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Cameroun
Introduction
Le sujet en étude peut donner l’impression d’être d’un accès facile, voire s’apparenter
à un truisme et se révéler alors sans intérêt. En effet, la question de savoir si les agents ou
personnels contractuels de l’Administration relèvent du droit public ou du droit privé paraît
trouver rapidement une explication en droit camerounais du fait que les agents contractuels
sont régis par le Code du travail et soumis au droit du travail ; aussi les règles du droit privé
leur sont-ils applicables2. Telle est la réponse que le droit positif camerounais semble fournir à
cette question. Toutefois, l’observation permet de constater qu’il n’est pas aisé d’aborder
ladite réflexion sans la passer au crible du débat théorique, au regard des multiples situations
en présence et des différentes réponses apportées au problème par le législateur (lato sensu),
la doctrine et la jurisprudence. En effet, contrairement aux fonctionnaires (stricto sensu), qui
sont dans une situation statutaire et réglementaire et dont le statut juridique se caractérise par
une unicité de principe et une cohérence certaine – en tenant compte des spécificités des
statuts spéciaux - celle des contractuels dévoile plutôt une réelle complexité. Le personnel
contractuel de l’Administration se caractérise par une diversité de statuts, situation qui n’est
pas sans conséquences juridiques.
1
statut des agents contractuels et sur le droit qui leur est applicable, en cas de litige. Les
multiples approches dévoilent une évidente prolixité et la technicité du débat se révèle parfois
déconcertante, tant le thème en étude présente des richesses et une grande productivité. Les
multiples désignations de ces personnels par la doctrine et la jurisprudence témoignent de
cette richesse et invitent à la prudence lorsqu’on aborde la question du statut des agents
contractuels5.
Les pouvoirs publics camerounais n’y sont pas restés indifférents. En effet, ce
problème figure dans le discours politique, depuis bientôt deux décennies. Le ministre de la
Fonction publique annonçait, en 1997, un « statut pour les contractuels et les
décisionnaires »6. Le fait que le statut tant attendu n’ait jamais vu le jour témoigne aussi, sans
doute, de la difficulté d’approche de l’objet d’étude, sans que cela n’altère la détermination du
juriste à percer le mystère de la délicate question du statut des agents contractuels de
l’Administration au Cameroun.
conflits va stabiliser sa position en désignant le juge compétent pour trancher l’affaire opposant Dame veuve
Mazerand à la commune, avec l’affaire Berkani (TC 25 mars 1996, Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du
Rhône c/Conseil des Prud’hommes de Lyon), sur laquelle nous allons revenir.
5
L’examen du lien qui unit l’agent au service public a abouti à l’adoption de la notion de « fonctionnaires
contractuels » (C.E. Verchère, 28 juil. 1938, RDP, p. 819, concl. Latournerie)
6
Lire l’interview du Ministre Sali Daïrou dans le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, n° 6376/2665
du 25 juin 1997, pp. 8-9. Les « agents contractuels », comme leur nom l’indique, sont recrutés par
l’administration sur la base d’un contrat de travail, tandis que les « agents décisionnaires » sont liés à
l’administration par une décision unilatérale de l’autorité administrative compétente.
7
J.-M. Bockel définit le statut dans le droit de la fonction publique, comme un « ensemble de règles spécifiques,
définies a priori de façon unilatérale par l’autorité législative et/ou réglementaire, auxquelles sont soumises
certaines catégories d’agents », lire Droit de la fonction publique des Etats d’Afrique francophone, Paris, Edicef,
1990, p. 23.
8
L’art. 181 de la loi n° 74/23 du 5 décembre 1974 portant organisation communale dispose que « le personnel
employé par les communes sera régi par un statut général fixé par décret ». En attendant ce statut qui n’a jamais
vu le jour et en l’absence d’une fonction publique territoriale, le décret n° 78/484 du 9 novembre 1978 fixant les
dispositions communes applicables aux agents de l’Etat relevant du code du travail constitue le droit commun
applicable à tous les agents non titulaires des services publics administratifs, en dehors de ceux de l’Université.
De même, le décret n° 93/035 du 19 janvier 1993 portant statut spécial des personnels de l’Enseignement
supérieur s’applique aux Assistants, clairement qualifiés d’ « enseignants contractuels » (cf. Art. al. 3). Cette
étude ne prendra pas en compte les Attachés d’enseignement et de recherche (ATER) rémunérés sur le budget
propres des Facultés et Grandes Ecoles. Ils sont liés à l’Université par un contrat de travail de deux ans
renouvelable une fois, sans être des agents publics. Ils sont régis par le décret n° 2005/390 du 25 octobre 2005
portant création des postes d’Attachés d’Enseignement et de Recherche. Ne sont pas également concernés par
cette étude les agents temporaires ou occasionnels des différentes administrations ainsi que les enseignants
retraités, liés à l’Université par un contrat de collaboration.
2
liens qui les unissent, tandis que le droit commun du travail postule l’égalité formelle entre les
parties ?9
Il serait illusoire voire prétentieux de vouloir aborder la question du statut des personnels
contractuels avec une relative suffisance. Derrière une apparente unité de statut, se cache en
réalité une multitude de situations juridiques qui rendent l’observation de l’objet extrêmement
difficile du fait de ses multiples facettes. A la vérité, il n’y a pas un statut, mais une diversité
de statuts (A), étant donné, par ailleurs, que de nombreux agents appartiennent parfois à une
même administration, exercent la même activité et sont écartelés entre le droit public et le
droit privé, ce qui ne manque pas de faire surgir des incohérences quant à la gestion de ces
personnels (B).
9
Cité par E. Marc et y. Struillou, « Droit du travail et droit de la fonction publique : des influences réciproques à
l’émergence d’un droit de l’activité professionnelle », RFDA, n° 6,2010, p. 1171. Nos italiques.
10
A. Ondoua, « Notion de contrat administratif », JurisClasseur Contrats et Marchés Publics, Fasc. 10, juil.
2009, p. 2.
11
Dosso (K), « La situation statutaire des fonctionnaires ivoiriens à l’épreuve des récentes mutations », Revue de
la Recherche Juridique – Droit prospectif, n° 1, 2010, p. 475.
12
Le recrutement de 25 000 diplômés dans la fonction publique a été décidé par le Président de la République
lors de son traditionnel message à la jeunesse, le 11 février 2011.
3
Le statut des agents contractuels est un véritable kaléidoscope, tant il affiche une diversité
qu’il est risqué d’opérer une classification cohérente des différentes situations en présence. Le
phénomène peut toutefois être étudié à partir d’une catégorisation des agents qui tient compte
de leur système de rémunération, sans mettre en exergue une critériologie juridique. Une telle
approche, à l’évidence simpliste, n’est pas pertinente au regard de l’analyse. L’angle
d’observation qui nous paraît le plus approprié est celui qui établit deux grandes distinctions
entre les agents contractuels relevant du Code du travail et ceux qui, empruntant à la fois au
régime du « fonctionnariat »13 et au Code du travail, présentent une situation hybride.
