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Contrats spéciaux
Introduction
Art. 1107 du code civil fournit un point de départ : il oppose « les contrats ayant une dénomination propre et ceux qui n’en ont pas ».
Les contrats nommés sont ceux qui certes ont une dénomination mais qui surtout sont dotés d’un régime juridique propre.
Les contrats innomés sont des contrats qui ou bien n’ont pas de noms car récents, ou bien qui ont un nom que la pratique leur a
conféré, mais surtout qui ne font pas l’objet d’une réglementation légale spécifique. Ces contrats sont innombrables car relevant de la
liberté contractuelle.
Ex : deux voisins concluent entre eux le contrat suivant : l’un des voisins, maçon, s’engage à faire le mur de l’autre voisin. Ce dernier,
électricien, va rénover son installation électrique. On a là un contrat innomé (prestation de service contre prestation de service).
Les contrats innomés, n’obéissant pas à une réglementation particulière, sont donc exclus de l’étude que l’on va mener.
Au sein des contrats nommés, nous allons nous en tenir à étudier les contrats qui ne relèvent pas d’une discipline distincte. En effet,
un certain nombre de contrats nommés sont tellement spécifiques qu’ils font l’objet d’une discipline autonome.
Ex : le contrat de travail, le contrat de société, le contrat de mariage, la donation, le contrat de cautionnement, de nantissement,
d’hypothèque (qui relèvent du droit des sûretés), le contrat de transaction (accord à l’amiable mettant fin à un litige), le contrat de
compromis (en cas de litige ultérieur, au lieu de le soumettre aux tribunaux, on le soumettra à des « arbitres » déterminés par les
parties), le contrat d’assurance, la fiducie (art. 2011 à 2031 du code civil, contrat par lequel une personne, le constituant,transfère des
biens à une autre personne, le fiduciaire, qui les tenant séparées du patrimoine propre, agit dans un but déterminé, au profit d’un ou
plusieurs bénéficières → fiducie gestion et fiducie sûreté).
L’étude de la fiducie gestion relève du droit commercial, la fiducie sûreté relève du droit des sûretés.
Au sein des contrats nommés ne relevant pas d’une discipline distincte, seuls les contrats « primaires » seront étudiés : tous les
contrats nommés ne sont évidemment pas d’égale importance. Les auteurs du XIXème siècle distinguaient les « grands » contrats et
les « petits » contrats.
Ex : les contrats de jeu et de paris, considérés comme « petits » contrats, ne seront pas étudiés.
Six types de contrats nommés seront étudiés (et donc considérés comme « primaires ») : vente, échange, bail, prêt, mandat, entreprise.
Primaire est ce qui vient en premier : il s’agit donc des contrats qui ont une importance fondamentale. Primaire signifie aussi basique,
simple. Ces six contrats ont en commun une structure simple : un très petit nombre de traits distinctifs permettent de les identifier.
La vente possède deux traits distinctifs : transfert de propriété d’un bien, et paiement d’un prix.
L’échange (art 1702 du code civil) : transfert de propriété d’un bien contre transfert de propriété d’un bien.
Le bail (art. 1709 du code civil) : jouissance d’une chose contre paiement d’un prix.
Le prêt : jouissance d’une chose gratuitement, et restitution au moment venu.
Le mandat (art. 1984 du code civil) : accomplissement d’actes juridiques au profit du mandant.
Le contrat d’entreprise (article 1710 code civil) : accomplissement d’un travail matériel indépendant contre paiement d’un prix.
B/ L’hybridation
A partir des contrats primaires, il est possible de créer des contrats hybrides. Et voilà la belle métaphore de la peinture : les couleurs
primaires permettent d’obtenir une infinité de nuances, pour le plaisir de nos yeux ébahis, daltoniens exceptés. On peut donc mixer
plusieurs contrats primaires pour en faire un contrat hybride, dans lequel on va retrouver les caractéristiques de plusieurs contrats
primaires.
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Ex : L’échange avec soulte. On a un contractant A qui s’oblige à transférer la propriété d’un bien au contractant B, qui en contrepartie
transfert un bien à A, mais en plus lui paie une somme d’argent. On est là en présence d’un contrat hybride : on retrouve les traits du
contrat de vente et ceux du contrat d’échange. En cas de litige, comment le résoudre ? Quel régime appliquer au contrat ?
Le juge va rechercher l’élément dominant dans le contrat pour déterminer le régime applicable. Si cet élément est le montant de la
soulte, qui dépasse le prix de l’objet transféré, le trait dominant sera celui de la vente, et le régime de la vente sera appliqué. Si il
apparaît que la soulte est d’importance secondaire, et servait à équilibrer le contrat, le trait dominant sera celui de l’échange, et le
régime de l’échange sera appliqué.
Ex : le contrat d’hôtellerie. On retrouve dans ce contrat les traits du contrat de bail (paiement d’un prix contre usage d’une chose) et
du contrat d’entreprise, en raison des services que l’on attend du personnel (travail matériel indépendant contre prix).
La jurisprudence a dit que l’élément dominant était la prestation de service. Le contrat d’hôtellerie est donc un contrat d’entreprise.
- Imaginons que les parties concluent un contrat complexe et qu’il est possible de distinguer nettement au sein de ce contrat complexe
plusieurs aspects distincts relevant chacun d’un contrat primaire déterminé. Le juge va alors appliquer une qualification distributive :
il va disséquer le contrat et le rattaché à des types primaires différents selon les aspects en cause.
Ex : le contrat de location-vente, où un contractant A loue une chose à un contractant B que celui-ci pourra acheter au terme d’une
période déterminée. Pendant la période locative, les règles de contrat de bail seront appliquées, puis dans un second temps, si le
locataire veut devenir propriétaire, on applique les règles de la vente.
- Enfin, les parties concluent un contrat hybride mélangeant les traits caractéristiques de plusieurs contrats primaires existants, sans
que l’un des contrats primaires n’apparaissent dominant, et sans qu’il soit possible de disséquer le contrat, celui-ci formant un tout
homogène. On est alors en présence d’un contrat hybride original. Il ne relève d’aucun régime juridique propre. Il n’est soumis qu’au
seul droit commun des contrats.
Il arrive que le législateur intervienne pour régler ces contrats sui generis, qui ne sont alors plus considérés comme tels.
Ex : le contrat d’exposant. Il est conclu entre l’organisateur d’une manifestation (foire, salon) et un exposant. Ce contrat est un contrat
complexe, dans lequel on retrouve la caractéristique du contrat de bail et du contrat d’entreprise (organisateur doit assurer la publicité
de la manifestation, sa sécurité…). La jurisprudence a dit qu’on ne pouvait considérer qu’un des deux éléments dominait l’autre. C’est
donc un contrat sui generis.
Ex : le contrat de crédit-bail. Une personne, généralement une entreprise, ne veut pas ou ne peut pas financer l’acquisition d’un bien
dont elle a besoin. Dans ce cas la personne va conclure un contrat de crédit-bail avec une entreprise de crédit-bail (une banque).
Le crédit bailleur conclut le contrat avec le crédit preneur. Ce dernier va demander au crédit bailleur d’acheter le matériel dont il a
besoin (contrat de vente entre le crédit bailleur et le vendeur du matériel). Une fois que le crédit bailleur est devenu propriétaire du
matériel, il va le louer au crédit preneur. Il est prévu dans le contrat que le crédit bailleur s’engage à vendre le bien au crédit preneur si
celui-ci décide de l’acquérir plus tard. On trouve également dans ce contrat un mandat. En effet, la banque ne va pas acheter elle-
même le matériel, elle n’y connaît rien : elle donne mandat au crédit preneur, mieux placé pour négocier le contrat, de former le
contrat de vente avec le vendeur du matériel.
Le crédit-bail mélange donc 4 types de contrat primaire : le contrat de bail, le contrat de prêt (car le crédit bailleur, d’un point de vue
économique, a avancé de l’argent en faveur du crédit preneur), le contrat de mandat, le contrat de vente. Le contrat formant un tout
homogène dans lequel aucun des traits des contrats primaires ne prédomine, c’est un contrat sui generis
→ 3ème chambre civile, 1980 : la cour affirme que le contrat de crédit bail est une institution particulière.
En résumé, soit l’hybride va être soumis à un seul des régimes qui entre dans sa composition, soit à tous les régimes qui entre dans sa
composition, soit il va échapper à toutes réglementations particulières, cas que l’on n’étudiera pas.
On peut répartir les 6 contrats primaires en trois catégories. La 1 ère est ceux qui ont pour objet de transférer la propriété d’un bien
(vente et échange). La 2ème est ceux qui procurent l’usage d’un bien au cocontractant (bail et prêt). La 3 ème est ceux qui ont pour objet
la fourniture d’un service. Chaque catégorie fera l’objet d’une partie (mandat et entreprise).
Partie 1 : Les contrats ayant pour objet de transférer la propriété d’un bien
Titre 1 : La vente
« La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose et l’autre à la payer ». De ce texte ont été déduit les deux
traits distinctifs de la vente : le transfert de propriété d’une part et le paiement d’un prix d’autre part.
Ces deux traits suffisent à eux seuls à distinguer le contrat de vente de tous les autres existants. Le transfert d’une chose permet de
distinguer la vente des autres contrats qui portent sur une chose mais qui n’ont pas pour objet son transfert. Le second trait permet de
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distinguer le contrat de vente d’autres contrats qui comme la vente opère un transfert d’un bien mais pas en échange d’un prix
(donation, échange, apport en société…).
La vente est un contrat à titre onéreux, synallagmatique, en principe commutatif (dans lequel chacune des parties tient la prestation
qu’elle fournit comme équivalente à celle qu’elle perçoit). La vente est aussi en principe un contrat consensuel, sauf cas particuliers.
Il faut partir de l’article 1583 du code civil : la vente est parfaite « dès qu’on est convenu de la chose et du prix ». La formation de la
vente requiert donc la réunion de 3 éléments : le consentement des parties, la chose et le prix.
Le droit commun des contrats exige lui la capacité des contractants, leur consentement, un objet et une cause au contrat.
Des 4 conditions de formation du contrat exigée par le droit commun, l’une d’elle est expressément visée par l’article 1583 du code
civil : le consentement. En ce qui concerne l’objet et la cause, on les retrouve également, implicitement, dans l’article 1583 : la chose
est l’objet de l’obligation du vendeur, et par conséquent la cause de l’obligation de l’acheteur (contrat synallagmatique). De même, le
prix est l’objet de l’obligation de l’acheteur et la cause de l’obligation du vendeur.
Ainsi, il n’y a qu’un élément manquant dans le contrat de vente, c’est la capacité des contractants. Cela s’explique par le fait qu’il n’y
a pas de règles particulières propres au contrat de vente justifiant d’être précisée d’emblée dans l’article 1583 et suivants. Il faut se
rappeler que la capacité est le principe, et l’incapacité l’exception. On ne trouve trace de l’incapacité qu’aux articles 1596 et 1597 : il
s’agit d’incapacités spéciales
Section 1 : Le consentement
§ 1 : Le processus simple
A/ L’offre
1) Définition
L’offre est une proposition précise et ferme de contracter qui a vocation à entraîner la formation du contrat par seule survenance de
l’acceptation.
Les règles propres à l’offre de vente peuvent être réparties en deux grandes catégories. Cela concerne tout d’abord les règles ayant
pour objet d’interdire certains types d’offres jugées dangereuses pour les consommateurs :
- l’offre de vente par envoi forcé (soit on accepte la marchandise et il faut payer, soit il faut la retourner dans un certain délai)
- l’offre de vente à la boule de neige (le vendeur pro offre de vendre une marchandise à un prix exceptionnellement bas si
l’acheteur recrute lui-même d’autres acheteurs pour ce type de produits)
- l’offre de vente liée (le pro subordonne la vente d’un produit à l’achat par le consommateur d’une quantité imposée de ce
produit où à l’achat concomitant d’un autre produit) qui n’est licite que quand elle est consacrée par un usage, comme en matière de
produits alimentaires, _l’offre de vente avec prime (l’acheteur demandera pour un achat donné un produit supplémentaire) où il faut
que la prime soit d’un montant très faible par rapport au prix de la vente principale ou que la prime consiste en un produit identique à
la chose faisant objet de l’offre de vente
- l’offre de vente avec loterie
Le second type de règle propre à l’offre de vente concerne l’offre de vente par internet. Elle doit d’abord expliquer le processus de
formation électronique du contrat de vente, contenir un certain nombre d’informations destinées à l’acheteur internaute (article L121-
18 du code de la consommation).
2) Régime
La jurisprudence admet l’efficacité de la rétractation de l’offre en cause. On distingue l’offre avec et sans stipulation d’un délai de
maintien. L’offre avec stipulation introduit un délai de validité dans lequel l’offre demeure valable. Dans l’offre sans stipulation, c’est
au juge, en cas de litige, de déterminer quel était le délai raisonnable de maintien.
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La jurisprudence considère que l’offre soit assortie ou non d’un délai de maintien, elle est efficacement rétractable par l’offrant sauf si
cette rétractation est intempestive. Il existe toutefois un rédime dualiste de l’offre, car si elle est assortie d’un délai de maintien, il
s’agit d’un acte juridique car la décision d’assortir un délai de maintien est un acte unilatéral venant de l’offrant,donc l’offre n’est pas
rétractable. En revanche, en absence de délai, l’offre serait rétractable. Cette analyse n’a pas été retenue par la jurisprudence.
B/ L’acceptation
Elle va entraîner la formation du contrat de vente. Rappelons trois règles du droit commun des contrats en la matière :
1_ L’acceptation est un agrément pur et simple de l’offre, qui est précise et ferme.
2_ L’acceptation entraîne formation irrévocable du contrat (force obligatoire du contrat : les parties sont liées et doivent l’exécuter).
3_ L’acceptation de l’offre peut intervenir à tout moment tant que l’offre n’est pas caduque. L’offre tombe quand le délai de maintien
est expiré. Avant, elle peut être acceptée à tout moment.
- La dérogation à la règle n°2 est que la vente formée après acceptation ne va pas être irrévocable. Il en est ainsi quand le législateur
offre à l’acheteur une possibilité de rétractation. Cette faculté est discrétionnaire : il n’y a pas de raisons à avancer pour se rétracter.
En matière de vente mobilière, cette faculté existe dans deux cas : en cas de vente par démarchage à domicile, l’acheteur peut se
rétracter dans les 7 jours suivant l’acceptation ; en cas de vente à distance, l’acheteur dispose d’une faculté de rétractation dans les 7
jours suivant la livraison de la chose.
En matière de vente immobilière, il existe un cas particulier où la faculté de rétractation existe : la vente doit porter sur un immeuble à
usage d’habitation, consentie à un acheteur non professionnel, et qui n’a pas été précédé par un contrat préparatoire, et elle doit être
constatée par les parties dans un acte sous seing privé. Dans ce cas, L’article L271-1 du code de construction et de l’habitation
confère à l’acheteur qui a accepté une telle offre une faculté de rétractation qu’il peut exercé dans un délai de 7 jours.
§ 2 : Le processus complexe
En matière de vente, le mécanisme de la rencontre de la volonté des parties ne se réduira souvent pas à la simple rencontre d’une offre
et d’une acceptation, s’avérant plus complexe dans la mesure ou la formation de la vente sera précédée par la formation d’un ou
plusieurs contrats préparatoires (véritables contrats pouvant également être nommés « avant contrat », ce qui pose une certaine
ambiguïté en dépit de la nature réellement contractuelle des actes).
Quels sont les domaines concernés par ce processus complexe ? Il y a principalement deux secteurs :
1_ celui de la vente d’immeuble ou de fond de commerce (ces ventes étant caractérisées par la durée peuvent prendre ces dernières, en
raison des enjeux considérables pour les parties en présence, tant financièrement que professionnellement).
NB : le processus simple s’avère alors mal adapté car le lapse de temps entre la prise de connaissance de l’offre et
son acceptation crée une période d’instabilité pour les deux intéressés (l’offrant pouvant se rétracter, l’acceptant pouvant trouver
mieux ailleurs et se retirer).
2_ le secteur des affaires, notamment en matière de vente d’actions ou de brevets d’invention.
Il existe une assez grande variété de contrats préparatoires à la vente dont 6 seront détaillés :
-l’accord de négociation ;
-le pacte de préférence (objet d’une jurisprudence récente) ;
-la promesse unilatérale de vente ;
-la promesse synallagmatique de vente ;
-le contrat préliminaire à la vente d’immeubles à construire ;
-les contrats cadres de distribution.
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NB : rien n’empêche d’utiliser les 4 premiers avant contrats avant la conclusion de n’importe quel contrat (bail, entreprise, …) mais la
pratique témoigne de leur utilisation quasi exclusive en matière de contrat de vente.
A/ L’accord de négociation
Ce sont des contrats préparatoires que l’on rencontre uniquement dans le domaine des affaires. Un accord de négociation crée à la
charge des parties l’obligation contractuelle d’entreprendre ou de poursuivre la négociation d’un futur contrat de vente. L’accord de
négociation va préciser un calendrier de négociation. Il crée à la charge des parties une obligation de négocier de bonne foi. En cas
d’échec des négociations imputable à la mauvaise de l’une des parties, la responsabilité contractuelle de la partie de mauvaise foi peut
être engagée.
B/ Le pacte de préférence
a) définition
C’est le contrat par lequel une personne s’engage pour le cas où elle se déciderait à conclure un contrat déterminé en priorité avec le
bénéficiaire du pacte.
Les parties sont le souscripteur (le promettant) et le bénéficiaire.
Le bénéficiaire du pacte reste libre. On lui propose le bien en priorité, mais il n’est pas obligé de l’acheter.
À l’instant ou le pacte de préférence est formé, on ne sait pas si la vente va se faire un jour.
Dans la pratique, le pacte de préférence est utilisé principalement dans deux types de vente :
1_ Vente d’immeubles
2_ Cession d’actions : on rencontre ce pacte car il est un instrument utile pour les membres d’une société pour éviter que des étrangers
pénètrent au sein de la personne morale. L’associé devra proposer ses actions d’abord aux associés déjà existants.
Analyse de la définition :
Contrat : le pacte de préférence est un contrat car il s’agit d’un accord de volonté entre deux parties. Ce contrat peut être conclu à
titre gratuit ou à titre onéreux. On rencontre les deux hypothèses. Cela peut être un contrat unilatéral ou synallagmatique. S’il est
gratuit, seul le souscripteur a une obligation. S’il est conclu à titre onéreux, il sera synallagmatique car chacun aura une
obligation. Il peut exister de manière autonome ou être inclus dans un autre contrat.
Une personne s’engage pour le cas où elle se déciderait à vendre : le souscripteur du pacte ne s’engage pas à vendre la chose qui
fait l’objet du pacte. Il est libre de vendre ou de ne jamais vendre son bien.
Une chose déterminée : du contrat de vente à venir éventuellement, tous les éléments essentiels n’ont pas à être déterminé d’ores
et déjà dans le pacte de préférence. Le souscripteur doit préciser la chose mais pas le prix. Il sera déterminé au moment où le
souscripteur décidera de vendre → 3ème chambre civile 15 janvier 2003 2003: « il n’est pas de la nature du pacte de préférence de
prédéterminer le prix du contrat envisagé ».
À donner la préférence au bénéficiaire : élément qui indique quels sont les effets du pacte de préférence. S’agissant des effets, il
faut distinguer le contenu des effets et la durée des effets.
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Il ne lui interdit pas non plus de disposer juridiquement de la chose du moment que c’est autrement que par une vente. Le pacte de
préférence crée une obligation pour le souscripteur, mais elle n’entraîne qu’une restriction réduite pour ce dernier. Il peut en toute
liberté disposer de la chose.
Le droit que le pacte de préférence crée au profit du bénéficiaire est un droit de créance → arrêt de la C our de Cassation du 24 mars
1999, revue trimestrielle de droit civil p.617.
Le bénéficiaire peut exiger du souscripteur qu’il lui propose la vente en priorité. Le souscripteur n’est pas en position de former la
vente par sa propre volonté. Le pacte de préférence est cessible car en droit français un droit de créance est cessible sauf stipulations
expresses intuitu personae.
Le bénéficiaire peut céder son droit de créance → Chambre commerciale du 13 février 2007 N°05-17196)
Il y a deux notions voisines auxquelles il faut confronter le pacte de préférence pour en montrer l’autonomie : le droit de préemption
et la promesse unilatérale de vente.
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En réalité, au-delà de ces ressemblances, il y a entre les deux institutions des différences et qui l’emportent de loin sur les
ressemblances. Trois grandes différences :
1_ Différence de fondement : le fondement du droit de préemption est à chaque fois l’intérêt général, tandis que le pacte de préférence
a toujours pour fondement la satisfaction d’un intérêt privé. Cette première différence commande deux autres différences.
2_ Différence de source : la source du droit de préemption est forcément la loi. Seul le législateur peut créer un droit de préemption.
3_ Différence de régime : le droit que le pacte de préférence crée au profit du bénéficiaire est cessible. Le droit de préemption est lui
incessible. C’est normal. Le législateur veut que cela soit une personne précise qui bénéficie de ce droit.
Le plus souvent, le droit de préemption permet à son titulaire de demander la fixation judiciaire du prix de vente. C’est vrai pour tous
les droits de préemption sauf celui du locataire. En matière de pacte de préférence, le bénéficiaire n’a pas ce droit. Si le bénéficiaire
du pacte veut acheter c’est nécessairement aux prix que lui réclame le souscripteur. Le droit de préemption est un mécanisme à
répétition alors que le mécanisme du pacte est à un seul coup. Imaginez le propriétaire des terres qui décide de les mettre en vente. Il
doit le proposer au fermier. Celui-ci refuse. Le propriétaire vend alors à un tiers acquéreur. Le fermier reste en place. Il reste locataire.
Le nouveau propriétaire veut vendre la terre et bien il devra à nouveau respecter le droit de préemption. Pour le pacte de vente, le
bénéficiaire n’aura qu’une seule fois la chance d’être prioritaire.
Quoique la Cour de cassation affirme, quoiqu’elle nie l’autonomie du pacte, elle a tort. Ce qu’elle dit là est entièrement faux. En dépit
de ce que dit la Cour de cassation, le pacte de préférence est un contrat distinct de la promesse de vente unilatérale. On ne peut pas les
confondre.
Imaginons que le souscripteur a pacte de préférence viole ce pacte et ne propose pas en priorité la vente au bénéficiaire de ce dernier.
Quand le bénéficiaire du pacte cherche à faire fonctionner cette violation, c’est qu’il avait au départ l’intention d’acheter le bien. Il y a
alors trois possibilités d’action :
1_ le bénéficiaire du pacte violé peut introduire une action en responsabilité contractuelle contre le souscripteur. Cela peut donc
donner lieu au versement de dommages intérêts : 1ère chambre civile 5 mai 2004.
2_ Il peut agir en responsabilité délictuelle contre le tiers acquéreur, fondée sur les articles 1382 ou 1383. Il lui faudra prouver la
faute du tiers acquéreur, le préjudice qu’il a subi et un lien de causalité entre les deux. La faute du tiers acquéreur est le fait d’avoir eu
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connaissance de l’existence d’un pacte de préférence avant l’achat. Il devra, si condamnation il y a, devra réparer le préjudice
(dommages intérêts) : 1ère chambre civile 11 juillet 2006.
Ces deux premières sanctions ne sont pas totalement satisfaisantes pour le bénéficiaire du pacte violé. Si ce dernier va jusqu’à
introduire une action en justice, c’est parce qu’il avait l’intention d’acheter le bien concerné, que d’éventuels dommages intérêts ne
vont pas remplacer.
3_ Il peut introduire une action fondée sur la fraude. « La fraude corrompt tout » dit le célèbre adage. Il est possible pour le
bénéficiaire d’agir sur le fondement de la fraude pour obtenir plus que des dommages intérêts. Un arrêt de 1982 définit la
fraude : c’est la réunion de deux éléments : la connaissance par le tiers acquéreur du pacte de préférence, et la preuve apportée par le
bénéficiaire que le tiers acquéreur avait connaissance de l’intention du bénéficiaire de se prévaloir du pacte de préférence. → 3ème
chambre civile 26 octobre 1982 (jurisprudence constante : 3ème chambre civile 10 février 1999).
Si lé bénéficiaire parvient à établir la fraude, la vente est nulle.
Pendant longtemps, la Cour de Cassation a refusé d’aller au-delà, et de permettre au bénéficiaire de se substituer au tiers acquéreur. La
vente, une fois la faute établie, était anéantie, et le bien revenait dans le patrimoine du souscripteur. Ce refus de substitution était
fondé sur l’article 1142 du code civil : « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas
d’inexécution de la part du débiteur ». La Cour de Cassation considérait donc que la loi ne voulait pas de l’exécution forcée en nature
du pacte. Ce raisonnement n’était pas satisfaisant car il ne sanctionnait pas à sa juste valeur la fraude.
Le revirement a émané de la Chambre mixte, 26 mai 2006, dalloz 2006 p1861. La Cour admet la substitution du bénéficiaire du
pacte au tiers acquéreur. Cette sanction a été confirmée par la suite : 3ème chambre civile, 14 février 2007. Le raisonnement
qu’invoquait la Cour auparavant n’était pas pertinent : sa lecture de l’article 1142 était en fait inexacte. En réalité, les obligations de
faire sont susceptibles de donner lieu à une exécution forcée. Tel est le principe. Ce que veut dire cet article, c’est qu’il interdit
l’exécution forcée en nature d’une exécution de faire uniquement dans les cas où celle-ci porterait atteinte à la liberté physique du
débiteur.
Ex : un contrat en vertu duquel un artiste s’est engagé à effectuer une œuvre au profit d’un cocontractant. Il y a là une obligation de
faire. L’artiste n’exécute pas cette obligation. Quelle serait l’exécution forcée en nature ? Contraindre l’artiste à travailler sous la
menace. C’est pourquoi dans ce cas on procède au versement de dommages intérêts.
Il faut retenir que généralement l’obstacle probatoire est trop difficile à franchir pour que l’action aboutisse.
A une époque, la jurisprudence avait imaginé une autre sanction, qui permettait au bénéficiaire d’acheter à la place du tiers acquéreur.
Mais la jurisprudence a abandonnée cette sanction. On trouvait cette sanction dans un arrêt de la 3ème chambre civile, 4 mars 1971,
dalloz 1971 p 458. Il faut parler ici de la publicité foncière. La publicité foncière ne concerne que les actes juridiques ayant pour objet
un immeuble. En général, ces actes doivent être obligatoirement publiés sur les registres de la publicité foncière, tenu par le
conservateur des hypothèques, afin de le rendre opposable aux tiers. L’intérêt pratique est de permettre de résoudre les conflits
opposant deux personnes se prétendant titulaire de droits sur un immeuble.
Ex : A vend un immeuble à B. Puis A revend le même immeuble à C. On a alors deux acquéreurs se prétendant titulaire d’un droit sur
l’immeuble. Pour résoudre le conflit, on ne va pas utiliser la méthode du droit commun (« prior tempore potior jure »), qui donnerait
gain de cause à B. Comme en droit immobilier, il faut publier l’acte d’acquisition pour le rendre opposable aux acquéreurs, on regarde
lequel des protagonistes a publié son titre le premier sur le registre de la propriété foncière.
Le décret du 4 janvier 1955 réglemente la publicité foncière.
Le point de départ du raisonnement de la Cour est le constat que le pacte de préférence emporte à son souscripteur une restriction sur
son droit d’en disposer. Si ce pacte a pour objet un immeuble, il constitue un acte juridique entraînant une restriction au droit de
disposer de l’immeuble. Or l’article 28 du décret de 1955 dispose que « les actes juridiques entraînant une restriction au droit de
disposer d’un immeuble doivent obligatoirement être publiées sur le registre de la publicité foncière ». Il doit être publié pour être
opposable aux tiers. Cela signifie qu’il faut en la matière appliquer le droit de la publicité foncière.
Ex : A, proprio d’un immeuble, consent un pacte de préférence à B. Il vend l’immeuble à C. Le bénéficiaire du pacte de préférence
doit le publier pour être opposable aux tiers. C doit publier son titre pour le rendre opposable aux tiers. Il faut regarder qui du
bénéficiaire du pacte ou de l’acquéreur a publié son titre le premier. Si c’est le bénéficiaire du pacte, son droit est opposable au tiers
acquéreur et vice versa.
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Ce dispositif de sanction était efficace car il enlevait l’obstacle probatoire de la fraude. La Cour a abandonné cette solution. Si on
accepte ce raisonnement, on peut déboucher sur une contradiction monumentale. Le point de départ de la Cour était l’idée que le pacte
de préférence emporte restriction du droit de disposer. Mais si le pacte de préférence emporte une telle restriction, on est obligé
d’admettre, a fortiori, la même chose pour les promesses unilatérales de vente, puisque le promettant s’engage dans ce cas avant la
vente (l’engagement est plus fort dans ce cas que dans le pacte de préférence). Cela reviendrait à calquer la promesse unilatérale de
vente sur le pacte de préférence, ce qui est impossible car un texte empêche cette transposition. L’article 37 du décret de 1955 est
spécialement consacré à la promesse de vente unilatérale d’immeuble : « les promesses unilatérales de vente d’immeuble ne sont pas
soumises à publicité obligatoire sur les registres de la publicité foncière ». En cas de conflit entre un bénéficiaire de promesse de vente
unilatérale et un tiers acquéreur, on ne peut utiliser les règles de la publicité foncière.
La 3ème chambre civile 16 mars 1994, dalloz 94 p486, a opéré le revirement, confirmé par 3 ème chambre civile, arrêt du 24 mars 1999.
Comment a-t-elle justifier ce revirement ? Elle a dit que le pacte de préférence était une promesse unilatérale de vente conditionnelle,
soumis en conséquence à l’article 37 du décret de 1955, et donc échappant aux règles de publicité foncière obligatoire.
définition
La promesse unilatérale de vente est un contrat par lequel une partie s’engage à vendre un de ses biens à une autre partie, le
bénéficiaire, si celle-ci manifeste dans un certain délai (appelé délai d’option) la volonté d’acquérir (ou encore la levée d’option) ou
non.
Si le bénéficiaire lève l’option, la levée d’option forme la vente. Si il décide de ne pas lever l’option, rien ne se passe. Si le
bénéficiaire laisse le délai s’écouler sans prendre de décision, la promesse est caduque et la vente n’aura pas lieu.
La première grande caractéristique de la promesse unilatérale de vente est le décalage dans le temps des consentements à la vente. Le
consentement à la vente du promettant a lieu le jour de la conclusion de la promesse tandis que celui du bénéficiaire de la vente a lieu
le jour de la vente.
La seconde caractéristique est que lorsqu’une promesse uni de vente a été conclu, la formation de la vente ne dépend plus que de la
seule volonté du bénéficiaire de la promesse.
La promesse unilatérale de vente est un contrat préparatoire. Ce n’est pas un acte juridique unilatéral. De fait, il faut l’intervention
d’un accord de volonté entre le promettant et le bénéficiaire. La formation de cette promesse résulte de la rencontre d’une offre émise
par le promettant et acceptée par le bénéficiaire.
La formation de la promesse unilatérale de vente obéit à des règles particulières quand elle a pour objet un immeuble à usage
d’habitation et que le bénéficiaire de la promesse est un non professionnel. Dans ce cas, l’article L271-1 du code de la construction
et de l’habitation : le bénéficiaire, après la formation de la promesse unilatérale de vente, dispose d’un délai de 7 jours pour se
rétracter. Cela s’explique par le fait que la plupart des promesses unilatérales de vente prévoit une clause indiquant que si le
bénéficiaire n’achète pas, il devra payer une indemnité d’immobilisation au promettant.
La promesse unilatérale de vente est en principe un contrat consensuel.
Toutefois, certaines promesses unilatérales de vente sont des contrats formalistes. Si les exigences de la loi ne sont pas respectées,
alors la promesse de vente sera entachée de nullité. L’article 1589-2 du code civil soumet les promesses unilatérales de vente
d’immeuble ou de fond de commerce à l’accomplissement de formalités particulières, à savoir leur constatation dans un acte
authentique ou leur enregistrement (à l’administration fiscale) dans les 10 jours de la date de leur acceptation. En pratique les parties
choisissent plutôt l’enregistrement car son coût est moindre. Si cette formalité n’a pas été accomplie, la promesse unilatérale de vente
de fond de commerce ou d’immeuble est entachée d’une nullité absolue car elle a pour objectif de lutter contre la fraude fiscale (et
donc de protéger l’intérêt général).
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En effet, des agents immobiliers se faisaient consentir à leur profit des promesses unilatérales de vente alors qu’eux-mêmes n’avaient
aucune intention d’acheter. Dans un second temps, ils cédaient à titre onéreux ces promesses à des acheteurs intéressés. Cette
rémunération échappait alors à la TVA ou aux autres impôts.
1_ Ce formalisme serait une exception théorique au principe de consensualisme de la formation des contrats de vente. Mais en réalité
les promesses unilatérales de vente car les promesses sur les ventes d’immeuble constituent la plus grande part de ce type de
mécanisme.
2_ La jurisprudence est méfiante à l’égard de ce formalisme fiscal et s’efforce d’en cantonner la portée. La sanction du formalisme
qu’est la nullité s’applique de manière automatique : formalité non accomplie, contrat nul. On ne cherche pas à savoir pourquoi ces
conditions de forme n’ont pas été remplies.
Un arrêt d’assemblée plénière, 24 février 2006 dit que la promesse unilatérale de vente incluse dans une transaction échappe au
formalisme (article 1589~2). Elle n’existe donc que dans un espace isolé. Le danger contre lequel l’article 1589 du code civil entend
lutter n’est pas à redouter ici car on n’est pas dans le cas de l’agent immobilier qui veut se faire des thunes, donc pas obligé de
recourir au formalisme. La nullité prévue en cas d’inobservation de l’article 1589-2 est une nullité absolue, donc qui tend à protéger
l’ordre public, or une transaction est un arrangement privé.
Mais comment un arrangement privé pourrait écarter une exigence posée par un texte au nom de l’ordre public ?
3_ ATTENTION ERREUR FREQUENTE ! il faut éviter une confusion commise qui concerne seulement les promesses uni de vente
d’immeuble. Il faut distinguer s’agissant de ces promesses le formalisme imposé par l’article 1589-2 de la publication facultative de
ces promesses sur les registres de la publicité foncière. Lorsqu’on a conclut une promesse uni de vente d’immeuble, on peut la publier
au registre mais ce n’est que facultatif. La promesse de vente uni d’immeuble n’en est pas moins valable même en l’absence de cette
publication. Il ne faut donc pas parler de publication à propos de l’article 1589-2.
Les effets
Il y a une divergence entre jurisprudence et doctrine. En concluant une promesse uni de vente, le promettant s’engage d’ores et déjà à
vendre au prix convenu au bénéficiaire. Le promettant consent donc à l’avance. La capacité de vendre du promettant s’apprécie au
jour de la promesse uni de vente. Il ne peut plus se rétracter pendant le délai d’option.
Cela serait aussi simple que ça si il n’y avait pas la jurisprudence ! La Cour de Cassation permet en effet au promettant de se rétracter
pendant le délai d’option : 3ème chambre civile 15 décembre 1993, JCP 95 II n22366. Tant que les bénéficiaires n’avaient pas déclaré
acquérir, l’obligation de la promettante ne constituait qu’une obligation de faire et la levée d’option postérieure à la rétractation de la
promettante excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir.
La rétractation du promettant pendant le délai d’une option empêche la levée de l’option et fait donc obstacle à la formation de la
vente. Cette solution a été confirmée : 3ème chambre civile 5 avril 1995, et 3ème chambre civile 28 octobre 2003.
La doctrine est critique vis-à-vis de cette solution. Celle-ci est d’abord inexacte et ce pour trois raisons.
1_ La Cour de Cassation, pour justifier sa solution, commence par dire que le promettant est tenu d’une obligation de faire. S’il se
rétracte, il ne respecte pas cette obligation. Il faut sanctionner → dommages intérêts (article 1142). En fait, c’est faux : le promettant
n’est pas débiteur d’une obligation de faire. En effet, obligation de faire quoi ? La seule attitude que le promettant est supposée tenir
est l’inertie. Il est passif, une fois la promesse formée.
2_ La sanction en cas de rétractation n’est pas appropriée. La lecture de l’article 1142 est inexacte : la seule sanction possible en cas
d’inexécution de l’obligation de faire serait le versement de dommages intérêts au créancier. La seule portée qu’il faille reconnaître à
cet article est en fait la suivante : le texte interdit de recourir à l’exécution forcée en nature d’une obligation de faire lorsque cette
exécution forcée impliquerait une atteinte à la liberté physique du débiteur. L’inexécution pourrait donner lieu à une exécution forcée
en nature : le promettant vient de rétracter et n’a pas exécuté son obligation de faire ; il va être forcé à conclure la vente. Il n’y a pas là
d’atteinte physique au promettant.
3_ Cette solution méconnaît le principe de la force obligatoire du contrat. La promesse uni de vente est dotée de cette force puisque
fruit de la rencontre de deux volontés consensuelles.
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Le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente avec cette jurisprudence est placé dans la même situation que s’il avait à faire à
une simple offre de vente. Il faut pourtant faire avec car cette jurisprudence représente le droit positif.
La seule méthode de pallier ce problème est pour le bénéficiaire de réclamer la présence dans la promesse uni de vente d’une clause
de dédit élevée. Une clause de dédit est une clause qui confère à un contractant la faculté de revenir sur son engagement à condition
de payer à son cocontractant la somme stipulée dans la clause de dédit. Si on parvient à insérer une clause de dédit élevée dans la
promesse, le promettant pourra se rétracter mais cette rétractation obéira à des règles issues d’un consentement commun.
Il ne faut pas confondre clause de dédit et clause pénale. La clause pénale fixe le montant par avance le montant du par un contractant
n’exécutant pas son obligation contractuelle (il faut aller devant le juge et faire reconnaître la mise en cause de la responsabilité
contractuelle du contractant). La clause pénale est susceptible de révision judiciaire. L’article 1152 ne s’applique que à la clause
pénale. La clause de dédit ne peut être contestée devant le juge et faire l’objet d’une révision judiciaire.
La situation du bénéficiaire
En concluant une promesse uni de vente, le bénéficiaire ne s’engage pas à acheter. Il va profiter d’un droit d’option que crée cette
promesse.
« La promesse uni de vente a pour destin naturel d’aboutir ou de périr » a dit un auteur (mais qui ?). Pour la Cour de Cassation, le
droit d’option est un droit de créance. Cette définition est doublement critiquable : pas d’obligation de faire du débiteur, et il serait
curieux que ce ne soit qu’un simple droit de créance le droit de la promesse uni de vente se confondrait avec le droit du pacte de
préférence.
Voir notion de droit potestatif
Le bénéficiaire a le droit par sa décision unilatérale de lever l’option. Le cas échéant, la vente se forme et cela entraîne la création
d’un rapport de droit entre deux parties. Donc le droit conféré au bénéficiaire est un droit potestatif. Il peut transmettre son droit
d’option.
L’indemnité d’immobilisation
C’est une somme déterminée qui restera acquise au promettant si le bénéficiaire ne lève pas l’option. Pratiquement toutes les
promesses unilatérales de vente contiennent une clause de ce type.
Le juge a été amené a précisé la nature et le régime de cette clause. Concernant sa nature, le juge en a d’abord donné une définition
négative. Des bénéficiaires saisissaient le juge pour faire reconnaître que la clause était une clause pénale, afin que le juge puisse la
réviser. La Cour de Cassation a estimé que cette clause n’était pas une clause pénale : 2 arrêts de la 3ème chambre civile, 5 décembre
1984, dalloz 1985 p544.
Rappel : la clause pénale sanctionne une inexécution de la part de l’un des cocontractants, qui engage ainsi sa responsabilité
contractuelle.
La clause d’indemnité d’immobilisation ne peut être qualifiée de clause pénale puisque la somme prévue serait une évaluation
forfaitaire de la peine qu’il doit exécuter si il se rend coupable d’un manquement à ses obligations. La décision de ne pas lever
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l’option correspondrait à une inexécution contractuelle de la part du bénéficiaire. C’est faux puisque le bénéficiaire de la promesse
possède le droit de lever ou non l’option.
En fait, la Cour de Cassation a dit que cette clause était tout simplement un prix, le prix du service que le promettant rend au tiers en
immobilisant son bien pendant le délai d’option (arrêt de la 1ère chambre civile, 5 décembre 1995).
A partir du moment où on admet que cette clause n’et pas une clause pénale, on ne va pas appliquer l’article 1152 du code civil. Le
prix est fixé d’un commun accord entre le promettant et le bénéficiaire. Le juge ne peut donc en principe s’immiscer dans ce contrat.
Pourtant, il s’est arrogé le pouvoir de réviser cette indemnité. Il faut pour cela quye deux conditions soient cumulativement réunies :
une objective et une subjective.
Il faut en interprétant la volonté des parties (pouvoir souverain des juges du fond) que leur volonté a été de fixer le montant de
l’indemnité d’immobilisation en fonction de la durée de cette immobilisation. C’est la condition subjective.
La condition objective est la décision anticipée rapide du bénéficiaire de ne pas lever l’option.
