de l’introduction préalable d’un
contrôle de constitutionnalité fut de nouveau posée. Ainsi, un contrôle préalable de la
constitutionnalité des référendums a bien été mis en place mais il ne concerne que le nouvel
alinéa 3 de l’article 11. Ainsi, malgré les réformes, selon Marthe Fatin-Rouge Stefanini, on peut
affirmer que l’esprit des textes tels que pensés par les auteurs de la Constitution de la Ve
République continue de flotter sur les institutions.
Ensuite, ce contrôle de constitutionnalité pose une contradiction : conformément à l’article 61 C
al. 2, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi qu’après le référendum. Or, dans le cas du
référendum d’initiative partagée, le texte qui lui est déféré n’est pas encore une loi référendaire.
Ce choix peut être dû au fait que le Conseil constitutionnel ait souvent réitéré qu'il ne se
reconnaissait pas compétent pour contrôler « les lois qui, adoptées par le peuple à la suite d’un
référendum, constituent l’expression directe de la souveraineté nationale ». Il s’est par exemple
déclaré incompétent pour contrôler une disposition provenant de la loi du 9 novembre 1988
portant sur l’autodétermination de la Nouvelle Calédonie en 1998. Ce refus pouvait s’expliquer
par les modalités même du contrôle de constitutionnalité en France qui, jusqu’en 2010, était
exclusivement a priori.
Le contrôle de constitutionnalité n’est pas le seul point posant problème. En effet, dans le cas de
l’affaire ADP, la proposition de loi référendaire a été validée par le Conseil constitutionnel
jugeant que les 4 conditions requises avaient été respectées. Seulement, cette décision du Conseil
constitutionnel fut diversement appréciée. Il a été soutenu par certains qu’il avait commis une
«  faute juridique  ». Pourquoi ? La privatisation des Aéroports de Paris est permise par la loi
Pacte, adoptée définitivement par le Parlement le 11 avril dernier. Or le référendum d’initiative
partagée ne peut porter sur une disposition promulguée depuis moins d’un an.” Ainsi, pour Marc
Guillaume le processus était dans le cas présent « contraire à la Constitution ». Les juristes
Olivier Duhamel et Nicolas Molfessis ont eux estimé que le Conseil constitutionnel donnerait
ainsi la prévalence au vote populaire sur la démocratie représentative. Cependant, la demande de
RIP a elle été envoyée au Conseil constitutionnel par les parlementaires d’opposition le 10 avril,
soit un jour avant le vote définitif du projet de loi, et donc avant la promulgation. Le Conseil a
donc estimé que le processus était valide.
La deuxième mission conférée au Conseil constitutionnel consiste à veiller à la régularité des
opérations de recueil des soutiens.
Enfin, si la procédure va à son terme, sa dernière mission est de vérifier la conformité de la
proposition aux règles d’organisation d’un référendum et d’en proclamer les résultats. Il faut
préciser qu’avant 2000, il n’acceptait d’intervenir qu’à titre consultatif. Désormais, il peut se
prononcer de manière exceptionnelle avant le vote, sur la régularité des actes préparatoires au
référendum. Cette décision permet au Conseil constitutionnel de contrôler, en particulier, le
décret du Président de la République décidant de soumettre un projet de loi au référendum et le
décret portant organisation du référendum.

Un autre acteur chargé de contrôler l’initiative citoyenne est le parlement dans son ensemble.
D’après l’article 11 C, lorsque les soutiens ont été validés par le Conseil constitutionnel : la
proposition faisant l’objet de l’initiative partagée est soumise au référendum par le Président de
la République, si et seulement si elle n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai
fixé par la loi organique. Les assemblées disposent de six mois pour examiner la proposition et si
elles ne le font pas, le Président devra tout de suite engager la procédure de référendum. Ainsi,
pour empêcher le référendum il suffit que le bureau de l’assemblée ou le gouvernement décide
de l’inscrire à l’ordre du jour. On assiste à une réelle guerre de calendrier. Dans le cadre de
l’affaire ADP, il aurait été possible que l’Assemblée, « tenue » par La République en marche
(LRM), le mette à son agenda rapidement. Or, le Sénat, en majorité à droite, aurait très bien pu
décider de repousser cette échéance pour provoquer le déclenchement du référendum.