Il s’agit des personnels recrutés généralement désignés « agents de l’Etat relevant du Code
du travail »14. Ces agents sont liés à la collectivité publique par un contrat de travail à durée
indéterminée. Ils constituent le lot commun des agents contractuels de l’Administration au
Cameroun. Leur régime de rémunération est basé sur une classification catégorielle, situation
qui les rapproche des agents du secteur privé et qui les départage à titre principal dans leur
gestion quotidienne des fonctionnaires dont la solde est indiciaire. Ce régime de rémunération
catégorielle s’observe également chez les personnels non-enseignants directement recrutés par
les universités. En effet, avant la publication du texte fixant les dispositions communes
applicables aux personnels d’appui des universités15, tous ces agents contractuels étaient régis
par le décret n° 78/484 du 9 novembre 1978 fixant les dispositions communes applicables aux
agents de l’Etat relevant du Code du travail. Ce texte prévoit une classification des agents en
douze catégories, en fonction de leurs diplômes et des emplois correspondants. A l’exception
des personnels de la première à la sixième catégorie, qui sont des « agents décisionnaires »,
parce que liés à la personne publique par une décision prise par l’autorité administrative
compétente, tous les autres agents signent, dès leur mise en service, un contrat de travail en
bonne et due forme avec l’Administration16.
Tout autre est la situation des personnels contractuels des universités, appelés « personnels
d’appui ». Ceux-ci, contrairement aux autres agents contractuels, bénéficient d’un « statut »
propre depuis 2011, à la faveur du décret qui fixe les dispositions communes qui leur sont
applicables17. Ces agents sont recrutés pour l’exécution des tâches manuelles, administratives,
techniques ou financières18. Leur « statut », plus élaboré, les rapproche des fonctionnaires, à
13
, réservés à certains corps.
14
Le vocable L’allusion est ici faite au Statut général de la Fonction publique qui régit uniquement les
fonctionnaires et aux statuts spéciaux « Etat » est ici englobant, dans la mesure où il prend en compte les agents
de l’Etat proprement dits, et ceux des collectivités territoriales décentralisées et des Etablissements publics
administratifs.
15
Voir décret n° 2011/119 du 18 mai 2011 fixant les dispositions communes applicables aux personnels d’appui
des Institutions Universitaires publiques du Cameroun.
16
Le juge administratif pense que les agents décisionnaires sont liés à l’Administration par un contrat de travail
relevant du droit privé (voir infra CA/CS 23 novembre 1989, Njihim Lot) et rejoint de ce fait la définition que les
textes donnent du contrat de travail, qui sera analysée dans la suite de l’étude. La catégorie juridique des
contractuels d’administration est appelée à connaître un développement considérable avec l’avènement de la
décentralisation dont le processus de mise en œuvre, enclenché depuis 2004 par la publication des lois y
relatives, nécessite des ressources humaines importantes.
17
Voir décret n° 2011/119 du 14 mai 2011.
18
Voir art. 4 du texte suscité. Cette disposition ne semble pas en conformité avec l’article 2 du même texte, qui
exclut ceux qui exécutent les tâches manuelles de la définition de l’expression « personnel d’appui ». A
4
un double niveau au moins : d’une part, avec l’utilisation de la notion de « poste de travail »
qui a fait son apparition dans le langage juridique de la Fonction publique camerounaise avec
la publication du Statut général de la Fonction publique de l’Etat en 1994 19. D’autre part, les
droits et obligations des personnels d’appui ainsi que le régime de leurs récompenses, sont
organisés à l’identique de ceux des fonctionnaires, sans oublier leurs primes de technicité et
d’appui à l’enseignement et à la recherche, qui les rapprochent des personnels enseignants des
universités. Les personnels à statut hybride présentent les mêmes difficultés d’appréhension.
La complexité du statut des agents contractuels se renforce pour ceux des personnels à
statut hybride ou mixte20, du fait que ces personnels sont régis à la fois par le Code du travail
et par leurs statuts spéciaux 21. Ces agents se répartissent au sein de plusieurs catégories. Ceux
engagés par l’Administration sur la base d’un contrat de travail sont formellement qualifiés de
« contractuels » ou de « personnels contractuels »22. Il s’agit, en premier lieu, des Assistants
des universités et des chercheurs contractuels. Les Assistants signent un contrat de travail à
durée déterminée23 avec une institution universitaire publique à la suite de leur recrutement
consécutif à une ouverture de postes d’enseignants par le ministre de l’Enseignement
supérieur24.
5
en même temps qu’il rejette ceux des contractuels (non-enseignants) 26 du même service
public. Il convient toutefois de distinguer l’Assistant qui était titularisé dans son grade sous
l’égide du décret du 8 décembre 1969 fixant le statut des corps des fonctionnaires de
l’Education nationale, de celui issu de la réforme universitaire de 1993, laquelle ne retient
plus cette qualification. La notion de titularisation, élaguée du statut spécial des enseignants
du supérieur depuis 1993 (pour ce qui concerne les Assistants), s’appliquait aux Assistants de
l’Université camerounaise de l’époque. Dans son essence, seuls les fonctionnaires devraient
en revendiquer la paternité ou l’applicabilité. En effet, la titularisation confère le grade à un
fonctionnaire dans la hiérarchie administrative27. Toutefois, l’article 12 (3) du décret n°
69/DF/8 du 8 janvier 1969 portant statut particulier des fonctionnaires de l’Education
nationale, modifié par le décret n° 76/442 du 18 octobre 1976, est clair sur la titularisation des
Assistants. Ce texte dispose que « si au terme d’une période de quatre années suivant la
titularisation…un Assistant n’a pas été proposé à la nomination au grade de chargé
d’enseignement, il peut être remis à la disposition du ministre de l’Education nationale sur
proposition du conseil d’administration après avis motivé du conseil compétent de
l’établissement considéré ». Cette disposition est embarrassante, en ce qu’elle révèle la
précarité de la situation de l’Assistant, pourtant « titularisé ». Nous pensons qu’à défaut d’une
contradiction ou d’une incohérence, le terme « titularisation » a sans doute été abusivement
utilisé et pourrait être synonyme de « recrutement ». Réflechir autrement conduirait à mettre
dans un même registre la « précarisation », qui caractérise les contractuels et la
« titularisation », propre aux fonctionnaires.
6
raisonnablement penser (la notion de grade étant réservée aux fonctionnaires) que les
chercheurs forment implicitement un corps29.
Pour ce qui est des Assistants des universités et des chercheurs contractuels, leur statut
est essentiellement précaire. En effet, leur contrat de travail, bien que renouvelable, peut être
résilié si l’activité de l’enseignant ou du chercheur ne donne pas satisfaction au bout d’un
certain temps31.
