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UNIVERSITE HASSAN II

Faculté des sciences juridiques

Economiques et Sociales

AINCHOCK- CASABLANCA

FILIERE : DROIT FRANÇAIS

SEMESTRE 5

ELEMENT DE MODULE :

CONTRATS NOMMES

PROFESSEURE BENIS MERIEM

ANNEE UNIVERSITAIRE : 2019/2020

Professeure BENIS MERIEM


Contrats nommés
Tous droits réservés-Toute reproduction est interdite
Introduction

Classiquement l’intitule contrats spéciaux est en soi quelque peu ambigu,


voire trompeur. Il pourrait évoquer l’idée de contrats particuliers qui
dérogent au droit commun. Or c’est tout l’inverse. Les contrats spéciaux
sont les plus courants des contrats, ceux qui sont tellement pratiqués qu’ils
présentent un caractère répétitif permettant de dégager des catégories
bien classifiées.
Ces catégories sont les différentes espèces que l’on peut recenser au sein
du genre, constitué parmi les actes juridiques, par la notion de contrat en
général. Loin de déroger à la théorie générale des contrats, les contrats
spéciaux en assurent donc la mise en œuvre, l’application concrète aux
différents types de conventions les plus usuelles.
Plutôt que de parler de contrats spéciaux, (dont certains ont acquis une
telle importance, qu’ils constituent désormais de véritables matières a part
entières, tels le contrat de travail, d’assurance, de transport) il faudrait
parler de droit spécialisé des contrats : en effet, le droit des contrats
spéciaux, s’appuie sur la théorie générale des contrats : il en assure non
seulement l’application, mais l’adaptation aux singularités de chaque
espèce. C’est donc moins le contrat qui est spécial, que les règles de droit
qui lui sont applicables. Bien plus, il faut bien comprendre que les règles
spéciales ne sont pas applicables à tous les contrats, mais ponctuellement
à tel ou tel contrat (vente, bail, dépôt, prêt, contrat d’entreprise…Ces
règles spéciales ont naturellement vocation à s’ajouter aux règles de droit
commun ; ce n’est pas parce que le code civil ou le DOC régissent
précisément tel ou tel contrat, que les règles générales ne sont pas
applicables aux contrats dits spéciaux.

Chacune de ces règles, présente en effet des particularités qui servent


précisément à les différencier les unes des autres au sein du genre. Ces
particularités requièrent au-delà de la théorie générale des contrats, des
règles spécifiques et c’est ce qu’exprime le code civil français qui consacre
la distinction entre règles générales et règles spéciales et marque
également la distinction entre les contrats nommés (un contrat auquel la
loi accorde un nom et un régime juridique) et les contrats innommés
(contrat dont le régime juridique n’est pas organisé par la loi). Outre que
tous les contrats sont nécessairement spéciaux, l'appellation "contrats
spéciaux" renvoie donc à un corps de règles spécifiques qui, en théorie,
répond aux caractéristiques propres d’une opération. La théorie générale

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des obligations apparait ainsi constamment en toile de fond dans l’étude
des contrats spéciaux.

Les contrats qui ont une dénomination propre sont dits contras nommes
par dérogation aux contrats innommés. Néanmoins, ce n’est pas le titre
que les parties elles-mêmes peuvent apposer sur leur accord qui compte,
mais l’économie et le contenu de celui-ci : sont nommés les contrats qui
correspondent à un genre, un moule connu et font à ce titre l’objet d’un
corps de règles propre, lequel constitue précisément la matière des
contrats spéciaux. Chaque contrat nommé à ainsi son statut juridique. Ce
corps de règles n’est pas nécessairement impératif : le principe de la
liberté contractuelle conduit au contraire, à regarder comme d’ordinaire
seulement supplétives, les règles relatives à chaque espèce de contrat.
Mais le seul fait qu’elles existent, leur confère néanmoins une portée
considérable : elles s’appliqueront à chaque fois qu’elles n’auront pas été
expressément écartées. Lorsque ces règles sont impératives, leur portée
est encore accrue : du seul fait qu’il sera rangé dans la catégorie
considérée, le contrat sera soumis à ces règles dites d’ordre public.

L’importance de la nomination d’un contrat est donc de premier ordre. Le


plus souvent c’est la loi qui nomme un type de contrat : elle ne le fait
d’ailleurs pas spontanément, mais à partir d’une pratique qui s’est
instaurée et qui a pris une étendue et un caractère suffisamment répétitif
pour qu’il soit utile et opportun de lui offrir un cadre juridique, qui a le
double effet de l’officialiser et de l’encadrer. Mais la loi n’est pas la seule
source, en raison notamment de sa lenteur d’élaboration. La pratique ne
l’attend pas et elle peut progressivement s’ériger en coutume. Il y a des
contrats modernes apparus spontanément et que la jurisprudence
organise peu à peu (crédit-bail, franchise). Avant ou sans intervention
légale, ces contrats n’en méritent pas moins d’être considères come des
contrats nommes, des lors que leur existence déclenche l’application d’un
corps de règles, même s’il reste plus ou moins embryonnaire.

Il y a deux avantages a règlementer ainsi une espèce de contrat devenue


usuelle.

-d’une part en préciser le fonctionnement et les effets sur toute une série
de points que les contractants n’auront pas vus ou réglés, ce qui leur
permettra de procéder par simple référence au modèle légal sans avoir à
élaborer eux-mêmes à chaque fois un contrat détaillé (par exemple, la
vente d’un bien entrainera automatiquement garantie des vices cachés et
d’éviction même si les parties n’ont pas prévues ces hypothèses)

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-d’autre part en imposer certaines règles considérées comme essentielles
et prévenir ainsi des abus : c’est l’objet des règles impératives inspirées
par des motifs de politique juridique de divers ordres (protection de
certains contractants comme les consommateurs)

La doctrine classique avait pour coutume d’opposer les grands et petits


contrats, les premiers étant plus importants économiquement, ce qui
justifiait parfois un ensemble de règles complètes et détaillées : exemple :
le contrat de vente, le louage, contrat de société. Les petits contrats (prêt,
cautionnement, dépôt) retenaient moins l’attention parce qu’ils semblaient
moins juridiques, presqu’à la limite du non droit comme concernant des
relations amicales plus du ressort des mœurs et de la sociologie que du
droit. Mais là encore l’évolution sociale et économique a fait son œuvre.
En particulier le développement d’une économie de services et de crédit,
a fait grandir certains contrats : de nos jours, les contrats d’entreprise, de
mandat, de prêt d’argent, de travail…. sont incontestablement devenus de
grands contrats par leur rôle économique.

L’évolution s’est en outre traduite par un autre phénomène : la poursuite


de la spécialisation conduisant à l’apparition au sein de chaque espèce,
de différentes variétés ou sous espèces : Ainsi parmi les baux, il faut faire
place aujourd’hui aux baux d’habitation, aux baux commerciaux. Parmi les
prêts d’argent, une place aux crédits à la consommation, aux prêts
immobiliers. Il n’est presqu’aucun des contrats spéciaux qui ait échappé à
ce phénomène, lequel conduit à une superposition verticale : a la base il
y a le droit commun de la théorie générale des contrats : au stade
intermédiaire, il y a le droit commun de tel contrat spécial (droit commun
du bail) et au-dessus encore, il y a le droit particulier de la variété
considéré (bail commercial par exemple).

Classer un contrat concret dans telle ou telle des catégories ainsi


dégagées constitue l’opération intellectuelle de qualification (opération
consistant à étudier les éléments objectifs du contrat afin de lui attribuer
un régime juridique). Elle exige de se fonder sur une étude objective des
éléments qui composent le contrat et plus particulièrement sur les droits
et les obligations naissant de cette convention. Elle exige également
d’analyser l’économie du contrat qui peut aller du plus simple au plus
complexe : cette opération est fondamentale dans le droit des contrats
spéciaux car c’est elle qui déclenchera l’application du régime propre à tel
ou tel contrat nommé. C’est pourquoi elle constitue une opération de droit
sur laquelle la cour de cassation exerce son contrôle et elle consiste à
rechercher l’élément essentiel du contrat envisagé dans son ensemble
pour en dégager la qualification globale. Pour ce faire, les juges doivent
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s’attacher non pas à la dénomination affichée par les parties, mais à
l’analyse de l’économie réelle de leur accord : ils ne sont pas lies par le
titre donné par les parties au contrat et peuvent ainsi estimer, qu’un contrat
qualifié de prêt correspond en réalité à un bail : Il leur appartiendra de
requalifier en conséquence le contrat afin de lui appliquer le régime
juridique idoine étant donc entendu, que le contenu prévaut sur l’intitulé.

Il arrive fréquemment que la pratique crée des sortes de contrats qui ne


correspondent à aucune catégorie ou moules juridiques connus. En effet
en raison de la complexité ou de l’originalité de l’opération voulue par les
parties, il est impossible de faire rentrer me contrat dans l’un des moules
constitués par les contrats nommés et il n’est guère possible de lui
appliquer les statuts des contrats spéciaux (exemple : le contrat
préliminaire de réservation par lequel un vendeur s’engage à réserver à
l’acheteur éventuel, un immeuble ou un partie d’immeuble, e, contrepartie
du versement d’un dépôt de garantie, est un contrat sui generis qui ne
peut être assimilé à une promesse unilatérale de vente) On parle alors de
contrats sui generis (de son propre genre) ce qui n’est pas une
qualification mais la constatation de l’échec de la tentative de qualification
et par voie de conséquence, qu’il s’agit d’un contrat innomé. A noter
toutefois que certaines qualifications sui generis, sont proposées pour
éluder l’application de certaines regles impératives (par exemple c’est le
cas de la convention d’occupation précaire qui n’est autre chose qu’un bail
qu’on ne veut pas soumettre à la durée légale).

De ce qui précède, il n’est pas aisé d’établir une liste des contras nommés
par nature, sujette à l’évolution à la fois dans son contenu et dans ses
ramifications. Cependant cette évolution est assez lente pour qu’on puisse
dresser une telle liste sachant qu’elle n’est pas invariable. Le droit
marocain connait un double phénomène inverse de codification : Retirant
certaines matières des codes classiques à l’occasion d’une réforme
législative et de recodification par l’élaboration cde codes spécialisés.

On connait déjà les grandes classifications énoncées par le DOC lui-


même et qui traversent le droit des contrats : contrat onéreux ou gratuits,
synallagmatiques ou unilatéraux, contrats civils et commerciaux, ces
multiples classifications qui se recoupent ne sont guère appropriées
lorsqu’il s’agit de présenter les catégories essentielles de contrats
nommés : Mieux vaut s’attacher à l’objet et au rôle de ces contrats ce qui
permet d’en dégager cinq catégories essentielles.