Ex : une promesse de vente d’immeuble prévoyant une vente de 300000 euros. La clause d’indemnité d’immobilisation fixe le prix à
24000 euros. Le délai d’option est de 6 mois. Au bout d’un mois, le bénéficiaire décide de na pas lever l’option. Si le juge décide que
ce prix a été fixé au regard du délai d’immobilisation de 6 mois, il va constater que le délai d’immobilisation a été de 6 fois inférieur à
ce qui a été prévu. Il va alors ramener le prix du délai d’immobilisation de départ à celui qu’il avait été proportionnellement si ce délai
avait été d’un mois (soit 4000 euros).
Le promettant peut éviter cette possibilité de révision judiciaire à condition d’être habile dans la rédaction de la clause. Il suffit qu’il
dise qu’en cas de non levée d’option, une somme de tant lui sera due de plein droit : 3ème chambre civile 10 décembre 1986.
C’est l’hypothèse où le promettant vend à un tiers pendant le délai d’option le bien avant que le bénéficiaire n’ait exprimé son choix
de l’acheter ou non. On retrouve dans ce cas les trois moyens d’action identifiés pour le pacte :
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Quand la promesse uni de vente a pour objet un immeuble, il n’est pas question de sanctionner sa violation en se servant des règles de
la publicité foncière. L’article 37 du décret du 4 janvier 1955 affirme que les promesses unilatérales de vente d’immeuble ne sont pas
soumises à publicité obligatoire sur le registre de publicité foncière.
Cette publicité pourra faciliter cependant la preuve de la connaissance par le tiers de l‘existence de cette promesse de vente.
Une promesse unilatérale d’achat est l’inverse d’une promesse unilatérale de vente. C’est le contrat par lequel une partie, le
promettant, s’engage à acheter un bien appartenant à l’autre partie si celle-ci manifeste dans un certain délai (délai d’option) la
volonté de vendre.
Cette promesse est soumise au même régime que la promesse unilatérale de vente à une seule réserve près. Quand cette promesse a
pour objet un immeuble, elle n’est pas soumise au formalisme de 1589-2 du code civil.
En pratique, ces promesses se rencontrent dans deux grands domaines : en matière d’actions et parts sociales d’une part, et en matière
de reprise par les fournisseurs des invendus des détaillants d’autre part. Le détaillant achète des marchandises au fournisseur. Les
invendus pourront être rachetés par le fournisseur par le biais d’une promesse unilatérale d’achat. Cela se rencontre par exemple dans
la presse.
Les parties concluent deux promesses unilatérales croisées. A s’engage à vendre à B et B s’engage à acheter à A. En pratique
ce cas de figure se rencontre essentiellement entre professionnels dans le cadre du droit des sociétés.
L’étude de la jurisprudence amène 3 cas de figure.
1_ on est en présence de deux promesses unilatérales indivisibles. Si aucune des deux parties ne lève dans le délai convenu l’option
offerte, il n’y aura pas de conclusion de contrat de vente. Toutefois il suffit que l’un des deux lève l’option que sa promesse lui
conférait pour que la vente se forme même si l’autre n’avait pas l’intention de lever son option. Voir arrêt chambre commerciale 25
avril 1989.
2_ on est en présence de deux promesses unilatérales alternatives. Il peut ressortir de la commune intention des parties que dans leur
esprit les deux promesses unilatérales ont vocation à jouer mais dans des contextes différents. Si tel évènement se réalise (ex : achat
d’un local commercial à tel date), c’est la promesse unilatérale de vente qui aura vocation à jouer. Mais si le contexte est différent (pas
d’achat du local), c’est la promesse unilatérale d’achat qui aura vocation à jouer. Voir arrêt 3ème chambre civile, 26 juin 2002, rtdc
2003 p77.
3_ on est en présence en réalité d’une promesse synallagmatique de vendre → Requalification possible par le juge des deux
promesses unilatérales en une promesse synallagmatique de vente chambre commerciale 22 novembre 2005, rtdc 2006 p 302.
Derrière la présentation simple de cette promesse se cache deux réalités juridiques complexes différentes. Il faut distinguer
deux catégories de promesse synallagmatique de vente. La première catégorie de promesse synallagmatique de vente est que la
promesse en principe vaut vente. Cela veut dire que la vente est déjà formée. La seconde catégorie de promesse synallagmatique de
vente ne vaut pas vente et c’est un contrat distinct de la promesse elle-même. Celle-ci est un avant contrat contrairement à la promesse
de la première catégorie.
Lorsque la promesse synallagmatique de vente a pour objet un immeuble à usage d’habitation et que le promettant acheteur
est un non professionnel, l’article L151-2 du code de construction et de l’habitation offre à ce dernier un délai de rétractation de 7
jours dans tous les cas.
La promesse synallagmatique de vente valant vente est la vente d’ores et déjà formée. Il y a un consentement des deux
parties sur la chose et le prix. Or, d’après l’article 1583 du code civil, « la vente est parfaite dès que l’on est convenue de la chose et
du prix ». Cette terminologie signifie que si l’on est en présence d’une vente déjà conclue, on n’est toutefois pas dans le cadre d’une
vente ordinaire. C’est une vente assortie de modalités particulières. Il y a deux types de modalités :
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1_ la promesse synallagmatique de vente valant vente peut être une vente avec faculté de dédit. Voir article 1590 du code civil sur les
arrhes. Celui qui a versé les arrhes a la possibilité de se retirer du contrat. Les arrhes sont le prix de son dédit. Celui qui reçoit les
arrhes a lui aussi une faculté de dédit : il doit verser le double de la somme que son partenaire lui a versé au titre des arrhes.
La pratique veut que cette promesse soit appelée « compromis de vente ».
2_ la promesse synallagmatique de vente valant vente peut constituer une vente déjà formée dont les effets sont suspendus. Les effets
de la vente sont liés à la survenance d’un évènement ultérieur. Deux procédés permettent de suspendre un contrat conclu : le terme
suspensif et la condition suspensive. Quand on parle d’une vente avec condition suspensive, la condition n’affecte jamais la formation
de la vente. Le contrat de vente est conclu. La condition suspensive n’affecte que les effets de la vente.
Le terme suspensif est un évènement futur et certain : il est certain que l’évènement se produira. Ce que l’on désigne parfois
par « terme incertain » est un évènement futur et certain mais dont on ne sait pas quand il va se produire (Ex : la mort). Lorsque le
terme arrive, le contrat produit ses effets normaux sans rétroactivité.
La condition suspensive est un évènement futur et incertain. Si cet évènement se réalise, le contrat va produire ses effets, et
ce rétroactivement en principe.
La promesse synallagmatique de vente est souvent en réalité une vente assortie d’un terme suspensif et d’une condition
suspensive.
La promesse synallagmatique de vente peut donc être assortie d’un terme suspensif. En pratique, dans les promesses
synallagmatiques de vente d’immeuble, le terme suspensif le plus répandu est la rédaction d’un acte notarié (appelé « réitération par
acte authentique »). Ce n’est pas une condition de validité de la vente. La vente d’immeuble est obligatoirement soumise aux règles de
la publicité foncière. Si cette publicité est obligatoire, c’est pour rendre l’acte de vente opposable aux tiers. On ne peut pas accomplir
les formalités de publicité foncière si l’acte juridique que l’on veut publier n’est pas constaté dans un acte notarié. Il faut donc faire
attention à distinguer ce qui relève de la formation de la vente et ce qui relève de son opposabilité.
Cette suspension s’explique par le fait que l’acheteur doit rassembler les fonds nécessaires (car un immeuble coûte cher !).
Cet évènement futur qu’est la rédaction de l’acte authentique est un évènement futur et certain. Il s’agit donc bien d’un terme
suspensif. A supposer qu’une des deux partie ne veuille plus aller cher le notaire pour signer l’acte notarié, l’autre partie va pouvoir
saisir le juge pour qu’il constate primo que la vente est formée, secundo que le cocontractant n’exécute pas ses obligations. Son
jugement aura valeur d’acte authentique. Voilà pourquoi la rédaction d’un acte authentique est un évènement est futur et certain et
qu’il s’agit donc un terme suspensif.
La promesse synallagmatique de vente peut être assortie d’une condition suspensive. Dans les promesses syn de vente
d’immeuble, la condition suspensive la plus répandue est la condition d’obtention d’un prêt bancaire. Mais il se peut, au moment où la
vente est formée, que l’acheteur n’ait pas vu en détail les conditions d’octroi du prêt dont il a besoin. Donc la vente est formée à
condition de cette obtention de crédit. On est en présence d’un évènement futur et incertain, dont dépend la vente.
La promesse synallagmatique de vente valant vente concernant un terrain peut être suspendu à la condition d’obtention d’un
permis de construire.
En principe, si la condition suspensive se réalise, la vente préalablement conclue va pouvoir produire ses effets
rétroactivement. Mais si elle ne se réalise pas, la vente est caduque.
La quasi-totalité des promesses de vente d’immeuble sont des ventes déjà formées dont les effets sont suspendus primo à
l’obtention d’un prêt bancaire et secundo à la réitération d’un acte authentique. L’accomplissement de la condition suspensive dans ce
cas ne déclenche pas les effets de la vente car c’est alors que rentre en scène le 2ème élément : le terme suspensif.
Précision terminologique : le terme suspensif dans les promesses syn de vente d’immeuble est la réitération d’un acte
authentique. « Réitération par acte notarié » ne veut pas dire que les parties doivent redonner à nouveau leur consentement, qui a déjà
été donné lors de la conclusion de la promesse synallagmatique de vente. Cet acte ne fait que constater une vente conclue auparavant.
Pour comprendre ce que recouvre cette catégorie de promesses, il faut se référer à l’article 1583 qui dresse la liste des
éléments essentiels du contrat de vente, c'est-à-dire les éléments sur lesquels il suffit de se mettre d’accord pour que le contrat soit
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formé : cela concerne le consentement sur la chose vendue et le prix à payer. Ce principe (l’accord sur la chose et le prix est
nécessaire et suffisant pour entraîner le contrat de vente) est assorti d’exceptions.
L’exception peut résulter soit de la loi, soit de la convention des parties.
a. l’exception légale
Il arrive que le législateur subordonne la formation de la vente à l’accomplissement d’une formalité supplémentaire. Cette
formalité va être requise ad abilitatem, c'est-à-dire pour la validité même de la vente. C’est le cas pour les ventes de logement HLM.
Quand un logement HLM est vendu, l’acte notarié est alors requis ad abilitatem. Tant que l’acte notarié n’est pas établi, la vente ne
peut être considérée comme formée, en dépit de la promesse. C’est pourquoi on parle de « promesse synallagmatique de vente ne
valant pas vente ».
b. l’exception conventionnelle
L’article 1583 n’a pas un caractère public, ce qui signifie que les parties peuvent y déroger conventionnellement. Elles
peuvent allonger la liste des éléments essentiels dont la réunion est nécessaire à la validité de la vente. Les parties peuvent ériger
n’importe quel élément ordinairement accessoire en élément conventionnellement essentiel du contrat.
Dès lors que les parties se sont mises d’accord sur la chose et le prix, on est dans le cas d’une promesse synallagmatique de
vente, mais celle-ci ne peut valoir vente puisque conditionnée à l’accomplissement d’un autre élément.
En pratique, l’élément essentiel que les parties vont ajouter sera la réitération par acte authentique.
Pourquoi ce n’est pas un terme suspensif ? Le juge ne doit admettre qu’il est en présence d’une promesse syn de vente ne
valant pas vente que quand il a la certitude que telle a bien été la commune intention des parties (de ne pas suspendre les effets d’une
vente déjà formée, mais d’avoir conditionné la formation de la vente à la réitération de l’acte authentique). Mais si il a le moindre
doute, il doit considérer la promesse comme une promesse valant vente.
On trouvera une promesse synallagmatique de vente ne valant pas vente quand on est en présence d’une promesse
synallagmatique de vente relative à une vente non consensuelle.
Quand la promesse syn de vente ne vaut pas vente, ce qui est retardé est la formation même de la vente. C’est donc bel et
bien un avant contrat. La promesse syn de vente ne valant pas vente est un avant contrat syn (création donc d’obligations de faire des
deux contractants l’un vis-à-vis de l’autre, obligations de faire en sorte que l’élément essentiel ajouté par la loi ou les parties se
réalise) dit la jurisprudence.
Que se passe-t-il si cette obligation de faire n’est pas exécutée par l’une des parties, si celle-ci fait obstacle à la réalisation de
l’élément essentiel manquant ? La jurisprudence est unanime et ferme : pas question de recourir à l’exécution forcée. La sanction sera
l’octroi de dommages intérêts → 1ère chambre civile, 27 mai 1998, Defresnois 98 p 1054.
Les parties ont donc tout intérêt à l’écrire noir sur blanc quand elles veulent conclure une promesse de vente ne valant pas
vente.
Le contrat préliminaire à la vente d’immeuble à construire ne concerne que les ventes d’immeuble à construire à usage de
logement. Il n’y a vente d’immeuble à construire que lorsque le constructeur immobilier nous vend un terrain dont il est lui-même
proprio sur lequel il va édifier un immeuble. Dans le cas où un particulier est proprio d’un terrain et veut faire construire un immeuble
dessus, ce n’est pas un contrat de vente d’immeuble à construire (c’est un contrat d’entreprise). Le seul contrat préparatoire que les
parties peuvent conclure est le contrat préliminaire à la vente d’immeuble à construire (appelé contrat de « réservation »). Il n’est pas
possible de préparer la vente en préparant un autre contrat préparatoire (L261-1 du code de construction et de l’habitation).
Ce contrat est réglementé par la loi. Le réservant s’engage à réserver à un éventuel acheteur, appelé le réservataire, un
immeuble ou une partie d’immeuble qu’il envisage de construire moyennant un dépôt de garanti.
1. La formation
Ce contrat est soumis à une condition de forme : il doit être rédigé par écrit. Le contrat préliminaire à la vente d’immeuble à
construire donne lieu à l’application d’une règle déjà rencontrée : le réservataire non professionnel d’un immeuble à construire à
usage d’habitation bénéficie d’un délai de rétractation de 7 jours (L271-1 du code de construction et de l’habitation).
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Le contrat doit contenir une description approximative de l’immeuble à construire : emplacement, surface habitable
approximative, prix prévisionnel de l’immeuble et date prévue de la conclusion de la vente.
2. Les effets
a. à l’égard du réservant
Le réservant ne s’oblige pas à construire lorsqu’il conclut avec ses clients un contrat préliminaire. Ce contrat ne crée pas une
obligation de construire à sa charge mais l’oblige seulement à réserver un bien immobilier au réservataire et à lui vendre dans
l’hypothèse où le constructeur déciderait de construire. Ce contrat a été imaginé comme étant entre les mains du promoteur un
instrument de prospection.
Ce promoteur conçoit un projet de construction immobilière. Il ne sait pas si ce projet va aboutir. Si il arrive à conclure un
nombre important de contrat de réservation, il va savoir que son projet peut marcher et que les clients sont là. Cela permet de tester la
viabilité économique du projet. Il y a donc deux hypothèses :
1_ le promoteur ne donne pas suite au projet de construction. Le réservataire qui avait versé au réservant un dépôt de garanti le
récupère.
2_ le projet de construction est mis à exécution. Le réservant doit alors proposer la vente au réservataire.
b. à l’égard du réservataire
Le contrat crée l’obligation immédiate pour le réservataire de verser un dépôt de garanti au réservant. Le prix de ce dépôt ne
peut dépasser 5 % du prix convenu. Ce dépôt sera déposé par le réservant sur un compte bancaire spécial qu’il devra ouvrir
spécialement à cet effet. Le réservant ne peut s’en servir, car ces dépôts sont indisponibles jusqu’à la conclusion de la vente.
Le réservataire ne s’oblige en revanche pas à acheter. Il peut donc finalement décider qu’il n’achètera pas.
Quelque fois le réservataire s’en sortira indemne en récupérant son dépôt de garanti, quelque fois il ne le récupérera pas. Le
législateur prévoit en effet une liste de motifs légitimes sur lesquels le réservataire peut se fonder pour décider de ne pas acheter :
1_ le prix de vente dépasse de plus de 5 % le prix initialement envisagé.
2_ la qualité de l’ouvrage est diminué de valeur de 10 % par rapport à ce qui était prévu.
3_ l’un des éléments d’équipement initialement prévu n’a pas été réalisé.
Dans ces 3 cas, le réservataire peut décider de ne pas acheter et récupérer son dépôt. Dans les autres cas, il ne le récupérera
pas.
Il s’est posé la question de la nature juridique de ce contrat préparatoire. Est-ce un contrat préparatoire sui generis ou une
variété particulière de contrat préparatoire déjà connu ?
Certains auteurs avaient opté pour la qualification de pacte de préférence, en raison du fait qu’en concluant un contrat préliminaire, le
promoteur ne s’engageait pas à construire et donc à vendre, tout comme dans le pacte de préférence (proposition d’une vente sans
engagement). D’autres auteurs ont envisagé ce contrat comme une promesse unilatérale de vente sous condition suspensive
d’achèvement de l’immeuble.
La jurisprudence a elle opté pour une qualification autonome : Cour de Cassation 27 octobre 1975 bul n°509 (ou 69).
F. Les contrats-cadre
Ces contrats ont pour objet de définir les conditions dans lesquels les contrats d’application futur seront conclus. Ils fixent un
cadre général aux relations entre deux partenaires. La plupart du temps, ce sont des contrats de vente. Ils arrêtent la modalité de la
conclusion ultérieure de ces ventes et leur teneur générale.
C’est plus précisément dans le domaine de la distribution qu’on les trouve. Le contrat cadre va être conclu entre un
fournisseur et un distributeur. Il organise une collaboration sur une longue durée en principe. Le distributeur s’engage à acheter les
produits du fournisseur pour les revendre aux consommateurs dans un secteur géographique défini en respectant la politique
commerciale du fournisseur.
Il faut en envisager 2. La 1ère est l’exclusivité. Les contrats cadre contiennent souvent une clause d’exclusivité. L’exclusivité
peut être d’approvisionnement. C’est une clause qui oblige le distributeur à ne s’approvisionner qu’auprès du fournisseur contractant.
Elle peut aussi être de fourniture (on parle alors de clause de fourniture exclusive). Cette clause oblige le fournisseur pour une zone
géographique déterminée à ne vendre qu’au contractant.
Ces clauses tendent à intensifier les relations commerciales entre distributeur et fournisseur. Elles visent aussi à empêcher
que ces deux acteurs fassent appel à un tiers. La clause d’exclusivité a tendance à placer la partie faible sous la suggestion de la partie
forte. Cela a amené le législateur a protéger la partie faible.
Ainsi, 20 jours au moins avant la conclusion du contrat-cadre de distribution, le fournisseur doit remettre au distributeur un
document donnant des informations sincères qui lui permettent de s’engager en connaissance de cause (L330-3 du code de
commerce). Un décret a précisé le contenu de ce document. Sur le contrat cadre lui-même, il faut qu’il soit indiquer sa durée, les
conditions de sa résiliation, les conditions de son renouvellement, le montant des investissements que le distributeur devra réaliser.
Sur le fournisseur, il faudra que soit indiqué la date de création de l’entreprise, l’évolution de l’entreprise du fournisseur,
renseignement sur l’état du marché et les perspectives de développement, composition du réseau de distributeurs déjà liés au
fournisseur.
Le non respect de ce texte est sanctionné par une amende pénale.
La clause d’approvisionnement exclusive est limitée au maximum à une durée de 10 ans (L330-1 du code de commerce).
La 2ème règle commune concerne la détermination du prix. La question qui s’est posée en jurisprudence était de savoir si le
prix des marchandises que le fournisseur va périodiquement vendre au distributeur en application du contrat-cadre devait être
déterminé, ou du moins déterminable, dans le contrat cadre, à peine de nullité de celui-ci.
Dans un 1er temps, la jurisprudence a répondu par l’affirmative, dans le souci de protéger la partie faible au contrat (le
distributeur). Elle exigeait que le prix de vente des marchandises soit déterminable au moment de la conclusion du contrat-cadre, c'est-
à-dire que ce dernier indique quels éléments objectifs allaient être considérés pour fixer le prix à payer pour le distributeur. Sur la base
de ça, la Cour de Cassation a annulé nombre de contrats de distribution. En effet, en pratique, ces contrats contenaient presque tous la
même clause : la clause tarif du fournisseur (le contrat cadre stipulait une clause au terme de laquelle le prix d’une livraison serait
celui du fournisseur au moment de la livraison). Or, la Cour a considéré que cette clause ne rendait pas le prix déterminable au
moment de la conclusion du contrat-cadre.
Cette jurisprudence a suscité de vives réactions de la doctrine et des pratiquants. Une telle jurisprudence serait de nature à
démanteler les réseaux de distribution. La Cour de Cassation a modifié sa position par 4 arrêts : Assemblée plénière, 1er décembre
1995, Dalloz 96 p17, où la Cour soutient le contraire de ce qu’elle avait dit auparavant : »lorsqu’une convention prévoit la conclusion
de contrats ultérieurs, l’indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n’affecte pas, sauf dispositions particulières,
la validité de celle-ci. Les contrats-cadre ne sont donc plus soumis à une exigence de détermination du prix. En conséquence, un
contrat-cadre de distribution qui ne contiendrait aucune clause de prix est valable.
Pour éviter tout dérapage, un contrôle de la formation du prix est organisé, non plus au stade de la formation du contrat-
cadre, mais au stade de son exécution. En cas d’abus, le distributeur pourra introduire une action en résiliation du contrat cadre et/ou
une action en responsabilité du fournisseur.
Il y aura abus lorsque le fournisseur exercera la faculté de fixer unilatéralement le prix de vente de la marchandise de manière
déraisonnable, c'est-à-dire pour obtenir un profit illégitime au détriment du distributeur.
Les contrats-cadre de distribution organisent une coopération économique qui s’étale dans le temps. Il peut être conclu pour
durée déterminée ou non. Si on appliquait les règles de droit commun des contrats, on aboutirait au résultat suivant.
Ex : un contrat cadre est conclu pour une durée déterminée. A l’arrivée du terme, le contrat cadre de distribution s’éteint et le
fournisseur es libre de le renouveler ou pas. Un contrat cadre est conclu pour une durée indéterminée, chacune des parties disposent
d’une faculté de résiliation unilatérale du contrat (avec condition de respect de durée de préavis), sans motifs particuliers à invoquer.
Dans ces deux cas, la solution serait trop brutale pour le distributeur : du point de vu des investissements que le fournisseur
lui aura demandé d’une part, et du point de vu de l’obligation de non concurrence obligeant le distributeur à ne pas travailler avec un
autre fournisseur après leur collaboration d’autre part.
Comment sanctionner les abus du fournisseur dans l’exercice de son droit de ne pas renouveler le contrat arrivé son terme ou
dans son droit de résiliation unilatérale ? La Cour a décidé que l’abus du fournisseur ne nécessitait pas une intention de nuire de la
part du fournisseur. L’abus sera suffisamment caractérisé lorsque le fournisseur aura laissé croire, par exemple, au distributeur qu’il
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allait poursuivre le contrat en lui demandant de réaliser des investissements. Lorsque l’abus est caractérisé, le distributeur chassé du
réseau obtiendra des dommages intérêts pour le préjudice subi du fait de cette exclusion.
C’est une incohérence du comportement du fournisseur qui est punie ici. On peut y voir l’émergence d’un principe général du
droit de cohérence du comportement.
C’est un contrat par lequel un fournisseur, le concédant, confère à son cocontractant, le concessionnaire, le droit de vendre
dans un secteur géographique donné, et en exclusivité, les produits de se marque.
En pratique, ces contrats se rencontrent dans le secteur de la distribution automobile. Ils se caractérisent par une double
exclusivité réciproque en pratique. Le concédant s’engage à ne fournir ces produits qu’au concessionnaire dans la zone géographique
attribuée à ce dernier. De son côté, le concessionnaire s’engage à ne s’approvisionner qu’auprès du concédant.
Un contrat de concession exclusive va mettre à la charge du cocontractant un faisceau d’obligations de faire : fournir au
concessionnaire les produits selon les modalités prévues, respecter l’exclusivité de fourniture dans la zone géographique où se situe le
concessionnaire, assister le concessionnaire sur plusieurs plans (commercial, avec un suivi de gestion ; technique, avec la fourniture
de conseils et de matériels ; financier, avec des prêts éventuellement consentis au distributeur).
b. le contrat de franchisage
C’est un contrat par lequel une partie, le franchiseur, met à la disposition de son cocontractant, le franchisé, ses concepts
commerciaux et éléments de notoriété pour permettre au franchisé de répéter le succès de l’entreprise du franchiseur.
Ce contrat, apparu dans les années 70, a aujourd’hui gagné tous les domaines de l’activité commerciale.
L’exclusivité ne figure pas dans ces 3 éléments. En effet, ce n’est pas un élément constitutif à proprement parler, qualifiant de
ce contrat. Mais dans la pratique, la majorité des contrats de franchisage, le franchiseur a introduit une clause de fourniture exclusive
et d’approvisionnement exclusif.
Le franchisé paie un droit d’entrer dans le réseau du franchiseur. Par la suite, le franchisé devra payer au franchiseur une
redevance.
On les rencontre en pratique dans deux domaines : les produits de luxe et les produits de haute technicité. L’objectif est de
préserver l’image de marque haut de gamme de ces produits, en en confiant la commercialisation à des revendeurs soigneusement
sélectionné selon des critères qualitatifs drastiques.
L‘arrêt du 3 novembre 1982 de la Cour de Cassation énonce que le contrat de distribution sélective est le contrat par lequel
« un fournisseur s’engage à approvisionner dans un secteur déterminé un ou plusieurs commerçant qu’il choisit en fonction de critères
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objectifs de caractère qualitatif sans discrimination et sans limitation quantitative injustifiée et par lequel le distributeur est autorisé à
vendre d’autres produits concurrents » (Chambre criminelle, 3 novembre 1982).
Le 1er trait distinctif de ce contrat est la sélection par le fournisseur selon des critères objectifs. Ces critères sont au nombre de
3 généralement. Le 1er est l’agencement du magasin. Le magasin des distributeurs doit être chic et installé dans des quartiers
commerçants. Le 2ème critère est l’assortiment de la gamme complète des produits du fournisseur. Le 3 ème critère est le respect de la
qualification professionnelle du personnel du distributeur. Ce critère jouera un rôle très important quand les produits distribués seront
des produits de haute technicité.
Le 2ème trait distinctif est l’absence d’exclusivité.
Les 4 variétés de contrats préparatoires à la vente que l’on a vu ci-dessus n’ont d’autres objets que de préparer la conclusion
d’une future vente. Avec les contrats-cadres de distribution, on est dans un registre un peu différent, dans la mesure où ils ont pour
fonction d’organiser une collaboration économique entre deux opérateurs. Toutefois, l’un des aspects des contrats-cadres de
distribution est bien de préparer la conclusion de ventes futures.
§ 1. Le principe du consentement
Le principe du consensualisme signifie que l’accord de volonté des parties suffit à former le contrat, sans qu’il y ait besoin
d’aucunes formes supplémentaires. Ce principe est un dérivé du dogme de l’autonomie de la volonté ( Auto nomos : qui crée ses
propres règles).
Le consensualisme du contrat de vente est affirmé par l’article 1583 du code civil : « la vente est parfaite dès qu’on est
convenu de la chose et du prix ». Le principe du consensualisme appliqué à la vente vaut pour le droit interne mais il est aussi inclus
dans la convention internationale de Vienne régissant la vente internationale de marchandises entre professionnels : « le contrat de
vente n’a pas à être conclu ni constaté par écrit et n’est soumis à aucune autre condition de forme ».
Elles résultent de dispositions qui parfois imposent le respect d’une forme particulière pour la validité même de la vente. On
parle de formalisme requis ad abilitatem.
Quand une telle exception est prévue (formalité particulière nécessaire à la validité de la vente), c’est toujours dans un souci
de protection de l’une des parties.
Il y a nombre de cas où la vente ne peut être formée que si elle a eu lieu en utilisant le procédé des enchères publiques. Le 1 er
cas est celui de la vente d’immeuble appartenant à un mineur. On redoute que la vente se fasse au détriment du mineur. Le 2 ème cas est
la vente de biens ayant faits l’objet d’une saisie.
Il arrive que le législateur lui-même subordonne la validité du contrat de vente à l’établissement d’un écrit. L’écrit n’est pas
établi simplement pour servir de preuve ou accomplir une publicité, il est exigé car c’est une condition essentielle pour la validité d’un
contrat. Lorsque le législateur exige un écrit, on parle de vente « solennelle ». Si cet écrit n’est pas fait, la vente est nulle de plein
droit : le juge est alors obligé de prononcer cette nullité.
On rencontre cette condition de forme pour certains cas de ventes d’immeuble tout d’abord. Cela concerne d’abord la vente
d’immeubles à construire (L216-10 du code de l’habitation et de la construction), mais aussi la vente d’immeubles HLM (R443-20
CHC).
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Concernant les ventes de meubles, il faut envisager le cas des ventes à domicile, procédé particulièrement agressif, raison
pour laquelle il est exigé un écrit respectant une liste de mentions obligatoires dont le manquement entraîne la nullité de la vente. Il est
aussi exigé un écrit pour la vente de navires, de brevets d’invention et de marques.
Dans ces cas, l’accord des volontés n’est pas suffisant.
La plupart des fois qu’on conclut une vente, on établit un écrit. Mais cet écrit ne sera pas une règle de forme : ce sera une
règle de preuve ou de publicité.
A partir du moment où l’intérêt en jeu dans un contrat excède 1500 euros, la preuve de la vente nécessite un écrit. Toute vente
dans le prix dépasse 1500 euros devra être prouvée par un écrit (souvent un acte sous seing privé).
Quelle sanction si pas d’écrit ? Pas de nullité automatique du contrat mais risque de perdre le procès si on a un litige avec le
contractant.
Pour les ventes d’immeuble, il faut publier les contrats de vente sur les registres de la publicité foncière. Pour pouvoir
accomplir ces formalités, il faut un acte notarié constatant la vente d’immeuble. Toutes les ventes d’immeuble donnent donc lieu à
établissement d’un acte notarié mais là encore, ce n’est pas une condition de validité du contrat. La vente sera valable entre le vendeur
et l’acheteur. Mais, les formalités de publicité foncière ne pouvant être établies, la vente sera inopposable aux tiers.
Récapitulons :
Règles de forme : nullité du contrat si manquement
Règles de preuve : perte du procès si manquement
Règles de publicité : inopposabilité aux tiers du contrat si manquement
Section 2. La chose
Certains textes récents manquent de rigueur, car le législateur y parle de « vente de prestation de service ».
Ex : une loi de 1992 relative aux agences de voyage dit que l’agence de voyage est un vendeur de voyage. Une autre loi de
2001 parle d’une vente de prestation de service bancaire.
Il y a là un abus de langage de la part du législateur. La vente ne peut avoir pour objet une prestation de service : il s’agit de
contrats d’entreprise. Une vente ne peut porter que sur une chose.
Pour que la vente puisse être valablement formée, il faut que la chose vendue existe. Ensuite, il faut que cette chose présente
un certain nombre de qualités.
§ 1. L’existence de la chose
Cette exigence de l’existence de la chose soulève deux questions : la première est celle de la perte de la chose,
antérieurement ou concomitamment à la formation de la vente.
Il s’agit du cas où la chose est détruite, en totalité ou en partie, de façon fortuite avant ou pendant la formation de la vente, et
que les contractants ignorent cette destruction.
L’article 1601 du code civil distingue selon que la perte est totale ou partielle.
1. La perte totale
2. La perte partielle
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L’acheteur a le choix : il peut opter en faveur de la nullité du contrat ou en faveur du maintien du contrat, moyennant une
réduction du prix (réfaction de la vente).
Une chose future est une chose qui n’existe pas encore mais dont l’existence ultérieure est envisagée par les parties. Une telle
vente est possible : l’article 1130~1 du code civil dispose que « les choses futures peuvent être l’objet d’une obligation ».
Selon la volonté des parties, la vente de choses futures pourra être soit un contrat aléatoire, soit un contrat commutatif.
Contrat aléatoire quand les parties auront convenu du prix de la chose au jour de la conclusion de la vente, même si l’existence
ultérieure de la chose n’est pas assurée. Contrat commutatif si l’acheteur ne paiera la chose que quand elle sera véritablement
existante.
Peu importe la nature de la chose vendue (corporelle ou incorporelle). Quand la chose vendue est incorporelle, on aura plus
volontiers tendance à employer le mot de cession (cession de créance, d’actions…). Il y a 3 qualités exigées de la chose vendue pour
que celle-ci puisse être valablement l’objet d’une vente : il faut que la chose soit aliénable, qu’elle appartienne au vendeur, et qu’elle
soit déterminée ou déterminable au moment de la conclusion de la vente.
Article 1598 : tout ce qui est dans le commerce peut être vendu lorsque des lois particulièes n’en ont pas prohibé l’aliénation.
2 exceptions : soit l’inaliénbilité résulte de la loi, soit elle résulte de la convention.
Article 1128 du Code civil : « il n’y a que les choses qui se trouvent dans le commerce qui puissent être l’objet de
conventions ».
La notion de marché est différente de celle de commerce.
Les choses hors du commerce sont celles hors du commerce juridique, ne pouvant faire l’objet d’aucun contrat quelqu’il soit.
Les choses hors du marché ne peuvent pas être aliénées à titre onéreux (pouvant l’être à titre gratuit). Ces choses méritent de
retenir notre intérêt !
Exemples classiques : les éléments et produits du corps humain, les tombeaux et sépultures (dimension sacrée de la mort), les
droits de la personnalité, les souvenirs de famille…
Exemples modernes : les produits contenant de l’amiante, les marchandises contrefaites (en témoigne la jurisprudence de la
Chambre commerciale, septembre 2003), les cessions de clientèles civiles des professions libérales…
Il faut s’attarder sur les cessions de clientèle civile des professions libérales en raison de l’évolution jurisprudentielle dont
elles ont fait l’objet. Le juge, ayant dans un premier temps considéré que ces dernières ne pouvaient être cédées, est revenu sur cet état
de fait en raison de stratagèmes nés de l’imagination des professionnels : le libéral partant passait un contrat avec l’arrivant contenant
une double obligation : une obligation de faire (présenter la clientèle à son successeur) et une obligation de ne pas faire (interdiction
de concurrence), le successeur devant en retour lui payer ces services. La Cour de cassation a fini par changer de position en
reconnaissant en l’an 2000 que les cessions de clientèles civiles étaient valables.
On peut introduire une telle clause au sein d’un contrat ou d’un testament (le mourant décidant de léguer un bien à un
légataire qui ne pourra guère aliéner ce bien). La chose étant frappée d’inaliénabilité ne peut être vendue.
Les clauses d’inaliénabilité ne sont pas nulles mais sont conditionnées par l’article 900-1 du Code civil posant deux
conditions :
_1° Les clauses doivent être temporaires (en rapport au principe de libre circulation des biens)
_2° Les clauses doivent être légitimées par un intérêt sérieux et légitime.
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Cependant, même si cette dernière est valable, le propriétaire de la chose frappée d’inaliénabilité pourra demander au juge
l’autorisation exceptionnelle de vendre ladite chose si l’intérêt qui a pu justifier la clause a disparu ou si un intérêt supérieur exige
l’aliénation / la vente.
Un adage comme point de départ : « on ne peut transférer à autrui plus de droits qu’on en a soi même » (nemo dat quod non
habet ou encore nemo plus juris adalium transferre quam ipse habet).
Quelles sont ces choses qui encourent la nullité prévue par 1599 ?
Ce sont les ventes consenties par un vendeur qui n’est pas propriétaire (les arrêts parlent souvent de vente consentie a non
domino) et les ventes qui opèrent un transfert immédiat de la propriété.
Pour que la vente de la chose d’autrui tombe sous le coup de 1599, il faut donc ce défaut du vendeur, mais il faut aussi
transfert immédiat de la propriété.
La vente de la chose d’autrui tombe sous le coup de la sanction éditée par 1599 lorsqu’elle a pour effet de transférer
immédiatement la propriété à la chose.
Ceci est une affirmation que l’on trouvera dans tous les ouvrages. Cela signifie qu’une vente dont le transfert de propriété à
l’acheteur aurait retardé ne tomberait pas sous le coup de 1599. Des techniques existent pour ça : condition suspensive, terme
suspensif…
Quand la chose vendue est une chose de genre, le transfert de propriété ne s’opère qu’au moment de l’individualisation.
Quand une vente opère un transfert différé, elle ne tombe pas automatiquement sous le coup de 1599.
Lorsqu’arrive le terme suspensif, la vente va alors opérer le transfert de propriété.
a. la nullité de la vente
La réalité est différente de l’affirmation péremptoire de 1599. La seule indication positive que nous fournit cet article est que
la nullité encourue est une nullité de plein droit. Le juge est donc tenu de la prononcer dès lors qu’il constate qu’on est en présence
d’une chose vendue appartenant à autrui.
Rappel de la distinction entre nullité absolue (prescription trentenaire) et nullité relative (prescription quinquennale).
La jurisprudence a pris partie pour dire qu’il s’agissait d’une nullité relative → Cour de Cassation 23 juillet 1832. La
jurisprudence s’est montrée constante à cet égard. Il s’agit donc de la protection d’un intérêt privé.
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La nullité absolue aurait pu être demandée par tout le monde (vendeur, acheteur, proprio…). Qui de ces trois personnes peut
agir en nullité (relative) ? L’article ne permet pas de le dire.
1ère hypothèse : le vendeur, qui agirait en nullité sur le fondement de 1599. Ce n’est pas le vendeur qui a vendu une chose qui
ne lui appartenait pas qui peut demander la nullité. L’un des effets du contrat de vente est de mettre à la charge du vendeur une
obligation de garantir l’acheteur contre l’éviction : c’est l’obligation qu’a le vendeur de garantir que le droit de propriété qu’il
transmet à l’acheteur est solide et ne sera pas remis en cause. L’acheteur, en cas de non exécution de cette obligation, pourra s’opposer
au vendeur. Un adage tiré de l’ancien droit dit « qui doit garantir ne peut évincer ». Le vendeur ne peut donc évincer l’acheteur.
2ème hypothèse : le véritable propriétaire de la chose vendue. Ce n’est pas lui que le texte cherche à protéger. Il n’a pas besoin
de ce texte car il a déjà des armes pour agir dans son intérêt. Il y a l’action en revendication, qui permet de récupérer une chose qui lui
appartient et qui est indûment détenu par un tiers. La jurisprudence a précisé clairement que le véritable proprio peut agir contre
l’acheteur en revendication alors même que la vente consentie à l’acheteur n’a pas été annulée : 3ème chambre civile, 9 mars 2005, III
n°63.
3ème hypothèse : l’acheteur de la chose vendue. C’est lui que cherche à protéger 1599. Lui seul peut introduire une action en
nullité contre le vendeur de la chose d’autrui sur le fondement de ce texte. La question du fondement de cette nullité a suscité un débat
doctrinal.
On a d’abord imaginé la théorie du vice de consentement comme premier fondement de la nullité susvisée. Il y a trois vices
de consentement : le dol, la violence et l’erreur. Le dol et la violence doivent d’emblée être écartés. On fait donc référence au vice
d’erreur. L’acheteur a cru traiter avec un vendeur qui était le véritable proprio de la chose vendue. Il a commis une erreur. L’erreur
n’est une cause de nullité que lorsqu’elle porte sur la substance de la chose ou sur la personne du cocontractant. N’est-ce pas dans
notre cas une erreur sur la qualité du cocontractant ? Il faudrait pour accéder à la nullité que le contrat soit un contrat intuitu personae.
Ce n’est pas le cas du contrat de vente. Reste donc l’erreur sur les qualités substantielles de la chose. Or, l’une de ces qualités était
l’appartenance de la chose au vendeur. Dans ce cas il y a vice d’erreur. L’article 1599 ne serait alors qu’une application particulière
de l’article 1110.
Toutefois, cette lecture est incompatible avec la lettre de l’article 1599 : « la vente de la chose d’autrui est nulle ; elle peut
donner lieu à des DI lorsque l’acheteur a ignoré que la chose vendue fut à autrui ». Les DI que le vendeur pourra être condamné à
verser à l’acheteur ne pourront être octroyé par le juge que lorsque l’ignorance de l’acheteur sur la qualité de propriétaire du vendeur
sera démontrée. La nullité a elle lieu d’être prononcée en tout état de cause, que l’acheteur ait ignoré ou non la qualité de non proprio
du vendeur. Mais si l’acheteur savait que le vendeur n’était pas proprio, il n’y a pas d’erreur.
Le fondement de l’erreur est donc incompatible avec la formulation même de l’article 1599.