De ce qui précède, il ressort que ce serait commettre une méprise que de considérer que le
statut de contractuel à l’Enseignement supérieur et à la Recherche ne concerne que les
Assistants et les Attachés de recherche, puisqu’il s’étend aux autres grades de ces corps de
métiers32. Toutefois, la doctrine peut aussi être source d’incompréhension à ce niveau
lorsqu’elle affirme que « outre les Professeurs titulaires d’université, les Maîtres de
Conférences et Chargés de Cours ont au Cameroun le statut de fonctionnaire »33. Il faut
souligner que ces personnels ont vocation à la titularisation, sur leur demande, sous réserve
des exigences du Statut général de la Fonction publique liées en particulier à l’âge du
postulant. La qualité de fonctionnaire ne leur est donc pas automatiquement reconnue, malgré
leur appartenance au corps de l’Enseignement supérieur, dès leur accession au grade de
Chargé de cours. De fait, comme nous le reverrons dans la suite de notre étude, cette situation
constitue une véritable énigme dans la compréhension du statut des enseignants du supérieur
au Cameroun.
29
A la différence du corps de l’Enseignement supérieur qui exclut les Assistants, le corps des chercheurs intègre
les Attachés de recherche, chercheurs débutants et non encore confirmés.
30
Il n’existe pas en réalité au Cameroun un « statut » d’enseignants-chercheurs, tous les enseignants du supérieur
ayant cette qualité, de par leurs activités d’enseignement et de recherche.
31
Les articles 10, 12, 14 du Statut des chercheurs prévoient la possibilité de licenciement des Attachés de
recherche, des Chargés de recherche et des Maîtres de recherche contractuels qui, au bout d’un certain temps et à
la suite d’une évaluation défavorable de leurs travaux, ne parviennent pas à accéder au grade supérieur. Seuls les
Assistants sont concernés par ce licenciement pour « insuffisance académique » dans l’enseignement supérieur.
32
L’article 5 al. 1 et 2 du décret n° 93/035 du 19 janvier 1993 portant Statut spécial des personnels de
l’Enseignement supérieur dispose que le corps de l’Enseignement supérieur comprend en outre des enseignants
contractuels…Ces enseignants qui remplissent les conditions académiques prévues par le statut sans remplir
toutes les conditions d’accès à la fonction publique sont nommés aux grades de Professeur, de Maître de
conférences et de Chargé de cours.
33
Lire Célestin Sietchoua Djuitchoko, note sous arrêt n° 01/A, 25 février 1999, Guiffo Jean-Philippe contre Etat
du Cameroun, note 5, Juridis périodique, n° 65, p. 41.
7
Le manque de cohérence observé dans la gestion des agents contractuels découle du fait
que les Assistants relevant du statut des personnels de l’enseignement supérieur peuvent être
des fonctionnaires à l’origine ; leur gestion qui oscille entre les deux statuts, par nature
opposés, se révèle alors délicate. D’autres difficultés apparaissent, par ailleurs, dans la gestion
des positions des enseignants et chercheurs contractuels.
34
Lire E. Glaser, « La situation des agents publics contractuels », concl. sur C.E., section, 31 déc. 2008, RFDA,
n° 1, janv.-fév. 2009, p. 90. Les lois qui avaient consacré la notion de « fonctionnaire contractuel » étaient celle
du 14 septembre 1941 instituant le premier statut des fonctionnaires en France et celle du 9 septembre 1943
relative à l’organisation des cadres des services publics et des établissements publics de la commune. Y.
Gaudemet relève le malaise qui a entouré la notion de « fonctionnaire contractuel », mal accueillie par la
doctrine, étant donné qu’il existe une opposition de principe entre le recrutement par contrat et la reconnaissance
de la qualité de fonctionnaire à un agent. Lire « Existe-t-il une catégorie d’agents publics contractuels de
l’administration ? », AJDA, 1977, p. 615.
35
Un des points de départ du statut spécial des personnels de l’enseignement supérieur et de celui des chercheurs
est que ce dernier ne prévoit pas de possibilité de recrutement des fonctionnaires par contrat ; seule la position de
mise à disposition du ministère en charge de la recherche scientifique et technique est offerte aux fonctionnaires
provenant d’autres administrations et voulant faire carrière dans la recherche.
36
Voir décret n° 2000/050 CAB/PR du 15 mars 2000 fixant les modalités de recrutement du personnel Assistant
des universités. La pratique ici a pris le dessus sur la réglementation, les anciens fonctionnaires qui justifient
d’un indice de rémunération plus élevé (qui constitue pourtant un droit acquis) au moment de la signature de leur
contrat d’Assistant avec l’Université, s’opposant toujours au reclassement.
8
de détachement dans une autre administration 37. Mais les enseignants concernés par ce
recrutement à l’Université ne sont ni en position de détachement, ni mis à sa disposition. Ceux
qui sont mis à la disposition de l’Université conservent le lien de rattachement avec leur
administration d’origine et ne peuvent accéder au statut d’Assistant qu’à la suite d’un
recrutement formel opéré au sein de la Commission consultative de recrutement des
Assistants instituée dans chaque université.
La gestion des positions dans le corps de l’Enseignement supérieur n’est pas non plus
aisée. Par ignorance sans doute, ou convaincus d’être des fonctionnaires, certains Assistants
sollicitent souvent leur détachement auprès de certains organismes ou leur mise en
37
A. Plantey, La Fonction publique, Traité Général, Paris, Litec, 1991, p. 266, § 596. L’auteur relève que sauf
dérogation réglementaire, le fonctionnaire ne peut être détaché pour occuper un emploi contractuel dans sa
propre administration (C.E. 23 fév. 1966, Brillé. Rec., p. 142).
38
Il s’agit en particulier de leurs actes de promotion aux grades supérieurs, qui seront pris sous la forme des
arrêtés du Ministre de l’Enseignement Supérieur, tandis que ceux des enseignants formellement intégrés dans le
corps de l’Enseignement supérieur le sont sous la forme de décrets du Président de la République.
39
Par assimilation aux fonctionnaires de la catégorie A, suivant une pratique administrative établie, puisque, les
Assistants n’appartenant pas au corps de l’Enseignement supérieur, leur régime de retraite ne pouvait pas être
organisé par les textes.
40
La retraite dans ce corps est prévue à 60 ans pour les Chargés de Cours, et 65 ans pour les enseignants de rang
magistral, Maîtres de Conférences et Professeurs (voir art. 64 nouveau du décret n° 2000/048 du 15 mars 2000
modifiant et complétant certaines dispositions du décret n° 93/035 du 19 janvier 1993 portant statut spécial des
personnels de l’Enseignement Supérieur).
41
Tous les enseignants fonctionnaires du secondaire et du primaire sont mis à la retraire à 60 ans. Les Assistants,
en ce qui les concerne, n’ont pas une retraite organisée par les textes, puisque leur statut est précaire. Ils prennent
par conséquent leur retraite à 55 ans, par assimilation aux fonctionnaires de catégorie A, suivant une pratique
administrative établie.