-ceux qui sont translatifs de propriété (vente, échange)

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- ceux portant sur l’usage de biens (bail, prêts des choses)

-ceux qui ont trait à des prestations de services (contrat de dépôt, de


mandat)

-ceux qui ont pour objet un crédit (prêt d’argent, prêt de consommation,
crédit-bail)

- ceux qui ont enfin pour objet des évènements incertains et que l’on
nomme contrats aléatoires (jeux et paris, transaction).

Partie 1 : Les contrats translatifs de propriété

Il s’agit de contrats emblématiques et particulièrement utiles à la vie


économique. La particularité essentielle de ces contrats translatifs de
propriété, au centre desquels se trouve la vente, est de porter sur un bien
mais surtout sur un droit réel concernant ce bien. En transférant un droit
réel (propriété ou démembrement) ces contrats investissent l’acquéreur
d’un rapport de droit direct avec la chose.

Cet effet réel, donne à ces contrats une portée toute particulière, à savoir
une opposabilité aux tiers laquelle prend un relief particulier lorsque ce
contrat transfère un droit réel puisqu’un tel droit, est par définition
opposable à tous : le contrat va constituer pour le bénéficiaire le titre de
propriété qu’il pourra naturellement, faire respecter par tous.

Titre I : La vente.

Le DOC donne une définition de la vente à l’article 478 du DOC « C’est le


contrat par lequel l’une des parties transmet la propriété d’une chose ou
d’un droit à l’autre contractant, contre un prix que ce dernier s’oblige à lui
payer ». C’est ici le rapport d’obligations qui définit le contrat de vente.
Plus généralement, il faut retenir que le contrat de vente est un contrat
translatif de propriété portant sur un bien en contrepartie du versement
d’un prix. La vente est donc :

- un contrat synallagmatique Le contrat de vente fait naitre des


obligations réciproques à la charge des parties contractantes ; de sorte
que chacune d’elles est en même temps, créancière et débitrice de l’autre.
Cette analyse entraine d’importantes conséquences en cas d’inexécution
notamment l’exception d’inexécution (article 235 du DOC), la résolution
judicaire, la théorie des risques…
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- un contrat translatif de propriété (c’est ce qui est caractéristique de la
vente et qui la distingue du bail). Cependant la vente n’est pas le seul
contrat translatif de propriété. (Il y a par exemple l’échange ou la
donation).

- La vente est un contrat conclu à titre onéreux (articles 488-490 du


DOC), ce qui la distingue de la donation qui est un contrat conclu à titre
gratuit….

- C'est un contrat en principe consensuel : le contrat est formé par le


seul échange des consentements : Article 488 DOC : « la vente est
parfaite dès que les parties sont d’accord sur la chose et sur le prix »
Néanmoins, certaines exceptions et tempéraments viennent se greffer à
ce principe. Par exemple, certaines ventes importantes sont au contraire,
soumises à certaines formes exigées pour la validité de l’acte à peine de
nullité : l’écrit est requis dans ces ventes, ad solimnitatem et non ad
probationem (vente de fonds de commerce, vente à crédit, ventes
immobilières…) Au titre des tempéraments évoqués, la loi peut parfois
exiger pour la preuve du contrat ou pour la publicité de l’acte,
l’accomplissement de certaines formalités.

- La vente est un contrat commutatif : Les obligations réciproques des


contractants sont regardées comme l’équivalent l’une de l’autre

Le contrat de vente est sûrement le plus usuel des contrats et le plus


important dans la vie économique : C'est lui qui permet une circulation des
biens et des valeurs, c’est le pilier d'une économie. Dans une économie
libérale qui repose sur la distribution et la consommation de masse, la
vente est le rouage essentiel.

Chapitre I : Les éléments de la vente

Comme tout contrat, la vente doit obéir aux quatre conditions de formation
énoncées à l’article 2 du DOC, à savoir : Le consentement des parties,
leur capacité à contracter, une cause licite et un objet certain, qui forme la
matière de l'engagement.

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Il faut voir quelles sont les règles spéciales qui régissent la formation du
contrat de vente (Articles 478 et suivants) : Il est deux éléments
indispensables à l’existence même d’une vente : le transfert d’une chose
contre le paiement d’un prix. Sans ces deux piliers, un contrat ne peut pas
recevoir la qualification de vente.

En l’absence de prix, il pourra y avoir donation s’il n’y a aucune


contrepartie ou échange si la contrepartie consiste en un autre bien voire
en un apport en société si la contrepartie réside, dans l’attribution de parts
sociales.

Section I : Le transfert d’une chose

A La chose

1- Les choses vendables

La chose ne devient un bien au sens juridique et par conséquent, objet du


contrat, que lorsqu’elle est dotée d’une valeur patrimoniale (marchande)
et qu’elle puisse faire l’objet d’une appropriation exclusive (article 57 du
DOC)

Par ailleurs, la chose objet de la vente, doit être dans le commerce : Une
chose ne peut faire l’objet d’un contrat que si elle est susceptible
d’aliénabilité et qu’autant que la loi le permet : la vente peut donc porter
sur toutes sortes d’objet : meubles ou immeubles, corps certains ou
choses de genre, biens ou droits incorporels. Par dérogation au principe,
certaines choses ne peuvent faire l’objet d’une vente (article 484 DOC)
Sont ainsi visées les choses hors commerce (personne humaine,
clientèle, bénéfice des autorisations administratives, droits fondamentaux
de la personne tel le droit de vote, gestation pour autrui…….).

2- La chose vendue

Pour qu’il puisse y avoir vente, il faut que la chose concernée soit vendable
en elle-même, mais qu’elle soit précisément identifiable ou identifiée par
application des dispositions afférentes à la détermination de l’objet de tout
contrat.

Pour les corps certains (chose individualisée et non substituables) il faut


des indications suffisantes à l’acte pour pouvoir identifier le bien concerné.
La chose objet du contrat est donc déterminée par sa
marque/puissance/modèle/couleur/matricule ou par sa superficie/ses
éléments d’identification au registre foncier, de façon à éviter tout risque
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de confusion, avec d’autres choses de même espèce. Ainsi dans la
cession à forfait qui peut suivre une faillite, la vente porte sur tous les
éléments d’actifs de l’entreprise.

Pour les choses de genre qui se caractérisent par leur fongibilité (article
486 du DOC), la détermination peut s’effectuer par la précision de la
quantité et de l’espèce convenues dans les ventes ordinaires dénommées
« au poids, au compte ou à la mesure » (article 494 du DOC) : exemple :
telle quantité de blé de telle variété. L’individualisation est une condition
d’exécution du contrat et peut ainsi se faire par référence à un modèle
type (vente sur types/spécimen) ou à une marque particulière (vente sur
marques).

La chose vendue étant désignée, la chose vendue est-elle subordonnée


à son existence au moment de la vente ?

Pour les choses péries au moment de la vente, le principe est que la vente
est nulle : il y a perte si la chose n’existe plus du tout (marchandises ayant
brulé) mais aussi si elle a perdu ce qui faisait sa valeur (marchandises
pourries) Lorsque la perte n’est que partielle (immeuble détruit en partie)
l’acheteur a le choix entre la nullité et la réduction proportionnelle. Cette
règle n’est cependant pas d’ordre public, car elle peut être écartée par la
nature aléatoire du contrat : l’existence de la chose n’est alors pas
nécessaire, car l’incertitude dont elle fait l’objet constitue précisément
l’aléa (achat à ses risques et périls d’un lot de marchandise en cours de
transport par mer)

Pour les choses futures (article 61 du DOC) : Elles peuvent faire l’objet
d’une vente à terme valable : objet à fabriquer, immeubles à construire, …
Dans le cas ou la chose future peut faire l’objet d’une vente, celle-ci
devient caduque si la chose ne parvient pas à existence, sans faute de
part ou d’autre (récolte détruite avant terme ; les marchandises vendues
ne sont pas fabriquées pour une raison étrangère au vendeur) Mais si la
disparition a lieu après l’échange des consentements, le contrat est formé
et le problème est résolu par la répartition des risques.(En matière de
vente, les risques pèsent sur l’acheteur qui est immédiatement
propriétaire,).

Précisons qu’il y a deux sortes de ventes d’immeubles à construire : La


vente à terme et la vente en l’état futur d’achèvement. Dans la vente à
terme, le transfert de propriété se fait le jour où l’immeuble est achevé,
avec un effet rétroactif au jour de la conclusion du contrat. La vente en
l'état futur d'achèvement est plus originale : Le transfert de propriété
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s’opère immédiatement pour le sol. En revanche, la propriété est acquise
sur les constructions au fur et à mesure de leur avancement et le prix est
payé à mesure de l’avancement des travaux (contrat réalisé par tranches).

B Le droit sur la chose

S’agissant de la nature du droit cédé, le plus souvent la vente porte sur le


droit de propriété en son entier, qu’on appelle pleine propriété. Mais on
peut aussi céder un simple démembrement du droit de propriété, c'est-à-
dire l’une de ses composantes puisque les attributs du droit de propriété
peuvent être temporairement séparés (nue-propriété, usufruit…)

De même il se peut aussi que les droits appartiennent à un ensemble de


copropriétaires indivis, notamment à la suite de successions. Ces
copropriétaires peuvent bien entendu se réunir et vendre ensemble le droit
en son entier mais un seul des Co indivisaires peut céder sa part dans
l’indivision : l’acquéreur entrera dans l’indivision au lieu et place du
vendeur. Les autres indivisaires peuvent s’opposer à cette intrusion en
exerçant un droit de préemption afin de se substituer à l’acquéreur.

Quant à l’existence du droit cédé, on évoquera à titre d’illustration la vente


de la chose d’autrui (485 DOC) : destinée à transférer un droit, la vente
n’est valable que si le vendeur est bien titulaire de ce droit : a défaut, tt
transfert est impossible en vertu de la règle « nul ne peut transférer un
droit qu’il n’a pas ». Une telle vente n’implique pas toujours la mauvaise
foi du vendeur.

Par exemple c’est le cas du vendeur qui dispose au moment de la vente,


d’un titre qui se trouve ultérieurement annulé ou résolu : la rétroactivité de
cette annulation ou résolution, entraine des effets en cascade, toutes les
reventes du bien étant désormais des ventes de la chose d’autrui. Ces
ventes sont nulles, mais il s’agit d’une nullité relative à la disposition de
l’acheteur dont elle protège les intérêts, et non du vendeur : la nullité est
couverte si le vendeur qui n’était pas propriétaire au moment de la vente,
le devient, par la suite (vente d’un bien sous condition suspensive de
l’acquérir du véritable propriétaire pour être en mesure d’en assurer la
délivrance). La vente sera alors consolidée.

