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Université Ibn Tofail

Faculté des sciences juridiques et politiques


Kénitra

Droit privé, section française


Semestre V

Module : Contrats nommés


Pr. Hind MAJDOUBI

Année universitaire 2020/2021

1
Avertissement

Ce polycopié a été préparé pour les étudiantes et étudiants en droit de la Faculté des
Sciences Juridiques et Politiques de Kénitra, relevant de l’Université Ibn Tofail, pour les
aider dans leur travail de révision.
Il vise exclusivement à servir l’objectif d’enseignement des étudiants et étudiantes
relevant de l’établissement susmentionné à titre gratuit et ne peut être utilisé pour toute
autre fin.

2
Introduction générale

I. Généralités
La formule de Josserand selon laquelle « Nous vivons de plus en plus
contractuellement »1 semble traduire parfaitement la réalité de notre époque
contemporaine. En effet, le développement du phénomène contractuel dépasse l'aspect
quantitatif et connaît une spécialisation des contrats. À titre d'exemple, il n'existe plus
désormais un type de vente, mais des types de ventes obéissant à des régimes juridiques
différents selon que le contrat a pour objet un bien mobilier ou immobilier, ou qu'il
concerne le droit interne ou international, notamment. De manière générale, un certain
nombre de contrats sont spécialement organisés dans le cadre du « droit spécial des
contrats ». Cette discipline englobe le corps de règles qui gouverne les contrats
individualisés. Elle détermine les règles spéciales qui régissent ces contrats, les plus
fréquents, permettant aux hommes d'encadrer leurs échanges de biens et de services. Le
droit spécial des contrats a pour caractéristique d'être davantage réaliste que le droit
commun du contrat qui s'articule principalement sur ce qui est convenu d'appeler la
théorie générale des obligations. Il présente un intérêt pratique indéniable dans la mesure
où il prévoit les stipulations essentielles d'un certain nombre de contrats, leur donnant
ainsi un contenu préconstitué, facile à personnaliser par les parties selon l'esprit de leur
contrat et de l'adapter à la fin qu'elles poursuivent.

Les contrats particulièrement traités par le droit spécial des contrats, sont appelés
« contrats nommés », parce que la loi ou les usages qui les réglementent leur donnent un
nom (ex. : vente, bail, assurance, etc.). Par opposition, la notion de contrat innommé est
moins claire. Un contrat innommé est un contrat qui ne fait l'objet d'aucune
réglementation spéciale légale. Cependant, il peut acquérir un nom dès lors qu'il entre
dans l'une des catégories spontanément créées par la pratique, surtout dans le monde des
affaires , ex. contrat de franchise ; En d'autres termes, il devient un contrat nommé puisque

1
Louis Josserand, « Aperçu général des tendances actuelles de la théorie des contrats », RTD civ, 1937,
1, p. 7
3
la pratique lui a donné un nom, afin que dès le premier abord on connaisse sa finalité et
son contenu juridique.

Enfin, il existe des contrats complètement innommés, parce qu'ils n'entrent dans aucune
des catégories juridiques, légales ou usuelles. Habituellement, ils contiennent des
stipulations très détaillées, dans l'optique de régler ce que par hypothèse, ni la loi, ni les
usages, n'ont prévu.

II. Qualification
En matière de contrats, le souci préalable consiste à savoir quel statut juridique régit tel
ou tel contrat individuel conclu par les parties dans le cadre de ce qu'on appelle la
qualification. Autrement dit, la qualification consiste à déterminer dans quelle catégorie
il convient de classer le contrat conclu, afin de le rattacher au régime juridique qui lui
correspond ; par exemple savoir s'il est un bail ou une vente, ou un prêt, etc. afin de lui
appliquer les règles du bail, de la vente, ou du prêt, etc.

La qualification suppose une démarche dualiste. À cet égard, il faut d'une part, relever de
manière abstraite les éléments juridiques caractéristiques d'un type de contrat. À titre
d'illustration, ce qui caractérise la vente, c'est l'existence d'un prix et d'un transfert de
propriété, pour le contrat de travail c'est la subordination du salarié, dans un contrat de
dépôt c'est l'obligation de garde, etc. D'autre part, il faut procéder de manière concrète à
la détermination dans le contrat conclu par les parties, des circonstances de fait qui
correspondent à ces éléments de droit.
La qualification est un préalable nécessaire à l'application d'une règle juridique, d'où son
importance. Néanmoins, il peut arriver que parfois, l'ensemble contractuel constitue un
tout, pour complexe qu'il soit, parce qu'il forme une unité cohérente. On parle alors de
« contrat complexe », dans deux séries d'hypothèses. Ou bien il s'agit d'un « contrat
frontière » qui ressemble à deux contrats spéciaux différents, ex. la vente d'herbes est
proche à la fois d'une vente et d'un bail à ferme. Ou bien il s'agit d'un mélange de plusieurs
contrats spéciaux. Ainsi, la donation avec charges (mélange de vente et de donation),
l'échange avec soulte (vente et échange), la location-vente (vente et bail), vente
d'immeubles à construire (vente et contrat d'entreprise).
La qualification présente tout son intérêt lorsque chacun des statuts spéciaux auquel « un
contrat complexe peut se rattacher est différent et que leur régime juridique est
4
incompatible.
Les contrats complexes doivent être distingués des groupes de contrats qui associent
plusieurs contrats distincts sans en faire en principe un contrat unique ; ils constituent une
combinaison sans unité, ex. le prêt associé à une vente, le prêt assorti d'une assurance-
vie. En l'occurrence, il n'existe pas de difficultés de qualification ; cependant, il se pose
alors la question de savoir s'il y a divisibilité ou indivisibilité entre les contrats associés.
Le principe est l'indépendance de chaque contrat vis à vis de l'autre, sauf s'il est prouvé
que les deux contrats sont « intimement liés » et que l'existence de l'un est subordonnée
à la réalisation de l'autre. Il est à signaler que la charge de preuve de l'indivisibilité pèse
sur celui qui s'en prévaut.

L'une des variétés du groupe de contrats est la chaîne de contrats. Elle est courante en
matière commerciale, et faite de rapports contractuels successifs ayant un objet commun,
noués entre des personnes différentes , ex. la vente commerciale ne constituant qu'un stade
dans la circulation des marchandises; elle est précédée et suivie d'autres ventes : le
vendeur tient la chose vendue d'un autre qui l'a lui- même reçue d'un autre et l'acheteur la
vend à un sous- acquéreur... à cet égard, il est légitime de se poser la question de la
divisibilité, afin de savoir notamment quelle serait la répercussion de la résolution de l'une
des ventes sur l'ensemble des relations commerciales.

Une autre variété de l'indivisibilité des contrats est celle qui lie les mêmes parties : une
même personne conclut plusieurs contrats avec un même contractant et il peut y avoir
indivisibilité entre eux ; la résolution ou la nullité de l'un entraîne alors la résolution ou
la nullité des autres.

Les « chaînes de contrats » doivent être distinguées des « co-contrats » et des « sous-
contrats » qui font intervenir plusieurs participants à un contrat. Le co-contrat est la
convention par laquelle plusieurs participants interviennent pour un seul objet, ex. co-
traitance, coassurance, co-emprunt, etc. Le sous-contrat est une convention ayant pour
objet l'exécution d'une convention par une autre personne qu'une partie au contrat
principal, ex. sous-mandat, sous-location, sous-traitance, etc.

La créativité de la pratique contractuelle est illustrée par les exemples qui précèdent. Cette
créativité rend la matière du droit des contrats extrêmement vivante, la pratique devançant
5
toujours la loi. Au Maroc comme dans tous les pays, le législateur tente de suivre et
d'encadrer les pratiques qui font apparaître des dérives ou des risques spécifiques. Ainsi,
la loi n° 53-05 du 30 novembre 2007 relative à l'échange électronique des données
juridiques est venue encadrer la formation du contrat dans le cadre du développement de
l'Internet. De même et avec le souci de protéger les parties réputées faibles, le DOC avait
tenté de maintenir un certain équilibre dans le contrat en faisant peser des obligations plus
lourdes sur les parties réputées fortes, rendant ces dispositions parfois d'ordre public. Plus
récemment, la loi n° 31-08 relative à la protection du consommateur est intervenue afin
de limiter de nombreuses pratiques rendues possibles par le rapport de force entre certains
opérateurs économiques et les consommateurs, pour préserver les intérêts essentiels des
citoyens.

Dans le cadre de ce cours, nous allons essayer tout au long de notre étude d'approcher et
comprendre certains des contrats nommés les plus usuels. Ainsi, nous nous focaliserons
dans une première partie sur la vente, et dans une deuxième partie, nous nous
intéresserons à d’autres contrats nommés.

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Première partie : La vente, le plus célèbre des contrats
nommés

La vente est le plus célèbre et le plus usuel des contrats. À l'origine, il y avait le don car
à la base, le raisonnement était le suivant : je te donne afin que tu me donnes. Ensuite, il
y a eu l'économie du troc qui a fait naître l'échange, un bien remis contre un autre. Puis
une fois que l'usage de la monnaie s'est développé, est apparue la vente qui n'existe donc
que s'il y a un prix en argent. Il y a eu d'abord la vente au comptant, puis la vente à crédit.
Ultérieurement, de la vente a découlé le bail, initialement conçu comme une vente de
fruits.

Titre 1 : Conclusion de la vente


Dans la perspective de conclure un contrat de vente, il paraît judicieux de cerner la notion
de la vente. Ce sera l’objet du premier chapitre. Dans un deuxième chapitre, il sera
question de la formation de la vente.

Chapitre 1 : Notions :
L'article 478 du DOC définit la vente comme le contrat par lequel l'une des parties
transmet la propriété d'une chose ou d'un droit à l'autre contractant, contre un prix que ce
dernier s'oblige à lui payer.
Pour approcher la notion de la vente, nous nous intéresserons à ses caractères d'une part,
et d'autre part, nous la distinguerons des contrats voisins.

Section 1 : Caractères de la vente :


Classiquement, la vente présente cinq caractères à savoir c'est un contrat consensuel,
synallagmatique, onéreux, commutatif et translatif.

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1°/ Elle est généralement consensuelle dans la mesure où elle se forme par le seul
consentement des parties et n'exige en principe pour sa validité aucune forme solennelle ;
en effet, elle existe dès que les parties se sont mises d'accord sur la chose vendue et sur le
prix. Néanmoins, le consensualisme a connu un recul notoire dans plusieurs matières de
vente. À cet égard, la législation peut imposer au vendeur de faire figurer dans le contrat
certaines mentions obligatoires, à l'effet d'informer l’acquéreur (ex. : cession de fonds de
commerce) ; de plus, elle exige plus exceptionnellement l'établissement d'acte
authentique (ex. : vente en l'état futur d'achèvement). Par ailleurs, le législateur peut
exiger l'accomplissement de formalités de publicité pour la validité du contrat de vente
(ex. : contrat de vente d'immeuble).

2°/ La vente est synallagmatique dans la mesure où elle fait naître à la charge des deux
parties des obligations réciproques. De ce fait, il est fait application des règles propres
aux contrats synallagmatiques en cas d'inexécution, notamment, l'exception
d'inexécution, la résolution judiciaire et la théorie des risques.

3°/ La vente est aussi un contrat à titre onéreux puisqu'il ne comporte aucune intention
libérale ; autrement dit, le transfert du droit de propriété de la chose objet de la vente n’est
concédé à l’acheteur qu'en raison du paiement du prix auquel celui-ci s'oblige envers le
vendeur.

4°/ Elle est un contrat commutatif dans la mesure où les obligations réciproques des
parties sont regardées comme l'équivalent l'une de l'autre. Cependant, il peut arriver que
le contrat ait un caractère aléatoire comme dans les ventes moyennant rente viagère. Cela
dit, la réciprocité existe entre la chance de gain que court une partie et le risque de perte
pris par l'autre.

5°/ La vente est enfin un contrat translatif, puisqu'elle porte toujours sur un transfert de
droit. Le caractère translatif n'est pas pour autant remis en cause même dans l'hypothèse
d'un transfert reporté dans le temps. La vente porte sur un droit réel, généralement la
propriété. C'est en ce sens que la vente remplit sa fonction même si elle est assortie d'une
clause de réserve de propriété jusqu'à complet paiement du prix.

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Section 2 : Distinction de la vente des autres contrats voisins :
Le caractère translatif permet ainsi de distinguer la vente de la dation en paiement qui est
considérée comme un acte extinctif et ce, malgré les affinités entre les deux contrats. Il
permet aussi de la distinguer de l'acte constitutif d'un groupement, l'apport en société.
D'autres caractères de la vente par ailleurs, établissent la distinction entre la vente et
d'autres contrats voisins.