Un 2ème fondement a été proposé : c’est l’idée de garantie anticipée d’éviction. Que se passerait-il si 1599 n’existait pas ? La
vente de la chose d’autrui est conclue. Dans un 1 er temps, l’acheteur ne peut rien faire, même si il s’aperçoit après la formation de la
vente que le vendeur n’était pas le proprio de la chose. Il est donc menacé d’être évincé de la propriété. Il peut alors se fonder sur la
garantie du vendeur contre l’éviction. Il pourra demander l’anéantissement rétroactif de la vente, ce qui lui permettrait de récupérer le
prix qu’il avait payé. Mais il peut s’écouler un laps de temps assez long entre le jour où la chose d’autrui a été vendue et le jour où
l’acheteur pourra récupérer le prix. Peut être que le vendeur sera devenu insolvable et ne pourra pas rendre la somme à l’acheteur.
D’où le fondement de 1599, qui permet à l’acheteur d’anticiper sur la garantie contre l’éviction : ne pas attendre qu’elle se concrétise
mais prendre les devants, en lui permettant sur le champs de demander la nullité de la vente à l’encontre du vendeur. L’intérêt est la
rapidité de la mise en œuvre de cette action, disponible dès la conclusion de la vente : plus tôt l’action est intentée, moins le vendeur
aura de chance d’avoir dépensé le prix.
Seulement, cette explication a un défaut d’ordre théorique. Le fondement selon cette analyse est l’idée de garantie anticipée
d’éviction. Mais quand un acheteur met en jeu contre son vendeur la garantie contre l’éviction, la sanction prévue par le code civil lui-
même (article 1630) est la résolution de la vente, c'est-à-dire l’anéantissement rétroactif d’un contrat qui intervient pour résoudre un
problème d’exécution du contrat. La nullité ne peut sanctionner qu’un vice de formation du contrat. Or l’article 1599 parle de nullité,
et non de résolution.
Un 3ème fondement est suggéré : c’est l’absence de cause. Dans un contrat synallagmatique, la cause de l’obligation d’une des
parties est l’obligation de l’autre. Quelle est la cause de l’obligation de payer le prix qui incombe à l’acheteur dans le contrat de
vente ? La contrepartie est la propriété de la chose. Or, le transfert ne peut pas se faire ici. Il n’y a donc pas de contrepartie, et donc
pas de cause.
La Cour de Cassation disait que la nullité pour absence de cause était une nullité absolue, ce qui plombait l’explication
envisagée. Mais il y a eu revirement opérée par la 3ème chambre civile, 29 mars 2006, et désormais la nullité encourue pour l’absence
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de cause est une nullité relative. Il ne pas faire de confusion avec la cause illicite, qui entraîne la soumission du contrat à une nullité
absolue.
Il y a des procédés qui permettent de valider dès sa conclusion une vente de la chose d’autrui. Une seconde catégorie de
procédés existe, procédés qui ne permettent qu’une validation ultérieure de la vente de la chose d’autrui.
Les procédés qui permettent de valider dès sa conclusion la vente de la chose d’autrui.
Le 1er de ces procédés est la gestion d’affaire. Une personne, spontanément et par altruisme, gère les affaires d’autrui pour
rendre service. Lorsque l’acte du gérant d’affaire a été utile au maître de l’affaire, il s’impose à ce dernier. On peut imaginer que la
vente d’une chose d’autrui soit effectuée par le vendeur au titre de la gestion d’affaire. Par exemple, un banquier dont le client est
absent pour une longue période vend des titres car leur valeur va dégringoler. Si l’acte est utile, il s’impose au véritable propriétaire.
Cela signifie que le proprio véritable ne peut agir en revendication contre l’acheteur, dont le titre de propriété acquis est alors solide.
Le 2ème procédé est issu de l’article 1279 du code civil, qui concerne les meubles : « en fait de meuble, possession vaut
titre ». Cette règle neutralise l’article 1599. Ceci concerne les biens meubles corporels.
Le 3ème procédé est issu de l’article 222 du code civil : « si l’un des époux se présente seul pour faire un acte
d’administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement, il est réputé à l’égard des tiers de
bonne foi avoir le pouvoir de faire seul cet acte ». Ce texte s’applique à tous les régimes matrimoniaux quelqu’ils soient. Il faut
déterminer si le bien est un bien propre ou commun. Dès lors qu’un époux vend un bien meuble, il est réputé propriétaire. Cet article
vise autant les biens meubles corporels qu’incorporels. Ainsi, un époux qui vend seul un bien meuble incorporel, qui un bien propre
de son conjoint (régime de communauté) ou un bien personnel (régime de séparation), sera protégé contre une éventuelle remise en
cause de cette vente. La propriété est belle et bien acquise à l’acheteur. Ceci concerne les biens meubles incorporels.
Le 4ème procédé est la théorie de l’apparence. Il faut que le vendeur ait eu l’apparence du véritable proprio. Il faut deux
conditions cumulatives pour valider cette théorie :
1_ la bonne foi de l’acheteur
2_ il faut ce que les juges d’appel nomment une « erreur commune », ce qui veut dire que n’importe qui d’autre que l’acheteur aurait
cru que le vendeur était le véritable proprio et se serait trompé.
Quand ces deux conditions sont réunies, on considère que l’apparence produit les mêmes effets que la réalité. Ceci protège
les ventes d’immeubles.
Dans tous ces cas là, le résultat auquel on parvient est le même : la vente est dès sa conclusion valable et totalement efficace.
Elle va produire tous ses effets au profit de l’acheteur.
Les procédés qui permettent une validation ultérieure de la vente de la chose d’autrui
On est dans un cas de figure différent du précédent en ce que dans un 1 er temps, la vente de la chose d’autrui tombe sous le
coup de 1599, et qu’elle deviendra ensuite valable. Il y a deux catégories de ces procédés : certains vont rendre la vente valable mais
pas forcément efficace, et d’autres qui vont rendre la vente valable et efficace. Une vente est valable dès l’instant qu’elle ne peut plus
être annulée, dès l’instant que l’acheteur ne peut plus demander la nullité sur le fondement de 1599. Une vente est efficace quand elle
produit pleinement ses effets.
2_ l’acquisition par le vendeur de la chose avant que l’acheteur n’introduise l’action en nullité. Il y a alors consolidation de la
propriété acquise par l’acheteur.
3_ la prescription acquisitive (usucapion). Imaginons une vente d’immeuble où le vendeur n’était pas le véritable proprio. L’acheteur
s’installe et utilise l’immeuble sans que le véritable proprio ne réagisse. Le comportement de possesseur, pendant un certain temps
(variable selon les situations), on peut devenir propriétaire par la prescription acquisitive. Au-delà de cette prescription, le véritable
proprio ne peut plus agir en revendication.
Le contrat de vente doit désigner précisément la chose vendue (chose déterminée). Le contrat de vente au moment de sa
conclusion se contente d’indiquer les modalités objectives qui permettront ensuite la détermination de la chose vendue (chose
déterminable).
Deux cas de figure : la chose est un corps certain, et la chose est une chose de genre.
Quand la chose est un corps certain, le corps certain doit être individuellement désigné dans le contrat (chose déterminée).
Ex : le vendeur vend à l’acheteur running star, un beau cheval de course.
En cas de chose déterminable, le contrat doit énoncer les critères permettant d’identifier précisément le corps certain
individuellement entendu.
Ex : le vendeur vend à l’acheteur celui des 3 chevaux de course qui arrivera en meilleure position.
Quand la chose vendue est une chose de genre, elle doit être déterminée ou déterminable dans son espèce et sa quotité.
L’espèce signifie le genre auquel la chose appartient. Il faut que soit précisé la qualité de la chose vendue.
Si le contrat est muet quand à la qualité de la chose de genre vendue, le juge va d’abord rechercher quelle a été l’intention des
parties en fonction du prix fixé par celles-ci, et si cela n’est pas suffisant, il faudra appliquer la règle supplétive qui énonce que la
chose de genre vendue est une chose de qualité moyenne.
L’article 1583 dit que la vente est formée quand il y a consentement sur la chose et le prix, il restera donc à envisager le prix.
Section 3. Le prix
Le prix a un caractère monétaire. La fixation du prix de vente relève de la liberté contractuelle « sauf dans les cas où la loi en
dispose autrement, les produits des biens et services sont librement déterminées par les parties » dit le code de commerce. Si la vente
est conclue de gré à gré (vente d’immeuble par exemple) le prix dépendra de la négociation des parties. Si c’est une vente par
adhésion (vente d’un pro à un consommateur), le prix sera fixé par le vendeur et accepté par l’acheteur.
Dans toute vente, il faut que le prix de vente soit déterminé, réel et sérieux. L’exigence casuelle est l’exigence de justesse du
prix.
A. La détermination du prix
La règle est que la détermination du prix n’est pas une condition de validité du contrat, sauf dispositions contraires. Or, la loi
prévoit qu’en matière de vente, le prix de vente doit être au moment de la conclusion de la vente déterminé (article 1591) ou au moins
déterminable (article 1592) à peine de nullité du contrat de vente.
Déterminable : dès lors que les parties ont fixé dans le contrat les éléments objectifs par référence auxquels on pourra fixer
ultérieurement le prix, en dehors d’un nouvel accord des parties et de la volonté arbitraire de l’une d’entre elle.
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Le but est d’éviter que l’un des contractants ne soit livré à la merci de l’autre. Cette jurisprudence constitue un instrument de
protection de la partie faible.
Dans quelle mesure les clauses de déterminabilité des prix sont-elles valables par rapport à ces exigences de déterminabilité ?
1_ Examinons tout d’abord la clause à dire de tiers : un tiers fixera le prix déterminable entre l’acheteur et le vendeur. Les
parties se sont donc mises d’accord pour désigner un tiers à qui mission est confiée de préciser le prix de vente. Beaucoup utilisée
quand les parties ne savent pas exactement la valeur d’une chose.
Ex : vente d’œuvre d’art.
Cette modalité de déterminabilité du prix satisfait à l’exigence de déterminabilité dès lors que le tiers est neutre et impartial.
Le prix que fixera le tiers s’imposera aux parties.
Cette modalité a suscité deux difficultés.
La 1ère est lorsque le tiers choisi par les parties ne remplit pas sa mission. Dans ce cas, la réponse est dans l’article 1592 : « il n’y a
point de vente ». Le prix, élément essentiel, du contrat n’est pas fixé, donc le contrat est nul. Le juge ne peut pas se substituer au tiers
et fixer le prix.
La 2ème est lorsque le tiers fait une estimation inexacte du prix. Il convient dans ce cas de distinguer selon que l’erreur commise par le
tiers dans la fixation du prix est grossière ou non. Si c’est une erreur grossière, le prix fixé par le tiers ne s’impose pas aux parties. Soit
les parties se mettent d’accord pour désigner un autre tiers, soit elles n’y arrivent pas et l’une ou l’autre des parties pourra demander
au juge qu’il désigne un expert pour fixer le prix : Chambre commerciale, 4 février 2004, Conconcon n°56.
Si ce n’est pas une erreur grossière, le prix fixé par le tiers s’impose aux parties, en dépit de cette erreur. La partie lésée pourra
néanmoins se retourner contre le tiers en introduisant contre lui une action en responsabilité contractuelle. Le juge peut alors fixer le
montant des DI au prorata de la différence entre le prix fixé et celui attendu.
2_ La clause prix de marché est une clause que l’on rencontre particulièrement dans les contrats de vente où la chose vendue
n’est pas fournie à l’acheteur immédiatement.
Ex : vente de véhicule neuf
Au terme de cette clause, le prix que l’acheteur devra payer au vendeur sera ce que vaut la chose par rapport au cours du
marché au jour de la livraison.
Les tribunaux sont vigilants quand à cette clause.
Si il existe un cours officiel ou officieux, constaté par un organe indépendant (la Bourse par exemple), alors le juge dira que la clause
satisfait à l’exigence de prix déterminable. Si il n’existe pas de cours officiel ou officieux, le juge n’admettra la clause prix de marché
que dans la mesure où il existe à propos de la clause vendue un marché réellement concurrentiel. La Cour de Cassation est de ce point
de vue là plutôt sévère, plus sévère que la convention de Vienne de 1991 qui régit les ventes internationales entre professionnels.
L’article 55 de cette convention prévoit qu’une vente de marchandise entre professionnel est valablement vendue même si les parties
n’ont pas fixé le prix de la vente au moment de la conclusion de la vente, car les parties sont réputées s’être référées aux prix en cours
du marché.
3_ La clause de prix proportionnel est une clause que l’on rencontre particulièrement dans les ventes de chose dont la valeur
dépend du fait de l’acheteur.
Ex : vente d’un fond de commerce ; vente de droits d’auteur si l’éditeur se débrouille bien il va gagner beaucoup d’argent :
vente de brevet d’invention.
Pour ces ventes, on comprend que le vendeur ait envie d‘être associé à la rentabilité de la chose. C’est l’utilité de cette
clause : le prix de vente que devra payer l’acheteur au vendeur sera fixé par référence au chiffre d’affaire réalisé par l’acheteur dans
l’exploitation de la chose vendue. La jurisprudence admet cette clause.
Si le prix n’est pas déterminé ou déterminable, la vente est nulle. Le juge ne peut en aucun cas se substituer aux parties pour
fixer le prix : 1ère chambre civile, 28 novembre 2000, Conconcon 2001 n°40. La Cour de Cassation ne manque pas de le rappeler
régulièrement.
Le droit français est à l’égard de cette exigence plus rigoureux que ne le sont les pays étrangers.
1. Prix réel
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Le prix de vente est réel lorsque le prix stipulé au contrat correspond au prix qui doit être effectivement payé par l’acheteur.
Le prix réel s’oppose au prix simulé.
La simulation est le procédé qui permet d’instaurer le mensonge contractuel. On a un acte apparent (ou sensible) où réside le
mensonge, et derrière cet acte destiné aux tiers, on a la contre-lettre, qui contient la véritable intention commune des parties. Il y a
plusieurs procédés de simulation.
Il existe la simulation para acte fictif : on ment sur l’existence même du contrat. Il y a aussi la simulation par déguisement
total : on ment sur la nature juridique du contrat. La 3 ème forme de simulation est la simulation par déguisement partiel : on ment sur le
contenu du contrat. La dernière forme de simulation est la simulation par interposition de personnes : on ment sur l’identité de l’une
des parties. En elle-même, la simulation n’est pas une cause de nullité : les relations entre les parties sont gouvernées par la contre-
lettre. Mais l’article 1321 dit que « la simulation ne doit pas nuire aux tiers ». Les tiers ont le choix selon leur intérêt de se prévaloir de
l’acte apparent ou de la contre-lettre. Dans ce dernier cas, le tiers va falloir qu’il démontre qu’il y a eu simulation.
On peut rencontrer deux types de simulation : déguisement total et partiel.
Les parties ont conclut un contrat, moyennant un prix déterminé. La contre-lettre convient qu’aucun prix ne doit être payé.
On a donc une « donation déguisée », qui se cache derrière le paravent de la vente. Dans ce cas, c’est le droit commun de la
simulation qui s’applique (voir supra).
C’est le terme technique du dessous de table. On ment sur le contrat en mentant sur le prix. Le législateur est intervenu en
prévoyant une sanction particulière : article 1321-1 du code civil. Cet article prévoit que lorsqu’il y a simulation par déguisement
partiel, la contre-lettre est frappée de nullité absolue lorsque la vente a pour objet un immeuble, un fond de commerce ou un office
ministériel. Tout intéressé peut demander cette nullité. L’acheteur peut donc le faire. Ce qui sera annulé sera uniquement la contre-
lettre. Subsistera l’acte sensible. Ainsi, le vendeur qui se livre à ce jeu se livre à la merci de l’acheteur.
2. Prix sérieux
Il ne faut pas commettre une confusion. Le prix sérieux est le prix de vente qui n’est pas dérisoire. Un prix dérisoire est un
prix qui est tellement bas qu’il est assimilable à une absence totale de prix. Les arrêts qui annulent des ventes pour prix dérisoire font
généralement référence à l’absence de cause.
Un prix qui serait lésionnaire est un prix sérieux, sauf si la lésion est telle que l’on bascule dans le prix dérisoire → 3ème
chambre civile, 11 mars 2003 : un prix lésionnaire qui ne peut pas être considéré comme dérisoire est un prix sérieux.
Un prix sérieux ne signifie pas un prix suffisant. Si on disait que le prix sérieux correspondait à la valeur réelle de la chose,
on sanctionnerait de manière générale la lésion dans la vente, or l’article 1118 l’interdit : « la lésion ne vicie les conventions qu’à
l’égard de certains contrats et de certaines personnes ». La sanction de la lésion est une exception au principe de non prise en
considération de la lésion.
Prix sérieux
Un arrêt de la 1ère chambre civile, 4 juillet 1995 (dalloz 97 p.206) a fait parler de lui : une personne va acheter un bijoux
chez Cartier à Paris, plein de diamants et d’or. Le prix indiqué en vitrine est 101556 francs. L’homme fait le cadeau à sa femme. Puis
quelques jours plus tard, Cartier envoie un courrier disant qu’ils se sont trompés et que la bague coûte en vérité 4 fois plus cher. Quels
peuvent être les fondements possibles pour annuler la vente ? Le premier qui vient à l’esprit est la lésion. Mais la vente de bijoux ne
fait pas partie des cas exceptionnels où la lésion est sanctionnée au titre de 1118. Le vice de consentement, dans la mesure où l’erreur
ne porte que sur la valeur de la chose et non sa substance (encore moins la personne du contractant) ne peut pas être mis en œuvre.
L’idée qui reste est donc que la vente doit être annulée à cause de l’absence d’un prix sérieux. L’argument a été rejeté par la Cour de
Cassation, à juste titre au regard de la définition posée. La vente n’a pas eu lieu à un prix dérisoire (100000 francs).
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Pour la vente consentie moyennant une rente viagère, le prix n’est pas sérieux lorsque les arrérages de la vente sont inférieurs
aux revenus que procurerait l’immeuble sous forme de loyers. Plusieurs arrêts ont annulé des ventes sous cette forme à cause du
caractère non sérieux de leur prix.
Il existe des exemples de vente consentie pour un euro symbolique. Un tel prix est dérisoire car il s’apparente à une absence
de prix → 3ème chambre civile, 23 mai 2007, n°06-13629.
Il ne faut pas croire que dès lors qu’on est en présence d’un contrat de vente dont le prix est d’un euro symbolique, le contrat
sera systématiquement sanctionné.
Il se peut que le prix de vente d’un euro soit un prix sérieux : ce sera le cas si la chose vendue n’a plus de valeur marchande
réelle.
Ex : entreprise au bord du dépôt de bilan avec un lourd passif.
Il se peut également qu’alors même que la chose a un prix dérisoire, le contrat pourra échapper à la nullité pour prix non
sérieux si il est requalifié en autre chose qu’une vente.
→ 3ème chambre civile, 17 mars 1981 : un terrain nu avait été vendu pour le prix d’un franc, mais le contrat prévoyait que
l’acheteur bâtisse sur ce terrain un centre équestre. Plutôt que de déclarée nulle la vente pour prix dérisoire, le juge a déclaré que le
contrat était valable car ce n’était pas une vente : le contrat organisait un transfert de propriété contre une obligation de faire. Le juge
l’a donc requalifié comme un contrat sui generis.
→ Il se peut que le juge découvre chez le vendeur une véritable intention libérale, l’acheteur n’ayant aucune obligation à
exécuter et le vendeur voulant gratifier ce dernier. Le contrat peut alors être requalifié en donation.
Le prix de vente est juste quand il équivaut à la valeur de la chose. Le principe est que la justesse du prix n’est pas une
condition de validité de la vente.
Dès lors que le prix est déterminé ou déterminable, la vente est valable. Le fait que le prix soit injuste ne fait pas obstacle à la
formation de la vente : c’est le principe de non prise en considération de la lésion.
Ce principe apparaît à première vue contraire à l’équité car il permet de valider des ventes déséquilibrées.
→ 3me chambre civile, 17 janvier 2007 (dalloz 200è p1à51) : l’acquéreur, même professionnel, n’est pas tenu d’une
obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis. En espèce, un contrat de vente avait été consenti par un
ancien agriculteur devenu manœuvre, qui avait vendu son pavillon à un marchand immobilier marchand de bien. Le vendeur du
pavillon l’avait vendu à un prix bien inférieur à sa valeur réelle. Le professionnel s’en est rendu compte de suite. Après la vente, le
vendeur s’est rendu compte de son erreur et a cherché à annuler la vente. Sur le plan de la lésion, ce n’était pas possible. Sur le plan
du dol, le vendeur a invoqué la réticence dolosive, mais la Cour a déclaré que l’acheteur, même pro, n’avait pas à informer le vendeur.
Le principe se justifie par l’idée de sécurité du commerce juridique : il faut, autant que faire se peut, s’arranger pour que les
contrats conclus ne puissent être remis en cause. La prospérité économique passe par la sécurité juridique.
1. Les procédés tendant à sanctionner a posteriori les ventes conclues à prix injuste
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Quelque soit l’objet, une telle vente peut être sanctionnée sur le plan de la lésion si le prix est lésionnaire, sans que la loi ne
fixe de taux de lésion en dessous duquel la vente serait viciée. C’est au juge de le déterminer.
La 2ème concerne les ventes consenties par une personne capable. Il s’agit de ventes exceptionnelles :
b. la sanction de la lésion
Il faut distinguer la vente d’immeuble et les autres cas où la lésion est sanctionnée.
Dans les ventes d’immeuble, l’acheteur a une option. Il peut choisir entre subir la rescision de la vente pour lésion (c'est-à-
dire la nullité de la vente à cause du prix lésionnaire), qui entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat, soit opter pour le maintien de
la vente, auquel cas il faut la rééquilibrer. Il va falloir qu’il verse au vendeur le supplément du juste prix moins un 1/10 ème du prix total.
Remarque : si il s’agissait de restaurer la justice contractuelle, l’acheteur devrait payer le prix total de l’immeuble. En
l’occurrence, l’acheteur va quand même faire une affaire puisqu’il va payer un peu moins. Le but est d’inciter l’acheteur à choisir
cette option, à maintenir la vente au lieu de choisir la rescision, et ce toujours en vue d’assurer une sécurité juridique et une stabilité
des opérations contractuelles.
Dans les autres cas où la lésion peut être sanctionnée, on va retrouver la même faveur pour la révision judiciaire du contrat
plutôt que son anéantissement. La révision judiciaire du contrat est la seule sanction possible de la lésion en ce qui concerne la vente
d’engrais et de semence et la vente de droits portant sur une œuvre littéraire et artistique.
Pour les ventes consenties par un incapable, le juge pourra toujours prononcer la rescision de la vente mais la loi lui offre un
très large pouvoir d’appréciation pour permettre son rééquilibrage (article 891-2 du code civil).
Le 1er procédé est le mécanisme de la réglementation des prix. L’autorité publique fixe elle-même le prix de vente ou
l’encadre. Depuis que l’article 410-2 du code de commerce pose le principe que les prix sont librement fixés par le jeu de la
concurrence, ce procédé est en récession. On en trouve encore quelques exemples toutefois (loi Lang sur le prix du livre, loi sur les
médicaments remboursés par la sécurité sociale…).
Le 2ème procédé s’exprime dans le cas des ventes donnant lieu à un droit de préemption. Lorsque la vente donne lieu à un
droit de préemption, la loi confère au titulaire du droit de préemption une faculté de demander au juge la fixation du prix de vente.
Le 1er effet est l’opération d’un transfert du droit de propriété de la chose à l’acheteur, ce que l’on nomme « effet réel » du
contrat. L’obligation créée à la charge du vendeur est l’ « effet obligationnel ».
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§ 1. Le transfert de propriété
Pour examiner le transfert de propriété opéré, il faut d’abord examiner le transfert de propriété entre les parties avant de se
pencher sur son opposabilité aux tiers.
1. Le principe
C’est celui du transfert de la propriété solo consenso (par le seul effet du consentement des parties). La vente opère le
transfert au moment même où elle se forme. Cette règle est tirée de l’article 1583 du code civil : « la propriété est acquise de droit à
l’acheteur dès qu’on est convenu de la chose et du prix », que la chose ait été remise à l’acheteur ou non, que le prix ait été payé ou
non.
Le droit français présente une originalité par rapport aux droits étrangers, où l’accomplissement de certaines formalités peut
être requise (comme la remise de la chose par exemple).
2_ le transfert de propriété résulte d’une exécution par le vendeur d’une obligation de donner.
Une combinaison de 3 textes constitue le pilier de cette obligation. L’article 1136 dit que l’ « obligation de donner emporte
l’obligation de livrer la chose ». L’article 1582 énonce que « la vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une
chose ». L’article 1138 dispose que « l’obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes ».
La vente crée à la charge du vendeur une obligation de donner qui implique une obligation de livrer d’après les deux
premiers articles, et l’obligation de livrer est censée être exécutée dès l’échange des consentements (son exécution transférant la
propriété de la chose à l’acheteur).
Les rédacteurs du code en 1804 veulent que la vente opère transfert de la propriété dès la formation du contrat. Dans l’ancien
droit, la solution n’était pas la même : le transfert de propriété dans la vente ne s’opérait pas au moment même de la formation de la
vente mais résultait d’une formalité, appelée la « tradition » (remise matérielle de la chose entre les mains de l’acheteur). On avait vu
en pratique prospérer dans les contrats de vente des clauses ayant pour objet que le transfert de propriété se produise au moment
même de la formation de la vente. Le souci était déjà d’accélérer le transfert des richesses. On avait vu se développer des clauses de
tradition feinte : c’était une clause au terme de laquelle les parties convenaient de faire comme si la tradition de la chose avait eu lieu.
Les rédacteurs du code civil sous-entendent dans tous les contrats de vente une clause de tradition feinte.
Il vaut mieux admettre que le transfert de propriété résulte d’un effet légal automatique (doctrine majoritaire à laquelle
adhère M. Leduc).
2. Les limites
La règle du transfert de la propriété solo consenso est formulée par l’article 1583. Or, cet article n’est pas un texte d’ordre
public. Par conséquent, on peut y déroger par convention.
En matière de vente mobilière, on rencontre souvent une clause écartant le principe de transfert solo consenso pour les ventes
de meuble à crédit, appelée clause de « réserve de propriété ». Le vendeur se réserve la propriété de la chose jusqu’à paiement
complet du prix.
Dans les ventes d’immeuble, la mise à l’écart de la règle de 1583 est presque systématique.
Il y a une différence entre la vente de meuble à crédit assortie d’une clause de réserve de propriété et la promesse de vente
synallagmatique d’immeuble valant vente. Dans le 1er cas, seul le transfert de propriété de la chose à l’acheteur est retardé. En
revanche, l’effet obligationnel de la vente dans le 2 ème cas ne retarde pas les effets de la vente. L’acheteur doit lui payer
immédiatement le prix. La seule chose qui soit retardée est le transfert matériel de la chose à l’acheteur. Dans le cas de la clause de
réserve de propriété, ce qui est suspendu, c’est la totalité des effets de la vente, effet obligationnel compris.
Il faut distinguer les ventes de meubles corporels, incorporels et les ventes d’immeubles.
On retrouve le mécanisme de la publicité foncière. L’accomplissement des formalités de publicité foncière a pour effet de
rendre le transfert de propriété opéré par la vente opposable au tiers.
On en peut se prévaloir de l’accomplissement des règles de la publicité foncière que si l’on est de bonne foi.
Il n’y a pas de registre comparable à celui qui vaut pour les immeubles. L’opposabilité aux tiers du transfert de propriété
réalisé au profit de l’acheteur résulte de la simple possession de bonne foi par l’acheteur du meuble vendu. C’est la mise en possession
du bien meuble vendu qui joue le rôle de formalité de publicité à l’égard des tiers. C’est le fait que l’acheteur ait été mis en possession
du meuble corporel vendu qui joue ce rôle.
Dans certaines entes de meubles incorporels, l’opposabilité aux tiers résultera de l’accomplissement d’une formalité de
publicité particulière.
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En matière de vente de brevet, de marques, de dessins et modèles, il faut publier sur un registre spécial tenu par l’INPI la
vente pour que le transfert de la propriété à l’acheteur soit opposable aux tiers.
En matière de cessions de créance, c’est la notification au débiteur cédé qui rend le transfert de propriété de la créance
opposable aux tiers. Si A cède sa créance sur B à C, l’information de cette cession à B réalisera l’opposabilité du transfert.
Pour les autres ventes de meubles incorporels, les textes sont muets. On considère que le transfert de propriété est opposable
aux tiers en vertu du seul contrat de vente. En cas de conflit éventuel opposant deux acquéreurs successifs, on réglera le conflit en
fonction de la date respective des contrats de vente (priore tempore).
Ce sont les risques de perte de la chose vendue (destruction fortuite suite à un cas de force majeure). Lorsque la chose vendue
est détruite fortuitement, postérieurement à la conclusion de la vente, qui, du vendeur ou de l’acheteur, doit supporter la charge de la
destruction ?
Si on dit que c’est l’acheteur, on décidera alors qu’il n’aura rien, la chose ayant disparu, mais il devra quand même payer le
prix.
Si on dit que c’est le vendeur, il n’aura rien et l’acheteur sera dispensé de payer le prix.
Le problème est de savoir qui doit supporter le poids de la destruction de la chose et deux solutions possibles : l’acheteur ou
le vendeur.
A. Le principe
La charge du risque de perte de la chose vendue est liée à la qualité du propriétaire de la chose (« res perit domino »). Pour
savoir qui doit supporter cette charge, il faut rechercher qui en était le propriétaire au moment de la destruction de la chose.
Puisque la vente opère dès l’instant de sa formation transfert de propriété à l’acheteur, il s’ensuit qu’à compter du moment où
elle est conclue le propriétaire est l’acheteur et c’est donc lui qui devra supporter la perte : c’est la règle de l’article 1138~2 du code
civil.
L’acheteur, alors même que la chose ne lui aurait été jamais remise entre les mains, doit quand même payer intégralement le
prix convenu.
B. Limites
La 1ère obligation que le vendeur va devoir exécuter est l’obligation de délivrer la chose vendue. Si le vendeur ne délivre pas
la chose vendue dans le délai convenu dans le contrat, l’acheteur va pouvoir exercer une mise en demeure de l’acheteur en le sommant
de délivrer la chose vendue. Cette mise en demeure a pour effet de re-transférer la charge des risques au vendeur. Si la chose est
détruite, l’acheteur n’aura alors rien à payer.
En cas de vente internationale de marchandise vendue entre professionnelle, régie par la convention de Vienne du 11 avril
1980 (CVIN), le risque est relié à la délivrance de la chose vendue : ce n’est qu’au moment où le vendeur aura délivré la chose vendue
à l’acheteur que le transfert des risques va s’opérer.
Le principe selon lequel le transfert des risques est lié au transfert de la propriété n’est pas un principe d’ordre public. Par
conséquent, les parties peuvent y déroger conventionnellement. On trouve de fait assez souvent des clauses dérogatoires à ce principe.
Ex : le contrat de vente peut stipuler que l’acheteur, devenu immédiatement propriétaire de la chose, ne supportera pas la
charge des risques de perte de la chose, qui continuera d’être supportée par le vendeur, jusqu’à ce que le vendeur délivre la chose à
l’acheteur par exemple.
Ex : le contrat peut prévoir que l’acheteur qui n’est pas immédiatement devenu propriétaire de la chose vendue, en supportera
dès la formation de la vente la charge des risques.
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A côté de cet effet réel qui s’opère automatiquement existe un effet obligationnel.
La vente est un contrat qui a pour objectif d’organiser le transfert de propriété d’une chose au contractant. Les obligations du vendeur
portent à la fois sur la chose vendue mais aussi sur le droit de propriété.
Il y a deux catégories d’obligation : les obligations principales (évoquées comme telles à l’article 1603), et les obligations
accessoires (rajoutées ultérieurement au code civil, et inspirées du droit commun des contrats, donc qui n’étaient pas destinées
spécialement à la vente au départ).
Concernant ces obligations, le droit positif a perdu l’unité qu’il avait en 1804. En 1804, il y avait un texte, l’article 1603,
disait clairement que le vendeur avait deux obligations principales : celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend.
Le vendeur est donc débiteur de deux obligations bien distinctes. L’obligation de garantie consiste plus précisément à garantir
la chose contre les vices cachés, c'est-à-dire contre un défaut qui la rendrait inapte à fonctionner.
Le problème est que les textes spéciaux postérieurs n’adoptent pas du tout cette logique dualiste du code civil consistant à
distinguer les deux obligations de délivrance et de garantie. Ils adoptent une logique moniste car ils fusionnent en une seule et même
obligation ces deux garanties, qu’ils appellent « garantie de conformité ».
Ainsi, deux logiques cohabitent.
C’est l’idée que les obligations principales du vendeur sont au nombre de deux. Le domaine de ce régime dualiste est assez
vaste. Il a vocation à s’appliquer à toutes ventes, sauf les ventes internationales de marchandise conclues entre professionnels.
Le problème est que ce système dualiste cohabite avec un système moniste.
Pourquoi avoir distingué deux obligations principales du vendeur à la charge du vendeur en 1804 ?
Au moment même où la vente est conclue, l’acheteur devient propriétaire de la chose vendue. Il est juridiquement
propriétaire mais ne peut pas en profiter, d’où la première obligation de délivrance, qui lui permettra de jouir physiquement de la
chose. Toutefois, si la chose est affectée d’un vice caché, l’acheteur ne pourra en profiter. D’où la seconde obligation mise à la charge
du vendeur de garantie contre les vices cachés. Le but est donc de permettre à l’acheteur de retirer toutes les utilités économiques de
la chose.
a. l’obligation de délivrance
Il faut d’abord définir son contenu, avant de se pencher sur ces éventuelles sanctions en cas d’inobservation.
C’est l’obligation pour le vendeur de mettre à la disposition de l’acheteur une chose conforme.
1_ la mise à disposition. Il y a là une distorsion à expliquer. L’article 1604 définit l’obligation de délivrance : « la délivrance
est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ». Cette définition comporte un double défaut. Le
premier consiste en la référence faite à la puissance. La possession est le fait d’avoir la chose entre les mains. Le terme puissance ne
peut vouloir dire la même chose : il laisserait entendre que le transfert de propriété résulte de l’obligation de délivrance, ce qui est
faux puisque l’article 1583 du code civil dispose que la propriété de droit est acquise à l’acheteur dès qu’on est convenu de la chose
et du prix. Cette référence étant malvenue, il faut la gommer.
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La définition est-elle alors exacte ? Non, un deuxième défaut apparaît : il tient à la référence à la notion de transport. Cela
suggère que le vendeur a l’obligation de transporter la chose vendue, ce qu’il n’est pas possible d’admettre. L’article 1657, qui
concerne les obligations de l’acheteur, dispose que « lorsque la vente porte sur un bien meuble, l’acheteur a une obligation de
retirement » : il doit venir retirer la chose vendue. L’existence de cette obligation exclut l’obligation pour le vendeur de livrer la chose.
L’obligation du vendeur consiste donc à mettre à la disposition de l’acheteur la chose vendue.
2_ l’objet de la mise à disposition. Trois observations peuvent être faites. Le vendeur doit tout d’abord mettre à la disposition
de l’acheteur la chose dans l’état où elle se trouve au moment de la vente. Dans tous les cas où la délivrance aura lieu après un certain
laps de temps, le vendeur sera tenu d’une obligation de conservation en l’état de la chose vendue. Le vendeur doit ensuite mettre à
disposition de l’acheteur la chose vendue avec tous ses accessoires. La règle concerne aussi bien les accessoires matériels de la chose
(fruits obtenus si c’est une chose frugifère, immeubles par destination si la chose est un immeuble, emballage si la chose est un
meuble…) que ses accessoires juridiques (droits et actions étroitement liés à la chose, carte grise si la chose est une auto, certificat
d’authenticité si la chose est une œuvre d’art…). Enfin, lorsque la chose vendue est une chose complexe à installer ou à utiliser, sa
mise à disposition implique la mise au point → Cour de Cassation, 11 juillet 2006, Conconcon n°248 : « l’obligation de délivrance
du vendeur de produits complexes n’est pleinement exécutée qu’une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue ».
2_ Le lieu. Il faut distinguer si la chose est un corps certain ou une chose de genre. Si c’est un corps certain, le lieu où la
chose doit être mise à disposition de l’acheteur est l’endroit où elle se trouvait au moment de la conclusion de la vente. Si c’est une
chose de genre, le lieu où elle doit être mise à disposition est le domicile du vendeur (article 1147 du code civil).
3_ Le délai. Le code civil ne parle pas du délai dans lequel le vendeur doit exécuter son obligation de délivrance. Il appartient
donc aux parties de fixer ce délai. Si rien n’est prévu dans le contrat, il appartiendra aux juges de fixer un délai raisonnable → 3ème
chambre civile, 10 avril 1973, bul.III n°374.
Les ventes de meubles d’une valeur supérieure à 500 euros consenties par un vendeur professionnel à un acheteur
consommateur sont soumises à l’article L114-1 du code de consommation : le vendeur doit indiquer la date de la délivrance.
Pour les ventes à distance, l’article L121-20-3 code de la consommation prévoit que la délivrance de la chose vendue doit
intervenir dans un délai de 30 jours dont le point de départ est le lendemain du jour où l’acheteur a passé commande.
La conformité
C’est un ajout de la jurisprudence, qui n’est cependant pas sans fondement textuel. L’article 1243 du code civil dispose que
« le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit
égale ou supérieure ». Il faut donc que la chose livrée soit conforme aux attentes de l’acheteur. Mais que recouvre la notion de
« conforme » ? La difficulté a provoqué une divergence importante au sein même de la Cour de Cassation : cette opposition a duré
plusieurs années avant d’être surmontée. La division a subsisté jusqu’au début des années 90.
1_ la divergence affirmée. Pendant de nombreuses années, la question de la définition de la conformité va opposer la 3 ème
chambre civile d’une part, qui promeut une conception stricte de la conformité, et la chambre civile et la chambre commerciale
d’autre part qui prônent une conception extensive.
La définition que la 3ème chambre civile proposait était simple : la délivrance suppose la mise à disposition de l’acheteur
d’une chose conforme aux stipulations du contrat. Pour vérifier si il y a ou non conformité, il faut comparer la chose qui a été
effectivement délivrée, et la chose qui était convenue au contrat. Si il y a une différence, il y a défaut de conformité et mauvaise
exécution de l’obligation de délivrance.
Ex : vente d’une auto. L’acheteur va indiquer par exemple la couleur de la voiture qu’il veut acheter. Si ce n’est pas la bonne
couleur, ne serait-ce que la même nuance de couleur, il y a défaut de conformité.
Cette définition avait pour mérite principal, dans l’esprit de la 3 ème chambre civile, de permettre de distinguer clairement les
deux obligations mises à la charge du vendeur par l’article 1603 (vice caché = altération de la chose vendue, défaut de conformité =
altérité de cette chose, ce qui est différent).
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ère
La définition adoptée par la chambre commerciale et la 1 chambre civile est très extensive, et c’est un choix fait par celles-
ci. Le point de départ de leur raisonnement est identique à celui de la 3 ème chambre civile : l’obligation de délivrance conforme oblige
à mettre à disposition de l’acheteur une chose conforme aux stipulations expresses qui figurent dans le contrat et conforme à sa
destination normale. Pour qu’il y ait délivrance conforme, il faut que la chose soit conforme aux stipulations du contrat. Cela ne dit
pas « conforme aux stipulations expresses » du contrat. Il faut aussi que la chose délivrée soit conforme à son usage, à sa destination
normale. Cette interprétation a été adoptée dans le but de protéger l’acheteur. A l’époque, lorsque la chose vendue comportait un vice
caché, le délai pour agir était « bref » d’après l’article 1148 (avant sa réforme en 2005). Très souvent, l’acheteur se faisait piéger par
ce bref délai. C’est pour ça que la 1 ère chambre civile et la chambre commerciale ont préconisé une obligation de délivrance définie
largement. Car dès lors, une chose inapte à son usage normal ne remplira pas l’obligation de délivrance conforme, qui absorbait alors
l’obligation de garantie contre les vices cachés.
2_ l’unité retrouvée. C’est d’abord la 1 ère chambre civile qui s’est ralliée à la conception de l’obligation de délivrance
conforme prônée par la 3ème chambre civile : 1ère chambre civile, 5 mai 1993, D.93 p.506. L’année suivante, la chambre commerciale
a suivi : chambre commerciale 26 avril 1994, Conconcon 1994, n°134.
La conséquence immédiate de cette unité retrouvée est que si jamais la chose que l’on a achetée est affectée d’un défaut qui
la rend inapte à l’utilisation, la seule action que l’on intenter est l’action contre le vendeur fondée sur la garantie contre les vices
cachés.
NB : il faut bien distinguer Obligation de délivrance conforme et Garantie contre les vices cachés. Si l’acheteur est lésé par
un défaut fonctionnel de la chose, il doit agir sur le fondement de la garantie contre les vices cachés. Si la déception de l’acheteur tient
à ce que la chose délivrée n’est pas identique à la chose qui avait été convenue, l’action doit être fondée sur l’inexécution de
l’obligation de délivrance conforme.
Le contrôle sera d’autant plus poussé en cas d’action fondée sur l’inexécution de l’obligation de délivrance conforme que le
contrat contient de stipulations.
La Cour de Cassation affirme là clairement le dualisme des obligations du vendeur. Ces deux obligations ne se chevauchent
pas.