Enfin, le dernier acteur politique auquel est soumis le contrôle de l’initiative citoyenne est le
président de la République. Celui-ci n’a en fait qu’un rôle purement formel. Il soumet la
proposition de loi au référendum lorsqu’il y a lieu de le faire mais il ne disposerait pour le faire
que d’une compétence liée tandis qu’auparavant, il était le seul à pouvoir engager des procédures
de référendum.
Le contrôle opéré les acteurs politiques et juridictionnels est pour le moins drastique mais le
recueil des voix citoyennes n’en en pas moins exigeant. De plus, l’étape citoyenne est considérée
comme peu lisible et trop complexe par certains.

B) Une étape citoyenne trop exigeante et trop complexe

Le référendum d’initiative partagée ne peut être mis en mouvement que si ses promoteurs
parviennent à rassembler un nombre de soutiens individuels suffisant. La proposition de loi doit
ensuite être signée par 10% du corps électoral. Le mode de recueil des soutiens, le délai imposé
et enfin la législation financière ou pénale compliquent également l’opération.
Alors que deux modes de recueil étaient a priori envisageables, par écrit et par voie électronique,
c’est finalement la seconde option qui a été retenue. Pour déposer son soutien, l’électeur remplit
un formulaire sur le site en se connectant par ses propres moyens. Dans un soucis d’égalité, pour
que les citoyens ne disposant pas d’un ordinateur ne soient pas défavorisés, il peut également
déposer son soutien via des points d’accès ou bien faire enregistrer électroniquement son soutien
par un agent de la commune ou du consulat. Chaque citoyen inscrit sur les listes électorales
devra être titulaire d’un code secret qu’il utilisera pour s’identifier. Cependant, les Sages du
Conseil constitutionnel ont jugé que le site mis à disposition pour le recueil des signatures était
d'un usage complexe. Ces difficultés d’utilisation conduisent certains à accuser le site d'avoir été
conçu de manière à décourager les signataires. De plus, il est possible que des militants chargés
de recueillir les soutiens exercent des pressions sur des citoyens facilement influençables. Enfin,
indéniablement, ce mode de recueil implique beaucoup moins de travail militant. Ainsi, il peut
être plus difficile d’atteindre le nombre de voix exigé.
La période de recueil des soutiens dure 9 mois. Le Conseil constitutionnel a introduit une réserve
d’interprétation qui permet de suspendre ou d’interrompre la période de recueil « lorsqu’elle a
débuté plus de six mois avant une élection présidentielle ou des élections législatives générales
mais qu’elle n’a pas encore atteint son terme lors de la publication du décret de convocation des
électeurs... ».
Pour terminer, aucune aide financière n’a été prévue pour la campagne de recueil des soutiens à
une initiative partagée. De plus, le financement par les personnes morales autres que les partis ou
formations politiques est interdit. La tâche semble ainsi complexe.

La mise en œuvre du référendum d’initiative partagée est donc extrêmement encadrée et les
conditions à remplir semblent difficilement atteignables. Cela se justifie par la crainte et la
méfiance des constituants envers ce type de procédé. Mais cela induit aussi que le référendum
d’initiative partagée ne serait une solution à la crise de la représentation qu’en apparence et dans
les faits, il ne serait qu’une illusion démocratique..