Quant au véritable propriétaire, l’action en nullité ne lui est pas ouverte,


car il n’a pas à se préoccuper de cette vente conclue par des tiers sur son
propre bien qui ne l’oblige pas (effet relatif des contrats) : il peut donc
l’ignorer et si l’acheteur a reçu possession, ce véritable propriétaire,
dispose d’une action en revendication.
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Section II Le prix

L’existence d’un prix est un élément indispensable de la vente (article 488


du DOC) Il est une contrepartie monétaire représentée par une somme
d’argent. Le principe établi est la liberté des prix. Sauf exceptions, les prix
sont librement fixés par les parties au contrat de vente ce qui dans le cadre
d’une économie libérale où les prix résultent du jeu de l’offre et de la
demande, apparait logique. Le prix est en premier lieu un instrument de
qualification du contrat de vente. C’est l’existence d’un prix qui permet de
qualifier une convention de contrat de vente. C’est en cela que la vente se
distingue de l’échange ou de la donation. Des requalifications du contrat
sont alors possibles.

A défaut de prix, un contrat de vente peut être requalifié en donation s’il


existe une intention libérale. Outre la qualification du contrat, le prix
intervient aussi au stade de la validité du contrat : C'est une condition de
validité du contrat de vente. Il ne faut pas oublier non plus que le paiement
du prix est l’obligation principale assumée par l’acheteur.

A Nécessité d’un prix :

1- Le prix doit être déterminé ou déterminable.

Il en va du prix comme de la chose : il doit être déterminé ou déterminable.


Autrement dit, les éléments essentiels d’une vente (la chose et le prix)
doivent être suffisamment précis pour permettre aux volontés de se lier et
de donner naissance à un accord de volonté. L’article 487 DOC dispose
que le "Le prix de la vente doit être déterminé » Il appartient aux parties
elles-mêmes d’évaluer la chose

Ou bien le prix est immédiatement chiffré, ou bien sans l’être, il est fixé
par référence à des éléments qui le rendent déterminable le jour ou il devra
être payé. Il faut que ces éléments de référence soit en revanche
suffisamment précis pour permettre de chiffrer le prix le jour venu sans
nouvel accord des parties (cours de la bourse de telle marchandise, au
tarif moyen de fournisseurs désignés…)

En outre, il est permis aux parties de déroger aux dispositions de l’article


487 et de confier le soin de fixer le prix à un tiers appelé arbitre ou expert :
ce tiers est donc un mandataire commun des deux parties qui le charge
d’une mission juridique qui consiste à fixer un prix précis lequel s’impose
aux parties : la simple indication d’une fourchette de prix est insuffisante.

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Il existe aussi différentes clauses, imaginées par la pratique, qui
permettent une déterminabilité du prix.

Ces clauses sont considérées comme valables.

Il s’agit en premier lieu de la clause de prix catalogue : le prix sera le prix


en vigueur au jour de la livraison (tel que fixé par le fabriquant ou le
constructeur).Cette clause est fréquente dans les contrats de concession
automobile.

En second lieu, est normalement valable la clause qui fait référence au


prix tel que fixé par un cours ou une cotation sur un marché comme l'argus
pour les véhicules par exemple (longtemps nulle aux yeux de la
jurisprudence française une telle clause doit être considérée comme
valable si les facteurs de référence sont précis et objectifs).Enfin est
également valable la clause d’offre concurrente : oblige le vendeur à
baisser son prix si un concurrent pratique un prix plus bas que celui
initialement proposé.

L’indétermination du prix prive la vente d’une de ses conditions


d’existence et à défaut de prix, la vente est de nullité absolue. Si les parties
ne se sont pas mis d'accord sur un prix au moment de la signature du
contrat, ce dernier est nul, même si les parties se mettent d'accord
postérieurement sur le montant. La raison est, qu'au moment de la
signature du contrat, il manquait un élément essentiel, la détermination
d'un prix.

Dès l’instant où les parties n’ont pas prévu un prix dans leur contrat, le
juge ne peut pas se substituer à elles et fixer judiciairement le prix de la
vente. Dans ce cas le contrat est nul.

Si la détermination dépend d’une seule des parties, l’accord de volonté fait


défaut et le contrat est nul soit pour indétermination du prix soit pour
l’existence d’une condition potestative (article 112 du DOC « L’obligation
est nulle lorsque l’existence même du lien dépend de la nue volonté de
l’obligé (condition potestative). Néanmoins, chacune des parties ou l’une
d’elles, peut se réserver la faculté de déclarer dans un délai determiné, si
elle entend tenir le contrat ou le résilier. Cette réserve ne peut etre stipulée
dans la reconnaissance de dette, dans la donation, dans la remise de
dette, dans la vente à livrer dite « selem ») Il faut en effet que la
déterminabilité se fasse sur la base d’éléments objectifs, échappant ainsi
à la volonté d’une seule des parties.

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2- Le prix doit être réel et sérieux.

La raison d’être de cette condition se trouve dans la théorie de l’objet et


de la cause. Il ne suffit pas que la vente ait été voulue, il faut que
l’obligation du vendeur ait une cause et un objet, qu’ils soient réels et
revêtent un minimum de sérieux. Ainsi et si le prix est inexistant, dérisoire
ou vil, la vente est atteinte d’une nullité absolue.

Dans le droit fil de ce qui précède, l’existence d’un prix exige que le prix
fixé ne soit pas une simple apparence (prix fictif): lorsque le parties
simulent un prix mais conviennent qu’il ne sera pas versé, de sorte que ce
prix est purement fictif, il n’y a pas de vente véritable. Cette simulation a
pour but de déguiser une donation que les parties veulent cacher aux
proches ou au fisc : il s’agit donc d’une donation déguisée, catégorie
soumise à un régime juridique propre.

De même le prix ne doit pas être un prix vil ou dérisoire et c’est le cas si
le prix convenu, quoique réellement versé, est tellement minime qu’il ne
constitue pas une véritable contrepartie. Il y a vil prix, lorsqu’en réalité le
montant est si dérisoire qu’il équivaut à une absence de prix. Ce qui est
en cause, ce n’est non une insuffisance de prix mais une inexistence
réelle. (Ventes à prix symboliques).

Plus spécifiquement et lors des cessions d’entreprises en difficultés, Il est


admis que la vente de telles entreprises (en réalité des droits sociaux)
pour un euro symbolique est valable. Il faut cependant qu’en dehors du
prix (qui est dérisoire), le contrat soit causé par une contrepartie réelle.
Exemple : engagement de payer les dettes de l’entreprise). Le prix sera
dérisoire si des parts sociales sont cédées pour une somme inférieure,
aux dividendes de l’année. La nullité encourue de la vente repose donc
sur un défaut d’objet du contrat ou défaut de cause de l’engagement du
vendeur.

B Montant du prix

Le problème du juste prix est de l’ordre de la philosophie juridique Doit-on


donner le pas à la liberté contractuelle dont le plus fort peut abuser ou à
une justice contractuelle imposant un équilibre minimum entre le prix
convenu et la valeur réelle de la chose ? La réponse de principe étant que
des lors que le consentement des parties n’est pas vicié par dol ou
violence et des lors qu’elles sont capables, le prix qu’elles ont fixé

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s’impose à elles, sans que le juge ne puisse réduire ce prix qu’il juge par
exemple excessif.

Des correctifs sont toutefois aménagés : c’est le cas en matière de prix


lésionnaire qui est un prix désavantageux, qui n’entretient pas un rapport
avec la valeur réelle du bien. La lésion est un déséquilibre entre les
prestations réciproques que se sont promises les cocontractants,
déséquilibre qui doit exister dès la formation du contrat. La lésion n’est
prise en compte, que si elle préjudicie au vendeur et s’il s’avère une
différence au-delà du tiers entre le prix porté au contrat a la valeur effective
de la chose (articles 54, 55 et 56 DOC)

Chapitre II : La formation de la vente

I Le droit de vendre et d’acheter

A Restrictions au droit de vendre et d’acheter

1-Restrictions au droit de vendre

Incapacités : La vente étant le type même de l’acte de disposition, toutes


les règles gouvernant ces actes sont applicables : nul ne peut vendre un
bien s’il n’a la capacité de disposer. Cela s’applique aux incapables
proprement dits, aux mineurs non émancipés et aux majeurs en tutelle ou
curatelle. Le mineur ou majeur en tutelle doivent être représentés par leur
administrateur légale ou tuteur lequel doit lui-même être autorisé.

Clauses d’inaliénabilité : Il arrive que des biens qui peuvent


intrinsèquement être vendus, soient frappés d’inaliénabilité dans le
patrimoine de leur titulaire actuel, lequel ne pourra les vendre. C’est le cas
de certains biens dans le cadre des procédures de redressement
judicaire : le tribunal peut décider que les biens indispensables à la
continuation de l’entreprise, ne pourront être aliénés, pour une durée qu’il
fixe, sans son autorisation.

2 Restrictions au droit d’acheter

L’acte d’achat est un acte de disposition puisqu’il emporte aliénation du


prix. Les incapacités générales (mineurs, majeurs, débiteur en liquidation
judiciaire) s’appliquent également, du moins à l’égard d’achats importants
et à crédit. Certaines personnes se trouvent privées du droit d’acheter
certains biens : Ces incapacités sont le plus souvent liées aux fonctions
de l’acheteur dont on craint qu’il puisse abuser pour servir ses intérêts : le
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tuteur ne peut acheter les biens dont il a la gestion, le mandataire, ceux
qu’il doit vendre.