1°/ Vente et donation : Le don est considéré comme la forme primitive de l'échange.
Cependant, bien que les deux contrats soient tous deux translatifs de la propriété, leur
différence est nettement flagrante. À ce titre, à la différence de la vente, dans la donation,
le donataire n'est tenu à aucune contrepartie à l'égard du donateur qui est inspiré d'une
intention libérale. C'est pourquoi la donation est antinomique de la vente, comme le titre
gratuit l'est au titre onéreux. Néanmoins, dans certaines hypothèses, la différence
s'estompe notamment dans le cas de la donation avec charges où prédomine l'intention
libérale si les charges ont une valeur équivalente à celle de l'objet donné.

2°/ Vente et apport en société : L'apport en société est le contrat par lequel un associé
transfère la propriété d'un bien à une société en contrepartie de droits sociaux. La
contrepartie n'étant pas un prix, il ne constitue pas une vente et est soustrait alors aux
règles qui la régissent.

3°/ Vente et dation en paiement : La dation en paiement est un acte extinctif de


l'obligation qui consiste à remettre au créancier, à titre de paiement après accord de celui-
ci, d'une chose différente de celle qui faisait l'objet de la dette. Ce n'est donc pas une vente
ne serait-ce que par l'absence de prix. Cependant, elle peut aussi consister en une
aliénation, lorsqu’elle est faite au moyen d’une chose dont le débiteur transfère la
propriété au créancier qui l’accepte ; dans ce cas, elle ressemble alors tellement à une
vente qu’elle est soumise à beaucoup d’égards à son régime juridique.

4°/ Vente et contrat d'entreprise : Le contrat d'entreprise que le DOC appelle le louage
d'ouvrage et qu'il définit (art. 723) comme le contrat par lequel une personne s'engage à
exécuter un ouvrage déterminé, moyennant un prix que l'autre partie s'engage à lui payer,
est différent de la vente. En effet, exécuter un travail pour autrui n'est pas une vente : on
ne vend pas des services mais des choses. Toutefois, il existe des situations dans lesquelles
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on peut hésiter sur la nature du contrat. C'est le cas par exemple de la commande d’œuvre
d'art.

5°/ Vente et bail : Au départ, le bail était considéré comme une vente des fruits produits
par la chose. Désormais, ce sont deux contrats distincts. Tout d'abord, le bail est un contrat
successif. En outre, la vente a pour objet de transférer la propriété de la chose ; au
contraire le bail ne confère pas le droit sur la chose, mais donne seulement au preneur le
droit d'exiger du bailleur qu'il lui procure la paisible jouissance de la chose pendant la
durée du contrat.
Cependant, la différence s'estompe en ce qui concerne les biens dont le temps et l'usage
altèrent la substance, il n'existe guère de différence entre la propriété et la jouissance, seul
le droit d'usage présente un intérêt : la vente et le bail se ressemblent alors si la durée de
la location est calquée sur celle de l'amortissement. Néanmoins, la distinction a désormais
pour intérêt l'obligation d'entretien pesant sur l'acquéreur s'il s'agit d'une vente, sur le
bailleur s'il s'agit d'un bail.

6°/ Vente et mandat : La différence est nette entre la vente et le mandat. La vente est un
contrat translatif de propriété, tandis que le mandat est un mécanisme de représentation.
Le mandat est en effet le contrat par lequel une personne (le mandant) donne à une autre
(le mandataire) le pouvoir d'accomplir des actes licites en son nom et pour son propre
compte.

7°/ Vente et prêt : A priori, il s'agit de deux contrats différents car être emprunteur oblige
à restituer la chose prêtée ce qui n'est pas le cas pour l'acquéreur. Pourtant il existe des
hypothèses où l'on peut hésiter. Ex. lorsqu'un commerçant vend du gaz liquéfié, la
fourniture des bouteilles qui le contiennent et doivent être restituées après usage est-elle
un prêt ou l'exécution d'une obligation née d'une vente ? La jurisprudence en France
décide qu’il y a commodat ou dépôt si l’emballage doit être restitué par l’acheteur et que
son usage est gratuit, sinon il y a vente avec faculté de rachat.

Chapitre 2 : Formation de la vente


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Pour qu'on puisse parler de vente, le contrat doit comporter 4 éléments constitutifs : un
consentement, un prix, une chose dont la propriété est transférée à l'acquéreur2. Le
consentement relève de la théorie générale des obligations et ne sera donc pas exposé ici3.
Nous analyserons donc successivement le prix, la chose et le transfert de propriété.

Cependant, il ne faut pas omettre de rappeler l'exception posée par l'article 489 du DOC
qui dispose que : « lorsque la vente a pour objet des immeubles, des droits immobiliers
ou autres choses susceptibles d'hypothèque, elle doit être faite par écriture ayant date
certaine et n'a d'effet à l'égard des tiers que si elle est enregistrée en la forme déterminée
par la loi ».

Section 1 : Prix
L'existence d'un prix constitue l'élément caractéristique de la vente : à défaut, le contrat
ne peut pas recevoir cette qualification. Le prix permet de distinguer la vente d'autres
actes juridiques : la donation, l'échange, l'apport en société et la dation en paiement. La
distinction paraît nette, il y a ou il n'y a pas de prix.
Le prix dans la vente, consiste seulement en le paiement d'une somme d'argent. De ce fait,
pas n'importe quelle contrepartie ne peut faire office de prix.
Dans tous les cas, pour exister, ce prix doit d'abord être déterminé et ensuite être réel et
sérieux.

A. Prix déterminé :
L'article 487 du DOC précise que le prix de la vente doit être déterminé par les parties
elles-mêmes. Autrement dit, il leur appartient d'évaluer elles- mêmes la chose vendue et
ne peuvent de ce fait s'en remettre à une évaluation faite par un tiers, y compris une
évaluation judiciaire, ni acheté au prix payé par un tiers sauf dans le cas où le prix fût
connu des contractants. Toutefois, il est possible de se référer au prix fixé dans une
mercuriale, un tarif déterminé, ou à la moyenne des prix du marché. Dans le cas contraire,
les contractants sont présumés s'en être référés à la moyenne des prix pratiqués.

2 L'article 488 du DOC dispose que « la vente est parfaite entre les parties, dès qu'il y a consentement
des contractants, l'un pour vendre, l'autre pour acheter, et qu'ils sont d'accord sur la chose, sur le prix
et sur les autres clauses du contrat »
3 Cela dit, il ne faut pas manquer l'occasion de rappeler les dispositions de la loi sur la protection du
consommateur à ce sujet, notamment le droit de rétractation, les clauses abusives, la vente à distance.
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En règle générale, le prix est soit immédiatement chiffré, même en cas de paiement
différé, soit fixé par référence à des éléments qui le rendent déterminable le jour où il
devra être payé.

B. Prix réel et sérieux :


L'existence d'un prix exige que le prix fixé ne soit pas une simple apparence : lorsque les
parties simulent un prix mais conviennent qu'il ne sera pas versé, de sorte que ce prix est
purement fictif, il n'y a pas de vente véritable. Ce n’est pas dire que l’acte sera nul ; le
plus souvent, cette simulation a pour but de déguiser une donation que les parties veulent
cacher à des proches ou au fisc. Il sera opéré alors, une requalification du contrat.
En principe, la liberté contractuelle permet aux parties de stipuler le prix qui leur convient,
et le juge n'a pas le pouvoir d'exercer un contrôle sur l'équilibre économique du contrat
(en dehors des cas exceptionnels où la lésion est sanctionnée). Le droit marocain n'admet
la rescision pour lésion que dans le cas où elle est causée par le dol de l'autre partie, ou
de celui qui la représente ou encore lorsque la partie lésée est un mineur ou un incapable,
alors même qu'il aurait contracté avec l'assistance de son tuteur ou conseil judiciaire et
bien qu'il n'y ait pas de dol de l'autre partie. Selon le législateur marocain, Est réputée
lésion toute différence au-delà du tiers entre le prix porté au contrat et la valeur effective
de la chose (art 56). Le principe sur lequel est fondé cette orientation est tiré de la liberté
contractuelle : dès lors que les parties sont capables et que leur consentement n'a pas été
vicié par dol ou violence, le prix qu'elles ont fixés s'imposent à elles sans que le juge
puisse le rectifier au motif qu'il le trouverait injuste.

Section 2 : Le transfert d'une chose


Bien que couramment, on parle de « vendre une chose », juridiquement, il s'agit de « céder
son droit sur cette chose ». Ainsi, la vente ne porte pas directement sur un bien, mais sur
un droit et à travers ce droit et indirectement seulement sur le bien concerné. Par exemple
celui qui vend une maison, vend en réalité ses droits sur cette maison. Pour analyser l'objet
de cette vente, il faut procéder par étapes. Autrement dit, pour apprécier son existence par
exemple, il faudra d'abord vérifier si la maison existe et ensuite si le droit du vendeur sur
cette maison existe aussi. Il faut donc s'attacher successivement à chacune de ces étapes.

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I. La chose
Nous verrons successivement les choses vendables et la chose vendue.

A. Les choses vendables :


Il existe une expression utilisée notamment par le DOC qui oppose les choses « dans le
commerce » à celles qui sont « hors du commerce ». Le commerce dont il s'agit ici est
bien évidemment le commerce juridique, c'est à dire de la possibilité de créer des relations
juridiques au sujet d'une chose. Le principe demeure que toute chose est « dans le
commerce » sauf exclusion légale expresse. La vente peut porter ainsi sur toutes sortes
d'objets : meubles ou immeubles, corps certain ou choses de genre, biens corporels ou
droits incorporels. Encore faut-il qu'existe une chose susceptible de donner prise au droit
que la vente va transmettre : tel n'est pas le cas d'une simple prestation de service. Par
ailleurs, lorsque la vente est constitutive d'un droit incorporel, on parle de cession :
cession de créance, cession de fonds de commerce, de brevet d'invention, de droits
d'auteurs, etc.

Par opposition aux « choses dans le commerce », certaines choses ne peuvent pas faire
l'objet d'une vente. Pour certaines, la vente est prohibée comme n'importe quelle autre
convention parce qu'elles sont en dehors de tout commerce juridique, ex. drogues, choses
dangereuses pour la santé (produits périmés), ou issues d'une contrefaçon, soumises à
autorisations administratives personnelles comme des licences professionnelles, droits
fondamentaux de la personne : droit de vote, doit alimentaire, ou interdites par la religion,
etc.
Il ne faut pas manquer l'occasion de rappeler le principe de l’inviolabilité du corps humain
en ce sens que l'être humain et son corps son hors tout commerce. Si le principe du respect
de la dignité humaine et la lutte contre l'esclavagisme exclut toute vente d'hommes et est
au demeurant solidement établi à l'époque contemporaine, il en est de même pour les
organes humains. En effet, le législateur admet volontiers dans un esprit de solidarité, le
don d'organes pour sauver des vies, mais exclut cependant toute idée de contrepartie.

13
B. La chose vendue :
1/ Détermination de la chose vendue :
Pour qu'il puisse y avoir vente, il faut non seulement que la chose concernée soit vendable
en elle-même, mais encore qu'elle soit précisément identifiée ou identifiable4, cette
détermination se présente sous un jour différent pour les corps certains ou les choses de
genre.
Pour les corps certains, il faut des indications suffisantes à l'acte pour pouvoir identifier
le bien concerné. On admet que les biens puissent être déterminés par référence à la
propriété du vendeur. Par exemple, la vente sur tous les éléments d'actif de l'entreprise.

Pour les choses de genre, la détermination peut s'effectuer de deux façons :


ñ par l'indication du lieu où elles se trouvent s'il s'agit d'une vente en bloc, comme
la vente d'une récolte sur pied, du contenu de tel grenier ou silo, d'un lot d'animaux
de boucherie, ou de tel stock de marchandises ;
ñ par la précision de la quantité et de l'espèce convenues dans les ventes ordinaires,
que le code dénomme au poids, au compte ou à la mesure (par exemple telle
quantité de blé de telle variété).

2/ Existence de choses péries ou futures


La chose vendue étant déterminée, la vente est-elle subordonnée à son existence ? La
réponse de principe varie selon que la chose a cessé d'exister ou n'existe pas encore.
Pour les choses péries au moment de la vente, le principe est que la vente est nulle. Il y a
perte non seulement lorsque la chose vendue n'existe plus du tout, mais aussi si elle a
perdu ce qui faisait sa valeur. L'acheteur a le choix entre la nullité et la réduction
proportionnelle du prix. Cette règle peut cependant être écartée par le caractère aléatoire
du contrat ; l'existence de la chose n'est alors pas nécessaire car l'incertitude dont elle fait
l'objet constitue précisément l'aléa.

Pour les choses futures, la règle est inverse. Elles peuvent en principe faire l'objet d'une
vente à terme valable : objet à fabriquer, récolte à venir, immeuble à construire, etc.
L'article 61 du DOC permet expressément de conclure des contrats au sujet de ces choses
futures. Mais ces contrats ne sont pas sans danger car le contractant peut avoir des

4 Article 486 du DOC


14
difficultés à bien en mesurer la valeur. Dans le cas où la chose future peut faire l'objet
d'une vente, celle-ci devient caduque si la chose ne parvient pas à existence, sans faute de
part et d'autre, sauf ici aussi où le contrat avait un caractère aléatoire.