La Cour de Cassation prescrit très clairement aux juges du fond de se montrer trop souple. Si les juges du fond s’aperçoivent
que l’acheteur s’est trompé dans le fondement de son action entre ODV et GVC, il leur appartient de requalifier la demande : 1ère
chambre civile, 24 janvier 2006, RCA 2006, n°134.
Ex : 1ère chambre civile, 15 mars 2005 : vente d’un véhicule d’occasion, dont le compteur indiquait 130000 km. Des ennuis
survenant assez vite à l’acheteur, ce dernier l’emmène chez le garagiste, qui lui dit que la voiture avait 178000 km au moment de la
vente. L’acheteur assigne le vendeur, mais sur quel fondement ? Vice caché ou défaut de conformité ? Défaut de conformité, car la
voiture, même avec 178000 km, est une voiture qui roule. En revanche, il y a un décalage entre la chose délivrée et la chose dont il
était convenue dans le contrat. Il faut donc agir sur le terrain du défaut de conformité.
Ex : 1ère chambre civile, 14 décembre 2004, bul.I, n°326. une vente d’objet d’art. L’acheteur reçoit un certificat
d’authenticité. Puis on s’aperçoit que le tableau n’est pas authentique. L’acheteur assigne le vendeur. Sur quel fondement ? La Cour de
Cassation a dit que c’était un défaut de conformité car la chose vendue, même si elle n’est pas authentique, elle est apte à son usage
qui est de décorer. Par contre, il y a différence entre la chose attendue et la chose délivrée, qui n’est pas du peintre dont on avait
convenu.
Ex : 3ème chambre civile, 8 juin 2006 à propos d’une vente d’immeuble. Un acheteur acquiert un terrain…
Cette distinction est difficile à mettre en œuvre concrètement, et de nombreux arrêts cassent des mauvaises qualifications. On
peut se demander de fait si la Cour a fait le bon choix en distinguant les deux obligations.
1_ les remèdes préalables. Avant la sanction définitive, l’acheteur a la possibilité de tenter de faire pression sur le vendeur
pour l’amener à s’exécuter correctement, ce qui réglerait le problème.
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er
Le 1 remède s’applique au cas où l’aspect mis à disposition de la chose de l’obligation est défectueux. L’acheteur peut alors
soulever l’exception d’inexécution.
Si le manquement tient au défaut de conformité de la chose vendue, l’acheteur peut utiliser la technique du « laissé pour
compte », qui consiste pour l’acheteur à refuser la marchandise et à la retourner au vendeur. Ou bien le vendeur obtempère et renvoie
une chose qui sera cette fois ci conforme, où il estime que la chose était conforme, et alors il doit prendre une initiative, c'est-à-dire
soit une action en paiement forcé, soit une action en résolution de la vente.
2_ les remèdes définitifs. Il y en a 4 : l’action en exécution forcée, l’action en résolution pour inexécution, l’action en
réfaction et l’action en responsabilité contractuelle.
■ L’acheteur peut choisir d’agir en exécution forcée. La première chose qu’il peut faire est d’envoyer une mise en demeure.
Si la mise en demeure reste infructueuse, l’acheteur va pouvoir saisir le juge pour faire exécuter au vendeur l’obligation qui lui
incombe, le cas échéant sous astreinte.
Toutefois, il existe un cas où l’exécution forcée ne nécessitera pas de passer par le juge : il faut une vente conclue par un
vendeur ayant la qualité de commerçant, que cette vente porte sur une chose de genre, et que l’inexécution dont le vendeur s’est rendu
coupable consiste en un défaut total de mise à disposition de la chose. Dès lors, l’acheteur va pouvoir user de la faculté de
remplacement, qui consiste pour l’acheteur, après avoir adressé au vendeur une mise en demeure, à acheter directement auprès d’un
tiers les marchandises que le vendeur n’a pas délivré. Si le prix est supérieur à celui convenu avec le vendeur défaillant, ce dernier
devra payer la différence.
■ En principe la résolution sera judiciaire. Il n’y a pas besoin d’adresser au préalable au vendeur une mise en demeure. Le
juge dispose d’un pouvoir d’appréciation à cet égard.
Toutefois, il existe deux cas où la résolution peut être obtenue sans passer par le juge. L’acheteur va introduire une action en
résolution devant le juge.
Le premier est prévu par le législateur, à l’article L114-E du code de la consommation. Pour que cet article s’applique, il faut
qu’on ait une vente qui a pour objet un meuble (1), qui prévoyait que le meuble serait délivrer à l’acheteur après un certain délai
consécutif à la formation de la vente (2), et que le prix de cette vente soit supérieure à 500 euros (3). Si la délivrance n’est pas faite
dans un délai de 7 jours à compter de la date convenue, l’acheteur peut provoquer la résolution unilatérale du contrat de vente. Il suffit
que l’acheteur envoie au vendeur une lettre recommandée avec accusé de réception et la date de réception de la lettre marquera la date
de la résolution du contrat.
Le second cas de résolution extra-judiciaire est celui où une clause résolutoire aura été stipulée dans le contrat de vente.
L’acheteur peut avoir intérêt à jouter dans le contrat une telle clause, et il lui suffira alors d’invoquer la clause, sous réserve de la
bonne foi, pour que celle-ci s’applique.
La résolution, qu’elle soit judiciaire ou non, va aboutir à l’anéantissement rétroactif du contrat. Si le manquement à
l’obligation de délivrance résulte d’un défaut de mise à disposition de la chose. Le contrat est rétroactivement anéanti. Si le
manquement tient à un défaut de conformité, il se peut que l’acheteur, avant d’obtenir la résolution de la vente, ait utilisé la chose. La
Cour de Cassation décide alors que la vente est certes anéantie rétroactivement, mais le vendeur a droit en plus à une indemnité de
dépréciation. C’est une solution toute récente : 1ère chambre civile, 21 mars 2006. La chose vendue n’était certes pas conforme à la
chose convenue, mais elle était parfaitement apte à son usage normal. Si l’acheteur a déprécié cette chose en l’utilisant, le vendeur
doit être indemnisé, car la chose pourrait très bien convenir à un autre acheteur.
■ L’action en réfaction est le maintien du contrat en dépit du manquement imputable au vendeur mais avec révision judiciaire
(rééquilibrage par le juge).
■ L’action en responsabilité contractuelle, on la connaît. Elle sera d’autant plus facile à mettre en œuvre pour l’acheteur qu’il
s’agit d’une obligation de résultat. Pour mettre en jeu la responsabilité du vendeur, il n’a pas à démontrer la faute du vendeur mais
juste à prouver que le résultat attendu n’a pas été obtenu. Le vendeur n’a plus que la cause étrangère comme moyen de défense (cas de
force majeur) → 1ère chambre civile, 13 novembre 2003.
1ère chambre civile, 25 mars 2003: il est possible de fonder son action sur le vice de consentement bien que le problème soit
dans l’inexécution de l’obligation du contrat. Mais l’intérêt de procéder de cette manière est limité.
D’abord, la sanction sera la nullité du contrat, tandis que se placer sur le terrain de l’inexécution offre un panel de sanctions
plus étendu.
De plus, le délai pour agir est de 5 ans pour vice de consentement, tandis que ce délai est beaucoup plus long pour l’action en
inexécution.
Il incombe à l’acheteur la charge de la preuve du manquement du vendeur de son obligation de délivrance. Cela ne signifie
pas qu’il doit prouver la faute du vendeur, mais juste le manquement.
Dans quel délai l’acheteur devra-t-il introduire son action ? Le code civil ne nous renseigne pas à cet égard en particulier. Le
texte général en matière de prescription prévoit 30 ans en matière civile, 10 ans en matière commerciale. On applique donc ces délais.
Il existe un projet de réforme de droit de la prescription qui se propose de réduire celles-ci.
Si l’acheteur se plaint d’un défaut de conformité 29 ans après la vente, ce n’est pas raisonnable : la Cour a eu l’occasion de
préciser que pour pouvoir agir dans le délai de droit commun, il faut, si l’acheteur se plaint d’un défaut de conformité apparent (c'est-
à-dire visible immédiatement), qu’il ait purement et simplement refuser la réception, ou bien qu’il ait émis des réserves. Il pourra dans
ce cas agir de la sorte. Si le défaut est apparu ultérieurement, alors il faudra qu’il ait averti le vendeur du défaut de conformité dès
qu’il s’en est aperçu.
Une fois que la chose vendue a été délivrée correctement, l’acheteur va pouvoir exercer son droit de propriété dessus. Mais
encore faut-il que la chose ne comporte pas un vice caché faisant obstacle à cette jouissance.
Elle est régie par les articles 1641 et suivants. Trois conditions doivent être réunies pour que l’acheteur puisse invoquer le
manquement du vendeur à son obligation de garantie.
1_ l’existence d’un vice de la chose. C’est un défaut inhérent à la chose, nuisible à son usage normal.
L’article 1641 énonce que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue, qui la rend
impropre à l’usage auquel on l’a destinée ». Pour appréhender le vice, le « on » indique qu’il faut qu’on se réfère à l’usage normal de
la chose vendue.
Ex : si j’achète une maison, le vice suppose un défaut de la maison qui l’empêche d’être habitée.
Si l’acheteur veut faire de la chose vendue un usage qui ne correspond pas à son usage normal, alors il lui appartient de le
préciser clairement dans le contrat. Car si la chose vendue est inapte à l’usage fantaisiste que l’acheteur voulait en faire, il ne pourra
pas s’en plaindre au motif du défaut de garantie contre les vices cachés.
L’article 1641 énonce également d’autres dispositions : le défaut de la chose doit ou bien rendre la chose vendue totalement
inapte à son usage normal ou diminuer cet usage normal dans des proportions telles que l’acheteur n’aurait pas acheté la chose, ou
alors pas au même prix, si il avait eu connaissance de ce défaut.
Ex : un acheteur achète un CD audio, mais le système de verrouillage du CD empêche de le lire sur un ordinateur ou un
autoradio. Est-ce un défaut constituant un vice au sens des articles 1641 et suivant ? Oui a dit le juge (jugement de TGI).
Ex : vente d’une voiture. Le moteur d’origine a été remplacé par un autre moteur qui n’a pas la même cylindrée. L’acheteur
peut-il agir en vice caché ? Oui a dit la Cour, il y a là un défaut de la chose nuisible à son usage normal, car l’acheteur ne peut
juridiquement se servir de la voiture si il ne la soumet pas au service des ... pour la rendre apte à circuler.
Ex : un immeuble vendu n’est pas raccordé au réseau collectif d’assainissement, et l’acheteur, lorsqu’il s’en rend compte, agit
contre le vendeur. La Cour a décidé qu’il n’y avait pas de vice caché.
2_ la notion de vice « caché ». Le législateur insiste dans l’article 1642 : « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents ».
La jurisprudence a identifié cette notion de vice caché. Elle se montre plutôt pragmatique, voire casuistique : le vice caché est
celui dont l’acheteur n’a pas eu connaissance au moment de la vente et qu’un examen normalement attentif de la chose ne permettait
pas de déceler.
Si l’acheteur en a eu connaissance, d’une quelconque manière, au moment de la vente, on ne peut pas qualifier un tel vice de
caché. Le problème est ensuite de déterminer ce qu’est un examen normalement attentif de la chose. Pour déterminer si l’acheteur
s’est livré à un examen normalement attentif de la chose, le juge tient compte de deux donnés : la nature de la chose (1) et la qualité
de l’acheteur (2).
On distingue si la chose est neuve ou d’occasion par exemple : l’examen doit être plus attentif pour une chose d’occasion. On
distingue suivant que l’acheteur est profane ou ne l’est pas. Si il n’a pas de compétences techniques particulières dans le domaine
concernant la chose, l’examen normalement attentif que le juge attend de lui est celui qu’on peut attendre d’un bon père de famille.
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→ Assemblée plénière, 27 octobre 2006: un acheteur profane achète un immeuble. Cet immeuble comporte un double
défaut : termites + tuiles perméables. Si l’acheteur était monté dans les combles de la maison, il se serait aperçu de la présence des
termites. Si il était monté sur le toit, il se serait rendu compte de l’état des tuiles. L’assemblée plénière a déterminé qu’il s’agissait
d’un vice caché, car on ne pouvait exiger du bon père de famille qu’il vérifie les combles et le toit. Peut-on reprocher à l’acheteur de
ne pas s’être fait épauler par un expert ? Non, en raison dont l’article 1642 est rédigé.
Si l’acheteur a des connaissances professionnelles techniques relatives à la chose vendue, les tribunaux vont se montrer plus
exigeants. Le modèle n’est alors plus le bon père de famille mais le professionnel type ayant les mêmes compétences techniques.
Dans deux cas, les tribunaux vont jusqu’à admettre une présomption de connaissance de vice de l’acheteur : c’est le cas tout
d’abord quand l’acheteur est un professionnel de la même qualité que le vendeur. Le second cas est celui où l’acheteur est un
professionnel et où il conclut la vente avec un vendeur profane.
3_ l’antériorité du vice par rapport au transfert de la chose. Il s’agit de l’antériorité de sa naissance, et non de sa
manifestation. L’acheteur doit établir l’antériorité de l’origine du vice de la vente. Si jamais le défaut de la chose vendue est né après
la vente, alors c’est à l’acheteur de supporter ce défaut.
Assez souvent, on trouve dans les ouvrages l’opinion selon laquelle le vice doit être antérieur à la vente. C’est une
approximation : il faut que le vice soit antérieur à la date du transfert des risques opéré par la vente. C’est à l’acheteur de démontrer
cette antériorité (et c’est souvent ceci qui conduit en pratique à l’échec de l’action).
Les effets
Ils sont régis par les articles 1644 et 1645. L’article 1644 offre à l’acheteur une option entre deux actions : l’action
rédhibitoire et l’action estimatoire. Le choix de l’acheteur se fait de façon discrétionnaire et ces actions peuvent être exercées en tout
état de cause (que le vendeur ait été de bonne ou de mauvaise foi). L’article 1645 offre une action en DI, dans la mesure où le
vendeur était de mauvaise foi seulement.
1_ l’action rédhibitoire est l’action par laquelle l’acheteur va demander la résolution du contrat de vente. Elle présente deux
particularités. Le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation : à partir du moment où le juge constate que toutes les conditions
sont réunies, le juge doit prononcer la résolution de la vente. Le délai n’est pas le délai commun : il est de deux ans.
Le vendeur rend l’intégralité du prix qu’il a reçu car la jurisprudence ne permet pas au vendeur de réclamer à l’acheteur une
indemnité de dépréciation.
2_ l’action en estimatoire, qui porte aussi le nom d’action quanti minoris, sera utilisée dans l’hypothèse où la chose aura été
revendue. 3ème chambre civile, 1976. Contrairement à l’action rédhibitoire, elle n’annule pas rétroactivement la vente.
3_ concernant l’action en DI, il convient de noter que le vendeur professionnel est assimilé par la jurisprudence à un vendeur
de mauvaise foi : il est toujours réputé avoir eu connaissance du vice de la chose vendue, même dans l’hypothèse où le risque était
objectivement indécelable. C’est une solution jurisprudentielle très audacieuse, qui revient pour le juge à poser une présomption
irréfragable de mauvaise foi du vendeur professionnel. Or, on considère traditionnellement que seul le législateur est apte à poser des
présomptions irréfragables. La solution heurte donc le principe de légalité des présomptions irréfragables. Cette différence entre
vendeur pro et non pro a jeté les bases du droit de la consommation. Cette action va permettre à l’acheteur d’obtenir des DI. Mais
quel dommage s’agit-il de réparer ? Elle a pour fonction de réparer le dommage que l’inaptitude de la chose à son usage normal cause
à l’acheteur. Qu’en est-il si l’acheteur subit un dommage corporel, ou si ses biens subissent un dommage, du fait de la chose
défectueuse ? La réparation de ces dommages doit être fondée sur le manquement du vendeur à une autre obligation, celle de sécurité.
La réparation pour vice caché a pour objet de réparer les dommages causés à la chose vendue et non les dommages causés
par la chose vendue.
L’action fondée sur la garantie contre les vices cachés doit être exercée dans un délai de deux ans à compter de la découverte
du vice par l’acheteur.
Cette solution est récente. Ce délai date d’une réforme du 17 février 2005. La règle figure dans l’article 1648 du code civil.
Avant, cet article était rédigé de manière moins précise car le texte énonçait que l’acheteur devait agir dans un « bref délai ». Le
législateur n’avait pas quantifié le délai pour agir. En pratique, ce délai était estimé à 6 mois voire 1 an.
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L’interruption d’une prescription est quand un évènement vient arrêter son cours. L’acheteur s’est souvent fait piéger par la
brièveté du délai. La jurisprudence avait imaginé un stratagème pour lui venir en aide. Il suffisait d’une citation en référé expertise
pour interrompre le cours du bref délai de prescription. C’est l’application de l’article 1244 du code civil. Mais il se produit ensuite
une interversion de prescription : le délai de prescription de droit commun se substitue au délai interrompu.
zap
Cette technique d’interversion de prescription a-t-elle toujours vocation à s’appliquer, malgré la réforme ? Si la réponse est
non, que la Cour de Cassation abandonne le recours à cette technique, cela impliquera que l’acheteur doit dans les deux ans introduire
son action. Si la réponse est oui, il suffira que l’acheteur, à l’intérieur du délai de 2 ans, fasse une citation en référé expertise pour que
cela interrompe le délai légal spécifique et commencer à faire courir le délai de droit commun. La quasi-totalité de la doctrine
considère que la Cour devrait reprendre ce procédé. Les auteurs constatent en effet que ce procédé ne concerne que de courtes
prescriptions. Attention toutefois au projet de réforme du droit de la prescription…
En cas de vente d’une chose affectée d’un vice caché, l’acheteur peut-il fonder son action sur le vice de consentement ?
Il faut écarter d’emblée la violence. Seule l’erreur ou le dol sont envisageables.
_ L’erreur : c’est une cause de nullité lorsqu’elle porte sur la substance de la chose (article 1110 du code civil). L’acheteur qui achète
une chose inapte à son usage normal n’aurait pas contracté en des termes identiques si il avait eu connaissance de cette inaptitude. Il
s’agit donc bien d’une erreur. Mais qu’en est-il de la substance ? La substance désigne les qualités de la chose déterminante du
consentement. L’acheteur peut donc a priori raisonnablement soutenir que l’aptitude de la chose à son usage normal était pour lui une
qualité déterminante de son consentement. L’action est possible sur le fondement de l’article 1110. Il pourra obtenir la nullité du
contrat. Bien sûr, il n’aura pas l’option que lui offre l’action fondée sur l’obligation de garantie contre les vices cachés.
En pratique, ce stratagème a fonctionné. Mais après beaucoup d’hésitations, la Cour de Cassation a décidé de rejeter ce
raisonnement → 1ère chambre civile, 19 octobre 2004 : lorsque la chose est atteinte d’un défaut la rendant impropre à son usage,
l’acheteur ne dispose pas de l’action en nullité pour erreur sur les qualités substantielles mais seulement de l’action en garantie contre
les vices cachés.
_ Le dol : il suppose la situation où le vendeur avait connaissance du vice de la chose au moment de la vente. Il s’agit d’une
tromperie. L’action fondée sur le dol (article 1116) est-elle possible ? Oui → 1ère chambre civile, 6 novembre 2002 : l’acheteur qui ne
peut plus faire sanctionner les vices cachés sur le fondement de la garantie contre ces vices parce que le délai est expiré peut agir sur
le fondement du dol. Le délai pour agir est de 5 ans.
Une clause dont l’objet est d’aménager cette obligation est insérée dans le contrat. On peut en rencontrer trois sortes.
1_ Clauses extensives :
Elles sont toujours valables et ne se rencontrent que très rarement.
2_ Clauses restrictives :
Il y a des degrés à l’intérieur de cette catégorie. Elle peut exclure totalement la garantie contre les vices cachés : on parle de
clause exclusive. Elle peut aussi exclure seulement la garantie contre l’un des composant du produit.
La donnée légale est fournie par l’article 1643 du code civil : une clause restrictive de la garantie contre les vices cachés
n’est valable que dans la mesure où le vendeur est de bonne foi.
La donnée jurisprudentielle consiste en l’assimilation par les tribunaux du vendeur professionnel à un vendeur de mauvaise
foi : le vendeur pro est toujours réputé connaître le défaut de la chose qu’il vend.
La combinaison des deux données aboutit au système suivant : une clause restrictive de la garantie contre les vices cachés est
valable si elle est stipulée par un vendeur non professionnel de bonne foi.
Ex : dans pratiquement toutes les ventes d’immeuble, une telle clause existe.
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Quand le vice caché consiste en la présence de termites, ou d’amiante, ou de plomb, ou que le défaut affecte l’installation
intérieure de gaz ou d’électricité, la clause excluant le vice caché ne produira effet que pour autant que le vendeur aura au moment de
la conclusion de la vente fournit à l’acheteur dans le dossier de diagnostique technique des attestations indiquant que tout était correct,
ces attestations devant être établis par des experts compétents.
Une clause restrictive de garantie contre les vices cachés est valable si elle stipulée par un vendeur professionnel lorsque
l’acheteur est lui-même un vendeur de même spécialité.
3_ Clauses mixtes :
De telles clauses sont en pratique fréquentes dans les ventes de meubles. Les ventes mobilières sont souvent consenties par
un vendeur professionnel. Or, il ne peut pas stipuler de clauses restrictives de la garantie contre les vices cachés (sauf exceptions vues
ci-dessus).
On va donc trouver une clause mixte. Le vendeur va la présenter sous un aspect favorable à l’acheteur.
Ex : la clause qui prévoit que pendant un certain délai (supérieur à garantie légale de 2 ans), tout problème donnera lieu au
remplacement pur et simple de la chose vendue. Il n’est alors pas nécessaire à l’acheteur de démontrer que la chose est affectée d’un
vice caché. L’aspect extensif se manifeste également par le fit que le code civil ne prévoit pas le remplacement de la chose. Mais il y a
aussi un aspect restrictif : la seule sanction qu’aménage la clause est le remplacement de la chose vendue en cas de problème, et
l’acheteur n’a pas possibilité d’agir autrement.
La jurisprudence refuse d’envisager ces clauses mixtes dans leur globalité. Ce qu’il y a d’extensif dans la clause mixte sera
toujours valable, ce qui veut dire que l’acheteur va pouvoir s’en prévaloir.
Ce qu’il y a de restrictif n’est valable que dans la mesure où l’on se trouve dans les exceptions vues ci-dessus (vente entre
vendeur pro).
L’article R211-4 du code de la consommation prévoit que quand une vente est conclue entre un vendeur et un
consommateur et que le contrat de vente contient une clause relative à la garantie contre les vices cachés, le vendeur est obligé de
mentionner dans le contrat que la garantie légale pourra s’appliquer.
Ce texte spécial gouverne les ventes de marchandises entre professionnels. Elle fusionne purement et simplement l’obligation
de délivrance conforme et l’obligation de garantie contre les vices cachés. Le texte parle « d’obligation de conformité ».
L’article 35 la définit comme l’obligation de fournir des marchandises conformes à la commande et aptes à leur usage
habituel. Cette obligation de conformité obéit à un régime unitaire.
Il existe un délai de dénonciation et un délai d’action. Le délai de dénonciation est un délai « raisonnable » : il faut que
l’acheteur, dans un délai raisonnable à compter du moment où il a constater le défaut de conformité, le dénonce au vendeur. Le délai
d’action est lui de 2 ans à compter de la délivrance des marchandises.
La sanction ordinaire est la diminution du prix ou la réparation des marchandises. Mais « en cas de contravention essentielle
au contrat », l’acheteur a le choix entre deux autres sanctions, plus radicales : la résolution de la vente ou le remplacement des
marchandises.
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minima était soutenue par ceux qui proposaient d’ajouter dans le code de la consommation (et non le code civil) une législation
spéciale propre à la vente des meubles corporels entre professionnels et consommateurs.
La commission Viney s’était orientée vers une transposition ambitieuse et finalement la directive de 1999 a été transposée
dans le code de la consommation. Cette réglementation spéciale concerne exclusivement les ventes entre pro et consommateurs. Elle
ne s’applique pas aux ventes conclues entre deux professionnels, entre deux particuliers, ou aux ventes d’immeubles.
L’obligation de garantie de conformité est définie à l’article L211-5 du code de la consommation : cette obligation oblige le
vendeur à fournir à l’acheteur un meuble qui, d’une part, doit être propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable, et
d’autre part qui doit « présenter les caractéristiques définies d’un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial
recherché par l’acheteur porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté ».
Pour que l’acheteur puisse se plaindre d’un défaut de conformité, il faut qu’il faut que le défaut soit antérieur à la délivrance.
L’article L211-7 pose une présomption d’antériorité du défaut : « quand le défaut apparaitra dans un déli de 6 mois à partir de
la délivrance, alors il sera présumer avoir existé avant.
Système hiérarchisé :
L’acheteur consommateur dispose d’une option entre la réparation du bien ou son remplacement = maintien du contrat.
Art. L.211-9, C. conso. : L’acheteur va choisir librement, sous réserve que la mesure qu’il a choisie n’ait pas un coût manifestement
disproportionné par rapport à l’autre.
Art.L.211-11, C. conso. : L’acheteur pourra au surplus demander des dommages intérêts au vendeur.
Sur le plan des délais, cette réglementation spéciale, qui se veut protectrice du consommateur, s’avère moins protectrice de
l’acheteur que ne l’est le C. civ.
L’acheteur consommateur qui agit sur le fondement de cette réglementation a deux ans pour agir à compter de la mise en possession
alors que s’il agit sur le fondement de l’art. 1604 s. le délai de droit commun est de dix ans (vente commerciale) et s’il agit sur le
fondement de l’art. 1644 s. du C. civ. le délai est de deux ans à compter de la découverte du vice.
Quid de l’interversion de la prescription ? Lorsque la C. cass. aura à appliquer cette réglementation, transposera-t-elle
l’interversion de la prescription qu’elle avait appliquée pour la garantie contre les vices cachés ?
Art. L.211-13, C. Conso.: l’acheteur garde la possibilité d’exercer les actions prévues par le C. civ. (action en inexécution de
l’obligation de délivrance ou de l’obligation de garantie contre les vices cachés).
La réglementation spéciale prévue par le C. conso. pour la vente de meubles corporels ne se substitue pas à la réglementation du C.
civ. relative à la vente : elle s’y ajoute (= stratégie de l’empilement) alors que normalement le droit spécial déroge au droit général.
Garantie commerciale
= aménagement conventionnel de l’obligation de garantie de conformité.
Art. L.211-15, C. conso.
Lorsqu’il veut aménager contractuellement le régime de l’obligation de garantie de conformité, le vendeur doit énoncer par écrit un
certain nombre de mentions obligatoires relatives au contenu de la garantie, à ses modalités de mise en œuvre et à sa durée.
Il faudra surtout que le vendeur professionnel mentionne que l’acheteur consommateur conserve la possibilité d’agir sur le fondement
des textes du C. civ.
Le C. civ. n’avait pas songé à mettre à la charge du vendeur une obligation de conseil. Les rédacteurs du C. civ. avaient une vision
abstraite du contrat, en tant que rencontre de deux volontés libres.
Cette vision abstraite a petit à petit été abandonnée car ne correspondait pas à la réalité pratique : au XIXè siècle on s’est aperçut de
l’inégalité économique des contractants.
Plus tard, on a pris conscience d’une inégalité de connaissance : plus les produits mis en vente deviennent complexes, plus l’inégalité
entre les parties se creuse nécessité de protéger celui qui ignore en imposant à celui qui sait d’informer l’autre.
Le juge est obligé de justifier sa décision par un texte. Il fallait donc qu’il trouve un fondement textuel à la découverte d’une
obligation d’information et de conseil.
Les tribunaux ont sollicité principalement deux textes :
Art. 1135, C. civ.
Le contrat oblige à toutes les suites que l’équité donne au contrat d’après sa nature.
L’équité commande de compenser l’ignorance de l’acheteur le vendeur a une obligation d’informer.
Définition
Le vendeur doit informer et conseiller l’acheteur.
Cette obligation va s’exécuter avant et après la conclusion du contrat de vente.
Avant la conclusion de la vente
Le vendeur doit donner à l’acheteur toutes les informations et conseils qui sont susceptibles d’influencer le consentement de
l’acheteur.
L’information
Il doit fournir à l’acheteur les renseignements sur les caractéristiques essentielles de la chose vendue.
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Ce premier aspect de l’obligation d’information et de conseil a été dans une très large mesure consacrée par la loi.
Concernant les ventes de meubles, le vendeur professionnel doit mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques
essentielles du bien ou du service (art.L.111-1, C. conso.) : il doit l’informer sur les prix, les limites éventuelles de la responsabilité
contractuelles et les conditions particulières de la vente.
Le vendeur professionnel doit également indiquer la période pendant laquelle il est prévisible que les pièces indispensables à
l’utilisation du bien seront disponibles sur le marché (art. L.111-12, C. conso.).
Dans les ventes à distance, le vendeur professionnel doit fournir toute une série d’informations (art. L.121-18, C. conso.).
Pour les ventes d’immeubles, le vendeur doit fournir à l’acheteur un dossier de diagnostique technique (art. L.271-4, C. construction
et habitation) comportant toute une série de constats : risques d’exposition au plomb, à l’amiante, présence de termites, installation
intérieure au gaz naturel, risques naturels et technologiques, performances énergétiques.
Ce dossier doit être fourni à l’acheteur au moment de la conclusion de la promesse de vente, ou au plus tard au moment de la
signature de l’acte notarié.
Le conseil
Cela consiste pour le vendeur à éclairer l’acheteur sur l’opportunité pour lui d’effectuer l’acquisition envisagée.
Selon la jurisprudence, cette obligation oblige le vendeur à s’enquérir des besoins de l’acheteur pour lui expliquer si la chose qu’il
envisage d’acheter est ou non adaptée à ses besoins.
Ex. 1ère civ., 30 mai 2006 (pourvoi n°03-14275) : la chose vendue était un système de climatisation. L’acheteur vient chez le vendeur
professionnel accompagné de l’installateur.
La C. cass. estime que l’obligation de conseil qui pèse sur le vendeur lui impose de se renseigner sur les besoins de l’acheteur et de
l’informer (même s’il est accompagné d’un professionnel) de l’adéquation ou non du matériel à l’utilisation que veut en faire
l’acheteur.
Etendue
L’obligation d’information et de conseil est +/- étendue selon les cas de figures, en fonction de trois paramètres :
La chose vendue
L’obligation ne sera pas la même selon que la chose vendue est nouvelle ou pas, complexe ou non, dangereuse ou non.
Qualité de l’acheteur
Si l’acheteur est consommateur, il doit être informé de tout ce qu’il n’est pas en mesure de connaître lui-même.
Si l’acheteur est professionnel :
S’il n’a pas de connaissances techniques à l’égard de la chose : il est assimilé à un consommateur
S’il a des compétences techniques à l’égard de la chose : certains arrêts estiment qu’à moins que la chose soit
dangereuse, le vendeur n’a pas à informer l’acheteur
Qualité du vendeur
S’il est professionnel, il est débiteur d’une obligation d’information et de conseil
S’il n’est pas professionnel, il n’est débiteur que d’une obligation d’information
Nature juridique
L’obligation d’information et de conseil s’exécute pour partie avant la formation de la vente et pour partie après : l’information est à
délivrer en partie avant et en partie après, alors que le conseil est à délivrer avant.
Du point de vue de sa nature, l’obligation est double :
Pour tout ce qui doit être fourni avant la formation de la vente, le vendeur a un devoir extra-contractuel. S’il manque à ce
devoir, la responsabilité qu’il encourt est extra-contractuelle.
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Pour tout ce qui doit être fourni après la formation de la vente, le vendeur a une obligation contractuelle. S’il ne la respecte
pas, c’est sa responsabilité contractuelle qui sera mise en jeu.
C’est analyse rationnelle n’est pas celle retenue par la jurisprudence, sans doute dans un souci de simplification des solutions. La C.
cass. conçoit de façon unitaire l’obligation d’information et de conseil : elle y voit une obligation contractuelle : Com., 4 janvier 2005
(Contrat, concurrence, consommation 2005, n°108).
Si l’acheteur se plaint d’un défaut d’information et de conseil, il pourra agir sur le terrain de la responsabilité contractuelle du
vendeur.
Selon la jurisprudence, cette obligation est une obligation de moyens renforcée (intermédiaire entre l’obligation de moyens et
l’obligation de résultat) : on va présumer la faute du vendeur, celui-ci pouvant s’exonérer en prouvant qu’il a correctement informé et
conseillé l’acheteur.
1ère civ., 14 octobre 1997 (JCP 1997, II, N°22142) : celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation
d’information doit apporter la preuve de l’exécution de cette obligation.
La jurisprudence a inventé à la charge du vendeur une obligation contractuelle unique d’information et de conseil à géométrie
variable et de moyens renforcée.
Quand le manquement intervient avant la conclusion de la vente, l’acheteur peut agir sur le fondement de l’art. 1116, C. civ. (dol) :
réticence dolosive du vendeur nullité du contrat.
2. L’obligation de sécurité
Les premiers arrêts en ce sens datent de 1989. L’idée de mettre une obligation de sécurité dans la vente a émergé au début des années
1980.
L’art. 1er de la loi du 21 août 1983 (art. L.221-1, C. conso.) prévoit que les produits et services doivent, dans des conditions normales
d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre
et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.
Ce texte n’était pas autre chose qu’une sorte de vœux du législateur dans un souci de prévention, mais pas la volonté de créer une
obligation de sécurité à la charge du vendeur.
Le 5 juillet 1985, directive européenne relative à la responsabilité des fabricants du fait des produits défectueux. La France n’a pas
respecté le délai de transposition : elle n’a été transposée que par une loi du 19 mai 1998 au lieu de 1988.
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Cette directive est d’une importance capitale dans l’invention par la jurisprudence d’une obligation de sécurité : la C. cass. a estimé
que puisque le législateur n’avait pas transposé, elle devait prendre l’initiative.
CJCE, 13 novembre 1990 (JCP 1990, II, n°21058) : la CJCE prescrit aux juges nationaux d’interpréter son droit national à la lumière
du texte et de la finalité des directives non-transposées.
En prenant l’initiative tout de suite après l’expiration du délai de transposition, la C. cass. n’a fait que respecter les prescriptions de
la CJCE.
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b) L’intervention du législateur
La loi du 19 mai 1998 a transposé la directive européenne dans les art. 1386-1 s. du Code civil.
Depuis 1998, il existe un régime légal de responsabilité du fait des produits défectueux.
Ce régime ne concerne que les ventes de meubles consenties par un vendeur professionnel à un acheteur consommateur : les ventes
immobilières et les ventes mobilières consenties par un non-professionnel sont exclues.
Produit
= toute espèce d’objet mobilier, y compris les produits du sol, de l’élevage, du corps humain, l’électricité.
Ex. s’il apparaît que les OGM sont nocifs pour la santé, les dommages causés relèveraient de la responsabilité du fait des produits
défectueux. Idem pour la vache folle, le sang contaminé…
Mise en circulation
= dessaisissement volontaire initial du produit par le producteur et ayant pour finalité la distribution de ce produit il n’y a qu’une
seule mise en circulation.
Quand ces trois conditions sont réunies, la responsabilité du producteur peut être engagée.
Délai de prescription
Trois ans à compter de la date à laquelle la victime a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut de sécurité et de
l’identité du producteur.
Faute de la victime
Etendue de la réparation
La réparation est intégrale.
Cela n’allait pas de soi car la directive de 1985 permettait aux états membres de prévoir un plafonnement de la responsabilité.
Faut-il considérer que la victime d’un produit défectueux a le choix entre former son action sur l’inexécution de l’obligation de
sécurité (dans ce cas elle a dix ans pour agir) ou sur les art. 1386-1 s., C. civ. en se prévalant du régime légal de responsabilité du fait
des produits défectueux ?
CJCE, 25 avril 2002 (Dalloz 2002, page 2462) : les états membres de l’UE n’ont pas la possibilité de maintenir un régime général de
responsabilité du fait des produits défectueux différent de celui prévu par la directive.
Le régime légal entraîne automatiquement l’éviction de l’action en responsabilité fondée sur l’inexécution de l’obligation de
sécurité imaginée par la jurisprudence.
La victime doit agir sur le fondement des art. 1386-1 s., C. civ.
( ! ) L’obligation de sécurité créée par la jurisprudence disparaît dans les ventes auxquelles le régime légal est applicable : ventes de
meubles consenties par un professionnel à un consommateur.
Mais pour les ventes qui échappent au régime légal, on pourrait imaginer que l’obligation de sécurité s’applique. Mais il faut apporter
des restrictions :
Ventes de meubles consenties par un vendeur non-professionnel
L’acheteur ne peut pas se prévaloir de l’obligation de sécurité : cette obligation ne s’applique pas aux non-professionnels.
Ventes d’immeubles consenties par un vendeur professionnel
L’obligation de sécurité est applicable.
Mais en pratique les produits présentant un défaut de sécurité sont des meubles.
L’obligation de sécurité imaginée par la jurisprudence est quasi-inexistante.
1. Contenu
L’obligation pour le vendeur de garantir l’acheteur contre l’éviction est réglementée par les art. 1626 s., C. civ.
En vertu de cette obligation le vendeur est tenu de garantir l’acheteur contre les atteintes dont le droit de propriété que l’acheteur a
acquise pourrait être l’objet, atteinte d’où pourrait résulter pour l’acheteur une éviction.
Peu importe que cette atteinte provienne d’un fait personnel du vendeur lui-même (= garantie du fait personnel) ou du fait d’un tiers
(= garantie du fait d’un tiers) : le vendeur doit, au titre de cette obligation, garantir à l’acheteur que le droit de propriété ne fera l’objet
d’aucune atteinte.
Elle a toujours été admise : « qui doit garantie ne peut évincer » (adage de l’Ancien droit).
= le vendeur ne doit causer à l’acheteur ni trouble de droit, ni trouble de fait.
Les troubles de droit
Le vendeur ne doit pas revendiquer un droit relatif à la chose vendue qui porterait atteinte au droit de propriété de l’acheteur.
Ex. le vendeur vend un terrain mitoyen à sa maison. Ce terrain n’est jamais occupé et le vendeur prend quelques libertés et se met à
utiliser le terrain agit en tant que possesseur.
Quand la possession dure un certain nombre d’années, elle aboutit à l’usucapion (prescription acquisitive).
Si le vendeur possède suffisamment longtemps pour acquérir par prescription et souhaite revendiquer le droit de propriété, il ne peut
pas : il ne peut revendiquer un droit qui porterait atteinte à la propriété de l’acheteur.
Le vendeur doit garantir à l’acheteur qu’un tiers ne va pas venir perturber le droit de propriété qu’il a acquis par le contrat de vente.
Deux conditions doivent être réunies pour que la garantie d’éviction du fait d’un tiers puisse jouer :
Existence d’un trouble de droit émanant d’un tiers mais imputable au vendeur
Trouble de droit émanant d’un tiers
La garantie du fait des tiers ne concerne que les troubles de droit et non les troubles de fait (ex. vol, dégradation) : c’est à l’acheteur de
se défendre contre les troubles de fait émanant d’un tiers.
La garantie du fait d’un tiers concerne l’hypothèse où un tiers invoque un droit relatif à la chose vendue qui, s’il est reconnu par le
juge, entraînera une éviction totale ou partielle de l’acheteur :
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Eviction totale
Si le tiers invoque un droit de propriété, et que ce droit est reconnu, l’éviction est totale : l’acheteur n’est pas le propriétaire.
Si le tiers invoque un droit réel accessoire (nantissement pour un meuble, hypothèque pour un immeuble), que le bien est vendu par
vente forcée (provoquée par le tiers, créancier du vendeur, qui veut se faire payer), l’acheteur n’aura plus la propriété du bien.
Eviction partielle
Ex. droit d’usufruit, d’habitation, servitude de passage, bail…
L’acheteur sera toujours propriétaire mais l’utilisation du bien sera réduite pour lui.
Imputable au vendeur
Le trouble de droit émanant d’un tiers doit être imputable au vendeur : c’est dans un acte du vendeur (acte antérieur à la vente) que le
droit invoqué par le tiers doit trouver son origine.
Quand les deux conditions sont remplies, l’acheteur peut se retourner contre le vendeur pour faire jouer la garantie contre
l’éviction.
Avant les sanctions définitives, il est possible pour l’acheteur de solliciter une riposte préalable.
La riposte préalable
Art. 1653, C. civ. : si l’acheteur est troublé ou a juste raison de craindre d’être troublé par une action, soit hypothécaire, soit en
revendication, il peut suspendre le paiement du prix jusqu’à ce que le vendeur ait fait cesser le trouble, si mieux n'aime celui-ci donner
caution.
Si le tiers a introduit une action en justice contre l’acheteur pour faire valoir le droit qu’il invoque
ou si l’acheteur s’est aperçut qu’un tiers risque d’agir contre lui
Le tiers invoque un droit réel principal ou accessoire sur la chose
Dans ces deux conditions l’acheteur peut :
Suspendre le paiement du prix jusqu’à ce que le vendeur ait fait cesser le trouble
Continuer à payer le prix mais le vendeur lui verse une caution au cas où il y aurait une action du tiers
La jurisprudence se montre assez sévère quant aux modalités d'exercice de ce droit pour l'acheteur de suspendre le paiement du prix
quand il craint une menace d'éviction.