II) LE REFERENDUM D’INITIATIVE PARTAGEE, UNE ILLUSION


DEMOCRATIQUE MAIS REFORMABLE
A) Un alibi démocratique dans les faits

En théorie le référendum d’initiative est une avancée indéniable car dans l’histoire
française, l’appel au peuple a toujours été considéré essentiellement comme une prérogative du
chef de l’État. Pour certains, comme Alain Peyrefitte, l’introduction en France du référendum
d’initiative populaire serait l’aboutissement logique d’une longue évolution démocratique
commencée il y a un siècle et demi.
Or, d’après Francis Hamon, les juristes et les politiques à l’origine de cette procédure ne lui
auraient attribuer qu’une valeur essentiellement symbolique. Si la volonté n’était pas qu’elle
puisse réellement fonctionner, elle constituerait une loi d’affichage. Le temps d’attente ayant été
nécessaire pour que les textes mettant en œuvre cette réforme soient enfin adoptés est très
révélateur de l’hostilité de la classe politique face à ce type de procédure. Il a fallu attendre
quinze longues années pour que le référendum d’initiative partagée soit enfin inscrit dans la
Constitution. Dans cet intervalle des modifications rendant l’usage de la procédure de plus en
plus hypothétique ont été effectuées. Initialement la proposition 38 du Comité Vedel garantissait
qu’après que l’initiative citoyenne ait été contrôlée par les divers acteurs et que le nombre de
signature imposé ait été recueilli, le Parlement pouvait encore éviter le référendum en adoptant
lui-même la proposition. Ainsi, il donnerait satisfaction à la minorité. Cependant, en 2007 la
Commission Balladur a introduit une innovation dans le dispositif : il suffit désormais que
chaque assemblée l’ait examinée au moins une fois, quel qu’ait été le résultat de cet examen pour
éviter un référendum. La procédure n’est donc plus réellement une arme aux mains des
minorités. Jean-Pierre Sueur : reconnaît que « La disposition s’apparente davantage à un droit de
pétition contraignant le Parlement à examiner un texte qu’à une nouvelle modalité de
consultation référendaire”. La révision a eu lieu pendant la présidence de Nicolas Sarkozy et
certains y voyaient une excuse pour faire taire les critiques, notamment de la gauche. Ainsi, le
Référendum d’initiative partagé aurait été intégré comme un “tour de passe-passe” censé « 
redonner la parole au peuple français par le référendum » mais en réalité inapplicable. Il serait
tout simplement un alibi démocratique.
Dans le cadre de la Vème République, il y a déjà eu des tentatives de rendre la démocratie plus
participative. Le référendum a été développé au niveau local par la loi constitutionnelle du 28
mars 2003 sur l’organisation décentralisée de la République en partie afin de conforter la
démocratie « participative » et développer la démocratie de proximité en favorisant une plus
grande implication des citoyens au niveau local. Cependant, là aussi ça ne fut pas une réussite
totale : la persistance de procédure plus souples pour les décideurs publics, l’encadrement très
strict du référendum local ainsi que l’absence de référendum d’initiative populaire ont rendu le
recours au référendum local peu fréquent.
Dans le cas du référendum d’initiative partagée, même si leur nombre reste faible, il y a quand
même eu deux tentatives d’application depuis sa mise en application en 2015. Concernant la
proposition de référendum d'initiative partagée sur les aéroports de Paris, la procédure a échoué à
recueillir le nombre de signatures requis mais elle a tout de même été mise en œuvre. Utiliser
pour la première fois l'outil constitutionnel qui se rapproche le plus du référendum d'initiative
citoyenne voulu par les gilets jaunes pour défendre la place d'un service public était un message
fort, même si cela avait peu de chance d’aboutir. L’échec essuyé ne doit pas pour autant freiner
la cause de la démocratie participative. Pour réimpliquer les citoyens dans la vie politique, il est
nécessaire de promouvoir entre les élections des mécanismes de relégitimation politique.

Selon Francis Hamon, même s’il est peu probable que les tentatives aboutissent un résultat
immédiat, elles entretiendront un climat d’intérêt pour la démocratie directe qui, dans le long ou
moyen terme, permettront peut être de réaliser des réformes importantes. Ces réformes sont
souhaitables et permettront de rendre le référendum d’initiative partagée plus applicable, lui
procurant ainsi une réelle utilité dans la résolution de la crise de la représentation.