II. Le droit sur la chose


Vente et droit de propriété :
Généralement, la vente porte sur le droit de propriété dans son intégralité, connu sous le
nom de « pleine propriété ». Toutefois, la vente peut porter sur un simple démembrement
du droit de propriété, c'est à dire l'une de ses composantes, puisque les attributs du droit
de la propriété peuvent être temporairement séparés.

Par ailleurs, il se peut que les droits de propriété appartiennent ensemble à plusieurs
copropriétaires indivis, notamment à la suite de succession. Ces propriétaires indivis
peuvent évidemment se réunir pour vendre ensemble le droit dans son intégralité. Mais
un seul des co-indivisaires peut céder son droit indivis. Dans ce cas, la vente porte alors
sur des droits représentant une fraction de la chose : l'acquéreur entrera dans l'indivision
au lieu et place du vendeur.
Parce qu'elle fait entrer un « étranger » dans l'indivision, la vente de droits indivis est de
celles qui ouvrent un droit de préemption. À ce titre, les autres indivisaires peuvent
s'opposer à cette intrusion en exerçant un droit de préemption leur permettant de se
substituer à l'acquéreur.

En ce qui concerne la vente de la chose d'autrui, le DOC l'admet sous conditions5. La


première, si le maître la ratifie, la seconde, si le vendeur acquiert ensuite la propriété de
la chose. Dans le cas où le maître refuse de ratifier, l'acquéreur peut demander la
résolution de la vente ; le vendeur est tenu par ailleurs, de verser des dommages-intérêts,
si l'acquéreur ignorait au moment de la vente que la chose était à autrui.
Il existe cependant, une originalité dans le droit foncier traditionnel marocain qui consiste
en la vente globale à un étranger par un copropriétaire de ce qui appartient indivisément
à des copropriétaires acquéreurs en vertu d'un même titre. C'est ce qu'on appelle la Safqa.
L'acquéreur ne devient propriétaire que lorsque la vente a été ratifiée par les
copropriétaires du vendeur.

5 Article 485 du DOC


15
L'acquéreur ne verse au vendeur que la quotité lui revenant sur le prix. Le versement du
reliquat n'est opéré entre les mains des copropriétaires du vendeur, que lorsque ceux-ci
ont ratifié la vente.

Cession d'un droit litigieux :


Le droit cédé est en principe compris dans un droit certain, ce qu'il est le plus souvent
parce qu'établi par des titres ou par la possession. Même s'il est douteux, l'acquéreur ne
le sait pas et ne l'acquiert pas comme tel : c'est pourquoi s'il vient à être évincé parce qu'il
est jugé que le vendeur n'était pas propriétaire, cet acquéreur disposera d'un recours, dit
garantie d'éviction. Mais un droit ne devient pas incessible, par le seul fait qu'il donne
lieu à un litige. La vente prend alors un caractère aléatoire car l'acquéreur remplacera le
vendeur au procès et en subira l'issue qu'elle soit bonne ou mauvaise.

Cession d'un droit conditionnel :


Sans être litigieux, un droit peut être incertain en ce qu'il est affecté d'une condition
suspensive ou résolutoire. Sauf convention contraire, cette vente n'est pas aléatoire, mais
elle- même soumise à la même condition que le droit du vendeur : si le jeu de la condition
anéantit le droit cédé, la vente elle-même disparaît donc et l'acheteur ne doit pas le prix6.

6
La conséquence serait contraire en cas de vente aléatoire.
16
Titre 2 : Les effets de la vente
La particularité du contrat de vente tient à ce qu'il ne se borne pas à engendrer, comme
tout contrat, des obligations respectives à la charge du vendeur et de l'acquéreur, mais
qu'il opère également un transfert de droit réel.

Chapitre 1 : L'effet translatif


Le transfert du droit de propriété s'accompagne aussi d'un transfert des divers droits et
charges qui assortissent ce droit : l'acquéreur se trouve ainsi investi en même temps des
risques de la chose ainsi que des droits et actions qui lui sont attachés.

Section 1 : Le transfert de propriété


Le transfert de propriété dérive en principe de la rencontre des consentements des parties.
L'intérêt de la détermination du moment exact où se produit l'effet translatif tient à deux
enjeux.
L'enjeu le plus important concerne le bénéfice du droit de propriété lui-même, dont
l'acheteur est immédiatement investi. Cela dit, ce transfert est souvent entravé : à cet
égard, pour de nombreux biens et droits soumis à des formalités de publicité, le transfert
ne devient opposable aux tiers qu'une fois la publication observée. De même, pour les
objets mobiliers, il ne leur est opposable qu'après mise en possession. Or un droit réel
inopposable aux tiers perd l'essentiel de ses avantages : il peut certes être opposé au
vendeur lui- même et à ses héritiers, mais il reste saisissable par les créanciers de ce
vendeur et ne fait pas obstacle à une nouvelle cession par ce même vendeur indélicat à
des tiers de bonne foi.
Le second enjeu se retourne contre l'acheteur : à la propriété s'attache les charges de la
propriété, ainsi que les risques de la chose, qui pèsent ainsi immédiatement sur
l'acquéreur.
Il faut distinguer les conséquences relatives au transfert entre les parties et à l'égard des
tiers.

I. Le transfert entre les parties


On distingue le transfert de plein droit et les aménagements conventionnels

17
A. Transfert de plein droit
Le principe est qu'une fois le contrat conclu, le transfert a lieu de plein droit au profit de
l'acquéreur7. Il en découle qu'à partir de ce moment, la chose entre dans le patrimoine de
ce dernier qui devient alors habilité à faire tous les actes au sujet de cette chose8.
Corollairement, la chose quitte au même moment le patrimoine du vendeur ; à ce titre,
ses créanciers ne peuvent plus la saisir et les actes qu'il ferait à son sujet, seraient des
actes faits par un non-propriétaire.
Ces conséquences de principe sont cependant souvent atténuées, pour protéger les intérêts
des tiers par le jeu des règles d'opposabilité.

Le principe de transfert de plein droit de propriété connaît les trois exceptions suivantes
qui dérivent de la nature de la chose et qui impose par ailleurs un retard du transfert :
− Lorsque la vente porte sur des choses futures, le transfert de propriété est retardé
jusqu'à l'achèvement de la chose9 ;
− lorsque la chose porte sur des choses de genre, le transfert de propriété est lié à
leur individualisation10 ;
− lorsque la vente est faite en libre-service, on considère que sa formation n'est pas
scellée dès l'appréhension de la chose par le client mais seulement par son passage
en caisse.

B. Aménagements conventionnels
Dans la mesure où le principe du transfert de plein droit de propriété n'est pas d'ordre
public. Des aménagements conventionnels peuvent y déroger selon trois séries de clauses.
D'une part, les clauses retardant le transfert de propriété qui permettent aux parties en
concluant la vente d'en différer les effets ou certains d'entre eux et en particulier son effet

7 Article 491 du DOC : « L'acheteur acquiert de plein droit la propriété de la chose vendue, dès que le
contrat est parfait par le consentement des parties »
8 Article 492 : « Dès que le contrat est parfait, l'acheteur peut aliéner la chose vendue, même avant la
délivrance ; le vendeur peut céder son droit au prix, même avant le payement, sauf les conventions
contraires des parties... » ;
Article 493 : « Dès la perfection du contrat, l'acheteur doit supporter les impôts, contributions et
charges qui grèvent la chose vendue, s'il n'y a stipulation contraire ; les frais de conservation de la
chose sont également à sa charge ainsi que ceux de perception de frais. En outre, la chose vendue est
aux risques de l'acheteur, même avant la délivrance, sauf les conventions des parties »
9 Article 497 : « En cas de vente de fruits sur l'arbre, des produits d'un potager ou d'une récolte
pendante, les fruits ou les légumes sont aux risques du vendeur jusqu'au moment de leur complète
maturation »
10 Article 494 du DOC
18
translatif : il s'agit notamment des cas de la clause de vente avec terme suspensif. Ex. :
vente d'un bateau à livrer ; ou encore de la clause de réserve de propriété qui permet au
vendeur, tout en livrant la chose d'en retenir la propriété jusqu'à complet paiement du prix.
D'autre part, les clauses avançant le transfert par une rétroactivité conventionnelle
notamment. Ex. : dans une promesse unilatérale de vente, il peut être prévu que la levée
de l’option, qui n'opère en principe qu'à sa date, rendra l'acquéreur propriétaire depuis le
jour de la promesse.

II. Le transfert à l'égard des tiers :


La nature de la chose conditionne l'opposabilité du transfert de propriété aux tiers. En
effet, s'agissant des immeubles, le conflit se tranche par le jeu de la publicité foncière ;
s'agissant des meubles corporels, le conflit se règle par la mise en possession ; s'agissant
enfin des biens incorporels, certains donnent lieu à un système de publicité par inscription
au registre (droits de propriété industrielle), d'autres passent par une formalité de
notification (cession de parts de sociétés).

Section 2 : Le transfert des accessoires :


Il faut distinguer parmi le transfert des accessoires, celui relatif aux risques et celui
concernant les accessoires juridiques.
D'une part, le transfert des risques demeure en principe attaché à celui de la propriété et
en constitue un des enjeux principaux : c'est souvent pour savoir à qui incombe la perte
de la chose qu'il faudra situer le moment exact du transfert de propriété. C'est donc au
moment de la vente que s'effectue le transfert des risques même s'il reste des formalités à
accomplir. Si le vendeur est encore en possession, on doit considérer qu'il est tenu à une
obligation de conservation analogue à celle d'un dépositaire. Il existe cependant, des
exceptions à ce principe, dissociant ainsi la propriété des risques, notamment dans les cas
suivants : vente en l’état futur d’achèvement, mise en demeure du vendeur pour
délivrance de la chose vendue, clause de réserve de propriété
D'autre part, les accessoires juridiques concernent les droits et actions attachés à la chose.
Ils y sont tellement liés qu'ils en constituent l'accessoire et se transmettent avec elle. Tel
est le cas d'abord, des droits attachés à une chose par une servitude, ensuite, certains
contrats attachés à un bien qu'ils ne peuvent en être séparés (Ex. contrat d'assurance,
contrats de travail), enfin, les actions en justice attachés à une chose.

19
Chapitre 2 : Les obligations de l'acheteur
Parmi les obligations de l'acheteur, il en est une qui est essentielle et ne peut jamais être
écartée, à défaut, la vente perdrait sa qualification : c'est celle de payer le prix. Cette
obligation se trouve renforcée par les garanties de paiement reconnues au vendeur. Cela
dit, il existe des obligations accessoires pesant sur l'acheteur.

Section 1 : Paiement du prix :


La règle de l'exigibilité du prix par la délivrance de la chose est issue directement du
caractère synallagmatique du contrat de vente. Il en découle alors plusieurs
conséquences :

ñ C'est au vendeur qui réclame le prix de prouver le montant du prix convenu ainsi
que la satisfaction de son obligation de délivrance ;
ñ l'acheteur peut refuser de payer le prix tant que la délivrance n'est pas parfaite ;
ñ il peut encore suspendre le paiement du prix s'il est troublé par un tiers ou craint
de l'être ;
ñ le prix ne produit pas d'intérêts avant la délivrance.

Cependant, la règle de l'exigibilité peut être écartée. On relève deux hypothèses : d'une
part, le paiement peut être avancé (ex. : paiement à la commande, ou acomptes, ou arrhes),
d'autre part, il peut être retardé (facilités de paiement).

Dans tous les cas, lorsque le vendeur a apporté la preuve de l'existence et l'exigibilité de
sa créance, il incombe alors à l'acheteur d'établir qu'il a procédé au paiement du prix.

Section 2 : Garantie de paiement :


Le vendeur dispose de plusieurs moyens pour obtenir le paiement du prix de la vente.
Droit de rétention : Pour garantir son paiement, le vendeur dispose tout d'abord d'une
première garantie tirée du droit commun qui consiste à retenir la chose vendue tant qu'il
n'est pas payé. À cet égard, l'article 291 du DOC dispose que « Le droit de rétention est
celui de posséder la chose appartenant au débiteur, et de ne s'en dessaisir qu'après
paiement de ce qui est dû au créancier ».

20
Action en exécution et privilège du vendeur : créancier du prix, le vendeur dispose de tous
les moyens de contrainte représentés par les voies d'exécution de droit commun.
Cependant, la loi lui reconnaît un droit de préférence sur la valeur du bien vendu : c'est le
privilège du vendeur.

Réserve de propriété : La clause de réserve de propriété est une technique juridique qui
permet au vendeur de retarder le transfert de propriété jusqu'à paiement intégral du prix.
Cela lui permet en cas de défaillance de l’acquéreur de revendiquer la chose. Il y a lieu
de préciser que le DOC a été complété par une section comportant les articles 618-21 et
suivants, relative à la vente mobilière avec clause de réserve de propriété11.

Action résolutoire : C'est l'action en justice qui ouvre au vendeur impayé le droit de
demander la résolution de la vente.