3 Restrictions au droit de ne pas vendre

Refus de vente : Nul ne peut être contraint de céder sa propriété :


néanmoins et dans le domaine particulier du commerce, le refus de vendre
apparait anormal puisque l’activité même du producteur ou du
commerçant, est de vendre ses produits. Dans ce cas un refus n’est pas
dicté par le souci de conserver son bien et ne peut que refléter d’autres
motivations, liées à la personne de l’acquéreur : or ces motivations ne sont
pas toujours licites et procèdent d’un souci discriminatoire pouvant
entraver la fluidité du marché et le jeu de la libre concurrence (à l’égard
des consommateurs ce refus est interdit sauf motif légitime)

Ventes forcées : Le principe de libre conservation de son bien cède


encore dans certains cas à des impératifs supérieurs (exemple : en
matière d’expropriation pour cause d’utilité publique, saisie des biens du
débiteur insolvable…)

B Restrictions au libre choix du contractant

Ces restrictions peuvent prendre deux formes : dans certains cas le


candidat à la vente doit s’adresser à une personne précise prédéterminée
et ne pas s’adresser ailleurs : dans d’autres cas, s’il choisit dans un
premier temps son cocontractant, ce choix n’est pas définitif et il peut subir
une substitution de partenaire

Dans le premier cas :

1 Cocontractant predéterminé : Le promettant ne s’est nullement


engagé à vendre ou acheter effectivement, mais seulement à s’adresser
au bénéficiaire si jamais il veut vendre ou acheter, ce qu’il reste libre de
faire. Tant qu’il ne fait rien, il n’est donc pas en faute, sa seule obligation
consistant à ne pas s’adresser ailleurs. C’est le cas par exemple du pacte
de préférence qui est l’engagement de réserver la préférence au
bénéficiaire, si l’on décide de vendre ou d’acheter et de lui faire donc en
priorité, une proposition dans ce sens avant de s’adresser ailleurs.

Il s’agit ainsi le plus souvent d’une préférence de vente consentie par le


propriétaire d’un bien de valeur (immeuble, actions de société) Ce pacte
est souvent l’accessoire d’un contrat principal (soit d’un bail avec
préférence au profit du locataire soit d’une vente avec préférence au profit
du vendeur si l’acheteur décide de revendre).
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Le pacte est donc créateur d’une obligation purement négative, ne pas
vendre sans avoir fait une offre au bénéficiaire, il n’est pas une promesse
de vente. Tant que le promettant n’envisage pas de vendre le bien
concerné, le pacte peut ainsi venir à expiration sans avoir jamais trouvé à
jouer. A défaut le promettant, semble indéfiniment tenu envers le
bénéficiaire.

Enfin si le promettant a cédé le bien à un tiers sans respecter le pacte, si


le tiers est de bonne foi, la vente ne peut être atteinte et la sanction ne
peut consister qu’en des dommages et intérêts. Mais si le tiers est de
mauvaise foi, la vente conclue en fraude des droits du prioritaire peut être
annulée et ce à condition que la mauvaise foi soit caractérisée et que le
tiers ait eu connaissance de l’existence du pacte mais aussi de
l’intervention des bénéficiaires à s’en prévaloir.

Clauses d’exclusivité : Dans le domaine de la distribution, il arrive que les


parties partenaires se consentent une telle clause et il peut s’agir soit
d’une exclusivité d’achat (clause d’approvisionnement exclusif par
laquelle un distributeur s’engage à se fournir auprès de tel fabricant
seulement) soit de vente (concession exclusive par laquelle un fabricant
s’engage à ne fournir qu’un seul distributeur dans un secteur délimité)

2-Cocontractant substitué

Droit de préemption ou de retrait : Permet à son titulaire de prendre la


place de l’acquéreur dans le contrat, à charge d’en assumer les
obligations. (co indivisaires en cas de cession de droits indivis). Lorsque
la vente est conclue au mépris de ce droit, et donc sans notification au
bénéficiaire, la sanction est variable : parfois c’est la substitution pure et
simple de ce bénéficiaire qui peut venir chasser l’acquéreur, mais dans
d’autres cas ce n’est que la nullité de la vente opérée irrégulièrement.

Clauses d’agrément C’est celle qui subordonne la réalisation définitive, de


la vente à l’agrément de l’acquéreur par un tiers qui doit ainsi donner son
approbation à la vente pour qu’elle soit parfaite. Se rencontre dans le droit
des groupements : les associés d’une société ont intérêt à disposer d’un
tel droit de regard sur la cession de parts sociales, car l’acquéreur va se
trouver ainsi entrer dans la société. Il en va de même en cas de vente d’un
fonds de commerce incluant un droit au bail, le propriétaire des murs a un
intérêt à agréer l’acquéreur qui va devenir son locataire.

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Dans certains cas cette clause sera purement interdite (liberté de vendre
est prioritaire sur l’intuitu personnae et tel est le cas en matière de
copropriété ou la vente d’un lot ne peut être soumise à l’agrément des
autres copropriétaires) Dans d’autres cas, c’est l’inverse et c’est le cas en
matière de cession de bail ou l’intuitu personnae est valable.

Lorsque cette clause est méconnue, la sanction est simple : la vente est
inopposable à celui dont l’agrément était requis ; Entre les parties, la vente
reste valable, mais elle ne présente plus aucun intérêt, il y’a donc lieu à
résolution de celle-ci.

C Restrictions aux conditions de vente

Dans le domaine du commerce, il est interdit de s’engager à respecter un


prix minimum de revente des produits, car cela constitue une pratique
restrictive de concurrence : sont donc prohibés les clauses de prix imposé
ainsi que les pratiques concertées (entente). Il se peut aussi et c’est le cas
des clauses relatives au mode de vente, que le propriétaire se soit engagé
à ne vendre que dans certaines conditions (par ex en matière
commerciale, à ne pas vendre en dehors d’un certain type de magasin, à
consentir certaines garanties) Ces clauses sont inspirées par le souci d’un
fabricant de préserver une certaine image de marque à ses produits.

II Le processus de vente

La formation du contrat de vente suit le droit commun C’est dire qu’au


schéma simple de la rencontre des consentements, résultant de la
conjonction d’une offre et d’une acceptation, viennent s’ajouter toute une
série de perturbations qui confèrent à la matière une apparence assez
compliquée. Il y’a souvent succession de plusieurs étapes, avant que la
vente ne soit définitivement conclue.

Le principe en la matière étant la formation instantanée du contrat de


vente par le seul fait de la rencontre des volontés : peu importe que la
vente ne soit pas immédiatement exécutée et la chose non livrée puisque
c’est ici de sa conclusion qu’il s’agit, les effets n’en étant que sa suite
logique (article 583 DOC : vente parfaite dès qu’on est convenu de la
chose et du prix quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix
payé). La règle fondamentale est donc que la vente est parfaite donc
définitivement formée dès l’accord des parties sur le prix et la chose : c’est
donc ce principe de la formation immédiate et définitive de la vente qu’il
faut garder à l’esprit en examinant les mécanismes qui viennent y
déroger :

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A Promesses de vente ou d’achat

Les promesses de vente recouvrent des réalités diverses : Il s’agit tantôt


d’un engagement souscrit par une seule partie qui promet de vendre ou
d’acheter tandis que l’autre conserve toute liberté et réserve ainsi son
consentement à la vente définitive : on parle de promesses unilatérales
par lesquelles le promettant consent au bénéficiaire une option, c'est-à-
dire un choix : acquérir (ou vendre) ou renoncer :Elles seules,
décomposent la formation de la vente en opérant un décalage entre le
moment où chacun donne son consentement : celui du promettant est
donné dès la promesse, celui du bénéficiaire ne sera donné que plus tard,
lorsqu’elle décidera de lever l’option.

Tantôt au contraire les parties s’engagent d’ores et déjà en promettant


l’une de vendre, l’autre d’acheter : on parle de promesse synallagmatique.

Ce qui est commun à ces deux sortes de promesses, c’est de constituer


des contrats préparatoires : dans les deux cas il y a bien contrat et même
la promesse unilatérale est un contrat car elle résulte de l’accord des
parties pour conférer à l’une d’elles une option, dans des conditions
précises. Dans les deux cas ce contrat est préparatoire. La promesse
synallagmatique ne fait que préparer l’acte qui va définitivement sceller la
vente avec tous ses effets envers les tiers.

1 Promesses unilatérales

Ce qui les caractérise c’est le décalage dans le temps des


consentements : le promettant donne le sien à la vente dans les conditions
fixées, et il ne peut le révoquer durant toute la durée de vie de la promesse
Quant au bénéficiaire, il ne donne son consentement que lors de la levée
d’option et seulement à ce moment-là. C’est seulement à ce moment-là
que la vente se forme par l’adjonction de ce nouveau consentement, celui
auparavant fourni par le promettant : ce moment de formation de la vente
est lourd de conséquences, car c’est lui qui détermine la validité de la
vente et fixe le point de départ des divers effets du contrat.

Promesse unilatérale D’achat : Le promettant est l’acheteur qui s’engage


à acheter le bien si le propriétaire (bénéficiaire de la promesse) décide de
le vendre. Il faut juste que la chose et le prix soient déjà déterminés selon
les règles applicables à la vente puisqu’il suffira au bénéficiaire de lever
l’option pour que la vente soit parfaite ; Tant que le propriétaire n’a pas
pris le parti de vendre, la promesse d’achat ne produit aucun effet : en
effet le promettant (l’acheteur)peut acheter ailleurs des biens semblables

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ce qui ne l’empêchera pas d’acquérir le bien concerné si l’option est levée.
De plus le propriétaire reste libre de disposer de son bien, notamment s’il
trouve acquéreur à meilleur prix, le bénéfice de cette promesse pouvant
alors être transmis à son acquéreur. Si l’option n’est pas levée dans les
délais par le propriétaire, le promettant n’aura donc pas à acheter et sera
libéré. Dans le cas inverse, lorsque le propriétaire lève dans les délais
l’option, la vente est parfaite par le seul fait de cette décision. En effet au
consentement de l’acquéreur qui a déjà été donné lors de la promesse,
vient s’adjoindre celui du propriétaire vendeur et c’est à cet instant précis
que se forme la vente.

Promesse unilatérale de vente C’est celle qui lie le vendeur tandis que
l’acheteur bénéficie d’une option. S’il reste libre, l’acquéreur éventuel paie
cette liberté car s’il renonce à l’opération, il s’acquittera d’une indemnité
d’immobilisation, laquelle est en pratique versée dès signatures de la
promesse et si la vente se réalise elle s’imputera sur le prix de la vente ou
restera acquise au promettant vendeur

Ce schéma peut se compliquer par la stipulation très fréquente d’une ou


plusieurs conditions suspensives (par exemple, quant à la délivrance des
renseignements d’urbanisme ou obtention d’un prêt par le bénéficiaire) : il
faut alors combiner les règles de la promesse et de la condition Ainsi si la
condition défaille (crédit non obtenu) , le contrat de promesse est caduc
et le bénéficiaire ne peut donc plus lever l’option et ne sera plus tenu au
versement de l’indemnité d’immobilisation et peut même en obtenir la
restitution s’il l’a déjà versé. Si la condition se réalise en revanche, le
contrat de promesse produit ses effets normaux.