9
disponibilité. Cette situation est source de complexité. Pourtant, seul le statut des agents
devrait déterminer leur position. Il n’est pas rare non plus que certains enseignants sollicitent
la suspension de leur contrat de travail, alors qu’aucune stipulation du contrat n’autorise une
telle procédure. Si le problème des positions concerne les Assistants accédant pour la
première fois à l’administration publique, on peut se demander si l’agent contractuel,
fonctionnaire à l’origine, peut bénéficier des positions de détachement ou de mise en
disponibilité à l’Université. La réponse devrait être négative (sauf si l’agent consentait à ne
plus revenir dans l’enseignement supérieur), puisque, on l’a relevé, son statut de fonctionnaire
est gelé dès son recrutement au poste d’Assistant par le fait qu’il devient contractuel, ainsi que
l’exige le Statut spécial des personnels de l’Enseignement supérieur.
La question est plus délicate pour les autres enseignants du supérieur, car le Statut
spécial prévoit que les enseignants des différents grades peuvent être proposés à l’intégration
dans la Fonction publique, conformément aux dispositions pertinentes dudit texte (art. 2 et 3).
Toutefois, le Statut spécial autorisant également l’utilisation des enseignants contractuels à
tous les grades, le problème est de savoir si lesdits enseignants peuvent bénéficier d’un
détachement ou d’une mise en disponibilité. La solution qu’offre le Statut spécial mérite que
l’on s’y attarde. En effet, ce texte apporte une réponse à cette question suivant la nature de la
position et selon que l’enseignant est titulaire ou non. Si la position de détachement est
accessible à tous les enseignants du corps de l’enseignement supérieur, la mise en
disponibilité, elle, concerne uniquement les enseignants titulaires (art. 30 du Statut spécial).
Qu’est-ce qui peut justifier cette différence de traitement pour ces catégories d’enseignants
appartenant au même corps ?
La situation des chercheurs contractuels paraît plus simple que celle des enseignants,
relativement aux positions. Le chercheur contractuel peut être mis à la disposition de l’Etat ou
d’un organisme étatique ou étranger, dans le cadre des échanges scientifiques (art. 32 et 35 du
statut des chercheurs), ou solliciter la suspension de son contrat pour entreprendre des études
ou des recherches programmées. Cette dernière position, nous l’avons précisé, est exclue pour
les enseignants contractuels.
10
II- UNE NECESSAIRE CLARIFICATION DU STATUT DES AGENTS
CONTRACTUELS
Le contrat de travail est défini par l’article 2 du décret n° 78/484 du 9 novembre 1978
fixant les dispositions communes applicables aux agents de l’Etat relevant du Code du travail
comme « tout accord, de préférence écrit, contrat, décision ou tout autre acte administratif en
tenant lieu, conclu entre l’Administration et une personne, et par lequel celle-ci s’engage à
mettre son activité professionnelle au service de l’Administration moyennant rémunération ».
Cette définition est reprise à l’identique par le « statut » des personnels d’appui des
institutions universitaires publiques44.
Si cette définition peut induire le caractère privé du contrat de travail dans la mesure
où ce contrat régit les relations individuelles de travail que l’agent entretient avec le service
public administratif, on peut, en revanche, s’interroger sur la place qu’elle accorde aux actes
administratifs. La définition du contrat de travail des agents publics présente la particularité
de permettre une ouverture considérable au droit public (en renvoyant à tout accord, qui n’est
42
A. Ondoua, Notion de contrat administratif, jurisClasseur Contrats et Marchés Publics, 13 juillet 2009, p. 4.
43
Ibidem.
44
L’art. 3 du décret n° 2011/119 du 18 mai 2011 fixant les dispositions communes applicables aux personnels
d’appui des institutions universitaires publiques au Cameroun définit le contrat de travail comme « tout accord
de préférence écrit, contrat, décision ou tout autre acte administratif en tenant lieu, conclu entre une institution
universitaire publique qui s’engage à mettre son activité professionnelle au service de l’institution moyennant
rémunération ». L’article 3 de la loi n° 92/007 du 14 août 1992 portant code du travail définit le contrat de travail
comme « une convention par laquelle le travailleur s’engage à mettre son activité professionnelle sous l’autorité
et la direction d’un employeur en contrepartie d’une rémunération ». L’employeur visé est une personne
physique ou morale, publique ou privée (art. 1er). Il ne semble pas superflu de se demander pourquoi la définition
du code du travail paraît restrictive en se limitant à la convention signée entre un agent et un employeur. Si cette
définition exclut à l’évidence la décision de l’acception du contrat de travail, on peut raisonnablement penser,
qu’en tenant également compte de l’employeur public, elle englobe la définition offerte par le décret n° 78/484,
tout comme cette dernière présente la particularité d’être plus éclairante pour la situation des agents publics.
11
pas forcément de droit privé, à la décision et aux actes administratifs). En effet, il peut
paraître curieux que la « décision » visée dans la définition du contrat (que l’on dit de droit
privé) et qui renvoie incontestablement à un acte administratif unilatéral, fasse des agents
« décisionnaires » des agents de l’Etat soumis entièrement au Code et au droit du travail. L’on
a aussi de la peine à imaginer à « quel autre acte administratif » peut renvoyer la définition
que le Code du travail donne du contrat de travail45. Le point de vue de Michel Degoffe qui
intègre également l’unilatéralité administrative dans l’acte d’engagement d’un agent non
titulaire est plus limitatif que celui du « législateur » camerounais, lequel ouvre davantage la
définition du contrat de travail à « tout autre acte administratif » (unilatéral ou bilatéral). Il
n’est donc pas exclu, sur le plan théorique, tout au moins, que l’acte de recrutement d’un
agent contractuel de l’Administration au Cameroun puisse aussi être un contrat administratif 46.
L’analyse du contenu et de l’objet du contrat permet également de pencher pour l’hypothèse
de la publicisation du contrat.
2.- Le contenu et l’objet du contrat : au-delà de l’apparence des contrats de droit privé
Les contrats de travail conclus entre l’Administration et certains de ses agents ne sont pas
toujours des actes consensuels, obéissant au principe de l’autonomie de la volonté et mettant
les différentes parties au même pied d’égalité. Pour Thomas Bidja Nkotto, la situation des
agents de l’Etat est en principe contractuelle, mais elle demeure « marquée d’une emprise
réglementaire indéniable »47, par certaines de leurs stipulations qui contiennent parfois des
dispositions réglementaires, exorbitantes du droit commun. Dans ses conclusions sur la
décision Mme Rabut48, le président Genévois souligne que « l’aspect proprement contractuel
de ces contrats est illusoire dans la mesure où le contenu du contrat est le plus souvent
prédéterminé par des dispositions réglementaires qui s’imposent aux parties »49. La position
de E. Marc et Y. Struillou est plus tranchée : le contrat « n’existe pas », puisque la puissance
publique est libre de fixer les conditions d’emploi de ses agents ; « elle ne contracte pas mais
impose un statut ».50
Dans la même perspective, Alain Plantey relève que les points les plus fréquemment régis
par le contrat sont ceux relatifs à la date d’effet et à la durée de la convention, à la
rémunération, au type de fonctions et obligations, stipulations qui sont en principe intangibles.