Section 3 : Obligations accessoires :


Il appartient sauf convention contraire, à l'acheteur de supporter les frais de la vente. À
ce titre, l'article 511 du DOC dénombre les frais d'enlèvement et de réception de la chose
vendue, de change, les charges fiscales, les frais notariés, les frais d'emballage, de
chargement et de transport, etc.
Il lui incombe également de procéder au retirement de la chose achetée. C'est là une
conséquence du transfert de propriété immédiat qui rend l'acheteur depuis l'instant même
de la vente propriétaire de la chose.
Enfin dans les ventes commerciales entre professionnels, il arrive souvent que l'acheteur
accepte un certain nombre d'obligations quant aux conditions dans lesquelles il revendra :
Ex. : ne pas dépasser un certain prix, ne pas vendre certains produits concurrents, etc.

Chapitre 3 : Les obligations du vendeur


Le vendeur est tenu à la délivrance de la chose. Mais ses obligations peuvent continuer
au-delà de la vente dans le cadre de ce qu'on appelle les garanties après-vente. Il est à
signaler qu'il s'agit des deux obligations principales mises à la charge du vendeur par le

11
Consulter le Dahir n° 1-19-76 du 17 avril 2019, portant promulgation de la loi n° 21-18 relative aux
sûretés mobilières, Bulletin Officiel n° 6840, du 19 décembre 2019, p. 2512.

21
DOC12. Cela dit, il existe d'autres obligations accessoires qui méritent d'être signalées, à
savoir l'obligation de sécurité13 et l'obligation d'information14. Concernant la première, il
s'agit d'une obligation générale mise à la charge des producteurs et des importateurs de
produits ainsi que les prestataires de services pour ne mettre à disposition sur le marché
que des produits ou des services sûrs. Concernant la seconde, il s'agit d'une obligation
générale mise à la charge des professionnels pour mettre par tout moyen approprié les
consommateurs en mesure de connaître les informations nécessaires leur permettant de
faire un choix rationnel compte tenu de leurs besoins et moyens.

Section 1 : La délivrance :
La délivrance constitue l'obligation principale pesant sur le vendeur. L'article 499 du DOC
précise qu'elle a lieu, lorsque le vendeur ou son représentant se dessaisit de la chose
vendue et met l'acquéreur en mesure d'en prendre possession sans empêchement. La
délivrance se distingue du transfert de propriété en ce que celui-ci porte sur le droit, la
délivrance porte sur la maîtrise matérielle de la chose et repose donc sur un acte de fait.
Elle se distingue aussi de la livraison au sens courant de remise matérielle de la chose
chez le destinataire. La délivrance oblige seulement le vendeur à mettre la chose à la
disposition de l'acheteur, et c'est ce dernier qui doit venir en prendre livraison, suite à son
obligation de retirement.
Conformément aux dispositions du DOC, la délivrance prend plusieurs formes selon la
nature du bien vendu. Pour les immeubles, la délivrance se fait par la remise des titres de
propriété et éventuellement des clés. Pour les meubles, elle se fait par la remise matérielle
ou par la fourniture du moyen d'accès au lieu où elles se trouvent. Pour les biens
incorporels, elle se fait par la remise des titres permettant à l'acquéreur d'effectuer les
actes de publicité éventuellement nécessaires.
Sauf stipulation contraire des parties, la délivrance est en principe exigible
immédiatement, sous réserve de l'existence d'un délai raisonnable selon la nature de la
chose et a lieu à l'endroit où la chose vendue se trouvait au moment du contrat.
Dans tous les cas, la délivrance porte très exactement sur la chose convenue, telle que
définie au contrat. La conformité s'apprécie à l'instant même de la délivrance et par

12 Article 498 du DOC.


13 Cette obligation de sécurité est prévue par la loi 24-09 relative à la sécurité des produits et des services
et qui a par la même complété le DOC en imposant une responsabilité du fait des produits défectueux
promulguée le 17 août 2011.
14 Elle est prévue par la loi 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur.
22
rapport à la chose promise et à ses caractéristiques annoncées. Bien entendu la délivrance
comprend aussi les accessoires matériels et administratifs de la chose et tout ce qui est
destiné à son usage perpétuel.
L'exécution de l'obligation de délivrance se traduit par la prise de possession du bien par
l'acheteur. Ce n'est pas là un simple fait, mais en même temps un acte juridique : cette
prise de prise de possession manifeste en effet l'intention de l'acheteur d'accepter la chose
telle qu'elle lui est fournie. On parle alors de réception. Le principe est donc que la
réception implique une vérification de la conformité.
L'inexécution par le vendeur de son obligation de délivrance se manifeste dans trois cas :
défaut total de délivrance, retard de délivrance ou délivrance défectueuse. Tout d'abord,
l'acheteur peut poursuivre l'exécution forcée de la délivrance. Si le bien a disparu,
l'exécution ne pourra se faire qu'en valeur actuelle du bien disparu.
Par ailleurs, l'acheteur peut avoir recours à la résolution du contrat qui passe par une
action en justice.
Enfin, à défaut de résolution, le vendeur peut être condamné à payer au profit de
l'acquéreur des dommages- intérêts pour la réparation du préjudice subi.

Section 2 : Les garanties après-vente


Selon l'article 532 du DOC, il est dû de plein droit des garanties à l'acquéreur par le
vendeur qui porte d'une part sur la jouissance et la possession paisible de la chose vendue
appelée garantie pour cause d'éviction et d'autre part sur les défauts de cette chose,
appelée garantie pour les vices rédhibitoires. Dans les deux cas, l'excuse de bonne foi du
vendeur est totalement inopérante.

A. La garantie pour cause d'éviction :


La garantie d'éviction signifie que le vendeur doit s'abstenir de mettre en œuvre toute
action, juridique ou non, et de formuler toute réclamation, dont l'un des effets au moins
serait de causer un trouble à la bonne jouissance par l'acquéreur de la chose vendue.

Le DOC précise que l'éviction peut prendre trois formes.


L'éviction peut être totale si la chose ou sa jouissance est totalement perdue pour
l'acquéreur ou, partielle si la perte ne touche que certains attributs de la chose vendue ou
certains avantages qui y sont liés. Il faut remarquer qu'une éviction partielle qui porterait
23
sur un élément essentiel de la chose vendue équivaut à une éviction totale.
Ensuite, l’éviction est retenue lorsque l’acquéreur ne réussit pas à obtenir la possession
de la chose contre un tiers détenteur. Il en est ainsi, en cas d'occupation imprévue d'un
bien immobilier par des locataires.
L'éviction pourra enfin résulter du fait que l'acheteur soit contraint de faire un effort
supplémentaire pour pouvoir obtenir la délivrance de la chose. Cela peut, par exemple
viser le cas de frais supplémentaires, non prévus ou prévisibles et/ou non déclarés par le
vendeur lors de la conclusion de la vente.

Quelle que soit la forme de l'éviction, quand l'acheteur est totalement évincé, la vente
peut être annulée et le vendeur se trouvera devoir à l'acquéreur la restitution du prix de
vente et des frais engagés par l'acquéreur pour les besoins de la vente. Mais l'acquéreur
pourra aussi se voir indemnisé des frais de justice engagés pour les besoins de la
reconnaissance de l'éviction et la mise en jeu de la garantie légale afférente et d'éventuels
dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. De plus, si la mauvaise foi du vendeur
était établit, il s'exposerait à devoir rembourser jusqu'aux frais d'agrément engagés par
l'acquéreur de bonne foi.

La question peut se poser de savoir si les indemnités et plus précisément le


remboursement du prix par le vendeur en cas d'éviction sont affectés par l'état de la chose
vendue lors de l'annulation de la vente. Le DOC précise, en son article 539, que l'acheteur
a droit au remboursement intégral, même en cas de détérioration de la chose par son fait
ou un cas de force majeure. De même, la plus-value éventuelle sur la chose devra être
incluse dans les dommages-intérêts dus par le vendeur de mauvaise foi.

Il faut toutefois préciser que l'annulation de la vente n'est pas automatique. L'acquéreur
subissant une éviction partielle dispose d'une option lui permettant d'obtenir une réduction
du prix et, par conséquent, un remboursement du prix payé. Cette réduction du prix sera
alors calculée au prorata de la valeur de la partie de la chose dont l'acquéreur aura été
évincé. Il en va de même pour les ventes portant sur plusieurs choses, pour autant que ces
choses soient séparables les unes des autres.

Afin d'éviter les abus, il est possible pour le vendeur d'être protégé malgré l'éviction subie
par l'acheteur. Cette protection peut être issue du contrat, par une clause de non garantie,
24
mais cette clause ne pourra produire ses effets que pour ce qui concerne les dommages-
intérêts et non pour la réduction ou la restitution du prix. De plus, cette clause ne pourra
pas trouver application si l'éviction est issue d'un acte du vendeur lui-même ou s'il était
de mauvaise foi en ayant dissimulé une cause potentielle d'éviction dont il avait
connaissance.
Une protection plus efficace est-elle issue de la loi elle-même. En effet, le vendeur n'est
pas tenu de la garantie contre l'éviction si cette dernière est obtenue par violence ou force
majeure, si elle est causée par un fait du prince indépendant d'un acte du vendeur ou d'un
droit antérieur à la vente ou si la jouissance de l'acheteur est troublée par des voies de fait
de la part de tiers sans prétention sur la propriété du bien vendu. De même le vendeur est
protégé en cas d'éviction due à une faute ou un fait de l'acheteur ayant directement mené
à l'éviction.
Ces cas sont parfaitement logiques et normaux dans la mesure où le vendeur ne peut être
responsable du fait de personnes qui ne seraient pas ses préposés et où la faute de la
victime est un cas d'exonération générale de responsabilité.

B/ La garantie des vices cachés


La garantie des défauts de choses vendues, ou garantie des vices cachés, a pour objectif
de protéger un acquéreur contre un vice qui affecteraient une chose vendue de telle
manière que sa valeur s'en trouve sensiblement diminuée ou, pire encore, que la chose
vendue devienne impropre à son usage normal ou contractuel. La jurisprudence considère
le vice caché faisant l'objet d'une garantie de la part du vendeur, est celui qui nécessite
pour sa découverte, une certaine expertise et un certain examen.

La garantie est due par le vendeur pour les vices existant au jour de la vente ou, pour les
choses fongibles, lors de leur délivrance. La garantie peut être restreinte
contractuellement, pour les choses dont les vices ne peuvent être découverts qu'en les
dénaturant. Ainsi, dans le cas de vente de fruits en coques, le vice ne peut être révélé qu'en
détruisant partiellement au moins la chose vendue. De plus, pour les ventes sur
échantillon, la garantie qui est due, consiste, en fait, en une obligation de conformité de
la chose vendue à l'échantillon présenté. Le terme de garantie est impropre puisque la
preuve due pour que la responsabilité du vendeur soit engagée est celle de l'absence de
25
conformité, à apporter par l'acheteur.

L'action en garantie des vices cachés doit être engagée dans les sept jours qui suivent la
réception de la chose vendue, pour les biens meubles autres que les animaux. De ce fait,
l'acheteur est tenu de faire un examen de la chose reçue et de notifier au vendeur dans le
délai susvisé toute anomalie ou tout vice qu'il aurait décelé. Faute de telles réserves, le
vendeur se verra exonéré de toute responsabilité.

Toutefois, l’acheteur reste tenu de conserver la chose lorsqu’il s’agit de vente à distance
et si la chose vendue court le risque de se détériorer de manière précipitée.

La sanction encourue en cas de vice cachée consiste en l’annulation de la vente ce qui


implique nécessairement la restitution du prix de vente. Contrairement à l’action fondée
sur la garantie d’éviction, l’acheteur ne dispose pas d’une option lui permettant d’obtenir
une réduction du prix. S’il souhaite conserver la chose achetée, il ne pourra pas prétendre
au remboursement, même partiel, du prix convenu. En plus de l’annulation, le vendeur
s’expose au paiement de dommages-intérêts, en cas de dol, s’il n’avait pas exclu sa
responsabilité tout en ayant déclaré connaître le vice, s’il avait déclaré que le vice
n’existait pas ou si la qualité de la chose touchée par le vice constituait un élément
déterminant du consentement de l’acheteur ou est requise par les usages. Il faut remarquer
que le vendeur professionnel est réputé connaître l’existence du vice. Au contraire, les
dommages-intérêts ne seront pas dus si le vendeur avait déclaré l’absence de vice et si le
vice est apparu après la vente.

Par exception au principe de l’absence de remboursement partiel du prix, quand la chose


viciée est intégrée dans un lot ou un groupe de choses vendues en bloc, l’acheteur peut
obtenir une réduction du prix au prorata des choses viciées parmi celles vendues en bloc.
De plus, l’annulation de la vente d’un élément principal emporte de plein droit
l’annulation de la vente des éléments accessoires.

