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INTRODUCTION

Dans un environnement juridique européen ou les saisines d’inconstitutionnalité sont à


l´ordre du jour dans la majorité des pays, la France a créé après la réforme constitutionnelle
de 2008 un mécanisme pour saisir des dispositions qui peuvent attenter aux droits protégés
par la Constitution. C’est au regard de ce qui précède qu’intervient notre sujet portant sur la
question prioritaire de constitutionnalité en France.

Par définition, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est une question posée, à
l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction relevant du Conseil d'État ou de la
Cour de cassation sauf devant la Cour d'assises où la question prioritaire de
constitutionnalité peut être soulevée uniquement au cours de l'instruction, de l'appel ou de
la cassation par une partie sur la conformité à la loi applicable au Constitution d'une litige1.
Elle est également définie par l’article 61-1 de la réforme constitutionnelle de 2008 en ces
termes,« Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu
qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution
garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil
d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.»2

Il est vrai que le sujet peut être aborder de différente manière mais dans le cadre notre
réflexion l’accent sera mis sur la garantie des libertés constitutionnelles qu’offre la question
prioritaire de constitutionnalité sans oublier d’évoquer les conséquences de celle-ci.

On peut analyser la question prioritaire de constitutionnalité de deux perspectives, pour


répondre à la question de qu´est-ce que la question prioritaire de constitutionalité ? ; en
analysant celle-ci comme un mécanisme de défense des droits et libertés constitutionnelles
ou en analysant comment la question prioritaire de constitutionnalité se met en œuvre.
Aussi on peut se formuler les questions de quels profits apportent ’elle aux droits des
citoyens ? et quel est la procédure pour poser la question ? au regard de toutes les
interrogations que soulèvent notre sujet, nous nous fixerons une sur une seule question qui
est celle de savoir comment peut-on appréhender la question prioritaire de
constitutionnalité au regard du droit français ?

Notre sujet revêt un double intérêt, pour ce qui est de l’intérêt théorique nous notons une
convergence d’idée car pour des éminents juristes comme Jean-Louis DEBRÉ ancien
président du Conseil constitutionnel « La Constitution, jusqu'à présent, était quelque chose
d'inatteignable. C'était l'affaire des politiques, pas des citoyens. La QPC permet à chacun de
se prévaloir de la Constitution !», quant à Jérôme GAVAUDAN Président du Conseil national
des barreaux et Bernard FAU Président de la Commission des Textes du Conseil national des
Barreaux, la QPC est une porte de la démocratie ouverte aux avocats ainsi qu’aux citoyens.

https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=DZ%2FOASIS%2F000802#:~:text=La%20question%20prio
ritaire%20de%20constitutionnalité%20est%20un%20mécanisme%20introduit%20par,
lors%20d%27une%20inst ance%20en
2
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000019241077/
1
Pour ce qui est de l’intérêt pratique nous notons l’assurance qu’apporte la QPC dans la
protection des libertés fondamentales.

On verra en premier terme que la QPC est une ampliation des droits des citoyens face aux
pouvoirs publics qui établit une garantie de défense des droits et libertés constitutionnelles
(I). Après on parlera sur le développement de la réforme de la Constitution, à travers de la loi
organique nº 2009-1523 et le règlement 2010, qui établissent la procédure pour mise en
œuvre la question prioritaire de constitutionnalité (II).

I- Un rempart des droits et libertés.


Les missions du Conseil constitutionnel ont été amenées à évoluer vers un profond contrôle
du respect des libertés et des droits fondamentaux (A), pleinement orienté au profit des
justiciables (B).

A- Un contrôle tourné vers les libertés publiques et les droits


fondamentaux
L’extension de la norme de référence de son contrôle constitutionnel, le Conseil Avec est
devenu un véritable gardien des libertés publiques et des droits fondamentaux. En effet, ces
textes comportent de nombreux droits-libertés, droits-créances, droits sociaux et libertés
fondamentales. Parmi ceux-là, on retrouve notamment le droit à la santé, le droit de grève,
le droit à l’éducation etc…Le Conseil constitutionnel veille désormais que les dispositions
législatives les respectent.