En revanche, tout le reste de la situation de l’agent contractuel est fixé unilatéralement par
l’administration. Ces règles peuvent être modifiées par la seule volonté de l’Administration,
45
Voir Michel Degoffe, Droit administratif, cours magistral, Paris, Ellipses, 2008, pp. 277-278. L’auteur révèle
que par exception, l’administration peut employer les agents non titulaires, par la voie d’un contrat « mais aussi
d’un acte unilatéral ».
46
Cette hypothèse n’exclut pas l’oralité, observée en France dans le célèbre arrêt Epoux Bertin et ministre de
l’agriculture c. consorts Grimouard (CE, 20 avril 1956) puisque la définition du contrat de travail précise qu’il
s’agit de tout accord, « de préférence écrit… ».
47
Th. Bidja Nkotto, Les contrats de l’Administration au Cameroun, thèse de Doctorat, Paris I, tome 1, 2000, p.
51.
48
CE, 25 mai 1979.
49
Lire Emmanuel Glaser, « La situation des agents publics contractuels », concl. sur CE, section, 31 déc. 2008,
M. Cavallo, RFDA, n° 1, janv.-fév. 2009, p. 92.
50
E. Marc et Y. Struillou, « Droit du travail et droit de la fonction publique : des influences réciproques…, op.
cit., p. 1171.
12
l’agent n’ayant pas de droit acquis à leur maintien 51. Roger Gabriel Nlep s’inscrit dans la
même lignée, lorsqu’il souligne que seules les modalités d’extinction du contrat confèrent au
contrat d’ « Assistanat » sa nature privée, les autres modalités de sa conclusion ainsi que le
régime de son exécution contribuant largement à en faire un acte administratif unilatéral 52 . Il
en déduit que les contrats liant les Assistants à l’Administration sont des contrats mixtes53.
Les propos de G. Pambou Tchivounda sont beaucoup plus incisifs sur la nature
administrative du contrat des agents publics en droit gabonais. L’auteur souligne, en effet, que
les contrats que les particuliers passent avec l’administration « n’en sont que de nom », dans
la mesure où ils ne font l’objet d’aucune négociation entre les volontés des parties
contractantes54. Cette situation l’amène à se demander pourquoi ces contractuels de
l’administration relèvent-ils du droit privé et non du droit public 55. Cette réflexion est valable
pour l’ensemble des contractuels de l’administration56. Toutefois, elle présente des limites
pour ce qui est des enseignants du Supérieur, car elle donne l’impression que les personnels
contractuels des autres grades du corps de l’enseignement supérieur ne se trouvent pas dans le
même registre que les Assistants, s’agissant de la qualification de leur contrat. La position de
Roger Gabriel Nlep se rapproche de celle de Célestin Sietchoua, qui pense que les enseignants
du supérieur, à l’exception des Assistants57, sont des fonctionnaires.
Si le contenu du contrat de travail des agents publics est largement dominé par le droit
administratif, l’objet du contrat, quant à lui, semble rejeter entièrement le droit commun. En
outre, le volontarisme contractuel n’ayant de signification que par rapport à l’objet du contrat,
le Commissaire du gouvernement Marceau Long dans ses conclusions sur l’arrêt Epoux
Bertin (C.E. 20 avril 1956, G.A.JA.) estime qu’ « il est impensable que l’administration
(puisse) confier à un simple particulier l’exécution d’une mission de service public et se
dépouiller, en même temps, des droits et prérogatives que lui assure le régime de droit
public »58.
En se référant aux critères fixés par la jurisprudence, il ne fait pas de doute que le critère
organique marqué par la présence d’une personne publique (Etat, commune, université, en sa
qualité d’établissement public) comme partie au contrat, soit effectif. Le critère alternatif non
plus ne relève d’aucun mystère, puisque, si l’on peut discuter de la présence ou non des
clauses exorbitantes dans le contrat, la participation de l’agent à l’exécution du service public
51
A. Plantey, La Fonction publique, Traité général, pré., p. 36. Th. Bidja Nkotto a relevé, à juste titre, s’agissant
de la rémunération de l’agent contractuel, que son caractère contractuel a été remis en cause par la double baisse
des salaires de 1993, laquelle avait été décidée unilatéralement par les pouvoirs publics, op. cit., p. 52.
52
R-G Nlep, L’administration publique camerounaise…, préc., p. 340.
53
Ibid.
54
Lire ses observations sur l’arrêt Nzeh, C.A. 3 novembre 1967, in Les Grandes décisions de la jurisprudence
administrative du Gabon, Paris, Pedone, 1994, p. 146. Cette situation tend à se généraliser au Cameroun car,
même dans le secteur privé et sans doute compte tenu du chômage et de la précarité ambiante, la personne privée
contractante signe le contrat sans avoir la possibilité d’en discuter les clauses.
55
Ibid.
56
Exception faite du régime disciplinaire et de celui des rémunérations, ce dernier aspect pouvant relever des
pratiques administratives, comme le souligne Roger Gabriel Nlep, ibid.
57
Voir supra, note 34. C’est sans doute l’appartenance de ces personnels au corps de l’enseignement supérieur
qui a conduit à une telle réflexion, sans tenir compte des spécificités dudit corps qui englobe les enseignants
titulaires et les enseignants contractuels.
58
Cité par G. Pambou Tchivounda, Les grandes décisions de la jurisprudence administrative du Gabon, ibid.
13
ou sa participation directe à l’exécution même du service public, quant à elle, est certaine 59.
Ces critères révèlent clairement que l’agent public est lié à l’administration par un contrat
administratif60. Ainsi, les agents contractuels de l’Administration au Cameroun, quelle que
soit leur activité, participent directement à l’exécution (ou à l’exécution même) du service
public. Ces critères classiques dégagés par la jurisprudence devraient suffire pour requalifier
le contrat qui lie ces agents à l’Administration, en lui attribuant la nature de contrat
administratif.
14
de susciter des interrogations sur la démarche du juge et par rapport au régime du contentieux
des autres personnels contractuels, lesquels pourraient tout aussi porter les différends sur leur
situation individuelle devant le juge administratif.
Il n’est pas sans intérêt de s’interroger sur les motivations du juge administratif à se
déclarer parfois compétent pour connaître de certains litiges opposant les enseignants du
Supérieur66, tout en rejetant les recours des autres personnels du même service public
administratif67. La compétence administrative est-elle fonction de l’activité de service public
(l’enseignement) exercée par certains personnels ce qui conduirait pour le juge administratif, à
ne pas se préoccuper de l’ « activité administrative » des personnels non-enseignants ? La
jurisprudence du juge administratif n’étant pas expressive sur le fondement de sa compétence
dans tel ou tel litige, on peut penser qu’il est ignorant des subtilités des textes applicables à
l’Université et, ne poussant pas loin ses investigations, qu’il considère parfois que tous les
enseignants ont le statut de « fonctionnaire » et comme tels, sont justiciables devant son
prétoire. Il n’est pas erroné de l’affirmer, puisque le juge administratif a eu à connaître des
litiges des Assistants, clairement qualifiés d’« enseignants contractuels »68 au même titre que
ceux des autres membres du corps de l’Enseignement Supérieur, en l’occurrence les Chargés
de Cours, les Maîtres de Conférences et les Professeurs. L’évocation du corps n’est pas
gratuite, car le juge peut éprouver des difficultés à opérer une distinction au contentieux entre
les agents régulièrement intégrés dans la fonction publique (c’est-à-dire ceux qui disposent
d’un décret d’intégration dans le corps) et ceux qui n’en sont pas nantis 69. L’appartenance au
corps entraînerait donc la compétence du juge administratif. C’est ce qu’il est donné de penser
dans le jugement Akoa Dominique70, Chargé de cours contractuel à l’Université de Yaoundé,
lequel sollicite son « intégration » à ce grade. Pourtant la logique aurait commandé que les
Chargés de cours et les enseignants contractuels des autres grades fussent écartés du prétoire
du juge administratif, parce que liés à l’administration universitaire par un contrat de travail
et, à ce titre, n’ont pas la qualité de fonctionnaire, stricto sensu.