Dans le cas où une vente viendrait à être annulée pour cause de vice caché, l’acheteur est
tenu de restituer la chose achetée. Cette restitution inclut les fruits de la chose vendue. Si
la restitution est rendue impossible par un cas de force majeure, par le vol commis par un
tiers ou du fait de l’incorporation de la chose dans un ensemble dont elle est devenue
26
indissociable, il ne pourra être prétendu à aucune restitution. Les autres cas de disparition
de la chose vendue, notamment ceux qui seraient la conséquence du vice lui-même, sont
supportés par le vendeur, qui reste donc tenu des restitutions légales. Toutefois, si un vice
nouveau est survenu avant la restitution, l’acheteur sera tenu d’indemniser le vendeur de
la dégradation causée par le vice nouveau. Il s’agit d’une forme d’application de la
garantie des vices cachés à la restitution. De même, l’acheteur subira les conséquences
pécuniaires de la détérioration de la chose à restituer du fait de la faute de l’acheteur ou
du fait de l’usage qu’il en a fait.

Le vendeur pourra toutefois être exonéré de sa responsabilité sous certaines conditions.


Le premier cas visé par la loi vise les vices apparents. Ces vices, dont l’acheteur avait ou
aurait dû avoir conscience par un examen normal de la chose avant l’achat, sont apparents
et donc, par définition, ils ne sont pas cachés.
De même si le vendeur a déclaré l’existence d’un vice et qu’il ne le garantissait pas, sa
responsabilité pour vice caché ne pourra pas être engagée. L'exclusion de garantie légale
pour les vices cachés n'est pas admise en cas de contrat de vente de produits ou biens liant
le consommateur à un professionnel15.
Enfin, le dernier cas visé par la loi exonérant le vendeur de la garantie des vices cachés
consiste dans l’hypothèse des ventes par autorité de justice.

En termes de procédure, il faut noter que la garantie des vices cachée est soumise à des
délais de prescription spécifiques, de 365 jours à compter de la délivrance pour les biens
immeubles et de 30 jours à compter de la délivrance pour les biens meubles, sous réserve
que les conditions visées plus haut aient été respectées. Cependant, le vendeur de
mauvaise foi ne peut pas invoquer d’arguments tirés de la prescription pour s’exonérer de
sa responsabilité. Ces délais de prescription sont rallongés en cas de vente liant un
consommateur et un professionnel. En effet, les actions en justice découlant des défauts
nécessitant la garantie ou du fait que l'objet vendu est dépourvu des qualités promises,
doivent être intentées à peine de forclusion pour les immeubles dans les deux ans suivant
la livraison et pour les meubles dans l'année suivant la livraison16.
Il faut enfin remarquer une spécificité liée à l’action en annulation de la vente pour cause
de vice caché. En effet, si le vice venait à disparaître en cours d’instance, l’action serait

15 Article 65 de la loi 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur.


16 Article 65 de la loi 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur
27
éteinte de plein droit.

Avant de conclure l'obligation de garantie des vices cachés telle qu'elle est prévue par le
DOC, il convient de noter la possibilité de prévoir des garanties conventionnelles
supplémentaires. À cet égard, la loi 31-08 édictant des mesures de protection du
consommateur a prévu la possibilité pour le fournisseur de proposer au consommateur
une garantie conventionnelle supplémentaire à la garantie légale des défauts de la chose
pour laquelle il doit définir précisément la durée, la portée et les conditions17. En outre,
elle a exigé que le contrat de service après-vente qui est distinct des garanties légale et
conventionnelle, et qui définit l'ensemble des services que le fournisseur d'un bien
s'engage à exécuter à titre gratuit ou onéreux, doit indiquer par écrit les droits du
consommateur et les prix devant être supportés le cas échéant18.

17 Article 66 à 68 de la loi 31-08


18 Article 69 de la loi 31-08
28
Deuxième partie : D’autres contrats nommés

D’autres contrats nommés par le DOC ont acquis également une notoriété de par leur
utilisation fréquente dans la vie de tous les jours. On pourra les classer selon qu’ils portent
sur un service (Titre II) ou caractérisé par la chose qui fait l’objet du contrat (Titre I).

29
Titre I : Les contrats caractérisés par une chose
Dans le cadre de ce titre, nous nous intéresserons au louage de chose, au prêt et au dépôt.

Chapitre 1 : Le louage de choses


L'article 627 du DOC définit le louage de choses comme le contrat par lequel l'une des
parties cède à l'autre la jouissance d'une chose mobilière ou immobilière, pendant un
certain temps, moyennant un prix déterminé que l'autre partie s'oblige à lui payer.
Le louage de choses est désigné aussi comme un contrat générateur d'un droit personnel,
offrant au preneur la jouissance exclusive et continue d'une chose moyennant le
versement d'un loyer.

Section 1 : Distinction du louage de choses des contrats voisins :


Le louage de choses doit être distingué des contrats voisins pour mieux l'appréhender.
-Louage de choses et vente : Tandis que la vente est un contrat instantané, translatif de
propriété, le louage de choses est un contrat à exécution successive qui confère un droit
personnel de jouissance au preneur, exclusif de tout droit réel.

- Louage de choses et usufruit : En dépit du fait que le louage de choses et la constitution


d'usufruit portent sur la jouissance d'une chose et confèrent le droit de percevoir les fruits,
il n'en demeure pas moins que ce sont deux contrats différents. L'usufruit est un
démembrement de la propriété qui confère à l'usufruitier l'usus et le fructus et instaure à
son profit un rapport juridique direct sur la chose, contrairement au locataire qui n'a aucun
droit réel sur la chose louée. À cet égard, l'usufruitier est habilité à céder son droit
d'usufruitier ou le donner à bail. Enfin, l'usufruit se distingue aussi du louage de choses
en ce que ce dernier est toujours à titre onéreux.

- Louage de choses et commodat : Le DOC dans son article 830 définit le commodat
comme le contrat par lequel l'une des parties remet une chose à l'autre partie pour s'en
servir pendant un certain temps, ou pour un usage déterminé, à charge pour l'emprunteur
de restituer la chose même. Si a priori des similitudes existent avec le louage de choses
en ce qui concerne la mise à disposition d'une chose et l'obligation de restitution en nature,
la différence est catégorique en ce que le commodat est à titre gratuit.

30
- Louage de choses et licence : Les contrats de licence des droits de propriété
intellectuelle ou industrielle s'apparentent au contrat de louage de choses dans la mesure
où il y a mise à disposition d'une chose sans transfert d'un droit réel et moyennant le
versement d'une redevance. En effet, le titulaire de ces droits reste propriétaire tout en
concédant à autrui l'usage. Cependant, la spécificité de ces droits incorporels soulève des
différences. Par exemple, dans un contrat de licence pour l'utilisation d'un logiciel, il n'y
a pas réellement d'exécution successive puisque l'utilisateur devient propriétaire du
support matériel du logiciel. De même, cet utilisateur ne supporte aucune obligation de
restitution contrairement au locataire.

- Louage de choses et dépôt : Contrairement au louage de choses, le dépôt est un contrat


réel essentiellement gratuit. Par ailleurs, la remise de la chose dans le dépôt fait naître des
obligations spécifiques à la charge du dépositaire qui devient gardien de cette chose et
encourt sa responsabilité en cas de défaillance.

- Louage de choses et louage d’ouvrage : Même si le DOC a rassemblé le louage de


chose et le louage d'ouvrage dans le même titre, il n'en demeure pas moins que la
distinction entre les deux contrats s'opère par référence à l'objet du contrat. Alors que le
premier concerne la jouissance d'une chose, le deuxième concerne la réalisation d'un
ouvrage déterminé. Toutefois dans la pratique, il est probable de rencontrer des contrats
renfermant les deux objets à la fois. Par exemple, le contrat de location d'équipement
informatique qui peut comprendre : la mise à disposition de divers matériels, des études,
des conseils, l'élaboration de logiciels, la maintenance, etc.

Section 2 : Les composantes du louage de choses


Si l'on se réfère à la définition du louage de choses donnée par le DOC, quatre éléments
doivent être réunis pour pouvoir parler de louage de choses, à savoir : la jouissance d'une
chose, pendant un certain temps, moyennant un prix. Nous allons nous intéresser à ces
éléments ci-après.

I. La chose
La chose pouvant faire l'objet d'un louage de choses peut être mobilière ou immobilière,
corporelle ou incorporelle. Donc le principe demeure la liberté de louer. Cependant, cette
chose doit être possible pour pouvoir être donner en louage de choses (ex. nue- propriété,
31
la lune) et ne pas être exclue par la loi ou la convention. À ce titre, la loi interdit les choses
qui sont hors du commerce tels que les droits extrapatrimoniaux (droit de vote), ou
relevant du domaine public qui ne peut être donnée qu'en occupation temporaire. Par
ailleurs, la convention peut limiter la location de certaines choses, notamment par une
interdiction de sous-louer.

II. La jouissance
La jouissance est un élément fondamental du louage de choses, à défaut de laquelle, on
ne peut plus parler de contrat de louage de choses. Cette jouissance se traduit en premier
lieu par une mise à disposition, en deuxième lieu, par la possibilité d'en tirer profit et en
troisième lieu, par une restitution à la fin du contrat.
Concernant la mise à disposition, elle correspond à la détention par le locataire de la chose
louée et d'en avoir la maîtrise.
Le profit tiré de la chose illustre un profit pour le compte du locataire.
Enfin, la restitution de la chose signifie que la jouissance qui en est tirée ne doit en altérer
la substance ou la consommer. De ce fait, le louage de choses est exclu lorsque la chose
est consomptible par le premier usage. Néanmoins, le louage de choses autorise le
locataire à consommer les fruits de la chose louée, puisque la substance n'est pas en cause.

III. La durée
Le louage de choses est par nature un contrat à exécution successive, ce qui implique un
élément de durée. D'ailleurs, le DOC utilise l'expression « pendant un certain temps ».
Néanmoins, l'élément de durée reste très délicat à apprécier, puisque la durée peut être
très courte (Ex : louer une maison pendant quelques jours, louer un matériel pendant
quelques heures). L'idée inhérente donc à la durée n'est pas la longueur mais le sentiment
de stabilité dans la jouissance reconnue au locataire.
Par ailleurs, la durée du contrat de louage de choses peut être déterminée ou indéterminée.
Dans le cas où il est à durée indéterminé, c'est à dire que les parties n'ont pas convenu
d'un terme pour la jouissance du locataire, la fin de cette jouissance devra être précédée
par un congé préalable. Le congé est un acte unilatéral qui émane de la volonté
discrétionnaire de l'une des parties qui souhaite mettre fin au contrat.
En ce qui concerne le louage de choses à durée déterminée, il s'agit techniquement d'un
louage de choses assorti d'un terme extinctif. La distinction entre le bail à durée
déterminée et celui à durée non déterminée réside dans le fait que pour expirer, il n'est
32
pas besoin d'observer un quelconque congé pour le premier.

Cependant, la jouissance du preneur peut continuer au-delà du terme fixé dans le contrat
dans le cadre des hypothèses suivantes :
ñ La prorogation qui consiste en une prolongation conventionnelle de la durée du
contrat de louage de choses. En effet, les parties peuvent, en cours d'exécution du
louage de choses, repousser la durée du contrat. Par conséquent, l'arrivée du terme
originel ne met pas fin au contrat qui se poursuit jusqu'à la nouvelle échéance
convenue.
ñ La reconduction qui consiste dans la formation d'un nouveau contrat à la
survenance du terme fixé, sans interruption du droit de jouissance du locataire.
Elle suppose donc, d'une part, l'existence d'un bail écrit venu à expiration à son
terme, et d'autre part, que le locataire reste en possession. Cette reconduction
tacite traduit une présomption de la volonté des parties de continuer le rapport de
louage de choses.
ñ Le renouvellement qui consiste en l'accord des parties de renouveler le contrat de
bail tout en fixant de nouvelles conditions de contrat. Il en diffère alors de la
reconduction qui continue les conditions du contrat précédent. Le renouvellement
du louage de choses est dans certaines circonstances un droit reconnu au locataire
notamment dans le cadre de l'exploitation d'un fonds de commerce. À défaut, une
indemnité d'éviction est accordée à celui-ci lorsque le bailleur refuse le
renouvellement.

Enfin, le législateur a prévu des dispositions différentes concernant le congé de préavis,


selon qu'il s'agisse d'un bail pour des locaux à usage d'habitation ou professionnel tels que
régi par le dahir portant loi n° 67-12 de novembre 2013 ou du bail relatif à des locaux à
usage commercial, industriel ou artisanal tels que régi par la loi 49-16.

IV. Le prix
Étant un contrat onéreux, le louage de choses n'est pas concevable sans prix ou loyer.
Pour être valable, le loyer doit être déterminé ou déterminable. Il peut être constitué soit
en espèces, soit en nature (produits, denrées ou autres choses mobilières) dont la quantité
et la qualité sont établies. L'article 633 du DOC précise en ce sens, qu'il est possible dans
le cadre des baux ruraux, de fixer une partie du loyer en numéraire ou en une redevance
33
en produits, et l'autre consiste en la réalisation de certains travaux. Dans tous les cas, le
principe pour la détermination du loyer demeure la liberté contractuelle.
Lorsque les parties n'ont pas déterminé le loyer, elles sont présumées s'en être référées au
prix courant pratiqué pour les choses de même nature dans le lieu du contrat. Une révision
du prix du loyer est possible.