A noter que pendant la durée de vie de la promesse, on se trouve


essentiellement en situation d’attente et durant cette période d’attente, le
promettant n’est soumis qu’à une obligation de ne pas faire. Il ne doit rien
faire qui viendrait faire obstacle à la vente si le bénéficiaire lève l’option
(par ex il ne pourra disposer de son bien en faveur d’un tiers). Quant au
bénéficiaire, il ne jouit durant cette période d’attente que d’un droit
personnel à l’égard du promettant et non d’un droit réel à l’égard de la
chose : il s’agit d’un simple droit de créance de nature mobilière dont
dispose ce bénéficiaire.

Aussi et si le promettant dispose du bien en faveur d’un tiers, cet acte de


disposition est en principe valable, car émane de quelqu’un qui était
encore seul propriétaire. En principe le bénéficiaire n’aura donc droit qu’à
des dommages et intérêts sans pouvoir faire anéantir, l’acte consenti au
profit du tiers. Si le tiers connaissait l’existence de la promesse, en
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acceptant d’acquérir il commet une faute qui justifie l’inopposabilité de son
acquisition au bénéficiaire qui peut donc lever l’option, sur un bien resté
libre à son égard.

Quant au dénouement de la promesse : le bénéficiaire peut renoncer à la


vente et donc ne pas lever l’option. A l’inverse, il va lever l’option tant que
la promesse est en cours : rien n’empêche de prévoir que cette levée
d’option sera faite d’une certaine manière (LR) et suivant certaines
modalités (versement du prix) En levant l’option, le bénéficiaire de la
promesse vient joindre son consentement a celui du promettant qui était
déjà donné depuis la promesse elle-même. Cette levée marque donc le
moment de formation de la vente.

2 Promesses synallagmatiques

Compromis de vente : ce contrat préparatoire parait déjà et en réalité


constituer la vente elle-même. Le principe étant que la promesse de vente
vaut vente. En effet, le principe est qu’entre les parties, chacune est
obligée envers l’autre, de sorte que la vente est parfaite. La promesse
précise que la prise d’effet de la vente est différée jusqu’à
l’accomplissement de diverses formalités (le transfert de propriété est
reporté au jour de la signature de l’acte authentique) Mais il n’y a là qu’un
terme relatif à l’exécution du contrat qui n’affecte en rien la formation elle-
même de ce contrat. En principe la promesse synallagmatique de vente
constitue la vente elle-même mais une vente qui sera à terme ou
conditionnelle voire les deux à la fois : dans l’attente de la survenance des
conditions, on reporte les effets de la vente jusqu’à un terme (signature de
l’acte notarié)

B les ventes conditionnelles

La vente peut être assortie d’une condition suspensive ou résolutoire et la


formation de la vente s’en trouve affectée non dans ses éléments mais
dans son principe : cette vente définitivement formée risque de disparaitre
purement et simplement si la condition ne survient pas (lorsque c’est une
condition suspensive) ou si elle se réalise (lorsque c’est une condition
résolutoire)

1 Conditions suspensives

La liberté contractuelle permet aux parties de subordonner la vente à toute


condition suspensive qui leur plait de choisir (achat d’un terrain
subordonné à la délivrance d’un permis de construire) Ainsi en est-il dans
la vente à l’essai (article 494 DOC), laquelle permet à l’acquéreur de faire
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un essai avant d’acquérir la chose. Cette vente est faite normalement sous
condition suspensive : cependant dès lors que l’essai est concluant, la
vente est réputée avoir été faite rétroactivement. L’essai doit être objectif,
de sorte que s’il est concluant, la vente est formée.

La jurisprudence décide que l’essai est concluant, si à l’expiration du délai


d’essai l’acheteur n’a pas manifesté sa volonté de ne pas conserver le
bien. Tant que l’essai n’est pas concluant, la charge des risques pèse sur
le vendeur, néanmoins pendant cette période l’éventuel acheteur doit
s’occuper de la chose comme sa propre chose et il en ait le gardien.
L’essai constitue bien une condition, car son résultat peut donc être
objectivement contrôler et ne dépend pas du seul bon vouloir de
l’acquéreur, à l’inverse la vente à la dégustation (article 494 DOC) ou
l’acquéreur reste entièrement maitre de sa décision. Il en est de même
pour les ventes soumises à autorisation administratives (vente
d’établissement bancaire)

Cette condition opère rétroactivement et lorsqu’elle survient, la vente est


réputée conclue dès le jour de l’acte et l’acquéreur réputé avoir été
propriétaire, depuis ce jour.

2 Conditions résolutoires

Les méthodes commerciales de promotion commerciales fournissent


l’exemple de la vente avec promesse par le vendeur de racheter le produit
si l’acquéreur trouve le même moins cher ailleurs L’enjeu porte sur la
propriété et les risques pendant la période intermédiaire. En cas de
condition résolutoire, le vendeur est réputé avoir toujours été propriétaire.

C Ventes avec droit de repentir

Une fois la vente formée, elle est définitive et irrévocable, mais la loi a
organisé des possibilités de retour en arrière : le consommateur à un droit
de repentir ou de regret qui lui permet dans un délai assez bref de revenir
sur son consentement

Repentir ouvert au vendeur : Organisée par les articles 585 à 600 du DOC
, la vente à réméré dite vente avec faculté de rachat, est un pacte par
lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue moyennant la
restitution du prix : le vendeur se réserve le droit de reprendre la chose a
condition d’en rembourser le prix augmenté de diverses sommes (frais de
vente, réparations nécessaires ) Ce type de réméré s'adresse à des
personnes possédant un bien immobilier qui le vendent « à réméré » pour
rembourser leurs dettes, et rachètent ensuite leur bien à un prix convenu
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à l'avance quand leur situation financière s'assainit, généralement à
travers un emprunt immobilier long terme ; Mécaniquement sa
particularité est donc de fonctionner comme une condition résolutoire : la
vente initiale est en effet anéantie rétroactivement de sorte que tous les
actes de disposition faits par l’acquéreur disparaissent. Tandis que
restent valables les actes d’administration (perception de fruits)

Repentir ouvert à l’acheteur. La protection moderne du consommateur


utilise la technique du délai de repentir : après avoir signé l’acheteur peut
renoncer à la vente dans un délai de sept jours sans frais ni pénalité dans
les ventes à distances.

« A compter de la date de livraison de votre commande, vous disposez


d'un délai de 7 jours pour faire valoir votre droit de rétractation, et être
intégralement remboursé. Les frais de renvoi des marchandises restant à
votre charge. Cependant, seules les marchandises retournées en parfait
état de revente, complètes et dans leur emballage d'origine (non-ouvert)
pourront être remboursées »

Cette faculté de rétractation est d’ordre public et il est imposé au


professionnel de la porter expressément à la connaissance du client.

Repentir ouvert aux deux parties : Il s’agit de la clause de dédit c'est-à-


dire celle qui ouvre à l’une des parties, la faculté de se délier
unilatéralement de son engagement, généralement moyennant l’abandon
d’une certaine somme dénommée le dédit. Cette faculté peut être ouverte
au vendeur, à l’acheteur ou aux deux parties.

Cette clause est valable si elle est enfermée dans un certain délai, sans
quoi le contrat pourrait être perpétuellement anéanti et stipuler de ce fait,
paiement d’une contrepartie à la charge de celui qui se dédit. L’exercice
de la faculté de dédit anéantit rétroactivement la vente à la manière d’une
condition résolutoire.

Ce repentir peut aussi s’exercer en matière d’arrhes (288 à 290 DOC) :


Les arrhes sont ce que l'un des contractants donne à l'autre afin d'assurer
l'exécution de son engagement En cas d'exécution du contrat, le montant
des arrhes est porté en déduction de ce qui est dû par la partie qui les
donne ; par exemple, du prix de vente ou du loyer. Lorsque l'obligation ne
peut être exécutée ou est résolue par la faute de la partie qui a donné les
arrhes, celui qui les a reçues a le droit de les retenir et ne doit les restituer
qu'après la prestation des dommages alloués par le tribunal, si le cas y
échet.

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Il convient de ne pas confondre les arrhes avec l’acompte qui est une
fraction du prix payé d’avance mais qui n’ouvre à aucune des parties, la
faculté de dédit. Une vente avec acompte est une vente ferme pouvant
donner lieu à exécution forcée ou résolution avec dommage et intérêts
tandis qu’une vente avec arrhes peut valablement être défaite par le dédit
d’une partie.

Chapitre III : Les effets de la vente

La particularité du contrat de vente tient à ce qu’il ne se borne pas à


engendrer, comme tout contrat, des obligations respectives à la charge du
vendeur et de l’acquéreur, mais qu’il opère un transfert de droit réel. Ce
transfert, qui est précisément l’objectif principal recherché par l’acheteur,
confère à ses effets une physionomie particulière : ils ne mettent donc pas
en œuvre seulement le droit des obligations contractuelles, mais font
également appel au droit des biens pour déterminer le régime de ce
changement de titulaire du droit réel qui résulte de la vente.
Section 1 : L’effet translatif
C’est ce qu’on appelle le transfert solo consensu, par le seul
consentement : le transfert de propriété devient donc un effet légal de la
vente. L’enjeu le plus apparent réside dans le transfert de propriété lui-
même, c’est-à-dire du bénéfice du droit réel, dont l’acheteur est
immédiatement investi.
Ce transfert est inopposable aux tiers jusqu’à la publication et, pour les
objets mobiliers, il ne leur est opposable qu’après mise en possession (par
le jeu de l’ancien article 2279 du Code civil).
Or un droit réel inopposable aux tiers, perd l’essentiel de ses avantages :
il peut certes être opposé au vendeur lui-même et à ses héritiers, mais il
reste saisissable par les créanciers de ce vendeur et ne fait pas obstacle
à une nouvelle cession par ce même vendeur indélicat à des tiers de
bonne foi.
Le second enjeu est une conséquence qui se retourne contre l’acheteur :
à la propriété s’attachent les risques de la chose (resperit domino), qui
sont ainsi immédiatement à la charge de l’acquéreur.
En définitive, en contrepartie d’un droit réel encore diminué (tant qu’il n’est
pas opposable aux tiers), l’acquéreur supporte aussitôt l’intégralité des
risques de la chose.
ALE TRANSFERT ENTRE LES PARTIES

