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Les destinées du droit contemporain des contrats 

: tendances et
perspectives comparatives

Par
Pr Jean-Claude JAMES
(Université OMAR BONGO)

Un vent de réforme souffle depuis le début des années 2000 sur la


matière contractuelle. Le droit contemporain des contrats est, en effet, en
pleine ébullition, en discussion, en révision, en perspectives. Plusieurs
projets de réforme, d'origine européenne, française et africaine, se sont
multipliés avec la même ambition : proposer, dans un contexte de
concurrence et de compétitivité des droits et des systèmes juridiques, un
modèle contractuel élaboré autour des idées doctrinales et les évolutions
jurisprudentielles les plus novatrices. Sans oublier l’apport significatif de la
pratique contractuelle. La réforme engagée poursuit tantôt un objectif de
révision du livre III du code civil français consacré au contrat, fortement
inspirée par les entreprises relativement récentes de codification ou de
recodification de la matière contractuelle en Allemagne, au Québec et aux
pays bas, tantôt l’établissement d’un code européen ou droit commun des
contrats, tantôt l’adoption d’un Acte uniforme OHADA sur le droit des
contrats.

Deux sources majeures semblent constituer le socle idéologique et


substantiel de ces projets de réforme, d’unification ou d’harmonisation du
droit des contrats : les Principes UNIDROIT relatifs aux contrats du
commerce international et les Principes européens du droit des contrats,
dont la portée substantielle et conceptuelle contribue largement à la
construction du droit contemporain des contrats. Dans cette logique, la
question se pose de savoir si cette frénésie réformatrice emporte
renouvellement de la théorie générale du contrat autour de nouveaux
principes directeurs ? Quelle est la théorie générale qui résulte de ces
projets, la tendance générale, les lignes directrices qu’ils dégagent
globalement dans le sens d’un enrichissement voire d’une totale remise en
cause de la théorie classique française du contrat, sa reconstruction ? Cette
dernière est-elle menacée dans son existence comme dans son contenu ?
Peut-elle se concilier avec les Principes contractuels susvisés ou s’en
accommoder ? Faut –il, au contraire, y déceler simplement la volonté des
Etats concernés de moderniser leur droit commun des contrats ?

De ce point de vue, les avant-projets de réforme français d’origine


doctrinale, plus ou moins réceptionnés par le Projet de la chancellerie, dans
sa dernière version publiée en 2015, offre un objet d’étude idéal sous l’angle
du droit comparé. La réflexion vise à vérifier le mythe ou l’effectivité de
l’exception contractuelle française ou son adhésion aux standards
contractuels modernes très largement dominés par les solutions issues de la
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Common Law ou du droit américain. Elle souligne aussi la nécessité de la
modernisation, de l’’adaptation et du réajustement des outils contractuels
classiques hérités du code civil de 1804, afin d’apprécier l’attractivité,
l’accessibilité et la prévisibilité du droit français des contrats, susceptibles
d’influencer d’autres droits en gestation y compris du reste le droit européen
des contrats encore en chantier.

Cette dernière remarque vaut aussi pour l’Avant- projet OHADA des
contrats dont l’issue demeure incertaine, alors même que le droit de la vente
commerciale OHADA tend à illustrer la pertinence de ses options tant sur le
plan de la théorie du droit que sur le terrain de la politique juridique.

Dans ce contexte fait d’incertitude mais également d’avancées


techniques et conceptuelles notables, notre communication, dans le cadre
du colloque sur « Le contrat au début du XXIe siècle : regards croisés droit
privé, droit public, common law », se propose de confronter l’ensemble de
ces projets de réforme du droit des contrats suis-énoncés, quelle que soit
leur origine, pour en décliner les spécificités, les rapports et les apports
respectifs, les forces d’attraction et de répulsion, les points de convergence et
de rupture profonde ou de résistance aux principes du droit européen et
Unidroit des contrats, le cas échéant. L’optique retenue, éminemment
comparatiste, permet d’évoquer, par ailleurs, les codifications abouties ou
en cours de finalisation en Chine, au Japan, en Espagne et en Russie, dans
la bataille d’influence et de leadership que se livre le droit d’essence romano-
germanique et la common law.

De la sorte, la démarche suivie consiste à identifier la conception du


contrat qui résulte de ces projets, sur quoi il repose, quels sont ses
fondements à l’époque contemporaine ? Il conviendra ensuite, sous cet
éclairage renouvelé des fondations idéologiques et politiques du contrat,
d’analyser le contenu des règles techniques ou spéciales consacrées à
travers des notions transversales et des solutions emblématiques examinées
sous l’angle du droit comparé des contrats. Cette confrontation fait
apparaître un phénomène d'attraction, de concordance et de répulsion, ou à
tout le moins d'indifférence entre les projets en gestation, d’abord entre eux,
ensuite et surtout avec les principes consacrés au plan européen et
international. Toutefois, le projet de la chancellerie, au-delà de la
consécration de l’essentiel de la jurisprudence actuelle élaborée depuis le
Code civil de 1804, s’aligne résolument sur les principes susmentionnés.

La méthode de recherche adoptée se fonde, certes sur l’approche


chronologique du processus contractuel, donc de la formation du contrat à
sa rupture ou cessation en passant par la question de sa validité et de son
exécution, elle privilégie cependant la recherche d’un fonds commun
contractuel fondé sur des principes directeurs partagés et des solutions
positives plus ou moins convergentes ou, à tout le moins, fortement ancrées
dans les traditions juridiques en concours.

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La démonstration dévoile une double orientation révélatrice des
grandes tendances dominantes du droit contemporain des contrats, sans
pour autant renier les rigidités et les spécificités tenaces d’un projet à un
autre. Ainsi, le renouveau contractuel se mesure à l’aune de la liberté
contractuelle censée favoriser les échanges économiques. Mais ce postulat
traditionnel, réaffirmé avec solennité dans les projets étudiés, est tempéré
dans ses excès bien connus par les principes de sécurité et de loyauté ou de
bonne foi contractuelle. Au demeurant, de nombreuses solutions techniques
émergent en droit contractuel comparé, de legue lata comme de legue
ferenda, par l’adoption d’une nouvelle vision du droit des contrats plus
soucieuse de justice, de protection du contractant le plus faible, d’efficacité
et d’utilité économique du contrat. Cette vision novatrice rompt avec la
conception classique du contrat, antagoniste, égalitaire et morale.

Cette étude dynamique des projets de réforme du droit des contrats,


confrontés aux principes consacrés, convoque un certain nombre de
théories doctrinales et d’analyse conceptuelle du contrat. Il suffit de songer à
la théorie libérale et volontariste du contrat, l’analyse économique du
contrat, au solidarisme contractuel, à la théorie sociale du contrat ou encore
aux notions structurantes de bonne foi, d’équité, de proportionnalité
contractuelle et d’unilatéralisme en matière contractuelle.

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