3ème civ. 26 mai 1992 (Bull. III n° 176) : l'acheteur doit mettre le vendeur en demeure d'exercer la faculté que lui reconnaît ce texte,
moyennant la cessation du trouble ou la fourniture d'une caution, d'obliger l'acquéreur au paiement.
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L'acheteur qui songe à recourir à ce remède préalable que lui fournit l'article 1653 doit mettre en demeure le vendeur. Dans la lettre de
mise en demeure il doit lui exposer qu'il est libre de choisir entre le paiement du prix s'il fait cesser le trouble, et le paiement d'une
caution garantissant le remboursement du prix en cas d'éviction.
La riposte définitive
Les remèdes définitifs peuvent être utilisés lorsque la menace d'éviction est avérée. Il faut que la menace soit concrétisée, que le tiers
qui invoque un droit sur la chose vendue ait assigné en justice l'acheteur pour faire reconnaître ce droit. A ce moment là l'acheteur va
pouvoir mettre en jeu la garantir contre l'éviction due par le vendeur.
Mais elle peut être mise en oeuvre de deux manières différentes par l'acheteur :
La garantie incidente
La menace d'éviction s'est concrétisée : un tiers a assigné l'acheteur en justice pour faire reconnaître un droit relativement à la chose
vendue.
L'acheteur va activer la garantie contre l'éviction avant que le juge n'ait statué sur le droit dont le tiers se prévaut. C'est une activation
immédiate : la menace est concrétisée mais n'est pas consommée, le juge n'a pas statué sur ce point.
L'acheteur va concrètement appeler en garantie (au procès) son propre vendeur au moment de l'assignation. Le vendeur intervient
donc dans le procès au sein duquel le demandeur est la personne qui revendique, et le défendeur l'acquéreur.
Sur le plan de la procédure l'acheteur provoque un incident de procédure en appelant quelqu'un qui ne figure pas à la cause au moment
de l'introduction de l'instance. Le vendeur devient partie au procès (défendeur incident) et son rôle est alors de tenter de repousser la
prétention du tiers car il doit garantir l'acquéreur contre l'éviction. L'acheteur peut même demander à être écarté de la cause, il n'y
aurait alors plus que le vendeur en tant que défendeur.
Soit le vendeur parvient à repousser la prétention du tiers, alors la menace est enrayée et le droit de propriété de l'acheteur est
consolidé. Soit le droit du tiers n'est pas repoussé et le juge le considère comme bien fondé. Le même jugement qui reconnaît le droit
du tiers va en même temps alors condamner le vendeur au titre de la garantie contre l'éviction. L'acheteur n'aura pas par la suite à
entamer un second procès contre le vendeur.
La garantie principale
Cette fois-ci l'acheteur n'appelle pas directement le vendeur à la cause. L'acheteur se défend seul et le droit du tiers est finalement
reconnu. Le jugement constate l'éviction de l'acheteur (totale ou partielle). L'éviction étant cette fois consommée, l'acheteur dans un
second temps pourra se retourner contre son propre vendeur sur le fondement de la garantie contre l'éviction.
---
L'acheteur a tout intérêt à utiliser la voie de la garantie incidente car avec la garantie principale il court le risque de se voir appliquer la
sanction de l'article 1640 Code civil qui dispose en une déchéance de la garantie contre l'éviction. « La garantie pour cause d'éviction
cesse lorsque l'acquéreur s'est laissé condamner par un jugement en dernier ressort [ou dont l'appel n'est plus recevable] sans appeler
son vendeur [en garantie] si celui-ci prouve qu'il existait des moyens suffisants pour faire rejeter la demande ».
En d'autres termes, lorsque l'acheteur fait jouer la garantie contre l'éviction sous forme de garantie principale, alors il y a une
possibilité de déchéance de l'action en garantie contre l'éviction sous deux conditions :
Une décision d'éviction devenue définitive
Possibilité de repousser la prétention du tiers si le vendeur avait été appelé à la cause
En cas d'éviction de l'acheteur, quelles sont les sanctions qu'il peut espérer obtenir ?
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En cas d'éviction totale, la vente est résolue (anéantissement rétroactif). Ce qui est notable c'est que le Code dans les articles 1630 à
1635 organise un système d'indemnisation très favorable à l'acheteur.
L'acheteur va récupérer la totalité du prix payé par lui au moment de la vente, même si la valeur de la chose vendue avait diminué
entre le jour de la vente et le jour de l'éviction.
Outre la restitution du prix, le vendeur va devoir une indemnisation très complète à l'acheteur évincé, qui recouvre :
Les fruits que l'acheteur devra restituer si la chose était frugifère.
Les frais que le contrat de vente a pu susciter pour l'acheteur :
Frais de contrat,
Frais occasionnés par l'action en éviction,
Etc.
La plus-value qu'à pu prendre la chose vendue entre le jour de la vente et celui de la décision constatant l'éviction.
Les réparations et améliorations utiles apportées par l'acheteur à la chose vendue.
Le cas échéant, des dommages-intérêts en cas de préjudice particulier à l'acheteur.
Elle peut être sanctionnée soit par la résolution du contrat de vente, soit par sa réfaction.
Résolution
L'acheteur peut réclamer la résolution du contrat de vente si l'éviction est d'une importance telle que l'acheteur n'aurait pas acheté s'il
avait connu le risque d'éviction au moment de la conclusion du contrat. C'est ce que l'on appelle « l'éviction déterminante ».
Si le juge prononce la résolution, les effets seront les mêmes que pour l'éviction totale.
Réfaction
Elle aura lieu si l'éviction partielle n'est pas déterminante, ou si l'acheteur la demande en cas d'éviction déterminante.
Le vendeur sera condamné à rembourser une partie du prix correspondant à l'éviction partielle et il sera le cas échéant condamné à des
dommages-intérêts en cas de préjudice.
1) Clauses extensives
Elles sont toujours valables car elles vont dans le sens de l'acheteur, mais en pratique on en rencontre quasiment jamais comme pour
les clauses extensives de la garantie contre les vices cachés.
2) Clauses restrictives
Il s'agit de clauses par lesquelles le vendeur chercher à restreindre la garantie contre l'éviction par rapport aux textes sur ce point.
Elles peuvent être exclusives de la garantie contre l'éviction, ou simplement restrictives, limitatives de la garantie.
La question de la validité des clauses doit faire l'objet d'une distinction (garantie du fait personnel et garantie du fait du tiers).
Les clauses restrictives de la garantie du fait personnel ne sont jamais valables (article 1628 Code civil) en raison que cette garantie
est d'ordre public.
En revanche les clauses restrictives relatives à la garantie du fait d'un tiers sont valables mais, précise l'article 1627 Code civil, à la
condition que le vendeur soit de bonne foi. S'il est de mauvaise foi, ou s'il est professionnel (assimilation du professionnel au vendeur
de mauvaise foi) alors la clause restrictive est sans effet.
Lorsqu'elles sont valables ces clauses produisent un effet limité. Même s'il a été stipulé dans le contrat une clause excluant la garantie
contre l'éviction, cela n'empêchera pas l'acheteur, après résolution de la vente, d'obtenir du vendeur la restitution intégrale du prix
payé. En dépit de la clause excluant la garantie, l'acheteur peut se retourner contre le vendeur pour récupérer le prix. Le seul effet de la
clause est de priver l'acheteur à l'indemnisation à laquelle il y a par ailleurs droit.
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Si le vendeur veut aller plus loin, pour lui empêcher que l'acheteur puisse demander la restitution du prix, il faut qu'il stipule une
clause au terme de laquelle l'acheteur achète à ses risques et périls, ce qui veut dire qu'on est en présence d'un vendeur qui connaît la
menace d'éviction, qui en informe l'acheteur, lequel achète par conséquent en connaissance de cause. L'acheteur sait pertinemment
qu'il risque d'être évincé contre un tiers, il achète donc moyennant un prix beaucoup plus faible. En pareil cas l'acheteur ne peut pas se
retourner contre le vendeur.
C'est l'hypothèse d'une chaîne de ventes successives ayant pour objet la même chose : fabriquant – grossiste – intermédiaire –
détaillant – consommateur
Quand un sous-acquéreur, (consommateur final), décide d'agir contre un vendeur antérieur, autre que son propre cocontractant (il y
trouve un intérêt en cas de redressement judiciaire / liquidation judiciaire par exemple), l'action qu'il va exercer sera nécessairement
une action contractuelle : Ass. Plén. 7 novembre 1986 (Dalloz 1986 page 293).
Le demandeur sous-acquéreur agit contre un défendeur qui n'est pas son propre cocontractant. Demandeur et défendeur sont pourtant
tiers l'un par rapport à l'autre, et pourtant l'action est contractuelle.
La Cour de cassation l'explique par l'idée de transmission des actions attachées à la chose à titre d'accessoire de celle-ci. La
justification théorique à la nature contractuelle de l'action exercée par un acheteur contre un vendeur antérieur réside dans l'idée de
transmission de l'action par voie d'accessoire.
L'action contractuelle directe exercée par un sous-acquéreur contre un vendeur antérieur qui n'est pas son cocontractant direct, ce n'est
pas une action propre, née du contrat de vente que le sous-acquéreur a passé, c'est une action transmise, c'est-à-dire née du contrat que
le défendeur à l'action avait passé.
La conséquence est importante car il s'en suit que le régime de cette action contractuelle est celui qui découle du contrat passé par le
défendeur et uniquement celui qui découle du contrat passé par le défendeur.
Si une clause exclusive de la garantie contre les vices cachés est stipulée dans le contrat B, elle ne pourra pas être invoquée dans
l'action engagée contre A.
Se transmettent automatiquement au sous-acquéreur toutes les actions attachées à la chose vendue dès lors qu'elles ne tendent pas à
obtenir la réparation d'un dommage qui s'était déjà réalisé avant la vente.
Cass. 3ème civ. 17 novembre 2004 (Pourvoi 03-16988) : puisque le dommage s'était réalisé avant la vente, il en a très probablement
été tenu compte dans la fixation du prix.
Seule la stipulation exprès d'une clause prévoyant ce type d'action en réparation du dommage réalisé avant la vente peut permettre au
juge de prononcer une réparation.
Toutes les obligations qui incombent au vendeur, le vendeur en est débiteur vis-à-vis de son acquéreur, et des sous-acquéreurs
successifs de la chose.
Le Code civil met deux obligations à la charge de l'acheteur : payer le prix, et prendre livraison de la chose vendue.
1) Le moment du paiement
C'est le jour réglé par la vente. L'article 1651 fixe une règle supplétive : « le paiement doit être effectué par l'acheteur au moment de la
délivrance ».
Ce qui veut dire concrètement qu'à défaut de stipulation particulière, le principe, c'est que la vente est faite au comptant. Il faudra
payer l'intégralité du prix au moment de la délivrance.
La logique du Code civil est celle du donnant-donnant : le vendeur délivre la chose quand l'acheteur le paie, et inversement. C'est cette
logique du « donnant-donnant » qu'expriment les articles 1612 et 1651 Code civil.
Article 1612, C. civ. : le vendeur n'est pas tenu de délivrer la chose si l'acheteur n'en paie pas le prix .
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Article 1651, C. civ. : s'il n'a rien été réglé à cet égard au moment de la vente, l'acheteur doit payer au lieu et dans le temps où doit se
faire la délivrance.
L'article 1651 s'interprète comme ouvrant à l'acheteur une exception d'inexécution : refuser de payer tant que le vendeur ne délivre pas
la chose vendue.
Le rapprochement de ces deux articles tendent à conférer à chacune des parties une exception d'inexécution qui peut aboutir à une
situation de pur blocage, l'un et l'autre des vendeur et acheteur refusant de s'exécuter tant que l'autre ne se sera pas exécuté.
Si on veut éviter le cul de sac, la seule manière de s'en sortir est d'introduire un ordre priorité que le Code n'introduit pas lui-même.
1ère civ. 19 novembre 1996 (JCP 1997, II, n° 22862) : « Sauf convention particulière, l'obligation pour l'acheteur de payer le prix
résulte de l'exécution complète par le vendeur de son obligation de délivrance ». Autrement dit, l'ordre de priorité est indiqué : le
vendeur doit exécuter complètement son obligation de délivrance, et après l'acheteur paiera le prix. Le vendeur ne peut pas demander
le complet paiement tant qu'il n'a pas délivré la chose.
Cet ordre de priorité revient à rayer du Code l'article 1612.
En pratique, cela peut être assez lourd de conséquences pour le vendeur. Il suffit de se reporter à l'affaire soumise à la Cour de
cassation en 1996. Dans cette affaire, il s'agissait d'une société de fabrication d'ordinateur qui avait vendu tout un ensemble
informatisé destiné à équiper les bureaux de l'acheteur en France et outre-mer. Le vendeur devait délivrer la totalité des ordinateurs
vendus avant de demander un quelconque paiement de la part de l'acheteur.
La solution est sévère pour le vendeur, car il se peut qu'en cas de délivrance fractionnée, il se heurte à l'insolvabilité de l'acheteur, et
qu'il ne puisse pas demander le paiement de la partie fractionnée livrée. Le moyen de pression prévu à l'article 1612 n'a plus aucune
utilité.
b) Le paiement anticipé
Les parties peuvent prévoir une clause prévoyant qu’une fraction du prix doit être payée dès la conclusion du contrat et avant la
délivrance.
→ S’agit-il d’un acompte ou d’arrhes ?
L’acompte c’est simplement une fraction du prix versée par anticipation
Les arrhes servent à se rétracter (art. 1590)
Art. L.114-1, C. Conso. : sauf stipulation contraire du contrat, les sommes versées d’avances sont des arrhes, ce qui a pour effet que
chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant ses arrhes, le consommateur en payant le
double.
→ Dans les ventes de meubles entre un professionnel et un consommateur, les sommes versées d’avance par l’acheteur sont
présumées être des arrhes. Ce ne sera un acompte que si cela a été stipulé dans le contrat.
c) Le paiement retardé
Conventionnellement
Ex. vente à crédit : le prix sera payé selon un échéancier convenu entre les parties
Judiciairement
Art. 1244-1, C. civ.: le juge peut octroyer un délai de grâce à un débiteur en difficulté.
2) Le lieu du paiement
3) La preuve du paiement
En cas de litige sur ce point, la charge de la preuve du paiement du prix incombe à l’acheteur.
Pour les ventes d’immeubles, la preuve du paiement du prix est en pratique rapportée au moyen d’une quittance que remet le vendeur
à l’acheteur au moment du paiement.
Pour les ventes mobilières, la remise de la chose entre les mains de l’acheteur fait présumer le paiement. C’est au vendeur de
renverser cette présomption en démontrant que le prix n’a pas été payé.
Art. 1612, C. civ. : le vendeur n’est pas tenu de délivrer la chose vendue tant que l’acheteur n’a pas payé le prix.
→ Le vendeur dispose d’un moyen de pression sur le débiteur.
Mais la jurisprudence a décidé que le vendeur ne peut réclamer le paiement du prix qu’après avoir exécuté son obligation de
délivrance → il n’est pas possible de réclamer le paiement du prix en menaçant de ne pas livrer.
1) Exécution forcée
Le vendeur assigne l’acheteur en justice pour que le juge lui ordonne de payer.
Le vendeur dispose de sûretés légales destinées à garantir le paiement du prix :
Privilège du vendeur de meubles
Le privilège est une sûreté d’origine légale qui consiste dans le droit pour son titulaire de provoquer la vente forcée d’un bien pour se
faire payer par préférence sur le prix de vente.
Le privilège du vendeur de meubles à pour objet le meuble vendu : le vendeur impayé peut provoquer la vente forcée du meuble
vendu et de prélever par préférence le prix qui lui est dû.
Pb : ce privilège spécial est peu utilisé par les vendeurs impayés car n’est pas très efficace.
Le législateur a multiplié les privilèges et sur un même bien, il peut y avoir plusieurs privilèges pour des créanciers différents.
Il a donc fallu établir une hiérarchie de ces privilèges. Or, dans ce classement des privilèges, celui du vendeur de meubles arrive assez
loin.
→ Si un acheteur ne paie pas le prix de vente, à quoi bon faire jouer le privilège du vendeur de meubles alors qu’il sera relégué par
d’autres créanciers ayant un privilège d’un rang supérieur ?
La résolution doit être demandée au juge, lequel dispose d’un pouvoir d’appréciation.
Si on veut éviter de passer par le juge, il faut dans le contrat de vente stipuler une clause résolutoire de plein droit = pacte
commissoire.
En cas de clause résolutoire, la résolution du contrat sera automatique dès lors que le vendeur aura adressé à l’acheteur une mise en
demeure restée infructueuse (art. 1656, C. civ.).
L’obligation de délivrance ne correspond pas à la livraison de la chose au domicile de l’acheteur : c’est l’obligation pour le vendeur de
mettre la chose vendue à la disposition de l’acheteur, lequel doit venir la chercher.
En matière de vente d’immeuble, l’obligation de prendre livraison n’a pas beaucoup de consistance matérielle : l’acheteur prend
possession du titre de propriété et des clés en venant chez le notaire.
En matière de vente de meubles, l’acheteur doit matériellement procéder au retirement de la chose à ses frais = obligation de
retirement.
Cette obligation de retirement soulève deux questions :
Délai pour retirer la chose
C’est le délai fixé par le contrat.
Si les parties n’ont rien prévu sur ce point, la jurisprudence considère qu’il appartient à l’acheteur de procéder au retirement dans un
délai raisonnable.
L’acheteur peut suspendre le retirement s’il apparaît que le vendeur n’a pas correctement exécuté ses obligations (ex. si le meuble
comporte un défaut de conformité).
Le vendeur peut provoquer la résolution unilatérale du contrat de vente, sans passer par le juge et sans même adresser une mise en
demeure à l’acheteur (art. 1657, C. civ.).
Le vendeur ne peut résoudre unilatéralement que dans la mesure où il a lui-même correctement exécuté ses obligations.
Cette sanction est très brutale : a lieu quel que soit le dépassement du délai, sans avertissement, détruit le contrat. Deux raisons :
Raison juridique
Le vendeur doit délivrer la chose dans l’état où elle était au moment de la conclusion de la vente : il pèse donc sur le vendeur une
obligation accessoire de conservation tant que l’acheteur n’a pas récupéré la chose, ce qui est contraignant.
Raison pratique
Ce que le législateur veut éviter c’est que le vendeur (surtout professionnel) ne voit ses capacités de stockage des marchandises.
Titre 2. L’échange
Art 1702 L’échange est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre (transfert de propriété
réciproque).
La contrepartie du transfert de propriété n’est donc pas une somme d’argent, mais une autre chose.
L’échange est lié à l’économie de troc.
Malgré l’apparition de la monnaie, l’échange n’est pas tombé en désuétude : il joue un rôle important dans plusieurs domaines :
Domaine foncier : échange de parcelles entre agriculteurs dans le cadre des opérations de remembrement rural
Domaine financier : swap = échange de devises
Commerce international (particulièrement avec les pays émergents) : un pays développé aura peur de contracter une vente avec un
pays pauvre
Systèmes d’échanges locaux (SEL) : associations dont les membres proposent des biens ou services en contrepartie de ceux offerts par
les autres
3 caractères :
- c’est un contrat consensuel (art 1703)
- c’est un contrat synallagmatique (art 1702)
- l’absence de référence à un prix, cela permet de différencier l’échange :
De la vente avec dation en paiement = vente où l’acheteur (incapable de payer) propose à la place du paiement de transférer
au vendeur la propriété d’un bien en nature. Transferts de propriété réciproques mais ce n’est pas un échange car il y a référence à prix
L’échange avec soulte : c’est le cas où les choses échangées ne sont pas d’égale valeur. Les parties conviennent que celle qui
reçoit la chose de la plus grande valeur, paiera, à l’autre, une somme appelée soulte. L’opération demeure en principe un échange mais
si la soulte est de telle importance qu’elle soit l’objet principal de l’opération, l’acte devient une vente.
Le contrat d’échange connaît, par assimilation, une application des règles de la vente. En dehors des règles particulières à l’échange,
« toutes las autres règles prescrites pour le contrat de vente s’appliquent à l’échange » (art 1707). Cependant le code civil réserve
quelques adaptations.
Au nom de la spécificité de l’échange sont écartées les règles liées au prix, à la rescision pour cause de lésion.
Partie 2. Les contrats ayant pour objet de procurer l’usage d’un bien
On parle de bail ou de contrat de louage de choses, location (la chose louée est un meuble ou un immeuble meublé), licence (la chose
louée est un meuble incorporel).
Art. 1709, C. civ. : « contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps et
moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer. »
- Le bailleur est débiteur d’une obligation de faire : « l’une des parties s’oblige à faire ».
- Le preneur est débiteur d’un prix.
L’obligation du bailleur de faire jouir le preneur d’une chose pendant un certain temps
Quand un propriétaire donne à bail un bien qui lui appartient, il ne transfert aucun droit réel au preneur (qui n’a qu’un droit de
créance) le propriétaire reste titulaire de l’usus, du fructus et de l’abusus.
Sinon, cela voudrait dire que le bail opère un démembrement de la propriété, ce qui n’est pas le cas : le bailleur s’oblige simplement à
concéder au preneur l’exercice du droit d’usage, et non la « propriété » de ce droit.
Chose Chose
Du dépôt
Dans les deux cas, l’une des parties remet une chose entre les mains de l’autre. Mais dans le bail, le bailleur s’oblige à faire jouir le
preneur de la chose, alors que dans le dépôt, le dépositaire ne peut utiliser la chose à son profit : le contrat a seulement pour objet
d’obliger le dépositaire à assurer la garde de la chose pour ensuite la restituer.
Le bailleur s’oblige à faire jouir le preneur d’une chose dans des conditions convenues au contrat. Il faut que le contrat détermine les
conditions dans lesquelles le locataire pourra utiliser la chose.
Un contrat par lequel une personne s’obligerait à faire jouir le cocontractant d’une chose pendant un certain temps mais dans des
conditions que cette personne reste libre de fixer unilatéralement ne serait pas un contrat de bail : ce serait un contrat sui generis.
3ème civ., 11 janvier 2006 : un propriétaire avait mis à la disposition d’un professeur de sport les bassins d’une piscine et les
vestiaires, mais selon des horaires que seul le propriétaire de la piscine pouvait fixer et réviser unilatéralement.
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L’addition des deux traits distinctifs qui découlent de la définition légale du bail permet de le distinguer des notions juridiques
voisines.
Le bail est utile pour les deux parties :
Technique de fructification du capital pour le bailleur : il va tirer des revenus de son bien en le louant
Il permet au preneur de se procurer la jouissance d’une chose dont il ne peut pas financer l’acquisition. Or ces biens sont souvent
primordiaux, ils permettent de se loger, d’exercer une profession (local commercial)…
les contrats ayant pour objet de procurer l’usage d’un bien
Le Code civil donne une définition légale du bail et y consacre une soixantaine d’articles (dont une dizaine sont consacrés aux baux
ruraux).
Pour pouvoir donner à bail il faut être propriétaire, usufruitier ou locataire du bien loué :
Il ne faut pas confondre la sous-location avec la cession de bail (prévue également par l’art. 1717, C. civ.).
Dans la cession de bail, le locataire conclut avec un cessionnaire un contrat de cession de bail il n’existe qu’un seul bail, seul le
locataire change.
Hypothèse d’un bail consenti par un bailleur qui n’a pas la qualité requise.
Pour prendre à bail, il n’y a pas d’autre qualité requise que celle qu’exige le droit commun des contrats = être juridiquement capable
ne pourront conclure prendre à bail les mineurs, et les majeurs en tutelle (dont les actes sont nuls de plein droit).
Limite : on admet que le mineur non émancipé conclue des actes d’administration non lésionnaires.
Un majeur en curatelle peut prendre à bail seul, dans la mesure où la prise à bail peut être qualifiée d’acte d’administration. Sinon, il
faut l’autorisation du curateur.
Art. 1714, C. civ.: le bail verbal est valable le bail est un contrat consensuel, qui se forme par le seul échange des consentements,
sans qu’aucune formalité complémentaire ne soit nécessaire.
Le plus souvent, la rencontre des volontés va se faire selon le schéma classique de la rencontre d’une offre et d’une acceptation. Mais
rien n’interdit aux parties de conclure un contrat préparatoire, tel qu’un pacte de préférence. Une fois le contrat formé, bailleur et
preneur sont liés.
Le droit de créance du preneur contre le bailleur est normalement opposable aux tiers automatiquement, sans aucune
formalité particulière
Dans certains cas, ce droit de créance ne devient opposable aux tiers que s’il a été publié :
Baux immobiliers de plus de 12 ans
Baux de fond de commerce
Licences de brevet ou de marque
Sur quoi doit se réaliser l’accord des volontés pour que le bail soit valablement formé ?
La règle de principe est qu’il faut que les parties se mettent d’accord sur les éléments essentiels du contrat de bail. Mais alors quels
sont ces éléments essentiels ?
La chose louée
Cela peut être n’importe quelle chose, mobilière ou immobilière, corporelle ou incorporelle. Mais il faut que la chose :
- Existe au moment de la conclusion du bail
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- Soit dans le commerce : sont exclues du bail les parties du corps humain (ex. prohibition des mères porteuses car considéré comme
une location de ventre !)
- Ne soit pas consomptible au premier usage, sinon le locataire deviendrait propriétaire le temps du bail, ce qui est impossible puisque
le bail n’est pas constitutif de droit réel : on ne peut exercer l’usus sur une chose consomptible sans exercer en même temps l’abusus.
- Soit déterminée ou déterminable
Le loyer
Le loyer doit exister : sans loyer il s’agit d’un prêt à usage et non d’un bail.
Le montant du loyer est lui aussi un élément essentiel. Pour que le bail soit valablement formé, faut-il que le montant du loyer soit
déterminé ou déterminable ?
- Argument contre la détermination
Ass. Plén., 1er décembre 1995 : la détermination du prix n’est plus une condition de validité du contrat, sauf disposition contraire (il
s’agissait en l’occurrence de contrats cadres de distribution).
Le Code civil ne précise rien sur cette question, aussi il faut appliquer la solution de l’Assemblée plénière : le bail doit être
valablement formé, même à défaut d’accord des parties sur le loyer (un contrôle des abus dans la fixation du loyer se faisant a
posteriori). Ex. CA Paris, 5 juin 1998.
- Argument pour la détermination
En 1995, l’Ass. Plén. a statué à propos de contrats dans lesquels il est impossible de s’engager à long terme sur un prix.
Dans le bail, la prestation due par le bailleur est connue dès le départ (faire jouir de la chose pendant un certain temps) et parfaitement
circonscrite, aussi il faut par symétrie faire de même pour les obligations du preneur, le loyer doit être précisément identifié.
Ex. 1ère civ. 13 juin 1999: une promesse de bail ne vaut pas bail puisque les parties ne se sont pas mises d’accord sur le montant du
loyer.
La doctrine est plutôt en faveur de la détermination. En pratique, le plus souvent les parties se mettent d’accord sur le loyer au
moment de la conclusion du contrat de bail (le locataire serait inconscient de laisser le bailleur fixer le loyer unilatéralement le
moment venu !).
La durée
L’art. 1709, C. civ. parle d’un « certain temps ».
La durée doit-elle être déterminée au moment de la formation du contrat ? Non : le régime général du C. civ. admet que le bail soit
conclu à durée indéterminée.
§3 : La preuve du bail
Celui qui veut prouver l’existence d’un contrat de bail auquel il n’est pas partie doit prouver un fait preuve par tout moyen
(témoignage, indices…).
Deux hypothèses :
Le bailleur prétend que le contrat litigieux n’est pas un bail mais une convention d’occupation précaire
Le bailleur prétend que le preneur lui doit des loyers en vertu du contrat de bail, le preneur soutient que non, invoquant le fait
que le contrat et un prêt à usage (contrat à titre gratuit) et non un bail.
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Modes de preuve : régime plus strict que ne l’est le droit commun de la preuve des contrats. Cependant, la jurisprudence a assoupli ce
régime.La preuve pourra être apportée de quatre façons :
Art. 1715, C. civ: écrit authentique ou sous seing privé. Il est exigé même si l’intérêt en jeu est inférieur à 1500 €, et quel que
soit le bail.
Art. 1715, al. 2, C. civ: serment déféré à celui qui nie le contrat de bail.
= technique du serment décisoire du droit commun des contrats : le contractant qui dit qu’il y a contrat de bail fait jurer à
l’autre qu’il n’y a pas de bail. S’il jure, il gagne, sinon il peut renvoyer le serment. C’est un peu archaïque, et donc peu utilisé.
Aveu : les juges ont admis qu’il a la même force probatoire que l’écrit. Mais il y a peu de chance que celui qui nie avoue
finalement !
Commencement d’exécution du bail
Les juges ont interprété a contrario l’art. 1715, C. civ.
Art. 1715, C. civ: « Si le bail fait sans écrit n’a encore reçu aucune exécution et que l’une des parties le nie, la preuve ne peut être
reçue par témoin quel que modique en soit le prix » Si le bail a reçu un commencement d’exécution, il peut être prouvé par témoin.
Pour prouver l’existence d’un bail il faudra d’abord prouver qu’il a reçu un commencement d’exécution (chose utilisée et loyer payé).
Comme il s’agit de faits, on peut prouver par tout moyen.
Ensuite on peut prouver le bail par témoin.
Il existe des règles particulières en ce qui concerne le montant du loyer ou la durée du bail.
La preuve ne peut être rapportée que par l’un des trois modes de preuve prévus par l’art.1716, C. civ:
Quittances délivrées par le bailleur (= document écrit reconnaissant le paiement du loyer)
Serment du bailleur (à défaut de quittance et si le bail a reçu un commencement d’exécution). Cela en dit long sur l’esprit du
Code civil, défenseur de la propriété immobilière et de la fortune de la bourgeoisie de l’époque (le locataire est d’un niveau
modeste comparé au propriétaire de l’immeuble).
Estimation par expert. Si l’évaluation de l’expert est supérieure au montant indiqué par le bailleur, le preneur devra en
supporter la charge (devra payer les frais d’expertise et le montant du loyer expertisé).
A/ Généralités
Dans le système du C. civ., le bail peut être conclu à durée déterminée ou indéterminée.
Certains évènements vont entraîner une cessation anticipée du bail, vont réduire la durée du bail par rapport à ce qu’elle aurait dû
être :
Perte de la chose louée par cas fortuit (art. 1741, C. civ.) :
- Perte totale
Le bail est frappé de caducité (= un contrat valablement formé ne peut plus continuer à produire effet à cause de la disparition d’un
élément essentiel pour qu’il puisse continuer).
A la perte totale de la chose louée, la jurisprudence assimile la perte partielle lorsque cette destruction partielle a une ampleur telle
qu’elle empêche en fait le locataire de jouir de la chose : 3ème civ., 19 mars 1997 (Bull. III, n°62).
- Perte partielle
Le locataire a une option (art. 1722, C. civ.) :
Résilier le bail ou maintenir le bail moyennant une réduction du loyer
Confusion
= réunion sur une même tête de deux qualités juridiques qui auparavant étaient disjointes
= le locataire devient, en cours de bail, propriétaire de la chose louée
Lorsque le bailleur aliène la chose louée, il n'est plus en mesure d'exécuter l'obligation que le bail met à sa charge (procurer la
jouissance du bien au locataire). Si on admettait que le bailleur puisse aliéner la chose, libre de toute location, cela reviendrait à
reconnaître au bailleur la possibilité de résilier unilatéralement le contrat. D'un autre coté, le bailleur a le droit d'aliéner son bien
comme il l'entend, en vertu de son droit de propriété.
La règle de l'art. 1743 est donc un compromis : le bailleur peut aliéner sa chose et le bail est transféré au nouveau propriétaire.
→ Les intérêts du locataire sont eux aussi sauvegardés.
Cette règle n'est pas d'ordre public et les parties peuvent y déroger : si le contrat contient une clause écartant le mécanisme de la
cession légale, l'aliénation de la chose louée provoque la cessation anticipée du bail.
Le locataire pourra obtenir une indemnisation prévue par les arts. 1745 à 1750, C. civ.
Pour que la date de cessation du bail puisse être retardée, il faut nécessairement être en présence d’un bail à durée déterminée.
Il se peut que le bail prolonge ses effets au-delà du terme extinctif initialement prévu : prorogation (= allongement conventionnel de la
durée du bail)
Avant l’arrivée du terme extinctif, rien n’empêche les parties de se mettre d’accord pour repousser ce terme : les parties sont libres de
modifier d’un commun accord le contrat initial.
Ne pas confondre la prorogation avec :
* Reconduction tacite
Concerne un bail à durée déterminée, arrivant à son terme. Lors de la survenance du terme, le bail prend fin, automatiquement. Mais
le locataire continue d'occuper les lieux et le bailleur le laisse faire.
Le C. civ. y voit un accord tacite : la reconduction tacite. Ce n'est pas une prorogation du bail initial car ce bail initial a pris fin : cette
reconduction tacite correspond à la formation tacite d'un nouveau contrat de bail, qui succède au précédent.
Ce nouveau contrat s'est évidemment constitué oralement et il est donc nécessairement à durée indéterminée.
* Renouvellement
Hypothèse d'un bail à durée déterminée.
Le renouvellement est un accord exprès des parties, par lequel, à l'arrivée du terme, elles conviennent de conclure un nouveau bail, à
des conditions différentes du précédent (le loyer, en général).
Le renouvellement et la reconduction donnent lieu à un nouveau bail, ce qui les distingue de la prorogation (où le contrat de bail
initial se poursuit).
Tout ceci ne vaut que pour les baux soumis au régime général du bail, c'est à dire aux règles du code civil. Les baux à usage
d'habitation, ruraux, commerciaux, sont soumis à une législation spéciale.
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§ 2 : Les obligations créées par le bail
Elles incombent à la fois au bailleur et au preneur puisque le bail est un contrat synallagmatique.
Art. 1709, C. civ.: le bailleur a obligation de faire jouir le preneur de la chose louée.
Le bail crée à la charge du bailleur une obligation conjonctive de faire jouir le preneur de la chose louée = obligation complexe qui
comporte plusieurs obligations particulières :
1) Obligation de délivrance
a) Contenu légal
- Lorsque la chose louée est un immeuble servant à l'habitation principale du locataire, le bailleur doit délivrer un logement décent
(art. 1719, 1°, C. civ. depuis la loi SRU du 13 décembre 2000 « Solidarité et renouvellement urbain »).
3ème civ., 15 décembre 2004 (Dalloz 2005 page 109) : n’est pas un logement décent celui qui n’est pas équipé en eau courante. En
l’espèce le bailleur était l’OPAC. L’OPAC avait conclu un bail en 1983 avec une locataire en difficulté moyennant un loyer de 9€. Au
moment de la conclusion du contrat, le bailleur avait averti la locataire que l’immeuble n’était pas équipé en eau courante et avait
proposé de reloger la locataire qui a refusé. En dépit des circonstances, le juge a considéré que le logement délivré n’était pas décent.
- La chose délivrée doit être « en bon état de réparation de toute espèce » (art. 1720, C. civ.).
Avant de délivrer la chose, le bailleur doit faire toutes les réparations nécessaires pour que le preneur puisse jouir de la chose dans les
meilleures conditions : il doit effectuer toutes les réparations requises, y compris celles qui ensuite, en cours de bail, incomberont au
locataire (« de toute espèce »).
→ Le droit du preneur n'est pas un droit réel sur la chose louée, mais un droit de créance contre le bailleur. Si c'était un droit réel, le
preneur devrait prendre la chose dans laquelle elle se trouve, comme dans la vente.
Cette obligation de délivrance peut être aménagée conventionnellement par les parties,
b) Aménagement conventionnel
Certaines dispositions sont intangibles, on ne peut y déroger : le bailleur aura toujours l’obligation de mettre à la disposition du
locataire la chose louée avec ses accessoires (1ère civ., 11 octobre 1989).
Par contre le bailleur peut être déchargé de l’obligation de délivrer la chose louée « en bon état de réparation de toute espèce ».
* Clause travaux
= moyennant une réduction de loyer, le locataire s’engage à prendre à sa charge certains travaux dont la chose louée a besoin.
L’inexécution de l’obligation de délivrance sera sanctionnée par les règles du droit commun des contrats :
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Action en exécution forcée
Si le manquement à l’obligation de délivrance tient au fait que le logement délivré n’est pas décent, la seule sanction envisagée par la
loi est la résolution forcée → le bailleur sera condamné à mettre le bien en conformité.
Responsabilité contractuelle
L’obligation de délivrance incombant au bailleur est une obligation de résultat. Ainsi le bailleur ne peut échapper à la responsabilité
qu’il encourt qu’en rapportant la preuve d’une force majeure.
2) Obligation d’entretien
a) Contenu
L’obligation d’entretien de la chose louée est une obligation de faire à exécution continue : elle est due par le bailleur jusqu’à la fin du
bail.
Art. 1719, 2°, C. civ; Art. 1720, al. 2, C. civ: Le bailleur a « l’obligation d’entretenir la chose louée » en état de servir à l’usage pour
lequel elle a été louée de telle sorte qu’ « il doit y effectuer pendant toute la durée du bail toutes les réparations qui peuvent devenir
nécessaires autres que les locatives ».
→ Le bailleur doit effectuer au début du bail les réparations de toute espèce, puis il devra par la suite prendre en charge toutes les
réparations, à deux exceptions :
* Réparations locatives
Ce sont les réparations de menu entretien.
L’art. 1754, C. civ. fournit une première liste exemplative de réparations locatives. Un décret du 26 Août 1987 dresse quant à lui une
liste beaucoup plus détaillée de ces réparations.
* Réparations quand la chose a été détruite toute ou partie par un événement de force majeure
En cas de destruction, le bail est frappé de caducité, il prend fin.
La jurisprudence assimile à la destruction par force majeure le cas où le coût des travaux de réfaction excède la valeur de la chose
louée : 3ème civ., 3 juin 1971
Il n’est pas rare qu’une clause soit stipulée dans le contrat de bail, laquelle allègera l’obligation du bailleur.
La clause mettra à la charge du locataire les grosses réparations au sens de l’art. 606, C. civ. (ex. 3ème civ., 13 juillet 2005, RTD civ.
2005 page 795).
En matière d’usufruit, il est prévu que si la chose a besoin de réparations, c’est à l’usufruitier de les faire, sauf les grosses réparations
(qui incombent au nu-propriétaire). Mais dans les baux, on peut prévoir une clause contraire.
Résiliation
Ici le manquement du bailleur n’est pas intervenu dès le début du bail, la sanction est donc une résiliation.
Il faudra demander au bailleur de faire les réparations nécessaires. Après un délai raisonnable, si rien n’est fait, il peut être réclamé au
juge le prononcé de la résiliation.
Responsabilité contractuelle
Le locataire doit immédiatement avertir le bailleur des désordres affectant la chose louée et qui nécessitent des réparations. Dans
l’hypothèse où le locataire tarde à faire part au bailleur des réparations à faire sur le bien, il commet une faute qui peut causer un
préjudice au bailleur (aggravation du coût des réparations…).
3ème civ., 9 février 2005 : « Le locataire ayant tardé à avertir le bailleur des désordres intervenus dans la chose louée, avait commis
une faute ».
La faute de la victime (locataire) est une cause d’exonération partielle de la responsabilité du bailleur.
3ème civ., 11 janvier 2006 : si la chose louée vient à avoir besoin d’être réparée en cours de bail et que la réparation ne rentre pas dans
la catégorie des réparations locatives, le locataire doit avertir le bailleur et lui demander de faire la réparation. Seulement ensuite il
pourra engager une des trois sanctions : se de sa propre initiative il fait faire les travaux, il ne sera pas remboursé.
Art. 1721, C. civ. : il est dû garantie pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage quand bien même le
bailleur ne les aurait pas connus lors du bail.
Le C. civ. ne précise pas que les vices ou défauts doivent être cachés. Mais très rapidement la jurisprudence a jugé que le bailleur ne
répondait que des vices cachés : Cass., 10 juin 1949 (Dalloz 1949, page 496).
Exemples :
Présence de rats dans les lieux (Doué, 24 octobre 1907)
Rupture d’une canalisation d’eau (Soc., 24 février 1960)
Panne d’un local frigorifique ayant entraîné une rupture dans la chaîne du froid (Paris, 24 février 1988)
Présence d’amiante dans les lieux loués (3ème civ., 2 juillet 2003)
Cette originalité est double car la garantie contre les vices cachés est à certains égard plus sévère / moins sévère que dans la vente.
Obligation plus sévère dans le bail que dans la vente
- Le bailleur est tenu de garantir le locataire contre les vices cachés de la chose louée, même si l’origine du vice est postérieure à la
conclusion du contrat de bail
Justification : la vente est un contrat translatif de propriété et ce transfert implique le transfert des risques : à compter de la vente, la
charge des risques incombe à l'acheteur. Or le bail n'est pas translatif de propriété, les risques ne sont pas transférés : le bailleur doit
répondre de tous les vices cachés, à quelque moment que naissent ces défauts.