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1 Transfert de plein droit
Le principe est le transfert de plein droit et immédiat de la propriété
à l’acquéreur, du seul fait de la formation du contrat. Peu importe que la
chose n’ait pas encore été livrée, ni le prix payé.
Ainsi l’acheteur est-il immédiatement propriétaire, en quelque lieu que
se trouve la chose, la chose tombe dans son patrimoine (et devient donc
le gage de ses créanciers qui peuvent la saisir. Corollairement, la chose
quitte au même instant le patrimoine du vendeur : ses créanciers ne
peuvent plus la saisir et les actes qu’ils feraient à son sujet, seraient des
contrats a non domino (faits par un non-propriétaire)
Exceptions : retard du transfert. La nature des choses impose toutefois
un retard du transfert de propriété dans deux hypothèses.
Lorsque la vente porte sur des choses de genre, le transfert de propriété
est lié à leur individualisation : tant qu’on ne sait pas quelles choses de
genre sont vendues, aucun transfert ne peut s’opérer faute d’assiette.
Cela conduit à opposer les ventes en bloc aux ventes à la mesure.
Pour les ventes en bloc (par exemple tout un stock) la chose est
individualisée : le transfert de propriété peut donc s’opérer
immédiatement,
Pour les ventes à la mesure, dites au poids, au compte ou à la
mesure>>, l’individualisation ne se fait qu’à l’instant où les objets destinés
à l’acheteur sont séparés du reste du stock du vendeur : Cette
individualisation peut se prouver par tout moyen traduisant une affectation
de la chose à l’acheteur, pourvu qu’elle soit apparente : étiquetage,
marquage.
Lorsque la vente porte sur des choses futures, le transfert de propriété
est retardé jusqu’à l’achèvement de la chose : dès l’achèvement, le
transfert de propriété ne rencontre plus d’obstacle.
Inversement, le transfert de propriété est avancé dans la vente
d’immeuble en l’état futur d’achèvement : au lieu d’attendre l’achèvement,
il s’opère au fur et à mesure de la construction.
Le transfert des risques de la chose est en principe lié à celui de la
propriété. C’est donc au moment même de la vente que s’effectue le
transfert des risques. Si le vendeur est encore en possession, on doit
considérer qu’il est tenu d’une obligation de conservation analogue à celle
d’un dépositaire.

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Exceptions : dissociation de la propriété et des risques (Lorsque par
exemple, la vente a été faite sous condition suspensive, les risques sont
à à la charge du vendeur jusqu’à la survenance de la condition, bien que
celle-ci rende l’acquéreur rétroactivement propriétaire depuis le jour de la
vente.
2 Aménagements conventionnels
Les règles précédentes ne sont pas d’ordre public, les parties
contractantes peuvent librement y déroger par trois séries de clauses.
Tout en concluant la vente, les parties peuvent en différer les effets, ou
certains d’entre eux, et en particulier son effet translatif. Deux types de
clauses assurent ce report du transfert de la propriété.
- La vente à terme : Couramment utilisé dans les ventes immobilières,
lorsque le compromis reporte le transfert de propriété à la signature
de l’acte notarié. Tout en étant lié, le vendeur reste donc propriétaire
jusque-là,
- la clause de réserve de propriété : il s’agit d’une clause par laquelle
le vendeur, tout en livrant la chose, en retient la propriété jusqu’à
complet paiement du prix. Cette clause a pour but de protéger plus
efficacement le vendeur contre un défaut de paiement, en lui
permettant alors d reprendre la chose qui lui appartient toujours. Le
transfert de propriété ne s’opère alors qu’au jour où le prix est
entièrement payé.

B : LE TRANSFERT A L’ÉGARD DES TIERS


1 Les ayants cause à titre réel.
Il s’agit ici des tiers qui ont acquis un droit réel de l’une des parties. Selon
qu’ils ont acquis ce droit du vendeur ou de l’acheteur, ils sont concernés
soit par la vente, soit par un anéantissement de cette vente.
- Ayants cause du vendeur
Le moment du transfert de propriété intéresse les ayants cause du
vendeur pour savoir s’il était encore propriétaire lorsqu’il leur a consenti
un droit réel sur le bien : si oui ce droit leur a été régulièrement transmis,
sinon il a été consenti a non domino. L’hypothèse extrême est celle où le
vendeur (peu honnête ou amnésique) vend deux fois le même bien.
Ventes d’immeubles. Pour les immeubles, le conflit se tranche par le jeu
de la publicité foncière, la vente n’est opposable aux tiers ayant acquis

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un droit concurrent qu’à dater de sa publication : jusque-là les droits
consentis par le vendeur sont encore valables, s’ils sont publiés plus tôt.
Le conflit entre deux acquéreurs du même immeuble se règle donc par la
date de la publicité de la vente.
Ventes de meubles corporels. Pour les meubles corporels, c'est-à-dire
susceptibles d’une possession matérielle, le conflit se règle par la mise
en possession (article 457 du DOC par exemple, si la chose qu’on s’est
obligée de donner ou de livrer à deux personnes successivement est
purement mobilière, celle des deux qui en a été mise ne possession réelle
est préférée et demeure propriétaire, encore que son titre soit postérieure
en date, pourvu toutefois que la possession soit de bonne foi )»,
Ayants cause de l’acquéreur
Les ayants cause de l’acquéreur ont intérêt à invoquer le transfert de
propriété immédiat de la vente, pour démontrer que l’acheteur pouvait
valablement leur consentir aussitôt des droits sur le bien (revente à un
sous-acquéreur)
A l’égard du vendeur lui-même, ce sous-acquéreur est évidemment en
droit de se prévaloir du transfert solo consensu de la propriété. Mais il n’en
sera pas de même lorsqu’il entrera en conflit avec un ayant cause du
vendeur : il ne peut avoir plus de droits que son auteur (l’acheteur) et
devra donc pareillement céder le pas aux ayants cause du vendeur, par
exemple le sous-acquéreur d’un immeuble devra supporter les
hypothèques inscrites avant le titre du vendeur intermédiaire, même si
elles ont été consenties par le vendeur initial après la vente.
Mais le danger le plus grand que courent les ayants cause de l’acquéreur,
réside dans l’anéantissement de la vente initiale, par le jeu d’une
annulation ou d’une résolution dont l’effet rétroactif fait disparaitre le droit
de leur auteur.
2 Les ayants cause à titre personnel
Celui qui prend un bien en location a tout intérêt à ce que son bailleur soit
réellement propriétaire, sans quoi le bail est inopposable au véritable
propriétaire. A l’égard des locataires donc, le principe est celui de
l’opposabilité immédiate du transfert de propriété réalisé par la vente : dès
celle-ci, le vendeur n’a plus qualité pour consentir un bail sur le bien, et s’il
le fait, le locataire est bien entendu sans droit à l’égard de l’acquéreur du
bien.
La situation est en principe identique à l’égard des créanciers du vendeur
et de l’acquéreur, dont le droit de saisie dépend du moment de la vente :
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le principe est, ici encore, que le transfert de propriété leur est opposable
du seul fait de la vente. Elle l’est d’abord d’une manière générale, par le
mécanisme de l’action paulienne, contre les ventes qui auraient pour but
de soustraire frauduleusement certains biens à l’actif saisissable du
vendeur.
3- Les véritables tiers
Le changement de propriétaire de la chose va enfin intéresser certains
tiers qui ne tiennent pourtant aucun droit, ni réel ni personnel, de l’une ou
l’autre partie, mais qui vont se trouver amenés à voir un rapport juridique
avec le propriétaire, en cette qualité :
Soit pour invoquer une règle à son encontre (par exemple pour demander
réparation d’un dommage lié à cette propriété) ;
Soit, plus souvent, pour subir le jeu d’une règle liée à cette propriété : par
exemple le possesseur ou le détenteur qui subira une action en
revendication,
Le principe général est que la vente vaut titre de propriété : le transfert de
propriété qu’elle opère est donc opposable à ces tiers exactement dans
les conditions fixées à l’acte. Ainsi le vendeur pourra ainsi opposer à la
victime d’un dommage, qu’il n’est plus propriétaire ; l’acheteur pourra se
prévaloir de son droit de propriété pour revendiquer le bien détenu par un
tiers, lui réclamer une indemnité d’occupation ou réparation des dégâts
causés à ce bien.
SECTION 2 : LES OBLIGATIONS DE L’ACHETEUR
A Obligation essentielle : paiement du prix
C’est un paiement de droit commun qui obéit aux règles générales du
paiement des sommes d’argent.
1 Exigibilité
En principe donc, le prix devient exigible par la délivrance. C’est au
vendeur qui réclame le paiement de prouver non seulement quel était le
prix convenu mais encore qu’’il a satisfait à son obligation de délivrance,
puisque c’est elle qui conditionne cette exigibilité. L’acheteur peut refuser
de payer le prix, tant que la délivrance n’est pas parfaite : par exemple s’il
n’a pas pu vérifier la marchandise, si la chose est atteinte de défauts qui
restent à réparer.
La règle précédente n’est pas d’ordre public et le paiement peut être
avancé ou différé par accord des parties. Il arrive fréquemment qu’une
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partie au moins du prix soit payable d’avance, dès la conclusion du
contrat. C’est la pratique du paiement à la commande ou des acomptes.
Quant au paiement différé : le vendeur peut accepter de consentir à
l’acheteur des facilités de paiement. L’usage s’en est même instauré de
manière constante entre commerçants.
Le paiement doit se faire au lieu convenu pour la délivrance. Les parties
peuvent en convenir différemment (en particulier, pour les ventes
immobilières, il est presque toujours convenu que le paiement s’effectuera
chez le notaire rédacteur).
2 Garanties de paiement
Droit de rétention. Le vendeur peut refuser de livrer la chose tant qu’il
n’est pas payé. Ce droit de rétention, n’est que l’application de l’exception
d’inexécution du droit commun, ce droit de rétention n’existe que si la
vente est au comptant.
Réserve de propriété. En insérant dans vente une clause de réserve de
propriété, le vendeur retarde le transfert de propriété jusqu’au paiement
du prix. Cela lui permet, en cas de défaillance de l’acquéreur, de
revendiquer la chose. En toute occurrence, le jeu de la clause obligera le
vendeur, en contrepartie de la récupération de la chose, à restituer la
partie du prix qu’il a déjà perçue.
Action résolutoire. Le vendeur impayé le droit de demander la résolution
de la vente. En outre, des clauses résolutoires peuvent être prévues en
ce sens, sous les conditions du droit commun.
B Obligations accessoires
C’est à l’acheteur qu’il incombe de procéder au retirement de la chose. Il
en découle notamment qu’en principe les frais de transport sont à sa
charge, tout comme les risques de ce transport.
SECTION 3 : OBLIGATIONS DU VENDEUR
A Les obligations contemporaines de la vente
L’obligation première du vendeur est celle de délivrance.
1 L’obligation spécifique : La délivrance
Elle consiste à laisser la chose vendue à la disposition de l’acheteur pour
qu’il en prenne livraison. La délivrance oblige seulement le vendeur à
mettre la chose à la disposition de l’acheteur, et c’est ce dernier qui doit
venir en prendre livraison, selon son obligation de retirement. Il faut donc
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bien souligner que l’obligation de délivrance n’est pas une obligation de
livraison, laquelle ne pèse sur le vendeur qu’en cas de convention
particulière.
-Modalités de délivrance : L’acheteur doit être mis en mesure de prendre
possession du bien.
• Pour les immeubles, la délivrance se fait par la remise des
titres de propriété.
• Pour les meubles, elle se fait par la remise matérielle
(tradition).
Le lieu de délivrance est en principe celui où se trouvait la chose lors de
la vente.
Date de délivrance A défaut de stipulation, la délivrance est en principe
exigible immédiatement, mais la jurisprudence tolère un délai raisonnable
selon la nature de l’objet. Si un délai est prévu, il doit être respecté : en
matière commerciale, on admet qu’il puisse être indicatif selon les usages.
Cependant, le vendeur peut en toute occurrence faire jouer l’exception
d’inexécution et refuser de faire la délivrance tant que l’acheteur ne paie
pas le prix.
Objet de la délivrance : La délivrance doit porter très exactement sur la
chose vendue, telle que définie au contrat. Le vendeur doit délivrer cette
chose dans son identité même, et ne peut effectuer une substitution,
quand bien même elle ne paraîtrait pas préjudiciable. Pour les ventes de
marchandises, l’identité de la délivrance implique qu’elle porte sur la
quantité et qualité convenues. La délivrance est conforme dès qu’est
satisfaite la condition d’identité qui vient d’être vue. La conformité
s’apprécie à l’instant même de la délivrance et par rapport à la chose
promise et à ses caractéristiques annoncées : si la chose livrée est bien
matériellement celle qui a été promise avec les caractéristiques prévues,
l’obligation de délivrance est remplie. Au contraire, elle ne l’est pas si
certaines caractéristiques font défaut, comme le kilométrage parcouru
pour une voiture d’occasion. Là s’arrête classiquement l’exécution de la
délivrance : les déconvenues que peut ensuite essuyer l’acquéreur à
l’usage, relèvent de la garantie des défauts cachés, précisément définis
comme ceux qui rendent la chose impropre à l’usage prévu.
Quant aux accessoires de la chose (Article 516 DOC) : le DOC Inclut
expressément dans la délivrance de la chose, ses accessoires et tout ce
qui a été destiné à son usage perpétuel. Il s’agit tout d’abord des
accessoires matériels de la chose : par exemple la roue de secours avec
le véhicule. Il s’agit aussi des fruits de la chose depuis la vente : loyers,
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récolte, produits d’un animal, etc. Il s’agit aussi des accessoires juridiques,
c'est-à-dire de droits si liés à la chose qu’ils en constituent l’accessoire et
se transmettent avec elle. (Tel est le cas, au premier chef, des droits réels
attachés à une chose que sont les servitudes.)
Preuve de la délivrance : L’exécution de la délivrance se traduit par la
prise de possession du bien par l’acheteur : cette prise de possession
manifeste en effet l’intention de l’acheteur d’accepter la chose telle qu’elle
lui est fournie. En effet, en agréant ainsi la chose, l’acheteur reconnaît
qu’elle est conforme à la vente : l’acheteur qui réceptionne sans faire de
réserves, accepte la chose livrée pour conforme au contrat ( en quantité
et en nature) : seuls les défauts apparents sont couverts par la réception,
et non les défauts cachés : c’est pourquoi ces défauts cachés donnent lieu
à une garantie spéciale.
Sanctions : L’inexécution par le vendeur de son obligation peut prendre
diverses formes : défaut total de délivrance, retard de délivrance ou
délivrance défectueuse. Le vendeur qui manque à son obligation de
délivrance est exposé à un arsenal de sanctions qui ne sont que
l’application du droit commun.
Exécution forcée. Tout d’abord l’acheteur peut poursuivre l’exécution
forcée de la délivrance.
Résolution. Du contrat, le juge aura le pouvoir d’apprécier si le
manquement est assez grave pour justifier la résolution en particulier si
un retard laisse au contrat un intérêt ou non.