15
Gabriel Nlep, « a ôté la qualité de fonctionnaire permanent aux Assistants de l’Université
pour en faire des personnels contractuels »74. Le fait que le même juge, quelques années plus
tôt, ait écarté sa compétence dans une affaire opposant un Assistant à l’Université de
Yaoundé75 témoigne d’un manque de cohérence dans la gestion du contentieux des Assistants.
Cette formule, quasi rituelle, trouve, pour le juge administratif, un fondement dans les
dispositions du décret n° 78/484 du 9 novembre 1978 fixant les dispositions communes
applicables aux agents de l’Etat relevant du Code du travail et de l’article 9 de l’ordonnance
n° 72/6 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour suprême. S’agissant de la matière
contractuelle, ce dernier texte qui fixe le champ d’intervention du contentieux administratif,
porte que ledit contentieux comprend « les litiges concernant les contrats (à l’exception de
ceux conclus même implicitement sous l’empire du droit privé) » 78. Cet argument, pour
pertinent qu’il paraisse, doit être relativisé au regard de l’hypothèse émise plus haut,
consistant à ne pas systématiquement écarter le contrat administratif de la définition du
contrat de travail. Salomon Bilong partage cette vision des choses puisque le juge
administratif, s’appuyant sur le fait que les contrats de travail des agents publics visent les
textes mentionnés plus haut, estime que cette situation devrait entraîner la compétence
judiciaire. Pourtant « aucune loi ne classe clairement lesdits contrats dans la catégorie des
contrats de droit privé »79. L’auteur en déduit que la formulation de l’article 9 de l’ordonnance
de 197280 qui exclut du champ de contentieux administratif les contrats conclus (même
implicitement sous l’empire du droit privé) « plombe toute velléité de qualification du
contrat »81. En effet, la seule exclusion des contrats conclus, explicitement ou implicitement
Décret n° 76/472 du 18 octobre 976…
74
Lire sa note sur l’arrêt Guiffo Jean-Philippe, Penant n° 777-778, 1982, pp. 80-81.
75
Jugement n° 21/85-86 du 30 janvier 1986, Nguena Antoine c/ Etat du Cameroun. La Chambre administrative
précise qu’il s’agit (manifestement) d’un litige opposant un contractuel d’administration à son employeur et que
« la loi stipule que les différends individuels pouvant s’élever à l’occasion du contrat de travail entre les
travailleurs et leurs employeurs sont du ressort des tribunaux judiciaires ».
76
Voir jugements n° 42/90-91 du 29 novembre 1990, Dame Kwi Shwe c/Etat du Cameroun ; n° 10/89-90, 23
novembre 1989, Fotso Emile c/Etat du Cameroun.
77
Jugement n° 160/2010 du 5 mai 2010.
78
Cette formule a été reprise dans le décret n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le
fonctionnement des tribunaux administratifs (art. 2 al 3 (c). Le juge administratif a rappelé son incompétence
(sur les contrats de droit privé) dans le jugement n° 36/90-91 du 29 novembre 1990, Njiki Isaac contre Etat du
Cameroun.
79
S. Bilong, ibid, p. 403. Une telle loi aurait conférer une compétence d’attribution au juge administratif en
facilitant la qualification juridique de ce contrat.
80
Disposition reprise à l’identique par l’article 2 de la loi n°/2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation
et le fonctionnement des tribunaux administratifs.
81
Ibidem.
16
sous l’empire du droit privé du champ de compétence des tribunaux administratifs ne nous
semble pas pertinente pour soustraire les contrats de travail des agents publics du prétoire du
juge administratif. De ce point de vue, comment peut-on encore continuer à affirmer que le
contrat de travail d’un agent public soit conclu sous l’empire du (seul) droit privé ?
La position figée du juge administratif pourrait aussi trouver son fondement dans la
conception « coloniale » du contrat de travail héritée de la loi du 15 décembre 1952 instituant
un Code du travail des Territoires d’Outre-mer82. Cette loi qui s’appliquait à tous les salariés
de l’Etat et des autres personnes morales de droit public n’ayant pas la qualité de
fonctionnaire83, avait décidé que les agents contractuels des administrations dans les territoires
d’Outre-mer étaient régis par le Code du travail et échappaient au droit public84.
Le juge administratif devrait prendre du recul, pour admettre que les données qui avaient
conduit à l’adoption d’une telle position de principe, prévalant dans un contexte particulier
d’exclusion des contrats de travail de la sphère du droit public, sont aujourd’hui ambiguës et
anachroniques. Si, en France, la distinction entre les contractuels qui participent directement
à l’exécution du service public et sont qualifiés à ce titre de contractuels de droit public et
ceux de droit privé, soumis au Code du travail, était source de difficultés contentieuses 85, le
problème paraît encore plus complexe au Cameroun. En effet, le juge administratif se
contente de citer les textes précisant son rayon de compétence, sans faire l’effort d’une lecture
attentive desdits textes, ce qui lui permettrait de dire le droit en se fondant sur la « loi » et sur
le contenu et l’objet du contrat.
Bien plus et en réalité, si l’on s’appuie sur la notion de corps réservée aux agents
titulaires, le renvoi d’un litige opposant un enseignant contractuel du supérieur (hormis les
Assistants) à la compétence du juge judiciaire - ce qui n’est pas encore le cas - devrait être
sans objet, puisque, logiquement, ce juge ne devrait pas connaître des litiges des personnels
contractuels du corps de l’Enseignement supérieur. Le maintien du contrat en lui-même nous
semble absurde, dès lors que l’enseignant a été admis dans le corps de l’Enseignement
supérieur, après la période ou le stage probatoire de l’ « assistanat »86. Pourtant ce contrat
n’est résilié qu’au moment de l’intégration formelle (par un décret d’intégration) de l’agent
dans le corps de l’Enseignement supérieur87. Cette démarche signifie qu’avant cette
82
Voir le cas du Gabon, G. Pambou Tchivounda, Les grandes décisions…, précité, p. 146
83
M. Debene, Encyclopédie Juridique de l’Afrique, Nouvelles Editions Africaines, 1982, p. 373.
84
A. Plantey, La Fonction Publique, Traité Général, op. cité, p. 32. Cette conception a été retenue dans
l’ensemble des colonies françaises. On peut citer le cas du Gabon ; lire G. Pambou Tchivounda, obs. sur l’arrêt
Nzeh (C.A. 3 novembre 1967), pp. 141 et suiv.