Une large partie de la doctrine critique toutefois le manque d’indépendance du


Conseil constitutionnel de par la nomination politique de ses membres « Et si le
Conseil constitutionnel était une cour constitutionnelle de référence »3. Cela tranche donc
avec la dynamique affichée en faveur des libertés fondamentales. De même, l’institution
semble parfois mener un contrôle trop limité ou politique sur certains sujets sensibles « Le
Conseil constitutionnel en fait-il trop ? »4. D’aucuns critiqueront enfin le manque de
professionnalisme des membres du Conseil constitutionnel appelant à une rénovation du
système de nomination pour y inclure des professionnels du droit Proposition de loi
constitutionnelle de Louis ALLIOT, Assemblée nationale. Jean-Louis DEBRÉ constate
toutefois, lors d’une allocution que « le Conseil constitutionnel a rendu d'importantes
décisions abrogeant des dispositions législatives contraires aux droits et libertés

3
T. HOCHMAN, (RDLF 2019, 32).
4
P. BLACHER, (, Pouvoirs n°105, 2003, p. 17).
2
constitutionnellement garantis », notamment dans le cadre de la question prioritaire de
constitutionnalité5.

B- Un contrôle au profit des justiciables


Avant la QPC, seuls les « politiques » pouvaient être à l’origine d’une saisine du Conseil
constitutionnel, comme nous avons pu le voir. Avec ce nouvel outil, tous les justiciables
peuvent avoir accès à un contrôle de constitutionnalité au cours d’un procès auquel ils sont
partis. C’est ainsi que des questions prioritaires de constitutionnalité ont été soulevées, ces
dernières années, sur des dispositions législatives parfois particulièrement sensibles. A
l’issue de la procédure, c’est-à-dire une fois que la question a passé tous les filtres de la
procédure, le Conseil constitutionnel peut être amené à déclarer la disposition conforme à la
Constitution. Il peut aussi déclarer la disposition législative comme contraire à la
Constitution : dans ce cas de figure, la décision de question prioritaire de constitutionnalité
entraine l’abrogation de la disposition déclarée inconstitutionnelle. Il peut toutefois différer
l’abrogation de la disposition dans le temps pour faciliter l’intervention du législateur. La
force de ce contrôle, au profit des justiciables, fait dire à Jean-Louis DEBRÉ, à l’époque
président du Conseil constitutionnel : « La Constitution, jusqu'à présent, était quelque chose
d’inatteignable. C'était l'affaire des politiques, pas des citoyens. La question prioritaire de
constitutionnalité permet à chacun de se prévaloir de la Constitution 2011.!»6

II- La mise en œuvre de la question prioritaire de


constitutionnalité.
Issue de la révision constitutionnelle de 2008, la question prioritaire de constitutionnalité
devient un nouveau mode de saisine du Conseil après 2010 (A), avec quelques
conséquences(B).

A- un nouveau mode de saisine depuis 2010


Depuis la révision de juillet 2008, l’article 61-1 de la Constitution met en place un contrôle a
posteriori, par voie d’exception, la question prioritaire de constitutionnalité: «Lorsque, à
l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition
législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil
constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». La loi organique du 10décembre 2009
vient préciser les conditions d’application de cette procédure.

5
(Allocution de JL. Debré devant le CNB, 21 octobre 2011).
6
(P. ROGER, « Jean-Louis Debré : la Constitution est désormais l'affaire des citoyens », Le Monde, 5 mars
3
Plusieurs conditions de fond et de forme doivent ainsi être remplies pour pouvoir déposer
une question prioritaire de constitutionnalité : elle doit porter d’abord sur une disposition
législative qui violerait des droits et libertés que la Constitution garantit. Évidemment, cette
disposition législative doit s’appliquer au litige ou à la procédure en question. La disposition
ne doit pas avoir déjà fait l’objet d’une déclaration de conformité et le juge, dès la première
instance, va examiner le caractère sérieux et nouveau de la question qui doit lui être posée
par écrit dans un mémoire distinct de la requête principale. Cette procédure ouvre enfin un
contrôle constitutionnel à l’initiative et au profit des justiciables, comme il en existait déjà
dans plusieurs États.

B- Les conséquences de question prioritaire de constitutionnalité


Si le Conseil constitutionnel déclare la disposition contestée conforme à la Constitution, la
juridiction doit l’appliquer, à moins qu’elle ne la juge incompatible avec une disposition du
droit de l’Union européenne ou d’un traité.

Si la disposition contestée est contraire à la Constitution, celle-ci à deux conséquences ; que


l’application de la disposition est écartée dans le procès concerné et que la disposition est
abrogée soit immédiatement, soit à compter d’une date ultérieure fixée par le Conseil lui-
même.

Pour les procès en cours Lorsque la question de constitutionnalité est transmise, la


juridiction doit suspendre la procédure dans l’attente de la décision des juridictions
suprêmes puis, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel.

Toutefois, le juge doit statuer sans attendre lorsque l’instance a pour objet de mettre fin à
une mesure privative de liberté. Il peut également ne pas reporter sa décision si la loi prévoit
de statuer en urgence ou dans un délai déterminé.

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