Dommages et intérêts ou réduction du prix. A défaut de résolution (par


exemple pour un retard mineur), le vendeur peur être condamné à des
dommages et intérêts envers l’acquéreur. Lorsque la délivrance est
défectueuse, soit en quantité soit en qualité, l’acheteur peut d’ailleurs
préférer cette solution à une résolution : on parle alors d’une réduction du
prix, appelé réfaction en matière commerciale. Le juge fixe une indemnité
qui vient se compenser partiellement avec le prix convenu.
B Les Garanties après-vente
1. La garantie d’éviction
Évincer signifie chasser, mettre dehors : l’acquéreur évincé est celui qui
est chassé du bénéfice de la chose, qui est privé de sa possession
paisible. L’éviction peut prendre plusieurs formes :

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• Elle peut être totale, si l’acquéreur perd toute la chose, ou seulement
partielle s’il n’en perd que certains avantages, par exemple lorsqu’il
doit supporter des charges qui n’avaient pas été déclarées
(servitudes au profit de tiers, occupation par des locataires, etc.) ;
• Elle peut être de droit si la privation de l’acheteur provient de
l’exercice par un tiers d’un droit (revendication) ou de fait si
l’acheteur subit des atteintes purement matérielles (on lui vole la
chose ou on la dégrade).
• Elle peut émaner du vendeur lui-même, qui trouble son acheteur, ou
de tiers qui portent atteinte aux droits de cet acheteur.
Le vendeur doit naturellement une garantie plus forte à l’égard de son fait
personnel que pour le fait des tiers.
Garantie du fait personnel : Qui doit garantie ne peut évincer. Cette
règle classique découle de l’économie même de la vente : le vendeur ne
saurait reprendre, par une voie détournée, le profit de ce qu’il a vendu à
l’acheteur. Elle est d’ordre public : toute clause déchargeant le vendeur
de cette garantie de son fait personnel, serait nulle car l’acheteur serait à
la merci de l’arbitraire du vendeur.
Par conséquent, la garantie peut être étendue, mais non restreinte.
Cette garantie du fait personnel pesant sur le vendeur est la plus vaste
dans son étendue, car elle s’applique non seulement aux troubles de droit,
mais encore aux troubles de fait. La garantie de droit due par le vendeur
de son fait personnel signifie, qu’il s’interdit de contester le droit qu’il a
transmis à l’acquéreur. Ce qu’impose au contraire l’obligation de garantie
lorsque la vente est valable, c’est que le vendeur ne peut pas contester le
droit de l’acheteur au moyen d’une autre voie, qui lui serait ouverte s’il
n’était pas précisément tenu à garantie.
C’est à l’égard des troubles de fait que la garantie du fait personnel prend
toute sa particularité : le vendeur doit d’abstenir de tout acte troublant
l’acheteur dans la jouissance du bien vendu. Le vendeur d’un terrain en
bord de mer ne peut construire sur le terrain voisin dans des conditions
qui masqueraient la vue…monnayée.
Garantie de l’éviction par un tiers : Lorsque l’acquéreur est troublé par
un tiers, le vendeur ne lui doit pas garantie s’il s’agit de troubles de fait :
l’acheteur devenu propriétaire est seul responsable de la défense de son
bien et de ses droits. S’il est victime d’un vol, de dégradations ou de
détournement de clientèle, il lui appartient de recourir aux voies ouvertes
à tout propriétaire – mais il ne peut mettre en cause son vendeur.

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La garantie du vendeur s’applique au contraire aux contestations portant
sur le droit acquis par l’acheteur : comme c’est précisément l’acquisition
de ce droit que l’acheteur a payé, il est en droit de se retourner vers son
vendeur si ce droit est contesté par des tiers, qui prétendent qu’il est
inexistant ou grevé de charges. Il peut s’agir d’une éviction totale si le tiers
prétend être lui-même propriétaire de la chose ;Il peut y avoir éviction
partielle, lorsqu’il s’avère qu’un tiers dispose de droits sur une fraction d’un
bien vendu.Il peut enfin se révéler des charges non déclarées : l’acheteur
n’est pas véritablement évincé, mais doit supporter l’exercice de ses droits
par un tiers (droit d’usufruit, servitude, droit de bail). On considère qu’il
appartient au vendeur de faire connaître ces charges, on admet que la
garantie s’étend à toute sujétion, dès lors qu’elle diminue l’usage de la
chose.
Contrairement à la garantie du fait personnel, la garantie d’éviction par un
tiers n’est pas d’ordre public. Elle ne joue donc pas si elle a été écartée
par une clause de non-garantie. Cette exclusion est d’ailleurs à deux
degrés :

- La simple clause de non-garantie n’a, qu’un effet limité : elle ne


décharge pas le vendeur de la restitution du prix à l’acheteur évincé,
mais l’exonère des autres charges (fruits, frais, dommage et
intérêts) ;
- La garantie n’est totalement exclue qu’au cas où l’acheteur
connaissait le risque d’éviction, ou encore a expressément déclaré
le prendre en charge en achetant à ses risques et périls.
Ces deux sortes de clauses d’exclusion ne sont valables que si les deux
parties en sont également informées. Elles sont sans valeur si le vendeur
était de mauvaise foi, mais sont efficaces si le vendeur a honnêtement
informé l’acquéreur des circonstances faisant naître une menace
d’éviction, dont l’acheteur peut valablement accepter de faire son affaire
personnelle.
Effets : Lorsque l’acheteur est totalement évincé, la vente se trouve
anéantie. Cependant, le code prévoit un système de restitutions plus
favorable à l’acheteur que celui qui résulterait de la pure nullité de la vente.
(Article 538 DOC)
La restitution du prix :
Les fruits, par exemple, une indemnité d’occupation que l’acheteur doit
verser au tiers, doit à ce titre lui être remboursée.