85
M. Debene, Encyclopédie Juridique de l’Afrique, ibid.
86
L’enseignant qui accède aux grades de Chargé de cours, de Maître de Conférences ou de Professeur peut
solliciter son intégration dans le corps de l’Enseignement supérieur. Celle-ci a un effet rétroactif et court pour
compter de son inscription sur la liste d’aptitude au grade de Chargé de cours. Toutefois, s’il n’adopte pas cette
démarche, il ne signe pas un nouveau contrat à chaque changement de grade et son contrat d’Assistant demeure
en vigueur jusqu’à son admission à la retraite. Cette situation ne nous semble pas cohérente, puisque le contrat
devrait être considéré comme caduc dès que l’enseignant accède au corps de l’Enseignement supérieur. Il y
aurait donc une différence entre accession et intégration dans le corps de l’Enseignement Supérieur.
87
L’article 1er du décret portant intégration d’un enseignant dans le corps des personnels de l’Enseignement
Supérieur résilie son contrat d’Assistant, pour compter de la date d’inscription de l’enseignant sur la liste
d’aptitude au grade de Chargé de Cours. Nous pensons que le texte consacrant la promotion au grade supérieur
devrait en même temps procéder à l’intégration de l’enseignant dans le corps de l’enseignement supérieur, sans
17
intégration, l’enseignant conserve le statut de contractuel, quel que soit son grade, malgré son
appartenance au corps.
Par ailleurs, le juge administratif devrait aller au-delà du statut professionnel du requérant
pour décider ou non de sa compétence dans une affaire. Ce qui n’est pas le cas ; il se contredit
dans sa démarche puisqu’il lui arrive de trancher certains litiges concernant des personnels
ayant un même statut. L’analyse frontale des jurisprudences Dame Nyemeg Herbeca88 et
Njihim Lot89 met au grand jour l’incohérence du juge administratif. Appelé à se prononcer sur
le recours introduit par le sieur Njihim Lot, agent décisionnaire en service à l’Inspection
provinciale du travail à Yaoundé, la Chambre administrative de la Cour suprême a fait valoir
qu’ « il n’est pas dénié que le demandeur, Agent Décisionnaire de son état, est lié à
l’employeur par un contrat régi par les dispositions du Code du Travail ;
Attendu que les litiges nés à l’occasion de l’exécution d’un tel contrat échappent à la
compétence de la juridiction administrative ;
Que contrairement à ce que peut penser le requérant, il n’est pas dérogé à ce principe par
le fait que l’employeur est l’Administration, et que ses actes de gestion sont faits en la forme
administrative »90.
L’on se serait attendu à une reprise de cette position de principe dans la jurisprudence du
juge administratif. Pourtant la démarche suivie cinq ans plus tard dans une affaire concernant
un autre agent décisionnaire ne manque pas d’étonner. Il suffit de rappeler que Dame Nyemeg
Herbeca, surveillante d’externat au Lycée bilingue de Yaoundé, avait saisi le juge afin qu’il
annulât une décision du ministre des Finances émettant un ordre de recette à son encontre. La
Chambre administrative, à la surprise générale, s’était déclarée compétente et avait tranché ce
litige, sans faire valoir sa position constante d’inviter le requérant à mieux se pourvoir, c’est-
à-dire à saisir le juge judiciaire compétent91. Qu’est-ce qui peut justifier une telle attitude ? Le
juge a-t-il pensé, s’agissant de l’affaire Dame Nyemeg, que l’acte de recrutement (la décision)
de cet agent était un acte administratif ? Dans cette hypothèse sa décision n’aurait pas été
erronée. Sinon, comment comprendre qu’un collège de juges ait ainsi « manqué de vigilance »
au point d’opérer un revirement de jurisprudence d’une telle nature ? A notre avis, rien ne
justifie, prima facie, cette position du juge administratif. Il ne semble pas non plus que le juge
ait voulu s’appuyer sur l’argument de la décision liant cet agent à l’Administration, laquelle
est un acte administratif unilatéral (ce qui n’est pas exclu dans la définition du contrat de
travail signalée plus haut) pouvant de ce fait être porté à son appréciation. Son raisonnement
aurait sans doute été le même que dans l’affaire Njihim Lot, où il s’est déclaré incompétent,
s’il avait fait preuve de cohérence dans sa démarche.
une autre formalité, le postulant ayant satisfait aux conditions exigées pour accéder au corps.
88
Jugement n° 86/93-94, 29 septembre 1994.
89
Jugement n° 15/89-90 du 23 novembre 1989.
90
On note en passant que la décision d’engagement de cet agent est qualifiée par le juge de contrat, rejoignant
par la-même la définition du contrat de travail retenue au Cameroun par la réglementation.
91
Ce juge se déclare volontiers compétent pour connaître de ces litiges. Voir Cour d’Appel de Douala, Chambre
soc., arrêt du 29 sept. 1993, Chancelier de l’Université de Yaoundé c/Nguena Antoine, ainsi que Cour d’Appel
de Douala, l’arrêt du 23 janvier 2012 Ngwé Luc c/Etat du Cameroun (Université de Yaoundé), op. cit., note 22.
18
La jurisprudence Dame Nyemeg Herbeca est peut être isolée, car dans les affaires
ultérieures, le juge est revenu sur sa position traditionnelle 92. Mais elle n’est pas moins
significative puisqu’elle traduit un malaise persistant, celui de la détermination du juge
compétent pour connaître du contentieux des contractuels de l’Administration au Cameroun.
La proposition d’unifier ce contentieux au profit du juge administratif pourrait apporter une
solution à ce problème.
Les considérations qui précèdent révèlent que, par plusieurs aspects de leur situation
juridique, ces agents contractuels de l’Administration finissent par être considérés comme de
véritables fonctionnaires94. Le juge administratif pourrait tirer les conséquences d’une telle
réalité et faire preuve d’hardiesse et d’innovation pour apprécier la situation de l’agent, en se
rendant compte que le régime de droit public y est prédominant. Cette observation est valable
pour Roger Gabriel Nlep, qui pense que la nature administrative des contrats des Assistants
devrait en faire des actes administratifs relevant de l’appréciation du juge administratif 95 ; ce
qui devrait expliquer que « tous les salariés non-titulaires de l’administration puissent attaquer
devant la juridiction administrative les règlements relatifs à leur situation et à leur travail »96.