Section 3 : Les obligations nées du louage de choses


Nous analyserons tout d'abord, les obligations du locateur et ensuite celles du preneur.

I. Les obligations du locateur :


Trois obligations sont principalement à la charge du locateur. Il s'agit de l'obligation de
délivrer la chose louée au preneur, de l'obligation de l'entretenir et enfin de l'obligation
de la garantir.

A/ Obligation de délivrance :
L'obligation de délivrance consiste pour le locateur à mettre la chose louée à la disposition
du locataire à la date convenue. Bien entendu, la délivrance ne se limite pas à la chose
elle-même, mais également à ses accessoires nécessaires pour son usage.
Par ailleurs, la délivrance doit porter sur un bien conforme à la destination prévue par le
contrat et qui permet au preneur d'exercer pleinement son droit de jouissance comme
prévu dans le contrat.

B/ Obligation d'entretien :
L'obligation d'entretien correspond à une obligation de faire pesant sur le locateur toute
la vie du contrat. En effet, l'article 638 du DOC précise que « le locateur est tenu de livrer
la chose et ses accessoires et de l'entretenir, pendant la durée du contrat, en état de servir
à leur destination, selon la nature des choses louées ». Pour ce faire, il doit effectuer toutes
les réparations nécessaires autres que les réparations locatives.

C/ Obligation de garantie :
Le législateur met de plein droit à la charge du locateur une garantie au profit du preneur
et qui porte d'une part, sur la jouissance et la possession paisible de la chose louée et
d'autre part, l'éviction et les défauts de la chose.
Concernant la garantie de jouissance, elle se traduit par l'obligation mise à la charge du
34
locateur qui l'interdit de tout ce qui pourrait troubler la possession du preneur ou le priver
des avantages attendus, selon la destination de la chose louée. Cette obligation ne se limite
pas au locateur mais est étendue à ses préposés, aux autres locataires ou ses ayants-droits.

Concernant la garantie d'éviction et des défauts de la chose, elle porte d'une part, sur les
troubles de droit issus de la prétention d'un tiers à un titre sur le bien loué. Et d'autre part,
elle garantit le preneur pour tous les vices et défauts de la chose louée qui en
diminueraient sensiblement la jouissance, ou la rendraient impropre à l'usage auquel elle
était destinée, d'après sa nature ou d'après le contrat. Elle s'étend également en cas
d'absence des qualités expressément promises par le locateur, ou requises par la
destination de la chose.

Lorsqu'il y a lieu à garantie, le preneur peut demander soit la résolution du contrat, soit la
réduction du prix. Cependant, lorsqu'il n'y a faute d'aucune des parties au contrat et que
la chose louée périt, détériorée ou modifiée en tout ou en partie, de telle manière qu'elle
ne peut plus servir à l'usage auquel elle était destinée, le contrat est résolu sans indemnité.

II. Les obligations du preneur


Le preneur est tenu de faire face à deux séries d'obligations, l’une est de nature financière
et l'autre est relative à la chose louée.

A/ Obligations financières
Elles se traduisent par le paiement du loyer et des charges locatives. Ainsi, le preneur doit
payer le loyer au terme convenu et supporter toutes les charges d'entretien et de réparation
du bien loué meuble ou immeuble. Il ne s'agit bien entendu pas, des réparations qui
concernent la structure du bien.

B/ Obligations relatives à la chose louée


Ces obligations consistent pour le preneur de conserver la chose louée et d'en user sans
excès ni abus, suivant sa destination naturelle ou celle qui lui a été donnée par le contrat.
Ainsi, le preneur doit user de la chose en bon père de famille, c'est à dire paisiblement et
sans détourner l'affectation conventionnelle du bien.
Ensuite, le preneur supporte une obligation de conservation de la chose louée dans la
limite de la vétusté, la force majeure ou l'usure normale de la chose. À ce titre, il doit
35
procéder aux réparations nécessaires et ne pas transformer la chose louée sans autorisation
expresse du bailleur.
Enfin, à la fin du bail, le preneur doit restituer la chose au locateur qui s'opère par la
remise du bien et ce dans l'état où il se trouvait au début du contrat, d'où l'intérêt de l'état
des lieux. Bien entendu cette remise est limitée par les dégradations dues à la vétusté ou
à la force majeure.

36
Chapitre 2 : Le prêt

Le prêt est le contrat dans lequel l'une des parties (emprunteur), reçoit de l'autre (prêteur),
une chose dont elle aura le droit de se servir, mais qu'elle devra restituer. Le DOC
distingue deux sortes de prêt suivant la nature de la chose prêtée. Ainsi, si l'emprunteur
s'engage à restituer après usage la chose même qui lui a été prêtée, on parle de prêt à usage
ou commodat. Si par contre, la chose prêtée est telle que l'emprunteur ne peut s'en servir
sans la consommer et que celui-ci s'engage à en restituer l'équivalent, on est en présence
du prêt de consommation.

Section 1 : Prêt à usage ou commodat


L'article 830 du DOC donne la définition du prêt à usage. Il s'agit d'un contrat qui a pour
objet de transférer la détention d'une chose à l'emprunteur pour qu'il puisse s'en servir
pendant un temps et à une fin convenue, sans devoir aucune contrepartie à charge pour
lui de la restituer au prêteur. Il en découle alors que le prêteur conserve la propriété et la
possession juridique de la chose tandis que l'emprunteur n'en a que l'usage.

Le prêt à usage peut porter sur des choses mobilières ou immobilières. Il suppose pour sa
validité la capacité du prêteur de disposer de la chose à titre gratuit et le contrat est parfait
par le consentement des parties et par la remise de la chose à l'emprunteur. Autrement dit,
le prêt à usage se caractérise par la réunion de trois éléments qui sont nécessaires à la
qualification du contrat et permettent de le distinguer des contrats voisins. Il s'agit tout
d'abord, d'un objet qui est l'usage de la chose, ensuite, d'une finalité qui est sa restitution
en fin d'usage et enfin d'une essence qui est la gratuité.

Le prêt à usage prend fin par la mort de l'emprunteur. Toutefois, les obligations qui en
résultent se transmettent par succession.

Nous essaierons ci-après d'approcher la situation juridique des parties au contrat de prêt
à usage.

37
A. Situation du prêteur
La personnalité juridique du prêteur est importante dans le commodat ; Le prêteur doit
pouvoir disposer de la chose à titre gratuit. Dans ce contexte, l'article 831, al.1 du DOC
interdit aux tuteurs, curateurs et administrateurs de la chose d'autrui de la donner à
commodat.
Ensuite, le prêteur est tenu à une obligation de remise de la chose objet du prêt à usage.
D'ailleurs, le commodat constitue un contrat réel.
Cela dit, avant cette remise, un accord de volontés ne constituerait qu'une promesse de
prêt qui peut se résoudre en dommages- intérêts au profit de l'emprunteur en cas de
défaillance du prêteur sauf preuve d'empêchement pour cause de besoin imprévu ou
dégradation de la situation financière du prêteur.
Le prêteur est tenu de supporter les dépenses urgentes et nécessaires pour la conservation
de la chose prêtée, entreprises par l'emprunteur qui bénéficie à ce titre, d'un droit de
rétention sur la chose jusqu'à répétition des montants engagés.
En outre, dans la mesure où le prêt à usage n'est nullement un contrat translatif, puisque
le prêteur conserve la propriété et la possession juridique de la chose prêtée, l'emprunteur
n'est qu'un simple détenteur de la chose et par conséquent, les risques inhérents à cette
dernière demeurent à la charge du prêteur.
Conformément enfin à l'article 852 du DOC, le prêteur peut être condamné à des
dommages- intérêts au profit de l’emprunteur en vertu de ses obligations de garantie
d'éviction et des vices cachés de la chose ayant causé un dommage.

B. Situation de l'emprunteur
Les obligations de l'emprunteur peuvent être résumées en trois catégories : le bon usage,
la conservation et la restitution.

1/ Le bon usage
Le bon usage traduit l'idée que l'emprunteur ne peut user de la chose que conformément
à sa nature, à la convention ou à l'usage.
Sauf interdiction par la convention, l'emprunteur peut se servir lui- même de la chose, la
prêter ou en céder gratuitement l'usage à autrui.

2/ La conservation
L'emprunteur est tenu de veiller avec diligence à la conservation de la chose prêtée.
38
Cependant, il ne répond pas de sa perte ou de sa détérioration causée par un cas fortuit ou
par force majeure, lorsqu'il a usé de la chose normalement et conformément à la
convention.
Dans le cas où l'emprunteur a abusé de l'usage de la chose prêtée, il est tenu pour
responsable concernant sa perte ou sa détérioration. Le DOC considère notamment l'abus
dans quatre cas :
ñ emploi de la chose pour un usage différent de celui correspondant à sa nature ou
à la convention ;
ñ en cas de demeure de l'emprunteur pour la restitution de la chose prêtée ;
ñ négligence des précautions nécessaires pour la conservation de la chose ;
ñ disposition de la chose en faveur de tiers sans permission du prêteur.
De manière générale, l'obligation de conservation de la chose prêtée fait peser sur
l'emprunteur toutes les dépenses courantes, correspondant à l'usage de la chose. En plus,
il doit avancer tous les frais nécessaires et urgents afin d'éviter sa dégradation à charge
pour le prêteur de les répéter.

3/ La restitution
A l'expiration du délai accordé ou après l'usage convenu, l'emprunteur doit procéder à la
restitution de la chose prêtée elle- même.
Toutefois, il peut arriver que la restitution se fasse de manière anticipée dans trois cas :
ñ lorsque le prêteur a un besoin urgent et imprévu de la chose ;
ñ lorsque l'emprunteur en abuse ;
ñ lorsque l'emprunteur néglige ses obligations de conservation.

Section 2 : Prêt de consommation


Lorsque le prêt porte sur des choses qui se consomment par l'usage de sorte que
l'emprunteur ne peut restituer la chose prêtée que dans la même espèce et quantité, on
parle alors du prêt de consommation. Les choses pouvant faire l'objet d'un tel contrat
doivent être à la fois consomptibles (dont l'usage empêche la restitution) et fongibles
(restitution à l'identique). Il en découle alors un champ d'application largement réduit par
rapport au prêt à usage : en sont alors d'office exclus les immeubles. N'en demeurent alors
parmi les meubles que ceux de genre. La nature particulière de ces biens fait en sorte que
l'emprunteur en devient propriétaire dès leur réception. Le contrat est translatif et entraîne
39
certaines conséquences.
D'une part, il revient à l'emprunteur de supporter les risques de la chose en cas fortuit.
D'autre part, le prêteur, n'étant qu'un simple titulaire d'un droit personnel à l'égard de
l'emprunteur, il ne supporte pas les frais de conservation puisque la chose ne lui appartient
plus.
Par ailleurs, le prêt de consommation peut être à titre gratuit ou onéreux, ce qui le
distingue encore du commodat.
Le contrat de prêt de consommation est parfait par l'échange de consentement des parties
et avant même la tradition de la chose prêtée. Ce contrat entraîne des obligations
réciproques.
Le prêteur à pour obligation principale la tradition de la chose prêtée. Il en découle une
autre obligation non de moindre importance. Il s'agit de l'obligation de garantie des vices
cachés et de l'éviction des choses prêtées.
L'emprunteur pour sa part, doit à la fin du terme convenu restituer une chose de même
espèce, qualité et quantité que celle prêtée. S'il est dans l'impossibilité d'y satisfaire, il est
tenu d'en payer la valeur, eu égard au temps et au lieu où la chose devait être rendue. Si
aucun terme n'a été convenu, l'emprunteur doit payer à toute demande du prêteur.
Néanmoins, il assume préalablement toutes les dépenses, liées à la réception de la chose
et celles engendrées par la restitution.

40
Chapitre 3 : Le dépôt

Selon le DOC, le dépôt est le contrat par lequel une personne, le déposant, remet une
chose mobilière à une autre personne, le dépositaire, qui se charge de garder la chose
déposée et de la restituer dans son individualité.

Section 1 : Formation du contrat de dépôt


Le contrat de dépôt est d'abord un contrat réel, puisque basée sur la remise d'une chose,
qui fait appel aux règles de droit commun pour sa formation.

Nous analyserons les conditions de capacité, de consentement et du prix.