- Dommages et intérêts : Art. 1721, C. civ: le bailleur sera tenu d’indemniser le preneur des vices cachés, même s’il était de bonne foi.
S’il résulte de ces vices ou défaut quelques pertes pour le preneur, le bailleur est tenu de l’indemniser.
Le bailleur est tenu d’indemniser le préjudice, quand bien même il aurait été de bonne foi lors de la conclusion du contrat de bail.
En matière de vente, l’acheteur peut agir en garantie contre le vendeur en introduisant soit une action rédhibitoire, soit estimatoire,
indépendamment de la bonne foi du vendeur. Mais il ne peut demander des dommages intérêts que si le vendeur est de mauvaise foi.
Lorsque le locataire constate le vice caché, il doit adresser au bailleur une mise en demeure dans laquelle il en informe le bailleur et le
somme d'y remédier.
Si le bailleur ne réagit pas, le preneur peut entreprendre une action, laquelle n'est pas enfermée dans un quelconque délai, auprès du
TI.
Lorsque le locataire introduit cette action il peut poursuivre la résiliation du bail ou mettre en jeu la responsabilité contractuelle du
bailleur (art. 1721, al. 2, C. civ).
4) Obligation de sécurité
Alors que le code civil n'envisage pas une telle obligation, la jurisprudence l'a créée.
a) Inutilité
Il est incontestable que les tribunaux ont créé une obligation de sécurité de moyen.
2ème civ., 2 décembre 1998 (RTD civ. 1999 page 407) : une commune louait sa salle des fêtes à une personne privée. Durant la
réception, la locataire a été brûlée par l'explosion de la gazinière, laquelle s'est retournée contre la commune. La locataire n'obtient pas
gain de cause, « la victime n'établissant pas que la commune avait manqué à son obligation de moyen de sécurité envers elle ».
Auparavant, le locataire victime d'un dommage corporel pouvait agir contre le bailleur soit sur le fondement de la garantie des vices
cachés, soit sur le fondement de l'obligation d'entretien le locataire devait prouver soit le vice caché, soit un manquement du
bailleur à son obligation d’entretien.
Maintenant, le locataire doit se fonder sur l’obligation de sécurité. Mais cela n’a aucun intérêt pour le locataire :
* Première hypothèse avant 1998
On suppose que le locataire était en mesure de prouver que le dommage corporel était imputable au vice caché.
Il lui suffisait alors de démontrer l'existence d'un vice caché, puis l'existence de son dommage, puis le lien de causalité. Le locataire
n'avait pas besoin de démontrer l'existence d'une faute du bailleur.
Aujourd'hui, avec l'existence de l'obligation de sécurité, et s'agissant d'une obligation de moyen, il incombe à la victime de démontrer
l'existence d'une faute commise par le bailleur. La tache du locataire est donc plus lourde. C'est une régression dans la protection de
l'intégrité physique du locataire.
Aujourd'hui il faut se placer sur le non-respect de l'obligation de moyen de sécurité, mais le locataire doit toujours démontrer la faute
du bailleur. Cet arrêt, dans cette deuxième hypothèse n'apporte rien de plus, ni de moins.
L’invention par la jurisprudence d’une obligation de sécurité à la charge du bailleur est, du point de vue du locataire, au pire
néfaste (toutes les fois où le dommage corporel est imputable à un vice caché, il ne peut plus agir sur ce fondement), au mieux inutile
(le locataire doit toujours prouver une faute).
b) Portée limitée
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69
Lorsque le bail porte sur un immeuble
Toutes les fois où ce bail concerne un immeuble qui sert de logement principal pour le locataire, la sécurité est incluse par la loi dans
l'obligation de délivrance.
En effet, depuis la loi SRU de 2000, l'obligation de délivrance qui incombe au bailleur lui impose de délivrer un logement décent (art.
1719, C. civ.) = qui ne présente pas de danger pour la sécurité et la santé du locataire.
Cette obligation de sécurité ne va servir que pour les baux portant sur un immeuble ne servant pas à l’habitation principale du
locataire.
Le Code parle d'obligation pour le bailleur d'assurer une «jouissance paisible » au preneur (art. 1719-3° et 1723 à 1727, C. civ.).
Comme dans la vente, cette obligation comporte deux faces :
Le bailleur répond de tout fait personnel de nature à troubler la jouissance du preneur. Ce fait personnel qui pourrait troubler la
jouissance du locataire peut consister dans une action ou dans une abstention.
Action
Le bailleur ne doit pas commettre d'actions susceptibles de troubler la jouissance du preneur.
Quatre conséquences :
- Art. 1723, C. civ: interdit au bailleur de changer la forme de la chose louée
- Art. 1724, C. civ: le bailleur ne peut pas en cours de bail entreprendre des travaux sur la chose louée. Limite : réparations urgentes.
Mais même en cas d’urgence, le locataire est protégé : ces réparations occasionnent un trouble de jouissance si elles durent plus de
40 jours, le locataire peut demander une réduction du loyer. Si l’exécution de ces réparations rend (temporairement) le logement
inhabitable, le preneur a la faculté de faire résilier le bail.
- 3ème civ, 10 novembre 1998 (Bull. III, n° 211) : le bailleur peut être condamné à indemniser le locataire si les travaux qu’il effectue
dans un immeuble voisin (dont il est également propriétaire) cause un trouble de jouissance au propriétaire.
- 3ème civ, 23 février 2004 : le bailleur ne peut pas faire visiter les lieux loués sans l’accord du locataire.
Abstention
Le bailleur doit répondre de ses simples abstentions qui seraient susceptibles d’engendrer un trouble de jouissance pour le locataire.
Ex. 3ème civ., 28 février 1990 : le propriétaire d’un immeuble loue des appartements. Il entreprend de faire ravaler la façade. Un
échafaudage est installé sur toute la façade et une bâche est posée pour protéger les passants. Mais cette bâche permet également aux
cambrioleurs de se cacher.
Le locataire s’est retourné contre le bailleur sur le fondement de la garantie contre l’éviction : le bailleur a causé un trouble de
jouissance au locataire en raison d’une double abstention :
- Le bailleur ne s’est pas assuré que toutes les précautions relatives à la sécurité des locataires avaient été prises
- Le bailleur n’avait donné aucun conseil de vigilance particulière aux locataires
Le fait personnel du bailleur est conçu de façon extensive par les tribunaux, d’autant plus que la jurisprudence assimile au fait
personnel du bailleur le fait de ses préposés et le fait des autres locataires du bailleur.
Si un locataire est victime d’un trouble de jouissance à cause d'un fait imputable à un autre locataire, ce premier locataire peut se
retourner contre le propriétaire sur le fondement de la garantie d'éviction.
Ex. 3ème civ., 4 mars 1987 : un locataire est victime d'infiltrations d'eau (trouble de jouissance) qui avaient pour origine un dégât des
eaux dans un appartement loué à un autre locataire.
Ex. CA Paris, 10 février 2000 : deux terrasses, le locataire du dessus nourrit les pigeons. Le locataire du dessous est privé de la
jouissance de sa terrasse.
Ex. 3ème civ., 19 mai 2004 : le logement subit des dégradations à la suite d’un incendie qui a pris naissance chez un autre locataire du
bailleur (le voisin de pallier avait oublié d’éteindre sa gazinière qui a explosé).
Ex. 3ème civ., 20 avril 2005 : l’un des locataires de l’immeuble était particulièrement pénible à l’égard des autres locataires car se
livrait régulièrement à des injures… et faisait beaucoup de bruit.
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Trouble de fait
= un tiers n’invoque aucun droit sur la chose louée le locataire est simplement victime d’une voie de fait (ex. cambriolage, squat).
Art. 1725, C. civ. : le preneur ne peut pas se plaindre des troubles de fait émanant d’un tiers sur le fondement de la garantie contre
l’éviction.
C’est logique : c’est au locataire de se défendre tout seul parce qu’il dispose pour cela des actions possessoires (art. 2282, al. 2, C.
civ.).
Trouble de droit
= un tiers se prétend titulaire d’un droit relatif à la chose louée. Si le droit est reconnu, il entraînera une éviction totale ou partielle du
locataire dans sa jouissance.
Le locataire peut agir contre le bailleur sur le fondement qu’a celui-ci d’assurer une jouissance paisible. Le locataire doit d’abord
dénoncer au bailleur le trouble dont il est victime. Une fois qu’il sera assigné par le tiers, le locataire devra appeler en garantie le
bailleur (lequel deviendra alors partie à l’instance).
Si le locataire est évincé, il faut distinguer selon que l’éviction est :
- Totale : le preneur pourra obtenir la résiliation du bail et une indemnité d’éviction
- Partielle : le preneur pourra demander une diminution du loyer
Le bail crée à la charge du preneur des obligations qui valent pendant la durée du contrat et une obligation qui sera due en fin de bail.
La nature du loyer
Art.1728-2°, C. civ: le locataire est tenu « de payer le prix du bail au terme convenu. »
Le loyer a un caractère monétaire : cela semble être une somme d’argent versée en contre partie de l’utilisation d’une chose.
Mais le loyer peut parfaitement ne pas avoir un caractère monétaire : ce peut être une prestation en nature (fourniture d’un service)
que le locataire s’engage à fournir au bailleur : 3ème civ. 17 mars 1975.
Le paiement du loyer
La commission des clauses abusives recommande de considérer comme abusive la clause prévoyant que le paiement du loyer
s’effectuera par prélèvement bancaire automatique.
Le bailleur a généralement comme crainte de ne pas être payé par le locataire certains ont imaginé d’insérer une clause par laquelle
le paiement résultera d’un prélèvement automatique.
Juridiquement, cette recommandation de la commission des clauses abusives n’est pas impérative, même si on constate en pratique
que les juges suivent ses avis.
Le paiement du loyer s’étale dans le temps : obligation à exécution successive. Le bailleur peut redouter qu’en cours de bail le
locataire devienne insolvable il dispose d’un certain nombre de garantie pour le paiement du loyer.
* Garantie légale
= privilège du bailleur (art. 2332-1°, C. civ.) valable seulement pour les baux immobiliers.
Ce privilège du bailleur d’immeuble porte sur les meubles garnissant les lieux loués : quand le loyer n’est pas payé, le bailleur fait
saisir les meubles, les fait vendre aux enchères publiques et récupère l’argent.
Art. 1752, C. civ: le locataire qui ne garnit pas la maison de meubles suffisants peut être expulsé.
S’il n’y a pas suffisamment de meubles, le privilège du bailleur est inefficace.
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Il y a une hiérarchie des privilèges dans laquelle celui du bailleur n’est pas très bien situé garantie légale pas assez protectrice.
* Garantie conventionnelle
Le cautionnement : Le bailleur demandera que la caution (une personne) accepte de payer la dette du débiteur défaillant.
Le dépôt de garantie : Le bailleur exige du locataire le dépôt d’une somme d’argent, appelée en pratique une caution (appellation
impropre car la caution est une personne).
Le bailleur dispose d’un délai de cinq ans pour agir en paiement des loyers (art. 2277, C. civ.).
Peut-on ne pas payer son loyer quand un bailleur n’exécute pas ses obligations ?
Le locataire ne peut pas systématiquement refuser de payer au motif que le bailleur n’aurait pas satisfait à ses obligations. Le locataire
qui refuserait de payer un loyer imposerait l’exception d’inexécution.
Mais cette exception est un procédé de justice privée. Une telle riposte est tolérée si elle est proportionnée à l’attaque : 3ème civ., 27
septembre 2005 (Loyer et copropriété 2006, n° 34). Or le refus de payer de loyer est le refus d’exécuter son obligation essentielle
elle ne sera proportionnée que si l’inexécution du bailleur touche une obligation essentielle du bailleur.
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Respecter la substance de la chose louée
C’est l’aspect le plus important pour le locataire. Cela implique pour lui deux choses :
- Ne pas altérer la chose louée
= ne pas rendre « autre » le chose qu’elle était au départ.
Art. 1732, C. civ. : la responsabilité du locataire repose sur une présomption simple de faute. Pour s’exonérer, il appartient au locataire
de prouver soit qu’il n’a pas commis de faute, soit que la perte ou dégradation de la chose louée résulte de la vétusté de la chose ou
d’un cas de force majeure (art. 1730, C. civ.).
Le bailleur n’a pas à prouver la faute du preneur : il suffit de démontrer que la chose a été détruite en tout ou partie.
Il existe un régime de responsabilité alourdi lorsque la perte de la chose louée provient d’un incendie (art. 1733, C. civ.) : le locataire
ne va pas pouvoir s’exonérer en prouvant qu’il n’a pas commis de faute.
Il ne va pouvoir le faire qu’en établissant l’un des trois cas d’exonération limitativement énumérés par l’art. 1733 : si l’incendie
présente les caractères de la force majeure (3ème civ., 21 septembre 2005 RJDA 2005, n°1322), si l’incendie a été communiqué par
une maison voisine, s’il y a vice de construction.
Si le locataire ne parvient pas à établir l’une de ses trois causes d’exonération, il sera de plein droit responsable. La doctrine critique
aujourd’hui cette rigueur. Les rédacteurs du Code avaient adopté cette responsabilité aggravée car il y avait alors une grande crainte
de l’incendie (toutes les maisons étaient chauffées au bois).
En fin de bail le preneur doit restituer la chose louée telle qu’il l’a reçue, sous réserve de la détérioration de la chose liée à la vétusté
ou à une force majeure.
Restituer la chose louée
3ème civ., 5 février 2003 (RJDA 2003, n°363) : la restitution de l’immeuble loué en fin de bail suppose la remise des clés et
l’enlèvement de l’ensemble des effets mobiliers du locataire.
Les sanctions de l’inexécution de ces obligations sont celles du droit commun des contrats :
Exécution forcée
Concernant l’obligation de respecter la substance, l’exécution forcée prendra la forme d’une remise en état de la chose louée qui en
principe ne pourra être exigée qu’à la fin du bail.
L’histoire de la législation spéciale des baux d’habitation révèle deux idées force :
Expansion progressive de la législation spéciale des baux d’habitation recul progressif de la réglementation générale du C.
civ. dans ce domaine
Jusqu’à la Première Guerre Mondiale, les baux d’habitation ont été entièrement soumis aux règles du Code civil et il n’y avait pas de
réglementation spéciale. Il a fallu faire face après la première Guerre Mondiale à une crise du logement due aux destructions
provoquées par la guerre interventionnisme législatif.
Au départ les lois prises n’ont pas eu pour objet de bâtir une législation spéciale dérogatoire : il s’agissait d’apporter ponctuellement
tel ou tel correctif au régime général du Code pour faire face à la crise.
Arrive la seconde Guerre Mondiale et une deuxième crise du logement. L’intervention législative a été autre.
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Une loi du 1er septembre 1948 établit un statut particulier pour les baux d’habitation portant sur les immeubles construits avant 1948.
Par la suite c’est la totalité des baux d’immeuble à usage d’habitation qui s’est vue soumise à une législation spéciale :
Loi du 22 juin 1982 (Loi Quillot) : gouvernement de gauche
Loi du 23 décembre 1986 (Loi Méhaignerie) : cohabitation
Loi du 6 juillet 1989 (Loi Mermaz), remaniée par une loi du 21 juillet 1994
Cette législation spéciale a une dimension politique très forte.
Aujourd’hui tous les baux d’habitation font l’objet d’une réglementation spéciale.
Réglementer les baux d’habitation représente un casse-tête pour le législateur car il est confronté à deux données antagonistes
entre lesquelles il faut trouver un point d’équilibre
Donnée économique
Du point de vue des bailleurs, donner à bail c’est exploiter leur bien : c’est un moyen de s’aménager des revenus à l’aide de son
capital immobilier. Il faut donc que la législation des baux d’habitation soit un mode attractif d’exploitation du capital. Si on néglige
cette donnée économique, les propriétaires ne donneront plus à bail et il y aura une pénurie de logements.
Donnée sociale
Du point de vue des locataires, prendre à bail c’est le moyen de satisfaire un besoin social fondamental : se loger. Le Conseil
constitutionnel parle même du droit à un logement décent (CC, 19 janvier 1995).
La donnée sociale va dans le sens de la protection des locataires, alors que la donnée économique va dans le sens de la plus grande
liberté possible pour le bailleur. Il y a donc eu, au gré des influences politiques, différentes tendances et inspirations :
La loi du 1er septembre 1948 était résolument d’aspiration sociale : elle visait fondamentalement à protéger les locataires
La loi de 1982 était également sociale et a engendré une réaction des bailleurs : ils ont considéré que ça ne valait pas le
coup de louer en l’état de la législation. Il s’en est suivi une crise du logement
La loi de 1986 était économique
La loi de 1989 essaie de trouver un point d’équilibre entre le social et l’économique
A l’heure actuelle, l’immense majorité de ces baux à usage d’habitation non-meublés (= le locataire prend le local vide) relève de la
loi du 6 juillet 1989. Il subsiste encore quelques logements construits avant 1948 qui restent soumis à cette loi de 1948.
a) La formation du bail
Avant de conclure le bail, le bailleur peut demander au candidat à la location de produire un certain nombre de documents. La loi
réglemente cette demande de documents.
Art. 22-2°, loi de 1989 :
Photo d’identité
Carte d’assuré social
Copie de relevé de compte bancaire
Attestation de bonne tenue du compte
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La loi de 1989 a retenu que la fixation du loyer initial est libre. Mais lors du renouvellement du bail, le bailleur ne pourra
augmenter le loyer que si le loyer antérieur était sous-évalué par rapport aux loyers habituellement pratiqués dans le voisinage (art. 7)
= critère du marché locatif local.
Le bailleur doit fournir trois références à l’appui de sa demande d’augmentation du bail (six si l’immeuble se trouve dans une ville de
plus d’un million d’habitants).
Le locataire peut refuser. Dans ce cas, l’une des parties pourra saisir la commission départementale de conciliation. Si la conciliation
échoue, le juge sera saisi et fixera lui-même le montant du nouveau loyer.
Le contrat de bail peut contenir des clauses permettant de faire évoluer le loyer.
Cause d’indexation : prévoit que le bailleur fera au cours du bail des travaux d’améliorations, contre une augmentation du loyer.
Limite : l’augmentation du loyer qui résulte du jeu de cette clause ne peut en aucun cas dépasser celui du coût de la construction émis
par l’INSEE.
L’écrit ne doit pas comporter des clauses qui confèrent au bailleur une position dominante (art. 4).
Si le bail comporte l’une des clauses énumérées par l’art. 4, le locataire peut quand même conclure le contrat puisque la clause est
réputée non écrite.
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NB : La loi de 1989 prévoit que les frais d’établissement du contrat de bail (coût de l’état des lieux, coût de l’écrit) doivent être
supportés pour moitié par chacun des cocontractants.
Sentiment d’un renforcement global des obligations du bailleur. Mais il y a des limites à ce renforcement.
Ex. 3ème civ., 18 décembre 2002 (Bull. III, n° 262) : immeuble appartenant à un seul propriétaire et comportant deux entrées.
L’entrée principale était équipée d’un digicode, l’entrée latérale équipée d’une serrure classique. Le propriétaire a décidé d’équiper les
deux entrées avec des digicodes. Quelques locataires juifs se sont plaint : leur religion interdit d’utiliser un appareil électrique le
samedi (jour du Sabbat).
Le fait personnel du bailleur trouble la jouissance des preneurs action en garantie d’éviction.
La Cour de cassation a estimé que « les convictions religieuses des preneurs n’entrent pas, sauf convention expresse, dans le champ
contractuel du bail et ne font naître à la charge du bailleur aucune obligation spécifique ».
D’autre part, la loi de 1989 impose au locataire de contracter une assurance couvrant le risque de voir sa responsabilité mise en jeu.
Remarques :
Les dispositions de la loi de 1989 sont d’ordre public (art. 2) on ne peut y déroger conventionnellement.
Contrairement à ce que prévoit l’art. 1717, C. civ., la loi du 6 juillet 1989 pose un principe d’interdiction de la cession de bail et de la
sous-location elles ne peuvent avoir lieu qu’avec l’autorisation écrite du bailleur.
Le bail qui arrive à son terme s’éteint. Mais au même moment, un nouveau contrat de bail se forme, de telle sorte qu’il n’y a aucune
discontinuité dans la jouissance de la chose louée : il y aura tacite reconduction si à l’arrivée du terme extinctif le bailleur ne dit rien.
Le nouveau bail tacitement formé l’est aux mêmes conditions que le précédent, y compris en ce qui concerne la durée (≠ régime
général : la durée devient indéterminée).
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Le bailleur peut, au moins 6 mois avant l’arrivée du terme, faire une offre au locataire de renouvellement le bailleur va vouloir
proposer de nouvelles conditions.
Si en principe le bail est à durée déterminée, il n’en demeure pas moins qu’est assurée une grande stabilité du locataire, soit par
tacite reconduction, soit par renouvellement.
Il faut respecter un délai de préavis de trois mois à compter de la réception du congé par le bailleur le congé délivré par le locataire
ne va pas produire effet sur-le-champ mais à l’expiration du délai de préavis.
Ce délai de préavis peut être réduit à un mois dans six hypothèses :
- Obtention d’un premier emploi
- Mutation (même si la mutation a lieu dans la même ville : 3ème civ., 22 octobre 2003 (Dalloz 2004, Sommaire page 842)
- Perte d’emploi
- Nouvel emploi consécutif à une perte d’emploi
- Locataire bénéficiaire du RMI
- Locataire de plus de 60 ans dont l’état de santé justifie le changement de domicile
Congé du bailleur
Son congé se présente sous les mêmes formes que celui du locataire (lettre avec AR) mais il ne peut pas intervenir à tout moment : il
ne peut être délivré qu’en fin de bail il va servir à empêcher la reconduction tacite ou le renouvellement.
Il faut respecter un délai de préavis de six mois à compter de la réception du congé.
Le congé du bailleur n’est pas discrétionnaire : il va devoir indiquer le motif pour lequel il délivre le congé au locataire. La loi n’en
prévoit que trois possibles :
Reprise de logement = congé « aux fins de reprise »
C’est lorsque le bailleur souhaite habiter le logement ou le faire habiter par l’un de ses proches : conjoint, concubin depuis au moins
un an, partenaire pacsé, ascendant ou descendant du bailleur.
Si le bailleur souhaite faire habiter le logement par l’un de ses proches, il doit indiquer dans le congé le nom du bénéficiaire de la
reprise.
Le bailleur ne peut pas reprendre le logement pour en faire une résidence secondaire : ce doit être pour une habitation principale. Si le
bailleur donne congé au locataire aux fins de reprise mais qu’il utilise le bien en résidence secondaire, le locataire aura droit à des
dommages-intérêts.
Vente du logement (la valeur vénale d’un immeuble est supérieure s’il n’est pas loué)
Le locataire dispose d’un droit de préemption quant à la vente de ce bien.
Le congé envoyé au locataire (au moins six mois avant la fin du bail) vaut offre de vente au locataire il doit préciser le prix de
vente et les principales conditions de la vente projetée. Cette offre est valable deux mois.
Si le locataire décide d’acheter le logement qu’il occupait, il droit transmettre sa décision dans les deux mois.
L’acte de vente (notarié ou sous seing privé) doit être réalisé dans les deux mois qui suivent l’envoi par le locataire de sa lettre
d’acceptation de l’offre, quatre mois si le locataire a précisé dans sa lettre d’acceptation qu’il allait demander un emprunt.
Si l’acte de vente n’est pas dressé dans ce délai de deux mois porté à quatre, l’acceptation du locataire sera considérée comme nulle.
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Si le bailleur voulait vendre le logement à une personne en particulier, il préciserait dans le congé un prix de vente élevé qui
empêcherait au locataire de préempter.
Le législateur a anticipé cette fraude : lorsque le locataire n’exerce pas son droit de préemption, le contrat de vente que le bailleur aura
conclut avec le tiers acquéreur devra être notifié au locataire. Le locataire aura un mois pour se substituer au tiers acquéreur.
Loi du 13 juin 2006 : lorsqu’un propriétaire vend l’ensemble d’un immeuble comportant plus de dix appartements, le locataire dispose
d’un droit de préemption sur le logement qu’il occupe, à moins que le tiers acquéreur ne s’engage à proroger le bail pendant au moins
six ans à compter de la vente.
Le bailleur ne pourra pas donner congé (même pour l’un des trois motifs légaux) au locataire âgé de plus de 70 ans et aux revenus
annuels une fois et demie inférieurs au SMIC, sauf à lui proposer un logement équivalent correspondant à ses ressources et dans une
zone géographique proche.
Lorsque le bail cesse, la restitution du dépôt de garantie doit se faire dans les deux mois de la remise des clés.
Si le bailleur tarde, il faut lui rappeler que cette non-restitution va porter intérêt légal automatiquement.
Si le bailleur est particulièrement récalcitrant et qu’un litige survient à propos de cette restitution :
Si le dépôt est inférieur à 4000 €, il faut saisir le juge de proximité
Si le dépôt est supérieur à 4000 €, il faut saisir le TI
Si le bailleur veut s’opposer à la tacite reconduction du bail, il doit informer le locataire trois mois avant l’arrivée du terme. Il doit
invoquer l’un des trois motifs prévus pour les logements non meublés (reprise, vente, motif sérieux et légitime).
S’il n’est pas en mesure d’invoquer l’un de ces motifs, a priori il va y avoir tacite reconduction. Néanmoins, le bailleur peut proposer
au locataire de renouveler le contrat à des conditions différentes : trois mois avant l’arrivée du terme il doit faire savoir au locataire
qu’il propose de nouvelles conditions soit le locataire accepte et le nouveau bail aura de nouvelles conditions, soit il refuse et à
l’arrivée du terme le bail s’éteint et n’est remplacé par rien.
Le locataire peut résilier la location meublée à tout moment sous réserve de respecter un préavis d’un mois.
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B/ Les baux commerciaux
Ce sont les baux d’immeuble qui sont loués à des commerçants ou des artisans pour l’exploitation de leur activité. Ils sont régis par
les art. L545-1 s., C. com. On retrouve trois caractéristiques :
La réglementation des conditions dans lesquelles la destination contractuelle des lieux loués peut être modifiée
= Déspécialisation
Le bail commercial précise la destination de l’immeuble loué. Outre l’indication de l’usage commercial, on indique le type de
commerce qui va être exploité (ex. vente de matériel de pêche). Si le commerçant veut changer d’activité, il s’agit d’une
déspécialisation.
La déspécialisation est possible mais elle obéit à une procédure assez lourde.
Sauf stipulation contraire dans le contrat de bail commercial, la sous-location est interdite.
En revanche la cession de bail est autorisée.
= Baux de locaux qui sont affectés exclusivement à l’exercice d’une profession libérale.
C’est l’art. 57A de la loi du 23 décembre 1986 (loi Méhaignerie) qui réglemente ces cas.
A l’arrivé du terme, il s’opère une reconduction tacite du bail professionnel pour la même durée, à moins que l’une ou l’autre des
parties n’ait manifesté sa volonté de ne pas reconduire le bail. Cette volonté doit être manifestée au moins six mois avant l’arrivée du
terme extinctif pour être efficace.
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Jusqu’à présent, si les baux professionnels étaient soumis à un régime propre, distinct du bail commercial, c’est parce que
traditionnellement les clientèles civiles, parce qu’elles sont attachées à la personne du praticien, étaient hors commerce.
Seulement la Cour de Cassation considère désormais que la cession de clientèle civile n’est plus illicite : on peut céder un fonds
libéral. Ainsi les clientèles civiles s’alignent en quelques sortes sur les clientèles commerciales. Doit-on donc maintenir une législation
spécifique aux baux professionnels ?
1) Le statut du fermage
La fixation du loyer, le fermage, ne se fait pas librement. Le loyer ne peut être fixé par les parties qu’à l’intérieur d’une
fourchette établie dans chaque département par arrêté préfectoral.
Bail emphytéotique
= bail rural de longue durée (18 à 99 ans)
L’emphytéote est titulaire d’un droit personnel contre le bailleur ainsi que d’un droit réel sur le bien loué : l’emphytéose. Ce droit
permet à l’emphytéote d’effectuer des travaux d’amélioration, de construction ou de plantations nouvelles.
Le loyer, appelé redevance, est généralement modique car, à la fin du bail, les améliorations qu’aura pu effectuer l’emphytéote
profiteront au propriétaire.
Métayage : bail rural spécial dont l’une des caractéristiques principales est que le preneur ne verse pas au bailleur un loyer
mais il verse périodiquement une part de sa production dans la limite d’1/3
B/ Le bail à construction
Art. L.251-1 s., C. construction et habitation : c’est un bail de longue durée (entre 18 et 99 ans).
Il crée à la charge du preneur l’obligation de faire des constructions et de les conserver en bon état pendant toute la durée du bail.
Pendant la durée du bail, le preneur a un droit réel sur les constructions édifiées. C’est un droit de superficie temporaire : à la fin du
bail, le bailleur deviendra propriétaire des constructions édifiées par le preneur.
Le prix du bail peut consister en un loyer mais il se peut que le loyer (ou une partie) ne soit pas en argent.
Art. L.251-5, C. construction et habitation : le prix du bail peut consister en toute ou partie dans la remise au bailleur, à des dates et
dans des conditions convenues :
D’immeubles ou de fractions d’immeubles
De titres donnant vocation à la propriété ou à la jouissance de tels immeubles
Transfert de propriété opéré avant la fin du bail = dérogation au principe.
Ce bail est souvent utilisé par les communes : la commune conclue un bail à construction avec un promoteur immobilier.
En principe les locations mobilières sont régies par le régime général du bail, mais pas toutes.
Les réglementations spéciales concernent parfois des locations de meubles corporels, mais plus souvent des meubles incorporels :
Bail à cheptel (troupeau d’animaux)
Licences de brevets d’invention, de marques, de dessins ou modèles, de droits d’auteur (C. propriété intellectuelle)
Location du fonds de commerce = location-gérance / gérance libre (art. L.144-1 s., C. com.)
( ! ) La location du fonds de commerce n’a rien à voir avec le bail commercial, qui porte sur un immeuble : le fonds de commerce est
un meuble.
Globalement, on considère que le fonds de commerce est incorporel. Le bail commercial peut être un élément du fonds de commerce
(si le commerçant loue les murs qui abritent le fond).
Location-gérance = contrat par lequel le propriétaire du fonds de commerce loue le fonds à un locataire, le gérant libre, qui va
exploiter le fonds de commerce pour son propre compte et à ses risques et périls.
La réglementation de la location du fonds de commerce relève à la foi du régime général et de son régime spécial (qui traite à la fois
de la formation et des effets de la location-gérance).
Le C. com. pose quelques conditions de validité et prévoit des règles de publicité de ce contrat.
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A/ Les conditions de validité
1) Les conditions à remplir par le bailleur
Par le contrat de location-gérance, le preneur acquiert la qualité de commerçant il doit avoir la capacité de faire des actes de
commerce car il est responsable des pertes et bénéfices (qui sont à sa charge).
Le contrat de location-gérance doit être publié dans un journal d’annonces légales dans les quinze jours.
Les effets du contrat sont principalement gouvernés par le C. civ. (régime général) :
Le locataire gérant est débiteur d’un loyer = redevance
En pratique le contrat contient une clause d’indexation (qui prévoit de faire varier le montant de la redevance en fonction d’un indice
prévu par les parties).
Si par le jeu de la clause d’indexation le montant de la redevance vient à varier de plus du quart par rapport à son montant initial,
chacune des parties pourra demander la révision de la redevance.
Titre 2. Le prêt
Le contrat de prêt est le contrat en vertu duquel le prêteur remet une chose à l’emprunteur afin que celui-ci s’en serve, à charge de
restitution.
La restitution ne peut pas se faire de la même manière dans ces deux types de prêt :
Pour le prêt à usage, la restitution se fait en nature : on restitue la chose elle-même
Si la chose est consomptible au premier usage la restitution va se faire par équivalent
Il n’y a pas de définition du prêt dans le Code civil parce que ce n’est pas un contrat unitaire : deux sortes de prêt très différents
l’un de l’autre.
> Commodum = avantage. Le commodat est un contrat qui procure un avantage à l’emprunteur car l’une de ses grandes
caractéristiques, c’est d’être gratuit.
Art. 1875 s., C. civ.
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§ 1 : La définition
Art. 1875 et 1876, C. civ: le prêt à usage est un contrat par lequel le prêteur (commodant) met, sans contrepartie, une chose non
consomptible à la disposition de l’emprunteur (commodataire) pour qu’elle s’en serve, à charge de la restituer après usage.
Trois caractéristiques :
Cette remise d’une chose pour usage permet de distinguer le prêt à usage du dépôt, dans lequel le dépositaire ne peut pas utiliser la
chose déposée : il ne doit qu’en conserver la garde.
La gratuité
Art. 1876, C. civ: ce prêt est essentiellement gratuit = la gratuité est de l’essence même du prêt à usage.
L’emprunteur va pouvoir utiliser la chose prêtée sans avoir à verser la moindre contrepartie au prêteur distinction avec le bail
(contrat à titre onéreux).
Le caractère réel
Le prêt à usage est un contrat réel (res = chose) = qui ne se forme que par la remise de la chose entre les mains du cocontractant (≠
contrat consensuel) : tant que la chose prêtée n’est pas remise entre les mains de l’emprunteur, le contrat n’existe pas.
Au moment de l’accord des volontés des parties, on est simplement en présence d’une promesse de prêt.
Le formalisme a pour fonction la protection de la volonté : le législateur entend protéger une des parties en l’obligeant à accomplir
une formalité pour attirer son attention sur le danger que peut représenter pour elle la formation du contrat (ici, gratuité du prêt).
Le caractère unilatéral
La remise de la chose prêtée entre les mains de l’emprunteur ne peut pas être une obligation contractuelle puisque le prêt à usage
n’existe pas encore tant que cette remise n’a pas eu lieu.
Il ne reste donc des obligations qu’à la charge de l’emprunteur.
Le caractère unilatéral se déduit ici du caractère réel.
S’il n’avait pas été un contrat réel, il aurait été synallagmatique : le contrat aurait été formé dès le consentement des parties et
l’obligation de délivrer la chose prêtée aurait été la première à devoir être exécutée.
Le caractère gratuit
Il est parfois délicat de savoir si on est en présence d’un bail ou d’un prêt à usage.
Ex. 3ème civ., 14 janvier 2004 (RJDA n°812) : un contrat portant sur un immeuble qualifié par les parties de contrat de prêt à
usage car l’emprunteur n’avait pas de loyer à payer. Cependant, l’une des clauses prévoyait que l’emprunteur devait prendre à sa
charge toutes les charges afférentes à l’immeuble, notamment la taxe foncière.
La Cour de cassation a requalifié le contrat : si c’est l’emprunteur qui doit prendre en charge la taxe foncière, le contrat est à titre
onéreux, ce qui empêche qu’on puisse le qualifier de prêt à usage, donc il s’agit d’un bail.
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Ex. les parties ont qualifié le contrat de bail mais ont prévu un loyer dérisoire (tellement faible qu’assimilable à l’absence totale de
loyer) : requalification en contrat de prêt à usage.
Dans l’esprit des rédacteurs du Code, le prêt à usage est un contrat dont le domaine de prédilection est la famille ou l’amitié : contrat
de bienfaisance qui rend service à l’emprunteur et n’apporte rien au prêteur.
Aujourd’hui, ce caractère gratuit, désintéressé, est dans un certain nombre de cas estompé : dans un certain nombre d’utilisations
contemporaines du prêt à usage le prêteur n’est pas l’ami désintéressé.
Ex. caddy : prêté pour aider le consommateur à acheter
Ex. garagiste qui prête un véhicule le temps de la réparation
Ex. les pompistes passent avec les compagnies pétrolières un contrat de distribution. Ces compagnies prêtent les cuves dans lesquelles
sont stockés les carburants. A la fin du contrat cadre, le pompiste devrait restituer les cuves (qui sont enterrée), ce qui est trop cher
est obligé de rester avec la même compagnie.
Tant que l’emprunteur ne paie rien, on parle de prêt à usage. Mais en réalité, le prêteur a souvent un intérêt : fidélisation de la
clientèle…
Prêts à usage dont la base sociologique n’est plus la même ; on est dans le cadre de la relation d’affaires, de la relation
professionnelle.
Le contrat de prêt à usage continue d’être considéré comme étant un contrat réel dont on déduit un caractère unilatéral. Or, il existe
dans le C. civ. une section intitulée « des engagements de celui qui prête à usage » (art. 1888 à 1891).
Pour qu’un contrat soit synallagmatique, il doit créer des obligations à la charge de chacune des parties.
Mais la réciprocité n’est pas suffisante : le contrat doit créer des obligations réciproques symétriques = la cause de l’obligation de l’un
doit résider dans l’objet de l’obligation de l’autre.
Or, tel n’est pas le cas dans le prêt à usage :
Les obligations du prêteur sont casuelles (elles n’existent pas toujours)
Les obligations du prêteur ne peuvent pas servir de cause à l’obligation de l’emprunteur puisqu’elles ne sont que casuelles
C’est un contrat synallagmatique imparfait = contrat qui, fondamentalement, est unilatéral mais qui pourra, le cas échéant, en cours
de contrat, et exceptionnellement, créer des obligations à la charge de l’autre partie.
L’obligation essentielle de l’emprunteur est de restituer la chose qui lui a été prêtée certains d’auteurs rangent ce contrat de prêt à
usage sous la mention « contrat de restitution ».
1) L’objet de la restitution
L’emprunteur doit restituer la chose même qui lui avait été prêtée dans l’état où elle était au moment où elle lui a été remise.
La restitution s’opère en nature : c’est la chose prêtée qui doit être rendue, dans l’état où elle a été reçue (sous réserve de l’usure
normale).
L’emprunteur a l’obligation de conserver la chose dans son état initial : il est tenu d’y veiller en « bon père de famille » (art. 1880,
C. civ.).
2) Le moment de la restitution
Cette question suscite du contentieux, bien que l’on soit dans un domaine sensé être entre amis, entre proches.
Shakespeare : ne soyez ni emprunteur ni prêteur, car souvent on perd et le prêt, et l’ami !
a) Le principe
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Terme implicite
= le contrat ne fixe pas expressément de terme.
Art. 1888, C. civ: le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu’après le terme convenu (= hypothèse du terme expresse), ou, à défaut
de convention, qu’après qu’elle a servi à l’usage pour lequel elle a été empruntée.
Le texte envisage l’hypothèse où la chose a été prêtée pour satisfaire un besoin précis, déterminé, ponctuel de l’emprunteur (ex. prêt
d’une voiture pour les mariés le jour de leur mariage).
Ainsi implicitement, les parties ont voulu spécifier un terme : lorsque le besoin ponctuel aura été satisfait, l’emprunteur devra rendre
le bien.
La jurisprudence parle de « terme naturel prévisible. » Cette expression renvoie à l’idée d’un terme tacite.
Art. 1879, C. civ: le décès de l’une où l’autre des parties n’entraîne pas l’extinction du prêt à usage.
En cas de décès du prêteur, l’emprunteur peut continuer d’user de la chose / en cas de décès de l’emprunteur, ses héritiers peuvent
continuer à user de la chose.
La Cour de Cassation a hésité entre trois hypothèses et a consacré tour à tour chacune d’entre elles :
Solution favorable au prêteur
Il y a pas de terme ni exprès ni tacite dans le contrat → c’est un contrat à durée indéterminée.
En droit commun, ce type de convention peut être rompu unilatéralement par l’une ou l’autre des parties.
→ Le prêteur pourra rompre unilatéralement le contrat quand il le veut, sans motif particulier, en respectant un simple délai de
préavis.
Solution intermédiaire
Quand le prêt ne comporte pas de terme et qu’un litige survient quant à la date de la restitution, il appartient au juge de fixer le terme
du contrat.
→ Le contrat de prêt à usage serait nécessairement un contrat à durée déterminée : soit le terme est convenu, implicitement ou
expressément, soit le terme est fixé judiciairement.
Il n’y a pas de manière évidente dans la réglementation de disposition applicable à l’hypothèse où le prêt ne comporte pas de terme.
Mais il y en a en matière de prêt à consommation : l’art. 1900 C. civ. dispose que « s’il n’a pas été fixé de terme pour la restitution, le
juge peut accorder à l’emprunteur un délai suivant les circonstances. »
Pourquoi ne pas transposer cette solution au prêt à usage ? Le point commun à tous les prêts c’est que l’emprunteur peut utiliser une
chose pendant un certain temps puis devra la restituer → pourquoi ne pas raisonner pour le prêt à usage comme pour le prêt de
consommation ?
1ère civ., 3 février 2004 (Dalloz 2004, page 903) ; 1ère civ., 10 mai 2005 (Contrat concurrence consommation 2005, page 163) ; 1ère civ.,
24 octobre 2006 (pourvoi n°01-20114) : la Cour de Cassation consacre désormais la solution favorable au prêteur.
Justifications :
Considération morale
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Le contractant qui procure gratuitement un avantage à son cocontractant mérite la bienveillance du droit : il ne faut pas freiner
l’altruisme du prêteur qui agit sans contrepartie.
