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DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

INTRODUCTION
Selon J. Carbonnier, le droit des contrats spéciaux se présente sous la forme d’une trilogie

- Famille,
- Propriété
- Contrat

Section 1 : Le rapport entre les contrats spéciaux et la théorie générale des contrats

Cette expression de « contrats spéciaux » appelle à des précisions. Un contrat est un accord de volonté qui donne
naissance à des obligations.

Pourquoi l’adjectif spéciaux ?

Il pourrait laisser entendre qu’il existe des contrats généraux. Or, tous les contrats qui viennent à être conclu sont
des contrats spéciaux. Il n’existe pas de contrat général.

• L’adjectif spécial renvoie par opposition à l’expression de « théorie générale des contrats ».

Cette théorie est composée des règles générale relative la formation, à l’exécution, à l’extinction des contrats. On
trouve dans la théorie générale des contrats des règles relatives aux grandes catégories de contrats
(synallagmatique, à titre gratuit, aléatoire, à exécution successive etc.).

Cependant, il existe des règles particulières pour un certain nombre de contrats (les plus utilisés). Ainsi, pour être
exacte, il faudrait parler de droit des principaux contrats plutôt que contrats spéciaux.

La théorie générale avait une dimension abstraite, le droit des contrats spéciaux prend un tournure concrète. En
effet, il s’agit de définir le contenu principal de chaque variété de contrat. C’est ici que l’on voit vivre le droit des
contrats. En outre, c’est dans ce domaine qu'on peut voir apparaitre de grandes évolutions qui peuvent même
avoir des conséquences sur la théorie générale des contrats. En ce sens, il arrive que pour répondre à une
situation contractuelle, les règles de la théorie générale soit inadaptées, voire écartées.

Exemples :

• Le contrat de prêt :

De la période romaine au XIXème siècle, le contrat de prêt était qualifié de contrat réel (par opposition au contrat
consensuel ne se consomme que par la remise de la chose). À partir de la seconde moitié du XXème siècle, les
règles relative à certains prêts sont venus remettre en cause le caractère réel du prêt conclu avec certains
consommateur. Il est apparu au fond que le prêt consenti par un professionnel du crédit à un consommateur
n'était plus un contrat à caractère réel. En 2000, la Cour de cassation a formulé l'idée que le contrat de prêt
consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel mais un contrat consensuel.

Une différence s’observe :

- S’il s’agit d’un contrat réel, la promesse de ce contrat ne vaut pas contrat.
- S’il s’agit d’un contrat consensuel, la promesse du contrat vaut contrat (Exécution forcée).

• Le contrat de transport (obligation de sécurité) :

Le transporteur ne doit pas seulement transporter le voyageur mais doit le faire parvenir sain et sauf à
destination. L’obligation de sécurité s’est répandue jusqu'à intégrer la théorie général des contrats et des
obligations.
Les contrats spéciaux sont aussi appelés les contrats nommés (article 1105 du Code civil). Les contrats nommés
ont donc un régime particulier. Les contrats innommés n’ont pas de règles propres. Ils sont soumis à la théorie
générale. Les règles générales s’appliquent sous réserve des règles particulières (speciala generalibus derogant).

Qui nomme les contrats ?

Souvent c’est la loi nomme les contrats. Elle les dote de règles particulières. Ces contrats auxquels la loi donne
un nom sont notamment :

- Les contrats de vente


- Les mandats
- Le prêt à l’usage
- Le prêt de consommation
- Le contrat de travail
- Le louage d’ouvrage
- Le contrat de dépôt
- Le contrat d’entreprise

Cependant, la pratique peut également nommer un contrat. En effet, la liberté contractuelle permet de créer
toute sorte de convention en principe. Ainsi, lorsqu’une même structure contractuelle commence à se répandre
en pratique, pour faciliter son utilisation, la pratique peut lui donner une appellation. Le contrat en question
devient alors un contrat nomme de sorte que chacun saura le contenu de celui-ci.

Exemples :

• Le crédit-bail est un contrat qui permet de financer certaines opérations. Il a été introduit dans la
pratique en France à la fin des années 1950 sous un nom anglais : leasing. Petit à petit la dénomination
« crédit-bail » s’est imposée. La loi du 2 juillet 1966 a repris cette traduction et a prévu quelques règles.
On en présence d’un contrat nommé par la pratique puis consacré par la loi.

• Le contrat de franchise était à l’origine désigné par le mot anglais « franchising ». Aujourd’hui, ce contrat
nommé par la pratique est l’objet d’une codification à l’article L.330-3 du Code de commerce.

Une appellation se décline parfois en sous-appellation.

Exemple : L’arborescence du contrat de bail (également appelé contrat de louage de chose)

Il existe des baux de meubles ou d’immeubles.