1. La capacité :
Le DOC fait figurer au premier rang des conditions, la capacité. En effet, l'article 784
précise que « pour faire un dépôt et l'accepter, il faut avoir la capacité de s'obliger ». Bien
entendu, les règles de capacité sont celles fixées par le droit commun. Cela dit, il faudrait
nuancer entre deux hypothèses. La première, est celle où une personne capable accepte le
dépôt fait par un incapable, elle reste soumise à toutes les obligations découlant du dépôt.
La seconde concerne le dépôt fait par une personne capable à une autre qui ne l'est pas.
Le déposant dans ce cas ne dispose que d'une action en revendication de la chose déposée ;
à défaut d'une action en restitution à concurrence de ce qui a tourné au profit du
dépositaire incapable.
Par ailleurs, pour constituer un dépôt, il n'est pas nécessaire que le déposant soit
propriétaire de la chose déposée, ni qu'il la possède à titre légitime. Plus encore, le
dépositaire doit restituer la chose au déposant alors même qu'un tiers prétendrait y avoir
droit sauf cas de revendication ou saisie par voie judiciaire.

2. Le consentement :
L'article 787 du D.O.C précise que le dépôt est parfait par le consentement des parties et
la tradition de la chose. Toutefois, un accord de volontés précédant la remise de la chose
vaudra comme promesse de dépôt et pourra donner lieu à des dommages- intérêts en cas
d'inexécution, si le promettant ne justifie que des causes imprévues et légitimes ne l'ont
empêché d'honorer son engagement.

41
Par ailleurs et sauf cas de dépôt nécessaire justifié par un accident, un incendie, un
naufrage ou autre événement imprévu ou de force majeure, le consentement des parties
au contrat de dépôt doit être constaté par écrit lorsque la valeur du dépôt dépasse les 10000
dirhams.

3. Le prix :
Le DOC affirme que le dépôt est essentiellement gratuit. Néanmoins, il peut être stipulé
à titre onéreux. En effet, si la convention le prévoit ou si les circonstances ou l'usage laisse
entendre la rémunération, le dépositaire a droit à un salaire. Il semble d'ailleurs admis une
présomption en ce sens lorsque le dépôt est le fait d'un professionnel. Dans l'hypothèse
où le dépôt a pris fin avant le délai convenu, le dépositaire n'a droit au salaire convenu
que proportionnellement à la durée de la garde sauf convention contraire.
Il est à signaler que la détermination du prix n'est pas une condition de formation du
contrat et peut être fixé par le juge selon la coutume.
En plus du salaire s'il y a, le déposant doit répéter au dépositaire les dépenses nécessaires
engagées pour le transport, la conservation et la restitution de la chose voire l'indemniser
des dommages subis du fait du dépôt sauf si ces derniers sont occasionnés par la faute du
dépositaire.

Section 2 : Éléments Caractéristiques du dépôt


Il ressort de la définition même du dépôt, trois éléments caractéristiques du dépôt, à
savoir : une remise de la chose, la garde de la chose et enfin sa restitution.

1. Remise de la chose
Le dépôt suppose qu'une chose soit remise entre les mains du dépositaire qui en acquiert
la détention et la maîtrise matérielle. À ce titre, le dépositaire accepte que la chose lui soit
confiée matérialisant ainsi le transfert de sa garde à son égard.
La remise de la chose dans le cadre du dépôt soulève des questions quant à la nature de
cette chose. Conformément aux termes de l'article 781 du DOC, il doit s'agir de choses
mobilières, ce qui exclut d'office les immeubles. Par ailleurs, dans la catégorie des choses
mobilières, on ne saurait logiquement retenir les meubles incorporels faute de consistance
matérielle rendant ainsi le transfert de leur garde inconcevable. Il est à signaler que les
42
titres constatant les droits incorporels peuvent valablement faire l'objet de dépôt. Du reste,
le dépôt peut porter sur tous types de biens meubles corporels : voiture, bijou, animaux,
marchandises, etc.

2. Garde de la chose
L'obligation de garde est l'obligation caractéristique du contrat de dépôt. La garde est le
critère même du dépôt. Elle trouve son expression dans la conservation de la chose remise
et ne se limite pas à une simple surveillance. Elle charge le dépositaire de prendre toutes
les précautions pour éviter sa dégradation, son dépérissement ou son vol. L'article 791 du
DOC dispose que « le dépositaire doit veiller à la garde du dépôt avec la même diligence
qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent ». Lorsque cette obligation est
prise en charge, le contrat est bien un contrat de dépôt. Lorsque le débiteur s'engage
seulement à mettre un local à la disposition d'autrui et refuse toute garde de la chose, le
contrat n'est plus un dépôt, mais un simple contrat de location. Selon les auteurs Dutilleul
et Delebecque, la garde, c'est la conservation, la défense, l'extrême attention.
Le dépositaire est responsable de la perte ou de la détérioration de la chose causée par son
fait ou sa négligence ou par l'inobservation des précautions stipulées dans la convention.
La responsabilité du dépositaire peut valablement être écartée :
ñ lorsque la perte ou la détérioration de la chose déposée est due à la nature ou les
vices de la chose ou encore à la négligence du déposant ;
ñ en cas de force majeure ou de cas fortuit, à moins que le dépositaire ne soit en
demeure de restituer. La preuve de la force majeure ou du cas fortuit sont à la
charge du dépositaire lorsqu’il reçoit un salaire ou agit dans le cadre de ses
fonctions.
Corollairement, le gardien n'a pas le droit de se servir de la chose, sans la permission
expresse du déposant, faute de quoi sa responsabilité en cas de perte ou détérioration de
la chose ne sera pas écartée même s'agissant de force majeure ou de cas fortuit.

3. Restitution de la chose
Le dépositaire doit restituer la chose qu'il a reçue sous peine d'engager sa responsabilité.
Cette obligation est une obligation de résultat. Elle n'est soumise à aucun aléa. Restituer
est un simple acte matériel. Par conséquent, si le dépositaire tarde ou refuse de restituer,
sa responsabilité sera engagée, sous réserve de prouver l'existence d'une cause étrangère.

43
L'obligation de restitution est respectée par la remise faite par le dépositaire de la chose
identiquement reçue augmentée de ses accessoires et fruits, à la personne qui le lui a
confié ou à celle au nom de laquelle le dépôt a été fait ou à celle enfin qui a été indiquée
par le déposant pour la retirer. En cas de décès du déposant, la chose déposée ne peut être
restituée qu'à son héritier ou son représentant légal.

Le dépositaire doit en principe restituer la chose dans le lieu convenu et au terme convenu
voire avant si le déposant le réclame. Toutefois, lorsqu'aucune échéance n'a été fixée, le
dépositaire peut restituer le dépôt à tout moment à la double condition que la restitution
ne soit pas à contretemps et qu'il accorde au déposant un délai suffisant pour procéder au
retrait.

Section 3 : Dépôt spécial : Le séquestre


Variété du dépôt, le séquestre consiste à déposer une chose litigieuse entre les mains d'un
tiers dépositaire ou même l'une des parties, qui sera à la fois gardien et administrateur de
la chose. Le séquestre est formé soit par la volonté des parties intéressées soit par la
décision du juge. Il peut être gratuit ou onéreux.
À l'opposé du dépôt, le séquestre peut porter sur des choses mobilières ou immobilières.
Cependant, lorsqu'il porte sur des choses dont il est craint la détérioration, le tiers
dépositaire, après être autorisé par le juge, peut procéder à leur vente en transférant le
séquestre sur le produit de la vente.
Dans le cadre de sa mission, le tiers dépositaire ne peut procéder à aucun acte de
disposition sauf ceux nécessaires et conformes à l'intérêt de la chose séquestrée. Il est
tenu d'une obligation de restitution sans délai à la personne indiquée par les parties ou par
le juge. Il doit enfin tenir un compte exact des recettes et dépenses, assorties des
justifications nécessaires.

Le tiers dépositaire répond de la force majeure et du cas fortuit s'il est en demeure de
restituer la chose, ou s'ils ont été occasionnés par son fait ou sa faute ou de ceux des
personnes dont il doit répondre. Il en répond encore s'il a accepté de se constituer gardien
provisoire alors qu'il est partie au procès.

44
Titre II. Les contrats de service
Les contrats de service seront approchés du point de vue du contrat de mandat du point
de vue du louage d’ouvrage.

Chapitre 1 : Le mandat

Le développement des activités de services (au sens professionnel du terme), a entraîné


une explosion des intermédiaires, qui agissent le plus souvent au moyen d'un mandat. En
outre, l'essor considérable des personnes morales a multiplié l'utilisation du mandat,
instrument technique de leur expression et de leur activité.
Le D.O.C définit le mandat comme le contrat par lequel une personne charge une autre
d'accomplir un acte licite pour le compte du commettant. Il précise que le mandat peut
être donné aussi dans l'intérêt du mandant et du mandataire, ou dans celui du mandant et
d'un tiers et même exclusivement dans l'intérêt d'un tiers.
L'originalité du mandat réside indéniablement dans son but : c'est un acte juridique qui
est lui- même orienté vers la conclusion d'autres actes juridiques.
Il en ressort qu'à l'exception du cas où le mandataire échoue, on sera, après l'achèvement
par le mandataire de l'opération, en présence de deux actes juridiques superposés : d'une
part le mandat lui-même et d'autre part, l'acte juridique exécuté par le mandataire dans le
cadre de sa mission.

Il convient cependant de signaler que la représentation n'est pas toujours d'origine


contractuelle. Il est des cas où c'est la loi ou le juge qui crée le mandat en chargeant une
personne d'en représenter une autre (tuteurs, syndic de société en difficulté,
administrateur provisoire, etc.).
Le contrat de mandat présente les caractéristiques suivantes : c'est un contrat consensuel
qui se forme par la seule rencontre des volontés sans aucun formalisme en dehors des cas
spéciaux où la loi exige une forme déterminée19. Il est à l'origine un contrat amical dont

19
Les dispositions du DOC en matière de mandat ont été complétées par l’ajout des articles 889-1 et
889-2 en vertu de l’article 2 du Dahir n° 1-19-114 du 9 août 2019, portant promulgation de la loi n° 31-18
modifiant et complétant le dahir du 12 août 1913 formant Code des Obligations et des Contrats ; Bulletin
officiel n° 6880, du 7 mai 2020, p. 837.

45
le but était de rendre service. Cependant, cette caractéristique tend à s'estomper avec la
gratuité qui perd de la place dans le cadre de la multiplication des mandataires
professionnels. Le mandat est aussi un contrat où l'intuitu personae est considérable pour
l'accomplissement d'actes juridiques. À ce titre, la substitution de mandataire n'est
possible que par l'accord exprès du mandant ou encore lorsqu'elle résulte de la nature de
l'affaire ou des circonstances ou enfin lorsque le mandat est donné avec pleins pouvoirs.
Le mandat est aussi un contrat à exécution successive.

Le mandat doit être distingué du contrat de travail dans la mesure où tout d'abord, le
premier porte sur l'accomplissement d'actes juridiques, tandis que le second concerne une
prestation matérielle de travail, ensuite dans le contrat de travail, la rémunération
constitue un élément du contrat, alors que le contrat de mandat est en principe gratuit. Et
enfin, la subordination juridique caractérisant le contrat de travail est inexistante dans le
mandat.

Le mandat doit être distingué aussi du contrat de louage d'ouvrage en ce que d'une part,
dans le premier le mandataire agit pour le compte du mandant alors que dans le second,
le maître d’œuvre agit pour son propre compte. D'autre part, le mandataire accomplit des
actes juridiques définis dans le mandat dont les conséquences seront assumées par le
mandant tandis que dans le louage d'ouvrage, le maître d’œuvre accomplit en toute
indépendance et en toute responsabilité un acte matériel de réalisation d'un ouvrage
donné.

Le mandat se distingue également de la gestion d'affaires en ce que le maître n'a pas


constitué le gérant d'affaires pour la réalisation de l'affaire alors que le mandat est un
contrat qui exige pour sa validité un échange de consentement.

Section 1 : Formation du contrat de mandat :


Pour former un mandat, le législateur exige la condition de capacité du mandant pour
l'exécution de l'acte objet du mandat, et ne requiert pour le mandataire que les facultés de
discernement.
Le mandat est parfait par le consentement des parties. Cependant, l’article 889-1 du DOC
précise que lorsque le mandat porte sur le transfert de propriété d’un immeuble ou la
constitution des autres droits réels, leur transmission, leur modification ou leur déchéance,
46
il doit, dans ces cas, être inscrit par leur auteur au registre des mandats portant sur des
droits réels. Il ne produira d’effets juridiques qu’à compter de ladite date d’inscription.
Dans ce cadre, il est créé un registre national électronique des mandats dont la gestion
sera assurée par l’administration. La publication de tous les mandats inscrits aux registres
des mandats portant sur des droits réels, tenus par les greffes des tribunaux de première
instance s’effectue ainsi dans ledit registre.

Le principe est que le mandat prend effet sous réserve des cas précités dès accord des
parties. Néanmoins, il faut préciser que lorsqu’on est en présence d'un mandat fait à
distance, il est réputé conclu dans le lieu où réside le mandataire lorsque celui-ci accepte
la mission. Le mandat ne peut porter sur un objet impossible, trop indéterminé ou
contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs. De même, il ne peut porter sur un acte
que nul ne peut accomplir par procureur tel que prêter serment.