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Les frais qui sont non seulement les frais de la vente, mais aussi les frais
de justice tant du procès principal que de l’action en garantie ;
Des dommages et intérêts, ces dommages et intérêts peuvent inclure
d’autres chefs de préjudice, comme les impôts fonciers payés.
L’acquéreur qui subit une éviction partielle ou doit supporter des charges
non déclarées, dispose d’un choix :
Il peut demander l’anéantissement de la vente (article 542 DOC) à
condition toutefois d’établir qu’il n’aurait pas acheté compte tenu de
l’éviction partielle ou des charges. Il peut demander une indemnité, qui
équivaut à une diminution du prix.
2. La garantie des vices cachés
Classiquement, cette garantie constitue le prolongement de l’obligation de
délivrance. Elle ne trouve à entrer en jeu que si, à l’usage, la chose s’avère
atteinte d’un défaut que l’on ne pouvait déceler lors de la réception (donc
caché) et qui la rend précisément impropre à l’usage attendu. Jusqu’au
développement récent du droit de la consommation, la garantie des vices
cachés était d’ordre privé : il était loisible aux parties de la supprimer par
une clause de non garantie ou de l’organiser. Les seules limites à
l’efficacité de ces clauses, étaient celles déduites du droit commun de
toute clause de non-responsabilité : que le vendeur ne soit pas de
mauvaise foi, c’est-à-dire qu’il n’ait pas eu connaissance du vice de la
chose qu’il vendait, telle est la règle exprimée par l’article 549 DOC.
Mais, à partir de 1965, la jurisprudence française, a effectué en cette
matière une des plus formidables créations prétoriennes qui en tout cas,
marque sans doute la naissance du droit de la consommation : elle a
déclaré sans valeur les clauses restrictives de garantie lorsque le vendeur
est un professionnel.
En définitive, une clause restrictive de garantie n’est aujourd’hui valable
que dans deux cas : Si le vendeur est non professionnel et si la vente est
faite à un acheteur professionnel de la même spécialité que le vendeur.
Encore faut-il, dans les deux cas, que le vendeur n’ait pas eu
connaissance effective du vice, ce qui le rendrait de mauvaise foi.
Fonctionnement de la garantie des vices : La première condition de la
garantie est que la chose s’avère affectée d’un vice. Le vice peut ainsi
présenter deux degrés de gravité :

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- Ou bien il rend la chose totalement inutilisable, du moins pour
l’usage prévu : on parle alors de vice rédhibitoire, qui entraînera
nécessairement la résolution de la vente : exemple : système
d’alarme ne décelant pas l’intrusion de cambrioleurs
- Ou bien le défaut diminue seulement l’utilité de la chose : il faudra
alors apprécier s’il y a lieu d’anéantir la vente ou seulement d’en
réduire le prix. Par exemple, un fonds de commerce n’a pas la
rentabilité faussement annoncée.
L’appréciation du vice présente un caractère relatif : elle doit se faire par
rapport à la destination de cette chose. Il faut alors se placer dans la
perspective retenue par les parties. C’est ce qu’on appelle une conception
fonctionnelle du vice. On prendra alors en considération la fonction
normale de la chose : si l’acquéreur envisageait un autre usage particulier,
il lui appartiendra de prouver qu’il en avait informé le vendeur, de sorte
que cette destination était entrée dans le champ contractuel, soit que le
vice soit inhérent à la chose c'est-à-dire que l’insatisfaction de l’acheteur
trouve au moins sa racine dans un défaut de la chose, et non pas
seulement dans les avantages qu’il en escomptait.
Le vendeur ne répond que des défauts de la chose vendue, c'est-à-dire
existant lors de la vente elle-même : si la chose est saine lors de la vente,
le prix versé a bien une contrepartie réelle et la survenance ultérieure de
vices pèse tout naturellement sur l’acquéreur. Le vice qui n’est apparu que
plus tard, alors qu’il existait en genre dès la vente, donne lieu à garantie.
La garantie exige enfin que le vice soit caché lors de la vente. Non
seulement l’article 549 DOC vise les défauts cachés de la chose vendue,
mais encore l’article 569 DOC vient enfoncer le clou : le vendeur n’est pas
tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.
Si l’acheteur peut constater les défauts, il lui appartient de refuser la
délivrance et, s’il accepte néanmoins la chose sans faire de réserve, il
procède ainsi à sa réception qui couvre les défauts apparents.
Mais apprécier si un vice est caché ou apparent pour l’acheteur n’est pas
toujours aisé.D’une part, le défaut est caché même lorsque son existence
était connue de l’acheteur mais qu’il ne pouvait en mesurer l’importance
et les conséquences : par exemple un piano hors d’usage présenté
comme réparable, s’avère ne pas l’être.
D’autre part, cette appréciation s’effectue in concerto, de sorte que les
connaissances de l’acheteur jouent un rôle important dans cette
appréciation, et en particulier sa qualité de profane ou de professionnel.
Aux yeux d’un acheteur profane, un défaut sera facilement considéré
comme caché. Aux yeux d’un acheteur professionnel au contraire, tout
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défaut est en principe décelable. La jurisprudence a donc crée une
présomption de découverte du vice de la part de l’acheteur professionnel,
cette présomption n’est pas irréfragable.
Mise en œuvre : action en garantie C’est le plus souvent entre les
parties mêmes au contrat de vente, que s’exerce l’action : l’acheteur agit
contre son vendeur. L’action ne peut être intentée qu’à l’encontre du
vendeur médiat ou immédiat de la chose (ou de ses héritiers). L’article
573 DOC impose à l’acquéreur d’agir dans un bref délai (365 jours pour
les choses immobilières et 30 jours pour les choses mobilières) Cette
condition est inspirée par des soucis de preuve : plus le temps passe et
plus il sera difficile, de déterminer si le vice était ou non antérieur à la
vente. Son point de départ n’est pas en principe le moment de la
découverte du vice. A l’acheteur, demandeur à la garantie, incombent trois
preuves.
• Il doit prouver d’abord l’existence du vice,
• Il doit prouver ensuite que ce vice existait avant la
vente.
• Il doit prouver enfin, s’il désire des dommages et
intérêts en outre de la restitution du prix, que le
vendeur est de mauvaise foi ou professionnel.

Effets de la garantie
Effets sur la vente : action rédhibitoire ou estimatoire. L’article 556
DOC ouvre à l’acheteur une option entre la résolution de la vente et une
simple diminution du prix : on parle dans le premier cas d’une action
rédhibitoire et dans le second cas, d’une action estimatoire (tendant à faire
estimer le prix réel de la chose compte tenu du défaut).
On affirme traditionnellement que cette option est libre et que l’acheteur
n’a pas à justifier de son choix entre les deux voies. S’il y a résolution, la
vente disparaît rétroactivement et cette rétroactivité commande
d’appliquer le droit commun des restitutions et indemnités.
Pour obtenir en outre des dommages et intérêts, l’acheteur doit prouver
une faute de sa part, qui était à l’origine sa mauvaise foi, c'est-à-dire la
connaissance qu’il avait du vice lors de la vente. En présence d’un tel
vendeur, professionnel ou profane de mauvaise foi, l’acheteur peut donc
demander des dommages et intérêts, Il peut ainsi demander réparation de
tout préjudice lié au vice
Chapitre 4 L’ANÉANTISSEMENT DE LA VENTE
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La vente peut venir à disparaître principalement soit par le jeu de son
annulation lorsque sa formation même était entachée d’une cause de
nullité tirée du droit commun des contrats ou du droit spécifique de la
vente, soit par l’effet de sa résolution lorsque l’une des parties a manqué
à ses obligations (ou encore par le jeu de la garantie des vices cachés :
Le jeu de la rétroactivité qui s’attache tant à l’annulation qu’à la résolution,
s’effectue selon le droit commun : la vente est réputée n’avoir jamais
existé.
Section1 : CONSÉQUENCES ENTRE LES PARTIES
A chaque fois que la vente aura déjà reçu exécution, le principe de remise
en l’état antérieur conduit à imposer à chacune des parties, de restituer ce
qu’elle a reçu. C’est donc le constat qu’en droit, le bien n’a jamais quitté
le patrimoine du vendeur et doit en conséquence, lui être matériellement
restitué.
A Restitution due par le vendeur
Le vendeur doit évidemment restituer le prix ou les acomptes qu’il avait
perçus. Peu importe à cet égard que ce prix lui ait été réglé par l’acheteur
lui-même ou par un tiers agissant pour le compte de celui-ci, comme c’est
souvent le cas du prêteur qui a souvent versé directement les fonds au
vendeur : dans tous les cas c’est à l’acquéreur que le prix doit être restitué,
car il reste lui-même tenu envers son prêteur. La règle du nominalisme
monétaire interdit de procéder à une quelconque réévaluation du montant
ni en fonction de la dépréciation monétaire ni en fonction de l’évolution de
valeur de la chose restituée en contrepartie : c’est la somme nominale qui
avait été versée qui doit être restituée.
B Restitution due par l’acquéreur
1 Restitution en nature
Principe : restitution en l’état. Dès lors que la chose existe encore entre
les mains de l’acquéreur, elle doit être restituée en nature. Le bien à
restituer a pu nécessiter des frais pour sa conservation matérielle ou
juridique : le vendeur, réputé n’avoir jamais cessé d’être propriétaire, en
doit le remboursement. Inversement, si le bien a été dégradé par la faute
de l’acheteur, il doit bien sûr une indemnité pour compenser cette moins-
value. Mais quid si la dégradation est due à une cause extérieure ou
simplement à l’écoulement du temps ? Par conséquent, l’acquéreur doit
supporter le coût de la remise en état, même s’il n’a pas commis de faute.
Il doit même une indemnité pour la dépréciation due à l’usage.

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2 Restitution en valeur
Si la chose a disparu ou si elle a été aliénée au profit d’un sous- acquéreur,
la restitution se heurte à une impossibilité matérielle. La jurisprudence
admet alors une restitution en valeur (valeur au jour de la vente et non la
valeur actuelle) qui doit être retenue, ce qui est très contestable car la
somme d’argent devrait équivaloir au bien à restituer. Par exemple, le
vendeur obtiendra le prix coûtant des fournitures livrées, mais non sa
marge bénéficiaire qu’il devra donc restituer.
Section II CONSÉQUENCES À L’ÉGARD DES TIERS
A Ayants-droit de l’acheteur
Lorsque l’acheteur à son tour aliéné la chose (revente, donation, etc.) ou
consenti sur cette chose un droit réel (servitude, hypothèque,),
l’application de la règle Nemo plus juris fait que la nullité ou la résolution
de la vente initiale, entraîne dans son sillage la nullité de l’acte
subséquent : les tiers n’ont pu acquérir valablement des droits d’un non-
propriétaire. Le sous-acquéreur est donc dépourvu de titre, comme
acquéreur a non domino, et se trouve exposé à une action en
revendication du vendeur initial. Sa protection est toutefois assurée par
deux mécanismes, qui ne jouent cependant que dans certains cas :
Pour les meubles corporels, par l’article 456 du DOC: si le sous-
acquéreur a été mis en possession du bien et s’il est de bonne foi, il trouve
dans la loi un titre de substitution qui lui permet de conserver le bien ;
Pour les autres biens (immeubles), par la théorie de l’apparence : si le
sous-acquéreur s’est fié à l’apparence qui résultait de la vente initiale et
s’il était de bonne foi, il trouve également dans cette théorie, un titre de
substitution.

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