S’agissant des baux d’immeubles, il existe des règles spéciales pour :

- Les baux d’habitation


- Les baux d’immeubles professionnels
- Les baux ruraux

Par ailleurs, on distingue :

• Dans le bail d’habitation :


- Le bail d’habitation en locaux vides
- Le bail d’habitation en locaux meublés

• Dans le bail rural :


- Les baux d’immeubles bâtis
- Les baux d’immeubles non bâtis
Quelle est la conséquence d’une nomination ?

A Rome, la nomination d’un contrat était décisive. En effet, sans nom, l'action en justice ne pouvait pas naitre et
le contrat n’avait pas de force obligatoire. Aujourd’hui les choses sont différentes, un contrat innommé est tout
aussi obligatoire qu’un contrat nommé, son inexécution est tout aussi sanctionnée.

Quels sont les intérêts d’une nomination ?

1. Un des intérêts s’attache à l’existence d’un corps de règle particulières :

Les parties sont dispenser de détailler le contenu d’un contrat puisqu’elles peuvent se référer à une catégorie
nommée. Il s’agit là d’un gain de temps considérable.

Exemple : Dans un contrat de vente, il n’est pas obligatoire de détailler les obligations du vendeur et de
l’acquéreur.

2. Un autre intérêt s’attache à la possibilité de procéder à des adaptions, à des dérogations par rapport
à la théorie générale des contrats :

Le contrat nommé peut imposer des règles impératives. Toutefois, les règles des contrats spéciaux sont en
principe supplétives de volonté c'est-à-dire qu’elles ne s’appliquent qu’en l’absence de volonté contraire des
parties. Autrement la volonté des parties prime sur la loi. Les parties sont alors libres de modifier les règles. C’est
une conséquence du principe d'autonomie de la volonté. En effet, les parties se lient si elles le veulent et comme
elles l'entendent. La loi n’intervient seulement pour suppléer leur silence.

La liberté contractuelle a été consacrée par la réforme du droit des contrats de 2016 à l’article 1102 du Code
civil. Par ailleurs, elle a valeur constitutionnelle. Néanmoins, la liberté contractuelle a nettement reculé par
rapport au XIXème siècle. En effet, l’ordre public n’a cessé de se développer.

Exemple : Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les prix des contrats étaient fixés par l’Etat.

Puis, s’est développé dans le dernier quart du XXème siècle, un droit protecteur d’un autre acteur du marché : le
consommateur. Sa protection consiste à imposer des règles impératives dans de très nombreux contrats conclus
entre professionnels et consommateurs. Ainsi, les nouvelles règles sont de plus en plus souvent des règles
impératives.

Les travaux de la commission des clauses abusives qui a pour objet de veiller à ce que la liberté contractuelle
n’aboutisse pas à un déséquilibre en faveur du professionnel montre bien ce phénomène. Du reste, pour
appliquer des règles impératives à telle ou telle catégorie de contrat, il convient de parvenir à les qualifier.

Section 2 : L’opération de qualification (cf. fiches)

Qualifier un contrat c’est le faire entrer dans une catégorie juridique dotée d’un régime juridique propre.

Exemple : Un propriétaire d’un chalet à la montagne le met à disposition d’un ami pendant 6 mois, étant entendu
que ce dernier effectuera quelques travaux d’entretien.

S’agit-il d’un prêt ou d’un bail ?

Pour le savoir il faut analyser la situation et découvrir la catégorie de rattachement. Précisément, il existe un
régime juridique propre au bail d’habitation et un régime propre au prêt à usage avec des différences assez
sensibles. Dès lors :

Si le propriétaire au bout de deux mois éprouve un besoin pressent et imprévu de réutiliser son chalet, peut-il
le reprendre avant le terme de 6 mois ?

- S’il s’agit d’un bail, c’est impossible.


- S’il s’agit d’un prêt à usage, l’article 1889 du Code civil répond par l’affirmative.
C’est donc parce qu’il y a des règles différentes pour les divers contrats spéciaux que la qualification présente un
intérêt.

Pour qualifier un contrat il faut analyser son contenu. C’est le contenu réel qui compte, peu important
l’appellation donnée par les parties. L’article 12 du CPC dispose que : « Le juge tranche le litige conformément
aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes
litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. »

Lorsque l’économie réelle du contrat est révélée par son contenu ou par les effets que les parties ont recherché,
il faut la comparer avec les éléments caractéristiques qui ressortent de la définition légale du contrat lorsqu'il y
en a une.

Exemple : L’article 1582 du Code civil définit la vente.

Toutefois, parfois, lorsqu’il n’existe pas de définition légale, il faut se référer à la définition abstraite donnée par
la jurisprudence ou par la doctrine.

→ Souvent la qualification est simple, tel est le cas chaque fois que le contrat conclu possède les éléments
d’un contrat bien connu.
→ Parfois la qualification prend un tour plus compliqué parce que l’on est en présence d’un contrat
complexe c'est-à-dire qu’il mélange des éléments de deux ou plusieurs contrats spéciaux.

Comment qualifier un contrat ?