B) Des réformes souhaitables

La plupart des intervenants de gauche souhaiteraient un système plus proche de la


logique du référendum d’initiative populaire. Pour rappel, le référendum d’initiative Citoyenne
ou populaire est une procédure décisionnelle dont l’initiative appartient exclusivement aux
citoyens et qui leur permet d’imposer un référendum pour prendre une décision. Il est ainsi
possible de décider par référendum de modifier la Constitution, d'adopter une loi, d’abroger une
loi déjà votée…
Selon Philippe Bonnecarrère, la solution la plus viable ne serait pas d’adopter un référendum
d’initiative populaire mais de rendre le référendum d’initiative partagée plus applicable. Le 25
avril 2019, Emmanuel Macron avait d’ailleurs annoncé son intention de simplifier la procédure.
Un million de citoyens pourraient signer le texte de la proposition (au lieu de 10% du corps
électoral). L’idée suggérée par des sénateurs est aussi d’abaisser au moins le seuil de signatures
nécessaires, mais cette fois-ci à 2 millions.
Le président LR du Sénat, Gérard Larcher, n’est pas non plus favorable au référendum
d'initiative citoyenne, l’une des revendications des gilets jaunes et défend aussi un référendum
d’initiative partagée revisité. Selon lui, il faudrait assouplir la procédure mais dans le cadre d’une
démocratie représentative où le Parlement reste décideur. Les soutiens de parlementaires et les
signatures de Français ne seraient plus des critères cumulatifs, ce serait l’un, ou l’autre. Ainsi, le
premier filtre est très clairement à assouplir mais sans toucher au reste de l’article 11 de la
Constitution, qui définit le principe.
D’après Francis Hamon, certaines mesures paraissent particulièrement souhaitables pour rendre
cette procédure véritablement démocratique. Premièrement, le Parlement devrait pouvoir éviter
le référendum seulement en adoptant lui-même la proposition, comme ce qui avait été prévu
initialement dans le rapport du Comité Vedel. Ensuite, l’application de l’article 40 de la
Constitution nécessite un encadrement plus fort. Si dans la procédure législative, sa violation ne
peut être sanctionnée que si le moyen a été soulevé au cours du débat, il serait souhaitable de
confier la responsabilité de soulever ce moyen au président de l’Assemblée.
En conclusion, si le référendum d’initiative doit être modifié, trouver un consensus sur le
domaine des réformes potentielles n’est pas une tâche aisée, mais le quasi-consensus sur la
nécessité d’une réforme redonne de l’espoir aux partisans d’une démocratie plus
représentative…

BIBLIOGRAPHIE :

 Fatin-Rouge Stéfanini, Marthe. « Vingt-cinq ans de débats et de réformes sur les


référendums en France : entre apparences et réalités », Revue française de droit
constitutionnel, vol. 100, no. 4, 2014, pp. 907-919.

 Hamon, Francis. « Le référendum d'initiative partagée sera bientôt opérationnel mais l'on
s'interroge encore sur son utilité », Revue française de droit constitutionnel, vol. 98, no.
2, 2014, pp. 253-268.

 Leroy, Yann. « La notion d'effectivité du droit », Droit et société, vol. 79, no. 3, 2011, pp.
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 Magni-Berton, Raùl. « Référendum local d’initiative populaire. Récit d’une première


expérience en France [1] », Participations, vol. 20, no. 1, 2018, pp. 85-110.

SITIOGRAPHIE

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Pommiers, E. (2019, 10 avril.). Référendum d'initiative partagée : pourquoi la privatisation


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https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/04/09/comment-fonctionne-le-referendum-d-
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Rescan, M. (2019, 9 mai.). La décision du Conseil constitutionnel sur la privatisation d’ADP


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https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/05/09/decision-du-conseil-constitutionnel-sur-la-
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Vignal, F. (2019, 28 février). Référendum d’initiative partagée : le Sénat veut baisser le seuil de
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https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/referendum-d-initiative-partagee-le-senat-veut-
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Vignal, F. (2019, 20 mai.). Organisation du référendum sur ADP : l’Intérieur et le Conseil
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https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/organisation-du-referendum-sur-adp-l-interieur-
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(2019, 16 mai). En quoi consiste le référendum d’initiative partagée ? vie-publique.fr


https://www.vie-publique.fr/fiches/23968-en-quoi-consiste-le-referendum-dinitiative-partagee

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https://www.vie-publique.fr/fiches/23963-existe-t-il-differents-types-de-referendum

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partagée. Le monde
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Définition et effets bénéfiques du Référendum d’Initiative Citoyenne. article3.fr


https://www.article3.fr/informations/definition-du-ric

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