Bien plus, ainsi que nous avons eu à le relever, la définition du contrat de travail retenue par
les textes analysés plus haut, intègre la « décision » (administrative) et n’écarte pas
l’hypothèse d’un contrat administratif (par l’expression « tout autre acte administratif »). Par
ailleurs, le contrat de travail, par son objet éminemment administratif ainsi que l’existence des
clauses exorbitantes du droit commun97, sont autant d’éléments qui peuvent conduire à
réserver le contentieux des agents contractuels des services publics administratifs à la
compétence du juge administratif. L’on ne saurait, par conséquent, justifier de façon
convaincante cette obstination du juge administratif à soustraire les agents contractuels de
l’Administration du service public. Ainsi que le souligne à juste titre Salomon Bilong, le seul
fait qu’on soit lié à l’administration par un contrat de travail ne devrait pas induire la
compétence du juge judiciaire98. L’auteur renchérit en affirmant que « tous les contrats de
travail ne sont pas, dans les conditions normales, des contrats de droit privé »99. L’agent
92
Voir à titre d’illustration le jugement n° 16/08-07 du 18 octobre 2006, Ngo Tonbon Olga c/ Etat du Cameroun
(Université de Yaoundé I), rendu en matière de suspension d’activités d’une contractuelle d’administration.
93
A. Plantey, La Fonction publique, Traité général, op. cit., p. 36.
94
Ibid. p. 37.
95
R-G Nlep, L’Administration publique camerounaise…, op. cit. p. 340.
96
A. Plantey, La fonction publique…, ibid., p. 29.
97
Salomon Bilong remarque avec justesse que le caractère indiciaire du salaire des assistants des universités
ainsi que la possibilité de détermination ou la modification par voie réglementaire de certaines clauses du contrat
range nécessairement les contrats desdits personnels dans le registre des contrats administratifs. Lire le Mémento
de la jurisprudence administrative du Cameroun, op. cit., p. 404.
98
Ibid.
99
Ibid.
19
contractuel qui participe directement à l’exécution du service public administratif devrait
nécessairement être considéré comme lié à l’Administration par un contrat administratif.100
L’unification du contentieux concernerait tous les agents contractuels, étant donné que
nulle part dans sa jurisprudence, le juge administratif camerounais n’a lié sa compétence à la
nature de l’activité exercée par l’agent ; il s’est toujours limité au statut « professionnel » de
ce dernier pour l’écarter de son prétoire. On aurait pensé, à ce niveau, proposer que le juge
administratif camerounais s’alignât sur la jurisprudence Berkani101, si la nature de l’emploi
occupé avait déterminé sa position. Néanmoins, même en se limitant au statut professionnel
des agents, la jurisprudence Berkani pourrait être transposée en droit camerounais puisque, à
notre avis, les différends des Assistants des universités et ceux des autres personnels
contractuels de l’Etat et de ses démembrements devraient être portés à la connaissance du
même juge. Or, le droit positif camerounais en la matière distingue ces agents, qui sont
pourtant tous des contractuels. Il n’est donc pas exclu que le juge camerounais, implicitement,
ait parfois rendu sa décision en se référant à la nature de l’activité ou de l’emploi occupé
(enseignement et recherche pour les Assistants) et autres activités administratives, techniques,
financières etc., pour les autres personnels. Les activités des enseignants seraient dans cette
optique, des activités « de service public », exercées par des « contractuels de droit public » et
d’autres, de nature privée, par des agents contractuels relevant de droit du travail et du droit
privé. Il n’est pas interdit de penser que le juge ait penché pour ce raisonnement, puisque le
seul élément de distanciation entre les Assistants et les autres enseignants contractuels réside
dans l’appartenance de ces derniers au corps de l’enseignement supérieur. C’est alors leur
qualité de « fonctionnaire » qui pourrait induire la compétence du juge administratif.
En admettant qu’il n’y aurait pas de difficulté majeure à attribuer la nature administrative
aux contrats liant les agents contractuels aux services publics administratifs, le contentieux
issu de leurs relations individuelles de travail pourrait être confié au juge administratif. La
lecture des dispositions de la loi102 combinées à celles de la réglementation sur la définition du
contrat de travail, n’écartent pas que la connaissance des « litiges concernant les contrats
conclus même implicitement, sous l’empire du droit privé » intègre les contrats de travail des
agents publics qui pourraient ainsi accéder à la stature de contrats administratifs.
En guise de conclusion
Parvenu au terme de cette étude, pouvons-nous prétendre avoir cerné la question du statut
des agents contractuels de l’Administration au Cameroun ? Les réflexions suggérées,
concernant le contenu du contrat, l’objet dudit contrat et surtout la définition du contrat de
100
Ibid.
101
TC 25 mars 1996, Préfet de la région Rhône-Alpes c/Berkani, AJDA 1996, p. 399. A la suite de moult
rebondissements concernant notamment l’affaire Dame veuve Mazerand précitée, le Tribunal des Conflits a posé
le principe général selon lequel les agents des services publics administratifs sont tous « des agents contractuels
de droit public quel que soit leur emploi ». Cet arrêt est venu mettre un terme au « flou originel » entretenu par la
notion de « participation à l’exécution du service public », en ce qui concerne les agents recrutés par contrat dans
les services publics administratifs (Voir A. Ondoua, Notion de contrat administratif, JurisClasseur Contrats et
Marchés Publics, 13 juillet 2009, précité, p. 29).
102
Ord. n° 72/06 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour Suprême et la loi de 2006 délimitant le champ
de compétence de la juridiction administrative.
20
travail qui intègrent le droit public, amènent à admettre qu’au Cameroun, les agents
contractuels des services publics administratifs sont des agents publics ; ils sont par
conséquent liés à l’administration par un contrat de droit public. Ce faisant, le juge
administratif ne commettrait pas un sacrilège en qualifiant un contrat d’un agent
d’administratif et en retenant sa compétence dans un litige opposant cet agent à la personne
publique.
S’il est permis de discuter sur le contenu - à prédominance administratif - et même sur
l’objet administratif du contrat, avéré, on a de la peine à comprendre que le juge administratif,
chargé d’appliquer la « loi » ignore la définition du contrat de travail prescrite par les textes,
laquelle renvoie aux actes administratifs et n’écarte pas, à l’évidence, le droit public. Le souci
de sécurité juridique devrait pourtant commander le respect des textes. Par ailleurs, la
motivation du juge administratif, fondée sur son domaine de compétence qui exclut les
contrats de droit privé est discutable et ne nous paraît pas suffisante pour justifier le rejet des
réclamations portées à sa connaissance. La position actuelle du juge dans le contentieux des
contractuels des services publics administratifs peut être source de perturbation pour les
justiciables, qui gagneraient à être fixés sur le juge compétent pour trancher leurs litiges.
Le juge administratif qui opte délibérément pour une démarche déviante, à défaut de faire
preuve de facilité ou de paresse, s’écarterait de son office en invitant à chaque fois les
requérants « à mieux se pourvoir ». Cette position invariable n’est peut-être pas gratuite ; elle
pourrait aussi justifier la position constante du juge, prompt à se « débarrasser » des litiges
dont l’issue serait susceptible d’affecter dans la plupart des cas les deniers publics, s’érigeant
ainsi en légitime protecteur du patrimoine public.
21