Quand un élément se détache, il est possible d’opérer à une :

• Qualification exclusive par le critère du principal et de l’accessoire (l’accessoire suit le principal)

Exemples :

- Le contrat d’échange avec soulte est un échange si la soulte et de faible importance. A contrario, il s’agit
d’une vente si la soulte est proportionnellement très importante, si elle représente plus de la moitié du
bien acquis en contrepartie.
- Le contrat de déménagement : pendant longtemps, on a procédé à une qualification exclusive en
fonction de l'importance respective de deux éléments : la manutention et le transport. Ainsi, si la
manutention était plus importante que le transport, on y voyait un contrat d'entreprise. A contrario, si
le trajet à parcourir était long et que la manutention était faible, on y voyait un contrat de transport.
Toutefois, aujourd’hui, la question est réglée à l’article L224-3 du Code de la consommation.
- Le contrat de transport de fond avec une prestation de surveillance/ protection. Ce contrat mélange
les éléments d’un contrat de transport (déplacer les choses) et les éléments d’un contrat d’entreprise (la
protection). Un arrêt de la chambre commerciale rendu le 14 mars 1995 a jugé que l’action principal est
le déplacement. Dès lors, il s’agit d’un contrat de transport.

S’agissant des contrats complexes, la méthode de qualification exclusive est celle qui en principe doit être
suivie. Cependant, ce n’est pas toujours le cas, plusieurs éléments peuvent être aussi important les uns que les
autres. Dans cette hypothèse, on peut aboutir à une qualification distributive ou à une qualification unique mais
distincte de chacune des composantes :

• Qualification distributive :

Exemples :

- Un contrat de transport de fond est conclu avec une compagnie de surveillance. Pour se faire, les services
d'une compagnie aérienne sont utilisés. Par un arrêt rendu le 14 mars 1995, la Cour de cassation avait
retenu qu’il s’agissait d’un contrat de transport pour la partie terrestre du transport et d’un contrat de
commission pour la partie aérienne.
En l’espèce, un seul contrat avait été conclu entre un client et une entreprise de transport de fond. Toutefois, il
donnait lieu à deux qualifications distinctes au cours de périodes successives.

- Civ 1ère, 3 juillet 2001 : cf. fiches (contrat de dépôt salarié et d’entreprise)

• Qualification unique :

Le contrat de crédit-bail est composé de plusieurs éléments issus de différents contrats. Or, un seul contrat est
conclu entre le crédit bailleur et le crédit-locataire. Il se compose notamment :

- D’une promesse unilatérale de vente,


- D’un contrat de bail

Il s’agit d’une institution juridique particulière forgée par la pratique à partir d’éléments de divers contrats.
Partant, le crédit-bail est un contrat sui generis dont la qualification est indépendante de ses composantes
principales.

• Qualification dans les chaines de contrat :

Il s’agit d’enchainer des contrats distincts conclus entre des parties différentes. Une qualification propre est alors
donnée à chaque maillon de la chaîne.

- On peut rencontrer des chaînes homogènes de contrats

Exemple : chaîne de vente spécialement dans le secteur automobile

- On peut rencontrer des chaînes hétérogène de contrats

Exemple : chaine translative de propriété et conclusion d’un contrat d’entreprise.

Toutefois, parfois, des règles particulières supposent l’enchaînement de deux qualifications précises.

Exemple : Pour la sous-traitance, une double qualification est opérée. Elle suppose l’enchainement de deux
contrats d’entreprise. A noter que la loi protège le sous-traitant de sorte que si le deuxième contrat n’est pas un
contrat d’entreprise, la protection ne joue pas.

Section 3 : Le domaine de l’étude : les contrats spéciaux retenus

Les contrats étudiés dans ce cours peuvent être utilisés aussi bien par des particuliers que par des professionnels.
En principe il n'y aurait pas de contrat exclusivement civils ou commerciaux. En effet, tous les contrats peuvent
être tantôt civils, tantôt commerciaux ou tantôt mixtes.

Exemple : La vente peut être commerciale ou bien civile, idem pour le mandat et le bail.

Les exceptions se font rares donc la ligne de partage entre les contrats étudiés et ceux non étudiés ne tient pas
au caractère civil ou commercial.

Les contrats que l’on étudiera seront les plus usuels (contrat de vente, de bail, d'entreprise, le mandat, le prêt, le
crédit-bail, le contrat de dépôt salarié et les contrats aléatoires.)

Section 4 : Les perspectives de réforme

En 2017, une association de juristes comptant notamment Henri Capitant a entrepris de rédiger un avant-projet
de réforme du droit des contrats spéciaux. L'idée étant de compléter la réforme des contrats de 2016.
Un seconde groupe de travail avait été mis en place par la chancellerie en mars 2020. Toutefois, une question de
Périmètre, de délimitation s'est posée.

A cette heure, il n’existe aucun projet de loi, ni aucune proposition de loi.

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