Considération pratique
Contrairement aux deux autres, cette solution est extrajudiciaire. Or le contrat de prêt à usage est une convention utilisée dans les
relations familiales ou amicales → le juge n’a pas à intervenir.
b) Le tempérament
Il ne concerne que l’hypothèse où le prêt est assorti d’un terme (expresse ou tacite).
On pourra mettre fin prématurément au prêt à usage si le prêteur a un besoin pressant et imprévu de la chose : il peut saisir le juge
pour que celui-ci ordonne la restitution anticipée (art. 1889, C. civ.).
Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation : « suivant les circonstances » → le juge va mettre en balance les besoins respectifs des
parties.
Cette solution revient à prendre en considération l’imprévision (événement pressant et imprévu), ce qui est dérogatoire par rapport au
droit commun des contrats, certainement en faveur de l’altruisme du prêteur.
Cependant, l’art. 1889, C. civ. n’est pas d’ordre public → les parties peuvent y déroger et prévoir que la restitution pourra se faire
discrétionnairement au moment décidé par le prêteur (même si le prêt est assorti d’un terme), ou inversement.
L’obligation de restitution impose à l’emprunteur de restituer la chose prêtée dans l’état où il l’avait reçue → l’inexécution recouvre :
L’inexécution totale : perte de la chose = chose totalement détruite
La mauvaise exécution = restitution d’une chose détériorée
Le prêteur pourra mettre en jeu la responsabilité contractuelle de l’emprunteur. La difficulté est alors d’identifier le régime de cette
responsabilité qui incombe à l’emprunteur.
1) Le principe
1ère civ, 6 février 1996 (Bull., I, n°68) : l'obligation de restitution qui incombe à l'emprunteur est une obligation de moyens renforcée
(la Cour ne le dit pas dans ces termes là mais c'est ainsi que l'exprime la doctrine).
C'est une obligation intermédiaire entre l'obligation de moyens pure et simple et l'obligation de résultats.
Pour l'obligation de moyens, c'est le créancier demandeur qui doit rapporter la preuve de l'absence de mise en oeuvre des moyens.
Pour l'obligation de résultat, la responsabilité est de plein droit. Le créancier n'a alors rien d'autre à prouver que l'absence de résultat,
qui déclenche une responsabilité automatique.
Le prêteur qui agit contre l'emprunteur n'a pas à prouver que la perte ou détérioration est imputable à une faute de l'emprunteur. Mais
de son côté l'emprunteur ne va pas pouvoir s'exonérer de la responsabilité qu'il encoure simplement en prouvant la force majeure : il
va devoir prouver qu'il n'a pas commis de faute et que la perte ou détérioration n'est pas due à une faute de sa part.
La responsabilité contractuelle de l'emprunteur repose sur une présomption simple de faute. C'est pour cela qu'on est entre
l'obligation de moyens et l'obligation de résultat. La faute est présumée, mais l'emprunteur peut s'exonérer de responsabilité en
prouvant qu'il n'a pas commis de faute.
Pourquoi la Cour de cassation a-t-elle décidé de faire de cette obligation une obligation de moyens renforcés ?
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L'emprunteur est tenu de restituer la chose prêtée à la date convenue. Est-ce que ce n'est pas là une obligation de résultat ? Le terme
fixé pour la restitution entraîne une simple obligation de restituer, ce qui peut être une obligation de résultat. Pourtant la Cour dispose
que c'est une obligation de moyens renforcés.
L'obligation de restituer la chose est une obligation de restituer dans l'état dans lequel la chose a été reçue au moment de la conclusion
du contrat. Ce qui implique, à la charge de l'emprunteur une obligation de conserver la chose, qu'il la maintienne dans l'état où elle
était au départ. Or, l'obligation de conservation c'est l'archétype de l'obligation de moyens.
L'article 1137, C. civ, dans lequel on voit le siège des obligations de moyens, prend pour exemple l'obligation de conserver une chose.
D'un côté le fait même de la restitution relève d'un résultat, d'une obligation de résultat, mais la conservation est une obligation de
moyens.
L'obligation de restitution mélange de manière indivisible une dimension d'obligation de résultat, et une dimension de l'obligation
de moyens.
Puisque l'on ne peut pas dissocier ces deux dimensions, alors il faut les concilier et décider que c'est une obligation de moyens
renforcés.
Dire que l'obligation de l'emprunteur est une obligation de moyens renforcés alors que sa responsabilité est
pour faute présumée revient à dire qu'en cas de perte de la chose pour une cause inconnue, l'emprunteur sera
toujours responsable
Hypothèse où la chose prêtée a été détruite ou détériorée, et qu'un expert ne peut pas en trouver la cause.
Toutes les fois que la cause est indéterminée, l'emprunteur sera responsable : il n'arrivera pas à démontrer qu'il n'a pas commis de
faute puisque l'on ne sait pas d'où vient la perte ou la dégradation.
1ère civ, 1er mars 2005 (RJDA 2005, n°692) : le prêt à usage portait sur un chalet que le propriétaire avait prêté à des amis pour les
vacances d'hiver. Les emprunteurs ont quitté le chalet vers 10 heures après avoir garni l'insert pour qu'il fasse chaud. Vers 17 heures,
le chalet a été entièrement détruit par un incendie. Un expert a conclu à une cause indéterminée. La responsabilité contractuelle des
emprunteurs a été engagée vis-à-vis du prêteur car ils n'ont pas été en mesure de démontrer que la destruction n'était pas due à une
faute de leur part.
2) Les exceptions
Dans trois cas la responsabilité encourue par l'emprunteur qui n'est pas en mesure de restituer la chose prêtée sera plus lourde : il
n'aura aucune possibilité d'exonération, sa responsabilité sera automatiquement engagée.
L'emprunteur a utilisé la chose prêtée pour un autre usage que celui auquel elle était destinée, ou, pendant un temps
plus long que celui qui était convenu
Art 1881, C. civ: sa responsabilité est engagée de manière automatique.
Il s'agit de sanctionner la faute de l'emprunteur.
L'emprunteur a sacrifié la chose prêtée pour en sauver une qui lui appartient
Ex. dans le cas d'une catastrophe naturelle
Art. 1882, C. civ. : la responsabilité de l'emprunteur est automatiquement engagée.
Ici l'alourdissement de la responsabilité de l'emprunteur va au delà de l'idée de sanction de sa faute parce que l'on est dans une
situation critique : l'emprunteur doit faire preuve d'un zèle renforcé, il devait d'abord sauver la chose prêtée et après les siennes.
La chose prêtée a été évaluée en argent au moment de la conclusion du contrat de prêt à usage
L'évaluation monétaire initiale de la chose prêtée montre que les parties, et singulièrement le prêteur, ont envisagé la chose prêtée
principalement à travers sa valeur. Le fait même qu'il y ait eu une évaluation monétaire montre que les parties ont vu la chose à travers
le prisme de sa valeur marchande.
Art. 1883, C. civ: si l'emprunteur n'est pas en mesure de restituer la chose en nature, alors il devra au moins restituer l'équivalent
monétaire puisque les parties avaient évalué la chose.
Globalement, la responsabilité qui incombe à l'emprunteur, est plutôt sévère, puisque le principe est une responsabilité pour faute
présumée, qui est déjà assez lourd, et dans un certain nombre de cas la responsabilité est renforcée au point d'être automatique.
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Le régime est donc assez sévère à l'égard de l'emprunteur et cette sévérité s'explique là encore par le caractère gratuit du contrat de
prêt à usage. On a de la part du prêteur un acte de générosité. Il est alors normal selon le législateur que l'emprunteur réponde dans des
conditions strictes de tout comportement de sa part de nature à causer un quelconque préjudice au prêteur ayant agit par altruisme.
Elles sont beaucoup plus légères. Elles n'existent pas de manière systématique, et sont casuelles, à la différence de l'obligation de
restitution qui est inhérente au prêt à usage. Il peut en exister deux :
Cette obligation, compte tenu de ses conditions d'existence, ressemble davantage à une sanction de la mauvaise foi, de la déloyauté,
qu'à une obligation de garantie contre les vices cachés.
Il faut nuancer cependant cette observation car, lorsque le prêteur est un professionnel qui prête une chose dans le cadre d'une relation
d'affaires (ex. voiture de prêt au garage, caddie au supermarché), la jurisprudence a tendance à présumer le professionnel comme étant
de mauvaise foi, connaissant le défaut et n'ayant pas averti l'emprunteur.
Art. 1890, C. civ: il est tenu de rembourser les frais de quelques dépenses extraordinaires, nécessaires et tellement urgentes que
l'emprunteur n'ait pas pu en prévenir le prêteur.
L'hypothèse dans laquelle le prêteur pourra se trouver débiteur de cette obligation est celle où par suite de circonstances
exceptionnelles il faut immédiatement intervenir sur la chose, sous peine de dégradation, qui vont au delà de l'entretien normal, et
c'est tellement urgent que l'emprunteur n'a pas le temps de prévenir le prêteur.
Ces deux obligations créées à la charge du prêteur sont exceptionnelles. On ne peut pas dire que la cause de l'obligation de rembourser
est symétrique à celle de restitution. Ce ne sont pas des obligations réciproques. Le contrat de prêt à usage n'est alors pas
synallagmatique.
Article 1892 C.civ : le prêt de consommation est un contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine quantité de chose
qui se consomme par l'usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité.
Le prêt de consommation c'est le prêt d'une chose consomptible et fongible.
Dès lors que la chose a été utilisée une fois, elle n'est plus.
La chose prêtée dans le cadre d'un prêt de consommation est une chose fongible, c'est à dire une chose de genre. Autrement dit, une
chose qui au départ ne se définie que par l'appartenance à un genre, par opposition au corps certain : blé, charbon, argent. Elles seront
pesées, mesurées, ou comptées, pour pouvoir faire l'objet d'un contrat (individualisation).
Il y a tout de même une différence entre les contrats translatifs (vente et louage), et le prêt de consommation qui lui aussi est translatif.
Dans la vente et le louage, l'effet translatif de propriété que produit le contrat est voulu par les parties. C'est l'élément clé du contrat.
Mais dans le prêt de consommation, cet effet translatif n'est pas à proprement parler recherché par les parties : il est plutôt la
conséquence nécessaire d'un caractère de la chose prêtée. Ce que veulent les parties c'est permettre de se servir de la chose, mais le
transfert de propriété est plutôt accidentel.
Caractère fongible
Il y a une conclusion du prêt, et le transfert de propriété à l'emprunteur, mais l'emprunteur sera obligé de restituer à un moment donné.
Il va donc s'opérer un transfert de propriété dans l'autre sens double transfert de propriété. Mais quand un contrat opère un transfert
de propriété dans les deux sens, c'est un échange.
Est-ce à dire que l'on ne peut pas distinguer l'échange du prêt de consommation ?
Non : dans le prêt de consommation, on a le transfert de propriété de la chose prêtée du prêteur vers l'emprunteur, et l'emprunteur va
restituer une chose de même espèce, qualité, et en même quantité, c'est à dire une chose strictement équivalente. Dans l'échange, on va
avoir certes un double transfert de propriété, mais portant sur des choses de nature différentes.
Il y a un effet translatif, avec un double transfert de propriété il faudra que les deux contractants possèdent la capacité de disposer.
2) Conditions de forme
Aujourd'hui, la jurisprudence opère une distinction : certains prêts de consommation sont des contrats consensuels, et d'autres sont des
contrats réels.
La nature consensuelle ou réelle du prêt de consommation dépend de la qualité du prêteur et de la nature de la chose prêtée.
1ère civ., 28 mars 2000 (Dalloz 2000, page 482) : le prêt d'argent consenti par un professionnel du crédit (banque), est un contrat
consensuel. Il est formé par le seul échange des consentements des parties.
1ère civ., 7 mars 2006 (Contrat, concurrence, consommation 2006, n°128) : en revanche, tout autre prêt de consommation, c'est à dire,
le prêt d'argent consenti par un prêteur qui n'est pas un professionnel du crédit, et le prêt de consommation qui porte sur une chose
consomptible et fongible autre que de l'argent, demeure un contrat réel.
Recul de la qualification de contrat réel : le principe demeure en un contrat réel, avec une exception pour les prêts d'argent
consentis par un professionnel du crédit. Mais c'est l'essentiel des prêts de consommation consentis.
Le formalisme ne se conçoit alors que pour protéger le prêteur, mais lorsque c'est une banque, un établissement de crédit, est-il
nécessaire de le protéger ? Elles demandent des garanties, elles sont professionnelles. Le professionnel du crédit n'a pas besoin de la
protection du formalisme du contrat de prêt. La transformation du prêt d'argent par un établissement de crédit en un contrat consensuel
paraît alors logique.
Dire que tout autre prêt de consommation, hormis les prêts d'argent consentis par les banques, sont des contrats réels permet de
protéger utilement le prêteur qui est un simple particulier, et qui prêtera à un ami ou à un membre de sa famille.
Par contre, dire que tout autre prêt de consommation est un contrat réel implique que devra être considéré comme étant un contrat réel
le prêt de consommation consenti par un professionnel dans le cadre de son activité professionnelle (ex. la société mère prêtant de
l'argent à sa filiale, le franchiseur prêtant de l'argent au franchisé pour s'installer). Dans ces cas, le prêteur a-t-il besoin d'être protégé ?
Si la banque n'a pas besoin d'être protégée, alors, le prêteur professionnel consentant un prêt dans le cadre de son activité
professionnelle n'a pas besoin non plus de cette protection.
La solution logique aurait été d'aller plus loin, et de dire que tout prêt consenti par un prêteur professionnel dans le cadre de ses
activités professionnelles est un contrat consensuel : là le rôle protecteur du formalisme n'a pas d'objet. Mais lorsque l'on quitte le
domaine des affaires, la protection est utile.
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Lorsque le prêt de consommation est en revanche un contrat réel, il n'y a pas d'obligation contractuelle de délivrance, mais le contrat
ne sera formé que lorsque le prêteur aura remis la chose prêtée entre les mains de l'emprunteur.
Avant la remise, il n'y a pas de prêt, mais il y a eu un échange de consentement, qui n'est qu'une promesse de prêt. Si le prêteur
rechigne à remettre la chose prêtée entre les mains de l'emprunteur, il n'y a pas d'action en exécution forcée : la seule chose que
l'emprunteur peut faire c'est demander des dommages intérêts.
Les obligations incombant au prêteur vont varier selon que le prêt est un contrat réel ou consensuel.
Dans le cas où le prêt est consensuel le prêteur a l'obligation de délivrer la chose prêtée. C'est un effet du prêt déjà formé depuis
l'échange des consentements.
Une autre obligation a vocation à s'appliquer à n'importe quel prêt de consommation, consensuel ou réel : l'obligation du prêteur de
répondre des défauts de la chose prêtée.
Dans le prêt d'argent, le défaut de la chose prêtée ne peut être que l'hypothèse de la fausse monnaie.
Cette obligation est due dans les mêmes conditions que celle qui incombe au prêteur à usage (connaissance avant le contrat des
défauts, et ne pas le dire à l'emprunteur).
Il est possible de conclure un prêt de consommation quel qu'en soit l'objet (argent ou choses consomptibles et fongibles) en stipulant
des intérêts. L'emprunteur devra restituer une chose équivalente et payer des intérêts au prêteur.
Or, lorsqu'il y a stipulation d'intérêts, le contrat de prêt n'est plus un acte à titre gratuit. Le prêteur trouve un intérêt économique à
l'opération. On est dans le titre onéreux.
S'il est conclu à titre onéreux, le prêt de consommation va forcément créer à la charge de l'emprunteur, l'obligation de payer la
rémunération convenue.
1) Objet de la restitution
L'emprunteur ne doit pas restituer la chose prêtée elle-même : elle n'existe plus, car elle est consomptible au premier usage
l'emprunteur doit restituer une chose du même genre, en même quantité et de même qualité.
L'emprunteur doit restituer une chose de même genre, sans qu'il y ait lieu de tenir compte d'une éventuelle variation de la valeur de la
chose, à la hausse ou à la baisse, entre le moment du prêt et celui de sa restitution.
Art. 1895, C. civ: l'obligation qui résulte d'un prêt en argent, n'est toujours que de la somme numérique énoncée au contrat. S’il y a eu
augmentation ou diminutions d’espèces avant l’époque du paiement, le débiteur doit rendre la somme numérique prêtée = règle du
nominalisme monétaire : 1€ vaut toujours 1€, quel que soit le pouvoir d’achat de cet euro on fait abstraction des éventuels intérêts.
Si la chose prêtée a péri fortuitement, alors l'emprunteur est tenu de restituer une chose équivalente.
La force majeure ne libère en aucun cas l'emprunteur de son obligation de restitution car le prêt de consommation est translatif de
propriété l'emprunteur est propriétaire de la chose et la chose périt dans les mains du propriétaire : il a la charge des risques.
2) Modalités de la restitution
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a) Moment de la restitution
Le principe
La restitution doit intervenir au terme convenu par les parties.
Art. 1899, C. civ: le prêteur ne peut pas redemander les choses prêtées avant le terme convenu.
Art. 1900 et 1901, C. civ: en cas de silence des parties il appartient au juge de fixer un délai raisonnable.
Cette solution aboutit à la conséquence que le prêt de consommation doit être considéré comme étant toujours à durée déterminée.
Alors que dans le prêt à usage, en l’absence de terme on le traite comme un CDI, avec faculté de résiliation unilatérale de chacune des
parties.
Les dérogations
La restitution peut être anticipée, tantôt à l'initiative du prêteur, tantôt à l'initiative de l'emprunteur :
Lorsqu’une clause du contrat de prêt de consommation prévoit la déchéance du terme en cas de non-respect par
l’emprunteur d’une échéance
La totalité du remboursement devient alors immédiatement exigible.
A titre onéreux
Quand le prêt est conclu à titre onéreux, le terme est stipulé dans l'intérêt des deux parties la restitution anticipée n'est plus laissée
au libre choix de l'emprunteur.
Une clause du contrat peut prévoir une faculté de restitution anticipée au profit de l'emprunteur. Mais si l'emprunteur exerce cette
faculté, il doit verser au prêteur une indemnité de remboursement anticipée (sinon le prêteur perdrait des intérêts qu’il aurait
normalement touchés).
S’il n’y a pas dans le contrat de prêt une telle clause, le remboursement anticipé ne pourra intervenir à l’initiative de l’emprunteur que
si le prêteur l’accepte.
b) Lieu de la restitution
Le droit commun des contrats s'applique : la restitution s'opère au lieu prévu par le contrat ou, à défaut, au domicile de l'emprunteur =
les dettes sont quérables et non portables.
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Section 2. Les règles spéciales applicables au prêt d’argent
Deux catégories :
Certaines s’appliquent à tous les prêts d’argent, quels qu’ils soient
D’autres ne s’appliquent qu’à certains prêts d’argent
Dans un prêt d’argent, l’emprunteur va devoir rembourser le capital qui lui a été prêté, et éventuellement les intérêts (si le prêt était à
titre onéreux).
1) Le capital
La validité de la clause d'indexation est subordonnée aux exigences posées par l'ordonnance du 30 décembre 1958 : l'indice de
référence choisi soit en relation directe avec l'activité de l'une des parties ou avec l'objet du contrat = chose à laquelle l'argent est
employé.
Ex. prêt immobilier : l’objet peut être l’achat, la construction ou les réparations d’un immeuble. L’indice devra donc avoir un rapport
avec l’immobilier.
Un contrat de prêt d'argent contenant une clause d'indexation n'est pas forcément un prêt à titre onéreux : l’unique finalité de la clause
est de sauvegarder la valeur du capital prêté.
Il n’y a prêt à titre onéreux que quand, outre le capital, il y a des intérêts à rembourser.
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2) ;Les intérêts
Les rédacteurs du code civil ont admis le prêt à intérêts, mais avec une certaine méfiance, traduisant ainsi l'héritage historique. Le
texte veille à protéger l'emprunteur :
La stipulation d'intérêt doit être expresse (art. 1905, C. civ.)
= l'écrit doit stipuler que le prêt est un prêt à intérêts.
Art. 1906, C. civ: lorsque les parties n'ont pas stipulé que le prêt était à intérêts et si l'emprunteur a spontanément payé les intérêts, il
ne peut invoquer l'absence de stipulation dans le contrat pour obtenir la répétition de l'indu.
§2 : Les règles très spéciales applicables aux prêts d’argents consentis par un établissement de crédit à un emprunteur
consommateur
Crédit immobilier = prêt d’argent consenti par un professionnel du crédit à un consommateur destiné à financer l’acquisition ou la
construction d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte, ou destiné à financer des travaux sur ce type d’immeuble, le tout
pour un montant qui doit être supérieur à 21 500€.
Il est régi par les art. L.312-1, s, C. conso.
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1) La réglementation minutieuse de la rencontre des volontés
Crédit à la consommation
L'offre de crédit émanant de l’établissement de crédit doit contenir certaines mentions obligatoires (énumérées par l’art. L.311-10, C.
conso. : Montant du crédit, périodicité des remboursements, échéancier, TEG,…).
Pour mettre en œuvre ce formalisme informatif, des modèles types de prêt sont proposés par décret.
Si la banque ne respecte pas ce formalisme informatif, elle est déchue de son droit aux intérêts. Mais cela ne signifie pas qu’elle
n’aura droit qu’au remboursement du capital : la déchéance porte seulement sur le droit aux intérêts conventionnels. La banque
conserve donc son droit aux intérêts légaux : 1ère civ, 18 et 27 mars 2003.
L'offre de crédit doit être maintenue durant un délai de quinze jours, à compter de son émission.
Une fois l'offre acceptée, le prêt est formé (les prêts d'argent sont des contrats consensuels).
L'emprunteur qui a accepté l'offre dispose d'une faculté de repentir qu'il peut exercer durant un délai de sept jours, à compter de la
date de son acceptation. L’offre de crédit doit comporter un formulaire détachable pour permettre l’exercice de cette faculté de
repentir.
Certains auteurs parlent, à propos de ces dispositions tendant à la protection de l'emprunteur, d'une « stratégie légale du
désengagement».
Crédit immobilier
L'offre de crédit doit contenir certaines mentions obligatoires (art. L.312-8, C. conso.).
Cette offre doit être maintenue durant trente jours.
L’acceptation de l’emprunteur ne peut pas intervenir moins de dix jours après réception de l’offre = stratégie du non-engagement pour
obliger l’emprunteur à réfléchir.
Crédit à la consommation
L’interdépendance n'existe que si le prêt a reçu une affectation = si le prêt désigne le bien qu'il va servir à acquérir. C’est seulement
lorsque le prêt est affecté qu’il y a interdépendance.
Crédit immobilier
L'interdépendance est systématique et double :
Le prêt est subordonné au contrat principal
Le contrat principal est lui aussi subordonné au prêt
La stipulation d'une indemnité de remboursement anticipé est interdite dans le prêt à la consommation
La stipulation d'une indemnité de remboursement anticipé est licite dans le prêt immobilier, mais sous une double réserve :
Le montant de cette indemnité est fixé selon un barème fixé par décret
Aucune indemnité ne peut être exigée par le prêteur lorsque le remboursement anticipé est « motivé par la vente du bien
immobilier faisant suite à un changement du lieu d’activité professionnel de l’emprunteur ou de son conjoint, par le
décès ou la cessation forcée de l’activité professionnelle de ces derniers » (art. L.312-21, C. conso.) : le législateur a
voulu favoriser la mobilité géographique des salariés
Les indemnités que le prêteur peut exiger de l'emprunteur en cas de défaillance de ce dernier sont strictement définies par
décret
Formation
Conditions de fond
Parties au contrat
Un prêt viager hypothécaire ne peut être passé qu’entre un établissement de crédit et un emprunteur personne physique.
Contenu du contrat
Le prêt est forcément garanti par une hypothèque que l’emprunteur va consentir sur un immeuble à usage d’habitation ou mixte dont il
est propriétaire.
Ce n’est pas un prêt qui va pouvoir être sollicité pour financer l’achat d’une maison puisqu’il faut déjà être propriétaire d’une
maison.
L’utilité est de permettre à des personnes d’un certain age déjà propriétaires de leur logement de tirer crédit de l’immeuble dont elles
sont propriétaires (avec l’age, il est de plus en plus dur d’obtenir un prêt bancaire).
Le terme du prêt c’est le décès de l’emprunteur = le prêt est viager : le remboursement de la somme prêtée ne sera exigible qu’au
moment du décès de l’emprunteur ce n’est pas lui qui va rembourser.
Néanmoins, le terme peut être anticipé si, avant son décès, l’emprunteur aliène (à titre gratuit ou onéreux) l’immeuble qu’il avait
hypothéqué en garantie du paiement du prêt. Dans ce cas, le terme c’est la date d’aliénation.
Conditions de forme
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L’emprunteur doit réfléchir à deux fois car il hypothèque l’immeuble qu’il habite et qu’en plus il engage gravement l’avenir.
Le formalisme protecteur de l’emprunteur s’exprime de plusieurs manières :
L’offre de prêt devra contenir un certain nombre de mentions obligatoires (art. L.314-5, C. conso.)
L’offre doit être maintenue pendant au moins trente jours
L’offre ne peut pas être acceptée par l’emprunteur avant l’expiration d’un délai d’au moins dix jours suivant sa réception =
stratégie du non-engagement (art. L. 314-7, C. conso.)
Le prêt viager hypothécaire doit être constaté dans un acte notarié (c’est logique dans la mesure où il implique une garantie
hypothécaire : l’hypothèque est un acte solennel qui exige un acte notarié)
Exécution
Une fois le prêt formé, la banque va verser la somme prêtée à l’emprunteur (en une fois ou par versements périodiques).
De son côté, l’emprunteur doit entretenir en bon père de famille l’immeuble qu’il a hypothéqué et ne pas en changer la destination : il
doit en maintenir la valeur.
Si jamais la banque n’était pas payée en temps utile, elle va pouvoir alors exercer le droit d’hypothèque :
En saisissant l’immeuble et en le vendant aux enchères publiques pour se faire rembourser sur le prix d’adjudication
En demandant l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué : la banque va devenir propriétaire de l’immeuble
Titre 1. Le mandat
La conception du mandat qu'avaient les concepteurs du Code civil n'a plus rien à voir avec la conception contemporaine : il y a un
décalage entre la définition du C. civ. et celle qui est présentée comme étant celle du droit positif :
Art. 1984, C. civ.
Le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.
= contrat en vertu duquel le mandant charge le mandataire de faire quelque chose à sa place.
Droit positif
Tous les ouvrages disent que le contrat de mandat est un contrat par lequel le mandant donne pouvoir au mandataire de conclure en
son nom et pour son compte un ou plusieurs actes juridiques avec des tiers.
Le mandat déclenche un mécanisme de représentation.
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Cette histoire est marquée par la rupture qui s'est produite à la fin du XIXè siècle (bien après l’apparition du C. civ.) : avant a dominé
une conception traditionnelle du mandat qui remonte au droit romain et qui n’a rien à voir avec la conception actuelle. Il semble que
le C. civ. a repris cette conception traditionnelle.
Cette gratuité implique un écart énorme entre la conception romaine du mandat et la conception actuelle.
Le critère distinctif du mandat réside aujourd’hui dans l’objet du mandat : c’est un contrat qui confère au mandataire une mission qui
consiste à accomplir un ou plusieurs actes juridiques au nom et pour le compte du mandant.
C’est cette mission qui distingue le mandat du contrat d’entreprise (dans lequel la mission est d’accomplir des actes matériels).
En droit romain, il s’agissait d’accomplir indifféremment des actes matériels ou juridiques : ce qui comptait c’était la gratuité.
Ex. Gaius : je donne un habit à faire à mon tailleur moyennant un prix, c’est un contrat de louage d’ouvrage (d’entreprise). Supposons
que le tailleur travaille pour moi par pur esprit d’obligeance (sans prix), il n’y a plus alors qu’un mandat.
Chez les romains il y avait un mépris profond pour le travail rémunéré : quand on est de la bonne société romaine, on ne travaille pas
pour de l’argent mais on rend service bénévolement. Cela explique qu’ils distinguent très clairement le mandat (contrat noble car
gratuit) du louage d’ouvrage (contrat sordide car payant).
Dans un premier temps ce critère de la gratuité a été appliqué de manière absolue et rigoureuse. Mais à partir de l’Empire (Ier siècle
avant JC), ce critère va être assoupli : on a admis qu’une certaine rémunération puisse être allouée au mandataire, sans pour autant que
cela ait pour effet d’exclure la qualification de mandat.
A cette époque on ne remet pas en cause la base : le mandat est fondamentalement un office de l’amitié. Mais ce critère de la gratuité
implique qu’on ne peut pas admettre la qualification de mandat si le service rendu au cocontractant l’est moyennant un prix regardé
par les parties elles-mêmes comme l’équivalent du service rendu : à ce moment là il n’y aurait pas gratuité :
Exacte contrepartie = merces (< mercenaire) impossible
Gratification donnée par le mandant au mandataire pour le remercier du service désintéressé que celui-ci lui a rendu = honor (<
honoraire) possible
La merces c’est l’équivalent monétaire du service rendu, qui trouve donc son origine dans le contrat, alors que l’honor a une origine
extérieure au contrat.
En conséquence, le juge peut discrétionnairement diminué le montant de l’honor s’il est trop élevé (// aujourd’hui : le juge peut
modifier le montant des honoraires des professions libérales).
Avec la chute de l’Empire romain, tout ce système disparaît. C’est alors l’époque Franque, puis les invasions barbares, puis la
féodalité. Pendant au moins six siècles on a assez peu de traces du droit de l’époque : forte régression.
Fin du XIè siècle, période de renaissance du droit après un long obscurantisme juridique. On retrouve alors le mandat avec comme
critère distinctif la gratuité.
Les juristes de l'ancien droit ont réparti les services en deux catégories fondamentales :
Les services estimables en argent
= arts mécaniques : les activités manuelles et mercantiles.
Ces arts étaient méprisés : l'idée était que ceux qui les exerçaient, étaient animés par le seul appât du gain.
L'instrument juridique en était le louage d'ouvrage ou de service. En contrepartie, un prix était versé.
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Les services inestimables en argent
= arts libéraux (> professions libérales) : activités intellectuelles ou artistiques qui sont des activités nobles « parce que dignes d’un
homme libre » (quia homine libero digna sunt).
Ceux qui les exerçaient (médecin, architecte, avocat) cherchaient à rendre service : l’intelligence humaine n’a pas de prix.
Le support juridique en était le mandat, dont le caractère est la gratuité, avec la présence de l'honor.
La conception du mandat qui s'est appliquée sous l'ancien régime est très clairement héritée du droit romain. Il y a contrat de
mandat lorsque le service procède :
D'une activité intellectuelle (arts libéraux), même si c'est moyennant une rémunération (honoraire)
D'une activité manuelle (arts mécaniques) à condition qu’il soit fourni gratuitement
Du droit romain à l'Ancien Droit, l'objet de la mission du mandataire n'est pas pris en compte: ce peuvent être des actes juridiques
ou non. Ce qui importe c'est la gratuité.
Berliet, présentant les articles sur le mandat devant le corps législatif, dit :
« De sa nature le mandat est gratuit, c'est un office de l'amitié. Ainsi le définit le droit romain et notre projet lui préserve ce noble
caractère »
A propos de l'article 1986, C. civ. (le mandat est gratuit s'il n'y a convention contraire) : « La rémunération sera moins un lucre [=
contrepartie] qu'une indemnité »
« Dans une telle matière, dont les principes étaient fixés depuis longtemps, il eut été difficile ou imprudent de vouloir innover »
le C. civ. a voulu reprendre la tradition du droit romain
Debreuil :
Le mandat est un échange de confiance et de bienfaisance. Il est donc gratuit par sa nature. Le projet reconnaît formellement ce
principe.
L’indemnité est un témoignage de bienveillance. C’est le cœur et non l’agent qui peut acquitter les dettes de reconnaissance
Au lendemain du C. civ., on peut affirmer que le critère du mandat demeure la gratuité du service rendu : le mandat ne se définit pas
par l'objet de l'acte accompli, mais par l'esprit désintéressé du mandataire.
C’est la conception traditionnelle du mandat qui a été consacrée.
Au XIXè siècle s'installe une querelle entre les partisans d'une conception nouvelle du mandat et partisans d'une conception
traditionnelle. Cette querelle va tourner à l’avantage de la conception nouvelle.
A/ La querelle
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Au lendemain du code civil, la conception traditionnelle est admise sans discussion.
La contestation apparaît seulement vers 1837 avec la parution d'un ouvrage de Duvergier qui est le premier à proposer d'abandonner la
conception traditionnelle du mandat : la conception traditionnelle du mandat reposerait sur un double préjugé inexact :
La répartition des activités humaines en deux catégories uniques (les arts libéraux et les et arts mécaniques) est une erreur
Au-delà d'une inégalité entre les professions (nobles/viles), il y a, plus profondément, l'admission d'une inégalité entre les hommes. Le
fondement de la conception traditionnelle du mandat repose sur la conception selon laquelle il n'existe que deux catégories de
personnes : celles intéressées par l'esprit de lucre et celles qui sont animées d'un esprit désintéressé.
Seuls les services relevant des arts mécaniques seraient estimables en argent, tandis que les services rendus dans le cadre des
activités libérales seraient inestimables en argent (l’intelligence est un don de Dieu, et à ce titre elle n’est pas susceptible
d’être vendue)
Duvergier affirme que tout travail intellectuel est susceptible d'évaluation en argent (influence de Jean Baptiste Say, 1767- 1832,
économiste qui a démontré que les activités intellectuelles produisaient des richesses évaluables pécuniairement).
Duvergier en conclut que la conception traditionnelle du mandat n'est plus tenable. Selon lui, la conception traditionnelle est
largement politique, sociale il faut promouvoir une conception purement technique.
Art. 1984, C. civ. : le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant
et en son nom.
Duvergier interprète différemment l'article 1984, C. civ., en insistant sur des termes délaissés jusqu'alors et propres à cet article : «
pouvoir » et « en son nom » contrat par lequel le mandataire reçoit le pouvoir d’agir au nom du mandant envers les tiers : le
mandataire est chargé de représenter le mandant = le mandat est un contrat par lequel le mandant donne au mandataire le pouvoir
d'accomplir des actes juridiques, en son nom.
Le mandat est alors identifié à l’aide du critère de l’objet de la mission du mandataire, et non plus à l’aide du critère de la gratuité.
Cette thèse ne sera pas admise immédiatement. Parmi les défenseurs de la conception traditionnelle figurent des auteurs de premier
plan : Troplong et Marcadé.
Les partisans de la conception traditionnelle du mandat se réclament d’une philosophie spiritualiste pour faire barrage à une
philosophie matérialiste incarnée par les idées de Duvergier en matière de mandat.
Petit à petit, des auteurs se rallient à Duvergier durant la deuxième moitié du XIXème siècle, dont Aubry et Rau. Puis la consécration
jurisprudentielle intervient le 14 avril 1886 : la cour de cassation affirme que ce qui permet d’identifier le mandat c’est la mission du
mandataire, consistant à accomplir des actes juridiques pour le mandant.
Néanmoins, on peut se demander s’il ne subsiste pas en droit positif un vestige de la conception traditionnelle : la jurisprudence (dès
1824) admet que les honoraires d’un mandataire puissent être réduits par le juge.
Cette solution est contraire à l'article 1134, C. civ. (force obligatoire du contrat).
La jurisprudence a étendu cette solution à certains contrats d'entreprise : ceux conclus par un membre d'une profession libérale.
1ère civ., 3 juin 1986 (Bull., I, n°150) : les tribunaux peuvent, quand une convention a été passée en vue de l'exécution de travaux
donnant lieu à des honoraires, réduire ces derniers lorsqu'ils paraissent exagérés, pourvu qu 'ils n'aient pas été versés en connaissance
du travail effectué et après service fait.
Cette jurisprudence bien établie suscite la critique de la doctrine qui affirme que le choix de la Cour est imparfait :
Soit on décide d'étendre à tous les contrats d'entreprise cette jurisprudence
Soit n'étend pas cette jurisprudence en matière de mandat aux contrats d'entreprise, et même pas au contrat passé avec certaines
professions libérales
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§1 : Analyse
L'art. 1984, C. civ. définit le mandat, mais de manière imprécise, et surtout, son interprétation a varié entre 1804 la fin du XIXème
siècle.
« Le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son
nom » :
Acte = contrat
Personne = mandant
Une autre = au mandataire
Pouvoir de faire quelque chose pour le mandant = agir pour le compte du mandant (conception nouvelle)
Action pour le compte d’autrui = action menée par une personne dans l’intérêt d’une autre à laquelle sont imputés directement les
effets résultant de cette action.
Dissociation entre le sujet auteur de l’acte et le sujet de l’imputation de ses effets.
§2 : Synthèse
Le mandat est le contrat par lequel une personne, le mandant, confère à une autre, le mandataire, un pouvoir de représentation en
vertu duquel le mandataire s'oblige à conclure un ou plusieurs actes juridiques au nom et pour le compte du mandant.
Remarque : dès que le contrat est conclu, le mandataire disparaît et seuls restent en relation le mandant et la personne avec qui le
mandataire a contracté.
Parfois, un contrat peut mêler l’accomplissement d’actes matériels et d’actes juridiques. Dans ce cas, pour qualifier le contrat, il faut
chercher quelle est la mission principale : actes juridiques ou actes matériels.
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Un contrat qui confère à l'intermédiaire la mission d'accomplir des actes juridiques pour le compte d'autrui mais en son nom
personnel, n’est pas un contrat de mandat mais un contrat de commission ou de prête nom :
Contrat de commission (art. L.132-1, s., C. com.)
Le commissionnaire agit en son nom personnel pour le compte du commettant : il dit qu’il agit pour autrui mais sans préciser le nom
du commettant dans le mandat, le mandataire est un intermédiaire transparent ; dans la commission le commissionnaire est un
intermédiaire écran.
Le commissionnaire est personnellement engagé :
Commission à la vente : un fabricant va charger le commissionnaire de vendre les produits. L’argent de la vente
reviendra au commettant.
Commission à l’achat : le commettant va charger le commissionnaire d’acheter ce dont il a besoin. La propriété des biens
achetés reviendra au commettant. Si le vendeur n’est pas payé, il agira contre le commissionnaire.
Contrat de prête-nom
C’est un contrat par lequel il est convenu entre les parties que le prête-nom, qui sert d’intermédiaire, ne dévoilera pas aux personnes
avec qui il traite qu’il agit pour le compte d’un donneur d’ordres le prête-nom ne dévoile pas qu’il est un intermédiaire. C’est une
commission dissimulée.
Le prête-nom est lié par le contrat qu’il passe.
Le contrat de mandat est devenu petit à petit de plus en plus important du fait de la multiplication des échanges juridiques : il a
l’avantage de conférer le don de d'ubiquité juridique = au même moment on peut conclure plusieurs contrats dans des lieux différents :
il permet de démultiplier l’activité juridique.
On le range aujourd’hui parmi les trois grands contrats spéciaux, avec la vente et le contrat d’entreprise.
Il doit respecter les conditions de formation imposées par le droit commun des contrats.
§1 : Le consentement
Art. 1585, C. civ. : le mandat peut aussi être donné verbalement c’est un contrat consensuel.
L’échange des consentements pourra dès lors être exprès ou tacite.
Réforme du droit des successions du 23 juin 2006 : mandat à effet posthume (art. 812, s., C. civ.)
C’est un mandat qui ne prendra effet qu’au décès du mandant, le mandataire étant chargé de gérer tout ou partie du patrimoine
successoral laissé par le défunt.
Le mandat à effet posthume doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime, soit au regard de la personne de l’héritier (mineur,
incapable majeur), soit au regard du patrimoine successoral (ex. entreprise).
En principe, le mandat à effet posthume aura une durée de deux ans.
Art. 812-1-1, C. civ. : le mandat à effet posthume doit être passé en la forme authentique.
§2 : La capacité
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Capacité du mandant
Le contrat de mandat ne sera valablement formé que si le mandant a lui-même la capacité d’accomplir les actes juridiques qu’il a
chargé le mandataire de faire à sa place : lorsque le mandataire aura accompli l’acte qu’il avait mission de faire, les parties à ce
contrat sont le tiers et le mandant.
Capacité du mandataire
Art. 1990, C. civ. : un mineur non-émancipé peut être mandataire.
C’est juridiquement une personne incapable.
Cela semble logique car le mandataire agit pour le compte et au nom du mandant, il est donc totalement transparent : le mandataire
disparaît dès lors que le contrat est formé, il ne sera pas lié.
Quand le mandataire est un mineur non-émancipé, le contrat de mandat devra être conclu par son représentant légal car le mandat
engage le mineur.
Une fois que le contrat est passé, alors le mineur mandataire va pouvoir accomplir les actes juridiques qu’il est chargé de faire au nom
et pour le compte du mandant.
§3 : L’objet
L’étendue
Déterminer l’étendue de la mission, cela consiste à déterminer le champ d’action du mandataire, c’est à dire le périmètre d’activité du
mandataire.
L’art. 1987, C. civ. fait une distinction :
Le mandat général est celui qui embrasse toutes les affaires du mandant. (le mandant confère le soin au mandataire de gérer son
patrimoine entier)
Le mandat spécial n’est quant à lui donné que pour une affaire ou certaines affaires seulement
L’intensité
C’est l’intensité de l’activité juridique que le mandataire va pouvoir déployer.