Le mandat peut être civil ou commercial selon la nature de l'acte accompli et la qualité
civile ou commerciale des parties.

Le mandat peut être spécial ou général. Il est spécial lorsqu'il est donné pour une ou
plusieurs affaires déterminées ou qui ne confère que des pouvoirs spéciaux. Il est général
lorsqu'il donne au mandataire le pouvoir de gérer tous les intérêts du mandant sans limiter
ses pouvoirs ou lorsqu'il confère des pouvoirs généraux sans limitation dans une affaire
déterminée. Le tout sous réserve des limites prévues par la loi. En effet, l'article 894 du
DOC exige une autorisation expresse du mandant pour exécuter certains actes juridiques
tels que déférer le serment décisoire, faire un aveu judiciaire, défendre au fond en justice,
acquiescer à un jugement, s'en désister, etc.
Le mandat est en principe gratuit sauf convention contraire. Cependant, la gratuité n'est
pas présumée :
ñ lorsque le mandataire se charge par état ou profession des services qui font l'objet
du mandat ;
ñ entre commerçants pour affaires de commerce ;
ñ lorsque d'après l'usage, les actes qui font l'objet du mandat sont rétribués.

Section 2 : Les obligations des parties au mandat


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A. Les obligations du mandataire
Le mandataire doit agir conformément aux pouvoirs qui lui sont donnés par le mandat.
En aucun cas, il ne doit les outrepasser. En cas de doute sur l'étendue des pouvoirs du
mandataire, la preuve est établie par les dires du mandant appuyés par son serment.
Ensuite, dès lors qu'il s'est chargé d'une mission, le mandataire doit l'accomplir avec
diligence, qu'il agisse à titre gratuit ou à titre onéreux. Bien entendu l'efficacité de la
diligence se trouve accrue dans le cadre du mandataire professionnel ou agissant pour le
compte d'un mineur, d'un incapable ou d'une personne morale.
En outre, le mandataire assume une obligation de rendre compte au mandant de sa gestion.
Cette obligation se matérialise à deux stades : d'une part en cours de mission lorsque les
circonstances pourraient déterminer le mandant à modifier le mandat ou le révoquer et
d'autre part en fin de mission et ce quel que soit l'issue de l'opération.
Enfin, il incombe au mandataire une obligation de restitution qui s'entend d'une part de la
restitution au mandant de tout ce qu'il avait remis lui- même au mandataire pour
l'exécution de sa mission et d'autre part de la transmission par celui-ci de tout ce qu'il a
pu recevoir des tiers dans le cadre de l'exercice de sa mission. Pour ce faire, le mandataire
doit veiller à la conservation des choses ainsi détenues.
Lorsque le mandataire manque à ses obligations, sa responsabilité contractuelle pour faute
se trouve évidemment engagée. Il se trouve alors tenu de réparer l'intégralité du préjudice
subi conformément à l'esprit de la responsabilité civile contractuelle. Dans le cas de la
clause ducroire, le mandataire devient alors garant envers son mandant de la bonne
exécution du contrat conclu avec les tiers- contractant, ce qui ne se limite pas à la
solvabilité de ce dernier, mais couvre également le paiement effectif.
Dans le cadre de sous- mandats, la responsabilité du mandataire initial n'est engagée que
si la substitution n'a pas été autorisée. Si, étant autorisé, a choisi une personne notoirement
incapable pour exécuter le mandat ou à manquer de la surveiller lorsque cette surveillance
était nécessaire selon les circonstances ou encore lorsqu'il a donné de mauvaises
instructions au sous- mandataire.
Par ailleurs, le mandataire substitué répond directement envers le mandant dans les
mêmes conditions que le mandataire initial, mais hérite cependant des mêmes droits que
celui-ci.

Enfin, il convient de signaler qu'en cas de pluralité de mandataires, la solidarité ne se


présume pas. Néanmoins, elle est de droit dans les trois hypothèses suivantes :
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− lorsque le dommage subi par le mandant est causé de leur dol ou faute commune
sans possibilité de discerner la part de chacun d'eux ;
− lorsque le mandat est indivisible ;
− lorsque le mandat est donné entre commerçants pour affaires de commerce sauf
stipulation contraire.

B. Les obligations du mandant


Le mandant doit mettre le mandataire en mesure d'exécuter sa mission.
Ensuite, il doit rembourser au mandataire les avances et frais nécessaires qu'il a dû
engager dans le cadre de l'exécution du mandat, lui payer sa rémunération lorsqu'elle est
due. Enfin, il doit exonérer le mandataire des obligations qu'il a dû contracter à l'occasion
de sa mission, à l'exclusion de toutes obligations assumées du fait du mandataire ou de sa
faute et qui seraient issues de causes étrangères au mandat.
Le mandant demeure en principe responsable des suites du mandat envers le mandataire
même lorsqu'il cède l'affaire.
Par ailleurs, dans l'hypothèse où le mandat a été donné par plusieurs mandants pour une
affaire commune, chacun d'eux demeure obligé envers le mandataire en proportion de son
intérêt dans l'affaire. Dans ce contexte, le DOC dans son article 919 reconnaît au
mandataire un droit de rétention sur les effets mobiliers et marchandises du mandant qui
lui ont été expédiés pour se rembourser ce qu'il lui est dû.

Section 3 : Effets du mandat


Les actes valablement accomplis par le mandataire au nom du mandant et dans la limite
du mandat, produisent leur effet à l'égard du mandant comme s'ils avaient été accomplis
par ce dernier lui-même. À ce titre, les accords secrets passés entre le mandataire et le
mandant et ne résultant pas du mandat lui- même, ne peuvent être opposés aux tiers sauf
s'il est prouvé la connaissance de ceux-ci lors du contrat. D'autre part, le mandataire
n'assume aucune obligation personnelle envers les tiers avec qui il a contracté sauf s'il a
agi en son nom personnel et dans ce cas il acquiert les droits résultant du contrat et
demeure directement obligé envers les tiers co-contractants.
Enfin, la révocation totale ou partielle du mandat ne peut être opposée aux tiers de bonne
foi qui ont contracté avec le mandataire avant de connaître la révocation.

Section 4 : Fin du mandat


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Le mandat prend fin dans les cas suivants :
− l'accomplissement de l'affaire pour laquelle il a été donné ;
− l'expiration du terme convenu ou par l'avènement de la condition résolutoire
stipulée ;
− la révocation du mandataire ou la renonciation de celui-ci au mandat ;
− le décès du mandant ou du mandataire ;
− la perte de la capacité du mandant ;
− l'impossibilité d'exécution du mandat pour une cause indépendante de la volonté
des contractants.

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Chapitre 2 : Le louage d'ouvrage

Le louage d'ouvrage est défini par l'article 723 du DOC comme le contrat par lequel une
personne s'engage à exécuter un ouvrage déterminé, moyennant un prix que l'autre partie
s'engage à lui payer. C'est une définition large et accueillante qui permet d'englober les
contrats les plus divers.

De manière générale, le contrat de louage d'ouvrage est un contrat consensuel,


synallagmatique, qui mérite d'être distingué des contrats voisins.
Tout d'abord, il doit être distingué du mandat. Si le premier contrat a pour objet l'exécution
d'un ouvrage matériel ou intellectuel, le deuxième se limite à la réalisation d'actes
juridiques. La distinction est fort importante dans la mesure où elle permet d'appliquer
des régimes juridiques complètement différents. À titre d'exemple, l'entrepreneur ne
représente pas son client puisqu'il agit de façon indépendante ; le mandat finit par la mort
du mandant ou du mandataire alors que le louage d’ouvrage ne prend fin que par la mort
du locateur d’ouvrage.

Ensuite, le louage d'ouvrage doit être distingué du bail en ce sens que le locateur d'ouvrage
a une mission qui va au-delà de la simple mise à disposition de la chose que l'autre partie
ne possède pas. En effet, son rôle c'est principalement lui réaliser un ouvrage déterminé.

En outre, le contrat de louage d'ouvrage est différent du contrat de travail. La différence


se matérialise au niveau du critère d'indépendance des parties qui marque le premier et
qui se trouve effacé au profit de la subordination de l'une des parties vis- à- vis de l'autre
dans le second.

Enfin, le louage d'ouvrage doit être distingué du dépôt en ce sens que le dépositaire a pour
mission de garder la chose déposée tandis que le locateur d'ouvrage doit réaliser un
ouvrage déterminé.

Le contrat de louage d'ouvrage est un contrat synallagmatique qui comporte une


prestation à la charge du locateur d'ouvrage en contrepartie d'une rémunération.

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Section 1 : Les obligations du locateur d'ouvrage
L'obligation essentielle du locateur d'ouvrage est de réaliser un ouvrage ou une prestation
de service donnée. Elle doit en principe et sauf convention contraire des parties, être
exécutée par le locateur d'ouvrage lui- même. Dans l'exécution de son obligation, celui-
ci doit fournir en principe les instruments et ustensiles nécessaires à l'ouvrage et apporter
toute sa diligence tout en respectant les instructions reçues par le maître, car il répond non
seulement de son fait, mais également de son imprudence et négligence, dans le cadre de
la responsabilité de son fait personnel ou de celui de ses préposés.
Il a par ailleurs, une obligation d'aviser sans délai le commettant lorsque les matières
fournies par celui-ci présentent des vices ou des défauts de nature à compromettre le bon
accomplissement de l'ouvrage.
Le locateur d'ouvrage supporte également une obligation de conservation des choses qui
lui ont été remises pour la réalisation de l'ouvrage. Il en découle alors à sa charge une
obligation de restitution après l'accomplissement du travail. Sa responsabilité à ce titre ne
peut être dégagée que par la force majeure ou le cas fortuit non occasionnés par sa faute
ou son fait.
Enfin le locateur d'ouvrage est tenu d'une obligation de garantie aussi bien de la qualité
des matières qu'il fournit que des vices et défauts de son ouvrage. À ce titre, le commettant
peut refuser de recevoir l'ouvrage défectueux ou le restituer dans les sept jours suivant la
livraison en fixant un délai raisonnable pour la correction des vices et des défauts
constatés. Passé ce délai et faute par le locateur d'ouvrage de remplir son obligation, le
commettant peut sans préjudice des dommages et de répétition de la valeur des matières
fournies par lui :
− soit faire corriger lui- même l'ouvrage aux frais du locateur, si la correction est
possible ;
− soit demander une diminution du prix ;
− soit poursuivre la résolution du contrat.

La garantie due par le locateur d'ouvrage est écartée lorsque les défauts sont causés par
les instructions formelles du commettant et contre l'avis du locateur.

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Section 2 : Les obligations du maître d'ouvrage
La première obligation incombant au commettant consiste en la réception de l'ouvrage
lorsqu'il est conforme à ce qu'il a été convenu et de supporter les charges de transport.
Par essence onéreux, le contrat de louage d'ouvrage fait naître ensuite à la charge du
maître d'ouvrage une obligation de rémunération de l'ouvrage effectué, au profit du
locateur d'ouvrage. D'ailleurs, ce dernier a le droit de retenir la chose commandée ou les
autres choses du commettant se trouvant en son pouvoir jusqu'au paiement de ce qu'il lui
est dû. Ce droit de rétention étant bien entendu exclu en cas de paiement à terme.

Il faut signaler au passage que le prix doit être déterminé ou déterminable. À défaut, le
tribunal procède à sa détermination conformément à l'usage ou à un tarif s'il y a lieu. Le
prix peut être en numéraire ou en nature.

En définitive, le contrat de louage d'ouvrage prend fin :


ñ par l'expiration du terme convenu, ou l'accomplissement de l'ouvrage ;
ñ par la résolution judiciaire ;
ñ par l'impossibilité d'exécution résultant soit d'un cas fortuit ou de force majeure ;
ñ par le décès de l'entrepreneur ;
ñ par la résiliation par le commettant même avant la réalisation de l'ouvrage après
paiement au locateur d'ouvrage d'une indemnité couvrant la valeur des matériaux
utilisés et le gain perdu.

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Bibliographie

- Mohammed Drissi Alami Machichi, « Droit commercial instrumental au Maroc »,


Rabat, ImprimElite, 2011

- François Collart Dutilleul, Philippe Delebecque, « Contrats civils et


commerciaux », 4ème édition, Paris Dalloz, 1998.

- Jérôme Huet, Georges Grimaldi, Cyril Grimaldi et Hervé Lécuyer, « Traité de


droit civil- Les principaux contrats spéciaux », Paris, LGDJ, Lextenso éditions,
2012.

- Philippe Malaurie, Laurent Aynès, « Les contrats spéciaux », Paris, Defrénois,


Lextenso éditions, 2009

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.2013 ،‫ ﻣﻨﺸﻮرات دراﺳﺎت ﻗﺎﻧﻮﻧﯿﺔ‬،‫اﻟﻌﻘﻮد اﻟﻤﺴﻤﺎة وﻓﻲ اﺷﺒﺎه اﻟﻌﻘﻮد اﻟﺘﻲ ﺗﺮﺗﺒﻂ ﺑﮭﺎ‬

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