L’art. 1988, C. civ. propose une distinction :
Le mandat exprès est le mandat dans lequel le mandant a précisé le ou les acte(s) juridique(s) que le mandataire pourra accomplir
Le mandat conçu en termes généraux est celui dans lequel le mandant n’a pas pris soin d’identifier les actes juridiques qu’il
habilitait le mandataire à faire à sa place le mandataire n’est habilité à accomplir que les actes d’administration à
l’exclusion des actes de disposition
Remarques :
Le mandat exprès de l’art. 1988, C. civ. s’oppose au mandat conçu en termes généraux : il ne faut pas le confondre à un mandat qui
serait tacite.
Il ne faut pas confondre le mandat général de l’art. 1987, C. civ. et le mandat conçu en termes généraux de l’art. 1988, C. civ. : un
mandat conçu en termes généraux peut très bien être un mandat spécial (ex. si le mandant a chargé le mandataire de gérer son
portefeuille de valeurs mobilières, sans en dire plus).
§4 : La cause
Si le mandat est à titre gratuit, la question de la cause ne se pose pas : le contrat est unilatéral (le mandant n’est pas tenu de
rémunérer le mandataire), or la cause objective n’a un rôle que dans les contrats synallagmatiques.
Si le mandat est à titre onéreux, la cause de l’obligation du mandataire est l’objet de l’obligation du mandant, c’est à dire le prix que
le mandant lui verse.
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Il n’est pas nécessaire que cette rémunération soit dès le début déterminée ou déterminable. Si les parties ont d’emblée fixé cette
rémunération, le juge peut réduire son montant s’il l’estime excessif.
Le mandat salarié est le mandat à titre onéreux (le mot salarié n’est pas à prendre au sens technique du terme).
Aujourd’hui, le contrat de mandat est présumé onéreux.
Le contrat de mandat crée deux obligations à sa charge : l’obligation d’exécuter sa mission (obligation essentielle) et l’obligation de
rendre compte.
A/L’obligation d’exécution
Si la substitution n’a pas été autorisée par le mandant (initiative personnelle du mandataire)
Le mandataire sera contractuellement responsable de tous les dommages que pourrait subir le mandant du fait de la mauvaise
exécution imputable au sous-mandataire le mandataire est contractuellement responsable du mandat, exactement comme s’il n’y
avait pas eu substitution.
L’art. 1994, C. civ. in fine accorde au mandant « dans tous les cas » (que la substitution ait été autorisée ou non par le mandant)
une action directe contre le sous-mandataire
La jurisprudence a bilatéralisé cette action directe (1ère civ., 27 juin 2006, pourvoi n° 04-16263) : le sous-mandataire peut agir contre
le mandant.
Cette bilatéralisation à l’initiative de la jurisprudence peut avoir des conséquences assez graves pour le mandant dans la mesure où
elle l’expose à payer deux fois (si c’est un mandat à titre onéreux) :
Le mandant a déjà payé le mandataire
Le mandant risque de devoir aussi payer le sous-mandataire il devra alors se retourner contre le mandataire
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Lorsqu’il y a dépassement de pouvoir, certains parlent de nullité, d’autre d’inopposabilité.
Dans tous les cas, le mandant ne sera pas lié par les actes conclus par le mandataire au-delà de ses pouvoirs.
2) La gestion
A la fin de la mission, le mandataire doit présenter au mandant un véritable compte de gestion.
L’obligation de rendre compte n’est pas d’ordre public et l’on peut donc l’écarter conventionnellement.
Ce ne sont pas des obligations inhérentes au mandat → elles ne sont pas systématiques.
Payer le prix dans l’hypothèse où le contrat est conclu à titre onéreux.
Si le contrat de mandat n’a pas fixé la rémunération du mandataire, le juge pourra la fixer.
Si les parties ont, au moment de la conclusion du mandat, fixé la rémunération, le juge peut réviser le montant s’il l’estime excessif au
regard du service fourni par le mandataire.
Coopérer : pour que le mandataire puisse exécuter sa mission, le mandant doit lui fournir tous les documents, pièces et
renseignements dont il peut avoir besoin.
Rembourser les dépenses du mandant faites dans l’exécution de sa mission (art. 1999, al. 1, C. civ.).
Indemniser le mandataire des pertes qu’il a pu subir à l’occasion de sa mission (art. 2000, C. civ.). La jurisprudence donne de ces
pertes une conception très large.
Le contrat de mandat peut-il contenir une clause pour exclure cette indemnisation ? La jurisprudence distingue :
Si le mandat est à titre gratuit : est considérée comme nulle la clause qui limiterait ou exclurait l’art. 2000, C. civ.
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Si le mandat est salarié : licéité de la clause qui stipule que la rémunération du mandataire constitue un forfait qui inclut les pertes
éventuelles qui peuvent être connues pendant l’exercice de la mission
Art. 2003 à 2010, C. civ. (soit huit articles sur les vingt-six qui régissent le mandat).
§1 :L’extinction naturelle
§2 :L’extinction décidée
Le mandat va prendre fin prématurément par une décision unilatérale de l’une des parties :
Décidée par le mandant = révocation du mandataire
Décidée par le mandataire = renonciation du mandataire
A/La révocation
La confiance est l’âme du mandat : s’agissant d’un contrat au terme duquel une personne est chargée de décider à la place d’une autre,
la relation de confiance doit être étroite entre les deux parties.
Mais la confiance peut disparaître. Dans ce cas, le mandat ne peut pas continuer et donc il faut permettre au mandant, dès lors qu’il
n’a plus confiance dans le mandataire, de le révoquer.
Art. 2005, C. civ. : le contrat de mandat ne prendra fin qu’au moment où le mandant aura notifié sa décision au mandataire (et au tiers
avec lequel le mandataire négociait).
Art. 2004, C. civ.: le mandant peut révoquer le mandataire quand bon lui semble.
→ Révocabilité ad nutum : le mandant n’a pas de motif à donner et n’engage pas sa responsabilité lorsqu’il décide de révoquer le
mandataire (sauf à démontrer un abus dans la manière de révoquer : brutale, vexatoire…).
Le critère du mandat d’intérêt commun est généralement placé par la doctrine dans l’idée du développement d’une clientèle
commune.
Le mandataire professionnel agit au nom et pour le compte du mandat, développe une clientèle au profit du mandat. Et plus il
développe la clientèle, plus il y trouve un intérêt car il touchera beaucoup plus d’argent en cédant sa mission à un successeur.
La notion de mandat d’intérêt commun a été inventée pour infléchir le principe de libre révocation du mandataire par le mandant.
Le principe de la libre révocabilité repose sur deux piliers :
La confiance est l’âme du mandat
Le mandat est conclu dans l’intérêt exclusif du mandant
Dans le mandat d’intérêt commun, le deuxième pilier s’effondre. Il doit donc en résulter une inflexion dans le régime de la révocation
du mandataire par le mandant : parce que le premier pilier demeure, un mandat, même d’intérêt commun, peut toujours être révoqué
par le mandant. Mais parce que le deuxième pilier s’effondre, le mandant qui prend l’initiative de révoquer doit verser une indemnité
au mandataire révoqué.
B/La renonciation
Art. 2007, C. civ. : le mandataire peut mettre fin unilatéralement au contrat de mandat en y renonçant. La renonciation doit être
notifiée au mandant.
Si cette renonciation cause un préjudice au mandant, le mandataire devra l’indemniser. Néanmoins, une renonciation préjudiciable au
mandant n’engagera pas la responsabilité du mandataire s’il apparaît que le mandataire est dans l’impossibilité de continuer le mandat
sans en éprouver lui-même un préjudice considérable.
Cette possibilité pour les parties de rompre unilatéralement le contrat de mandat existe même si le mandat a été conclu pour une durée
déterminée (≠ droit commun des contrats).
§3 :L’extinction accidentelle
Puisque le mandat réside dans la confiance, il ne peut a priori pas survivre au décès de l’une des parties.
Com., 30 mai 2000 (JCP 2000, II, n°10401) : la C. cass. applique la solution du décès d’une personne physique aux personnes
morales.
Le mandant mis en tutelle ne peut plus gérer ses affaires, et pour le représenter il y a les organes de la tutelle (tuteur, conseil de
famille). Si on maintenait le mandat, on créerait alors un conflit entre le mandataire chargé de gérer les affaires du mandant et les
organes de tutelle chargés de la même mission par la loi.
On met en tutelle les personnes dont les facultés sont très gravement altérées. Si les facultés mentales du mandataire viennent à être
diminuées, la confiance sur laquelle repose le mandat ne peut survivre.
Faut-il interpréter de manière stricte l’article 2003, C. civ. qui ne vise que la mise en tutelle ?
Il n’y a pas de jurisprudence sur ce point.
Globalement la doctrine considère qu’il y a lieu d’étendre la portée de l’art. 2003, C. civ. : la mise en curatelle devrait avoir le même
effet extinctif sur le contrat de mandat.
Art. L.622-13, C. com.: nonobstant toute disposition légale, aucune résiliation ou résiliation du contrat ne peut résulter du seul fait de
l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
L’objectif de ces procédures est clair : sauvegarde, redressement. Dans cette perspective, il ne faudrait pas qu’un contrat en cours au
moment où s’ouvre la procédure, qui pourrait être utile au sauvetage, soit rompu du seul fait de l’ouverture de la procédure collective.
→ Seul l’organe qui gère l’entreprise pendant la procédure collective peut décider de mettre fin au contrat.
Le C. com. entre donc en conflit avec l’art. 2003, C. civ. qui prévoit l’extinction automatique du contrat de mandat en cas de
déconfiture : un texte spécial vient neutraliser le texte général.
→ Nonobstant l’art. 2003, C. civ., aucun contrat ne peut être éteint automatiquement du fait de la déconfiture.
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les contrats ayant pour objet la fourniture d’un service humain
Le mandat
Le mandat s’est petit à petit professionnalisé, le législateur a donc utilisé le support juridique du mandat pour réglementer l’activité de
certains professionnels : les agents d’affaire :
Agents commerciaux (art. L. 134-1, s., C. com.)
Agents immobiliers (loi Hoguet du 2 janvier 1970)
Promoteurs immobiliers (article 1831-1, s., C. civ.)
Agents de publicité (loi du 29 janvier 1993)
Agents généraux d’assurance
Agents de change et sociétés de bourse (loi du 22 janvier 1988)
Agents de voyage (loi du 13 juillet 1992)…
Ces textes spéciaux méconnaissent la notion de mandat telle qu’elle s’est construite à la fin du XIX ème siècle.
L’agent commercial est la personne qui est chargée dans un secteur géographique déterminé de distribuer les produits de l’entreprise
pour laquelle elle travaille.
L’art. L.134-1, C. com. le qualifie de mandataire expressément. Les articles suivants parlent de « mandant » pour désigner la société
pour laquelle agit l’agent de commerce : l’agent commercial agit « au nom et pour le compte » de la société.
Art. L.134-1, C. com. : l’agent commercial a pour mission de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d’achat,
de location ou de prestation de service au nom et pour le compte de producteurs, industriels ou commerçants.
La conclusion de contrats est exceptionnelle : la mission normale de l’agent commercial est de négocier.
Avant de négocier, il faut démarcher la clientèle (= mission de prospection) et vanter les mérites des produits (= mission de
promotion).
Au terme de la négociation, l’agent commercial transmet l’offre d’achat à sa société, qui va l’accepter ou non.
Le C. com. qualifie le contrat de l’agent commercial de mandat. Si c’est le cas, l’agent commercial est chargé de conclure des actes
juridiques au nom et pour le compte du mandant, puisque c’est l’objet même du mandat.
Or l’agent commercial, selon le C. com., ne fait que des actes matériels : prospecter, promouvoir, négocier.
Contradiction entre la définition du C. com. et les missions réelles de l’agent de commerce.
Art. 4, Loi du 2 janvier 1970 ; art. 9 et 10, décret d’application du 20 juillet 1972 : la mission de l’agent immobilier consiste à
s’entremettre, négocier ou conclure le contrat pour le compte de son client.
Art. 72, al. 3, décret 1972 : l’agent immobilier ne pourra conclure un contrat pour le compte de son client que si le pouvoir de le faire
lui a été exceptionnellement et expressément confié.
Contrat de promotion immobilière : contrat conclu entre un promoteur et un maître d’ouvrage par lequel le promoteur s’engage,
moyennant un prix convenu, à faire procéder à la réalisation d’un programme de construction comportant un ou plusieurs édifices.
Art. 1831-1, C. civ. (loi du 13 juillet 1972): le contrat de promotion immobilière est un contrat de mandat.
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Le promoteur immobilier a une double mission, à la fois juridique et matérielle :
Conclure des actes juridiques avec différents entrepreneurs qui vont construire l’édifice
Accomplir des actes matériels : gérer l’opération sur le plan financier, fiscal et administratif
Ces deux missions sont sensiblement égales, de sorte qu’aucune ne peux passer pour l’accessoire de l’autre.
Or, ce qui caractérise le mandat, c’est l’objet de la mission du mandataire : accomplir des actes juridiques. Les actes matériels doivent
rester accessoires par rapport à la mission juridique.
Qualifier le contrat de promotion immobilière de mandat revient à dénaturer le mandat.
Dans les réglementations spéciales du mandat, on voit le législateur méconnaître, déformer la notion de mandat.
Peut-être que la conception que le Code civil a du mandat est imparfaite…
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les contrats ayant pour objet la fourniture d’un service humain
Le mandat
Il s'agit de faire produire à ce qui est une apparence de mandat les mêmes effets qu'un véritable mandat : la personne n'est pas
habilitée à passer les actes juridiques au nom et pour le compte du mandant, mais l'on va faire « comme si ».
Dépassement de pouvoir
C’est l'hypothèse la plus fréquente : le mandataire accompli un acte juridique qui va au-delà des pouvoirs qui lui sont conférés par le
mandat. Il n'est pas habilité à passer l'acte. A partir du moment ou le mandataire dépasse ses pouvoirs il n'y a plus mandat, mais il y a
apparence de mandat au mieux.
La théorie du mandat apparent va consister à faire produire à ce qui n'est qu'une apparence les mêmes effets que la réalité : l'acte
juridique passé par un mandataire qui ne l'est plus, ou par un mandataire allant au-delà de ses pouvoirs va engager le mandant comme
s'il y avait un véritable mandat.
Le Code civil n'évoque pas la question du mandat apparent. C'est une théorie inventée par la jurisprudence pour répondre à un besoin
pratique qui n'avait pas été perçu à l'époque.
La théorie du Code civil, c'est l'inefficacité totale du mandat apparent : c'est ce qui ressort de l'art. 1998, al. 2, C. civ. Pour les
rédacteurs du Code civil, le mandant ne peut être engagé par les actes juridiques passés par le mandataire à son profit qu'à la condition
que le mandataire ait agit dans la limite de ses pouvoirs.
Art. 1998, C. civ. : le mandant n'est tenu de ce qui a été fait au-delà qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement.
Si le mandataire a été révoqué, ou s'il dépasse ses pouvoirs, il n'y a pas mandat, et le mandant n'est pas engagé par ces actes
juridiques accomplis dans ces conditions, sauf s’il le veut bien, a posteriori, en ratifiant l'acte passé. A défaut de ratification exprès ou
tacite, le mandant n'est pas engagé par ce qui a pu être fait par un pseudo mandataire.
Si on se met à la place du tiers contractant cette position du Code implique pour lui d'entreprendre systématiquement une double
vérification :
Existence d'un mandat : le tiers devra vérifier que celui avec qui il traite est réellement un mandataire. Il faudra vérifier qu'il n'y a
pas de défaut total de pouvoir
Limite des pouvoirs : il faudra vérifier que l'acte juridique passé avec lui rentre à l'intérieur des pouvoirs que le mandant a confié
au mandataire
S'il s'avère après coup que le contrat passé avec le mandataire, a été passé en contravention au mandat, ou avec une personne qui
n'était pas mandatée, le contrat n'engagerait pas le mandant.
Or, cette double vérification prend du temps. Il y a donc là un facteur notable de ralentissement du commerce juridique. Ceci est
apparu assez vite radicalement incompatible avec les besoins de la pratique des affaires.
Il faut que l'on puisse conclure vite des contrats sans qu'ils puissent être remis en cause par la suite conflit entre une donnée
juridique (art. 1998, al. 2, C. civ.) et une donnée pratique (qui impose la rapidité et la célérité dans la vie des affaires).
C'est à la jurisprudence de répondre aux besoins de la pratique, donc c'était à elle de s'efforcer de satisfaire ce double besoin pratique
de célérité et de sécurité en faisant produire à certaines apparences de mandat les effets du mandat, en dépit de l'art. 1998, C. civ.
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Mais le problème c'est que cette construction, nécessaire à la satisfaction des exigences pratiques, est délicate pour le juge car ce sera
forcément une construction contra legem.
Le juge, dans un premier temps, n'a pas osé dire de but en blanc qu'une simple apparence de mandat produisait les mêmes effets qu'un
véritable mandat, car ce serait aller directement à l'encontre de ce qu'énonce l'art. 1998, al. 2 C. civ.
Le juge a cherché à trouver une justification textuelle à la théorie du mandat apparent. Il s'est alors tourné vers les mécanismes de
responsabilité civile des art. 1382 et 1383, C. civ.
Le raisonnement de la jurisprudence fut le suivant : qui dit responsabilité délictuelle, dit nécessité d'une faute, d'un préjudice, et d'un
lien de causalité :
La faute
Ce peut être une faute du mandant prétendu, qui consiste à avoir laissé se créer une apparence trompeuse de mandat en choisissant
mal son mandataire, ou à l'avoir mal surveillé. Cette faute est à l'origine de la création d'une apparence de mandat qui va tromper les
tiers.
Le préjudice subi par le tiers contractant
Le tiers a cru traiter avec quelqu'un qui était un véritable mandataire. Il a cru passer un acte juridique efficace le liant au mandat et ce
n'est pas le cas.
Le lien de causalité
Il est évident que le préjudice du tiers contractant est causé par la faute du mandat : c'est parce que le mandant a laissé se créer une
apparence trompeuse que le préjudice est né.
Les trois conditions de la responsabilité délictuelle sont nées. Il est donc concevable que le tiers contractant introduise une action en
responsabilité contre le prétendu mandant sur le fondement des art. 1382 et 1383, C. civ.
L'effet de l'action en responsabilité aboutira à la condamnation du responsable à réparer le dommage subi par la victime. Il y a deux
formes de réparation du dommage, avec d'une part la réparation pécuniaire, et la réparation en nature, consistant à effacer le
dommage.
Dans ce contexte il est évident que pour que le mandat apparent produise les mêmes effets qu'un véritable mandat il fallait pouvoir
identifier à chaque fois une faute susceptible d'être imputée au mandant. Or il y avait là une limite sérieuse à l'efficacité du mandat
apparent. Cette limite était trop étroite et le juge a pris un certain nombre de libertés avec cette limite.
Dans certaines espèces, où le juge avait décidé de faire jouer le mandat apparent, la faute était inventée à l'encontre du prétendu
mandant. Si le fondement sur lequel repose la théorie du mandat apparent doit être déformé pour qu'elle soit appliquée, c'est que ce
fondement n'est peut être pas le bon.
La jurisprudence a donc fait évoluer son analyse.
La naissance de la théorie du mandat apparent est Ass. Plén. 13 décembre 1962 (Dalloz 1963, page 277).
Cet arrêt fondamental est structuré en trois propositions qui s'emboîtent les unes dans les autres.
Le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent même en l'absence d'une faute susceptible de lui être
reprochée .../...
C'est la partie destructrice de l'arrêt d'assemblée plénière. Le système antérieur est détruit, car la théorie peut s'appliquer sans faute,
alors que la faute était le fondement précédent.
Les circonstances devaient autoriser le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ses pouvoirs
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Il s'agit ni plus ni moins que la bonne foi. Le tiers contractant a cru qu'il traitait avec un mandataire dûment habilité, et il se trouve
qu'en réalité c'est le contraire. Mais pour déclencher l'efficacité du mandat apparent on ne peut pas se contenter de cette simple bonne
foi du tiers, car il a pu être particulièrement crédule, et n'importe qui aurait peut être pu se rendre compte du problème.
Sa bonne foi doit être colorée, sa croyance doit être légitime. La croyance sera légitime quand les circonstances autorisaient le tiers à
ne pas vérifier les limites exactes du pouvoir du mandataire.
Elément juridique
Il consiste en le fait que, dès lors que les circonstances de l'espèce révèlent une apparence suffisamment persuasive, il résulte de cet
élément matériel une conséquence juridique : le tiers contractant est dispensé de vérifier les pouvoirs du mandataire car sa croyance
est légitime.
Il y aura croyance légitime du tiers contractant lorsque celui-ci est de bonne-foi et est excusable de s'être fié à l'apparence, de s'en être
tenu à l'apparence, sans rechercher la réalité parce que les circonstances de l'espèce révélaient une apparence suffisamment forte.
Désormais, depuis 1962, lorsque le juge veut donner une application au mandat apparent, il applique cette technique.
On ne cherche plus une justification technique extrinsèque à la théorie du mandat apparent. Si l'apparence produit les mêmes effets
que la réalité, c'est parce que l'apparence est suffisamment forte. Donc la justification n'est plus recherchée ailleurs que dans
l'apparence elle-même, c'est pourquoi on parle d'autonomie de la théorie du mandat apparent.
Donc en droit, l'apparence a, en elle-même, un pouvoir créateur de droit. Il y a une efficacité juridique propre à l'apparence.
Par la suite la Cour de cassation a affirmé que l'application de la théorie du mandat apparent n'est pas une question de fait mais une
question de droit, ce qui permet un contrôle (1967). Les juges du fond sont souverains pour apprécier les circonstances de l'espèce,
mais la qualification de la croyance légitime est une question de droit contrôlée par la Cour de cassation. Les solutions vont donc être
unifiées.
Ensuite, la Cour de cassation a étendu le domaine de la théorie du mandat apparent fondée sur la croyance légitime. L'arrêt de 1962
intervenait dans une espèce ou le mandataire avait dépassé ses pouvoirs.
Les espèces que la Cour a eues à connaître après 1962 concernaient également les hypothèses de mandataires ayant dépassé leurs
pouvoirs. Pouvait-on appliquer la même solution lorsqu'il y avait un défaut total de pouvoir du mandataire ?
Ass. Plén., 29 avril 1969 (3 espèces) : l'application est étendue au défaut total de pouvoir du mandataire.
En consacrant en 1962 l'autonomie du mandat apparent, la Cour voulait permettre à cette théorie de s'appliquer plus facilement
qu'auparavant ou elle était subordonnée à l'existence d'une faute. Il fallait faire produire plus souvent à une simple apparence de
mandat les mêmes effets qu'un véritable mandat.
Pourquoi la Cour de cassation a-t-elle opté en faveur de ce choix de politique juridique, qui n'est pas le même que celui du Code
civil ?
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Le Code, à travers l'art. 1998, al. 2, faisait un choix de politique juridique très clair : la protection du mandant. Il n'y a pas de raison
que le mandant soit engagé par des actes juridiques qu'il n'a pas habilité qui que ce soit d'autre à faire à sa place.
La Cour de cassation, en modifiant le fondement du mandat apparent, cherchait au contraire à faire jouer plus souvent la théorie du
mandat apparent. Derrière cela il y a un autre choix de politique juridique : la protection du tiers contractant.
Le problème, c'est que ces deux intérêts sont irréductiblement antagonistes : si l'on choisit de protéger les intérêts du mandant, on va
refuser de faire produire à une simple apparence de mandat les mêmes effets qu'à un véritable mandat.
Aujourd'hui on fait jouer plus facilement la théorie, au détriment du mandant apparent qui se trouve engagé dans un acte juridique
dont il ne voulait pas. On ne peut pas satisfaire les deux intérêts à la fois.
La Cour a fait un autre choix que le Code civil. Qu'est-ce qui explique ce déplacement complet ? Car les intérêts du tiers contractant
sont compréhensibles, mais on comprend aussi bien la légitimité des intérêts du mandant apparent. Les deux intérêts sont aussi
respectables l'un que l'autre :
D'un côté il y a l'intérêt du mandant, qui plaiderait en faveur de l'inefficacité du mandat apparent.
De l'autre côté il y a l'intérêt individuel du tiers contractant qui conduit à l'efficacité du mandat apparent. Il y a aussi de ce côté
l'intérêt général.
L'intérêt général est d'assurer la rapidité et la sécurité des transactions. On ne peut pas contraindre toute personne traitant avec un
mandataire de faire la double vérification. C'est la raison pour laquelle le plateau de la balance penche en faveur de l'efficacité du
mandat apparent.
A côté de la théorie du mandat apparent il existe la théorie de la propriété apparente. C’est lorsque quelqu'un se présente comme le
propriétaire d'une chose et propose de conclure un contrat. En réalité cette personne n'est pas propriétaire de la chose. L'acheteur
pense avoir affaire à un véritable propriétaire. Lorsque l'apparence est suffisamment forte, le contrat passé par le faux vendeur sera
pleinement valable et efficace.
Mais pour les immeubles, le critère déclenchant est l'erreur commune. Le tiers contractant doit être victime d'une erreur commune :
n'importe qui dans les mêmes circonstances se serait fait piéger, car il était presque impossible de découvrir derrière l'apparence la
réalité
Ex. legs d'un immeuble à un héritier, qui vendra l'immeuble, alors qu'un testament plus récent et non encore découvert transmettait
l'immeuble à un autre héritier.
Mais le critère de l'erreur commune est plus exigeant que celui de la croyance légitime.
L'erreur commune est presque une erreur invincible, et le tiers contractant, même soupçonneux, ne pourrait pas trouver la réalité
derrière l'apparence avec une erreur commune.
Pour la croyance légitime c'est différent car si le tiers avait entrepris des recherches, il aurait trouvé la réalité derrière l'apparence,
mais il est excusé de s'en être tenu à l'apparence.
Quelle est la raison de cette différence ? Il s'agit de satisfaire les besoins de rapidité et de célérité des échanges pour la théorie du
mandat apparent.
Pour la propriété apparente, elle joue à propos des ventes d'immeubles, car pour les ventes mobilières il y a la présomption de l'art.
2279, C. civ.
Ce qui caractérise les ventes d'immeubles c’est leur lenteur.
De plus on ne peut pas, pour des raisons financières (emprunts) et des raisons juridiques (date de réitération prévue), envisager une
mise en oeuvre de l'apparence de propriété les mêmes effets que celle de l'apparence du mandat, car on a le temps d'entreprendre des
vérifications.
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les contrats ayant pour objet la fourniture d’un service humain
Le contrat d’entreprise
Le Code civil parle de louage d'ouvrage, et n'utilise jamais le terme de contrat d'entreprise. Le basculement dans l'appellation s'est
produit à la fin XIXe et au début du XXe siècle.
C'est à la même époque charnière qu'un autre contrat a changé de nom et qu'est apparu le terme de contrat de travail, car le Code civil
utilise le terme de contrat de louage de service (de gens de travail).
Art. 1710, C. civ. : c'est le contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre moyennant un prix convenu
entre elles.
C'est une définition assez imprécise du contrat d'entreprise qui ne correspond pas à la définition qu'on en retient aujourd'hui.
En réalité, cette définition est comprise assez bien quand elle est confrontée à celle du mandat (contrat par lequel une personne donne
à une autre le pouvoir de faire quelque chose au nom et pour le compte du mandant).
La différence c'est que, dans le contrat d'entreprise, la prestation s'effectue moyennant un prix, alors que dans l'esprit des rédacteurs du
Code le contrat de mandat était gratuit.
A partir du moment ou l'on a transformé la définition du contrat de mandat, cette transformation a eu une incidence sur le contrat
d'entreprise.
La définition actuelle est très différente : c'est le contrat par lequel une personne, l'entrepreneur, s'engage envers une autre personne,
le client ou le maître de l'ouvrage, à effectuer de façon indépendante et sans représentation un travail consistant en l'accomplissement
d'actes matériels moyennant rémunération.
Indépendance de l’entrepreneur
L'entrepreneur s'engage à accomplir pour son cocontractant un travail de manière indépendante. Ce critère permet de distinguer le
contrat d'entreprise du contrat de travail qui prévoit la subordination juridique entre le salarié et l'employeur.
Soc. 13 novembre 1996 (JCP E 1997, II, 911) : la subordination caractérisant le contrat de travail est caractérisée par l'exécution d'un
travail accompli sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution, et de
sanctionner les manquements de son subordonné ; le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de
subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.
Ce qui caractérise le lien de subordination, c'est le pouvoir de l'employeur de donner des ordres, mais quelquefois la caractérisation de
ce lien sera plus souple lorsqu'il y a une simple intégration à l'outil de travail. Un salarié peut donc jouir d'une grande indépendance
dans l'exercice de sa mission, mais dès lors qu'il exécute son travail dans une organisation collective le lien de subordination peut être
caractérisé.
Art. 1787, C. civ. : lorsqu’on charge quelqu’un de faire un ouvrage [= contrat d’entreprise] on peut convenir qu’il fournira seulement
son travail ou son industrie, ou bien qu’il fournira aussi la matière.
Dans l’hypothèse où l’entrepreneur fournit son travail mais aussi la matière sur laquelle il va effectuer le travail, la distinction contrat
d’entreprise / de vente est délicate car on peut hésiter entre deux qualifications :
Vente de chose future
Contrat d’entreprise
On a besoin ici d’un critère de distinction. La jurisprudence a évolué.
Dans un premier temps elle utilisait un critère économique qui consistait à comparer la valeur respective du travail et de la matière :
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Si c’est la valeur de la matière qui l’emporte, le contrat est une vente
Si c’est la valeur du travail qui l’emporte, c’est un contrat d’entreprise
La rémunération de l’entrepreneur
Cela permet de distinguer le contrat d’entreprise de la convention d'entraide (contrat sui generis).
Il y a contrat d’entreprise dès lors qu’une personne accomplit des actes matériels (manuels ou intellectuels) au profit d’une autre
moyennant rémunération extraordinaire diversité de contrats d’entreprise.
Le contrat d'entreprise revêt donc une grande importance pratique. C'est un des trois plus grands contrats spéciaux. Cette diversité
implique une adaptation du régime.
La rencontre des volontés obéit aux règles de droit commun des contrats : consentement, objet, cause...
Sur quels éléments la volonté des parties doit-elle se rencontrer ? La réponse classique est : sur les éléments essentiels du contrat :
Nature du travail que doit accomplir l'entrepreneur
Ex. 1ère civ., 28 novembre 2000 (Contrat concurrence consommation 2001, n°38) : un accord sur le montant exact de la rémunération
n'est pas un élément essentiel du contrat d'entreprise un contrat d'entreprise dont le prix n'est pas déterminé ou déterminable est
valable.
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Justification : pour pouvoir évaluer le prix que devra payer le client, il faut souvent attendre que l'entrepreneur ait exécuté le travail.
Cela étant, il est bien entendu permis aux parties de fixer dès le départ le montant de la rémunération ou de désigner les éléments
objectifs à partir desquels le prix sera défini.
Concernant les contrats d’entreprise conclus entre un entrepreneur professionnel et un client consommateur l'art. L.113-3, C. conso.
exige que l'entrepreneur porte à la connaissance du consommateur le prix qu'il réclame par voie de marquage, étiquetage, affichage,
ou tout autre procédé approprié.
Cette règle paraît difficile à concilier avec celle de l’indétermination du prix. Mais si l’entrepreneur ne respecte pas cette règle, la
sanction qu’il encourt n’est que de nature pénale (amende) : cela n’affecte en rien la validité du contrat d’entreprise passé avec le
client.
Il existe une obligation principale et constante, d'accomplir le travail promis, plus des obligations complémentaires et casuelles.
a)Le contenu
Le contrat d'entreprise a un champ d'application très vaste, il recouvre des activités manuelles ou intellectuelles. La question qui se
pose est de savoir si l'obligation d'accomplir le travail promis est une obligation de moyens ou de résultat. La réponse varie, à cause de
la diversité des missions confiées à l'entrepreneur.
Il faut d'abord vérifier si les parties n'ont pas exprimé leur volonté expressément, quant à la nature de l'obligation de l'entrepreneur.
Mais la plupart du temps, les parties restent muettes sur ce point.
Il faut alors recourir aux critères qui permettent de déterminer de qu'a été la volonté des parties :
Aléa : l'obtention du résultat présente-t-il un caractère aléatoire ?
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Cet aléa s'entend d'un aléa subjectif : est-ce que dans l'esprit des parties, le résultat présentait un aléa ?
Si ce créancier doit jouer un rôle actif dans l'obligation, c'est que le débiteur n'a pas l'entière maîtrise du résultat, donc le résultat
est aléatoire
Si le créancier a un rôle passif, le résultat n'est pas aléatoire
Activité de l’entrepreneur
Activité intellectuelle : l'obligation d'accomplir le travail promis, est une obligation de moyens
Activité manuelle :
Si l'entrepreneur fournit son travail et la matière, l'obligation est de résultat car il a une maîtrise complète du processus
Si l'entrepreneur fournit uniquement son travail, qui va porter sur une chose que le client lui a remise, l'obligation est de
moyens renforcée si le client estime que le travail n'a pas été fait correctement, il n'a pas à prouver la faute : la faute
est présumée. Mais c'est une présomption simple : l'entrepreneur peut s'exonérer en démontrant qu'il n'a pas commis de
faute.
b) Mode d’exécution
Si on s'en tient au droit commun des contrats, il n'y a pas de rapport juridique entre le sous-traitant et le client : ce sont des tiers l'un
par rapport à l'autre. En réalité, la sous-traitance fait l'objet d'une réglementation spéciale issue d'une loi du 31 décembre 1975.
Cette loi attribue au sous-traitant une action contractuelle directe contre le maître de l'ouvrage pour lui permettre d'obtenir le paiement
de ce que lui doit l'entrepreneur principal.
Condition pour pouvoir exercer cette action directe : il faut que le sous-traitant ait été agréé par le maître de l'ouvrage.
Procédure : le sous-traitant doit adresser une mise en demeure à l’entrepreneur principal. Si cette mise en demeure reste vaine durant
un mois, le sous-traitant peut introduire l'action directe contre le maître de l'ouvrage.
Double limite : le sous-traitant ne peut pas réclamer au maître de l’ouvrage :
Plus que ce que son propre débiteur (l'entrepreneur principal) lui doit
Plus que ce qui celui-ci doit à son propre créancier
Décès de l'entrepreneur
Art. 1795, C. civ. : extinction du contrat d'entreprise.
Il pourrait en aller différemment à deux conditions :
Que le contrat ne soit pas conclu intuitu personae
Que les héritiers de l'entrepreneur décédé soient capables de continuer le travail
Obligation de sécurité
Art. L.221-1, C. conso. : les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement
prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des
personnes.
La jurisprudence est assez flottante quant au régime de cette obligation : moyens ou résultat ?
Le moment du paiement
Principe : date prévue par le contrat.
Lorsque les parties n'ont rien stipulé on admet que le prix doit être payé à l'achèvement du travail.
Si le travail porte sur une chose, le prix sera plus précisément exigible au moment de la réception (la réception est l'acte juridique
unilatéral par lequel le maître de l'ouvrage reconnaît l'exécution satisfaisante par l'entrepreneur de ses obligations).
Le destinataire du paiement
Principe : l'entrepreneur.
Dans deux hypothèses il existe une action directe contre le maître d’ouvrage au bénéfice d’une partie tierce :
Contrat d'entreprise ayant pour objet la construction d'un ouvrage
Art. 1798, C. civ. : confère aux « maçons, charpentiers et autres ouvriers » une action directe contre le maître de l'ouvrage lorsqu'ils
n'ont pas été payés par l'entrepreneur principal.
Les salariés de l’entrepreneur qui n’auraient pas été payés vont pouvoir agir contre le maître de l’ouvrage, qui paiera les salariés
impayés prioritairement.
= obligation de retirement
La sanction n'est applicable que lorsque le travail à accomplir a pour objet une chose mobilière.
A l'expiration d'un délai d'un an (six mois si c'est une automobile) à compter du jour où aurait dû être effectuée la livraison,
l'entrepreneur peut demander au juge de faire vendre la chose et de se faire payer sur le prix.
Dans une large mesure, ces sanctions sont celles du droit commun des contrats.
A/ L’exécution forcée
La mise en jeu de la responsabilité contractuelle d’un contractant s’opère dans des conditions différentes selon la nature de
l’obligation inexécutée.
L’obligation de l’entrepreneur d’accomplir le travail promis est d’intensité variable : tantôt obligation de résultat, tantôt obligation de
moyens renforcée, tantôt obligation de moyen selon les cas, la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur sera une responsabilité
pour faute prouvée, pour faute présumée ou de plein droit.
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les contrats ayant pour objet la fourniture d’un service humain
Le contrat d’entreprise
Le contrat d'entreprise a un domaine très large et recouvre des activités diversifiées qui ont souvent peu de choses en commun les
réglementations spéciales pullulent.
Une étude exhaustive de ces réglementations spéciales est impossible étude du contrat d'entreprise ayant pour objet la construction
d'un immeuble.
La philosophie de ces règles est de protéger le maître de l'ouvrage car, souvent, cette construction a pour lui une importance
considérable (il s'endette...).
Le problème principal qui se pose en matière de construction immobilière est la malfaçon. Pour protéger le maître de l’ouvrage qui se
trouverait face à un tel problème, le législateur a mis en place un régime particulier de responsabilité des constructeurs : art. 1792 à
1792-6, C. civ. (insérés par la loi du 4 janvier 1978).
La responsabilité encourue par le constructeur est une responsabilité de plein droit : il suffit que le maître de l’ouvrage signale une
malfaçon dans la construction pour qu'automatiquement la responsabilité du constructeur soit engagée.
Le constructeur ne pourra s'exonérer que par force majeure.
Ce régime de responsabilité de plein droit est d'ordre public : les parties ne peuvent stipuler une clause tendant à alléger la
responsabilité du constructeur.
De plus, la notion de constructeur est vaste : elle désigne toute personne ayant passé avec le maître d'ouvrage un contrat d'entreprise
ayant pour objet la construction de l'immeuble
L'action en responsabilité contractuelle peut être exercée durant un délai de dix ans à compter de la réception des travaux.
Les malfaçons qui relèvent du domaine de ces garanties ne peuvent être sanctionnées que sur le fondement des art. 1792, s., C. civ. :
pas possible d’agir sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle.
Par contre, si la malfaçon n'entre pas dans le champ d'une de ces trois garanties ( = vice intermédiaire, tel qu'un élément constitutif de
la construction, mais qui ne compromet pas la solidité de l'ouvrage), le maître de l’ouvrage peut agir contre le constructeur sur le
fondement du droit commun (art. 1147, C. civ.).
Ce régime est tellement rigoureux que la loi impose aux constructeurs l'obligation de souscrire une assurance professionnelle (art.
L.241-1, C. assurances).
Conditions de la protection
Il faut être en présence d'un propriétaire d'un terrain qui commande à un constructeur la construction d'un immeuble sur ce terrain. Si
le constructeur fournit le terrain et la construction les règles qui s'appliquent sont celles relatives à la vente en l'état futur d'achèvement
(VEFA).
L'immeuble commandé doit être à usage d'habitation.
Enfin, le maître de l'ouvrage doit être non-professionnel.
Contenu de la protection
L'art. L.271, C. construction et habitation distingue :
Contrat est passé sous seing privé
Le maître d'ouvrage dispose d'une faculté de rétraction qu'il peut exercer dans les sept jours.
Marché à forfait = contrat d'entreprise dans lequel le prix est d’ores et déjà déterminé dès la conclusion du contrat l'entrepreneur ne
peut répercuter sur le client une éventuelle hausse de ses coûts.
Art. 1793, C. civ. : lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan
arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation
de la main-d'œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan si ces changements ou
augmentations n'ont pas été autorisés par écrit et le prix convenu avec le propriétaire.
La dernière hypothèse envisagée par cet article est celle des travaux supplémentaires.
Si cet article n'existait pas, l'entrepreneur pourrait demander un prix supplémentaire pour ces nouveaux travaux. Ces travaux
supplémentaires seraient réalisés dans le cadre d'un nouveau contrat d'entreprise, l'entrepreneur pourrait exécuter les travaux et
adresser ses factures au maître d'ouvrage. Ces règles sont donc écartées par l'art. 1793, C. civ.
Ces règles ne concernent que la construction et non pas les travaux d'aménagement d'un bâtiment déjà existant.
Les juges font une interprétation stricte du texte : les exceptions au droit commun sont toujours d'interprétation stricte.
En cas de travaux supplémentaires, le nouveau contrat d'entreprise doit être passé par écrit (art. 1793, C. civ.). Cet écrit doit indiquer
les travaux supplémentaires demandés et leur prix.
Si l'entrepreneur effectue les travaux supplémentaires sans l'accord écrit du maître de l’ouvrage, il ne pourra pas en réclamer le
paiement, alors même que ces travaux auraient été effectués au vu et su du maître de l'ouvrage.